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-The Project Gutenberg eBook of Jésus, by Jean Aicard
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
-most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
-of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you
-will have to check the laws of the country where you are located before
-using this eBook.
-
-Title: Jésus
-
-Author: Jean Aicard
-
-Release Date: September 23, 2022 [eBook #69031]
-
-Language: French
-
-Produced by: Laurent Vogel (This book was produced from images made
- available by the HathiTrust Digital Library.)
-
-*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK JÉSUS ***
-
-
-
-
-
- Jean Aicard
-
- JÉSUS
-
-
- PARIS
- ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR
- 26, RUE RACINE, 26
-
-
-
-
-[Illustration]
-
-
-
-
-A
-
-MON GRAND-PÈRE
-
-JACQUES AICARD
-
-MORT
-
-LE 29 SEPTEMBRE 1872
-
-
-
-
-A MON GRAND-PÈRE
-
-
- Avant d’aller dormir près de toi dans la terre,
- J’ai voulu, pour ta joie, écrire ce _Mystère_,
- Tel un pâtre ignorant, sur un morceau de bois,
- De son couteau grossier sculpte un Jésus en croix,
- Et j’ai fait ce travail, où se complut mon âme,
- Grand-père, en souvenir de cette belle flamme
- Que mon regard surprit vivante au fond du tien,
- Quand, tourné vers l’Espoir, tu mourus en chrétien.
-
-27 juillet 1895.
-
-
-
-
-LES PÈLERINS
-
-PRIÈRE DANS LE SOIR
-
-
- Vers Emmaüs, à l’heure où la clarté finit,
- Lentement,--ils devaient marcher soixante stades,--
- Deux hommes cheminaient, causant en camarades...
- Une Ombre, qui venait derrière eux, les joignit.
-
- Disciples de Jésus, ils parlaient de leur maître
- Que Magdeleine et Jean croyaient ressuscité.
- Une Ombre maintenant marchait à leur côté.
- C’était Jésus, mais rien ne le faisait connaître.
-
- Il leur dit: «De quoi donc parliez-vous en marchant?
- Et pourquoi semblez-vous si tristes, pauvres hommes?»
- «Tristes, lui dirent-ils, tristes, oui, nous le sommes!»
- Et le son de leur voix était grave et touchant.
-
- «Es-tu donc tellement étranger à la Ville,
- Que tu ne saches pas notre malheur récent?
- Jésus de Nazareth, un prophète puissant,
- Depuis trois jours à peine est mort d’une mort vile.
-
- «Les sacrificateurs, les docteurs de la Loi,
- Nos magistrats, l’ont tous condamné. Quelle honte
- ... Mais, toi, reste avec nous parce que la nuit monte...
- Inconnu, nous aimons à causer avec toi.»
-
- Or, depuis un instant, leurs paroles funèbres
- Retombaient sur leur cœur, dans la nuit, lourdement
- Un deuil affreux venait sur eux, du firmament;
- En eux, comme autour d’eux, tout n’était que ténèbres
-
- Et dans l’abandon triste où les laissait le jour,
- Vainement ils cherchaient, au ciel vide, une étoile;
- Ils voyaient l’étranger comme à travers un voile,
- Mais ils sentaient en lui comme un attrait d’amour.
-
- S’il s’éloignait un peu, leur cœur, empli de troubles,
- Aussitôt amoindri, défaillait et pleurait...
- S’il se rapprochait d’eux, tout contents en secret,
- Ils se sentaient monter au cœur des forces doubles.
-
- C’était alors en eux comme un flot de chaleur,
- Le doux rayonnement d’une intime lumière;
- Ils ne comprenaient plus leur détresse première
- Ni pourquoi le chemin leur devenait meilleur.
-
- Et les deux pèlerins que le Spectre accompagne
- Répétaient à Celui que l’on ne peut pas voir:
- «Reste avec nous, Seigneur, parce que c’est le soir
- Et notre angoisse croît dans la nuit qui nous gagne.»
-
- Or, Christ, ressuscité depuis dix-huit cents ans,
- Vient de mourir encor, mais d’une mort tout autre;
- Et dans ce siècle obscur il a plus d’un apôtre
- Et plus d’un pèlerin dans les doutes présents.
-
- Nos Scribes, attachés à la lettre du Livre,
- Par sottise les uns, d’autres par intérêt,
- N’ont plus ni les rigueurs ni l’amour qu’Il aurait;
- Mais dans la nuit qui vient nous le sentons revivre.
-
- Il vit. La nuit immense a beau venir sur nous,
- Ténèbres de l’esprit qui nie et qui calcule,
- Nous avons beau sentir, dans l’affreux crépuscule,
- Défaillir à la fois nos cœurs et nos genoux;
-
- Chacun de nous revoit, dans la nuit de son âme
- Ce fantôme divin, pur esprit, noble chair,
- Qui nous a fait tout homme et tout enfant plus cher,
- Notre mère plus tendre et plus douce la femme.
-
- Chacun de nous le voit, le doux spectre voilé,
- Luire ineffablement dans l’ombre intérieure,
- Dans l’ombre aussi qui tombe, en cette mauvaise heure
- Du vide qui, jadis, fut un ciel étoilé.
-
- A son charme infini qui de nous se dérobe?
- Ignorant ou savant, qui donc est bon sans lui?
- Tous les astres sont morts qui pour d’autres ont lui,
- Mais nous sommes frôlés des lueurs de sa robe.
-
- Là-bas, derrière nous, l’affreuse Ville en deuil,
- Dressant sur le ciel rouge, en noir, les toits du Temple,
- La hautaine cité du crime sans exemple,
- Nous envoie en rumeurs les cris de son orgueil.
-
- C’est un bruit d’or tintant sous de hauts péristyles,
- C’est l’appel des soldats veillant sur les remparts;
- Et le monde ébranlé craque de toutes parts
- Sous le riche oublieux des mendiants hostiles
-
- Mais en nous, contre nous, nous avons un recours,
- C’est la bonté, c’est la pitié, c’est l’Évangile:
- Nous sentons tout le reste incertain et fragile.
- Le ciel est vide et noir; et c’est la fin des jours;
-
- Mais le spectre d’un Dieu marche encor dans nos routes
- Avec sa forme humaine au sens mystérieux.
- Nos chemins effacés s’éclairent de ses yeux,
- Et sa blancheur nous guide à travers tous les doutes.
-
- Oh! puisque la nuit monte au ciel ensanglanté,
- Reste avec nous, Seigneur, ne nous quitte plus, reste!
- Soutiens notre chair faible, ô fantôme céleste,
- Sur tout notre néant seule réalité!
-
- Ta force heureuse rentre en notre âme plaintive
- Et même les tombeaux sont clairs de tes rayons...
- Toi par qui nous aimons, toi par qui nous voyons,
- Reste avec nous, Seigneur, parce que l’ombre arrive!
-
- Seigneur, nous avons soif; Seigneur, nous avons faim
- Que notre âme expirante avec toi communie
- A la table où s’assied la Fatigue infinie,
- Nous te reconnaîtrons quand tu rompras le pain.
-
- Reste avec nous, Seigneur, pour l’étape dernière;
- De grâce, entre avec nous dans l’auberge des soirs...
- Le Temple et ses flambeaux parfumés d’encensoirs
- Sont moins doux que l’adieu de ta sourde lumière.
-
- Les vallons sont comblés par l’ombre des grands monts
- Le siècle va finir dans une angoisse immense;
- Nous avons peur et froid dans la mort qui commence...
- Reste avec nous, Seigneur, parce que nous t’aimons.
-
-
-
-
-JÉSUS
-
-
-I
-
-LES BERGERS DANS LA MONTAGNE
-
-UN VIEUX BERGER.
-
- Bonjour, berger.
-
-UN JEUNE BERGER.
-
- Bonjour.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Connais-tu la nouvelle?
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Te moques-tu de moi? Sur ce coteau perdu,
- Nos troupeaux sont muets. Pas un agneau ne bêle,
- Le silence est partout. Je n’ai rien entendu.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Trois amis m’ont conté, trois vieux pasteurs de chèvres,
- Qu’ils ont vu dans le ciel un ange, cette nuit;
- Il leur a dit, parlant, comme toi par tes lèvres:
- «Le Messie est né!»
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- L’ange aura parlé sans bruit...
- Et pour moi je n’ai vu que deux blanches nuées.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Oui, les ailes de l’ange.
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Il ne m’a point parlé.
- Mes oreilles, au grand silence habituées,
- Sauraient si même un cri d’oiseau l’avait troublé.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Tu n’as rien entendu?
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Pas même les chouettes.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Tu n’as rien vu?
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Là-haut, toujours au même lieu,
- Les constellations qui parlent en muettes.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Je t’annoncerai donc la naissance d’un Dieu.
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Je n’en connais qu’un seul. C’est celui de Moïse.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Un autre vient de naître; un meilleur, un plus doux.
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Parle, vieux! je t’écoute avec peine et surprise:
- La vieillesse radote. On respecte les fous.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Ne ris pas! Ce Seigneur est né dans une étable.
- Comme il fait froid, un âne, un bœuf, soufflent dessus.
- Ils l’aiment, devinant qu’il sera charitable,
- Et c’est un messager de Dieu nommé Jésus.
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Dieu, c’est un Salomon, compère, un vieux monarque:
- Il a des légions, des trônes et de l’or;
- Un envoyé du ciel porterait mieux sa marque
- Et viendrait sous l’éclair au sommet du Thabor.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Pense comme tu veux; moi, je crois aux prophètes.
- Je vais à Bethléem, pour voir ce nouveau-né.
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Mais... si je te suivais, qui garderait nos bêtes?
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Le Dieu par qui l’enfant nouveau nous est donné.
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Eh bien... je vais te suivre.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Iras-tu la main vide?
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Toi, que lui portes-tu?
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Moi, je suis pauvre, ami:
- Pas un seul n’est à moi des moutons que je guide,
- Et j’en suis si fâché que je n’ai pas dormi.
- Mais je compte, n’ayant à moi brebis ni laine,
- Pour l’enfant qui nous vient tout nu comme un oiseau,
- Dans la flûte que j’ai souffler à perdre haleine,
- Et mettre tout mon cœur dans ce pauvre roseau...
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Et moi j’égorgerai mes deux jeunes colombes,
- Si ta nouvelle est vraie, en l’honneur de ton Dieu!
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Mon Dieu... fera sortir, frère, les morts des tombes;
- Rien ne doit plus périr par le fer ou le feu.
- Porte-lui des agneaux vivants: il les caresse.
- Porte-lui des ramiers: il les baise en pleurant.
- Mais déjà le bœuf, l’âne, ont connu sa tendresse...
- Partons vite: un Dieu bon, mon frère, est le seul grand!
-
-
-II
-
-L’HOTELLERIE DE BETHLÉEM
-
-JOSEPH.
-
- Il fait froid: donne-nous une place à ton feu.
-
-L’HÔTELIER.
-
- Non.
-
-JOSEPH.
-
- Ma femme est enceinte.
-
-L’HÔTELIER.
-
- Eh! j’entends.
-
-JOSEPH.
-
- Je t’en prie.
-
-L’HÔTELIER.
-
- Non! quand tu serais diable ou quand tu serais dieu
- Je n’ai plus une place en mon hôtellerie.
-
-JOSEPH.
-
- Elle souffre. Son sein porte un fruit innocent:
- Veux-tu que notre espoir, frère, meure en naissant?
-
-L’HÔTELIER.
-
- Pauvre femme!... Veux-tu coucher dans mon étable?
-
-MARIE.
-
- Bien volontiers.
-
-L’HÔTELIER.
-
- Venez. C’est tout ce qu’il vous faut.
- Et si vous ne trouvez dans le foin lit ni table,
- L’âne et le bœuf, qui sont très doux, vous tiendront chaud.
-
-
-III
-
-LES BERGERS DANS L’ÉTABLE
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Regarde. On a posé près de lui, sur la paille,
- Bien des présents déjà, des œufs frais, du froment,
- Tous les meilleurs trésors du pauvre qui travaille...
- Voudra-t-on écouter ma flûte seulement?
- Frère, offre-lui d’abord tes blanches tourterelles...
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Je vous offre, Seigneur, deux oiseaux que j’ai pris.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Regarde: avec ses bras, il imite leurs ailes!
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Écoute: avec sa lèvre, il imite leurs cris!
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Pour moi, joli Seigneur, je suis pauvre et j’apporte...
-
-MARIE.
-
- Quoi donc?
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Je n’ose pas vous dire. C’est si peu!
-
-JOSEPH.
-
- Quel est tout ce grand bruit qui se fait à la porte?
-
-UN PAGE, entrant.
-
- Les Mages d’Orient viennent voir l’Enfant-Dieu:
- Une étoile fidèle a guidé le voyage.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Frère, retirons-nous, pour l’instant; cachons-nous;
- Laissons entrer ces rois et tout leur équipage.
- Restons là, dans un coin de l’étable, à genoux.
-
-LE PAGE, aux serviteurs qui se pressent à la porte.
-
- Le toit est bas. Laissez dehors les dromadaires.
-
-Il annonce les Mages.
-
- Le seigneur Balthazar!--Le seigneur Melchior!
- Le roi Gaspard!... suivi de ses hauts dignitaires...
- Et tous viennent offrir l’encens, la myrrhe et l’or.
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Sortons de notre coin. Viens donc que je les voie.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Ils riraient de nous voir sous nos pauvres sayons.
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Ils ont mis leur couronne et leurs manteaux de soie.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Oui, mais Jésus a mis sa couronne en rayons!
-
-LES TROIS MAGES.
-
- O Seigneur, roi du ciel...
-
-MARIE.
-
- Pardonnez-moi, grands Mages,
- Mais un homme était là, quand vous êtes entrés,
- Qui n’avait pas fini de rendre ses hommages
- A mon petit Enfant que tous vous adorez.
- Il croirait que pour vous peut-être on le rebute...
-
-Au vieux berger.
-
- Pourquoi te caches-tu, brave homme, dans un coin?
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- C’est que... je ne peux rien offrir... qu’un air de flûte.
-
-MARIE.
-
- Viens donc... pour voir l’enfant tu serais un peu loin...
- Allons, sonne, berger! Nous aimons la musique.
-
-LE VIEUX BERGER, au jeune.
-
- J’obéis, mais j’ai peur.
-
-LE JEUNE BERGER.
-
- Souffle en fermant les yeux.
-
-LE VIEUX BERGER.
-
- Non, je veux voir l’Enfant!
-
-Le vieux berger joue de la flûte.
-
-MARIE.
-
- Il dit, dans son cantique,
- La paix de son bon cœur et la gloire des cieux.
-
-JOSEPH.
-
- La musique s’arrête.
-
-MARIE.
-
- Et l’Enfant va sourire.
-
-JOSEPH.
-
- Que diront Balthazar, Gaspard et Melchior?
-
-MARIE.
-
- C’est bien. Merci, berger... Grands rois que l’on admire
- A présent, vous pouvez offrir la myrrhe et l’or.
-
-
-IV
-
-NAISSANCE DE LA PITIÉ
-
- Ces nombres d’or: «Aimez-vous bien les uns les autres,»
- Dans l’Acte et dans le Mot ne régnaient pas encor;
- Il fallait qu’un sublime étranger les fît nôtres
- Et que, du lingot brut, il fît sa pièce d’or.
-
- Pour que la Charité s’envolât d’âme en âme,
- Il fallait lui donner l’aile des beaux discours,
- Et que, vie et parole, elle devînt un drame
- Dont le héros charmant suscitât des amours.
-
- Il fallait, pour toucher les âmes paysannes,
- Que, blond comme la gerbe, il eût des yeux d’azur;
- Que sa simplicité cheminât sur des ânes
- Et qu’il sût distinguer la nielle du blé mûr;
-
- Que celle en qui dormait l’espoir de l’Évangile,
- Ne sût où déposer son fruit mystérieux
- Et que cet abandon fît, sur l’enfant fragile,
- Par les fentes du toit étinceler les cieux.
-
- Né d’une pauvre femme, il fallait que le Maître,
- Qu’attendaient le bœuf, l’âne et les rois à genoux,
- Inspirât la pitié même avant que de naître,
- Pour que les malheureux disent: Il vient chez nous.
-
-
-V
-
-LA FUITE EN ÉGYPTE
-
- Lorsque Hérode eut appris que pour voir un enfant
- Dans une étable, rois, bergers, tous à la ronde
- Accouraient, l’appelaient Maître et Sauveur du monde
- Le saluaient Messie et roi, Dieu triomphant,
-
- Le tétrarque, tremblant pour ses droits éphémères,
- Furieux, donna l’ordre aux bourreaux étonnés
- D’égorger en tous lieux les enfants nouveau-nés
- Et partout tressaillit d’effroi le cœur des mères.
-
- Et de bons laboureurs, prenant Joseph à part,
- Lui dirent en secret l’effroyable nouvelle.
- Mais, tout terrifié de ce qu’on lui révèle,
- Joseph ne songea pas tout d’abord au départ.
-
- Le péril est partout. Que faire et comment faire?
- Il n’osait prévenir Marie, et restait là.
- Alors la voix d’un pauvre animal lui parla:
- Mon Dieu, oui, tout à coup, l’âne se mit à braire.
-
- «Mettons vite le bât sur l’âne, se dit-il,
- Et fuyons en Égypte et plus loin, tous les quatre!»
- L’âne partit gaîment et sans se faire battre:
- On eût dit qu’il avait flairé ce grand péril.
-
- Joseph marchait, la bride en main, et l’âne, agile,
- Berçait sur son vieux dos la mère de Jésus
- Qui tenait ses deux bras bien serrés, et, dessus,
- L’Enfant-Dieu qui portait, sous son front, l’Évangile.
-
- L’âne, quoique naïf, peut-être un peu rêveur,
- Jaloux des grands chameaux dont le pas est si large,
- Vif et comme léger sous cette triple charge,
- Paraissait tout joyeux de sauver le Sauveur.
-
-
-VI
-
-L’ENFANT AU BERCEAU
-
- Tous les matins, avant le réveil des oiseaux,
- Sur le berceau, dont elle entr’ouvrait les longs voiles,
- Sa mère déposait des fleurs, fines étoiles,
- Du bleu de ses yeux, bleus comme les claires eaux.
-
- Elle y posait des lys plus soyeux que la soie,
- Droits et purs, mieux vêtus que le roi Salomon,
- Car la beauté vaut mieux que l’éclat de Mammon,
- Et la candeur inspire aux âmes de la joie.
-
- Parfois elle apportait aussi des épis d’or,
- Blonds comme les cheveux du petit enfant rose,
- Et jamais près de lui ne laissait une chose
- Qui ne lui parût pas plus riche qu’un trésor.
-
- Près du berceau dormaient, entre des branches frêles,
- Colombes, passereaux, libres, apprivoisés;
- Et lui, dès le réveil, envoyait des baisers
- Aux fleurs, aux passereaux, aux douces tourterelles.
-
- Il grandit. Quand il fut en âge de courir,
- Il jouait, façonnant, avec un peu d’argile,
- Des oiseaux et des fleurs, d’une grâce fragile,
- Qu’il souhaitait de voir ou voler ou s’ouvrir.
-
- Et c’est pourquoi, jeune homme, il sut dire aux Apôtres:
- --«Si vous comprenez bien ce que j’ai sous le front,
- Les âmes fleuriront, les cœurs s’envoleront...
- Suivez ma voie. Il faut s’aimer les uns les autres.»
-
-
-VII
-
-A DOUZE ANS
-
- Or, cette année, après la Pâque, grande fête
- D’où les enfants devaient revenir assagis,
- Le bon Joseph, avec bien des soucis en tête,
- Quittant Jérusalem, retournait au logis.
-
- C’était loin, Nazareth. Et voisins et voisines
- Par groupes et nombreux faisaient ce long chemin,
- Et les petits, tentés par les fleurs des collines,
- Trompant leur mère lasse, abandonnaient sa main.
-
- --Où donc est-il, ce diable? Ah! l’engeance maudite!
- --Je l’aperçois là-bas qui se pique aux chardons.
- --Voyez, il court offrir ses fleurs à ma petite.
- --Ils reviendront toujours, bien sûrs de nos pardons.
-
- Et tout le long du jour ce sont mêmes paroles,
- Et les enfants, d’un groupe à l’autre, vont, rieurs,
- Se montrant de grands lys, buvant dans les corolles,
- Apparaissant ici quand on les croit ailleurs.
-
- Et Joseph, sérieux, répétait à Marie:
- «Le cèdre du Liban se vend toujours plus cher!»
- Et mille autres propos sur la charpenterie,
- Tandis qu’elle songeait à la chair de sa chair...
-
- --Et Jésus? disait-elle.--Il joue avec les autres;
- Tous ceux de Nazareth sont en bande là-bas.
- --Avez-vous vu mon fils?--Il entraîne les nôtres,
- Voisine.--Et les parents ne le rappelaient pas.
-
- Or, on avait marché tout un long jour sans ombre,
- Et les enfants plaintifs revinrent un par un
- S’accrocher à leur mère, ayant peur dans le sombre,
- Et leur bouquet trop lourd devenait importun.
-
- Quel âge a-t-il? «Douze ans.» Mais alors c’est un homme:
- Il saura bien toujours retrouver ses parents...
- --Mon fils est égaré, bon passant... Il se nomme
- Jésus. Il est tout blond avec des yeux très grands.
-
- Et dans la nuit montante, au bord de la vallée,
- Revenant sur leurs pas, par le chemin désert,
- Marie avec Joseph, d’une voix désolée,
- Appelaient... De tout temps Marie a bien souffert.
-
- Jusqu’à Jérusalem, pleins d’angoisse mortelle,
- Il fallut retourner... Songez donc quelle nuit!
- Oh! que ne souffrit pas Marie! et que dit-elle,
- Lorsqu’on se retrouva dans la ville, sans lui!
-
- Deux jours sans le revoir! Deux longues nuits encore
- Des rêves sans sommeil... Oh! des rêves affreux!
- Quelle couleur de deuil eut la troisième aurore!
- Et les parents, pleurant sur lui, pleuraient sur eux.
-
- Et le troisième soir, sur les places publiques,
- Comme ils erraient encor, pâles, tremblants d’effroi:
- --Cet enfant de douze ans a de fortes répliques,
- Dirent, passant près d’eux, des docteurs de la Loi.
-
- --Oh! par pitié, de qui parlez-vous? dit la femme.
- --D’un petit charpentier que l’on nomme Jésus...
- Elle court... «C’est mon fils!» Et ses mains et son âme
- Attirant le beau front, se reposaient dessus.
-
- Elle l’éloigne un peu, lui sourit, le contemple,
- Et le gronde: «Il n’a pas songé que nous pleurions!»
- Depuis trois jours, l’enfant, très grave, dans le Temple,
- Aux docteurs attentifs posait des questions;
-
- Et tous l’interrogeaient, admirant ses réponses...
- --«Ah! le méchant! méchant petit insoucieux!»
- Mais lui, tranquillement, répondit aux semonces:
- --«Avant tout je me dois à mon Père des cieux:
-
- «Pourquoi me cherchiez-vous?»
- On revint au village.
- Eux, ne comprenant point, grondaient toujours un peu.
- Et depuis ce temps-là, toujours plus grand, plus sage
- Il leur était soumis et croissait devant Dieu.
-
-
-VIII
-
-LE GRAND CHAGRIN
-
- Or, Jésus adorait sa mère, qui, divine,
- L’avait si tendrement bordé dans son berceau,
- Réchauffé dans le nid comme un petit oiseau,
- Et, lorsqu’il avait peur, caché dans sa poitrine.
-
- Mais le désir naissait en lui d’approcher Dieu,
- De hausser son esprit pour être utile aux hommes;
- Il songeait: «Nous serions meilleurs que nous ne sommes,
- Si nous réalisions nos rêves, rien qu’un peu.»
-
- C’est alors qu’il allait, en fraude, dans le Temple,
- Où, grave, il s’attaquait aux docteurs de la Loi.
- Sa mère le cherchait partout...--«Malheur sur moi!
- Mon fils donne aux enfants le plus méchant exemple!
-
- «Il croit savoir ce qu’à son âge on n’apprit pas;
- Il irrite de vieux savants qu’il blâme et loue;
- Et puis, trop confiant, il cause, il rit, il joue
- Avec le méchant fils de nos voisins,--Judas!
-
- «Rentre au logis, petit bavard! taille des planches!
- Au lieu de tant parler, travaille de tes mains!»
- Il s’échappait, cueillant des fleurs par les chemins,
- Et pour sa gerbe heureuse il préférait les blanches.
-
- Et, devant lui, Marie ayant dit tristement:
- --«Ce n’est pas tout bonheur, allez, d’être sa mère!»
- L’enfant pleura, trouvant cette parole amère,
- Et son cœur ressentit déjà l’isolement.
-
-
-IX
-
-IL CROISSAIT DEVANT DIEU
-
- Et puis?... De ces douze ans sublimes jusqu’à trente?
- Comment fit-il son âme en faisant son métier?
- Que disait Dieu le Père à cette âme parente?
- Que répondait à Dieu le fils du charpentier?
-
- D’un an, d’un jour à l’autre on voudrait bien le suivre!
- Par qui l’adolescent divin fut-il guidé?
- Le monde, là-dessus, ne voit rien dans le Livre,
- Et ce temps-là demeure un mystère insondé.
-
- Il dit plus tard:--«Soyez béni, Père suprême,
- Car vous avez caché ces choses au savant,
- Mais vous les révélez à l’enfant qui vous aime.»
- Et dans le Livre saint l’enfant paraît souvent.
-
- Or la sagesse est là; c’est là tout l’Évangile:
- «Sois pareil aux petits, souris et tends les bras.
- L’esprit, comme la chair, est chose bien fragile.
- Le cœur est tout. Sois humble et tu me connaîtras.»
-
- Ce qu’il fait de douze ans à trente? Il songe. Il garde,
- Divinement, comme un trésor, son cœur d’enfant.
- Il travaille en rêvant; sa mère le regarde;
- Contre le mal subtil son rêve le défend.
-
- Pour l’homme de sagesse il n’y a que deux âges,
- Avec deux noms: Aimer, Penser. Or pour Jésus
- La pensée est amour, mais c’est l’amour des sages
- Qui n’ont que des fils d’âme en leur âme conçus.
-
- Peut-être qu’au moment de sa force montante
- Quelque Samaritaine attira son regard,
- Et son cœur, s’éloignant du trouble qui nous tente,
- Souffrit de se tourner vers «la meilleure part».
-
- Pour garder la vertu qui sort, lorsqu’on le touche,
- De sa chair guérisseuse et de ses vêtements,
- Pour garder ce sourire apaisant sur sa bouche,
- Il veut, vierges en lui, tous ses pouvoirs aimants.
-
- Il ne veut rien donner au charme périssable,
- Pour qu’un charme éternel sorte de ses yeux purs.
- Il ne fondera point un foyer dans le sable:
- Seuls les amours du cœur ont des fondements sûrs.
-
- Et Jésus à vingt ans pensait déjà ces choses;
- Il se tenait songeur dans les lieux écartés;
- Il préférait les lys tout blancs aux roses roses
- Et les grâces du cœur aux visibles beautés.
-
- Il admirait comment, mis en terre, un grain lève:
- En dépit du Sabbat, il lève nuit et jour...
- Et le long des sentiers parfumés Jésus rêve,
- Et Dieu sur toute vie épand le même amour.
-
- Les blés mûrs, les figuiers, les nids, tout l’intéresse.
- Sans doute il a connu, parmi des travailleurs,
- Ces ouvriers tardifs qui, malgré leur paresse,
- Touchent le même prix, le soir, que les meilleurs...
-
- Il approuve du cœur l’indulgence du maître
- Qui, juste envers les bons, a pitié des mauvais:
- --«Ma charité n’est pas selon leurs lois, peut-être,
- Mais c’est vers la cité d’un Père que je vais.»
-
- Sur le figuier stérile en vain cherchant la figue,
- Il le soignait avant de le jeter au feu.
- Peut-être a-t-il aussi connu l’enfant prodigue
- Et qu’il dit aux parents: «Pardonnez comme Dieu.»
-
- Et quand il ouvre enfin son âme révélée,
- Quand, discoureur sublime et martyr triomphant,
- Il nous donne d’un coup sa vie accumulée,
- Ce qui nous éblouit, c’est son âme d’enfant.
-
-
-X
-
-JEAN-BAPTISTE
-
- Écoutez, je suis Jean; je suis la voix qui crie
- Seule, dans le désert.
- Mon peuple, dont la peine exalte ma furie
- A trop longtemps souffert.
-
- Repentez-vous, puissants! La feinte est inutile:
- On n’évite pas Dieu!
- L’heure approche, elle accourt, où tout arbre stérile
- Périra dans le feu!
-
- Je viens pour terrasser l’audace sanguinaire
- Des maîtres d’ici-bas;
- Mais un autre est le Dieu; je ne suis qu’un tonnerre
- Et le bruit de son pas.
-
- Préparez les sentiers, aplanissez la voie
- Pour un autre, meilleur;
- J’apporte la menace, il apporte la joie
- Qui sort de sa douleur.
-
- Écoutez-moi; je suis vêtu de peaux de bête;
- Ma ceinture est de cuir;
- Lorsque mon fouet serpente en sifflant sur les têtes
- Le plus grand ne peut fuir.
-
- Écoutez-moi. Sauvage est le miel que je mange;
- Ma ruche est dans le roc.
- Quand ma voix parle aux rois des hontes qu’elle venge,
- Ils vacillent au choc.
-
- Les Hérodes ont peur de ma parole rude;
- Je suis le Précurseur;
- Je suis un cri; j’annonce, esprit de solitude,
- Aux foules--la douceur.
-
- Je ne suis pas celui qu’on aime; attendez l’autre:
- C’est le grain; moi, le vent.
- Il est le Maître. Moi, je ne suis qu’un apôtre
- Qu’il envoie en avant.
-
- Lui seul pardonnera, tandis que je condamne.
- Selon qu’il est écrit,
- Il s’avance paisible et monté sur un âne;
- En pleurant, il sourit.
-
- J’annonce aux manteaux d’or des riches de Judée
- Les haillons d’un vainqueur!
- Je blâme: il aimera; je ne suis que l’idée:
- Je vous annonce un cœur.
-
- Ma voix est au désert; la sienne est dans la vigne
- Où le travail est doux.
- Sa sandale est divine, et je voudrais, indigne,
- L’attacher à genoux.
-
- Ma voix est au désert: la sienne est aux bourgades
- Qu’entourent les moissons.
- Il bénit les enfants; il charme les malades;
- Il reste et nous passons.
-
- Sous l’onde du Jourdain par mes deux mains versée,
- Ruisselante sur eux,
- Les fronts las oublieront la poussière amassée
- Dans les chemins pierreux.
-
- Mais celui qui me suit baptisera de flamme
- Le monde racheté.
- Je baptise la chair; et lui baptise l’âme
- D’espoir et de bonté.
-
- Il a son van en main, il nettoiera son aire,
- Mais sa grange est au ciel.
- Ma voix rude l’annonce; elle est comme un tonnerre
- La sienne est comme un miel.
-
- Sa voix coule en chantant; torrent, la mienne roule
- Grondante sans pardon.
- Je meurs, sévère aux rois; il est doux à la foule:
- Il mourra d’être bon.
-
- Quand il viendra courber son front sous l’eau qui tombe,
- Cet humble et grand vainqueur,
- Le Dieu dur des combats va se faire colombe,
- Pour entrer dans son cœur!
-
-
-XI
-
-LA TENTATION
-
- Et ce Démon qui parle au cœur de tous les hommes
- Lui fit, comme du haut d’un mont ou d’une tour,
- Voir de beaux palais d’or où s’entassaient des sommes,
- Et les jardins fleuris qui riaient alentour.
-
- --«Si tu veux, je ferai ta vie heureuse et belle;
- Tu mangeras, dit-il, dans l’or et dans l’argent...»
- Mais Jésus répondit:--«La misère m’appelle.
- Pauvre, je saurai mieux consoler l’indigent.»
-
- Et le Démon disait: «--On trouve dans ma voie
- Les rires, les chansons, les coupes et le vin.»
- --«Et comment peut-on boire à la coupe de joie
- Quand la misère a soif?» lui dit l’Homme divin.
-
- Le Démon répondit: «Laisse la pitié vaine;
- Sois un roi sur ton peuple; écrase-le sous toi!»
- «Dans mon peuple, j’entends pleurer la race humaine...
- Hélas! comment peut-on dormir, quand on est roi?»
-
- Le Démon lui montra, comme du haut d’un temple,
- Des présents sur l’autel et des lampes en feu:
- --«Dieu seul jouit de tout. L’espace le contemple.
- La terre le redoute et tu peux être un Dieu!
-
- «Si tu veux m’écouter, la terre est à toi, toute!
- Tu seras riche, roi, dieu des hommes jaloux.
- Des anges te tiendront soulevé sur ta route,
- De peur que ton pied nu ne se heurte aux cailloux!»
-
- Et Jésus répondit:--«Le ciel est sans délices,
- Quand l’homme souffre au pied des trônes bienheureux!
- Mon Dieu ne goûte pas la chair des sacrifices;
- Mon Dieu souffre avec les souffrants, en eux, pour eux!
-
- «Le bonheur de Celui dont j’apporte le règne,
- C’est de prendre sa part de tous les maux humains!
- L’homme pleure? je pleure; il saigne? mon cœur saigne,
- Et mes pieds sont meurtris, car j’ai vu leurs chemins!»
-
- Alors, comme au lever de l’étoile première,
- Dans les lieux qu’habitait l’Homme aux divins discours
- On vit naître et monter une grande lumière,
- Et le monde riait à ce matin des jours.
-
-
-XII
-
-LE FILET
-
- Ils tiraient leurs filets ruisselants, hors des lames.
-
- --«Venez et vous serez désormais pêcheurs d’âmes,
- Leur dit-il, et jetant sur le monde étonné
- L’Évangile divin que je vous ai donné,
- Du fond des passions, comme d’une mer sombre,
- Vous tirerez au jour des cœurs, des cœurs sans nombre,
- Que vous verrez, frappés, tous, d’un rayon pareil,
- Aux mailles du filet refléter mon soleil.»
-
- Alors, traînant leur barque à terre avec le câble,
- Ils la laissèrent seule au soleil, sur le sable.
-
-
-XIII
-
-DISCOURS SUR LA MONTAGNE
-
- Comme sur la montagne ils étaient bien dix mille,
- Jésus, au milieu d’eux, parla tout l’Évangile:
-
- --«Excepté ma parole, ici-bas tout périt.
-
- Heureux les pauvres en esprit
- Parce qu’ils comprendront les premiers ma parole.
-
- Heureux les affligés parce que je console.
-
- Heureux les doux: sur terre ils possèdent le ciel.
-
- Heureux tous les souffrants d’injustice et de haine:
- Ils boiront, altérés d’amour, à ma fontaine;
- Affamés de justice, ils goûteront mon miel.
-
- Heureux les cœurs touchés d’une pitié sincère:
- On aura pitié d’eux au jour de leur misère.
-
- Heureux les cœurs purs: ils ont Dieu
- Comme une eau pure en elle a tout le grand ciel bleu.
-
- Lorsque la lampe est allumée,
- On ne la pose pas sous l’ombre du boisseau,
- Mais sur la tige du flambeau,
- Et la maison sourit à la lumière aimée.
-
- Comme sur la montagne on élève une tour,
- Dressez l’espoir; plantez votre pitié féconde.
-
- Soyez la lumière du monde:
- Les hommes vous verront et béniront l’amour.
-
- Si vous n’entrez pas mieux dans la lumière vraie
- Que les Scribes bavards et les Pharisiens,
- Vous n’êtes bons qu’à mettre au feu, comme une ivraie.
-
- Vous savez quelle loi fut donnée aux anciens:
- «Il ne faut pas tuer,» dit la Loi redoutable.
- Or, est-on juste et bon, pour n’être pas coupable?
- Et je dis, moi, qu’il faut aimer; soyez très doux,
- Soyez indulgents; aimez-vous.
-
- Ne t’irrite jamais sans raison contre un frère.
- Si ton frère a gardé contre toi sa colère
- Et si tu t’en souviens en montant à l’autel
- Ayant l’offrande en main, laisse là ton offrande,
- Cours chez ton frère, et qu’il t’embrasse, à ta demande.
- La paix des cœurs, voilà la vraie offrande au ciel
- La plus pure, la seule grande.
-
- Point d’adultère, a dit la Loi.
- Et voici ce que je dis, moi:
- «Quant tes yeux seulement désirent une femme,
- L’adultère est commis; ta faute est dans ton âme.»
-
- Si tes yeux ou ta main compromettent ton corps,
- Sauve-le, coupe-les: jette ces membres morts!
-
- Vous dites que la Loi vous permet le divorce?
- C’est vrai, mais qu’est-ce qui vous force
- A l’accepter dans sa rigueur?
- La dureté de votre cœur.
-
- Soyez humble devant ce qui domine l’homme.
- Point de pompeux serment, de sacrilège vœu.
- L’homme le plus puissant est peu de chose, en somme...
- Qui donc à le pouvoir de créer un cheveu?
-
- On vous apprit une Loi dure
- Qui dit: «Dent pour dent, œil pour œil.»
- Moi, je dis: Subissez l’injure;
- Votre bonté vaut mieux que l’instinct de nature;
- Un humble amour vaincra les haines et l’orgueil.
-
- Aimez celui qui vous déteste.
- Soyez grands, purs et généreux,
- Comme la lumière céleste
- Qui connaît les méchants et qui brille sur eux.
-
- Amis, si vous n’aimez que l’homme qui vous aime,
- Quel mérite avez-vous? L’impie en fait autant.
- Soyez bons comme Dieu lui-même
- Qui promet son royaume au pécheur repentant.
-
- Donnez, pour que le bien que vous faites console
- Ceux à qui vous faites ce bien,
- Mais quand votre main droite a donné son obole,
- Que la gauche n’en sache rien;
- Oui, donnez comme on se dévoue;
- Parce que vous aimez, non point pour qu’on vous loue.
-
- En priant Dieu, priez avec simplicité.
- Souhaitez que son règne vienne,
- Et bénissez sa volonté.
- Demandez-lui le pain, la force quotidienne.
- Demandez-lui que vos péchés soient effacés
- Si vous pardonnez ceux qui vous ont offensés.
- Dites-lui: «Rends-nous forts contre ce qui nous tente,
- Délivre-nous du mal subtil,
- Par ton Règne et ta Force et ta Gloire éclatante.
- Ainsi soit-il.»
-
- N’amassez pas sur terre, où tout n’est qu’un vain songe,
- Des trésors que le ver ou que la rouille ronge,
- Que déroberont les voleurs:
- C’est dans nos cœurs que sont nos trésors les meilleurs.
-
- L’œil des aveugles fait en eux leur nuit profonde:
- Si l’œil est ténébreux, tout sera ténébreux:
- Le soleil généreux
- N’a jamais vu le monde
- Que plein d’éclat, d’amour, et de chaleur féconde.
-
- Qui sert Dieu ne peut pas servir aussi Mammon.
- De tous les soins qu’on prend, plus d’un est inutile.
- Voyez les lys. Lequel d’entre eux travaille et file?
- Pourtant ils sont vêtus mieux qu’un roi Salomon.
- Juste est Dieu. Tous les nids d’oiseaux chantent son nom.
-
- Qui d’entre vous se peut grandir d’une coudée?
- Ayez Dieu pour seul rêve et pour unique idée.
- Il protège et bénit le cœur simple qui croit.
- Laissez l’inquiétude vaine,
- Cherchez l’amour; le reste arrive par surcroît;
- A chaque jour suffit sa peine.
-
- Ne jugez point, afin qu’on ne vous juge pas.
- Dieu seul peut pénétrer les causes d’une faute,
- Et la justice d’ici-bas
- Pour bien voir tout ne peut jamais être assez haute;
- Ne jugez point afin qu’on ne vous juge pas.
-
- Vous voyez une paille, un rien, dans l’œil d’un autre,
- Mais vous ne sentez pas la poutre dans le vôtre.
-
- Demande et l’on te donnera;
- Cherche, tu trouveras; frappe et l’on t’ouvrira.
-
- Pères, si votre fils--si votre enfant, ô femmes.--
- Vous prie, et demande du pain,
- Mettrez-vous en réponse un serpent dans sa main?
- ... Dieu seul serait-il un père inhumain?
- Il ne peut tromper l’attente des âmes.
-
- Fais pour les autres, c’est la Loi,
- Tout ce que tu voudrais qu’un autre fît pour toi.
-
- Choisis toujours la porte étroite: c’est la bonne:
- Car une porte large, un chemin spacieux,
- N’ont jamais conduit personne
- Dans le royaume des cieux.
-
- Gardez-vous bien des faux prophètes:
- De la peau des brebis leurs tuniques sont faites:
- Des loups ravisseurs se cachent dedans.
- Mais voyez leur griffe et voyez leurs dents
- Interrogez leur vie et pesez la réponse...
- S’ils font souffrir les cœurs, ceci vous les dénonce.
- La figue ou le raisin viennent-ils du chardon?
- On reconnaît un arbre au fruit mauvais ou bon.
-
- Celui donc qui fera ce que je viens de dire,
- Homme prudent, bâtit sa maison sur le roc.
- En vain les eaux, le vent, tout voudra la détruire,
- Tout la pousse et la heurte: elle résiste au choc,
- Parce qu’elle est construite en pierres, sur le roc.
-
- Mais celui qui construit sa maison sur le sable,
- Faute d’avoir suivi le bon conseil donné,
- Est un fou qui veut faire une œuvre périssable...
- Sa maison croulera sous le vent déchaîné,
- Parce qu’il a bâti follement sur le sable.»
-
- Or, ceci n’était pas un discours répété,
- Comme d’un faux savant qui s’attache à la lettre.
- Jésus parlait au peuple avec autorité.
- Et c’est ici l’esprit, l’âme et le cœur du Maître.
-
-
-XIV
-
-LA PAIX EN RETOUR
-
- Vous direz, dès le seuil des maisons, vous, les miens:
- «Bénis soient la maison, le jardin et la vigne!»
- Et la paix descendra, si le maître en est digne,
- Sur le maître, sur sa maison, sur tous ses biens.
- Mais s’il n’en est pas digne, alors, par un mystère,
- Votre paix reviendra sur vous. Paix sur la terre.
-
-
-XV
-
-LE LUMIGNON
-
- Or comme on lui disait: «Repousse celui-ci!
- Sa langue qui t’implore est menteuse et funeste.»
-
- --«Dans un vase fêlé qui retient l’eau, l’eau reste,
- Dit-il. La mèche éclaire avec un bout noirci...
- Le plus méchant, dès qu’il m’appelle, je l’assiste;
- L’humble vase brisé me sert, tant qu’il résiste;
- Je n’éteins pas, sur le flambeau de cuivre ou d’or,
- Le lumignon mourant mais chaud, qui fume encor!»
-
-
-XVI
-
-BONS GRAINS
-
- * * * * *
-
- L’homme ne vit pas de pain seulement:
- Il lui faut un pain pétri de pensées;
- Nourris donc les cœurs de choses sensées;
- N’empoisonne pas le divin froment.
-
- * * * * *
-
- Et les Pharisiens, qui sont les hypocrites,
- Lui répétaient: «Pourquoi fréquentes-tu ces gens,
- Qui sont des péagers, des gueux, des indigents?...
- Nous les fuyons, tandis que toi tu les visites!»
-
- --«Depuis quand, répondit Jésus, le médecin
- Ne va-t-il visiter que des gens au corps sain?»
-
- * * * * *
-
- Voici l’amour: mangez; buvez; je vous convie;
- Venez à moi, vous tous qui portez dans vos cœurs
- La charge des soucis, le souci de la vie.
- Je porterai vos maux; je prendrai vos langueurs.
-
- * * * * *
-
- Aveuglés par Satan moqueur,
- Ils sont sans yeux pour les merveilles,
- Et, plus sourds que les durs d’oreilles,
- Ils ne comprennent pas du cœur!
-
- * * * * *
-
- S’il perd une brebis,--dans l’effroi qu’il éprouve,
- Laissant là son troupeau tout entier, le berger
- La cherche à travers monts, et, joyeux s’il la trouve,
- Il l’emporte en ses bras pour la mieux protéger.
-
- * * * * *
-
- Tu suspectes ma foi, tu blâmes mon pardon...
- Ton œil est-il malin de ce que je suis bon?
-
- * * * * *
-
- J’avais faim; vous m’avez donné de quoi manger.
- J’avais soif; vous avez désaltéré ma lèvre.
- Vous m’avez accueilli, moi pourtant étranger,
- Vous m’avez visité lorsque j’avais la fièvre...
- Oui, quand j’étais malade, en prison, sans espoir,
- Hommes justes, bons cœurs, vous m’êtes venus voir.
-
- * * * * *
-
- Tout jeune tu ceignais ta ceinture toi-même,
- Tu choisissais ton heure et ton lieu, tes chemins;
- Mais quand tu seras vieux, faible, tendant les mains,
- Pour qu’on te mène où tu voudras, il faut qu’on t’aime.
-
-
-XVII
-
-LA FILLE DE JAÏRE
-
- Une ombre avait voilé sa porte;
- Les flûtes pleuraient sur le seuil;
- Tout semblait mener le grand deuil
- De l’espérance humaine, morte.
-
- Le Dieu de Moïse était dur,
- Stricte la Loi, la règle étroite.
- Jésus, la paix dans sa main droite,
- Vint, le ciel dans ses yeux d’azur.
-
- Pan régnait sur toute la terre,
- Avec Rome partout vainqueur:
- Pas un dieu n’avait un bon cœur...
- Alors vint l’Homme du mystère.
-
- Et Jaïre dit, à genoux:
- --«Seigneur, notre espérance est morte.
- Les joueurs de flûte, à ma porte,
- Sonnent des airs de deuil pour nous.
-
- «Seigneur, ressuscite ma fille!»
- Jésus, la prenant par la main,
- Dit au père: «Le genre humain
- Qui pleure en toi, c’est ma famille.
-
- «Pourquoi sitôt croire à la mort?
- Vous faisiez tous un mauvais rêve...
- Je veux que ta fille se lève!...
- Elle n’est pas morte. Elle dort.»
-
-
-XVIII
-
-LE BON SAMARITAIN
-
- Tu demandes quel est ton prochain? Or, écoute:
- Un homme à Jéricho s’en allait à pied, seul;
- Des voleurs embusqués l’assaillirent en route
- Et le laissèrent là, tel qu’un mort sans linceul.
-
- Un sacrificateur, passant près du pauvre homme,
- Le vit et, l’ayant vu, poursuivit son chemin.
- Un lévite, après lui, passa: ce fut tout comme;
- Un troisième passant eut un cœur plus humain.
-
- C’est un Samaritain qui, du haut de sa bête,
- Dit: «Pauvre homme!» Il était monté sur un cheval.
- Il descendit vers l’homme et, soulevant sa tête,
- Il le plaignait, disant:--«Où donc, frère, as-tu mal?»
-
- Il oignit d’un vin pur toute sa chair meurtrie,
- Il le prit à cheval encore inanimé,
- Puis il paya son gîte en quelque hôtellerie...
- Le bon Samaritain sera toujours aimé.
-
-
-XIX
-
-LE PAIN MULTIPLIÉ
-
- Ne dis pas: Si je suis tout seul dans ce grand nombre,
- Quel bien fera mon humble effort, mon pauvre amour?
- Car si chaque flambeau s’allume seul dans l’ombre,
- Tous se trouvant brûler ensemble, il fera jour.
-
- Si chaque homme s’attache à consoler un homme,
- Tous donneront et tous recevront la pitié.
- Écris ton chiffre unique,--et Dieu fera la somme:
- C’est ainsi que mon pain sera multiplié.
-
- Chaque jour est un jour utile, et le temps coule.
- Laisse ton siècle rire, incrédule et moqueur:
- Un mot, un seul, suffit à guider une foule;
- Tous les cœurs grandiront nourris par mon seul cœur.
-
-
-XX
-
-LES FOURMIS
-
- Aidez-vous, et tout mal deviendra guérissable.
- Un champ fut recouvert de sable par la mer;
- Dieu dit à la fourmi d’enlever tout ce sable
- Dans le temps que mesure une lueur d’éclair.
-
- Et beaucoup de fourmis, en nombre insaisissable,
- Ayant sur l’heure même envahi ce terrain,
- Cent mille ont enlevé cent mille grains de sable
- Dans le temps qu’une seule employa pour un grain.
-
-
-XXI
-
-TROP PEU D’OUVRIERS
-
- Tous les souffrants, de tous les côtés rassemblés,
- Plaintifs et plus nombreux que des épis de blé,
- L’imploraient en disant: «Parle-nous ta parole!»
- Pour chacun, il trouvait le doux mot qui console,
- Mais ils venaient en foule, et ne suffisant pas
- A consoler tous ceux qui marchaient dans ses pas,
- Lui, s’arrêtait, pleurant sur la misère humaine.
- Et tous ces malheureux se couchaient dans la plaine
- Languissants et pareils aux troupeaux sans pasteur.
- Alors il s’écria, debout sur la hauteur:
- «Arrête-toi, Seigneur, qui jettes la semence!
- J’ai trop peu d’ouvriers pour ma moisson immense.»
-
-
-XXII
-
-LES COLOMBES
-
- Et Jésus, qui blâmait la Loi, fit un exemple,
- Devant les faux docteurs surpris et consternés...
- Il vit un nouveau-né qu’on apportait au temple:
- On consacrait à Dieu les mâles nouveau-nés;
-
- Et l’on sacrifiait alors deux tourterelles
- Dont le sang pur coulait sur l’autel tristement.
- Et Jésus les saisit et délia leurs ailes
- En s’écriant! «Le Dieu que j’annonce est aimant!
-
- «Croyez-vous qu’il se plaise aux douleurs des victimes?
- O race de serpents! descendants de Caïn!
- Je vous dis que le ciel est lassé de vos crimes
- Et qu’il vient délivrer l’innocent par ma main!
-
- «Jérusalem! ô ville horrible, qui lapides
- Tes prophètes, et qui tortures l’innocent!
- Je viens sauver les doux, défendre les timides...
- Dieu ne veut pas de haine et ne veut plus de sang.
-
- «Or, vous ne m’aurez pas toujours... Venez en foule,
- Je veux fonder l’amour; entrez dans mes desseins
- Je veux vous rassembler en moi, comme la poule,
- Chaque soir, sous son aile, assemble ses poussins!»
-
- Il parlait, incompris par le prêtre farouche
- Qui savait égorger les ramiers sans remord,
- Et qui, la rage au cœur, l’injure sur la bouche,
- S’écartait de sa route en méditant sa mort.
-
-
-XXIII
-
-LA BARQUE ENGRAVÉE
-
- Or, il vit des pêcheurs qui, les pieds dans le sable,
- S’efforçaient d’entraîner leur barque dans la mer,
- La poussant par l’arrière ou tirant sur le câble,
- Tandis qu’elle semblait scellée avec du fer.
-
- «Nous aurons vent contraire!» Et, parmi leurs blasphèmes,
- Lui s’avança paisible et, saisissant l’avant,
- Comme un bœuf à l’araire il tira plus qu’eux-mêmes,
- Et la barque partit, le flot la soulevant.
-
- Et comme ils connaissaient sa parole divine,
- Ils furent tous émus de sa simplicité,
- Et sentirent l’amour entrer dans leur poitrine,
- Avec le vent joyeux qui vint du bon côté.
-
-
-XXIV
-
-LA PROUE
-
- Tout un peuple, nombreux comme les grains de sable,
- Sur le rivage blanc, par un matin très clair,
- Dans l’espoir d’écouter son verbe impérissable,
- Le pressait, le portait, houleux comme la mer.
-
- Une barque était là, tirée à terre, vide.
- Il y monta, tourné vers les grands flots humains
- Et, debout sur la proue, à cette foule avide
- Il parlait sa parole en élevant les mains.
-
- Derrière lui l’aurore éclatait,--et les âmes
- Croyaient voir s’avancer, du fond du gouffre bleu,
- Un bateau de secours auréolé de flammes,
- Et la proue était blanche et représentait Dieu.
-
-
-XXV
-
-IL COMMANDE AUX TEMPÊTES
-
- Or, vous vous tourmentez pour bien des choses vaines;
- La vie est plus heureuse à qui désire moins;
- Le monde est une mer troublée, amours et haines,
- Et je porte avec moi la paix. Soyez témoins.
-
- Vos folles passions, c’est la mer soulevée,
- Et vous luttez contre elle avec beaucoup de mal;
- Mais la barque, où je suis près de vous, est sauvée,
- Car les flots tourmentés tombent à mon signal.
-
- Je sais, pour apaiser les flots, des mots suprêmes:
- Ayez l’âme des lys ou l’âme des oiseaux;
- Donnez-moi votre main, ayez foi dans vous-mêmes,
- Et vous saurez marcher comme moi sur les eaux.
-
-
-XXVI
-
-L’INFINI MIRACLE
-
- Ses sœurs le cherchaient, et Marie,
- Toujours craintive d’un danger,
- Toujours prête à la gronderie,
- Disait: «A-t-il de quoi manger?»
-
- Le peuple autour de lui fourmille,
- Implorant les mots guérisseurs.
- On lui dit: «Voici ta famille:
- Ta mère approche avec tes sœurs.»
-
- --«Mes frères, mes sœurs et ma mère,
- Dit-il au peuple, c’est vous tous;
- La vie est une plante amère,
- Mais le miel de ma ruche est doux.
-
- «Je suis la tendresse promise;
- Sur vos maux je viens me pencher;
- Et je suis plus grand que Moïse
- Qui fit jaillir l’eau du rocher:
-
- «C’est la dureté des cœurs même
- Que je frappe, et l’amour en sort:
- Le ciel est en nous lorsqu’on aime...
- L’amour est plus fort que la mort.
-
- «Possédés d’orgueil et de haine,
- Je chasse de vous ces démons.
- J’apporte la tendresse humaine:
- Nous avons Dieu quand nous aimons.
-
- «Buvez à ma source d’eau vive,
- Car je sauve celui qui croit.
- Votre esprit boite? qu’il me suive:
- Il saura marcher vite et droit.
-
- «Votre cœur est sourd? qu’il m’entende
- Muet? qu’il parle. Renaissez!
- Frappez: ma porte s’ouvre grande.
- Reposez sur moi, cœurs lassés
-
- «Levez-vous, ô paralytiques,
- Marchez, emportez votre lit!»
- Et dans la joie et les cantiques
- Le monde infirme tressaillit!
-
- --«Un aveuglement les égare;
- Ils t’ont mis sous terre vivant...
- Lazare, Lazare, Lazare,
- Lève-toi! Marche mieux qu’avant!»
-
- Et l’esprit humain se redresse
- Et quitte, plus fort et plus beau,
- Au grand appel de la tendresse,
- Les bandelettes du tombeau.
-
- O temps d’allégresse première
- Où l’aveugle des grands chemins
- Se voyait rempli de lumière
- Quand Jésus élevait les mains!
-
-
-XXVII
-
-LES PETITS ENFANTS
-
- «Je suis la paix, l’amour, et mon règne commence,»
- Disait-il, et tous les souffrants suivaient ses pas...
- Comme il était pressé par une foule immense,
- Les enfants, qui voulaient le voir, ne pouvaient pas.
-
- Les disciples disaient «Laissez passer le Maître!»
- Et plusieurs éloignaient les gens avec leur main,
- Et les petits enfants qui voulaient le connaître
- Se trouvaient écartés aussi de son chemin.
-
- Les mères tout à coup sentaient leur main lâchée
- Par le petit garçon et sa petite sœur,
- Et les enfants, grimpant sur l’arbre de Zachée,
- Regardaient de là-haut l’Homme de la douceur.
-
- Quelques-uns à cheval sur le cou d’un bon père,
- Et d’autres sur le bras de leur mère et pleurant,
- Tous voulaient voir Celui qui disait: «Peuple, espère!»
- ... Ils le sentaient si près de leur cœur, quoique grand!
-
- Et Jésus, très fâché de voir qu’on les repousse:
- «Laissez venir à moi tous ces petits enfants...
- Ceux-là seuls qui, comme eux, ont l’âme pure et douce,
- Au royaume du Père entreront triomphants.
-
- «Et malheur à qui met un trouble dans leurs âmes!
- S’il n’est pas criminel ou stupide, il est fou!
- Il vaudrait mieux pour lui que, maudit par les femmes,
- On le jette à la mer avec la pierre au cou!
-
- «Car ces petits cœurs-là, c’est la source profonde
- Qui sera fleuve, et court vers des lieux ignorés.
- N’oubliez pas qu’ils sont l’espérance du monde,
- Et l’avenir sera ce que vous les ferez.»
-
- Il écarta la foule, et, foule plus petite,
- Des centaines d’enfants accouraient, tout joyeux.
- Recevant dans leur cœur, où l’avenir palpite,
- La bénédiction qui tombait de ses yeux.
-
- Sa main, sa belle main légère, les caresse,
- Passant avec douceur sur leurs longs cheveux bruns;
- Il donne à tous sa paix, et la même tendresse...
- Et pourtant son regard s’arrête à quelques-uns.
-
- Il voudrait à chacun parler selon leurs âmes:
- Il les baptise en lui de paix, d’espoir, de feu,
- Surtout les plus petits, nichés au sein des femmes,
- Oiseaux à peine éclos des mystères de Dieu.
-
- Il les attire tous dans sa tiède pensée,
- Comme la poule prend sous l’aile ses poussins,
- Et les garde, nichée incertaine et pressée,
- Un instant au berceau de ses profonds desseins.
-
- Tous passent un instant dans cette âme féconde
- Et tous l’aiment, sentant que tous ils lui sont chers,
- Et le Dieu porte ainsi tout l’avenir du monde
- Dans son cœur maternel qui refait l’univers.
-
-
-XXVIII
-
-LES COMMÉRAGES
-
- Il revint au pays, et, devant ses discours,
- Les gens de Nazareth même et des alentours,
- Étonnés, se disaient:--«Il parle comme un ange,
- Et cependant il est d’ici! c’est bien étrange!
- Son père n’est-il pas Joseph le charpentier
- Dont, tout jeune, il apprit assez mal le métier?
- ... Bon Joseph, faible en tout, même en charpenterie!
- Et sa mère...
- --Allons donc?
- --Mon Dieu, oui, c’est Marie!
- --Quoi! celle que Joseph refusa tout d’abord?
- --Oui.
- --Ah! je me souviens! Certe! il n’avait pas tort.
- --Jacques, Joseph, Simon et Jude...
- --Oui, des drôles!...
- --... Sont ses frères...
- --Tu dis?
- --Je hausse les épaules!
- Ces gaillards font les fiers! Leur Jésus n’est qu’un fou...
- --Ses sœurs ont un orgueil!...
- --Et ça n’a pas le sou...
-
- Et Celui qui marchait vers la croix triomphale
- Était dans son village un sujet de scandale.
-
-
-XXIX
-
-LA FEMME
-
- Cherchez l’éternel, même en l’amour éphémère;
- Prenez garde à la femme, aux chaînes de ses mains
- Ses lourds cheveux sont des liens; elle est amère
- Comme la mort. Veillez, ô faibles cœurs humains.
-
- Certains hommes sont nés sans la puissance d’homme;
- D’autres sont mutilés en arrivant au jour;
- D’autres, cherchant la loi de Celui que tout nomme,
- Oublîront les amours pour mieux trouver l’amour.
-
- Amis, la chair est faible; elle est aisément lâche
- Quand la femme l’appelle et lui dit: «Reste là!»
- Samson était marqué pour une grande tâche:
- Prenez garde aux ciseaux des sœurs de Dalila!
-
- Vous abandonnerez cependant mère et père,
- O chastes épousés, pour ne faire qu’un seul,
- Puis de vous sortira l’avenir qu’on espère,
- Puis Dieu vous roulera dans le même linceul.
-
-
-XXX
-
-LA SAMARITAINE
-
-LA SAMARITAINE.
-
- Étranger, que fais-tu près de cette fontaine,
- Assis et tout poudreux sur le bord du chemin?
-
-JÉSUS.
-
- Fais-moi boire.
-
-LA SAMARITAINE.
-
- Seigneur, je suis Samaritaine...
- Et tu veux de cette eau que va puiser ma main!
- Les Juifs n’ont pas commerce avec ceux de ma race.
-
-JÉSUS.
-
- Si tu savais quel don j’apporte, qui je suis,
- Qui te parle, c’est toi peut-être qui, par grâce,
- Demanderais un peu d’eau vive de mon puits.
-
-LA SAMARITAINE.
-
- Comment puiserais-tu? la fontaine est profonde;
- Tu n’as rien pour puiser; tu te tiens en repos...
- Es-tu plus que Jacob?... Il a bu de cette onde
- Où ses enfants et lui conduisaient leurs troupeaux.
-
-JÉSUS.
-
- On aura soif encor, douce Samaritaine,
- Quand on boit de cette eau, calme comme le ciel:
- Mais celui qui, lassé, s’abreuve à ma fontaine,
- Il garde en lui la source et le calme éternel.
-
-
-XXXI
-
-MARIE-MAGDELEINE
-
- Quand Magdeleine apprit qu’un jeune homme à l’œil clair,
- Simple et beau, soumettait le peuple à sa parole,
- Ayant rêvé longtemps de lui, la vierge folle
- Désira le soumettre à ses charmes d’enfer.
-
- L’orgueil seul, son orgueil naïf de fille d’Ève,
- L’inspirait,--et, voulant se mesurer au Dieu,
- Elle partit, le cœur brûlant, la joue en feu,
- Elle vint à celui qu’elle admirait en rêve.
-
- Elle comptait bien faire, avec des cheveux blonds,
- Un câble pour lier ses pieds, ses mains, son âme...
- Le vainqueur de Satan vaincra-t-il une femme?
- Et, tremblante d’orgueil, elle murmure: Allons!
-
- Elle vint.--«O Seigneur, lui dit-elle inclinée,
- Laisse mes doux parfums couler sur tes pieds nus!»
- Et, menteuse, elle prit des regards ingénus,
- Mais son âme au dedans ne s’était pas donnée.
-
- Le Dieu, calme, sourit au mensonge banal,
- Et, triste, il la laissa, recevant comme on donne,
- Verser l’ambre et le nard sur la chair qui frissonne,
- Mais l’esprit disait: «Dieu, préservez-nous du mal!
-
- «Qu’elle s’élève à moi par la tendresse entière,
- Celle qui vient à moi pour l’amour sensuel;
- Tous les chemins d’en bas conduiront à mon ciel,
- Puisque l’âme est par vous liée à la matière.»
-
- Et, dominant sa peine et les frissons nerveux
- Qui couraient sur ses pieds avec la chaude haleine,
- Jésus soufflait son rêve au cœur de Magdeleine
- Qui, lente, dénouait pour lui ses grands cheveux.
-
- En vain elle écrasa sur les pieds nus sa bouche,
- Les baisant, les mordant des talons à l’orteil,
- Lui, songeait, l’œil au ciel, tourné vers le soleil:
- «Sauvons ce cœur captif dans la chair qui me touche!»
-
- Et les beaux pieds du Dieu, sous le baiser charnel,
- Rayonnaient vers le front de la femme abaissée,
- Qui dit enfin, debout et droite de pensée:
- «Pardon! je t’aimerai, Seigneur, dans l’éternel!»
-
-
-XXXII
-
-MARTHE ET MARIE
-
- Elles étaient deux sœurs, Marthe aux cheveux châtains,
- Et Marie aux yeux clairs, plus jeune, rose et blonde
- Et Celui qui devait léguer l’amour au monde
- Était le guide sûr de ces cœurs incertains.
-
- Marthe, tout orgueilleuse, était la ménagère,
- Les soins et les soucis donnant l’autorité.
- L’autre, offrant un secours chaque fois écarté,
- Dans sa propre maison semblait une étrangère.
-
- Or Marthe ayant reçu Jésus dans sa maison,
- Marie, aux pieds du Maître assise, écoute et songe,
- Et lui, par des discours qu’elle-même prolonge,
- Forme attentivement sa naïve raison.
-
- --«Maître, dis-moi, crois-tu que mon âme est gâtée?
- C’est ta brebis perdue?... Oh! si c’était cela,
- Je la ferais pour toi légère... porte-la!»
- Et sans fin elle boit la parole écoutée.
-
- Il aime mieux Marie et le bleu de ses yeux,
- Ses cheveux blonds et lourds, tels que des moissons mûres,
- Sa lèvre où la parole a de si frais murmures
- Et son sourcil pareil au croissant d’or des cieux.
-
- Marthe, le ton grondeur, le visage un peu sombre,
- Jalouse quand sa sœur veut sa part de travail,
- Maîtresse en tout, s’acharne au plus petit détail,
- Comptant sans fin des plats dont elle sait le nombre.
-
- --«Oh! Maître, dit Marie, oh! que tu parles bien
- Des lys vêtus de soie et des douces colombes!
- Dis-moi, tu seras là, quand s’ouvriront les tombes?
- Alors, si je te vois, je ne craindrai plus rien!»
-
- Un jour, tournant les yeux vers sa blonde cadette,
- Irritée à la voir se plaire aux chers discours:
- --«Tu ne fais rien, quand moi je travaille toujours,
- Dit Marthe. Il serait temps de me payer ta dette.»
-
- --«Viens écouter comme elle et te repose un peu:
- Dit Jésus.--«Commandez, dit Marthe, qu’elle m’aide!»
- Or l’irritation la fit paraître laide,
- Et par l’entêtement elle déplut au Dieu.
-
- --«Marthe, Marthe, dit-il, laisse ta pauvre tâche.
- Ta sœur veut bien la faire et tu m’écouteras...»
- Mais Marthe répondit: «J’aime occuper mes bras.
- Ma maison est trop grande et mon cœur n’est point lâche.»
-
- Voyant son injustice, il répondit encor:
- --«La part que se choisit Marie est la meilleure.»
- Et tandis que, tout bas, la petite sœur pleure,
- Jésus, posant sa main sur les beaux cheveux d’or:
-
- --«Cette meilleure part ne peut plus être ôtée
- A l’enfant qui me cherche et qui veut mes leçons...»
- Et, pensive, Marie, avec de doux frissons,
- Boit, les yeux sur Jésus, la parole écoutée.
-
-
-XXXIII
-
-L’INSCRIPTION SUR LA TERRE
-
- Lorsqu’on vint lui parler de la femme adultère,
- Avant d’éterniser, par un mot de son cœur,
- La suave indulgence et le pardon vainqueur,
- Il traça de son doigt des signes sur la terre.
-
- Courbé vers le limon d’où l’homme fut tiré,
- Que traçait-il à terre avec son doigt sublime?
- Hésitait-il encore à pardonner ce crime?
- Cherchait-il à parfaire un mot, le mot sacré?
-
- La femme qu’on avait surprise à demi nue,
- Demeurait là, debout, triste et baissant les yeux,
- Muette, à regarder l’homme mystérieux
- Qui traçait sur le sol une chose inconnue.
-
- --«Celui qui d’entre vous se trouve sans péché
- Lui jette la première pierre,» dit le Maître.
- Puis, se baissant encore, il refit, lettre à lettre,
- Ce qu’il traçait du doigt, à genoux et penché.
-
- Pourquoi les laisse-t-il, sans parler davantage,
- Tous ces Pharisiens au sourire hideux?
- Pourquoi la laisse-t-il souffrir au milieu d’eux,
- Pâle et debout, le sang de la honte au visage?
-
- Ils partirent, voyant qu’il écrivait toujours;
- Elle resta, sans qu’il parût y prendre garde.
- Qu’attend-elle de lui, l’âme qui le regarde?
- Écrit-il son dégoût des terrestres amours?
-
- S’il écrit sur la terre, ah! c’est que notre terre,
- Qui nourrit les vivants et se nourrit des morts,
- Lourde origine, impose à la chair sans remords
- Le baiser, redoutable et beau comme un mystère!
-
- C’est qu’elle est toute cause et toute excuse en nous,
- Comme nous à la fois chose infime et sublime;
- L’eau du ciel l’alourdit mais un rayon l’anime:
- C’est pourquoi, sur la terre, il écrit à genoux...
-
- Et ce qu’il confiait à l’éternelle argile,
- C’est l’éternel pardon que répandaient ses mains;
- Dans la terre qu’il creuse, il met tout l’Évangile,
- Pour que le sol lui-même en parle aux pieds humains
-
- Pour que, par nos talons, le sol, argile ou sable,
- En tremblant nous l’envoie au cœur et sous le front,
- Et qu’éternellement, dans tous ceux qui naîtront,
- Ce qui périt ressente un verbe impérissable.
-
- Et seul avec la femme, il dit, se relevant:
- «Vous a-t-on condamnée?»
- Elle dit: «Non!»
- --«O femme,
- Je ne condamne pas non plus! Paix à votre âme!»
-
- Alors elle partit, consolée et rêvant...
-
-
-XXXIV
-
-LE BŒUF
-
- Comme il passait au bord d’un champ où, tête basse,
- Un bœuf tirait l’araire et creusait des sillons,
- Un instant il rêva, l’œil fixé sur sa trace,
- Puis, ouvrant les deux mains, il sema des rayons.
-
- Et songeant au bon grain, à l’ivraie, au mystère,
- L’homme que le travail des hommes attendrit,
- Bénit l’humble animal qui labourait la terre,
- En murmurant: «Le pain du corps soutient l’esprit.»
-
-
-XXXV
-
-L’ANE
-
- Or, comme il cheminait en suivant son beau songe,
- Sous un frêle olivier, tout au bord du chemin,
- Un vieil âne pelé, qui tirait sur sa longe,
- Avançant les naseaux, vint effleurer sa main.
-
- Et Jésus s’arrêta, songeant à cette crèche
- Où l’âne, avec le bœuf, l’accueillirent enfant,
- Ou tous deux, à genoux dans de la paille fraîche,
- Sur ses petits bras nus soufflaient le réchauffant.
-
- Longtemps il regarda cette humble et lourde tête,
- Ces poils longs et rugueux, ces deux gros yeux surpris
- Puis sa main caressa, sur les flancs de la bête,
- La trace du bâton qui les avait meurtris.
-
- Vers l’âne enfin Jésus pencha sa face auguste,
- Et le pauvre animal, se mettant à trembler,
- Soufflait, tout haletant, sur les lèvres du Juste,
- Ce grand soupir des cœurs qui ne peuvent parler.
-
-
-XXXVI
-
-L’ARGILE
-
- De tout petits enfants, jouant avec l’argile,
- Façonnaient gauchement des oiseaux et des fleurs
- Et, s’arrêtant près d’eux, l’homme de l’Évangile
- Songeait: «Il est ici, l’espoir des temps meilleurs!
-
- «En façonnant les cœurs d’enfants, argile molle,
- On ferait l’homme bon et plus beau, sûrement...»
- Et Jésus caressait d’une douce parole
- Ceux dont pourrait sortir un avenir aimant.
-
- Il admirait comment leur naïve tendresse
- Accourt au moindre appel, tend les bras et sourit;
- Il faut que la leçon leur semble une caresse;
- C’est grandir notre espoir que grandir leur esprit.
-
- --«Montre-moi cet oiseau, laisse que je l’achève;
- Lorsque j’étais petit, j’en faisais de pareils...»
- Et l’enfant, tout debout, tendant l’oiseau, l’élève
- Vers l’homme bienveillant qui donne des conseils.
-
- Mais quand aux mains de l’Homme il cherche à le reprendre,
- Tandis que ses amis se pressent à l’entour,
- L’enfant laisse échapper l’oiseau d’argile tendre
- Et qui s’écrase aux pieds du Prophète d’amour.
-
- --«Oh! mon oiseau! l’oiseau que j’avais fait moi-même!
- Que je voulais montrer à ma mère!»--Il pleurait.
- Et l’ouvrier des cœurs, qui savait comme on aime,
- Souffrait avec l’enfant de ce touchant regret.
-
- --«Fais-en bien vite un autre!... un plus joli peut-être!»
- Et, ses deux belles mains dans un limon visqueux,
- Afin que les petits fussent contents, le Maître
- S’était assis à terre et jouait avec eux.
-
-
-XXXVII
-
-CHEZ MARIE, MÈRE DU CHRIST
-
-UNE VOISINE.
-
- Je vous plains! cet enfant vous met en grand souci.
-
-MARIE.
-
- Et cependant il a l’âme d’une colombe!
-
-LA VOISINE.
-
- Hélas! mais il en a les deux ailes aussi:
- Jamais au colombier!... Nos enfants, c’est ainsi...
- Il vous tourmentera toujours, jusqu’à la tombe.
-
-MARIE.
-
- A douze ans, il faisait aux Scribes la leçon!
-
-LA VOISINE.
-
- ... Le mien est assidu chez un maître maçon.
- Le vôtre a de l’orgueil?
-
-MARIE.
-
- Oh! non!
-
-LA VOISINE.
-
- Quel est son âge?
-
-MARIE.
-
- Trente ans... ce cher petit
-
-LA VOISINE.
-
- Et ça croit tout savoir!
-
-MARIE.
-
- Mon Dieu, non! mais beaucoup disent que c’est un sage.
-
-LA VOISINE.
-
- Jean, le baptiste, on dit qu’il est allé le voir?...
- Il s’est fait baptiser?
-
-MARIE.
-
- Ça, c’était du courage:
- Voici Jean en prison.
-
-LA VOISINE.
-
- Vous ne savez donc rien?
- Il est mort.
-
-MARIE.
-
- Mort!
-
-LA VOISINE.
-
- Hérode a fait trancher sa tête.
- La fille de la reine ayant dansé très bien:
- «Que veux-tu?» lui dit-il. La réponse était prête.
- La femme du tétrarque en voulait au prophète
- Qui traita son second mari d’incestueux.
- Et l’enfant dit au roi: «Je sais ce que je veux:
- Je veux, sur un plat d’or, la tête du baptiste!»
-
-MARIE.
-
- C’est effrayant, cela!
-
-LA VOISINE.
-
- N’est-ce pas que c’est triste?
-
-MARIE.
-
- Mon fils a des amis vraiment bien dangereux!
-
-LA VOISINE.
-
- Puisque vous comprenez qu’un danger le menace,
- Je peux vous en parler?
-
-MARIE.
-
- Que savez-vous, de grâce?
-
-LA VOISINE.
-
- Hérode, ayant appris qu’avec autorité
- Votre fils parle au peuple et qu’il est écouté,
- S’inquiète de lui... Vous serez courageuse?...
- Il prétend que Jésus, c’est Jean ressuscité!
-
-MARIE.
-
- Mon Dieu! mon Dieu! mon Dieu! que je suis malheureuse!
- J’ai prévu tout cela quand il était petit.
- Voilà bien dix-huit ans au moins qu’il n’a rien dit.
- Je le croyais changé, mais non! Ce grand silence,
- Ce n’était que travail et longue patience!
- Je le vois: il lisait tout ce qui fut écrit.
-
-LA VOISINE.
-
- Oui, l’enfant, qu’on croyait corrigé--recommence!
- Pauvre femme!... On ne voit que lui, sur les chemins!
-
-MARIE.
-
- Il touche des lépreux avec ses pauvres mains!
-
-LA VOISINE.
-
- On le rencontre avec des vagabonds, des filles!
-
-MARIE.
-
- Il dit qu’on doit avoir des sentiments humains!
- Je le sais.
-
-LA VOISINE.
-
- Mais on doit des égards aux familles!
-
-MARIE.
-
- Mon Dieu! mon Dieu! comment cela finira-t-il?
- Hérode est irrité... c’est le plus grand péril.
-
-LA VOISINE.
-
- Et les Pharisiens, les grands docteurs du Temple,
- Ont droit de se fâcher, quand il leur dit: «La Loi
- A fait son temps; pensez et prêchez comme moi!
- Moïse n’est plus rien! c’est moi qui suis l’exemple,
- Le seul Maître!»
-
-MARIE.
-
- Oh! mon Dieu, pourquoi, mon Dieu! pourquoi
- Nos fils, devenus grands, nous font-ils tant de peine?
- ... Il m’aime bien, pourtant!
-
-Elle s’agenouille.
-
- Dieu juste, éternel Dieu,
- Ayez pitié de moi, Clémence souveraine!
-
-Jésus paraît devant elle.
-
-JÉSUS.
-
- Mère, je pars encor: je viens vous dire adieu.
- Mes amis les pêcheurs m’ont préparé leur barque;
- Je dois fuir pour un temps Hérode, le tétrarque.
- Je pars.
-
-MARIE.
-
- O mon Jésus! ô mon fils! ô mon sang,
- Ma chair!--je vis par toi dans l’éternelle crainte!
- J’ai bien souffert de toi lorsque j’étais enceinte.
- J’ai bien souffert encor par toi, pauvre innocent,
- Lorsqu’il fallut s’enfuir au désert, sur notre âne!
- Mais tu n’y pouvais rien, quand tu ne savais pas;
- Aujourd’hui, tu devrais au moins parler plus bas:
- Hérode te poursuit! Le temple te condamne!...
- Es-tu sûr, mon Jésus, d’avoir raison?
-
-JÉSUS.
-
- Adieu,
- Ma mère. Vous aussi vous ignorez mon âme.
- Nul homme n’est si loin de l’homme--que la femme.
- Ma mission commande et j’obéis à Dieu,
- Et vous, vous ne songez qu’à des choses humaines.
- Hélas! de tout mon cœur j’ai pitié de vos peines,
- Mais ne puis m’attarder aux humaines amours.
- Pleurez, car vous non plus ne m’aurez pas toujours!
- Pleurez, femme: je dois subir toutes les haines;
- Pleurez; vos pleurs aussi deviendront un secours.
- Moi, j’ai tout à souffrir pour consoler la terre,
- Et si vous compreniez je souffrirais bien moins,
- Car le plus grand malheur est d’être solitaire
- Et le fond de mon cœur doit rester sans témoins.
-
-MARIE.
-
- Change ta volonté... Tout le monde te blâme.
- Mon reproche est si doux!... Il te semble importun?
-
-JÉSUS.
-
- Hélas! ma mère, hélas! vous n’êtes qu’une femme...
- Hélas! femme, entre nous qu’y a-t-il de commun?
-
-
-XXXVIII
-
-LE SOMMEIL
-
- L’homme miraculeux qui portait dans son âme
- Un ciel plus constellé que les ciels de la nuit,
- Dans son cœur un soleil, une source de flamme,
- Et dans son calme esprit la vérité qui luit,
-
- L’homme dont la tunique était faite de gloire,
- De probité candide et du lin le plus pur,
- Dont la parole avait le poli de l’ivoire,
- L’éclat du croissant clair et les tons de l’azur,
-
- Dont chaque mot était un diamant superbe
- Que ramassaient, courbés, les pauvres en haillons,
- Celui dont chaque pas faisait des fleurs dans l’herbe
- Et dont les yeux jetaient aux âmes des rayons,
-
- Comme la nuit tombait sur l’homme de lumière,
- Cet homme, pauvre et seul, dont le cœur était dieu,
- S’étant baissé, chercha vainement une pierre
- Pour y poser sa tête et s’endormir un peu.
-
-
-XXXIX
-
-LE TRIOMPHE
-
- Or, comme, sur un âne, Il venait vers la ville:
- «Le voici! Le voici!» crièrent les enfants.
- L’esprit d’amour grandit la multitude vile,
- Et, tous en un, les cœurs se gonflaient, triomphants.
-
- --«Déroulons les tapis d’honneur dans la poussière,
- Jetons devant ses pas des parfums et des fleurs!»
- Et les grands, les petits, les vieux, la foule entière,
- Sentaient le cœur d’un seul plus grand que tous les leurs.
-
- Au-dessus de sa tête on balançait des palmes;
- Des riches étalaient sous ses pieds leurs manteaux,
- Et lui passait, un pur rayon dans ses yeux calmes
- Que la simplicité du cœur faisait si beaux.
-
- Et des marchands et des soldats venus de Rome
- Disaient: «L’ambition illumine son œil:
- Cet homme sera roi. Qu’on surveille cet homme
- Qui provoque déjà les pompes de l’orgueil!»
-
- Mais Jésus, faisant halte à l’ombre d’un platane,
- Et souriant:--«Mes bons amis, vous jugez mal:
- Celui qui foule aux pieds vos tapis--c’est mon âne!
- Je n’en suis pas plus fier que ce doux animal.
-
- «Et je laisse partout flotter vos oriflammes,
- Vos tapis s’étaler, vos fleurs embaumer l’air,
- Parce qu’il faut encore un signe aux pauvres âmes:
- Ma parole est esprit; votre oreille est de chair.
-
- «Si j’avais quelque orgueil, ce serait de moi-même;
- Je ne crains pas pour moi ces vains honneurs d’un jour
- Mais j’aime à voir, par moi, dans un orgueil que j’aime,
- Dix mille cœurs unis ne faire qu’un amour...
-
- Pour triompher, mon rêve, au niveau de ma tête,
- Prend, sensible à vos yeux, l’éclat matériel,
- Mais j’ai mis les honneurs sous les pieds d’une bête
- Et mon cœur va plus haut que les oiseaux du ciel.»
-
-
-XL
-
-SUR LE PARVIS DU TEMPLE
-
-UN PHARISIEN.
-
- Vous l’avez entendu?
-
-UN SCRIBE.
-
- Comme je vous entend.
-
-LE PHARISIEN.
-
- Et que disait le peuple?
-
-LE SCRIBE.
-
- Il paraissait content.
-
-LE PHARISIEN.
-
- Avez-vous retenu sa harangue?
-
-LE SCRIBE.
-
- Oui, par bribes...
-
- La voici donc. Écoutez-la:
- «Les Pharisiens et les Scribes
- Sont assis dans la chaire où Moïse parla,
- Mais je ne puis en eux respecter que cela.
- ... Ils mettent sur le dos de l’homme
- Qui, plié, ne peut plus marcher,
- Des fardeaux de bêtes de somme,
- Mais ils n’y voudraient pas toucher!»
-
-LE PHARISIEN.
-
- C’est prêcher la révolte!
-
-LE SCRIBE.
-
- Oh! ce n’est rien encore:
- ... «Que leur fait la vertu, pourvu qu’on les honore?
- Ils écrivent la Loi sur de gros parchemins,
- Mais l’esprit de la Loi n’entre pas dans leur âme;
- Avant chaque repas ils se lavent les mains,
- Mais c’est l’impureté de leur cœur--que je blâme.
- Ils veulent être bien placés dans les repas:
- Tout leur désir est de paraître!
- Pourvu qu’on les appelle: «Maître!»
- Dieu--seul maître des cœurs--ne leur importe pas!»
-
-LE PHARISIEN.
-
- C’est affreux!
-
-LE SCRIBE.
-
- Attendez!
-
-LE PHARISIEN.
-
- Par le Temple! Je rêve!
-
-LE SCRIBE.
-
- ... «Vous n’avez qu’un docteur, et c’est moi, ce docteur!
- Le plus grand ne sera que votre serviteur;
- J’abaisse celui qui s’élève,
- Et je relèverai ceux qui sont abaissés!»
-
-LE PHARISIEN.
-
- C’est infâme!... Ce sont des propos insensés.
-
-LE SCRIBE.
-
- Il y a mieux encore. Écoutez-moi la suite:
- «Pharisiens, malheur à vous, race hypocrite!
- Vous priez à grand bruit sur les parvis sacrés,
- Mais, fiers de vos manteaux dorés aux franges neuves,
- Tout en priant, vous dévorez
- L’obole et la maison des veuves!
- Malheur à vous! car Dieu vous regarde irrité!
- Vous qui, tout en payant la dîme,
- Encouragez le crime,
- Négligents de justice et de fidélité...»
-
-LE PHARISIEN.
-
- Abomination! nous allons à l’abîme!
- Je ne vois plus pour nous nulle sécurité
- Tant qu’on n’arrête pas ce parleur redoutable.
-
-LE SCRIBE.
-
- «O sépulcres blanchis, vous êtes au dehors,
- --Disait-il en criant,--d’une blancheur aimable,
- Mais pleins de pourriture et d’ossements de morts!
- Oui, vous rebâtissez les tombeaux des Prophètes,
- Mais qui les a tués, si ce n’est vos aïeux?
- Vous versez le sang le plus précieux!
- O serpents, race de vipères!
- Meurtriers, dignes de vos pères,
- Car vous tûrez encor, toujours, ceux qui viendront,
- Jusqu’à ce que retombe enfin sur votre front
- Tout le sang généreux répandu sur la terre!»
-
-LE PHARISIEN.
-
- Il a dit tout cela? Comment le faire taire?
-
-LE SCRIBE.
-
- On pourrait le livrer aux juges. Songez donc.
- Il remet les péchés! C’est en Dieu qu’il se pose,
- Avec ces mots nouveaux d’amour et de pardon!
- Jéhovah Sabaoth n’est donc plus assez bon?
-
-LE PHARISIEN.
-
- Il tente de guérir--par ses mains qu’il impose.
- Il blâme hautement le divorce...
-
-LE SCRIBE.
-
- Autre chose:
- Il se rit du Sabbat: hier, tout en marchant,
- Ses disciples cueillaient des épis dans un champ.
- C’était jour de Sabbat! On en fit la remarque;
- Mais lui, montant, au bord du lac, dans une barque,
- Avec un très malin sourire nous parla:
- «Votre âne et votre bœuf ont-ils soif ce jour-là?
- Dit-il. N’oubliez pas de leur donner à boire!»
-
-LE PHARISIEN.
-
- Il s’est moqué de nous!
-
-LE SCRIBE.
-
- Je commence à le croire!
- Car il a dit encor: «Quand on sème du blé,
- Par le jour du Sabbat voit-on qu’il soit troublé?
- Nuit et jour il travaille, en dépit de vos prêtres...
- Venez à moi, venez, ô cœurs endoloris:
- Même un jour de Sabbat je console et guéris!»
-
-LE PHARISIEN.
-
- L’insolent! Il est temps de nous en rendre maîtres!
- Si l’on ne punit pas de semblables discours,
- Le Temple, s’indignant, croulera de lui-même!
-
-LE SCRIBE.
-
- Il le rebâtirait, prétend-il, en trois jours!
-
-LE PHARISIEN.
-
- Écrivez ce mot-là: c’est son plus grand blasphème!
-
-LE SCRIBE.
-
- Vous savez que Judas nous prête son concours?
-
-LE PHARISIEN.
-
- Pour combien?
-
-LE SCRIBE.
-
- Oh! pas cher!... C’est un homme que j’aime:
- Il défend avec nous, contre cet exalté,
- L’honneur et l’avenir de la société.
-
-
-XLI
-
-LA COLÈRE
-
- On a vu plusieurs fois sa face courroucée,
- Mais surtout dans ce jour où, sur le saint parvis,
- Il aperçut, hurlant dans la foule pressée,
- Des marchands qui vendaient oiseaux et chènevis.
-
- Il y avait aussi des changeurs de monnaie,
- Et Jésus indigné cria, courant contre eux:
- --«Je viens pour séparer le bon grain de l’ivraie!
- Je viens pour nettoyer de leur mal les lépreux!
-
- «Et ceux-là sont la lèpre à la face du Temple,
- Qui sur mon seuil sacré viennent compter de l’or.
- Que le parvis lavé soit pur comme un exemple!...
- Hors d’ici! Vos trésors salissent mon trésor!
-
- «La graine que l’on vend gâtera ma semence!
- Votre balance impure est de mauvaise foi,
- Vous qui faites, à l’heure où mon règne commence,
- Votre éventaire avec les tables de la Loi!
-
- «Maudits! Vous avez fait des ailes prisonnières!
- Vous vendez ma colombe et mes biens les meilleurs
- Et du Temple, où jadis s’envolaient les prières,
- On dira: Ce n’est plus qu’un antre de voleurs!»
-
- Et tables, escabeaux, même les gens, tout tombe
- Sous sa main, seulement pitoyable aux oiseaux...
- La cage en se brisant délivrait la colombe
- Et l’or sur les degrés s’en allait par ruisseaux.
-
- --«Hors d’ici, gens sans foi ni loi! dehors, canaille!»
- Ses yeux lançaient l’éclair et, son fouet se levant,
- Tous couraient éperdus, chassés comme la paille
- Qui s’enfuit, tourbillonne et s’éparpille au vent.
-
-
-XLII
-
-L’INDIGNATION PUBLIQUE
-
-Sur la place, devant le Temple.
-
-UN RICHE.
-
- Ce vil Nazaréen, ce bâtard de l’étable,
- Commence à devenir un coquin dangereux.
- Sa parole mielleuse est un cri redoutable,
- Car tous les indigents vont se liguer entre eux.
- Hier, sur la montagne, ils étaient bien dix mille;
- Ce sont des péagers, des gueux, des gens de rien,
- Des filles, des pêcheurs... Le mal gagne la ville,
- Et même un sénateur tout bas s’est dit chrétien.
- Il m’irrite à la fin, avec ses paraboles
- Qu’on répète le soir au seuil de la maison.
- C’est un mauvais levain que ses belles paroles.
-
-UN BANQUIER.
-
- Une bonne potence en aura bien raison.
-
-LE RICHE.
-
- N’a-t-il pas dit hier à son peuple en guenille
- Que plutôt qu’un seul riche au royaume des cieux
- Un gros câble entrera par le trou d’une aiguille?
-
-LE BANQUIER.
-
- Ce sont là des propos vraiment séditieux!
-
-LE RICHE.
-
- A quoi pensent-ils donc, tous les princes des prêtres,
- Les sacrificateurs, les docteurs de la Loi?...
- Tous les pauvres demain vont nous parler en maîtres,
- Si l’on n’arrête pas ce gueux--qui se dit roi!
-
-A un citoyen romain qui les aborde.
-
- Qu’en pense-t-on là-bas, vous qui venez de Rome?
-
-LE CITOYEN ROMAIN.
-
- Rome ne se croit pas en péril pour si peu.
- Elle a coutume aussi de faire un dieu d’un homme...
- Pourtant l’ordre est donné de surveiller ce dieu.
-
-LE RICHE.
-
- Pilate est faible; il veut plaire aux uns comme aux autres:
- Il flatte Rome et veut surtout rester préfet;
- Il flatte aussi les gueux... de la graine d’apôtres!
- Il hésite et voilà comme un grand mal se fait!
-
-LE BANQUIER.
-
- Ce farouche Romain obéit à sa femme.
-
-LE CITOYEN ROMAIN.
-
- Elle croit Adonis revenu dans ce dieu!
-
-UN PRÊTRE.
-
- Madame Putiphar, peut-être... avant le drame.
-
-LE RICHE.
-
- Vous riez?--Il est temps plutôt d’agir un peu.
- Vous un prêtre, voyons, songez que ce Messie
- Soulève un mouvement qui ne se peut souffrir.
- Le Temple est en danger. D’où vient votre inertie?
-
-LE PRÊTRE, tout bas.
-
- Silence! Nous songeons à le faire mourir.
-
-
-XLIII
-
-LE BANQUET
-
- Lorsqu’il leur annonça qu’un d’eux le trahirait,
- Tous, le cœur incertain, craignirent en secret.
- Même après qu’en Judas il eut marqué le traître,
- Ils restèrent longtemps craintifs de se connaître,
- Et leur tristesse emplit la salle du banquet.
- Or, Jean, le favori, que Jésus remarquait
- Pour la grâce du cœur tendre et vite chagrine,
- Inclina lentement le front vers sa poitrine,
- Et le divin trahi, divinement humain,
- Sur le beau front de Jean posa longtemps sa main.
-
-
-XLIV
-
-LA SUEUR DE SANG
-
- Tandis que les deux fils de Zébédée et Pierre
- Sentaient s’appesantir lourdement leur paupière,
- Le Dieu, comme il est dit aux livres qu’on a lus,
- Se chercha dans lui-même et ne se trouva plus.
- Il avait dit: Dieu seul est fort. Croyez au Père.
- Il avait dit: Il faut qu’on aime et qu’on espère.
- Il avait dit: Heureux les tristes et les doux.
- Il avait dit: La paix du ciel soit avec vous.
-
- Maintenant, dans son cœur diminué, fragile,
- Le messager divin doutait de l’Évangile
- Et sa robuste foi d’espérance et d’amour
- Défaillait comme autour de lui l’éclat du jour...
- Le prometteur de paix n’est qu’une âme en tumulte;
- Sa promesse a menti; sa douceur, on l’insulte.
- La trahison le suit dans l’ombre pas à pas,
- Et son Dieu de pitié ne le console pas.
-
- * * * * *
-
- --«Seigneur, nous nous parlions autrefois face à face,
- Sur le bord des lacs bleus et le long du blé mûr,
- Et voilà qu’aujourd’hui votre image s’efface,
- Juste à l’heure où mon cœur demande un appui sûr.
-
- Ne m’abandonnez pas juste à l’heure de trouble
- Vous qui m’avez souri par les jours de soleil!
- Pierre m’a renié déjà dans son cœur double,
- Et, tandis que je meurs,--mes amis ont sommeil.
-
- Seigneur! rien n’est donc vrai de tout ce que j’annonce?
- Et la dette du Fils, vous ne la paîrez pas!
- Seigneur, j’attends de vous un souffle pour réponse...
- Je comprendrai, Seigneur: vous pouvez parler bas.
-
- J’assemble dans mon cœur tous les désirs de l’homme
- Et l’humanité même agonise avec moi.
- Mon Père, répondez au Fils quand il vous nomme...
- L’espérance et l’amour méritent bien la foi!
-
- J’ai fait deux pas vers vous, Maître de toute chose,
- Faites un pas vers moi qui sanglote à genoux;
- La foi n’est pas un bien dont notre âme dispose:
- On vous attend de vous, Seigneur! Exaucez-nous!
-
- Ils ont derrière moi couru vers un fantôme,
- J’ai trahi ceux à qui j’ai promis votre amour,
- Si je doute de vous et de votre royaume
- Que j’avais cru plus sûr que la splendeur du jour!
-
- Mais alors, ô Seigneur, que vais-je donc leur dire
- En sortant de cette ombre où mon cœur a douté?
- A quoi leur servira mon étrange martyre,
- Si le prix n’en est pas votre immortalité?
-
- J’ai dédaigné pour vous les sujets de leur joie;
- A ma mère j’ai dit: Qu’avons-nous de commun?
- Et les pieds et les yeux rivés sur votre voie,
- Je n’ai pris à l’amour terrestre qu’un parfum.
-
- Seigneur! ai-je trompé les races à ma suite,
- Et légué le néant à tous ceux qui viendront?
- Seigneur, je meurs d’effroi! Seigneur, répondez vite
- Car la sueur de sang découle de mon front!
-
- Ce supplice, ô mon Dieu! dépasse tout supplice,
- De douter, juste à l’heure où l’on meurt pour sa foi!
- Épargnez-moi l’horreur de boire ce calice.
- Détournez, s’il se peut, ce calice de moi!»
-
- * * * * *
-
- Dieu ne répondit pas. Et de la tête blonde
- Qui, lourde, s’affaissait sous les malheurs du monde,
- La sanglante sueur, goutte à goutte tombait...
- Et ce doute suivra le dieu sur son gibet!...
- C’en est fait. Tout est vain. Tout est faux. Tout est vide!
- Et ses yeux, dilatés dans sa face livide,
- Interrogeaient l’espace horrible où rien n’a lui.
- Tout à coup sa pensée, en lui, revint sur lui;
- Son regard, détourné du gouffre où Dieu se voile,
- Vit dans son propre cœur une lueur d’étoile,
- Et Jésus s’écria: «Ma lumière, c’est moi!
- Mon cœur se fera dieu pour qu’ils aient une foi.
- Tout leur bonheur promis, je le porte en moi-même,
- Et je crois à l’amour puisque--malgré tout--J’AIME!»
-
- Et Jésus se leva, triste paisiblement.
- Ses disciples, assis, l’attendaient en dormant,
- Sans avoir pris leur part de son angoisse sainte.
- L’un sur l’autre appuyés ils sommeillaient sans crainte,
- Très calmes et l’esprit roulé dans le sommeil.
- Jésus aurait aimé prendre un repos pareil,
- Mais, non loin, les soldats rôdaient avec leur lance,
- Et Jésus, s’asseyant sur la pierre en silence,
- Se garda d’éveiller trop vite ses amis,
- Parce qu’il les jugeait heureux d’être endormis.
-
-
-XLV
-
-LA GRANDE SOLITUDE
-
- Quand tous nos ennemis, indifférence ou haine,
- S’uniraient pour couvrir d’insultes notre cœur;
- Quand nous entendrions, dans un rire moqueur,
- S’élever contre nous toute la rage humaine,
-
- Nous pourrions dire encor: «Ils comprendront un jour:
- S’ils ne comprennent point, ce n’est pas de leur faute;
- Ils n’ont pas, pour bien voir, la pensée assez haute;
- Ceux qui peuvent haïr ignorent tout amour.»
-
- Et nous accepterions ce mal pour nécessaire!
- Mais que ceux dont on dit: «Mes chagrins sont les leurs,»
- Ne puissent pas nous suivre au fond de nos douleurs,
- C’est bien grande pitié, c’est bien grande misère!
-
- Surtout quand notre mal vient d’eux, souffert pour eux
- Il est vraiment cruel d’être seul dans l’angoisse,
- Et que cette lueur qui venait d’eux décroisse,
- Et que l’on soit plus seul, étant plus malheureux.
-
- La douleur qui nous point, quelquefois l’agonie,
- Nous exalte, et nous fait tout scruter et tout voir,
- Et ceux pour qui la veille est alors un devoir,
- Sentent leur lassitude écrasante, infinie:
-
- Ils s’endorment!... O Christ! Dieu de l’amour profond,
- Ils t’ont laissé tout seul dans la grande ténèbre!
- Toi, quittant par trois fois ta prière funèbre,
- Pour te sentir près d’eux, tu viens voir ce qu’ils font.
-
- Ils dorment! et ta voix, ils ne peuvent l’entendre!
- Elle n’arrive plus au cœur de tes amis...
- «Jean, tu dors? Pierre, Jacque, êtes-vous endormis?
- Et Jésus, par trois fois, vint, plus faible et plus tendre.
-
- Par trois fois dans son ombre il retourna plus seul,
- Disant: «La chair est faible, en dépit du courage!
- Ils n’ont pas pu veiller et m’aimer davantage!
- Et j’ai froid comme un mort dans l’oubli du linceul!
-
- «... Amis, la trahison se prépare et m’entoure:
- Veillez un peu; priez!...» Ils se rendormiront!
- L’abandonné de Dieu, sa sueur sur le front,
- Appelle--sans que même un homme le secoure.
-
- Ah! j’aime mieux la croix entre les deux voleurs!
- Et si l’humanité veut consoler cet homme,
- Ce n’est pas au moment où sa mort se consomme,
- Qu’elle doit revenir pour baiser ses douleurs...
-
- C’est là, c’est dans la grotte affreuse où son sang coule,
- Non celui de la chair, mais le sang de l’esprit,
- C’est quand il souffre, seul, tout ce que l’on souffrit,
- Qu’il faut mettre à genoux les pitiés de la foule.
-
-
-XLVI
-
-LA PREUVE EST EN NOUS
-
- Comment ton cœur a-t-il douté
- Que l’amour soit,--si ton cœur aime?
- Tu n’as pas la bonté suprême,
- Si tu doutes de la bonté.
-
- Si tu doutes de la justice,
- Sois équitable dans ton cœur;
- Tu vaincras ton doute moqueur,
- Par la vertu d’un sacrifice.
-
- Aie en toi le vrai dévoûment,
- Tu le croiras possible à d’autres;
- C’est tout le secret des apôtres:
- Prouve-toi l’amour, en aimant.
-
- Le prix d’une pitié sincère,
- C’est qu’elle nous donne, en retour,
- L’espoir, la foi, dans un amour
- Doux à notre propre misère.
-
- Dans son cœur, mieux que sur l’autel
- Ainsi le chrétien fait descendre
- La foi, l’espoir et l’amour tendre,
- En trois mots le Christ immortel.
-
- Oui, je crois à l’amour--quand j’aime
- Et c’est là, dans l’homme meilleur,
- Le paradis intérieur,
- Le royaume de Dieu lui-même.
-
-
-XLVII
-
-LE BAISER DE JUDAS
-
- Et Judas, trahissant celui qui se dévoue:
- «Je vous désignerai l’homme en baisant sa joue.»
- Les soldats le suivaient; il ne faisait plus jour,
- Et Jésus dit: «Voici le pouvoir des Ténèbres!»
- Et Judas, dont le nom pèse aux traîtres célèbres,
- Par le signe d’amour perdit l’homme d’amour.
-
-
-XLVIII
-
-L’ÉPÉE
-
- Ils vinrent avec des bâtons et des lanternes,
- Des lances qui parfois reluisaient dans la nuit,
- Et Judas les guidait, l’homme lâche aux yeux ternes,
- Heureux d’être dans l’ombre où sa bande le suit.
-
- «Que cherchez-vous?» leur dit en s’avançant le Maître.
- --«Jésus de Nazareth.» Il répondit:--«C’est moi!»
- Ils reculèrent tous, troublés de le connaître,
- Et sentirent passer sur eux un vent d’effroi.
-
- Pierre le défendit. Il avait une épée.
- Il la tira, frappant l’un des hommes obscurs;
- Et Jésus vit le sang d’une oreille coupée,
- Et dit: «Ne versez pas le sang. Restons-en purs!
-
- «Le glaive appellerait sans fin un autre glaive:
- Ma douceur de victime est mortelle au bourreau...
- Le règne de la haine à cette heure s’achève:
- Simon Pierre, remets ton épée au fourreau!»
-
- Il parlait, rayonnant sur les faces funèbres:
- Et, plus forts que l’épée et plus étincelants,
- Ces mots terrasseront le pouvoir des Ténèbres
- Et la guerre en mourra, fût-ce après trois mille ans.
-
-
-XLIX
-
-LE REGARD
-
- --«Tu trahiras trois fois, avant que le coq chante,
- Ton Maître, avait prédit Jésus, et tu l’aimais!»
- Et sûr de n’avoir pas une âme bien méchante,
- Pierre avait crié: «Non! Jamais, jamais, jamais!»
-
- Jésus, par les soldats conduit chez le grand prêtre,
- Marchait au milieu d’eux, traité comme un voleur.
- Pierre suivit de loin, comme sans le connaître,
- Retenu par l’effroi, poussé par sa douleur.
-
- Dans la cour du grand prêtre, au seuil du juge infâme,
- Les soldats se chauffaient près d’un brasier ardent;
- Et Pierre vint s’asseoir comme eux devant la flamme;
- Fidèle, il était là, mais se taisait, prudent.
-
- Par trois fois, tour à tour, une servante, un homme,
- Lui dirent:--«Étranger, tu connais celui-ci?»
- --«Je ne sais même pas, moi, comment il se nomme!»
- --«N’es-tu pas cependant de Galilée aussi?»
-
- --«Je ne le connais point!» répète le bon Pierre.
- «Vous êtes de ses gens?»--«Moi? non, en vérité!»
- Et d’un air très naïf, il baissait la paupière...
- Et c’est à ce moment que le coq a chanté.
-
- Et Jésus qu’entouraient la menace et les gestes,
- Tourna vers cet ami tendre et faible de cœur,
- Dans la lueur du feu, ses yeux, ses yeux célestes
- Où le blâme jamais n’avait rien de moqueur.
-
- La flamme du brasier illumina sa face,
- Fit grésiller d’éclairs son front, ses cheveux d’or:
- Et ses yeux, où la joie expirante s’efface,
- Toujours pleins de clarté brillèrent plus encor.
-
- Oh! ce regard d’amour, où l’amour agonise,
- Quel reproche à l’ami traître par lâcheté!
- Du mensonge prévu la tendresse est surprise
- Et l’espoir éternel meurt pour avoir douté!
-
- Dans ces yeux-là, l’amour survit, mais sous un voile!
- La flamme en sort; l’amour recule tout au fond.
- Et c’est comme un ciel triste où fuirait une étoile
- Qui voudrait ne plus voir ce que les hommes font.
-
- --«Je l’avais bien prévu: ta bouche me renie!
- Mais j’avais confiance en ton cœur, malgré moi...
- Vois, dans mes yeux, souffrir la tendresse infinie,
- Vois souffrir dans mes yeux l’espérance et la foi!
-
- «A l’heure où j’ai besoin d’une force suprême,
- Comment peux-tu laisser, toi l’ami juste et bon,
- Parmi tant d’ennemis, ton Maître aimé, qui t’aime,
- Plus malheureux, plus seul par ton lâche abandon!»
-
- Et, sans une parole, aux lueurs de la flamme,
- Le Maître regardait son ami fixement,
- Et Pierre, le dégoût de lui-même dans l’âme,
- Pleura, pleura, d’avoir trahi tout en aimant!
-
-
-L
-
-LE SOUFFLET
-
-Chez le souverain sacrificateur.
-
-ANNE.
-
- Que prêchais-tu?
-
-JÉSUS.
-
- Ce que j’ai dit, tout le proclame.
- J’ai dit ce que j’ai dit; je l’ai dit haut, toujours;
- Personne ne l’ignore et beaucoup l’ont dans l’âme,
- Que ceux qui m’écoutaient répètent mes discours.
-
-UN OFFICIER.
-
- Est-ce ainsi qu’on répond, roi des Juifs, faux prophète
- Au sacrificateur souverain!
-
-Il lui frappe la joue.
-
- Je soufflette
- Un roi.
-
-JÉSUS.
-
- Si j’ai mal dit, que ne le prouvais-tu?
- Et si j’ai bien parlé, pourquoi m’avoir battu?
-
-
-LI
-
-JUDAS
-
- --«Un d’entre vous, dit-il, me trahira.»--La table
- Frémit. Tous à la fois, tremblants, doutèrent d’eux,
- Et tous, sauf Jean, devant ce mot épouvantable,
- Connurent, dans leur cœur troublé, des fonds hideux.
-
- «Sera-ce moi, Seigneur?» disaient leurs lèvres blêmes,
- Et leurs regards plaintifs imploraient son secours,
- Car ils ne trouvaient point d’assurance en eux-mêmes;
- C’est par lui, non par eux, qu’ils espéraient, toujours.
-
- --«Celui qui met sa main au plat avec la mienne,
- C’est le traître!» Alors, tous ayant pensé: «Judas!»
- Le fourbe qui mangeait à la table chrétienne
- Vit dans les yeux l’injure et sortit à grands pas!
-
- Qui vendait-il? pourquoi? pour quelle pauvre somme?
- Trente méchants deniers, vraiment, c’était trop peu!
- Ce n’était pas le prix que vaut un honnête homme,
- O stupide Judas, et tu vendais ton Dieu!
-
- Quoi! depuis qu’il te parle et que toi tu l’écoutes,
- Tu ne sais rien de lui, ni son cœur ni son prix!
- Ah! pauvre être gonflé d’ignorance et de doutes,
- Tu l’as bien mal vendu, ne l’ayant pas compris!
-
- Comme un sourd paresseux tu marchais dans sa voie;
- Ton cœur était de roc sous le bon grain sacré;
- Et lorsqu’il vous parlait des lys vêtus de soie,
- Tu regardais, jaloux, ton manteau déchiré.
-
- Dans ton cœur ténébreux et souillé, dans ton âme
- Plus sale que le bas de ta robe en haillons,
- Jamais n’était entrée une petite flamme
- Quand il ouvrait son ciel d’où pleuvaient des rayons.
-
- Mais lorsque, dans ta nuit sans joie et sans étoile,
- Tu songeas: «Quoi! demain je ne l’entendrai pas!»
- Sur ta tête, la nuit se fendit comme un voile:
- Tu vis son ciel là-haut, ton infamie en bas!
-
- Pareil au malheureux tombé dans un puits sombre,
- Tu vis, tu vis, du fond de ton gouffre insondé,
- Tout là-haut, par la fente ouverte sur ton ombre,
- Un ciel que tu n’avais pas encor regardé!
-
- Malheureux! tu revis toutes les choses calmes
- Dont il parlait: les lys, les blés, même l’ânon;
- Tu compris le langage et la gloire des palmes,
- Et les petits enfants qui riaient à son nom;
-
- Tu revis la clarté des eaux de sa fontaine,
- Et la même clarté limpide dans ses yeux,
- Et tu dis: «J’habitais cette splendeur lointaine!
- Son cœur, c’était déjà le Royaume des cieux!»
-
- ... Dans le champ du potier, jetant la bourse vile,
- Judas en murmurant: «O Jésus!» se pendit.
- Et lui-même maudit comme un figuier stérile,
- Son corps fut comme un fruit sur cet arbre maudit.
-
-
-LII
-
-LA JUSTICE DU PEUPLE
-
-Devant le palais de Pilate.
-
-PILATE.
-
- Es-tu le roi des Juifs?
-
-JÉSUS.
-
- Tu l’as dit.
-
-PILATE.
-
- Peuple, écoute!
- Cet homme me paraît innocent; dans le doute,
- Qu’il soit libre: le cœur de son juge a douté.
- Mais puisqu’on a le droit de mettre en liberté
- L’un de tes prisonniers, aujourd’hui jour de fête,
- Délivrons ce Jésus.
-
-LE PEUPLE.
-
- Non! Non! Sa croix est prête!
-
-UN OFFICIER, à Pilate.
-
- Ta femme m’a chargé de te dire tout bas,
- Seigneur, d’être prudent.
-
-LE PEUPLE.
-
- Délivre Barrabas!
-
-PILATE.
-
- Barrabas! le plus vil des gueux! le plus infâme!
- Un meurtrier, un monstre affreux!
-
-L’OFFICIER, bas, à Pilate.
-
- Songe à ta femme,
- Seigneur. Elle a rêvé que cet homme est un dieu.
-
-LA FOULE.
-
- Délivre Barrabas!
-
-PILATE.
-
- O peuple! écoute un peu...
-
-L’OFFICIER, bas, à Pilate.
-
- Entre cet homme et toi ne mets pas d’injustice.
-
-PILATE.
-
- O peuple, réfléchis! que ton cœur s’amollisse!
- Cet homme n’a rien fait de coupable, à mes yeux.
- Apaise ta menace et ton cœur furieux:
- Dis-nous son crime, au moins?
-
-LA FOULE.
-
- Non! qu’on le crucifie!
-
-PILATE.
-
- Cet homme est innocent, je vous le certifie.
-
-LA FOULE, hurlante.
-
- Délivre Barrabas... Barrabas!... Barrabas!...
-
-PILATE.
-
- Qu’on m’apporte de l’eau.
- Si l’on ne m’entend pas,
- On me voit; c’est assez... Moi, juge au nom de Rome
- Je me lave les mains du sang pur de cet homme.
- C’est votre affaire!
-
-LA FOULE.
-
- A mort!
-
-PILATE, à l’officier.
-
- Ces gens sont inhumains.
-
-LA FOULE.
-
- A mort, Jésus! A mort!
-
-PILATE, à lui-même.
-
- Je m’en lave les mains.
-
-A voix haute:
-
- Peuple, encore une fois, que ton cœur s’amollisse!
-
-D’un ton insinuant:
-
- Voyons, mes bons amis, vous voulez la justice?
-
-LA FOULE.
-
- Non! Barrabas!
-
-PILATE.
-
- Voyons, vous voulez, n’est-ce pas
- La justice?
-
-LA FOULE.
-
- Non! Non! nous voulons Barrabas.
-
-
-LIII
-
-LA VENGEANCE
-
-LE BOURREAU.
-
- Eût-il été Satan qu’il n’aurait pu s’enfuir;
- Nous l’avons attaché, nu jusqu’à la ceinture,
- Et comme sur une aire on bat la moisson mûre,
- J’ai fouetté, de mon fouet aux lanières de cuir.
-
-UN MARCHAND
-
- Il excitait le peuple; il fallait un exemple!
- Mais depuis quand es-tu bourreau?
-
-LE BOURREAU.
-
- Depuis le jour,
- Voisin, où ce Jésus, qui parle tant d’amour,
- M’a fustigé!... J’étais un des marchands du Temple.
-
-
-LIV
-
-LE ROSEAU
-
- Lorsqu’il eut dans la main le roseau dérisoire
- Et sur le front l’affreux diadème sanglant,
- Tous riaient, lui disant: «O roi brillant de gloire,
- Ton peuple prosterné te salue en tremblant.»
-
- --«Les peuples et les rois ont une même mère,
- Leur dit-il. L’esprit seul est durable et seul fort;
- La couronne des rois n’est qu’un signe éphémère,
- Et mon faible roseau va défier la mort.»
-
-
-LV
-
-LA CROIX
-
- --«Ta croix? Elle est encor chez l’ouvrier; pas prête.
- Nous la prendrons, au bas de la côte, en passant.»
- Et Jésus chemina, levant sa blonde tête
- Sous la couronne affreuse où l’on voyait du sang.
-
- Au pied du Golgotha, dans sa boutique étroite,
- Le charpentier se hâte:--«Encor deux ou trois clous,»
- Grognait-il. Et Jésus regardait d’un œil doux
- Cet homme qui frappait les clous de sa main droite.
-
- --«Bon ouvrier, dit-il, te voilà bien pressé!
- Livre toujours, ami, ton œuvre à l’heure dite...
- Surtout ne gâte rien jamais, pour faire vite...
- Le mal présent est fait de tout le mal passé.»
-
- Le peuple s’étonnait de sa bonté tranquille.
- Lui, quand l’homme eut fini, prit sa croix sur son dos;
- Il sentit sous le faix craquer ses pauvres os,
- Mais il disait: «L’esprit soutient la chair fragile.»
-
- Et comme il s’éloignait: «Il faut, dit-il encor,
- Que le forgeron forge et que le faucheur fauche...
- Sois, pauvre charpentier, béni dans ta main gauche,
- Celle qui n’a jamais compté l’argent ni l’or.»
-
-
-LVI
-
-LE BOIS VERT
-
- Et Jésus, sous la croix, entouré de blasphèmes:
- «Ne pleurez pas sur moi, femmes, mais sur vous-mêmes!
- Heureux le ventre, hélas! qui n’a point enfanté!
- Heureux trois fois le sein qui n’a pas allaité!
- Voici le temps de dire à la montagne: «Tombe!
- Couvre-nous!» Au coteau: «Ne sois plus qu’une tombe!»
- Car si l’on traite ainsi le bois vert et vivant,
- Que fera-t-on au bois sec, mort, celui qu’on vend?»
-
-
-LVII
-
-LE JUIF ERRANT
-
-JÉSUS.
-
- Laisse-moi m’arrêter sur ton seuil, un instant.
-
-LE JUIF.
-
- Non! marche!--Roi du ciel, ton royaume t’attend.
-
-UN HOMME, dans la foule.
-
- Sois maudite à jamais, race que j’abomine!
- Puisses-tu, toi qui ris du chemin qu’il chemine,
- Marcher sans fin, marcher sans voir ton dernier jour.
-
-Il crache à terre en signe de mépris.
-
-JÉSUS.
-
- La malédiction blesse ma loi d’amour:
- Cette parole en moi ne s’est pas prononcée,
- Mais un grand mal naîtra de la dure pensée:
- Il marchera sans fin, ce juif, partout banni,
- Et l’on m’accusera, moi, de l’avoir puni!
-
-LE JUIF.
-
- Pardonne-moi, Jésus! Que ton cœur compatisse...
-
-JÉSUS.
-
- Cherche en ton propre cœur l’amour et la justice.
-
-
-LVIII
-
-LE CYRÉNÉEN
-
- Au retour de son champ, Simon de Cyrénée,
- Comme tombait Jésus, au pied du Golgotha,
- Sautant à bas de son pauvre ânon, s’arrêta
- Et cria tout à coup à la foule étonnée:
-
- «N’avez-vous point de honte, ô gens de peu de cœur,
- De lui faire porter le bois de son supplice?
- Cœurs froids et durs! pas un que sa peine attendrisse!»
- Mais tous lui répondaient par un rire moqueur.
-
- Alors il leur jeta l’insulte après l’insulte
- Et l’imprécation, fureur de sa bonté!
- Mais le peuple, à son tour, follement irrité,
- L’entoura de menace et de cris en tumulte.
-
- --Si vous chargiez ainsi votre âne, il tomberait!
- Vous voyez que cet homme est faible; elle est trop lourde!»
- Et Simon criait fort, mais la foule était sourde,
- Et le dieu défaillant le bénit en secret.
-
- Sous le fardeau, Jésus, relevé, tombe encore;
- Et comme on est pressé d’atteindre au haut du mont
- La foule a mis la croix sur le dos de Simon
- Qui, penché vers Jésus, à voix basse l’honore:
-
- «Eh bien, tant mieux! dit-il. Vois-tu, je sais ton nom.
- On m’a dit ta parole, et ce m’est douce chose
- De porter un moment ta croix. Ça te repose...
- Mais, pendant ce temps-là, qui va soigner l’ânon?»
-
- A ce mot simple, au ton de ces paroles calmes,
- Le Maître a tout revu dans un songe obscurci:
- Bethléem et la fuite au désert, comme aussi
- Le triomphe d’un jour sur l’âne, et sous les palmes.
-
- Et Simon leur criait: «N’avais-je pas raison
- De vous dire qu’elle est trop lourde? elle m’écrase!...
- Jésus, laisse-moi faire!...»
- Et Jésus, en extase,
- S’arrêtant, regardait plus loin que l’horizon.
-
-
-LIX
-
-VÉRONIQUE
-
- Véronique, je viens à toi, les yeux noyés,
- Pâle et le front suant, au pied de mon Calvaire,
- Afin que de ta main douce, que je révère,
- Mes yeux, mon front soient essuyés.
-
- Oh! tout homme est un Christ et subit l’injustice
- Mais tous ne trouvent pas, en gravissant le mont,
- Comme j’ai rencontré Véronique et Simon,
- Un cœur tendre qui compatisse.
-
- Je viens à toi, ma sœur, comme un dieu châtié,
- Non pas pour que de moi ma douleur se retire,
- Mais pour que, suscitant l’amour par mon martyre,
- Je puisse croire à la pitié.
-
-
-LX
-
-LA FACE SUR LE VOILE
-
- Non, telle qu’elle s’est empreinte sur le voile
- Que sur elle posa la tendre humanité,
- La face de Jésus, divine sans étoile,
- Ne garde pas le sceau de l’affront supporté.
-
- Et ce n’est pas le sang qui, dessinant les lignes,
- En a, dans l’éternel, fixé le beau contour;
- Non, elle a les candeurs des neiges et des cygnes,
- Les pâleurs d’un albâtre où veille un feu d’amour.
-
- Sur le voile éternel où luit l’image auguste,
- Et que l’humanité baise encore en pleurant,
- On voit, dans la beauté du front, l’âme du juste,
- La paisible fierté d’un humble resté grand.
-
- Le vendu de Judas, le renié de Pierre,
- Devant aucun de ceux qui le crucifieront,
- N’a jamais abaissé cette calme paupière:
- C’est vers les humbles seuls qu’il a courbé le front.
-
- Et la sueur de sang dans la grotte du doute,
- Les noirs caillots, fleurons de ta couronne, ô Christ!
- Sous tes yeux creux, les pleurs égrenés goutte à goutte,
- Toute l’horreur s’efface en ta splendeur d’esprit!
-
- La paix, la volonté, la force de ton âme,
- Empreintes sur ton front, dominent les effrois,
- Et notre âme, pourtant plus faible qu’une femme,
- Oublie,--en regardant tes yeux,--l’horrible croix.
-
-
-LXI
-
-L’HORIZON DU CALVAIRE
-
- Quand il fut sur le mont, il domina la ville
- Et la Judée et tous les pays d’alentour,
- Et, par-dessus les cris de cette plèbe vile,
- Plus loin que l’horizon ses yeux portaient l’amour.
-
- Son regard s’arrêtant sur l’Occident, sur Rome:
- --«Pan est vaincu!» dit-il; puis son esprit vola
- Vers le Sud, et son cœur d’enfant s’émut dans l’homme,
- Vit Bethléem et dit: «L’étoile est toujours là!»
-
- Puis il cherche au Levant, vers le lac Asphaltite,
- Les barques des pêcheurs sur les rivages blancs,
- Ses amis, dont la foi lui semble bien petite,
- Puisqu’ils sont aujourd’hui dispersés et tremblants.
-
- Puis, au Nord, il revoit, par delà Samarie,
- La douce Galilée et l’aube des matins,
- Les reproches touchants de sa mère Marie
- Et l’outil maladroit sous ses doigts enfantins.
-
- Toute sa vie en lui dans un éclair repasse,
- Et la terre, où ce roi commandera les rois,
- Lui rend justice et dit: «Ton cœur emplit l’espace!»
- Mais le bourreau cria: «C’est prêt, viens sur ta croix.»
-
-
-LXII
-
-LE TROU DANS LE ROC
-
- Pour planter et dresser la croix couchée à terre,
- Il faut d’abord creuser le Golgotha pierreux;
- Le ciel noir regardait s’accomplir ce mystère,
- Et les gens commençaient à parler bas entre eux.
-
- Sous le fer jaillissait le feu des rocs rebelles;
- Et le trou qu’il fallait se creusa lentement,
- Et Jésus, regardant ce trou plein d’étincelles:
- «--Ma maison doit durer sur un tel fondement.»
-
- Puis, quand ce fut fini: «Par ma mort je commence;
- Regardez donc, vous tous qui pouvez approcher;
- Dans ce trou de rocher je jette ma semence:
- Ma moisson lèvera dans un trou de rocher.»
-
-
-LXIII
-
-LE BOURREAU SUR L’ÉCHELLE
-
- Et lorsqu’il fut en croix, un homme, sur l’échelle,
- Vint battre encor les clous qui retenaient ses bras,
- Et le martyr, sentant que le bourreau chancelle:
- --«Si tu veux te hâter, frère, tu tomberas!...»
-
- Et le vil mercenaire à qui le mot s’adresse,
- Si ce mot ne l’eût pas mis en garde, tombait...
- Et c’est le cœur gonflé d’inutile tendresse,
- En pleurant, qu’il frappa sur les clous du gibet.
-
- Alors le dieu cria, sentant ses mains percées,
- Levant ses yeux sanglants vers le grand ciel profond,
- Bien plus que de leurs clous souffrant de ses pensées:
- «Pardonnons-leur, car ils ne savent ce qu’ils font!»
-
-
-LXIV
-
-LES INVECTIVES DE LA FOULE
-
-A JÉSUS CLOUÉ SUR LA CROIX
-
-VOIX DANS LE PEUPLE.
-
- --Eh! tire-toi de là, fils de Dieu, Dieu toi-même!
- --Tu nous vois de plus haut!
- --Est-on bien, là-dessus?
- --Ça t’approche du ciel.
- --Salut au roi Jésus!
- --Grand roi, qui t’a donné ce riche diadème
- Où tant de gros rubis brillent comme du sang?
-
- --Eh bien, tes douze amis? ils t’ont vendu, bonne âme
- Ils t’aimaient, disais-tu, malin?
- --Faux innocent!
- --Bandit!
- --Coquin!
- --Sorcier!
- --Lâche!
- --Imposteur infâme
- --Ton Dieu si bon ne vient pas vite à ton secours!
-
- --Un orgueilleux! qui dit un jour à ses apôtres:
- «Pleurez, amis, car vous ne m’aurez pas toujours!»
- Ça ne va pas tarder!
- --Toi qui sauves les autres,
- Sauve-toi!
- --Tu m’as l’air cloué solidement.
- --Tu vas passer la nuit au bon frais, par exemple!
- --Il n’est pas mal bâti!
- --Bâti comme le Temple!
- --Pour un Verbe tout pur, il semble bien en chair.
-
- --Quoique tu sois un pur esprit, ton corps t’est cher,
- Car tu fais la grimace. Elle n’est pas très belle.
-
-JÉSUS.
-
- Éli! Éli!
-
-UN SOLDAT.
-
- Eh bien! que dit-il?
-
-UN AUTRE SOLDAT.
-
- Il appelle
- Élie à son secours.
-
-VOIX DANS LE PEUPLE.
-
- Chante, mon bel oiseau!
- --J’aime à voir le vrai roi d’Israël, dans sa gloire!
- --Il ne souffle plus mot, ce grand parleur.
-
-JÉSUS.
-
- A boire!
-
-PREMIER SOLDAT.
-
- Plante-moi cette éponge au bout de ce roseau.
-
-DEUXIÈME SOLDAT.
-
- Trempons-la dans le fiel, c’est très bon pour la fièvre.
-
-PREMIER SOLDAT.
-
- C’est bien. Promenons-la maintenant sur sa lèvre...
-
-JÉSUS.
-
- Dieu! leur malignité, c’est ma seule douleur...
- Pardonnez-leur, pardonnez-leur, pardonnez-leur.
-
-
-LXV
-
-LES DEUX LARRONS
-
-PREMIER LARRON.
-
- Toi qui te dis le Christ, sauve-toi donc toi-même
- Et nous avec!--Ton Dieu nous délivre, s’il t’aime!
-
-DEUXIÈME LARRON.
-
- Tu ne crains donc pas Dieu? Si nous deux nous souffrons,
- Si les lourds châtiments écrasent nos deux fronts,
- C’est justice!--Mais lui n’a fait mal à personne...
- Seigneur crucifié, Seigneur dont l’âme est bonne,
- Songe à moi dans ton ciel... Tu me le promets, dis?
-
-JÉSUS.
-
- Tu viendras avec moi, frère, en mon paradis.
-
-
-LXVI
-
-AU BON VOLEUR
-
- Béni, sois béni, bon voleur,
- Pour avoir dit ces deux paroles,
- Ami, c’est toi qui nous consoles
- Dans cette suprême douleur;
-
- Toi qui relèves le nom d’homme,
- A l’heure de la lâcheté,
- Quand tous ses amis l’ont quitté,
- Quand le grand crime se consomme.
-
- Tu veux ta part de paradis?
- Mais ton cœur est bon, puisqu’il aime,
- Tandis qu’ennemi de lui-même,
- L’autre raille ce que tu dis.
-
- Sois béni, pauvre misérable,
- Sois envié par les meilleurs,
- Pour avoir mis sur nos douleurs
- Ton égoïsme secourable.
-
- Et n’est-ce pas qu’il te fut bon,
- En retour de ta confiance,
- Le mot du Dieu de patience,
- Son mot suave de pardon?
-
- N’est-ce pas qu’à la mauvaise heure
- Où l’âme de nos lèvres sort,
- Tu trouvas bon goût à la mort,
- Un goût de paix intérieure?
-
- Quand ton souffle s’est envolé,
- --Pour avoir, rien qu’une seconde,
- Espéré le salut du monde,
- Tu te sentis tout consolé...
-
- Les moqueurs nient, dans un blasphème,
- Qu’on entre au royaume des cieux...
- Soit. C’est lui qui, délicieux,
- Entre dans l’âme, dès qu’on aime.
-
-
-LXVII
-
-LE DOUTE SUPRÊME
-
- Alors la nuit se fit dans son âme profonde
- Et tout le ciel immense en était attristé;
- Et sa douleur, qui plane encore sur le monde,
- Ne s’est pas consolée avec sa charité!
-
- La croix ouvrait les bras sur le sommet funeste;
- Les deux autres gibets parurent plus petits;
- La terre s’assombrit du soir, du deuil céleste,
- Et tous les beaux espoirs semblèrent démentis.
-
- Où sont ceux qui, pressés les uns contre les autres,
- Afin d’être guéris touchaient son vêtement?
- Où sont ceux qui l’aimaient? où sont les Douze Apôtres?...
- Il est seul, seul, tout seul, seul lamentablement!
-
- Point de justice. Rien! Pas de peuple; une foule...
- Les femmes de pitié regardent, mais de loin,
- Et debout sur la croix, d’où son sang coule et coule,
- Il peut se réjouir de douter sans témoin.
-
- O nuit d’horreur montante! Oh! les basses nuées!
- La foule, qui serpente au flanc du Golgotha,
- Envoie encor d’en bas de sinistres huées...
- Alors le battement de son cœur s’arrêta.
-
- Et ce fut sa seconde et sa grande agonie;
- Vainement il cherchait, en d’horribles efforts,
- A rejoindre, là-haut, la Tendresse infinie...
- Son âme était clouée au bois,--comme son corps!
-
- Et rien ne descendit du ciel--qui semblait triste,
- Pas un souffle d’espoir, pas un signe d’amour,
- Et sur le mont désert, où plus rien ne l’assiste,
- Il doute dans la mort, et meurt avec le jour.
-
- Et ce vaincu, croyant que personne n’écoute,
- Pleurant éperdument son beau rêve infini,
- Pousse alors le grand cri, son cri, le cri du doute:
- «Éli, dit-il, Éli! Lamma Sabacthani!
-
- «A moi, Seigneur! Seigneur, à moi! tout m’abandonne
- N’est-ce donc pas de vous que je fus l’inspiré?»
- Et penchant son front las sous l’horrible couronne,
- Le grand donneur d’espoir était désespéré.
-
-
-LXVIII
-
-LE TESTAMENT D’AMOUR
-
- Or, voyant venir Jean, il oublia le doute
- Et dit, dans un sourire: «O Jean, tu me suffis.»
- Et Marie arrivant avec Jean: «Frère, écoute:
- Voici ta mère; et toi, femme, voilà ton fils!»
-
-
-LXIX
-
-OÙ SONT LES AUTRES?
-
- Quand il vit Jean, seul des Apôtres,
- Au pied de l’arbre des douleurs,
- Il se dit: «Où sont tous les autres?
- Pourtant mes maux sont faits des leurs!
-
- «Ils me suivaient près des eaux calmes,
- Dans les blés mûrs, dans la clarté,
- Dans les honneurs, le jour des palmes...
- L’ombre vient: ils m’ont tous quitté!»
-
- Oh! lâches, lâches, trois fois lâches,
- Ceux qui, payés d’un tel amour,
- Ont fui devant les fortes tâches,
- Peureux dès qu’il n’a plus fait jour.
-
- Ils ont fait mentir l’espérance!
- Ils avaient promis leur effort,
- Mais ils feignent l’indifférence
- Pour l’ami menacé de mort.
-
- Ils répéteront sa parole
- Quand il n’entendra plus leurs voix
- Excepté Jean, qui le console?
- Ils ont tous peur de cette croix!
-
- Ils n’auront pas vu l’agonie!
- Ils diront: «Pardonnez, Dieu bon!»
- Lorsque la tendresse infinie
- Aura souffert tout l’abandon!
-
- Leur troupe hier s’est dispersée;
- Ces pêcheurs ont repris hier
- La barque qu’ils avaient laissée
- Sur le sable au bord de la mer.
-
- Renonçant à pêcher des âmes,
- Ils jettent leurs filets, bien loin...
- Qui donc aura pitié? les femmes;
- Et, seul d’entre eux, Jean est témoin.
-
- Marie est là, pauvre âme en peine,
- Mais c’est sa mère. Il est l’enfant!
- Qu’est-ce après tout que Magdeleine?
- L’autre amour, partout triomphant.
-
- L’amitié désintéressée,
- L’amour issu du Verbe pur,
- C’est Jean, le fils de sa pensée,
- Le cœur tendre et fort, l’ami sûr.
-
- «C’est Jean qui connaît ma doctrine,
- C’est lui dont j’ai touché le front,
- Lui qui posa sur ma poitrine
- Sa tête où mes doigts se verront.
-
- «Jean, seul, vient quand je désespère,
- Quand, du fond des gouffres d’en bas,
- Je jette un grand cri vers mon Père,
- Qui, lui non plus, ne répond pas!»
-
-
-LXX
-
-JEAN
-
- Quand il vit Jean, l’ami dont l’âme était câline,
- Qui, le jour où Judas le trompait bassement,
- Avait longtemps posé le front sur sa poitrine,
- Jésus, dans son cœur, dit à son disciple aimant:
-
- «Jean, mon doux bien-aimé, l’horreur emplit ma bouche
- Et ma lèvre est scellée et tu ne m’entends pas,
- Mais ton âme m’entend, mon angoisse te touche,
- Et c’est pour m’épargner que tu pleures si bas.
-
- «Oh! Jean, mon bien-aimé! Jean, mon frère suave,
- Dieu tout là-haut me fuit, mais en bas, toi tu viens!
- Des plus tristes péchés la tendresse nous lave,
- L’amour baptise seul; seuls, les aimants sont miens.
-
- «Jean, j’ai douté de ton amitié, tout à l’heure...
- Maintenant j’ai compris; j’avais manqué de foi!
- Frère, tu consolais cette mère qui pleure,
- Tu t’attardais pour elle à souffrir loin de moi!
-
- «O Jean, mon adoré, ne t’éloigne plus; reste;
- Défends mon humble esprit contre Satan moqueur:
- Ton cœur d’homme est plus sûr que mon rêve céleste.
- Jean, mon Dieu me répond: je l’entends dans ton cœur!
-
- «Je le cherchais là-haut: je le trouve en ton âme;
- J’avais douté de l’homme et je suis châtié!
- Le royaume de Dieu, c’est la petite flamme
- Qui veille sur la terre et qu’on nomme pitié.
-
- «Je crois sentir encor ta tête caressante
- Peser sur mon épaule et sur mon cœur humain,
- Et même je sens mieux, dans cette horreur présente,
- Ta bonté dans mon cœur que leurs clous dans ma main!»
-
- Et lorsque le menton de Jésus-Christ s’écrase
- Sur sa poitrine, avec un soupir innomé,
- C’est que, voyant la mort, il croit, dans une extase,
- S’endormir sur le cœur de Jean, le bien-aimé.
-
-
-LXXI
-
-LE CHEMIN VERS DIEU
-
- Quand l’âme d’un vivant nous suit dans l’agonie,
- C’est un bonheur d’amour ineffable, si grand,
- De voir cette lueur dans notre ombre infinie,
- Que tout le reste est vil aux regards du mourant.
-
- Il ne regrette plus ni la grâce des roses,
- Ni les rires d’enfant, ni le bleu clair du ciel...
- Il voit ce qu’il chercha sous le spectre des choses:
- L’amour réalisé dans l’immatériel.
-
- Tout le vide pour lui s’emplit d’une lumière,
- Tout le froid de la mort rayonne de chaleur,
- Et sa suprême joie est vraiment la première,
- Parce qu’un mal plus grand nous fait l’espoir meilleur.
-
- Au chevet des mourants fais donc veiller des flammes;
- Parle bas: leur ouïe est fine quelquefois...
- On dirait que l’espace, où vont entrer leurs âmes
- A des échos sans fond qui décuplent nos voix.
-
- Prends garde! près des morts épure ta pensée:
- Elle vibre... Autour d’eux elle ébranle un éther
- Qui la transmet entière à leur âme blessée...
- Ne les contriste pas des adieux de ta chair.
-
- Frère, il faut consoler d’une pitié suprême
- Ceux qui sentent monter le flot mystérieux...
- La surdité des morts entend--lorsqu’on les aime;
- Et leur cécité voit--quand nous baisons leurs yeux.
-
- Ils ne regrettent plus alors l’éclat des roses,
- Ni les rires d’enfants, ni le bleu clair du ciel...
- Ils voient ce qu’ils cherchaient sous le spectre des choses:
- L’amour réalisé dans l’immatériel.
-
- Aimons-les, ceux dont l’âme en fuite, folle ou sage,
- Nous écoute déjà du fond d’un autre lieu...
- L’amour peut éclairer lui seul le noir passage:
- Être aimé dans la mort, c’est le chemin vers Dieu.
-
-
-LXXII
-
-PROPOS DE FOULE
-
-Dans les sentiers du Golgotha.
-
-UN HOMME DU PEUPLE.
-
- Est-il bien mort?
-
-UN AUTRE HOMME DU PEUPLE.
-
- Il peut durer jusqu’à l’aurore
-
-LE PREMIER.
-
- La nuit doit sembler longue à ces gens mis en croix.
-
-LE SECOND.
-
- J’ai faim; as-tu soupé, Jonathan?
-
-LE PREMIER.
-
- Pas encore.
-
-LE SECOND.
-
- Ta femme va gronder; qu’en dis-tu?
-
-LE PREMIER.
-
- Je le crois.
-
-UN SOLDAT.
-
- Comme le sang coulait sous le bandeau d’épines!
- Moi, j’aime à voir souffrir. Je me sens mieux vivant.
-
-DEUXIÈME SOLDAT.
-
- Le sang giclait des mains, des yeux et des narines...
- Un beau crucifié ne se voit pas souvent.
-
-UN JEUNE DÉBAUCHÉ.
-
- Viens souper, belle fille. En s’aimant, on oublie.
-
-UNE COURTISANE.
-
- Non, je veux souper seule et rester seule un peu.
-
-LE DÉBAUCHÉ.
-
- Tu pleures? Ça te fait paraître moins jolie.
-
-LA COURTISANE.
-
- Je pleure ce jeune homme; il est beau comme un dieu.
-
-UN CITOYEN ROMAIN.
-
- Il est mort sans trembler.
-
-DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.
-
- Bah! au cirque de Rome
- Le gladiateur tombe en saluant César.
-
-PREMIER CITOYEN ROMAIN.
-
- Non, non, la grandeur vraie éclate dans cet homme.
-
-DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.
-
- Vous n’êtes qu’un enfant... Bien mourir, c’est un art.
-
-PREMIER CITOYEN ROMAIN.
-
- Seriez-vous mort si bien?
-
-DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.
-
- Oui, devant Cléopâtre.
-
-PREMIER CITOYEN ROMAIN.
-
- Magdeleine est donc là?
-
-DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.
-
- Parbleu, mais un peu loin...
-
-PREMIER CITOYEN ROMAIN.
-
- Donc, selon vous, Jésus?...
-
-DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.
-
- Un héros de théâtre.
- J’aurais voulu le voir mis en croix--sans témoin!
-
-PREMIER CITOYEN ROMAIN.
-
- Allons souper, j’entends me couronner de roses,
- Pour oublier un peu ce spectacle assez noir.
- Pilate est du festin; il veut savoir les choses:
- C’est pour les lui conter que je suis venu voir.
- J’en parlerai souvent, à mon retour dans Rome.
-
-TROISIÈME CITOYEN ROMAIN.
-
- Peut-être était-ce un dieu?...
-
-PREMIER CITOYEN ROMAIN.
-
- Je ne le nierais pas.
-
-QUATRIÈME CITOYEN ROMAIN.
-
- Oh! cet homme est plus grand qu’un dieu, s’il n’est qu’un homme.
- ... Par Hercule! j’aurais mis à mort Barrabas!
-
-TROISIÈME CITOYEN ROMAIN.
-
- Ce qui veut dire?
-
-QUATRIÈME CITOYEN ROMAIN.
-
- Eh! mais... que sa mort, un exemple
- Va faire à ce Jésus mille apôtres demain!
- Jupiter est vaincu; c’est temple contre temple;
- Et nous verrons la croix sur l’univers romain.
-
-UN SAMARITAIN.
-
- Moi, je ne croyais pas à ce Jésus. Que dis-je!
- J’ai souhaité sa perte et qu’il fût châtié...
- Ce qui me fait chrétien (sa mort est un prodige),
- C’est l’admiration.
-
-LE BON SAMARITAIN.
-
- Et moi, c’est la pitié.
-
-
-LXXIII
-
-C’EST LUI QUI VEILLE
-
- Comme il penchait le front, sur cette croix infâme,
- L’Homme sentit venir un étrange sommeil
- Qui traître, se glissait, souple, au serpent pareil,
- Dans son corps douloureux où gémissait son âme.
-
- Et pourquoi non? Marie est au pied du gibet,
- Et Magdeleine et Jean, qui pleurent en silence;
- Les soldats dorment, droits, appuyés sur leur lance,
- Et Jésus au sommeil perfide succombait.
-
- Il sentait s’assoupir sa douleur infinie;
- Un voile descendait entre elle et l’univers;
- Tous ses maux lui semblaient des maux jadis soufferts,
- Son présent déjà loin--et c’était l’agonie.
-
- Mais il s’était promis de souffrir dans la mort,
- D’accomplir jusqu’au bout les choses du mystère,
- Car ses veilles tombaient en bienfaits sur la terre...
- Il se redressa donc, par un suprême effort...
-
- Rouvrit tout grands ses yeux, clairs dans la nuit profonde,
- Et pesant sur ses pieds et tirant sur ses bras,
- L’Homme en croix, bien certain qu’on ne l’observait pas,
- Réveilla ses douleurs pour saigner sur le monde.
-
-
-LXXIV
-
-L’HOMME MEURT SEUL
-
- Comme il allait mourir, il abaissa les yeux
- Vers sa mère et vit bien qu’elle était assoupie.
- Or le Maître jugea cette faiblesse impie...
- Mais son cœur reconnut que cela valait mieux.
-
- Il bénit le sommeil qui consolait la mère...
- Il aurait bien voulu que la mère eût compris.
- Malheur aux dévoués qui dévorent leurs cris.
- Les plus doux ont goûté la solitude amère.
-
- Or Magdeleine et Jean, car c’était le matin,
- L’heure froide où la nuit, près de mourir, frissonne,
- S’endormirent. Qui donc le veillait? Plus personne.
- Alors il se revit bien seul dans son destin.
-
- Il retrouva l’horreur de l’angoisse sacrée,
- Et de son flanc, rouvert par un regret blessant,
- Une liqueur coula... Ce n’était plus du sang...
- Et sa force lui fut, par ceci, retirée.
-
- Vainement il voulut faire un dernier effort:
- Son menton s’écrasa, pesant, sur sa poitrine...
- Un souffle s’envola de sa lèvre divine...
- Et tout fut accompli par sa vie et sa mort.
-
-
-LXXV
-
-LA GLOIRE DES LYS
-
-LE TEMPLE.
-
- Mon voile est déchiré, mon voile se déchire:
- Jésus est mort!
-
-LE BON GRAIN.
-
- Pas plus que le grain du froment.
-
-LE VENT.
-
- Jésus est mort.
-
-LES MOISSONS.
-
- Tu dis?
-
-LE VENT.
-
- Ce que tout doit redire:
- Jésus est mort.
-
-LES BLÉS.
-
- Son grain vit éternellement.
-
-LE VENT.
-
- Il est mort dans l’horreur, sous les coups et l’insulte,
- Mis en croix, entouré de visages affreux.
-
-LA TERRE.
-
- Je me suis entr’ouverte et les morts en tumulte
- Sont sortis des tombeaux pour en parler entre eux.
-
-LE CIEL.
-
- Moi j’ai cherché la nuit; ma face s’est voilée
- Et tout a tressailli d’une grande douleur.
-
-LE VENT.
-
- Pleurez, lys des coteaux ou lys de la vallée
- O vous tous qu’il aima, choses, bêtes et fleur.
-
-L’ANE.
-
- Mon humble cœur est plein d’une tristesse amère:
- Je l’ai beaucoup connu; je l’ai beaucoup aimé.
-
-LE BŒUF.
-
- Te souviens-tu du jour où, mieux que père et mère,
- Nous le chauffions tout nu dans le foin parfumé?...
-
-L’ANE.
-
- Comme il était mignon près de toi, grosse bête!
-
-LE BŒUF.
-
- Je n’avais pas prévu cet horrible destin.
-
-L’ANE.
-
- C’était un temps joyeux. Nous étions tous en fête.
-
-LE BŒUF.
-
- C’est le deuil d’un grand soir. C’était mieux qu’un matin.
-
-L’ANE.
-
- Les hommes sont hideux d’avoir pris pour victime
- Celui qui défendit d’immoler des taureaux.
-
-LE BŒUF.
-
- Chez les ânes jamais on n’a vu pareil crime.
-
-L’ANE.
-
- Jamais parmi les bœufs on ne vit de bourreaux.
-
-LES PETITS POISSONS.
-
- Nous les petits poissons qu’il offrait à la foule,
- Nous plaindrons-nous d’avoir été ce qui nourrit,
- Lorsque, grain sous la meule ou raisin que l’on foule,
- Lui-même il s’est donné, pain et vin de l’esprit?
-
-LA BREBIS.
-
- Il m’a prise en ses bras quand je m’étais perdue;
- Il aimait ses brebis; ce fut un doux berger.
- J’étais bien loin; ma voix, à grand’peine entendue,
- Le guidait, à travers les monts et le danger.
-
-LA COLOMBE.
-
- Il a plus d’une fois baisé mes blanches ailes.
-
-LE PASSEREAU.
-
- Il m’a pris bien souvent dans le creux de sa main.
-
-LA COLOMBE.
-
- Mon bec rose a baisé ses mains blanches et belles.
-
-LE MOINEAU.
-
- J’ai gazouillé d’amour au bord de son chemin.
-
-LA GLOIRE DES LYS.
-
- Ne vous lamentez plus, ô fleurs, bêtes et choses:
- Nous ferons oublier à tous cet affreux jour;
- Sous l’azur, les lys blanc, bien plus beaux que les roses,
- Par-dessus sa misère élèvent son amour.
-
- Devant ses pieds sanglants, sous l’effroi des prodiges,
- Laissons les criminels s’écraser à genoux;
- Nous, toujours blancs et purs, droits sur nos fermes tiges,
- Nous dirons qu’il fut jeune et blanc comme un de nous.
-
- Il était pur et blanc, droit comme nous le sommes,
- Et ses oiseaux chéris le diront dans leurs chants.
- Ce fut un étranger divin parmi les hommes,
- Ce n’était qu’un ami parmi les fleurs des champs.
-
- Laissez l’homme gémir, passereaux et colombes!
- Et nous, les innocents, les lys qu’il regretta,
- Croissons, multiplions, couvrons toutes les tombes,
- Et par pitié cachons l’horreur du Golgotha.
-
-
-LXXVI
-
-JOSEPH D’ARIMATHIE CHEZ PILATE
-
-PILATE.
-
- Quoi! vous, un sénateur, Joseph d’Arimathie,
- Vous venez demander d’ensevelir Jésus!
- Et vous blâmez sa mort, quand je l’ai consentie.
- Ces sentiments nouveaux...
-
-JOSEPH.
-
- Je les ai toujours eus,
- Jamais je n’approuvai la malice des autres,
- Mais j’étais riche, faible, et même sénateur!
- Comme sur lui la haine était sur ses Apôtres:
- Je faisais comme vous, Pilate, j’avais peur!...
- J’ai honte enfin de voir comment on l’abandonne...
-
-PILATE.
-
- Quand on court au-devant du blâme, on a grand tort.
- Si je vous ai dit non, ma raison est fort bonne:
- Quel bien lui ferez-vous maintenant qu’il est mort?
-
-JOSEPH.
-
- Je soulage du moins la conscience humaine,
- Vous avez décrété tant d’horreur aujourd’hui,
- Qu’une vertu m’a pris, que la mesure est pleine
- Et je vous secours, vous, Pilate, plus que lui.
- Il ne faut pas qu’on dise à la race future
- Qu’après avoir fait fuir, sous le vent de l’effroi,
- Ses disciples, des gens simples dans leur nature,
- Vous avez refusé le corps du Maître, à moi.
- Je veux ensevelir cet homme comme un homme,
- Et vous le permettrez, je vous prie, ou sinon
- J’irai dire partout que le préfet de Rome,
- Ayant tué Jésus, tremblait devant son nom.
-
-PILATE.
-
- Sa mort a fait souffler comme un vent de démence...
- Allez donc enfouir à tout jamais son corps.
-
-JOSEPH.
-
- Sa mission finit, mais la nôtre commence...
- Il ressuscitera, par nous, d’entre les morts.
-
-A Nicodème qui l’attend au seuil:
-
- Viens, parais maintenant, très humble ami du Maître,
- Qui, comme moi, suivis en secret ses leçons.
- Nous qui n’osâmes pas, vivant, le reconnaître,
- Maintenant qu’il est seul dans la mort, paraissons!
-
-
-LXXVII
-
-MAGDELEINE
-
- Alors, à l’Orient, une aube froide et blême,
- Traînant sur la montagne une robe en haillons,
- Parut. L’Homme aussitôt, sous les premiers rayons,
- Tout pâle, rayonna plus que l’aube elle-même...
-
- On eût dit que de lui naissait le point du jour,
- Et que sa chair laissait transparaître des flammes;
- Tout sommeillait encor, les soldats, Jean, les femmes...
- Quel œil se lèvera le premier vers l’amour?
-
- Jean était las. Marie était comme écrasée.
- Les plus grands désespoirs font cet accablement.
- Un soldat s’éveillait. Dans ce même moment,
- Magdeleine, en pleurant, pressa la croix baisée.
-
- Elle éleva vers Lui la beauté de ses yeux
- Où l’amour tendre et pur était une lumière,
- Et fière de pleurer, ce jour-là, la première,
- Elle aima dans la mort l’époux mystérieux.
-
-
-LXXVIII
-
-LA VISITE AU TOMBEAU
-
-RÉCIT DE MAGDELEINE AUX DISCIPLES
-
-MAGDELEINE.
-
- Et nous venions, sa mère, et d’autres avec nous,
- Apportant au tombeau la myrrhe préparée,
- Mais nous ne vîmes plus la pierre de l’entrée;
- Nous entrâmes alors en pliant les genoux.
-
- Deux Anges étaient là, blancs, vêtus de lumière,
- Qui nous dirent: Pourquoi chercher dans les tombeaux?
- Il est vivant.--Et ces deux anges étaient beaux
- Et me dirent: «Tu dois le revoir la première.»
-
- A terre, le linceul était demeuré là,
- Et comme je pleurais, Jésus me dit: «Marie!»
- L’ayant vu, je dis: «Maître!» Alors il s’envola...
-
-LES DISCIPLES.
-
- Hélas! Hélas! Hélas! c’est une rêverie.
-
-
-LXXIX
-
-LA RÉSURRECTION
-
- Or, il ressuscita, si vivant dans leur âme
- Que tous crurent le voir et le virent vraiment.
- Il apparut d’abord dans le cœur d’une femme,
- Car on garde la vie aux morts en les aimant.
-
- Et le ressuscité du cœur de Magdeleine
- Passa dans tous les cœurs, plus parlant que jamais...
- La montagne a conté ce prodige à la plaine
- Et la plaine en chantant l’a redit aux sommets.
-
- Et du haut d’un mont bas, vu de toute la terre,
- Lieu maudit entre tous comme le plus béni,
- L’ombre des deux grands bras de la croix solitaire
- Étreint le monde entier dans l’amour infini.
-
-
-LXXX
-
-LES DERNIÈRES PAROLES DU LIVRE DE JEAN
-
- Il fit beaucoup, n’ayant que peu de temps à vivre,
- Et celui qui voudrait tout écrire en détail
- Ne pourrait pas suffire à l’immense travail,
- Et le monde serait trop étroit pour le livre.
-
-
-
-
-IL EST ÉTERNEL
-
-
- Homme divin, au pied de ta croix qui chancelle,
- Arbre toujours debout quoique battu du vent,
- Je viens, humble inspiré de l’âme universelle,
- A l’heure d’un grand soir, t’adorer en rêvant.
-
- Des scribes nous ont dit qu’avant ton Évangile,
- Bien avant toi, Bouddha se fit homme étant roi,
- Et que ta gloire ainsi comme une autre est fragile,
- Et que tu n’es plus rien, si Dieu n’est plus en toi.
-
- Ils ont dit, pour nier tu charité sublime,
- Qu’elle prouve la peur des maux qu’on craint pour soi,
- Comme si le peureux, penché sur la victime,
- Était moins beau, quand il secourt malgré l’effroi.
-
- Ce n’est pas tout: l’horreur mystique sort des tombes
- Chaque fois que ton nom retentit sur l’autel;
- Des chrétiens se sont faits vendeurs de tes colombes:
- Ils n’ont plus le vrai sens de ton Verbe immortel.
-
- On a fait de ton nom sortir tous les scandales,
- Et l’on a vu tes fils, des prêtres et des rois,
- Ton sceptre en main, les pieds chaussés dans tes sandales,
- Imitant tes bourreaux, reclouer l’Homme en croix.
-
- Eh bien, qu’importe à ceux que ta lumière inonde!
- En es-tu moins la vie et l’espoir incarné,
- Le vrai Verbe vivant, le vrai salut du monde?
- Seul tu conçus l’amour, seul tu nous l’as donné!
-
- Nul de tes précurseurs n’est vivant dans notre âme,
- Pour nous c’est ton nom seul qui signifie amour;
- Dix-neuf siècles déjà se sont transmis ta flamme,
- Et chaque heure est ton heure et chaque jour ton jour!
-
- Quelques versets tombés de ta lèvre divine,
- Quelques gestes inscrits dans un livre inspiré,
- Le drame d’une mort où l’espoir se devine,
- Voilà de quoi le monde est encor pénétré.
-
- Par de pauvres chansons qui disent ta légende,
- Par des drames naïfs et des acteurs de bois,
- Ta parole aux enfants se transmet simple et grande
- Et souffle en eux de tous les côtés à la fois.
-
- Certes, nous sommes loin des beautés de ta vie:
- L’avarice et la haine occupent nos instants;
- Notre fange a couvert ta trace mal suivie,
- Mais ton pur souvenir nous sauve en tous les temps.
-
- C’est un dernier rayon de ta lointaine étoile,
- C’est un mot familier qui te répète en nous,
- C’est Véronique avec ta face sur son voile,
- C’est le Cyrénéen essuyant tes genoux;
-
- C’est Pilate, lavant ses mains du sang du Juste,
- C’est l’amitié de Jean qui n’abandonne pas,
- Et nos cœurs sont la Table où ton Verbe s’incruste,
- Et ton nom retentit sous chacun de nos pas.
-
- Ta vie est le flambeau dont l’univers s’éclaire.
- Sans la simplicité de tes légendes d’or,
- Ton cœur n’entrerait pas dans le cœur populaire
- Qui sent, lorsque l’esprit ne conçoit pas encor.
-
- L’amour n’est pas un fruit des veilles du génie.
- La mère et son enfant se l’expliquent tout bas:
- Ta charité, ce n’est qu’une femme infinie
- Qui voit des fils partout et ne distingue pas.
-
- C’est ce cœur élargi que tu nous fais comprendre,
- C’est l’homme ayant pitié de l’homme faible et nu,
- C’est l’âme de chacun se faisant mère tendre
- Pour protéger dans tous l’avenir inconnu.
-
- Un seul flambeau qu’on penche en allume cent mille;
- Ton seul cœur généreux suffit au genre humain,
- Et ce mot: AIMEZ-VOUS, où tient tout l’Évangile,
- Multiplie à jamais tes poissons et ton pain.
-
- Pour que le boiteux marche et que l’aveugle voie,
- Tu parlas de tendresse... et le sourd te comprit!
- Et les infirmités tressaillirent de joie...
- Voilà ton grand miracle: il est tout en esprit.
-
- L’âme humaine, c’était Lazare. Elle était morte.
- Tu vins pleurer sur elle. Oh! comme tu l’aimais!
- Et maintenant, toujours plus vivante et plus forte,
- Les yeux sur ton amour, elle y marche à jamais.
-
- Elle y marche à travers le crime et la souffrance...
- Comme Pierre, elle t’a trahi, mais en t’aimant,
- Et le chaos du mal n’est rien qu’une apparence
- Où ton verbe caché monte invinciblement.
-
- Deux mille ans ont à peine ouvert le gland du chêne
- Qui tiendra sous ton nom l’univers abrité...
- Ta victoire sur tous les cœurs n’est pas prochaine,
- Mais qu’importe le temps à ton éternité?
-
- Le monde passera, car il faut que tout meure,
- La terre sous nos pieds, le ciel sur notre front;
- Mais par delà la mort ta parole demeure:
- Heureux les derniers nés du monde: ils te verront!
-
-
-
-
-TABLE
-
-
- Dédicace 1
- Les pèlerins, prière dans le soir 5
-
- Les bergers dans la montagne 17
- L’hôtellerie de Bethléem 25
- Les bergers dans l’étable 27
- Naissance de la pitié 33
- La fuite en Égypte 35
- L’enfant au berceau 39
- A douze ans 41
- Le grand chagrin 47
- Il croissait devant Dieu 49
- Jean-Baptiste 55
- La tentation 61
- Le filet 65
- Discours sur la montagne 67
- La paix en retour 77
- Le lumignon 79
- Bons grains 81
- La fille de Jaïre 85
- Le bon Samaritain 87
- Le pain multiplié 89
- Les fourmis 91
- Trop peu d’ouvriers 93
- Les colombes 95
- La barque engravée 97
- La Proue 99
- Il commande aux tempêtes 101
- L’infini miracle 103
- Les petits enfants 107
- Les commérages 111
- La femme 113
- La Samaritaine 115
- Marie-Magdeleine 117
- Marthe et Marie 121
- L’inscription sur la terre 125
- Le bœuf 129
- L’âne 131
- L’argile 133
- Chez Marie, mère du Christ 137
- Le sommeil 147
- Le triomphe 149
- Sur le parvis du Temple 153
- La colère 161
- L’indignation publique 165
- Le banquet 169
- La sueur de sang 171
- La grande solitude 177
- La preuve est en nous 181
- Le baiser de Judas 183
- L’épée 185
- Le regard 187
- Le soufflet 191
- Judas 193
- La justice du peuple 197
- La vengeance 203
- Le roseau 205
- La croix 207
- Le bois vert 209
- Le Juif errant 211
- Le Cyrénéen 213
- Véronique 217
- La face sur le voile 219
- L’horizon du Calvaire 221
- Le trou dans le roc 223
- Le bourreau sur l’échelle 225
- Les invectives de la foule 227
- Les deux larrons 231
- Au bon voleur 233
- Le doute suprême 237
- Le testament d’amour 241
- Où sont les autres? 243
- Jean 247
- Le chemin vers Dieu 251
- Propos de foule 255
- C’est lui qui veille 261
- L’homme meurt seul 263
- La gloire des lys 265
- Joseph d’Arimathie chez Pilate 271
- Magdeleine 275
- La visite au tombeau 277
- La résurrection 279
- Les dernières paroles du livre de Jean 281
-
- Il est éternel 283
-
-
-15735-11.--CORBEIL. Imprimerie CRÉTÉ.
-
-
-
-*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK JÉSUS ***
-
-Updated editions will replace the previous one--the old editions will
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-<p style='text-align:center; font-size:1.2em; font-weight:bold'>The Project Gutenberg eBook of <span lang='fr' xml:lang='fr'>Jésus</span>, by Jean Aicard</p>
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-</div>
-
-<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: <span lang='fr' xml:lang='fr'>Jésus</span></p>
-<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Jean Aicard</p>
-<p style='display:block; text-indent:0; margin:1em 0'>Release Date: September 23, 2022 [eBook #69031]</p>
-<p style='display:block; text-indent:0; margin:1em 0'>Language: French</p>
- <p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em; text-align:left'>Produced by: Laurent Vogel (This book was produced from images made available by the HathiTrust Digital Library.)</p>
-<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>JÉSUS</span> ***</div>
-<p class="c b large">Jean Aicard</p>
-
-<h1>JÉSUS</h1>
-
-<p class="c"><span class="large">PARIS</span><br />
-ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR<br />
-26, <span class="small">RUE RACINE</span>, 26</p>
-
-<div class="break"></div>
-
-<div class="c top4em"><img src="images/frontis.jpg" alt="" /></div>
-<div class="break"></div>
-
-<p class="c top6em">A<br />
-MON GRAND-PÈRE<br />
-JACQUES AICARD<br />
-<span class="small">MORT<br />
-LE 29 SEPTEMBRE 1872</span></p>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="dedic">A MON GRAND-PÈRE</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Avant d’aller dormir près de toi dans la terre,</div>
-<div class="verse">J’ai voulu, pour ta joie, écrire ce <i>Mystère</i>,</div>
-<div class="verse">Tel un pâtre ignorant, sur un morceau de bois,</div>
-<div class="verse">De son couteau grossier sculpte un Jésus en croix,</div>
-<div class="verse">Et j’ai fait ce travail, où se complut mon âme,</div>
-<div class="verse">Grand-père, en souvenir de cette belle flamme</div>
-<div class="verse">Que mon regard surprit vivante au fond du tien,</div>
-<div class="verse">Quand, tourné vers l’Espoir, tu mourus en chrétien.</div>
-</div>
-
-<p class="sign">27 juillet 1895.</p>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c0">LES PÈLERINS<br />
-PRIÈRE DANS LE SOIR</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Vers Emmaüs, à l’heure où la clarté finit,</div>
-<div class="verse">Lentement, — ils devaient marcher soixante stades, —</div>
-<div class="verse">Deux hommes cheminaient, causant en camarades…</div>
-<div class="verse">Une Ombre, qui venait derrière eux, les joignit.</div>
-
-<div class="verse stanza">Disciples de Jésus, ils parlaient de leur maître</div>
-<div class="verse">Que Magdeleine et Jean croyaient ressuscité.</div>
-<div class="verse">Une Ombre maintenant marchait à leur côté.</div>
-<div class="verse">C’était Jésus, mais rien ne le faisait connaître.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il leur dit : « De quoi donc parliez-vous en marchant ?</div>
-<div class="verse">Et pourquoi semblez-vous si tristes, pauvres hommes ? »</div>
-<div class="verse">« Tristes, lui dirent-ils, tristes, oui, nous le sommes ! »</div>
-<div class="verse">Et le son de leur voix était grave et touchant.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Es-tu donc tellement étranger à la Ville,</div>
-<div class="verse">Que tu ne saches pas notre malheur récent ?</div>
-<div class="verse">Jésus de Nazareth, un prophète puissant,</div>
-<div class="verse">Depuis trois jours à peine est mort d’une mort vile.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Les sacrificateurs, les docteurs de la Loi,</div>
-<div class="verse">Nos magistrats, l’ont tous condamné. Quelle honte</div>
-<div class="verse">… Mais, toi, reste avec nous parce que la nuit monte…</div>
-<div class="verse">Inconnu, nous aimons à causer avec toi. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Or, depuis un instant, leurs paroles funèbres</div>
-<div class="verse">Retombaient sur leur cœur, dans la nuit, lourdement</div>
-<div class="verse">Un deuil affreux venait sur eux, du firmament ;</div>
-<div class="verse">En eux, comme autour d’eux, tout n’était que ténèbres</div>
-
-<div class="verse stanza">Et dans l’abandon triste où les laissait le jour,</div>
-<div class="verse">Vainement ils cherchaient, au ciel vide, une étoile ;</div>
-<div class="verse">Ils voyaient l’étranger comme à travers un voile,</div>
-<div class="verse">Mais ils sentaient en lui comme un attrait d’amour.</div>
-
-<div class="verse stanza">S’il s’éloignait un peu, leur cœur, empli de troubles,</div>
-<div class="verse">Aussitôt amoindri, défaillait et pleurait…</div>
-<div class="verse">S’il se rapprochait d’eux, tout contents en secret,</div>
-<div class="verse">Ils se sentaient monter au cœur des forces doubles.</div>
-
-<div class="verse stanza">C’était alors en eux comme un flot de chaleur,</div>
-<div class="verse">Le doux rayonnement d’une intime lumière ;</div>
-<div class="verse">Ils ne comprenaient plus leur détresse première</div>
-<div class="verse">Ni pourquoi le chemin leur devenait meilleur.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et les deux pèlerins que le Spectre accompagne</div>
-<div class="verse">Répétaient à Celui que l’on ne peut pas voir :</div>
-<div class="verse">« Reste avec nous, Seigneur, parce que c’est le soir</div>
-<div class="verse">Et notre angoisse croît dans la nuit qui nous gagne. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Or, Christ, ressuscité depuis dix-huit cents ans,</div>
-<div class="verse">Vient de mourir encor, mais d’une mort tout autre ;</div>
-<div class="verse">Et dans ce siècle obscur il a plus d’un apôtre</div>
-<div class="verse">Et plus d’un pèlerin dans les doutes présents.</div>
-
-<div class="verse stanza">Nos Scribes, attachés à la lettre du Livre,</div>
-<div class="verse">Par sottise les uns, d’autres par intérêt,</div>
-<div class="verse">N’ont plus ni les rigueurs ni l’amour qu’Il aurait ;</div>
-<div class="verse">Mais dans la nuit qui vient nous le sentons revivre.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il vit. La nuit immense a beau venir sur nous,</div>
-<div class="verse">Ténèbres de l’esprit qui nie et qui calcule,</div>
-<div class="verse">Nous avons beau sentir, dans l’affreux crépuscule,</div>
-<div class="verse">Défaillir à la fois nos cœurs et nos genoux ;</div>
-
-<div class="verse stanza">Chacun de nous revoit, dans la nuit de son âme</div>
-<div class="verse">Ce fantôme divin, pur esprit, noble chair,</div>
-<div class="verse">Qui nous a fait tout homme et tout enfant plus cher,</div>
-<div class="verse">Notre mère plus tendre et plus douce la femme.</div>
-
-<div class="verse stanza">Chacun de nous le voit, le doux spectre voilé,</div>
-<div class="verse">Luire ineffablement dans l’ombre intérieure,</div>
-<div class="verse">Dans l’ombre aussi qui tombe, en cette mauvaise heure</div>
-<div class="verse">Du vide qui, jadis, fut un ciel étoilé.</div>
-
-<div class="verse stanza">A son charme infini qui de nous se dérobe ?</div>
-<div class="verse">Ignorant ou savant, qui donc est bon sans lui ?</div>
-<div class="verse">Tous les astres sont morts qui pour d’autres ont lui,</div>
-<div class="verse">Mais nous sommes frôlés des lueurs de sa robe.</div>
-
-<div class="verse stanza">Là-bas, derrière nous, l’affreuse Ville en deuil,</div>
-<div class="verse">Dressant sur le ciel rouge, en noir, les toits du Temple,</div>
-<div class="verse">La hautaine cité du crime sans exemple,</div>
-<div class="verse">Nous envoie en rumeurs les cris de son orgueil.</div>
-
-<div class="verse stanza">C’est un bruit d’or tintant sous de hauts péristyles,</div>
-<div class="verse">C’est l’appel des soldats veillant sur les remparts ;</div>
-<div class="verse">Et le monde ébranlé craque de toutes parts</div>
-<div class="verse">Sous le riche oublieux des mendiants hostiles</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais en nous, contre nous, nous avons un recours,</div>
-<div class="verse">C’est la bonté, c’est la pitié, c’est l’Évangile :</div>
-<div class="verse">Nous sentons tout le reste incertain et fragile.</div>
-<div class="verse">Le ciel est vide et noir ; et c’est la fin des jours ;</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais le spectre d’un Dieu marche encor dans nos routes</div>
-<div class="verse">Avec sa forme humaine au sens mystérieux.</div>
-<div class="verse">Nos chemins effacés s’éclairent de ses yeux,</div>
-<div class="verse">Et sa blancheur nous guide à travers tous les doutes.</div>
-
-<div class="verse stanza">Oh ! puisque la nuit monte au ciel ensanglanté,</div>
-<div class="verse">Reste avec nous, Seigneur, ne nous quitte plus, reste !</div>
-<div class="verse">Soutiens notre chair faible, ô fantôme céleste,</div>
-<div class="verse">Sur tout notre néant seule réalité !</div>
-
-<div class="verse stanza">Ta force heureuse rentre en notre âme plaintive</div>
-<div class="verse">Et même les tombeaux sont clairs de tes rayons…</div>
-<div class="verse">Toi par qui nous aimons, toi par qui nous voyons,</div>
-<div class="verse">Reste avec nous, Seigneur, parce que l’ombre arrive !</div>
-
-<div class="verse stanza">Seigneur, nous avons soif ; Seigneur, nous avons faim</div>
-<div class="verse">Que notre âme expirante avec toi communie</div>
-<div class="verse">A la table où s’assied la Fatigue infinie,</div>
-<div class="verse">Nous te reconnaîtrons quand tu rompras le pain.</div>
-
-<div class="verse stanza">Reste avec nous, Seigneur, pour l’étape dernière ;</div>
-<div class="verse">De grâce, entre avec nous dans l’auberge des soirs…</div>
-<div class="verse">Le Temple et ses flambeaux parfumés d’encensoirs</div>
-<div class="verse">Sont moins doux que l’adieu de ta sourde lumière.</div>
-
-<div class="verse stanza">Les vallons sont comblés par l’ombre des grands monts</div>
-<div class="verse">Le siècle va finir dans une angoisse immense ;</div>
-<div class="verse">Nous avons peur et froid dans la mort qui commence…</div>
-<div class="verse">Reste avec nous, Seigneur, parce que nous t’aimons.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak">JÉSUS</h2>
-
-
-<h3 id="c1">I<br />
-LES BERGERS DANS LA MONTAGNE</h3>
-
-<p class="c small">UN VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Bonjour, berger.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i8">Bonjour.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i13">Connais-tu la nouvelle ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Te moques-tu de moi ? Sur ce coteau perdu,</div>
-<div class="verse">Nos troupeaux sont muets. Pas un agneau ne bêle,</div>
-<div class="verse">Le silence est partout. Je n’ai rien entendu.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Trois amis m’ont conté, trois vieux pasteurs de chèvres,</div>
-<div class="verse">Qu’ils ont vu dans le ciel un ange, cette nuit ;</div>
-<div class="verse">Il leur a dit, parlant, comme toi par tes lèvres :</div>
-<div class="verse">« Le Messie est né ! »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i10">L’ange aura parlé sans bruit…</div>
-<div class="verse">Et pour moi je n’ai vu que deux blanches nuées.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Oui, les ailes de l’ange.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i13">Il ne m’a point parlé.</div>
-<div class="verse">Mes oreilles, au grand silence habituées,</div>
-<div class="verse">Sauraient si même un cri d’oiseau l’avait troublé.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tu n’as rien entendu ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i11">Pas même les chouettes.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tu n’as rien vu ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i8">Là-haut, toujours au même lieu,</div>
-<div class="verse">Les constellations qui parlent en muettes.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Je t’annoncerai donc la naissance d’un Dieu.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Je n’en connais qu’un seul. C’est celui de Moïse.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Un autre vient de naître ; un meilleur, un plus doux.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Parle, vieux ! je t’écoute avec peine et surprise :</div>
-<div class="verse">La vieillesse radote. On respecte les fous.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ne ris pas ! Ce Seigneur est né dans une étable.</div>
-<div class="verse">Comme il fait froid, un âne, un bœuf, soufflent dessus.</div>
-<div class="verse">Ils l’aiment, devinant qu’il sera charitable,</div>
-<div class="verse">Et c’est un messager de Dieu nommé Jésus.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Dieu, c’est un Salomon, compère, un vieux monarque :</div>
-<div class="verse">Il a des légions, des trônes et de l’or ;</div>
-<div class="verse">Un envoyé du ciel porterait mieux sa marque</div>
-<div class="verse">Et viendrait sous l’éclair au sommet du Thabor.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Pense comme tu veux ; moi, je crois aux prophètes.</div>
-<div class="verse">Je vais à Bethléem, pour voir ce nouveau-né.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mais… si je te suivais, qui garderait nos bêtes ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Le Dieu par qui l’enfant nouveau nous est donné.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Eh bien… je vais te suivre.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i15">Iras-tu la main vide ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Toi, que lui portes-tu ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Moi, je suis pauvre, ami :</div>
-<div class="verse">Pas un seul n’est à moi des moutons que je guide,</div>
-<div class="verse">Et j’en suis si fâché que je n’ai pas dormi.</div>
-<div class="verse">Mais je compte, n’ayant à moi brebis ni laine,</div>
-<div class="verse">Pour l’enfant qui nous vient tout nu comme un oiseau,</div>
-<div class="verse">Dans la flûte que j’ai souffler à perdre haleine,</div>
-<div class="verse">Et mettre tout mon cœur dans ce pauvre roseau…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et moi j’égorgerai mes deux jeunes colombes,</div>
-<div class="verse">Si ta nouvelle est vraie, en l’honneur de ton Dieu !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mon Dieu… fera sortir, frère, les morts des tombes ;</div>
-<div class="verse">Rien ne doit plus périr par le fer ou le feu.</div>
-<div class="verse">Porte-lui des agneaux vivants : il les caresse.</div>
-<div class="verse">Porte-lui des ramiers : il les baise en pleurant.</div>
-<div class="verse">Mais déjà le bœuf, l’âne, ont connu sa tendresse…</div>
-<div class="verse">Partons vite : un Dieu bon, mon frère, est le seul grand !</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c2">II<br />
-L’HOTELLERIE DE BETHLÉEM</h3>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il fait froid : donne-nous une place à ton feu.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’HÔTELIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Non.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i2">Ma femme est enceinte.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’HÔTELIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i14">Eh ! j’entends.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i21">Je t’en prie.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’HÔTELIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Non ! quand tu serais diable ou quand tu serais dieu</div>
-<div class="verse">Je n’ai plus une place en mon hôtellerie.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Elle souffre. Son sein porte un fruit innocent :</div>
-<div class="verse">Veux-tu que notre espoir, frère, meure en naissant ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’HÔTELIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Pauvre femme !… Veux-tu coucher dans mon étable ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Bien volontiers.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’HÔTELIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i8">Venez. C’est tout ce qu’il vous faut.</div>
-<div class="verse">Et si vous ne trouvez dans le foin lit ni table,</div>
-<div class="verse">L’âne et le bœuf, qui sont très doux, vous tiendront chaud.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c3">III<br />
-LES BERGERS DANS L’ÉTABLE</h3>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Regarde. On a posé près de lui, sur la paille,</div>
-<div class="verse">Bien des présents déjà, des œufs frais, du froment,</div>
-<div class="verse">Tous les meilleurs trésors du pauvre qui travaille…</div>
-<div class="verse">Voudra-t-on écouter ma flûte seulement ?</div>
-<div class="verse">Frère, offre-lui d’abord tes blanches tourterelles…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Je vous offre, Seigneur, deux oiseaux que j’ai pris.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Regarde : avec ses bras, il imite leurs ailes !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Écoute : avec sa lèvre, il imite leurs cris !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Pour moi, joli Seigneur, je suis pauvre et j’apporte…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Quoi donc ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i5">Je n’ose pas vous dire. C’est si peu !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Quel est tout ce grand bruit qui se fait à la porte ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN PAGE, <span class="i">entrant</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Les Mages d’Orient viennent voir l’Enfant-Dieu :</div>
-<div class="verse">Une étoile fidèle a guidé le voyage.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Frère, retirons-nous, pour l’instant ; cachons-nous ;</div>
-<div class="verse">Laissons entrer ces rois et tout leur équipage.</div>
-<div class="verse">Restons là, dans un coin de l’étable, à genoux.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PAGE, <span class="i">aux serviteurs qui se pressent à la porte</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Le toit est bas. Laissez dehors les dromadaires.</div>
-</div>
-
-<p class="did">Il annonce les Mages.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Le seigneur Balthazar ! — Le seigneur Melchior !</div>
-<div class="verse">Le roi Gaspard !… suivi de ses hauts dignitaires…</div>
-<div class="verse">Et tous viennent offrir l’encens, la myrrhe et l’or.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Sortons de notre coin. Viens donc que je les voie.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ils riraient de nous voir sous nos pauvres sayons.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ils ont mis leur couronne et leurs manteaux de soie.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Oui, mais Jésus a mis sa couronne en rayons !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LES TROIS MAGES.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">O Seigneur, roi du ciel…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i13">Pardonnez-moi, grands Mages,</div>
-<div class="verse">Mais un homme était là, quand vous êtes entrés,</div>
-<div class="verse">Qui n’avait pas fini de rendre ses hommages</div>
-<div class="verse">A mon petit Enfant que tous vous adorez.</div>
-<div class="verse">Il croirait que pour vous peut-être on le rebute…</div>
-</div>
-
-<p class="did">Au vieux berger.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Pourquoi te caches-tu, brave homme, dans un coin ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’est que… je ne peux rien offrir… qu’un air de flûte.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Viens donc… pour voir l’enfant tu serais un peu loin…</div>
-<div class="verse">Allons, sonne, berger ! Nous aimons la musique.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER, <span class="i">au jeune</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">J’obéis, mais j’ai peur.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JEUNE BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Souffle en fermant les yeux.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VIEUX BERGER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Non, je veux voir l’Enfant !</div>
-</div>
-
-<p class="did">Le vieux berger joue de la flûte.</p>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i14">Il dit, dans son cantique,</div>
-<div class="verse">La paix de son bon cœur et la gloire des cieux.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">La musique s’arrête.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i10">Et l’Enfant va sourire.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Que diront Balthazar, Gaspard et Melchior ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’est bien. Merci, berger… Grands rois que l’on admire</div>
-<div class="verse">A présent, vous pouvez offrir la myrrhe et l’or.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c4">IV<br />
-NAISSANCE DE LA PITIÉ</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ces nombres d’or : « Aimez-vous bien les uns les autres, »</div>
-<div class="verse">Dans l’Acte et dans le Mot ne régnaient pas encor ;</div>
-<div class="verse">Il fallait qu’un sublime étranger les fît nôtres</div>
-<div class="verse">Et que, du lingot brut, il fît sa pièce d’or.</div>
-
-<div class="verse stanza">Pour que la Charité s’envolât d’âme en âme,</div>
-<div class="verse">Il fallait lui donner l’aile des beaux discours,</div>
-<div class="verse">Et que, vie et parole, elle devînt un drame</div>
-<div class="verse">Dont le héros charmant suscitât des amours.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il fallait, pour toucher les âmes paysannes,</div>
-<div class="verse">Que, blond comme la gerbe, il eût des yeux d’azur ;</div>
-<div class="verse">Que sa simplicité cheminât sur des ânes</div>
-<div class="verse">Et qu’il sût distinguer la nielle du blé mûr ;</div>
-
-<div class="verse stanza">Que celle en qui dormait l’espoir de l’Évangile,</div>
-<div class="verse">Ne sût où déposer son fruit mystérieux</div>
-<div class="verse">Et que cet abandon fît, sur l’enfant fragile,</div>
-<div class="verse">Par les fentes du toit étinceler les cieux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Né d’une pauvre femme, il fallait que le Maître,</div>
-<div class="verse">Qu’attendaient le bœuf, l’âne et les rois à genoux,</div>
-<div class="verse">Inspirât la pitié même avant que de naître,</div>
-<div class="verse">Pour que les malheureux disent : Il vient chez nous.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c5">V<br />
-LA FUITE EN ÉGYPTE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Lorsque Hérode eut appris que pour voir un enfant</div>
-<div class="verse">Dans une étable, rois, bergers, tous à la ronde</div>
-<div class="verse">Accouraient, l’appelaient Maître et Sauveur du monde</div>
-<div class="verse">Le saluaient Messie et roi, Dieu triomphant,</div>
-
-<div class="verse stanza">Le tétrarque, tremblant pour ses droits éphémères,</div>
-<div class="verse">Furieux, donna l’ordre aux bourreaux étonnés</div>
-<div class="verse">D’égorger en tous lieux les enfants nouveau-nés</div>
-<div class="verse">Et partout tressaillit d’effroi le cœur des mères.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et de bons laboureurs, prenant Joseph à part,</div>
-<div class="verse">Lui dirent en secret l’effroyable nouvelle.</div>
-<div class="verse">Mais, tout terrifié de ce qu’on lui révèle,</div>
-<div class="verse">Joseph ne songea pas tout d’abord au départ.</div>
-
-<div class="verse stanza">Le péril est partout. Que faire et comment faire ?</div>
-<div class="verse">Il n’osait prévenir Marie, et restait là.</div>
-<div class="verse">Alors la voix d’un pauvre animal lui parla :</div>
-<div class="verse">Mon Dieu, oui, tout à coup, l’âne se mit à braire.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Mettons vite le bât sur l’âne, se dit-il,</div>
-<div class="verse">Et fuyons en Égypte et plus loin, tous les quatre ! »</div>
-<div class="verse">L’âne partit gaîment et sans se faire battre :</div>
-<div class="verse">On eût dit qu’il avait flairé ce grand péril.</div>
-
-<div class="verse stanza">Joseph marchait, la bride en main, et l’âne, agile,</div>
-<div class="verse">Berçait sur son vieux dos la mère de Jésus</div>
-<div class="verse">Qui tenait ses deux bras bien serrés, et, dessus,</div>
-<div class="verse">L’Enfant-Dieu qui portait, sous son front, l’Évangile.</div>
-
-<div class="verse stanza">L’âne, quoique naïf, peut-être un peu rêveur,</div>
-<div class="verse">Jaloux des grands chameaux dont le pas est si large,</div>
-<div class="verse">Vif et comme léger sous cette triple charge,</div>
-<div class="verse">Paraissait tout joyeux de sauver le Sauveur.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c6">VI<br />
-L’ENFANT AU BERCEAU</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tous les matins, avant le réveil des oiseaux,</div>
-<div class="verse">Sur le berceau, dont elle entr’ouvrait les longs voiles,</div>
-<div class="verse">Sa mère déposait des fleurs, fines étoiles,</div>
-<div class="verse">Du bleu de ses yeux, bleus comme les claires eaux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Elle y posait des lys plus soyeux que la soie,</div>
-<div class="verse">Droits et purs, mieux vêtus que le roi Salomon,</div>
-<div class="verse">Car la beauté vaut mieux que l’éclat de Mammon,</div>
-<div class="verse">Et la candeur inspire aux âmes de la joie.</div>
-
-<div class="verse stanza">Parfois elle apportait aussi des épis d’or,</div>
-<div class="verse">Blonds comme les cheveux du petit enfant rose,</div>
-<div class="verse">Et jamais près de lui ne laissait une chose</div>
-<div class="verse">Qui ne lui parût pas plus riche qu’un trésor.</div>
-
-<div class="verse stanza">Près du berceau dormaient, entre des branches frêles,</div>
-<div class="verse">Colombes, passereaux, libres, apprivoisés ;</div>
-<div class="verse">Et lui, dès le réveil, envoyait des baisers</div>
-<div class="verse">Aux fleurs, aux passereaux, aux douces tourterelles.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il grandit. Quand il fut en âge de courir,</div>
-<div class="verse">Il jouait, façonnant, avec un peu d’argile,</div>
-<div class="verse">Des oiseaux et des fleurs, d’une grâce fragile,</div>
-<div class="verse">Qu’il souhaitait de voir ou voler ou s’ouvrir.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et c’est pourquoi, jeune homme, il sut dire aux Apôtres :</div>
-<div class="verse">— « Si vous comprenez bien ce que j’ai sous le front,</div>
-<div class="verse">Les âmes fleuriront, les cœurs s’envoleront…</div>
-<div class="verse">Suivez ma voie. Il faut s’aimer les uns les autres. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c7">VII<br />
-A DOUZE ANS</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Or, cette année, après la Pâque, grande fête</div>
-<div class="verse">D’où les enfants devaient revenir assagis,</div>
-<div class="verse">Le bon Joseph, avec bien des soucis en tête,</div>
-<div class="verse">Quittant Jérusalem, retournait au logis.</div>
-
-<div class="verse stanza">C’était loin, Nazareth. Et voisins et voisines</div>
-<div class="verse">Par groupes et nombreux faisaient ce long chemin,</div>
-<div class="verse">Et les petits, tentés par les fleurs des collines,</div>
-<div class="verse">Trompant leur mère lasse, abandonnaient sa main.</div>
-
-<div class="verse stanza">— Où donc est-il, ce diable ? Ah ! l’engeance maudite !</div>
-<div class="verse">— Je l’aperçois là-bas qui se pique aux chardons.</div>
-<div class="verse">— Voyez, il court offrir ses fleurs à ma petite.</div>
-<div class="verse">— Ils reviendront toujours, bien sûrs de nos pardons.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et tout le long du jour ce sont mêmes paroles,</div>
-<div class="verse">Et les enfants, d’un groupe à l’autre, vont, rieurs,</div>
-<div class="verse">Se montrant de grands lys, buvant dans les corolles,</div>
-<div class="verse">Apparaissant ici quand on les croit ailleurs.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Joseph, sérieux, répétait à Marie :</div>
-<div class="verse">« Le cèdre du Liban se vend toujours plus cher ! »</div>
-<div class="verse">Et mille autres propos sur la charpenterie,</div>
-<div class="verse">Tandis qu’elle songeait à la chair de sa chair…</div>
-
-<div class="verse stanza">— Et Jésus ? disait-elle. — Il joue avec les autres ;</div>
-<div class="verse">Tous ceux de Nazareth sont en bande là-bas.</div>
-<div class="verse">— Avez-vous vu mon fils ? — Il entraîne les nôtres,</div>
-<div class="verse">Voisine. — Et les parents ne le rappelaient pas.</div>
-
-<div class="verse stanza">Or, on avait marché tout un long jour sans ombre,</div>
-<div class="verse">Et les enfants plaintifs revinrent un par un</div>
-<div class="verse">S’accrocher à leur mère, ayant peur dans le sombre,</div>
-<div class="verse">Et leur bouquet trop lourd devenait importun.</div>
-
-<div class="verse stanza">Quel âge a-t-il ? « Douze ans. » Mais alors c’est un homme :</div>
-<div class="verse">Il saura bien toujours retrouver ses parents…</div>
-<div class="verse">— Mon fils est égaré, bon passant… Il se nomme</div>
-<div class="verse">Jésus. Il est tout blond avec des yeux très grands.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et dans la nuit montante, au bord de la vallée,</div>
-<div class="verse">Revenant sur leurs pas, par le chemin désert,</div>
-<div class="verse">Marie avec Joseph, d’une voix désolée,</div>
-<div class="verse">Appelaient… De tout temps Marie a bien souffert.</div>
-
-<div class="verse stanza">Jusqu’à Jérusalem, pleins d’angoisse mortelle,</div>
-<div class="verse">Il fallut retourner… Songez donc quelle nuit !</div>
-<div class="verse">Oh ! que ne souffrit pas Marie ! et que dit-elle,</div>
-<div class="verse">Lorsqu’on se retrouva dans la ville, sans lui !</div>
-
-<div class="verse stanza">Deux jours sans le revoir ! Deux longues nuits encore</div>
-<div class="verse">Des rêves sans sommeil… Oh ! des rêves affreux !</div>
-<div class="verse">Quelle couleur de deuil eut la troisième aurore !</div>
-<div class="verse">Et les parents, pleurant sur lui, pleuraient sur eux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et le troisième soir, sur les places publiques,</div>
-<div class="verse">Comme ils erraient encor, pâles, tremblants d’effroi :</div>
-<div class="verse">— Cet enfant de douze ans a de fortes répliques,</div>
-<div class="verse">Dirent, passant près d’eux, des docteurs de la Loi.</div>
-
-<div class="verse stanza">— Oh ! par pitié, de qui parlez-vous ? dit la femme.</div>
-<div class="verse">— D’un petit charpentier que l’on nomme Jésus…</div>
-<div class="verse">Elle court… « C’est mon fils ! » Et ses mains et son âme</div>
-<div class="verse">Attirant le beau front, se reposaient dessus.</div>
-
-<div class="verse stanza">Elle l’éloigne un peu, lui sourit, le contemple,</div>
-<div class="verse">Et le gronde : « Il n’a pas songé que nous pleurions ! »</div>
-<div class="verse">Depuis trois jours, l’enfant, très grave, dans le Temple,</div>
-<div class="verse">Aux docteurs attentifs posait des questions ;</div>
-
-<div class="verse stanza">Et tous l’interrogeaient, admirant ses réponses…</div>
-<div class="verse">— « Ah ! le méchant ! méchant petit insoucieux ! »</div>
-<div class="verse">Mais lui, tranquillement, répondit aux semonces :</div>
-<div class="verse">— « Avant tout je me dois à mon Père des cieux :</div>
-
-<div class="verse stanza">« Pourquoi me cherchiez-vous ? »</div>
-<div class="verse i15">On revint au village.</div>
-<div class="verse">Eux, ne comprenant point, grondaient toujours un peu.</div>
-<div class="verse">Et depuis ce temps-là, toujours plus grand, plus sage</div>
-<div class="verse">Il leur était soumis et croissait devant Dieu.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c8">VIII<br />
-LE GRAND CHAGRIN</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Or, Jésus adorait sa mère, qui, divine,</div>
-<div class="verse">L’avait si tendrement bordé dans son berceau,</div>
-<div class="verse">Réchauffé dans le nid comme un petit oiseau,</div>
-<div class="verse">Et, lorsqu’il avait peur, caché dans sa poitrine.</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais le désir naissait en lui d’approcher Dieu,</div>
-<div class="verse">De hausser son esprit pour être utile aux hommes ;</div>
-<div class="verse">Il songeait : « Nous serions meilleurs que nous ne sommes,</div>
-<div class="verse">Si nous réalisions nos rêves, rien qu’un peu. »</div>
-
-<div class="verse stanza">C’est alors qu’il allait, en fraude, dans le Temple,</div>
-<div class="verse">Où, grave, il s’attaquait aux docteurs de la Loi.</div>
-<div class="verse">Sa mère le cherchait partout… — « Malheur sur moi !</div>
-<div class="verse">Mon fils donne aux enfants le plus méchant exemple !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Il croit savoir ce qu’à son âge on n’apprit pas ;</div>
-<div class="verse">Il irrite de vieux savants qu’il blâme et loue ;</div>
-<div class="verse">Et puis, trop confiant, il cause, il rit, il joue</div>
-<div class="verse">Avec le méchant fils de nos voisins, — Judas !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Rentre au logis, petit bavard ! taille des planches !</div>
-<div class="verse">Au lieu de tant parler, travaille de tes mains ! »</div>
-<div class="verse">Il s’échappait, cueillant des fleurs par les chemins,</div>
-<div class="verse">Et pour sa gerbe heureuse il préférait les blanches.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et, devant lui, Marie ayant dit tristement :</div>
-<div class="verse">— « Ce n’est pas tout bonheur, allez, d’être sa mère ! »</div>
-<div class="verse">L’enfant pleura, trouvant cette parole amère,</div>
-<div class="verse">Et son cœur ressentit déjà l’isolement.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c9">IX<br />
-IL CROISSAIT DEVANT DIEU</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et puis ?… De ces douze ans sublimes jusqu’à trente ?</div>
-<div class="verse">Comment fit-il son âme en faisant son métier ?</div>
-<div class="verse">Que disait Dieu le Père à cette âme parente ?</div>
-<div class="verse">Que répondait à Dieu le fils du charpentier ?</div>
-
-<div class="verse stanza">D’un an, d’un jour à l’autre on voudrait bien le suivre !</div>
-<div class="verse">Par qui l’adolescent divin fut-il guidé ?</div>
-<div class="verse">Le monde, là-dessus, ne voit rien dans le Livre,</div>
-<div class="verse">Et ce temps-là demeure un mystère insondé.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il dit plus tard : — « Soyez béni, Père suprême,</div>
-<div class="verse">Car vous avez caché ces choses au savant,</div>
-<div class="verse">Mais vous les révélez à l’enfant qui vous aime. »</div>
-<div class="verse">Et dans le Livre saint l’enfant paraît souvent.</div>
-
-<div class="verse stanza">Or la sagesse est là ; c’est là tout l’Évangile :</div>
-<div class="verse">« Sois pareil aux petits, souris et tends les bras.</div>
-<div class="verse">L’esprit, comme la chair, est chose bien fragile.</div>
-<div class="verse">Le cœur est tout. Sois humble et tu me connaîtras. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Ce qu’il fait de douze ans à trente ? Il songe. Il garde,</div>
-<div class="verse">Divinement, comme un trésor, son cœur d’enfant.</div>
-<div class="verse">Il travaille en rêvant ; sa mère le regarde ;</div>
-<div class="verse">Contre le mal subtil son rêve le défend.</div>
-
-<div class="verse stanza">Pour l’homme de sagesse il n’y a que deux âges,</div>
-<div class="verse">Avec deux noms : Aimer, Penser. Or pour Jésus</div>
-<div class="verse">La pensée est amour, mais c’est l’amour des sages</div>
-<div class="verse">Qui n’ont que des fils d’âme en leur âme conçus.</div>
-
-<div class="verse stanza">Peut-être qu’au moment de sa force montante</div>
-<div class="verse">Quelque Samaritaine attira son regard,</div>
-<div class="verse">Et son cœur, s’éloignant du trouble qui nous tente,</div>
-<div class="verse">Souffrit de se tourner vers « la meilleure part ».</div>
-
-<div class="verse stanza">Pour garder la vertu qui sort, lorsqu’on le touche,</div>
-<div class="verse">De sa chair guérisseuse et de ses vêtements,</div>
-<div class="verse">Pour garder ce sourire apaisant sur sa bouche,</div>
-<div class="verse">Il veut, vierges en lui, tous ses pouvoirs aimants.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il ne veut rien donner au charme périssable,</div>
-<div class="verse">Pour qu’un charme éternel sorte de ses yeux purs.</div>
-<div class="verse">Il ne fondera point un foyer dans le sable :</div>
-<div class="verse">Seuls les amours du cœur ont des fondements sûrs.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Jésus à vingt ans pensait déjà ces choses ;</div>
-<div class="verse">Il se tenait songeur dans les lieux écartés ;</div>
-<div class="verse">Il préférait les lys tout blancs aux roses roses</div>
-<div class="verse">Et les grâces du cœur aux visibles beautés.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il admirait comment, mis en terre, un grain lève :</div>
-<div class="verse">En dépit du Sabbat, il lève nuit et jour…</div>
-<div class="verse">Et le long des sentiers parfumés Jésus rêve,</div>
-<div class="verse">Et Dieu sur toute vie épand le même amour.</div>
-
-<div class="verse stanza">Les blés mûrs, les figuiers, les nids, tout l’intéresse.</div>
-<div class="verse">Sans doute il a connu, parmi des travailleurs,</div>
-<div class="verse">Ces ouvriers tardifs qui, malgré leur paresse,</div>
-<div class="verse">Touchent le même prix, le soir, que les meilleurs…</div>
-
-<div class="verse stanza">Il approuve du cœur l’indulgence du maître</div>
-<div class="verse">Qui, juste envers les bons, a pitié des mauvais :</div>
-<div class="verse">— « Ma charité n’est pas selon leurs lois, peut-être,</div>
-<div class="verse">Mais c’est vers la cité d’un Père que je vais. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Sur le figuier stérile en vain cherchant la figue,</div>
-<div class="verse">Il le soignait avant de le jeter au feu.</div>
-<div class="verse">Peut-être a-t-il aussi connu l’enfant prodigue</div>
-<div class="verse">Et qu’il dit aux parents : « Pardonnez comme Dieu. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et quand il ouvre enfin son âme révélée,</div>
-<div class="verse">Quand, discoureur sublime et martyr triomphant,</div>
-<div class="verse">Il nous donne d’un coup sa vie accumulée,</div>
-<div class="verse">Ce qui nous éblouit, c’est son âme d’enfant.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c10">X<br />
-JEAN-BAPTISTE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Écoutez, je suis Jean ; je suis la voix qui crie</div>
-<div class="verse i3">Seule, dans le désert.</div>
-<div class="verse">Mon peuple, dont la peine exalte ma furie</div>
-<div class="verse i3">A trop longtemps souffert.</div>
-
-<div class="verse stanza">Repentez-vous, puissants ! La feinte est inutile :</div>
-<div class="verse i3">On n’évite pas Dieu !</div>
-<div class="verse">L’heure approche, elle accourt, où tout arbre stérile</div>
-<div class="verse i3">Périra dans le feu !</div>
-
-<div class="verse stanza">Je viens pour terrasser l’audace sanguinaire</div>
-<div class="verse i3">Des maîtres d’ici-bas ;</div>
-<div class="verse">Mais un autre est le Dieu ; je ne suis qu’un tonnerre</div>
-<div class="verse i3">Et le bruit de son pas.</div>
-
-<div class="verse stanza">Préparez les sentiers, aplanissez la voie</div>
-<div class="verse i3">Pour un autre, meilleur ;</div>
-<div class="verse">J’apporte la menace, il apporte la joie</div>
-<div class="verse i3">Qui sort de sa douleur.</div>
-
-<div class="verse stanza">Écoutez-moi ; je suis vêtu de peaux de bête ;</div>
-<div class="verse i3">Ma ceinture est de cuir ;</div>
-<div class="verse">Lorsque mon fouet serpente en sifflant sur les têtes</div>
-<div class="verse i3">Le plus grand ne peut fuir.</div>
-
-<div class="verse stanza">Écoutez-moi. Sauvage est le miel que je mange ;</div>
-<div class="verse i3">Ma ruche est dans le roc.</div>
-<div class="verse">Quand ma voix parle aux rois des hontes qu’elle venge,</div>
-<div class="verse i3">Ils vacillent au choc.</div>
-
-<div class="verse stanza">Les Hérodes ont peur de ma parole rude ;</div>
-<div class="verse i3">Je suis le Précurseur ;</div>
-<div class="verse">Je suis un cri ; j’annonce, esprit de solitude,</div>
-<div class="verse i3">Aux foules — la douceur.</div>
-
-<div class="verse stanza">Je ne suis pas celui qu’on aime ; attendez l’autre :</div>
-<div class="verse i3">C’est le grain ; moi, le vent.</div>
-<div class="verse">Il est le Maître. Moi, je ne suis qu’un apôtre</div>
-<div class="verse i3">Qu’il envoie en avant.</div>
-
-<div class="verse stanza">Lui seul pardonnera, tandis que je condamne.</div>
-<div class="verse i3">Selon qu’il est écrit,</div>
-<div class="verse">Il s’avance paisible et monté sur un âne ;</div>
-<div class="verse i3">En pleurant, il sourit.</div>
-
-<div class="verse stanza">J’annonce aux manteaux d’or des riches de Judée</div>
-<div class="verse i3">Les haillons d’un vainqueur !</div>
-<div class="verse">Je blâme : il aimera ; je ne suis que l’idée :</div>
-<div class="verse i3">Je vous annonce un cœur.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ma voix est au désert ; la sienne est dans la vigne</div>
-<div class="verse i3">Où le travail est doux.</div>
-<div class="verse">Sa sandale est divine, et je voudrais, indigne,</div>
-<div class="verse i3">L’attacher à genoux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ma voix est au désert : la sienne est aux bourgades</div>
-<div class="verse i3">Qu’entourent les moissons.</div>
-<div class="verse">Il bénit les enfants ; il charme les malades ;</div>
-<div class="verse i3">Il reste et nous passons.</div>
-
-<div class="verse stanza">Sous l’onde du Jourdain par mes deux mains versée,</div>
-<div class="verse i3">Ruisselante sur eux,</div>
-<div class="verse">Les fronts las oublieront la poussière amassée</div>
-<div class="verse i3">Dans les chemins pierreux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais celui qui me suit baptisera de flamme</div>
-<div class="verse i3">Le monde racheté.</div>
-<div class="verse">Je baptise la chair ; et lui baptise l’âme</div>
-<div class="verse i3">D’espoir et de bonté.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il a son van en main, il nettoiera son aire,</div>
-<div class="verse i3">Mais sa grange est au ciel.</div>
-<div class="verse">Ma voix rude l’annonce ; elle est comme un tonnerre</div>
-<div class="verse i3">La sienne est comme un miel.</div>
-
-<div class="verse stanza">Sa voix coule en chantant ; torrent, la mienne roule</div>
-<div class="verse i3">Grondante sans pardon.</div>
-<div class="verse">Je meurs, sévère aux rois ; il est doux à la foule :</div>
-<div class="verse i3">Il mourra d’être bon.</div>
-
-<div class="verse stanza">Quand il viendra courber son front sous l’eau qui tombe,</div>
-<div class="verse i3">Cet humble et grand vainqueur,</div>
-<div class="verse">Le Dieu dur des combats va se faire colombe,</div>
-<div class="verse i3">Pour entrer dans son cœur !</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c11">XI<br />
-LA TENTATION</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et ce Démon qui parle au cœur de tous les hommes</div>
-<div class="verse">Lui fit, comme du haut d’un mont ou d’une tour,</div>
-<div class="verse">Voir de beaux palais d’or où s’entassaient des sommes,</div>
-<div class="verse">Et les jardins fleuris qui riaient alentour.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Si tu veux, je ferai ta vie heureuse et belle ;</div>
-<div class="verse">Tu mangeras, dit-il, dans l’or et dans l’argent… »</div>
-<div class="verse">Mais Jésus répondit : — « La misère m’appelle.</div>
-<div class="verse">Pauvre, je saurai mieux consoler l’indigent. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et le Démon disait : «  — On trouve dans ma voie</div>
-<div class="verse">Les rires, les chansons, les coupes et le vin. »</div>
-<div class="verse">— « Et comment peut-on boire à la coupe de joie</div>
-<div class="verse">Quand la misère a soif ? » lui dit l’Homme divin.</div>
-
-<div class="verse stanza">Le Démon répondit : « Laisse la pitié vaine ;</div>
-<div class="verse">Sois un roi sur ton peuple ; écrase-le sous toi ! »</div>
-<div class="verse">« Dans mon peuple, j’entends pleurer la race humaine…</div>
-<div class="verse">Hélas ! comment peut-on dormir, quand on est roi ? »</div>
-
-<div class="verse stanza">Le Démon lui montra, comme du haut d’un temple,</div>
-<div class="verse">Des présents sur l’autel et des lampes en feu :</div>
-<div class="verse">— « Dieu seul jouit de tout. L’espace le contemple.</div>
-<div class="verse">La terre le redoute et tu peux être un Dieu !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Si tu veux m’écouter, la terre est à toi, toute !</div>
-<div class="verse">Tu seras riche, roi, dieu des hommes jaloux.</div>
-<div class="verse">Des anges te tiendront soulevé sur ta route,</div>
-<div class="verse">De peur que ton pied nu ne se heurte aux cailloux ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Jésus répondit : — « Le ciel est sans délices,</div>
-<div class="verse">Quand l’homme souffre au pied des trônes bienheureux !</div>
-<div class="verse">Mon Dieu ne goûte pas la chair des sacrifices ;</div>
-<div class="verse">Mon Dieu souffre avec les souffrants, en eux, pour eux !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Le bonheur de Celui dont j’apporte le règne,</div>
-<div class="verse">C’est de prendre sa part de tous les maux humains !</div>
-<div class="verse">L’homme pleure ? je pleure ; il saigne ? mon cœur saigne,</div>
-<div class="verse">Et mes pieds sont meurtris, car j’ai vu leurs chemins ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Alors, comme au lever de l’étoile première,</div>
-<div class="verse">Dans les lieux qu’habitait l’Homme aux divins discours</div>
-<div class="verse">On vit naître et monter une grande lumière,</div>
-<div class="verse">Et le monde riait à ce matin des jours.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c12">XII<br />
-LE FILET</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ils tiraient leurs filets ruisselants, hors des lames.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Venez et vous serez désormais pêcheurs d’âmes,</div>
-<div class="verse">Leur dit-il, et jetant sur le monde étonné</div>
-<div class="verse">L’Évangile divin que je vous ai donné,</div>
-<div class="verse">Du fond des passions, comme d’une mer sombre,</div>
-<div class="verse">Vous tirerez au jour des cœurs, des cœurs sans nombre,</div>
-<div class="verse">Que vous verrez, frappés, tous, d’un rayon pareil,</div>
-<div class="verse">Aux mailles du filet refléter mon soleil. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Alors, traînant leur barque à terre avec le câble,</div>
-<div class="verse">Ils la laissèrent seule au soleil, sur le sable.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c13">XIII<br />
-DISCOURS SUR LA MONTAGNE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Comme sur la montagne ils étaient bien dix mille,</div>
-<div class="verse">Jésus, au milieu d’eux, parla tout l’Évangile :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Excepté ma parole, ici-bas tout périt.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Heureux les pauvres en esprit</div>
-<div class="verse">Parce qu’ils comprendront les premiers ma parole.</div>
-
-<div class="verse stanza">Heureux les affligés parce que je console.</div>
-
-<div class="verse stanza">Heureux les doux : sur terre ils possèdent le ciel.</div>
-
-<div class="verse stanza">Heureux tous les souffrants d’injustice et de haine :</div>
-<div class="verse">Ils boiront, altérés d’amour, à ma fontaine ;</div>
-<div class="verse">Affamés de justice, ils goûteront mon miel.</div>
-
-<div class="verse stanza">Heureux les cœurs touchés d’une pitié sincère :</div>
-<div class="verse">On aura pitié d’eux au jour de leur misère.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Heureux les cœurs purs : ils ont Dieu</div>
-<div class="verse">Comme une eau pure en elle a tout le grand ciel bleu.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Lorsque la lampe est allumée,</div>
-<div class="verse">On ne la pose pas sous l’ombre du boisseau,</div>
-<div class="verse i2">Mais sur la tige du flambeau,</div>
-<div class="verse">Et la maison sourit à la lumière aimée.</div>
-
-<div class="verse stanza">Comme sur la montagne on élève une tour,</div>
-<div class="verse">Dressez l’espoir ; plantez votre pitié féconde.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Soyez la lumière du monde :</div>
-<div class="verse">Les hommes vous verront et béniront l’amour.</div>
-
-<div class="verse stanza">Si vous n’entrez pas mieux dans la lumière vraie</div>
-<div class="verse">Que les Scribes bavards et les Pharisiens,</div>
-<div class="verse">Vous n’êtes bons qu’à mettre au feu, comme une ivraie.</div>
-
-<div class="verse stanza">Vous savez quelle loi fut donnée aux anciens :</div>
-<div class="verse">« Il ne faut pas tuer, » dit la Loi redoutable.</div>
-<div class="verse">Or, est-on juste et bon, pour n’être pas coupable ?</div>
-<div class="verse">Et je dis, moi, qu’il faut aimer ; soyez très doux,</div>
-<div class="verse i2">Soyez indulgents ; aimez-vous.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ne t’irrite jamais sans raison contre un frère.</div>
-<div class="verse">Si ton frère a gardé contre toi sa colère</div>
-<div class="verse">Et si tu t’en souviens en montant à l’autel</div>
-<div class="verse">Ayant l’offrande en main, laisse là ton offrande,</div>
-<div class="verse">Cours chez ton frère, et qu’il t’embrasse, à ta demande.</div>
-<div class="verse">La paix des cœurs, voilà la vraie offrande au ciel</div>
-<div class="verse i2">La plus pure, la seule grande.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Point d’adultère, a dit la Loi.</div>
-<div class="verse i2">Et voici ce que je dis, moi :</div>
-<div class="verse">« Quant tes yeux seulement désirent une femme,</div>
-<div class="verse">L’adultère est commis ; ta faute est dans ton âme. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Si tes yeux ou ta main compromettent ton corps,</div>
-<div class="verse">Sauve-le, coupe-les : jette ces membres morts !</div>
-
-<div class="verse stanza">Vous dites que la Loi vous permet le divorce ?</div>
-<div class="verse i2">C’est vrai, mais qu’est-ce qui vous force</div>
-<div class="verse i2">A l’accepter dans sa rigueur ?</div>
-<div class="verse i2">La dureté de votre cœur.</div>
-
-<div class="verse stanza">Soyez humble devant ce qui domine l’homme.</div>
-<div class="verse">Point de pompeux serment, de sacrilège vœu.</div>
-<div class="verse">L’homme le plus puissant est peu de chose, en somme…</div>
-<div class="verse">Qui donc à le pouvoir de créer un cheveu ?</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">On vous apprit une Loi dure</div>
-<div class="verse i2">Qui dit : « Dent pour dent, œil pour œil. »</div>
-<div class="verse i2">Moi, je dis : Subissez l’injure ;</div>
-<div class="verse">Votre bonté vaut mieux que l’instinct de nature ;</div>
-<div class="verse">Un humble amour vaincra les haines et l’orgueil.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Aimez celui qui vous déteste.</div>
-<div class="verse i2">Soyez grands, purs et généreux,</div>
-<div class="verse i2">Comme la lumière céleste</div>
-<div class="verse">Qui connaît les méchants et qui brille sur eux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Amis, si vous n’aimez que l’homme qui vous aime,</div>
-<div class="verse">Quel mérite avez-vous ? L’impie en fait autant.</div>
-<div class="verse i2">Soyez bons comme Dieu lui-même</div>
-<div class="verse">Qui promet son royaume au pécheur repentant.</div>
-
-<div class="verse stanza">Donnez, pour que le bien que vous faites console</div>
-<div class="verse i2">Ceux à qui vous faites ce bien,</div>
-<div class="verse">Mais quand votre main droite a donné son obole,</div>
-<div class="verse i2">Que la gauche n’en sache rien ;</div>
-<div class="verse i2">Oui, donnez comme on se dévoue ;</div>
-<div class="verse">Parce que vous aimez, non point pour qu’on vous loue.</div>
-
-<div class="verse stanza">En priant Dieu, priez avec simplicité.</div>
-<div class="verse i2">Souhaitez que son règne vienne,</div>
-<div class="verse i2">Et bénissez sa volonté.</div>
-<div class="verse">Demandez-lui le pain, la force quotidienne.</div>
-<div class="verse">Demandez-lui que vos péchés soient effacés</div>
-<div class="verse">Si vous pardonnez ceux qui vous ont offensés.</div>
-<div class="verse">Dites-lui : « Rends-nous forts contre ce qui nous tente,</div>
-<div class="verse i2">Délivre-nous du mal subtil,</div>
-<div class="verse">Par ton Règne et ta Force et ta Gloire éclatante.</div>
-<div class="verse i4">Ainsi soit-il. »</div>
-
-<div class="verse stanza">N’amassez pas sur terre, où tout n’est qu’un vain songe,</div>
-<div class="verse">Des trésors que le ver ou que la rouille ronge,</div>
-<div class="verse i2">Que déroberont les voleurs :</div>
-<div class="verse">C’est dans nos cœurs que sont nos trésors les meilleurs.</div>
-
-<div class="verse stanza">L’œil des aveugles fait en eux leur nuit profonde :</div>
-<div class="verse">Si l’œil est ténébreux, tout sera ténébreux :</div>
-<div class="verse i3">Le soleil généreux</div>
-<div class="verse i3">N’a jamais vu le monde</div>
-<div class="verse">Que plein d’éclat, d’amour, et de chaleur féconde.</div>
-
-<div class="verse stanza">Qui sert Dieu ne peut pas servir aussi Mammon.</div>
-<div class="verse">De tous les soins qu’on prend, plus d’un est inutile.</div>
-<div class="verse">Voyez les lys. Lequel d’entre eux travaille et file ?</div>
-<div class="verse">Pourtant ils sont vêtus mieux qu’un roi Salomon.</div>
-<div class="verse">Juste est Dieu. Tous les nids d’oiseaux chantent son nom.</div>
-
-<div class="verse stanza">Qui d’entre vous se peut grandir d’une coudée ?</div>
-<div class="verse">Ayez Dieu pour seul rêve et pour unique idée.</div>
-<div class="verse">Il protège et bénit le cœur simple qui croit.</div>
-<div class="verse i2">Laissez l’inquiétude vaine,</div>
-<div class="verse">Cherchez l’amour ; le reste arrive par surcroît ;</div>
-<div class="verse i2">A chaque jour suffit sa peine.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ne jugez point, afin qu’on ne vous juge pas.</div>
-<div class="verse">Dieu seul peut pénétrer les causes d’une faute,</div>
-<div class="verse i2">Et la justice d’ici-bas</div>
-<div class="verse">Pour bien voir tout ne peut jamais être assez haute ;</div>
-<div class="verse">Ne jugez point afin qu’on ne vous juge pas.</div>
-
-<div class="verse stanza">Vous voyez une paille, un rien, dans l’œil d’un autre,</div>
-<div class="verse">Mais vous ne sentez pas la poutre dans le vôtre.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Demande et l’on te donnera ;</div>
-<div class="verse">Cherche, tu trouveras ; frappe et l’on t’ouvrira.</div>
-
-<div class="verse stanza">Pères, si votre fils — si votre enfant, ô femmes. —</div>
-<div class="verse i2">Vous prie, et demande du pain,</div>
-<div class="verse">Mettrez-vous en réponse un serpent dans sa main ?</div>
-<div class="verse i1">… Dieu seul serait-il un père inhumain ?</div>
-<div class="verse i1">Il ne peut tromper l’attente des âmes.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Fais pour les autres, c’est la Loi,</div>
-<div class="verse">Tout ce que tu voudrais qu’un autre fît pour toi.</div>
-
-<div class="verse stanza">Choisis toujours la porte étroite : c’est la bonne :</div>
-<div class="verse">Car une porte large, un chemin spacieux,</div>
-<div class="verse i2">N’ont jamais conduit personne</div>
-<div class="verse i2">Dans le royaume des cieux.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Gardez-vous bien des faux prophètes :</div>
-<div class="verse">De la peau des brebis leurs tuniques sont faites :</div>
-<div class="verse i1">Des loups ravisseurs se cachent dedans.</div>
-<div class="verse i1">Mais voyez leur griffe et voyez leurs dents</div>
-<div class="verse">Interrogez leur vie et pesez la réponse…</div>
-<div class="verse">S’ils font souffrir les cœurs, ceci vous les dénonce.</div>
-<div class="verse">La figue ou le raisin viennent-ils du chardon ?</div>
-<div class="verse">On reconnaît un arbre au fruit mauvais ou bon.</div>
-
-<div class="verse stanza">Celui donc qui fera ce que je viens de dire,</div>
-<div class="verse">Homme prudent, bâtit sa maison sur le roc.</div>
-<div class="verse">En vain les eaux, le vent, tout voudra la détruire,</div>
-<div class="verse">Tout la pousse et la heurte : elle résiste au choc,</div>
-<div class="verse">Parce qu’elle est construite en pierres, sur le roc.</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais celui qui construit sa maison sur le sable,</div>
-<div class="verse">Faute d’avoir suivi le bon conseil donné,</div>
-<div class="verse">Est un fou qui veut faire une œuvre périssable…</div>
-<div class="verse">Sa maison croulera sous le vent déchaîné,</div>
-<div class="verse">Parce qu’il a bâti follement sur le sable. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Or, ceci n’était pas un discours répété,</div>
-<div class="verse">Comme d’un faux savant qui s’attache à la lettre.</div>
-<div class="verse">Jésus parlait au peuple avec autorité.</div>
-<div class="verse">Et c’est ici l’esprit, l’âme et le cœur du Maître.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c14">XIV<br />
-LA PAIX EN RETOUR</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Vous direz, dès le seuil des maisons, vous, les miens :</div>
-<div class="verse">« Bénis soient la maison, le jardin et la vigne ! »</div>
-<div class="verse">Et la paix descendra, si le maître en est digne,</div>
-<div class="verse">Sur le maître, sur sa maison, sur tous ses biens.</div>
-<div class="verse">Mais s’il n’en est pas digne, alors, par un mystère,</div>
-<div class="verse">Votre paix reviendra sur vous. Paix sur la terre.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c15">XV<br />
-LE LUMIGNON</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Or comme on lui disait : « Repousse celui-ci !</div>
-<div class="verse">Sa langue qui t’implore est menteuse et funeste. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Dans un vase fêlé qui retient l’eau, l’eau reste,</div>
-<div class="verse">Dit-il. La mèche éclaire avec un bout noirci…</div>
-<div class="verse">Le plus méchant, dès qu’il m’appelle, je l’assiste ;</div>
-<div class="verse">L’humble vase brisé me sert, tant qu’il résiste ;</div>
-<div class="verse">Je n’éteins pas, sur le flambeau de cuivre ou d’or,</div>
-<div class="verse">Le lumignon mourant mais chaud, qui fume encor ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c16">XVI<br />
-BONS GRAINS</h3>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i1">L’homme ne vit pas de pain seulement :</div>
-<div class="verse i1">Il lui faut un pain pétri de pensées ;</div>
-<div class="verse i1">Nourris donc les cœurs de choses sensées ;</div>
-<div class="verse i1">N’empoisonne pas le divin froment.</div>
-</div>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et les Pharisiens, qui sont les hypocrites,</div>
-<div class="verse">Lui répétaient : « Pourquoi fréquentes-tu ces gens,</div>
-<div class="verse">Qui sont des péagers, des gueux, des indigents ?…</div>
-<div class="verse">Nous les fuyons, tandis que toi tu les visites ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Depuis quand, répondit Jésus, le médecin</div>
-<div class="verse">Ne va-t-il visiter que des gens au corps sain ? »</div>
-</div>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Voici l’amour : mangez ; buvez ; je vous convie ;</div>
-<div class="verse">Venez à moi, vous tous qui portez dans vos cœurs</div>
-<div class="verse">La charge des soucis, le souci de la vie.</div>
-<div class="verse">Je porterai vos maux ; je prendrai vos langueurs.</div>
-</div>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i2">Aveuglés par Satan moqueur,</div>
-<div class="verse i2">Ils sont sans yeux pour les merveilles,</div>
-<div class="verse i2">Et, plus sourds que les durs d’oreilles,</div>
-<div class="verse i2">Ils ne comprennent pas du cœur !</div>
-</div>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">S’il perd une brebis, — dans l’effroi qu’il éprouve,</div>
-<div class="verse">Laissant là son troupeau tout entier, le berger</div>
-<div class="verse">La cherche à travers monts, et, joyeux s’il la trouve,</div>
-<div class="verse">Il l’emporte en ses bras pour la mieux protéger.</div>
-</div>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tu suspectes ma foi, tu blâmes mon pardon…</div>
-<div class="verse">Ton œil est-il malin de ce que je suis bon ?</div>
-</div>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">J’avais faim ; vous m’avez donné de quoi manger.</div>
-<div class="verse">J’avais soif ; vous avez désaltéré ma lèvre.</div>
-<div class="verse">Vous m’avez accueilli, moi pourtant étranger,</div>
-<div class="verse">Vous m’avez visité lorsque j’avais la fièvre…</div>
-<div class="verse">Oui, quand j’étais malade, en prison, sans espoir,</div>
-<div class="verse">Hommes justes, bons cœurs, vous m’êtes venus voir.</div>
-</div>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tout jeune tu ceignais ta ceinture toi-même,</div>
-<div class="verse">Tu choisissais ton heure et ton lieu, tes chemins ;</div>
-<div class="verse">Mais quand tu seras vieux, faible, tendant les mains,</div>
-<div class="verse">Pour qu’on te mène où tu voudras, il faut qu’on t’aime.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c17">XVII<br />
-LA FILLE DE JAÏRE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i2">Une ombre avait voilé sa porte ;</div>
-<div class="verse i2">Les flûtes pleuraient sur le seuil ;</div>
-<div class="verse i2">Tout semblait mener le grand deuil</div>
-<div class="verse i2">De l’espérance humaine, morte.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Le Dieu de Moïse était dur,</div>
-<div class="verse i2">Stricte la Loi, la règle étroite.</div>
-<div class="verse i2">Jésus, la paix dans sa main droite,</div>
-<div class="verse i2">Vint, le ciel dans ses yeux d’azur.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Pan régnait sur toute la terre,</div>
-<div class="verse i2">Avec Rome partout vainqueur :</div>
-<div class="verse i2">Pas un dieu n’avait un bon cœur…</div>
-<div class="verse i2">Alors vint l’Homme du mystère.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Et Jaïre dit, à genoux :</div>
-<div class="verse i2">— « Seigneur, notre espérance est morte.</div>
-<div class="verse i2">Les joueurs de flûte, à ma porte,</div>
-<div class="verse i2">Sonnent des airs de deuil pour nous.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« Seigneur, ressuscite ma fille ! »</div>
-<div class="verse i2">Jésus, la prenant par la main,</div>
-<div class="verse i2">Dit au père : « Le genre humain</div>
-<div class="verse i2">Qui pleure en toi, c’est ma famille.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« Pourquoi sitôt croire à la mort ?</div>
-<div class="verse i2">Vous faisiez tous un mauvais rêve…</div>
-<div class="verse i2">Je veux que ta fille se lève !…</div>
-<div class="verse i2">Elle n’est pas morte. Elle dort. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c18">XVIII<br />
-LE BON SAMARITAIN</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tu demandes quel est ton prochain ? Or, écoute :</div>
-<div class="verse">Un homme à Jéricho s’en allait à pied, seul ;</div>
-<div class="verse">Des voleurs embusqués l’assaillirent en route</div>
-<div class="verse">Et le laissèrent là, tel qu’un mort sans linceul.</div>
-
-<div class="verse stanza">Un sacrificateur, passant près du pauvre homme,</div>
-<div class="verse">Le vit et, l’ayant vu, poursuivit son chemin.</div>
-<div class="verse">Un lévite, après lui, passa : ce fut tout comme ;</div>
-<div class="verse">Un troisième passant eut un cœur plus humain.</div>
-
-<div class="verse stanza">C’est un Samaritain qui, du haut de sa bête,</div>
-<div class="verse">Dit : « Pauvre homme ! » Il était monté sur un cheval.</div>
-<div class="verse">Il descendit vers l’homme et, soulevant sa tête,</div>
-<div class="verse">Il le plaignait, disant : — « Où donc, frère, as-tu mal ? »</div>
-
-<div class="verse stanza">Il oignit d’un vin pur toute sa chair meurtrie,</div>
-<div class="verse">Il le prit à cheval encore inanimé,</div>
-<div class="verse">Puis il paya son gîte en quelque hôtellerie…</div>
-<div class="verse">Le bon Samaritain sera toujours aimé.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c19">XIX<br />
-LE PAIN MULTIPLIÉ</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ne dis pas : Si je suis tout seul dans ce grand nombre,</div>
-<div class="verse">Quel bien fera mon humble effort, mon pauvre amour ?</div>
-<div class="verse">Car si chaque flambeau s’allume seul dans l’ombre,</div>
-<div class="verse">Tous se trouvant brûler ensemble, il fera jour.</div>
-
-<div class="verse stanza">Si chaque homme s’attache à consoler un homme,</div>
-<div class="verse">Tous donneront et tous recevront la pitié.</div>
-<div class="verse">Écris ton chiffre unique, — et Dieu fera la somme :</div>
-<div class="verse">C’est ainsi que mon pain sera multiplié.</div>
-
-<div class="verse stanza">Chaque jour est un jour utile, et le temps coule.</div>
-<div class="verse">Laisse ton siècle rire, incrédule et moqueur :</div>
-<div class="verse">Un mot, un seul, suffit à guider une foule ;</div>
-<div class="verse">Tous les cœurs grandiront nourris par mon seul cœur.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c20">XX<br />
-LES FOURMIS</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Aidez-vous, et tout mal deviendra guérissable.</div>
-<div class="verse">Un champ fut recouvert de sable par la mer ;</div>
-<div class="verse">Dieu dit à la fourmi d’enlever tout ce sable</div>
-<div class="verse">Dans le temps que mesure une lueur d’éclair.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et beaucoup de fourmis, en nombre insaisissable,</div>
-<div class="verse">Ayant sur l’heure même envahi ce terrain,</div>
-<div class="verse">Cent mille ont enlevé cent mille grains de sable</div>
-<div class="verse">Dans le temps qu’une seule employa pour un grain.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c21">XXI<br />
-TROP PEU D’OUVRIERS</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tous les souffrants, de tous les côtés rassemblés,</div>
-<div class="verse">Plaintifs et plus nombreux que des épis de blé,</div>
-<div class="verse">L’imploraient en disant : « Parle-nous ta parole ! »</div>
-<div class="verse">Pour chacun, il trouvait le doux mot qui console,</div>
-<div class="verse">Mais ils venaient en foule, et ne suffisant pas</div>
-<div class="verse">A consoler tous ceux qui marchaient dans ses pas,</div>
-<div class="verse">Lui, s’arrêtait, pleurant sur la misère humaine.</div>
-<div class="verse">Et tous ces malheureux se couchaient dans la plaine</div>
-<div class="verse">Languissants et pareils aux troupeaux sans pasteur.</div>
-<div class="verse">Alors il s’écria, debout sur la hauteur :</div>
-<div class="verse">« Arrête-toi, Seigneur, qui jettes la semence !</div>
-<div class="verse">J’ai trop peu d’ouvriers pour ma moisson immense. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c22">XXII<br />
-LES COLOMBES</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et Jésus, qui blâmait la Loi, fit un exemple,</div>
-<div class="verse">Devant les faux docteurs surpris et consternés…</div>
-<div class="verse">Il vit un nouveau-né qu’on apportait au temple :</div>
-<div class="verse">On consacrait à Dieu les mâles nouveau-nés ;</div>
-
-<div class="verse stanza">Et l’on sacrifiait alors deux tourterelles</div>
-<div class="verse">Dont le sang pur coulait sur l’autel tristement.</div>
-<div class="verse">Et Jésus les saisit et délia leurs ailes</div>
-<div class="verse">En s’écriant ! « Le Dieu que j’annonce est aimant !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Croyez-vous qu’il se plaise aux douleurs des victimes ?</div>
-<div class="verse">O race de serpents ! descendants de Caïn !</div>
-<div class="verse">Je vous dis que le ciel est lassé de vos crimes</div>
-<div class="verse">Et qu’il vient délivrer l’innocent par ma main !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Jérusalem ! ô ville horrible, qui lapides</div>
-<div class="verse">Tes prophètes, et qui tortures l’innocent !</div>
-<div class="verse">Je viens sauver les doux, défendre les timides…</div>
-<div class="verse">Dieu ne veut pas de haine et ne veut plus de sang.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Or, vous ne m’aurez pas toujours… Venez en foule,</div>
-<div class="verse">Je veux fonder l’amour ; entrez dans mes desseins</div>
-<div class="verse">Je veux vous rassembler en moi, comme la poule,</div>
-<div class="verse">Chaque soir, sous son aile, assemble ses poussins ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Il parlait, incompris par le prêtre farouche</div>
-<div class="verse">Qui savait égorger les ramiers sans remord,</div>
-<div class="verse">Et qui, la rage au cœur, l’injure sur la bouche,</div>
-<div class="verse">S’écartait de sa route en méditant sa mort.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c23">XXIII<br />
-LA BARQUE ENGRAVÉE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Or, il vit des pêcheurs qui, les pieds dans le sable,</div>
-<div class="verse">S’efforçaient d’entraîner leur barque dans la mer,</div>
-<div class="verse">La poussant par l’arrière ou tirant sur le câble,</div>
-<div class="verse">Tandis qu’elle semblait scellée avec du fer.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Nous aurons vent contraire ! » Et, parmi leurs blasphèmes,</div>
-<div class="verse">Lui s’avança paisible et, saisissant l’avant,</div>
-<div class="verse">Comme un bœuf à l’araire il tira plus qu’eux-mêmes,</div>
-<div class="verse">Et la barque partit, le flot la soulevant.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et comme ils connaissaient sa parole divine,</div>
-<div class="verse">Ils furent tous émus de sa simplicité,</div>
-<div class="verse">Et sentirent l’amour entrer dans leur poitrine,</div>
-<div class="verse">Avec le vent joyeux qui vint du bon côté.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c24">XXIV<br />
-LA PROUE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tout un peuple, nombreux comme les grains de sable,</div>
-<div class="verse">Sur le rivage blanc, par un matin très clair,</div>
-<div class="verse">Dans l’espoir d’écouter son verbe impérissable,</div>
-<div class="verse">Le pressait, le portait, houleux comme la mer.</div>
-
-<div class="verse stanza">Une barque était là, tirée à terre, vide.</div>
-<div class="verse">Il y monta, tourné vers les grands flots humains</div>
-<div class="verse">Et, debout sur la proue, à cette foule avide</div>
-<div class="verse">Il parlait sa parole en élevant les mains.</div>
-
-<div class="verse stanza">Derrière lui l’aurore éclatait, — et les âmes</div>
-<div class="verse">Croyaient voir s’avancer, du fond du gouffre bleu,</div>
-<div class="verse">Un bateau de secours auréolé de flammes,</div>
-<div class="verse">Et la proue était blanche et représentait Dieu.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c25">XXV<br />
-IL COMMANDE AUX TEMPÊTES</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Or, vous vous tourmentez pour bien des choses vaines ;</div>
-<div class="verse">La vie est plus heureuse à qui désire moins ;</div>
-<div class="verse">Le monde est une mer troublée, amours et haines,</div>
-<div class="verse">Et je porte avec moi la paix. Soyez témoins.</div>
-
-<div class="verse stanza">Vos folles passions, c’est la mer soulevée,</div>
-<div class="verse">Et vous luttez contre elle avec beaucoup de mal ;</div>
-<div class="verse">Mais la barque, où je suis près de vous, est sauvée,</div>
-<div class="verse">Car les flots tourmentés tombent à mon signal.</div>
-
-<div class="verse stanza">Je sais, pour apaiser les flots, des mots suprêmes :</div>
-<div class="verse">Ayez l’âme des lys ou l’âme des oiseaux ;</div>
-<div class="verse">Donnez-moi votre main, ayez foi dans vous-mêmes,</div>
-<div class="verse">Et vous saurez marcher comme moi sur les eaux.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c26">XXVI<br />
-L’INFINI MIRACLE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i2">Ses sœurs le cherchaient, et Marie,</div>
-<div class="verse i2">Toujours craintive d’un danger,</div>
-<div class="verse i2">Toujours prête à la gronderie,</div>
-<div class="verse i2">Disait : « A-t-il de quoi manger ? »</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Le peuple autour de lui fourmille,</div>
-<div class="verse i2">Implorant les mots guérisseurs.</div>
-<div class="verse i2">On lui dit : « Voici ta famille :</div>
-<div class="verse i2">Ta mère approche avec tes sœurs. »</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">— « Mes frères, mes sœurs et ma mère,</div>
-<div class="verse i2">Dit-il au peuple, c’est vous tous ;</div>
-<div class="verse i2">La vie est une plante amère,</div>
-<div class="verse i2">Mais le miel de ma ruche est doux.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« Je suis la tendresse promise ;</div>
-<div class="verse i2">Sur vos maux je viens me pencher ;</div>
-<div class="verse i2">Et je suis plus grand que Moïse</div>
-<div class="verse i2">Qui fit jaillir l’eau du rocher :</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« C’est la dureté des cœurs même</div>
-<div class="verse i2">Que je frappe, et l’amour en sort :</div>
-<div class="verse i2">Le ciel est en nous lorsqu’on aime…</div>
-<div class="verse i2">L’amour est plus fort que la mort.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« Possédés d’orgueil et de haine,</div>
-<div class="verse i2">Je chasse de vous ces démons.</div>
-<div class="verse i2">J’apporte la tendresse humaine :</div>
-<div class="verse i2">Nous avons Dieu quand nous aimons.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« Buvez à ma source d’eau vive,</div>
-<div class="verse i2">Car je sauve celui qui croit.</div>
-<div class="verse i2">Votre esprit boite ? qu’il me suive :</div>
-<div class="verse i2">Il saura marcher vite et droit.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« Votre cœur est sourd ? qu’il m’entende</div>
-<div class="verse i2">Muet ? qu’il parle. Renaissez !</div>
-<div class="verse i2">Frappez : ma porte s’ouvre grande.</div>
-<div class="verse i2">Reposez sur moi, cœurs lassés</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« Levez-vous, ô paralytiques,</div>
-<div class="verse i2">Marchez, emportez votre lit ! »</div>
-<div class="verse i2">Et dans la joie et les cantiques</div>
-<div class="verse i2">Le monde infirme tressaillit !</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">— « Un aveuglement les égare ;</div>
-<div class="verse i2">Ils t’ont mis sous terre vivant…</div>
-<div class="verse i2">Lazare, Lazare, Lazare,</div>
-<div class="verse i2">Lève-toi ! Marche mieux qu’avant ! »</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Et l’esprit humain se redresse</div>
-<div class="verse i2">Et quitte, plus fort et plus beau,</div>
-<div class="verse i2">Au grand appel de la tendresse,</div>
-<div class="verse i2">Les bandelettes du tombeau.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">O temps d’allégresse première</div>
-<div class="verse i2">Où l’aveugle des grands chemins</div>
-<div class="verse i2">Se voyait rempli de lumière</div>
-<div class="verse i2">Quand Jésus élevait les mains !</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c27">XXVII<br />
-LES PETITS ENFANTS</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">« Je suis la paix, l’amour, et mon règne commence, »</div>
-<div class="verse">Disait-il, et tous les souffrants suivaient ses pas…</div>
-<div class="verse">Comme il était pressé par une foule immense,</div>
-<div class="verse">Les enfants, qui voulaient le voir, ne pouvaient pas.</div>
-
-<div class="verse stanza">Les disciples disaient « Laissez passer le Maître ! »</div>
-<div class="verse">Et plusieurs éloignaient les gens avec leur main,</div>
-<div class="verse">Et les petits enfants qui voulaient le connaître</div>
-<div class="verse">Se trouvaient écartés aussi de son chemin.</div>
-
-<div class="verse stanza">Les mères tout à coup sentaient leur main lâchée</div>
-<div class="verse">Par le petit garçon et sa petite sœur,</div>
-<div class="verse">Et les enfants, grimpant sur l’arbre de Zachée,</div>
-<div class="verse">Regardaient de là-haut l’Homme de la douceur.</div>
-
-<div class="verse stanza">Quelques-uns à cheval sur le cou d’un bon père,</div>
-<div class="verse">Et d’autres sur le bras de leur mère et pleurant,</div>
-<div class="verse">Tous voulaient voir Celui qui disait : « Peuple, espère ! »</div>
-<div class="verse">… Ils le sentaient si près de leur cœur, quoique grand !</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Jésus, très fâché de voir qu’on les repousse :</div>
-<div class="verse">« Laissez venir à moi tous ces petits enfants…</div>
-<div class="verse">Ceux-là seuls qui, comme eux, ont l’âme pure et douce,</div>
-<div class="verse">Au royaume du Père entreront triomphants.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Et malheur à qui met un trouble dans leurs âmes !</div>
-<div class="verse">S’il n’est pas criminel ou stupide, il est fou !</div>
-<div class="verse">Il vaudrait mieux pour lui que, maudit par les femmes,</div>
-<div class="verse">On le jette à la mer avec la pierre au cou !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Car ces petits cœurs-là, c’est la source profonde</div>
-<div class="verse">Qui sera fleuve, et court vers des lieux ignorés.</div>
-<div class="verse">N’oubliez pas qu’ils sont l’espérance du monde,</div>
-<div class="verse">Et l’avenir sera ce que vous les ferez. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Il écarta la foule, et, foule plus petite,</div>
-<div class="verse">Des centaines d’enfants accouraient, tout joyeux.</div>
-<div class="verse">Recevant dans leur cœur, où l’avenir palpite,</div>
-<div class="verse">La bénédiction qui tombait de ses yeux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Sa main, sa belle main légère, les caresse,</div>
-<div class="verse">Passant avec douceur sur leurs longs cheveux bruns ;</div>
-<div class="verse">Il donne à tous sa paix, et la même tendresse…</div>
-<div class="verse">Et pourtant son regard s’arrête à quelques-uns.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il voudrait à chacun parler selon leurs âmes :</div>
-<div class="verse">Il les baptise en lui de paix, d’espoir, de feu,</div>
-<div class="verse">Surtout les plus petits, nichés au sein des femmes,</div>
-<div class="verse">Oiseaux à peine éclos des mystères de Dieu.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il les attire tous dans sa tiède pensée,</div>
-<div class="verse">Comme la poule prend sous l’aile ses poussins,</div>
-<div class="verse">Et les garde, nichée incertaine et pressée,</div>
-<div class="verse">Un instant au berceau de ses profonds desseins.</div>
-
-<div class="verse stanza">Tous passent un instant dans cette âme féconde</div>
-<div class="verse">Et tous l’aiment, sentant que tous ils lui sont chers,</div>
-<div class="verse">Et le Dieu porte ainsi tout l’avenir du monde</div>
-<div class="verse">Dans son cœur maternel qui refait l’univers.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c28">XXVIII<br />
-LES COMMÉRAGES</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il revint au pays, et, devant ses discours,</div>
-<div class="verse">Les gens de Nazareth même et des alentours,</div>
-<div class="verse">Étonnés, se disaient : — « Il parle comme un ange,</div>
-<div class="verse">Et cependant il est d’ici ! c’est bien étrange !</div>
-<div class="verse">Son père n’est-il pas Joseph le charpentier</div>
-<div class="verse">Dont, tout jeune, il apprit assez mal le métier ?</div>
-<div class="verse">… Bon Joseph, faible en tout, même en charpenterie !</div>
-<div class="verse">Et sa mère…</div>
-<div class="verse i7">— Allons donc ?</div>
-<div class="verse i14">— Mon Dieu, oui, c’est Marie !</div>
-<div class="verse">— Quoi ! celle que Joseph refusa tout d’abord ?</div>
-<div class="verse">— Oui.</div>
-<div class="verse i3">— Ah ! je me souviens ! Certe ! il n’avait pas tort.</div>
-<div class="verse">— Jacques, Joseph, Simon et Jude…</div>
-<div class="verse i18">— Oui, des drôles !…</div>
-<div class="verse">— … Sont ses frères…</div>
-<div class="verse i12">— Tu dis ?</div>
-<div class="verse i17">— Je hausse les épaules !</div>
-<div class="verse">Ces gaillards font les fiers ! Leur Jésus n’est qu’un fou…</div>
-<div class="verse">— Ses sœurs ont un orgueil !…</div>
-<div class="verse i17">— Et ça n’a pas le sou…</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Celui qui marchait vers la croix triomphale</div>
-<div class="verse">Était dans son village un sujet de scandale.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c29">XXIX<br />
-LA FEMME</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Cherchez l’éternel, même en l’amour éphémère ;</div>
-<div class="verse">Prenez garde à la femme, aux chaînes de ses mains</div>
-<div class="verse">Ses lourds cheveux sont des liens ; elle est amère</div>
-<div class="verse">Comme la mort. Veillez, ô faibles cœurs humains.</div>
-
-<div class="verse stanza">Certains hommes sont nés sans la puissance d’homme ;</div>
-<div class="verse">D’autres sont mutilés en arrivant au jour ;</div>
-<div class="verse">D’autres, cherchant la loi de Celui que tout nomme,</div>
-<div class="verse">Oublîront les amours pour mieux trouver l’amour.</div>
-
-<div class="verse stanza">Amis, la chair est faible ; elle est aisément lâche</div>
-<div class="verse">Quand la femme l’appelle et lui dit : « Reste là ! »</div>
-<div class="verse">Samson était marqué pour une grande tâche :</div>
-<div class="verse">Prenez garde aux ciseaux des sœurs de Dalila !</div>
-
-<div class="verse stanza">Vous abandonnerez cependant mère et père,</div>
-<div class="verse">O chastes épousés, pour ne faire qu’un seul,</div>
-<div class="verse">Puis de vous sortira l’avenir qu’on espère,</div>
-<div class="verse">Puis Dieu vous roulera dans le même linceul.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c30">XXX<br />
-LA SAMARITAINE</h3>
-
-<p class="c small">LA SAMARITAINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Étranger, que fais-tu près de cette fontaine,</div>
-<div class="verse">Assis et tout poudreux sur le bord du chemin ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Fais-moi boire.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA SAMARITAINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i8">Seigneur, je suis Samaritaine…</div>
-<div class="verse">Et tu veux de cette eau que va puiser ma main !</div>
-<div class="verse">Les Juifs n’ont pas commerce avec ceux de ma race.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Si tu savais quel don j’apporte, qui je suis,</div>
-<div class="verse">Qui te parle, c’est toi peut-être qui, par grâce,</div>
-<div class="verse">Demanderais un peu d’eau vive de mon puits.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA SAMARITAINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Comment puiserais-tu ? la fontaine est profonde ;</div>
-<div class="verse">Tu n’as rien pour puiser ; tu te tiens en repos…</div>
-<div class="verse">Es-tu plus que Jacob ?… Il a bu de cette onde</div>
-<div class="verse">Où ses enfants et lui conduisaient leurs troupeaux.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">On aura soif encor, douce Samaritaine,</div>
-<div class="verse">Quand on boit de cette eau, calme comme le ciel :</div>
-<div class="verse">Mais celui qui, lassé, s’abreuve à ma fontaine,</div>
-<div class="verse">Il garde en lui la source et le calme éternel.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c31">XXXI<br />
-MARIE-MAGDELEINE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Quand Magdeleine apprit qu’un jeune homme à l’œil clair,</div>
-<div class="verse">Simple et beau, soumettait le peuple à sa parole,</div>
-<div class="verse">Ayant rêvé longtemps de lui, la vierge folle</div>
-<div class="verse">Désira le soumettre à ses charmes d’enfer.</div>
-
-<div class="verse stanza">L’orgueil seul, son orgueil naïf de fille d’Ève,</div>
-<div class="verse">L’inspirait, — et, voulant se mesurer au Dieu,</div>
-<div class="verse">Elle partit, le cœur brûlant, la joue en feu,</div>
-<div class="verse">Elle vint à celui qu’elle admirait en rêve.</div>
-
-<div class="verse stanza">Elle comptait bien faire, avec des cheveux blonds,</div>
-<div class="verse">Un câble pour lier ses pieds, ses mains, son âme…</div>
-<div class="verse">Le vainqueur de Satan vaincra-t-il une femme ?</div>
-<div class="verse">Et, tremblante d’orgueil, elle murmure : Allons !</div>
-
-<div class="verse stanza">Elle vint. — « O Seigneur, lui dit-elle inclinée,</div>
-<div class="verse">Laisse mes doux parfums couler sur tes pieds nus ! »</div>
-<div class="verse">Et, menteuse, elle prit des regards ingénus,</div>
-<div class="verse">Mais son âme au dedans ne s’était pas donnée.</div>
-
-<div class="verse stanza">Le Dieu, calme, sourit au mensonge banal,</div>
-<div class="verse">Et, triste, il la laissa, recevant comme on donne,</div>
-<div class="verse">Verser l’ambre et le nard sur la chair qui frissonne,</div>
-<div class="verse">Mais l’esprit disait : « Dieu, préservez-nous du mal !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Qu’elle s’élève à moi par la tendresse entière,</div>
-<div class="verse">Celle qui vient à moi pour l’amour sensuel ;</div>
-<div class="verse">Tous les chemins d’en bas conduiront à mon ciel,</div>
-<div class="verse">Puisque l’âme est par vous liée à la matière. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et, dominant sa peine et les frissons nerveux</div>
-<div class="verse">Qui couraient sur ses pieds avec la chaude haleine,</div>
-<div class="verse">Jésus soufflait son rêve au cœur de Magdeleine</div>
-<div class="verse">Qui, lente, dénouait pour lui ses grands cheveux.</div>
-
-<div class="verse stanza">En vain elle écrasa sur les pieds nus sa bouche,</div>
-<div class="verse">Les baisant, les mordant des talons à l’orteil,</div>
-<div class="verse">Lui, songeait, l’œil au ciel, tourné vers le soleil :</div>
-<div class="verse">« Sauvons ce cœur captif dans la chair qui me touche ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et les beaux pieds du Dieu, sous le baiser charnel,</div>
-<div class="verse">Rayonnaient vers le front de la femme abaissée,</div>
-<div class="verse">Qui dit enfin, debout et droite de pensée :</div>
-<div class="verse">« Pardon ! je t’aimerai, Seigneur, dans l’éternel ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c32">XXXII<br />
-MARTHE ET MARIE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Elles étaient deux sœurs, Marthe aux cheveux châtains,</div>
-<div class="verse">Et Marie aux yeux clairs, plus jeune, rose et blonde</div>
-<div class="verse">Et Celui qui devait léguer l’amour au monde</div>
-<div class="verse">Était le guide sûr de ces cœurs incertains.</div>
-
-<div class="verse stanza">Marthe, tout orgueilleuse, était la ménagère,</div>
-<div class="verse">Les soins et les soucis donnant l’autorité.</div>
-<div class="verse">L’autre, offrant un secours chaque fois écarté,</div>
-<div class="verse">Dans sa propre maison semblait une étrangère.</div>
-
-<div class="verse stanza">Or Marthe ayant reçu Jésus dans sa maison,</div>
-<div class="verse">Marie, aux pieds du Maître assise, écoute et songe,</div>
-<div class="verse">Et lui, par des discours qu’elle-même prolonge,</div>
-<div class="verse">Forme attentivement sa naïve raison.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Maître, dis-moi, crois-tu que mon âme est gâtée ?</div>
-<div class="verse">C’est ta brebis perdue ?… Oh ! si c’était cela,</div>
-<div class="verse">Je la ferais pour toi légère… porte-la ! »</div>
-<div class="verse">Et sans fin elle boit la parole écoutée.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il aime mieux Marie et le bleu de ses yeux,</div>
-<div class="verse">Ses cheveux blonds et lourds, tels que des moissons mûres,</div>
-<div class="verse">Sa lèvre où la parole a de si frais murmures</div>
-<div class="verse">Et son sourcil pareil au croissant d’or des cieux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Marthe, le ton grondeur, le visage un peu sombre,</div>
-<div class="verse">Jalouse quand sa sœur veut sa part de travail,</div>
-<div class="verse">Maîtresse en tout, s’acharne au plus petit détail,</div>
-<div class="verse">Comptant sans fin des plats dont elle sait le nombre.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Oh ! Maître, dit Marie, oh ! que tu parles bien</div>
-<div class="verse">Des lys vêtus de soie et des douces colombes !</div>
-<div class="verse">Dis-moi, tu seras là, quand s’ouvriront les tombes ?</div>
-<div class="verse">Alors, si je te vois, je ne craindrai plus rien ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Un jour, tournant les yeux vers sa blonde cadette,</div>
-<div class="verse">Irritée à la voir se plaire aux chers discours :</div>
-<div class="verse">— « Tu ne fais rien, quand moi je travaille toujours,</div>
-<div class="verse">Dit Marthe. Il serait temps de me payer ta dette. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Viens écouter comme elle et te repose un peu :</div>
-<div class="verse">Dit Jésus. — « Commandez, dit Marthe, qu’elle m’aide ! »</div>
-<div class="verse">Or l’irritation la fit paraître laide,</div>
-<div class="verse">Et par l’entêtement elle déplut au Dieu.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Marthe, Marthe, dit-il, laisse ta pauvre tâche.</div>
-<div class="verse">Ta sœur veut bien la faire et tu m’écouteras… »</div>
-<div class="verse">Mais Marthe répondit : « J’aime occuper mes bras.</div>
-<div class="verse">Ma maison est trop grande et mon cœur n’est point lâche. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Voyant son injustice, il répondit encor :</div>
-<div class="verse">— « La part que se choisit Marie est la meilleure. »</div>
-<div class="verse">Et tandis que, tout bas, la petite sœur pleure,</div>
-<div class="verse">Jésus, posant sa main sur les beaux cheveux d’or :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Cette meilleure part ne peut plus être ôtée</div>
-<div class="verse">A l’enfant qui me cherche et qui veut mes leçons… »</div>
-<div class="verse">Et, pensive, Marie, avec de doux frissons,</div>
-<div class="verse">Boit, les yeux sur Jésus, la parole écoutée.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c33">XXXIII<br />
-L’INSCRIPTION SUR LA TERRE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Lorsqu’on vint lui parler de la femme adultère,</div>
-<div class="verse">Avant d’éterniser, par un mot de son cœur,</div>
-<div class="verse">La suave indulgence et le pardon vainqueur,</div>
-<div class="verse">Il traça de son doigt des signes sur la terre.</div>
-
-<div class="verse stanza">Courbé vers le limon d’où l’homme fut tiré,</div>
-<div class="verse">Que traçait-il à terre avec son doigt sublime ?</div>
-<div class="verse">Hésitait-il encore à pardonner ce crime ?</div>
-<div class="verse">Cherchait-il à parfaire un mot, le mot sacré ?</div>
-
-<div class="verse stanza">La femme qu’on avait surprise à demi nue,</div>
-<div class="verse">Demeurait là, debout, triste et baissant les yeux,</div>
-<div class="verse">Muette, à regarder l’homme mystérieux</div>
-<div class="verse">Qui traçait sur le sol une chose inconnue.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Celui qui d’entre vous se trouve sans péché</div>
-<div class="verse">Lui jette la première pierre, » dit le Maître.</div>
-<div class="verse">Puis, se baissant encore, il refit, lettre à lettre,</div>
-<div class="verse">Ce qu’il traçait du doigt, à genoux et penché.</div>
-
-<div class="verse stanza">Pourquoi les laisse-t-il, sans parler davantage,</div>
-<div class="verse">Tous ces Pharisiens au sourire hideux ?</div>
-<div class="verse">Pourquoi la laisse-t-il souffrir au milieu d’eux,</div>
-<div class="verse">Pâle et debout, le sang de la honte au visage ?</div>
-
-<div class="verse stanza">Ils partirent, voyant qu’il écrivait toujours ;</div>
-<div class="verse">Elle resta, sans qu’il parût y prendre garde.</div>
-<div class="verse">Qu’attend-elle de lui, l’âme qui le regarde ?</div>
-<div class="verse">Écrit-il son dégoût des terrestres amours ?</div>
-
-<div class="verse stanza">S’il écrit sur la terre, ah ! c’est que notre terre,</div>
-<div class="verse">Qui nourrit les vivants et se nourrit des morts,</div>
-<div class="verse">Lourde origine, impose à la chair sans remords</div>
-<div class="verse">Le baiser, redoutable et beau comme un mystère !</div>
-
-<div class="verse stanza">C’est qu’elle est toute cause et toute excuse en nous,</div>
-<div class="verse">Comme nous à la fois chose infime et sublime ;</div>
-<div class="verse">L’eau du ciel l’alourdit mais un rayon l’anime :</div>
-<div class="verse">C’est pourquoi, sur la terre, il écrit à genoux…</div>
-
-<div class="verse stanza">Et ce qu’il confiait à l’éternelle argile,</div>
-<div class="verse">C’est l’éternel pardon que répandaient ses mains ;</div>
-<div class="verse">Dans la terre qu’il creuse, il met tout l’Évangile,</div>
-<div class="verse">Pour que le sol lui-même en parle aux pieds humains</div>
-
-<div class="verse stanza">Pour que, par nos talons, le sol, argile ou sable,</div>
-<div class="verse">En tremblant nous l’envoie au cœur et sous le front,</div>
-<div class="verse">Et qu’éternellement, dans tous ceux qui naîtront,</div>
-<div class="verse">Ce qui périt ressente un verbe impérissable.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et seul avec la femme, il dit, se relevant :</div>
-<div class="verse">« Vous a-t-on condamnée ? »</div>
-<div class="verse i12">Elle dit : « Non ! »</div>
-<div class="verse i21">— « O femme,</div>
-<div class="verse">Je ne condamne pas non plus ! Paix à votre âme ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Alors elle partit, consolée et rêvant…</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c34">XXXIV<br />
-LE BŒUF</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Comme il passait au bord d’un champ où, tête basse,</div>
-<div class="verse">Un bœuf tirait l’araire et creusait des sillons,</div>
-<div class="verse">Un instant il rêva, l’œil fixé sur sa trace,</div>
-<div class="verse">Puis, ouvrant les deux mains, il sema des rayons.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et songeant au bon grain, à l’ivraie, au mystère,</div>
-<div class="verse">L’homme que le travail des hommes attendrit,</div>
-<div class="verse">Bénit l’humble animal qui labourait la terre,</div>
-<div class="verse">En murmurant : « Le pain du corps soutient l’esprit. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c35">XXXV<br />
-L’ANE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Or, comme il cheminait en suivant son beau songe,</div>
-<div class="verse">Sous un frêle olivier, tout au bord du chemin,</div>
-<div class="verse">Un vieil âne pelé, qui tirait sur sa longe,</div>
-<div class="verse">Avançant les naseaux, vint effleurer sa main.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Jésus s’arrêta, songeant à cette crèche</div>
-<div class="verse">Où l’âne, avec le bœuf, l’accueillirent enfant,</div>
-<div class="verse">Ou tous deux, à genoux dans de la paille fraîche,</div>
-<div class="verse">Sur ses petits bras nus soufflaient le réchauffant.</div>
-
-<div class="verse stanza">Longtemps il regarda cette humble et lourde tête,</div>
-<div class="verse">Ces poils longs et rugueux, ces deux gros yeux surpris</div>
-<div class="verse">Puis sa main caressa, sur les flancs de la bête,</div>
-<div class="verse">La trace du bâton qui les avait meurtris.</div>
-
-<div class="verse stanza">Vers l’âne enfin Jésus pencha sa face auguste,</div>
-<div class="verse">Et le pauvre animal, se mettant à trembler,</div>
-<div class="verse">Soufflait, tout haletant, sur les lèvres du Juste,</div>
-<div class="verse">Ce grand soupir des cœurs qui ne peuvent parler.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c36">XXXVI<br />
-L’ARGILE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">De tout petits enfants, jouant avec l’argile,</div>
-<div class="verse">Façonnaient gauchement des oiseaux et des fleurs</div>
-<div class="verse">Et, s’arrêtant près d’eux, l’homme de l’Évangile</div>
-<div class="verse">Songeait : « Il est ici, l’espoir des temps meilleurs !</div>
-
-<div class="verse stanza">« En façonnant les cœurs d’enfants, argile molle,</div>
-<div class="verse">On ferait l’homme bon et plus beau, sûrement… »</div>
-<div class="verse">Et Jésus caressait d’une douce parole</div>
-<div class="verse">Ceux dont pourrait sortir un avenir aimant.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il admirait comment leur naïve tendresse</div>
-<div class="verse">Accourt au moindre appel, tend les bras et sourit ;</div>
-<div class="verse">Il faut que la leçon leur semble une caresse ;</div>
-<div class="verse">C’est grandir notre espoir que grandir leur esprit.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Montre-moi cet oiseau, laisse que je l’achève ;</div>
-<div class="verse">Lorsque j’étais petit, j’en faisais de pareils… »</div>
-<div class="verse">Et l’enfant, tout debout, tendant l’oiseau, l’élève</div>
-<div class="verse">Vers l’homme bienveillant qui donne des conseils.</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais quand aux mains de l’Homme il cherche à le reprendre,</div>
-<div class="verse">Tandis que ses amis se pressent à l’entour,</div>
-<div class="verse">L’enfant laisse échapper l’oiseau d’argile tendre</div>
-<div class="verse">Et qui s’écrase aux pieds du Prophète d’amour.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Oh ! mon oiseau ! l’oiseau que j’avais fait moi-même !</div>
-<div class="verse">Que je voulais montrer à ma mère ! » — Il pleurait.</div>
-<div class="verse">Et l’ouvrier des cœurs, qui savait comme on aime,</div>
-<div class="verse">Souffrait avec l’enfant de ce touchant regret.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Fais-en bien vite un autre !… un plus joli peut-être ! »</div>
-<div class="verse">Et, ses deux belles mains dans un limon visqueux,</div>
-<div class="verse">Afin que les petits fussent contents, le Maître</div>
-<div class="verse">S’était assis à terre et jouait avec eux.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c37">XXXVII<br />
-CHEZ MARIE, MÈRE DU CHRIST</h3>
-
-<p class="c small">UNE VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Je vous plains ! cet enfant vous met en grand souci.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et cependant il a l’âme d’une colombe !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Hélas ! mais il en a les deux ailes aussi :</div>
-<div class="verse">Jamais au colombier !… Nos enfants, c’est ainsi…</div>
-<div class="verse">Il vous tourmentera toujours, jusqu’à la tombe.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">A douze ans, il faisait aux Scribes la leçon !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">… Le mien est assidu chez un maître maçon.</div>
-<div class="verse">Le vôtre a de l’orgueil ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Oh ! non !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i17">Quel est son âge ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Trente ans… ce cher petit</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i14">Et ça croit tout savoir !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mon Dieu, non ! mais beaucoup disent que c’est un sage.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Jean, le baptiste, on dit qu’il est allé le voir ?…</div>
-<div class="verse">Il s’est fait baptiser ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Ça, c’était du courage :</div>
-<div class="verse">Voici Jean en prison.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i11">Vous ne savez donc rien ?</div>
-<div class="verse">Il est mort.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i6">Mort !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i9">Hérode a fait trancher sa tête.</div>
-<div class="verse">La fille de la reine ayant dansé très bien :</div>
-<div class="verse">« Que veux-tu ? » lui dit-il. La réponse était prête.</div>
-<div class="verse">La femme du tétrarque en voulait au prophète</div>
-<div class="verse">Qui traita son second mari d’incestueux.</div>
-<div class="verse">Et l’enfant dit au roi : « Je sais ce que je veux :</div>
-<div class="verse">Je veux, sur un plat d’or, la tête du baptiste ! »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’est effrayant, cela !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i11">N’est-ce pas que c’est triste ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mon fils a des amis vraiment bien dangereux !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Puisque vous comprenez qu’un danger le menace,</div>
-<div class="verse">Je peux vous en parler ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Que savez-vous, de grâce ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Hérode, ayant appris qu’avec autorité</div>
-<div class="verse">Votre fils parle au peuple et qu’il est écouté,</div>
-<div class="verse">S’inquiète de lui… Vous serez courageuse ?…</div>
-<div class="verse">Il prétend que Jésus, c’est Jean ressuscité !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mon Dieu ! mon Dieu ! mon Dieu ! que je suis malheureuse !</div>
-<div class="verse">J’ai prévu tout cela quand il était petit.</div>
-<div class="verse">Voilà bien dix-huit ans au moins qu’il n’a rien dit.</div>
-<div class="verse">Je le croyais changé, mais non ! Ce grand silence,</div>
-<div class="verse">Ce n’était que travail et longue patience !</div>
-<div class="verse">Je le vois : il lisait tout ce qui fut écrit.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Oui, l’enfant, qu’on croyait corrigé — recommence !</div>
-<div class="verse">Pauvre femme !… On ne voit que lui, sur les chemins !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il touche des lépreux avec ses pauvres mains !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">On le rencontre avec des vagabonds, des filles !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il dit qu’on doit avoir des sentiments humains !</div>
-<div class="verse">Je le sais.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i6">Mais on doit des égards aux familles !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mon Dieu ! mon Dieu ! comment cela finira-t-il ?</div>
-<div class="verse">Hérode est irrité… c’est le plus grand péril.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA VOISINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et les Pharisiens, les grands docteurs du Temple,</div>
-<div class="verse">Ont droit de se fâcher, quand il leur dit : « La Loi</div>
-<div class="verse">A fait son temps ; pensez et prêchez comme moi !</div>
-<div class="verse">Moïse n’est plus rien ! c’est moi qui suis l’exemple,</div>
-<div class="verse">Le seul Maître ! »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i8">Oh ! mon Dieu, pourquoi, mon Dieu ! pourquoi</div>
-<div class="verse">Nos fils, devenus grands, nous font-ils tant de peine ?</div>
-<div class="verse">… Il m’aime bien, pourtant !</div>
-</div>
-
-<p class="did">Elle s’agenouille.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i15">Dieu juste, éternel Dieu,</div>
-<div class="verse">Ayez pitié de moi, Clémence souveraine !</div>
-</div>
-
-<p class="did">Jésus paraît devant elle.</p>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mère, je pars encor : je viens vous dire adieu.</div>
-<div class="verse">Mes amis les pêcheurs m’ont préparé leur barque ;</div>
-<div class="verse">Je dois fuir pour un temps Hérode, le tétrarque.</div>
-<div class="verse">Je pars.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i4">O mon Jésus ! ô mon fils ! ô mon sang,</div>
-<div class="verse">Ma chair ! — je vis par toi dans l’éternelle crainte !</div>
-<div class="verse">J’ai bien souffert de toi lorsque j’étais enceinte.</div>
-<div class="verse">J’ai bien souffert encor par toi, pauvre innocent,</div>
-<div class="verse">Lorsqu’il fallut s’enfuir au désert, sur notre âne !</div>
-<div class="verse">Mais tu n’y pouvais rien, quand tu ne savais pas ;</div>
-<div class="verse">Aujourd’hui, tu devrais au moins parler plus bas :</div>
-<div class="verse">Hérode te poursuit ! Le temple te condamne !…</div>
-<div class="verse">Es-tu sûr, mon Jésus, d’avoir raison ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i19">Adieu,</div>
-<div class="verse">Ma mère. Vous aussi vous ignorez mon âme.</div>
-<div class="verse">Nul homme n’est si loin de l’homme — que la femme.</div>
-<div class="verse">Ma mission commande et j’obéis à Dieu,</div>
-<div class="verse">Et vous, vous ne songez qu’à des choses humaines.</div>
-<div class="verse">Hélas ! de tout mon cœur j’ai pitié de vos peines,</div>
-<div class="verse">Mais ne puis m’attarder aux humaines amours.</div>
-<div class="verse">Pleurez, car vous non plus ne m’aurez pas toujours !</div>
-<div class="verse">Pleurez, femme : je dois subir toutes les haines ;</div>
-<div class="verse">Pleurez ; vos pleurs aussi deviendront un secours.</div>
-<div class="verse">Moi, j’ai tout à souffrir pour consoler la terre,</div>
-<div class="verse">Et si vous compreniez je souffrirais bien moins,</div>
-<div class="verse">Car le plus grand malheur est d’être solitaire</div>
-<div class="verse">Et le fond de mon cœur doit rester sans témoins.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">MARIE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Change ta volonté… Tout le monde te blâme.</div>
-<div class="verse">Mon reproche est si doux !… Il te semble importun ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Hélas ! ma mère, hélas ! vous n’êtes qu’une femme…</div>
-<div class="verse">Hélas ! femme, entre nous qu’y a-t-il de commun ?</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c38">XXXVIII<br />
-LE SOMMEIL</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">L’homme miraculeux qui portait dans son âme</div>
-<div class="verse">Un ciel plus constellé que les ciels de la nuit,</div>
-<div class="verse">Dans son cœur un soleil, une source de flamme,</div>
-<div class="verse">Et dans son calme esprit la vérité qui luit,</div>
-
-<div class="verse stanza">L’homme dont la tunique était faite de gloire,</div>
-<div class="verse">De probité candide et du lin le plus pur,</div>
-<div class="verse">Dont la parole avait le poli de l’ivoire,</div>
-<div class="verse">L’éclat du croissant clair et les tons de l’azur,</div>
-
-<div class="verse stanza">Dont chaque mot était un diamant superbe</div>
-<div class="verse">Que ramassaient, courbés, les pauvres en haillons,</div>
-<div class="verse">Celui dont chaque pas faisait des fleurs dans l’herbe</div>
-<div class="verse">Et dont les yeux jetaient aux âmes des rayons,</div>
-
-<div class="verse stanza">Comme la nuit tombait sur l’homme de lumière,</div>
-<div class="verse">Cet homme, pauvre et seul, dont le cœur était dieu,</div>
-<div class="verse">S’étant baissé, chercha vainement une pierre</div>
-<div class="verse">Pour y poser sa tête et s’endormir un peu.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c39">XXXIX<br />
-LE TRIOMPHE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Or, comme, sur un âne, Il venait vers la ville :</div>
-<div class="verse">« Le voici ! Le voici ! » crièrent les enfants.</div>
-<div class="verse">L’esprit d’amour grandit la multitude vile,</div>
-<div class="verse">Et, tous en un, les cœurs se gonflaient, triomphants.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Déroulons les tapis d’honneur dans la poussière,</div>
-<div class="verse">Jetons devant ses pas des parfums et des fleurs ! »</div>
-<div class="verse">Et les grands, les petits, les vieux, la foule entière,</div>
-<div class="verse">Sentaient le cœur d’un seul plus grand que tous les leurs.</div>
-
-<div class="verse stanza">Au-dessus de sa tête on balançait des palmes ;</div>
-<div class="verse">Des riches étalaient sous ses pieds leurs manteaux,</div>
-<div class="verse">Et lui passait, un pur rayon dans ses yeux calmes</div>
-<div class="verse">Que la simplicité du cœur faisait si beaux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et des marchands et des soldats venus de Rome</div>
-<div class="verse">Disaient : « L’ambition illumine son œil :</div>
-<div class="verse">Cet homme sera roi. Qu’on surveille cet homme</div>
-<div class="verse">Qui provoque déjà les pompes de l’orgueil ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais Jésus, faisant halte à l’ombre d’un platane,</div>
-<div class="verse">Et souriant : — « Mes bons amis, vous jugez mal :</div>
-<div class="verse">Celui qui foule aux pieds vos tapis — c’est mon âne !</div>
-<div class="verse">Je n’en suis pas plus fier que ce doux animal.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Et je laisse partout flotter vos oriflammes,</div>
-<div class="verse">Vos tapis s’étaler, vos fleurs embaumer l’air,</div>
-<div class="verse">Parce qu’il faut encore un signe aux pauvres âmes :</div>
-<div class="verse">Ma parole est esprit ; votre oreille est de chair.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Si j’avais quelque orgueil, ce serait de moi-même ;</div>
-<div class="verse">Je ne crains pas pour moi ces vains honneurs d’un jour</div>
-<div class="verse">Mais j’aime à voir, par moi, dans un orgueil que j’aime,</div>
-<div class="verse">Dix mille cœurs unis ne faire qu’un amour…</div>
-
-<div class="verse stanza">Pour triompher, mon rêve, au niveau de ma tête,</div>
-<div class="verse">Prend, sensible à vos yeux, l’éclat matériel,</div>
-<div class="verse">Mais j’ai mis les honneurs sous les pieds d’une bête</div>
-<div class="verse">Et mon cœur va plus haut que les oiseaux du ciel. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c40">XL<br />
-SUR LE PARVIS DU TEMPLE</h3>
-
-<p class="c small">UN PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Vous l’avez entendu ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i10">Comme je vous entend.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et que disait le peuple ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Il paraissait content.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Avez-vous retenu sa harangue ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i15">Oui, par bribes…</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">La voici donc. Écoutez-la :</div>
-<div class="verse i2">« Les Pharisiens et les Scribes</div>
-<div class="verse">Sont assis dans la chaire où Moïse parla,</div>
-<div class="verse">Mais je ne puis en eux respecter que cela.</div>
-<div class="verse i2">… Ils mettent sur le dos de l’homme</div>
-<div class="verse i2">Qui, plié, ne peut plus marcher,</div>
-<div class="verse i2">Des fardeaux de bêtes de somme,</div>
-<div class="verse i2">Mais ils n’y voudraient pas toucher ! »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’est prêcher la révolte !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i13">Oh ! ce n’est rien encore :</div>
-<div class="verse">… « Que leur fait la vertu, pourvu qu’on les honore ?</div>
-<div class="verse">Ils écrivent la Loi sur de gros parchemins,</div>
-<div class="verse">Mais l’esprit de la Loi n’entre pas dans leur âme ;</div>
-<div class="verse">Avant chaque repas ils se lavent les mains,</div>
-<div class="verse">Mais c’est l’impureté de leur cœur — que je blâme.</div>
-<div class="verse">Ils veulent être bien placés dans les repas :</div>
-<div class="verse i2">Tout leur désir est de paraître !</div>
-<div class="verse i2">Pourvu qu’on les appelle : « Maître ! »</div>
-<div class="verse">Dieu — seul maître des cœurs — ne leur importe pas ! »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’est affreux !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i7">Attendez !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Par le Temple ! Je rêve !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">… « Vous n’avez qu’un docteur, et c’est moi, ce docteur !</div>
-<div class="verse">Le plus grand ne sera que votre serviteur ;</div>
-<div class="verse i2">J’abaisse celui qui s’élève,</div>
-<div class="verse">Et je relèverai ceux qui sont abaissés ! »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’est infâme !… Ce sont des propos insensés.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il y a mieux encore. Écoutez-moi la suite :</div>
-<div class="verse">« Pharisiens, malheur à vous, race hypocrite !</div>
-<div class="verse">Vous priez à grand bruit sur les parvis sacrés,</div>
-<div class="verse">Mais, fiers de vos manteaux dorés aux franges neuves,</div>
-<div class="verse i2">Tout en priant, vous dévorez</div>
-<div class="verse i2">L’obole et la maison des veuves !</div>
-<div class="verse">Malheur à vous ! car Dieu vous regarde irrité !</div>
-<div class="verse i2">Vous qui, tout en payant la dîme,</div>
-<div class="verse i3">Encouragez le crime,</div>
-<div class="verse">Négligents de justice et de fidélité… »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Abomination ! nous allons à l’abîme !</div>
-<div class="verse">Je ne vois plus pour nous nulle sécurité</div>
-<div class="verse">Tant qu’on n’arrête pas ce parleur redoutable.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">« O sépulcres blanchis, vous êtes au dehors,</div>
-<div class="verse">— Disait-il en criant, — d’une blancheur aimable,</div>
-<div class="verse">Mais pleins de pourriture et d’ossements de morts !</div>
-<div class="verse">Oui, vous rebâtissez les tombeaux des Prophètes,</div>
-<div class="verse">Mais qui les a tués, si ce n’est vos aïeux ?</div>
-<div class="verse i1">Vous versez le sang le plus précieux !</div>
-<div class="verse i2">O serpents, race de vipères !</div>
-<div class="verse i2">Meurtriers, dignes de vos pères,</div>
-<div class="verse">Car vous tûrez encor, toujours, ceux qui viendront,</div>
-<div class="verse">Jusqu’à ce que retombe enfin sur votre front</div>
-<div class="verse">Tout le sang généreux répandu sur la terre ! »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il a dit tout cela ? Comment le faire taire ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">On pourrait le livrer aux juges. Songez donc.</div>
-<div class="verse">Il remet les péchés ! C’est en Dieu qu’il se pose,</div>
-<div class="verse">Avec ces mots nouveaux d’amour et de pardon !</div>
-<div class="verse">Jéhovah Sabaoth n’est donc plus assez bon ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il tente de guérir — par ses mains qu’il impose.</div>
-<div class="verse">Il blâme hautement le divorce…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i16">Autre chose :</div>
-<div class="verse">Il se rit du Sabbat : hier, tout en marchant,</div>
-<div class="verse">Ses disciples cueillaient des épis dans un champ.</div>
-<div class="verse">C’était jour de Sabbat ! On en fit la remarque ;</div>
-<div class="verse">Mais lui, montant, au bord du lac, dans une barque,</div>
-<div class="verse">Avec un très malin sourire nous parla :</div>
-<div class="verse">« Votre âne et votre bœuf ont-ils soif ce jour-là ?</div>
-<div class="verse">Dit-il. N’oubliez pas de leur donner à boire ! »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il s’est moqué de nous !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Je commence à le croire !</div>
-<div class="verse">Car il a dit encor : « Quand on sème du blé,</div>
-<div class="verse">Par le jour du Sabbat voit-on qu’il soit troublé ?</div>
-<div class="verse">Nuit et jour il travaille, en dépit de vos prêtres…</div>
-<div class="verse">Venez à moi, venez, ô cœurs endoloris :</div>
-<div class="verse">Même un jour de Sabbat je console et guéris ! »</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">L’insolent ! Il est temps de nous en rendre maîtres !</div>
-<div class="verse">Si l’on ne punit pas de semblables discours,</div>
-<div class="verse">Le Temple, s’indignant, croulera de lui-même !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il le rebâtirait, prétend-il, en trois jours !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Écrivez ce mot-là : c’est son plus grand blasphème !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Vous savez que Judas nous prête son concours ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PHARISIEN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Pour combien ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SCRIBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i7">Oh ! pas cher !… C’est un homme que j’aime :</div>
-<div class="verse">Il défend avec nous, contre cet exalté,</div>
-<div class="verse">L’honneur et l’avenir de la société.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c41">XLI<br />
-LA COLÈRE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">On a vu plusieurs fois sa face courroucée,</div>
-<div class="verse">Mais surtout dans ce jour où, sur le saint parvis,</div>
-<div class="verse">Il aperçut, hurlant dans la foule pressée,</div>
-<div class="verse">Des marchands qui vendaient oiseaux et chènevis.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il y avait aussi des changeurs de monnaie,</div>
-<div class="verse">Et Jésus indigné cria, courant contre eux :</div>
-<div class="verse">— « Je viens pour séparer le bon grain de l’ivraie !</div>
-<div class="verse">Je viens pour nettoyer de leur mal les lépreux !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Et ceux-là sont la lèpre à la face du Temple,</div>
-<div class="verse">Qui sur mon seuil sacré viennent compter de l’or.</div>
-<div class="verse">Que le parvis lavé soit pur comme un exemple !…</div>
-<div class="verse">Hors d’ici ! Vos trésors salissent mon trésor !</div>
-
-<div class="verse stanza">« La graine que l’on vend gâtera ma semence !</div>
-<div class="verse">Votre balance impure est de mauvaise foi,</div>
-<div class="verse">Vous qui faites, à l’heure où mon règne commence,</div>
-<div class="verse">Votre éventaire avec les tables de la Loi !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Maudits ! Vous avez fait des ailes prisonnières !</div>
-<div class="verse">Vous vendez ma colombe et mes biens les meilleurs</div>
-<div class="verse">Et du Temple, où jadis s’envolaient les prières,</div>
-<div class="verse">On dira : Ce n’est plus qu’un antre de voleurs ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et tables, escabeaux, même les gens, tout tombe</div>
-<div class="verse">Sous sa main, seulement pitoyable aux oiseaux…</div>
-<div class="verse">La cage en se brisant délivrait la colombe</div>
-<div class="verse">Et l’or sur les degrés s’en allait par ruisseaux.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Hors d’ici, gens sans foi ni loi ! dehors, canaille ! »</div>
-<div class="verse">Ses yeux lançaient l’éclair et, son fouet se levant,</div>
-<div class="verse">Tous couraient éperdus, chassés comme la paille</div>
-<div class="verse">Qui s’enfuit, tourbillonne et s’éparpille au vent.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c42">XLII<br />
-L’INDIGNATION PUBLIQUE</h3>
-
-<p class="didc">Sur la place, devant le Temple.</p>
-
-<p class="c small">UN RICHE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ce vil Nazaréen, ce bâtard de l’étable,</div>
-<div class="verse">Commence à devenir un coquin dangereux.</div>
-<div class="verse">Sa parole mielleuse est un cri redoutable,</div>
-<div class="verse">Car tous les indigents vont se liguer entre eux.</div>
-<div class="verse">Hier, sur la montagne, ils étaient bien dix mille ;</div>
-<div class="verse">Ce sont des péagers, des gueux, des gens de rien,</div>
-<div class="verse">Des filles, des pêcheurs… Le mal gagne la ville,</div>
-<div class="verse">Et même un sénateur tout bas s’est dit chrétien.</div>
-<div class="verse">Il m’irrite à la fin, avec ses paraboles</div>
-<div class="verse">Qu’on répète le soir au seuil de la maison.</div>
-<div class="verse">C’est un mauvais levain que ses belles paroles.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN BANQUIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Une bonne potence en aura bien raison.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE RICHE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">N’a-t-il pas dit hier à son peuple en guenille</div>
-<div class="verse">Que plutôt qu’un seul riche au royaume des cieux</div>
-<div class="verse">Un gros câble entrera par le trou d’une aiguille ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE BANQUIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ce sont là des propos vraiment séditieux !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE RICHE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">A quoi pensent-ils donc, tous les princes des prêtres,</div>
-<div class="verse">Les sacrificateurs, les docteurs de la Loi ?…</div>
-<div class="verse">Tous les pauvres demain vont nous parler en maîtres,</div>
-<div class="verse">Si l’on n’arrête pas ce gueux — qui se dit roi !</div>
-</div>
-
-<p class="did">A un citoyen romain qui les aborde.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Qu’en pense-t-on là-bas, vous qui venez de Rome ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Rome ne se croit pas en péril pour si peu.</div>
-<div class="verse">Elle a coutume aussi de faire un dieu d’un homme…</div>
-<div class="verse">Pourtant l’ordre est donné de surveiller ce dieu.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE RICHE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Pilate est faible ; il veut plaire aux uns comme aux autres :</div>
-<div class="verse">Il flatte Rome et veut surtout rester préfet ;</div>
-<div class="verse">Il flatte aussi les gueux… de la graine d’apôtres !</div>
-<div class="verse">Il hésite et voilà comme un grand mal se fait !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE BANQUIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ce farouche Romain obéit à sa femme.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Elle croit Adonis revenu dans ce dieu !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN PRÊTRE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Madame Putiphar, peut-être… avant le drame.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE RICHE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Vous riez ? — Il est temps plutôt d’agir un peu.</div>
-<div class="verse">Vous un prêtre, voyons, songez que ce Messie</div>
-<div class="verse">Soulève un mouvement qui ne se peut souffrir.</div>
-<div class="verse">Le Temple est en danger. D’où vient votre inertie ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PRÊTRE, <span class="i">tout bas</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Silence ! Nous songeons à le faire mourir.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c43">XLIII<br />
-LE BANQUET</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Lorsqu’il leur annonça qu’un d’eux le trahirait,</div>
-<div class="verse">Tous, le cœur incertain, craignirent en secret.</div>
-<div class="verse">Même après qu’en Judas il eut marqué le traître,</div>
-<div class="verse">Ils restèrent longtemps craintifs de se connaître,</div>
-<div class="verse">Et leur tristesse emplit la salle du banquet.</div>
-<div class="verse">Or, Jean, le favori, que Jésus remarquait</div>
-<div class="verse">Pour la grâce du cœur tendre et vite chagrine,</div>
-<div class="verse">Inclina lentement le front vers sa poitrine,</div>
-<div class="verse">Et le divin trahi, divinement humain,</div>
-<div class="verse">Sur le beau front de Jean posa longtemps sa main.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c44">XLIV<br />
-LA SUEUR DE SANG</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tandis que les deux fils de Zébédée et Pierre</div>
-<div class="verse">Sentaient s’appesantir lourdement leur paupière,</div>
-<div class="verse">Le Dieu, comme il est dit aux livres qu’on a lus,</div>
-<div class="verse">Se chercha dans lui-même et ne se trouva plus.</div>
-<div class="verse">Il avait dit : Dieu seul est fort. Croyez au Père.</div>
-<div class="verse">Il avait dit : Il faut qu’on aime et qu’on espère.</div>
-<div class="verse">Il avait dit : Heureux les tristes et les doux.</div>
-<div class="verse">Il avait dit : La paix du ciel soit avec vous.</div>
-
-<div class="verse stanza">Maintenant, dans son cœur diminué, fragile,</div>
-<div class="verse">Le messager divin doutait de l’Évangile</div>
-<div class="verse">Et sa robuste foi d’espérance et d’amour</div>
-<div class="verse">Défaillait comme autour de lui l’éclat du jour…</div>
-<div class="verse">Le prometteur de paix n’est qu’une âme en tumulte ;</div>
-<div class="verse">Sa promesse a menti ; sa douceur, on l’insulte.</div>
-<div class="verse">La trahison le suit dans l’ombre pas à pas,</div>
-<div class="verse">Et son Dieu de pitié ne le console pas.</div>
-</div>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « Seigneur, nous nous parlions autrefois face à face,</div>
-<div class="verse">Sur le bord des lacs bleus et le long du blé mûr,</div>
-<div class="verse">Et voilà qu’aujourd’hui votre image s’efface,</div>
-<div class="verse">Juste à l’heure où mon cœur demande un appui sûr.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ne m’abandonnez pas juste à l’heure de trouble</div>
-<div class="verse">Vous qui m’avez souri par les jours de soleil !</div>
-<div class="verse">Pierre m’a renié déjà dans son cœur double,</div>
-<div class="verse">Et, tandis que je meurs, — mes amis ont sommeil.</div>
-
-<div class="verse stanza">Seigneur ! rien n’est donc vrai de tout ce que j’annonce ?</div>
-<div class="verse">Et la dette du Fils, vous ne la paîrez pas !</div>
-<div class="verse">Seigneur, j’attends de vous un souffle pour réponse…</div>
-<div class="verse">Je comprendrai, Seigneur : vous pouvez parler bas.</div>
-
-<div class="verse stanza">J’assemble dans mon cœur tous les désirs de l’homme</div>
-<div class="verse">Et l’humanité même agonise avec moi.</div>
-<div class="verse">Mon Père, répondez au Fils quand il vous nomme…</div>
-<div class="verse">L’espérance et l’amour méritent bien la foi !</div>
-
-<div class="verse stanza">J’ai fait deux pas vers vous, Maître de toute chose,</div>
-<div class="verse">Faites un pas vers moi qui sanglote à genoux ;</div>
-<div class="verse">La foi n’est pas un bien dont notre âme dispose :</div>
-<div class="verse">On vous attend de vous, Seigneur ! Exaucez-nous !</div>
-
-<div class="verse stanza">Ils ont derrière moi couru vers un fantôme,</div>
-<div class="verse">J’ai trahi ceux à qui j’ai promis votre amour,</div>
-<div class="verse">Si je doute de vous et de votre royaume</div>
-<div class="verse">Que j’avais cru plus sûr que la splendeur du jour !</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais alors, ô Seigneur, que vais-je donc leur dire</div>
-<div class="verse">En sortant de cette ombre où mon cœur a douté ?</div>
-<div class="verse">A quoi leur servira mon étrange martyre,</div>
-<div class="verse">Si le prix n’en est pas votre immortalité ?</div>
-
-<div class="verse stanza">J’ai dédaigné pour vous les sujets de leur joie ;</div>
-<div class="verse">A ma mère j’ai dit : Qu’avons-nous de commun ?</div>
-<div class="verse">Et les pieds et les yeux rivés sur votre voie,</div>
-<div class="verse">Je n’ai pris à l’amour terrestre qu’un parfum.</div>
-
-<div class="verse stanza">Seigneur ! ai-je trompé les races à ma suite,</div>
-<div class="verse">Et légué le néant à tous ceux qui viendront ?</div>
-<div class="verse">Seigneur, je meurs d’effroi ! Seigneur, répondez vite</div>
-<div class="verse">Car la sueur de sang découle de mon front !</div>
-
-<div class="verse stanza">Ce supplice, ô mon Dieu ! dépasse tout supplice,</div>
-<div class="verse">De douter, juste à l’heure où l’on meurt pour sa foi !</div>
-<div class="verse">Épargnez-moi l’horreur de boire ce calice.</div>
-<div class="verse">Détournez, s’il se peut, ce calice de moi ! »</div>
-</div>
-
-<hr />
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Dieu ne répondit pas. Et de la tête blonde</div>
-<div class="verse">Qui, lourde, s’affaissait sous les malheurs du monde,</div>
-<div class="verse">La sanglante sueur, goutte à goutte tombait…</div>
-<div class="verse">Et ce doute suivra le dieu sur son gibet !…</div>
-<div class="verse">C’en est fait. Tout est vain. Tout est faux. Tout est vide !</div>
-<div class="verse">Et ses yeux, dilatés dans sa face livide,</div>
-<div class="verse">Interrogeaient l’espace horrible où rien n’a lui.</div>
-<div class="verse">Tout à coup sa pensée, en lui, revint sur lui ;</div>
-<div class="verse">Son regard, détourné du gouffre où Dieu se voile,</div>
-<div class="verse">Vit dans son propre cœur une lueur d’étoile,</div>
-<div class="verse">Et Jésus s’écria : « Ma lumière, c’est moi !</div>
-<div class="verse">Mon cœur se fera dieu pour qu’ils aient une foi.</div>
-<div class="verse">Tout leur bonheur promis, je le porte en moi-même,</div>
-<div class="verse">Et je crois à l’amour puisque — malgré tout — <span class="small">J’AIME</span> ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Jésus se leva, triste paisiblement.</div>
-<div class="verse">Ses disciples, assis, l’attendaient en dormant,</div>
-<div class="verse">Sans avoir pris leur part de son angoisse sainte.</div>
-<div class="verse">L’un sur l’autre appuyés ils sommeillaient sans crainte,</div>
-<div class="verse">Très calmes et l’esprit roulé dans le sommeil.</div>
-<div class="verse">Jésus aurait aimé prendre un repos pareil,</div>
-<div class="verse">Mais, non loin, les soldats rôdaient avec leur lance,</div>
-<div class="verse">Et Jésus, s’asseyant sur la pierre en silence,</div>
-<div class="verse">Se garda d’éveiller trop vite ses amis,</div>
-<div class="verse">Parce qu’il les jugeait heureux d’être endormis.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c45">XLV<br />
-LA GRANDE SOLITUDE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Quand tous nos ennemis, indifférence ou haine,</div>
-<div class="verse">S’uniraient pour couvrir d’insultes notre cœur ;</div>
-<div class="verse">Quand nous entendrions, dans un rire moqueur,</div>
-<div class="verse">S’élever contre nous toute la rage humaine,</div>
-
-<div class="verse stanza">Nous pourrions dire encor : « Ils comprendront un jour :</div>
-<div class="verse">S’ils ne comprennent point, ce n’est pas de leur faute ;</div>
-<div class="verse">Ils n’ont pas, pour bien voir, la pensée assez haute ;</div>
-<div class="verse">Ceux qui peuvent haïr ignorent tout amour. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et nous accepterions ce mal pour nécessaire !</div>
-<div class="verse">Mais que ceux dont on dit : « Mes chagrins sont les leurs, »</div>
-<div class="verse">Ne puissent pas nous suivre au fond de nos douleurs,</div>
-<div class="verse">C’est bien grande pitié, c’est bien grande misère !</div>
-
-<div class="verse stanza">Surtout quand notre mal vient d’eux, souffert pour eux</div>
-<div class="verse">Il est vraiment cruel d’être seul dans l’angoisse,</div>
-<div class="verse">Et que cette lueur qui venait d’eux décroisse,</div>
-<div class="verse">Et que l’on soit plus seul, étant plus malheureux.</div>
-
-<div class="verse stanza">La douleur qui nous point, quelquefois l’agonie,</div>
-<div class="verse">Nous exalte, et nous fait tout scruter et tout voir,</div>
-<div class="verse">Et ceux pour qui la veille est alors un devoir,</div>
-<div class="verse">Sentent leur lassitude écrasante, infinie :</div>
-
-<div class="verse stanza">Ils s’endorment !… O Christ ! Dieu de l’amour profond,</div>
-<div class="verse">Ils t’ont laissé tout seul dans la grande ténèbre !</div>
-<div class="verse">Toi, quittant par trois fois ta prière funèbre,</div>
-<div class="verse">Pour te sentir près d’eux, tu viens voir ce qu’ils font.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ils dorment ! et ta voix, ils ne peuvent l’entendre !</div>
-<div class="verse">Elle n’arrive plus au cœur de tes amis…</div>
-<div class="verse">« Jean, tu dors ? Pierre, Jacque, êtes-vous endormis ?</div>
-<div class="verse">Et Jésus, par trois fois, vint, plus faible et plus tendre.</div>
-
-<div class="verse stanza">Par trois fois dans son ombre il retourna plus seul,</div>
-<div class="verse">Disant : « La chair est faible, en dépit du courage !</div>
-<div class="verse">Ils n’ont pas pu veiller et m’aimer davantage !</div>
-<div class="verse">Et j’ai froid comme un mort dans l’oubli du linceul !</div>
-
-<div class="verse stanza">« … Amis, la trahison se prépare et m’entoure :</div>
-<div class="verse">Veillez un peu ; priez !… » Ils se rendormiront !</div>
-<div class="verse">L’abandonné de Dieu, sa sueur sur le front,</div>
-<div class="verse">Appelle — sans que même un homme le secoure.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ah ! j’aime mieux la croix entre les deux voleurs !</div>
-<div class="verse">Et si l’humanité veut consoler cet homme,</div>
-<div class="verse">Ce n’est pas au moment où sa mort se consomme,</div>
-<div class="verse">Qu’elle doit revenir pour baiser ses douleurs…</div>
-
-<div class="verse stanza">C’est là, c’est dans la grotte affreuse où son sang coule,</div>
-<div class="verse">Non celui de la chair, mais le sang de l’esprit,</div>
-<div class="verse">C’est quand il souffre, seul, tout ce que l’on souffrit,</div>
-<div class="verse">Qu’il faut mettre à genoux les pitiés de la foule.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c46">XLVI<br />
-LA PREUVE EST EN NOUS</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i2">Comment ton cœur a-t-il douté</div>
-<div class="verse i2">Que l’amour soit, — si ton cœur aime ?</div>
-<div class="verse i2">Tu n’as pas la bonté suprême,</div>
-<div class="verse i2">Si tu doutes de la bonté.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Si tu doutes de la justice,</div>
-<div class="verse i2">Sois équitable dans ton cœur ;</div>
-<div class="verse i2">Tu vaincras ton doute moqueur,</div>
-<div class="verse i2">Par la vertu d’un sacrifice.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Aie en toi le vrai dévoûment,</div>
-<div class="verse i2">Tu le croiras possible à d’autres ;</div>
-<div class="verse i2">C’est tout le secret des apôtres :</div>
-<div class="verse i2">Prouve-toi l’amour, en aimant.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Le prix d’une pitié sincère,</div>
-<div class="verse i2">C’est qu’elle nous donne, en retour,</div>
-<div class="verse i2">L’espoir, la foi, dans un amour</div>
-<div class="verse i2">Doux à notre propre misère.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Dans son cœur, mieux que sur l’autel</div>
-<div class="verse i2">Ainsi le chrétien fait descendre</div>
-<div class="verse i2">La foi, l’espoir et l’amour tendre,</div>
-<div class="verse i2">En trois mots le Christ immortel.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Oui, je crois à l’amour — quand j’aime</div>
-<div class="verse i2">Et c’est là, dans l’homme meilleur,</div>
-<div class="verse i2">Le paradis intérieur,</div>
-<div class="verse i2">Le royaume de Dieu lui-même.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c47">XLVII<br />
-LE BAISER DE JUDAS</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et Judas, trahissant celui qui se dévoue :</div>
-<div class="verse">« Je vous désignerai l’homme en baisant sa joue. »</div>
-<div class="verse">Les soldats le suivaient ; il ne faisait plus jour,</div>
-<div class="verse">Et Jésus dit : « Voici le pouvoir des Ténèbres ! »</div>
-<div class="verse">Et Judas, dont le nom pèse aux traîtres célèbres,</div>
-<div class="verse">Par le signe d’amour perdit l’homme d’amour.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c48">XLVIII<br />
-L’ÉPÉE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ils vinrent avec des bâtons et des lanternes,</div>
-<div class="verse">Des lances qui parfois reluisaient dans la nuit,</div>
-<div class="verse">Et Judas les guidait, l’homme lâche aux yeux ternes,</div>
-<div class="verse">Heureux d’être dans l’ombre où sa bande le suit.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Que cherchez-vous ? » leur dit en s’avançant le Maître.</div>
-<div class="verse">— « Jésus de Nazareth. » Il répondit : — « C’est moi ! »</div>
-<div class="verse">Ils reculèrent tous, troublés de le connaître,</div>
-<div class="verse">Et sentirent passer sur eux un vent d’effroi.</div>
-
-<div class="verse stanza">Pierre le défendit. Il avait une épée.</div>
-<div class="verse">Il la tira, frappant l’un des hommes obscurs ;</div>
-<div class="verse">Et Jésus vit le sang d’une oreille coupée,</div>
-<div class="verse">Et dit : « Ne versez pas le sang. Restons-en purs !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Le glaive appellerait sans fin un autre glaive :</div>
-<div class="verse">Ma douceur de victime est mortelle au bourreau…</div>
-<div class="verse">Le règne de la haine à cette heure s’achève :</div>
-<div class="verse">Simon Pierre, remets ton épée au fourreau ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Il parlait, rayonnant sur les faces funèbres :</div>
-<div class="verse">Et, plus forts que l’épée et plus étincelants,</div>
-<div class="verse">Ces mots terrasseront le pouvoir des Ténèbres</div>
-<div class="verse">Et la guerre en mourra, fût-ce après trois mille ans.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c49">XLIX<br />
-LE REGARD</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « Tu trahiras trois fois, avant que le coq chante,</div>
-<div class="verse">Ton Maître, avait prédit Jésus, et tu l’aimais ! »</div>
-<div class="verse">Et sûr de n’avoir pas une âme bien méchante,</div>
-<div class="verse">Pierre avait crié : « Non ! Jamais, jamais, jamais ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Jésus, par les soldats conduit chez le grand prêtre,</div>
-<div class="verse">Marchait au milieu d’eux, traité comme un voleur.</div>
-<div class="verse">Pierre suivit de loin, comme sans le connaître,</div>
-<div class="verse">Retenu par l’effroi, poussé par sa douleur.</div>
-
-<div class="verse stanza">Dans la cour du grand prêtre, au seuil du juge infâme,</div>
-<div class="verse">Les soldats se chauffaient près d’un brasier ardent ;</div>
-<div class="verse">Et Pierre vint s’asseoir comme eux devant la flamme ;</div>
-<div class="verse">Fidèle, il était là, mais se taisait, prudent.</div>
-
-<div class="verse stanza">Par trois fois, tour à tour, une servante, un homme,</div>
-<div class="verse">Lui dirent : — « Étranger, tu connais celui-ci ? »</div>
-<div class="verse">— « Je ne sais même pas, moi, comment il se nomme ! »</div>
-<div class="verse">— « N’es-tu pas cependant de Galilée aussi ? »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Je ne le connais point ! » répète le bon Pierre.</div>
-<div class="verse">« Vous êtes de ses gens ? » — « Moi ? non, en vérité ! »</div>
-<div class="verse">Et d’un air très naïf, il baissait la paupière…</div>
-<div class="verse">Et c’est à ce moment que le coq a chanté.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Jésus qu’entouraient la menace et les gestes,</div>
-<div class="verse">Tourna vers cet ami tendre et faible de cœur,</div>
-<div class="verse">Dans la lueur du feu, ses yeux, ses yeux célestes</div>
-<div class="verse">Où le blâme jamais n’avait rien de moqueur.</div>
-
-<div class="verse stanza">La flamme du brasier illumina sa face,</div>
-<div class="verse">Fit grésiller d’éclairs son front, ses cheveux d’or :</div>
-<div class="verse">Et ses yeux, où la joie expirante s’efface,</div>
-<div class="verse">Toujours pleins de clarté brillèrent plus encor.</div>
-
-<div class="verse stanza">Oh ! ce regard d’amour, où l’amour agonise,</div>
-<div class="verse">Quel reproche à l’ami traître par lâcheté !</div>
-<div class="verse">Du mensonge prévu la tendresse est surprise</div>
-<div class="verse">Et l’espoir éternel meurt pour avoir douté !</div>
-
-<div class="verse stanza">Dans ces yeux-là, l’amour survit, mais sous un voile !</div>
-<div class="verse">La flamme en sort ; l’amour recule tout au fond.</div>
-<div class="verse">Et c’est comme un ciel triste où fuirait une étoile</div>
-<div class="verse">Qui voudrait ne plus voir ce que les hommes font.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Je l’avais bien prévu : ta bouche me renie !</div>
-<div class="verse">Mais j’avais confiance en ton cœur, malgré moi…</div>
-<div class="verse">Vois, dans mes yeux, souffrir la tendresse infinie,</div>
-<div class="verse">Vois souffrir dans mes yeux l’espérance et la foi !</div>
-
-<div class="verse stanza">« A l’heure où j’ai besoin d’une force suprême,</div>
-<div class="verse">Comment peux-tu laisser, toi l’ami juste et bon,</div>
-<div class="verse">Parmi tant d’ennemis, ton Maître aimé, qui t’aime,</div>
-<div class="verse">Plus malheureux, plus seul par ton lâche abandon ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et, sans une parole, aux lueurs de la flamme,</div>
-<div class="verse">Le Maître regardait son ami fixement,</div>
-<div class="verse">Et Pierre, le dégoût de lui-même dans l’âme,</div>
-<div class="verse">Pleura, pleura, d’avoir trahi tout en aimant !</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c50">L<br />
-LE SOUFFLET</h3>
-
-<p class="didc">Chez le souverain sacrificateur.</p>
-
-<p class="c small">ANNE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Que prêchais-tu ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i8">Ce que j’ai dit, tout le proclame.</div>
-<div class="verse">J’ai dit ce que j’ai dit ; je l’ai dit haut, toujours ;</div>
-<div class="verse">Personne ne l’ignore et beaucoup l’ont dans l’âme,</div>
-<div class="verse">Que ceux qui m’écoutaient répètent mes discours.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN OFFICIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Est-ce ainsi qu’on répond, roi des Juifs, faux prophète</div>
-<div class="verse">Au sacrificateur souverain !</div>
-</div>
-
-<p class="did">Il lui frappe la joue.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i14">Je soufflette</div>
-<div class="verse">Un roi.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i4">Si j’ai mal dit, que ne le prouvais-tu ?</div>
-<div class="verse">Et si j’ai bien parlé, pourquoi m’avoir battu ?</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c51">LI<br />
-JUDAS</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « Un d’entre vous, dit-il, me trahira. » — La table</div>
-<div class="verse">Frémit. Tous à la fois, tremblants, doutèrent d’eux,</div>
-<div class="verse">Et tous, sauf Jean, devant ce mot épouvantable,</div>
-<div class="verse">Connurent, dans leur cœur troublé, des fonds hideux.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Sera-ce moi, Seigneur ? » disaient leurs lèvres blêmes,</div>
-<div class="verse">Et leurs regards plaintifs imploraient son secours,</div>
-<div class="verse">Car ils ne trouvaient point d’assurance en eux-mêmes ;</div>
-<div class="verse">C’est par lui, non par eux, qu’ils espéraient, toujours.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Celui qui met sa main au plat avec la mienne,</div>
-<div class="verse">C’est le traître ! » Alors, tous ayant pensé : « Judas ! »</div>
-<div class="verse">Le fourbe qui mangeait à la table chrétienne</div>
-<div class="verse">Vit dans les yeux l’injure et sortit à grands pas !</div>
-
-<div class="verse stanza">Qui vendait-il ? pourquoi ? pour quelle pauvre somme ?</div>
-<div class="verse">Trente méchants deniers, vraiment, c’était trop peu !</div>
-<div class="verse">Ce n’était pas le prix que vaut un honnête homme,</div>
-<div class="verse">O stupide Judas, et tu vendais ton Dieu !</div>
-
-<div class="verse stanza">Quoi ! depuis qu’il te parle et que toi tu l’écoutes,</div>
-<div class="verse">Tu ne sais rien de lui, ni son cœur ni son prix !</div>
-<div class="verse">Ah ! pauvre être gonflé d’ignorance et de doutes,</div>
-<div class="verse">Tu l’as bien mal vendu, ne l’ayant pas compris !</div>
-
-<div class="verse stanza">Comme un sourd paresseux tu marchais dans sa voie ;</div>
-<div class="verse">Ton cœur était de roc sous le bon grain sacré ;</div>
-<div class="verse">Et lorsqu’il vous parlait des lys vêtus de soie,</div>
-<div class="verse">Tu regardais, jaloux, ton manteau déchiré.</div>
-
-<div class="verse stanza">Dans ton cœur ténébreux et souillé, dans ton âme</div>
-<div class="verse">Plus sale que le bas de ta robe en haillons,</div>
-<div class="verse">Jamais n’était entrée une petite flamme</div>
-<div class="verse">Quand il ouvrait son ciel d’où pleuvaient des rayons.</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais lorsque, dans ta nuit sans joie et sans étoile,</div>
-<div class="verse">Tu songeas : « Quoi ! demain je ne l’entendrai pas ! »</div>
-<div class="verse">Sur ta tête, la nuit se fendit comme un voile :</div>
-<div class="verse">Tu vis son ciel là-haut, ton infamie en bas !</div>
-
-<div class="verse stanza">Pareil au malheureux tombé dans un puits sombre,</div>
-<div class="verse">Tu vis, tu vis, du fond de ton gouffre insondé,</div>
-<div class="verse">Tout là-haut, par la fente ouverte sur ton ombre,</div>
-<div class="verse">Un ciel que tu n’avais pas encor regardé !</div>
-
-<div class="verse stanza">Malheureux ! tu revis toutes les choses calmes</div>
-<div class="verse">Dont il parlait : les lys, les blés, même l’ânon ;</div>
-<div class="verse">Tu compris le langage et la gloire des palmes,</div>
-<div class="verse">Et les petits enfants qui riaient à son nom ;</div>
-
-<div class="verse stanza">Tu revis la clarté des eaux de sa fontaine,</div>
-<div class="verse">Et la même clarté limpide dans ses yeux,</div>
-<div class="verse">Et tu dis : « J’habitais cette splendeur lointaine !</div>
-<div class="verse">Son cœur, c’était déjà le Royaume des cieux ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">… Dans le champ du potier, jetant la bourse vile,</div>
-<div class="verse">Judas en murmurant : « O Jésus ! » se pendit.</div>
-<div class="verse">Et lui-même maudit comme un figuier stérile,</div>
-<div class="verse">Son corps fut comme un fruit sur cet arbre maudit.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c52">LII<br />
-LA JUSTICE DU PEUPLE</h3>
-
-<p class="didc">Devant le palais de Pilate.</p>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Es-tu le roi des Juifs ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Tu l’as dit.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i18">Peuple, écoute !</div>
-<div class="verse">Cet homme me paraît innocent ; dans le doute,</div>
-<div class="verse">Qu’il soit libre : le cœur de son juge a douté.</div>
-<div class="verse">Mais puisqu’on a le droit de mettre en liberté</div>
-<div class="verse">L’un de tes prisonniers, aujourd’hui jour de fête,</div>
-<div class="verse">Délivrons ce Jésus.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PEUPLE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i10">Non ! Non ! Sa croix est prête !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN OFFICIER, <span class="i">à Pilate</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ta femme m’a chargé de te dire tout bas,</div>
-<div class="verse">Seigneur, d’être prudent.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PEUPLE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i13">Délivre Barrabas !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Barrabas ! le plus vil des gueux ! le plus infâme !</div>
-<div class="verse">Un meurtrier, un monstre affreux !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’OFFICIER, <span class="i">bas, à Pilate</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i17">Songe à ta femme,</div>
-<div class="verse">Seigneur. Elle a rêvé que cet homme est un dieu.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA FOULE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Délivre Barrabas !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i9">O peuple ! écoute un peu…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’OFFICIER, <span class="i">bas, à Pilate</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Entre cet homme et toi ne mets pas d’injustice.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">O peuple, réfléchis ! que ton cœur s’amollisse !</div>
-<div class="verse">Cet homme n’a rien fait de coupable, à mes yeux.</div>
-<div class="verse">Apaise ta menace et ton cœur furieux :</div>
-<div class="verse">Dis-nous son crime, au moins ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA FOULE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i15">Non ! qu’on le crucifie !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Cet homme est innocent, je vous le certifie.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA FOULE, <span class="i">hurlante</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Délivre Barrabas… Barrabas !… Barrabas !…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Qu’on m’apporte de l’eau.</div>
-<div class="verse i13">Si l’on ne m’entend pas,</div>
-<div class="verse">On me voit ; c’est assez… Moi, juge au nom de Rome</div>
-<div class="verse">Je me lave les mains du sang pur de cet homme.</div>
-<div class="verse">C’est votre affaire !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA FOULE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i10">A mort !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE, <span class="i">à l’officier</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i14">Ces gens sont inhumains.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA FOULE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">A mort, Jésus ! A mort !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE, <span class="i">à lui-même</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i11">Je m’en lave les mains.</div>
-</div>
-
-<p class="did">A voix haute :</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Peuple, encore une fois, que ton cœur s’amollisse !</div>
-</div>
-
-<p class="did">D’un ton insinuant :</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Voyons, mes bons amis, vous voulez la justice ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA FOULE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Non ! Barrabas !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i7">Voyons, vous voulez, n’est-ce pas</div>
-<div class="verse">La justice ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA FOULE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i6">Non ! Non ! nous voulons Barrabas.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c53">LIII<br />
-LA VENGEANCE</h3>
-
-<p class="c small">LE BOURREAU.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Eût-il été Satan qu’il n’aurait pu s’enfuir ;</div>
-<div class="verse">Nous l’avons attaché, nu jusqu’à la ceinture,</div>
-<div class="verse">Et comme sur une aire on bat la moisson mûre,</div>
-<div class="verse">J’ai fouetté, de mon fouet aux lanières de cuir.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN MARCHAND</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il excitait le peuple ; il fallait un exemple !</div>
-<div class="verse">Mais depuis quand es-tu bourreau ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE BOURREAU.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i17">Depuis le jour,</div>
-<div class="verse">Voisin, où ce Jésus, qui parle tant d’amour,</div>
-<div class="verse">M’a fustigé !… J’étais un des marchands du Temple.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c54">LIV<br />
-LE ROSEAU</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Lorsqu’il eut dans la main le roseau dérisoire</div>
-<div class="verse">Et sur le front l’affreux diadème sanglant,</div>
-<div class="verse">Tous riaient, lui disant : « O roi brillant de gloire,</div>
-<div class="verse">Ton peuple prosterné te salue en tremblant. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Les peuples et les rois ont une même mère,</div>
-<div class="verse">Leur dit-il. L’esprit seul est durable et seul fort ;</div>
-<div class="verse">La couronne des rois n’est qu’un signe éphémère,</div>
-<div class="verse">Et mon faible roseau va défier la mort. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c55">LV<br />
-LA CROIX</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « Ta croix ? Elle est encor chez l’ouvrier ; pas prête.</div>
-<div class="verse">Nous la prendrons, au bas de la côte, en passant. »</div>
-<div class="verse">Et Jésus chemina, levant sa blonde tête</div>
-<div class="verse">Sous la couronne affreuse où l’on voyait du sang.</div>
-
-<div class="verse stanza">Au pied du Golgotha, dans sa boutique étroite,</div>
-<div class="verse">Le charpentier se hâte : — « Encor deux ou trois clous, »</div>
-<div class="verse">Grognait-il. Et Jésus regardait d’un œil doux</div>
-<div class="verse">Cet homme qui frappait les clous de sa main droite.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Bon ouvrier, dit-il, te voilà bien pressé !</div>
-<div class="verse">Livre toujours, ami, ton œuvre à l’heure dite…</div>
-<div class="verse">Surtout ne gâte rien jamais, pour faire vite…</div>
-<div class="verse">Le mal présent est fait de tout le mal passé. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Le peuple s’étonnait de sa bonté tranquille.</div>
-<div class="verse">Lui, quand l’homme eut fini, prit sa croix sur son dos ;</div>
-<div class="verse">Il sentit sous le faix craquer ses pauvres os,</div>
-<div class="verse">Mais il disait : « L’esprit soutient la chair fragile. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et comme il s’éloignait : « Il faut, dit-il encor,</div>
-<div class="verse">Que le forgeron forge et que le faucheur fauche…</div>
-<div class="verse">Sois, pauvre charpentier, béni dans ta main gauche,</div>
-<div class="verse">Celle qui n’a jamais compté l’argent ni l’or. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c56">LVI<br />
-LE BOIS VERT</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et Jésus, sous la croix, entouré de blasphèmes :</div>
-<div class="verse">« Ne pleurez pas sur moi, femmes, mais sur vous-mêmes !</div>
-<div class="verse">Heureux le ventre, hélas ! qui n’a point enfanté !</div>
-<div class="verse">Heureux trois fois le sein qui n’a pas allaité !</div>
-<div class="verse">Voici le temps de dire à la montagne : « Tombe !</div>
-<div class="verse">Couvre-nous ! » Au coteau : « Ne sois plus qu’une tombe ! »</div>
-<div class="verse">Car si l’on traite ainsi le bois vert et vivant,</div>
-<div class="verse">Que fera-t-on au bois sec, mort, celui qu’on vend ? »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c57">LVII<br />
-LE JUIF ERRANT</h3>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Laisse-moi m’arrêter sur ton seuil, un instant.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JUIF.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Non ! marche ! — Roi du ciel, ton royaume t’attend.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN HOMME, <span class="i">dans la foule</span>.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Sois maudite à jamais, race que j’abomine !</div>
-<div class="verse">Puisses-tu, toi qui ris du chemin qu’il chemine,</div>
-<div class="verse">Marcher sans fin, marcher sans voir ton dernier jour.</div>
-</div>
-
-<p class="did">Il crache à terre en signe de mépris.</p>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">La malédiction blesse ma loi d’amour :</div>
-<div class="verse">Cette parole en moi ne s’est pas prononcée,</div>
-<div class="verse">Mais un grand mal naîtra de la dure pensée :</div>
-<div class="verse">Il marchera sans fin, ce juif, partout banni,</div>
-<div class="verse">Et l’on m’accusera, moi, de l’avoir puni !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE JUIF.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Pardonne-moi, Jésus ! Que ton cœur compatisse…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Cherche en ton propre cœur l’amour et la justice.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c58">LVIII<br />
-LE CYRÉNÉEN</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Au retour de son champ, Simon de Cyrénée,</div>
-<div class="verse">Comme tombait Jésus, au pied du Golgotha,</div>
-<div class="verse">Sautant à bas de son pauvre ânon, s’arrêta</div>
-<div class="verse">Et cria tout à coup à la foule étonnée :</div>
-
-<div class="verse stanza">« N’avez-vous point de honte, ô gens de peu de cœur,</div>
-<div class="verse">De lui faire porter le bois de son supplice ?</div>
-<div class="verse">Cœurs froids et durs ! pas un que sa peine attendrisse ! »</div>
-<div class="verse">Mais tous lui répondaient par un rire moqueur.</div>
-
-<div class="verse stanza">Alors il leur jeta l’insulte après l’insulte</div>
-<div class="verse">Et l’imprécation, fureur de sa bonté !</div>
-<div class="verse">Mais le peuple, à son tour, follement irrité,</div>
-<div class="verse">L’entoura de menace et de cris en tumulte.</div>
-
-<div class="verse stanza">— Si vous chargiez ainsi votre âne, il tomberait !</div>
-<div class="verse">Vous voyez que cet homme est faible ; elle est trop lourde ! »</div>
-<div class="verse">Et Simon criait fort, mais la foule était sourde,</div>
-<div class="verse">Et le dieu défaillant le bénit en secret.</div>
-
-<div class="verse stanza">Sous le fardeau, Jésus, relevé, tombe encore ;</div>
-<div class="verse">Et comme on est pressé d’atteindre au haut du mont</div>
-<div class="verse">La foule a mis la croix sur le dos de Simon</div>
-<div class="verse">Qui, penché vers Jésus, à voix basse l’honore :</div>
-
-<div class="verse stanza">« Eh bien, tant mieux ! dit-il. Vois-tu, je sais ton nom.</div>
-<div class="verse">On m’a dit ta parole, et ce m’est douce chose</div>
-<div class="verse">De porter un moment ta croix. Ça te repose…</div>
-<div class="verse">Mais, pendant ce temps-là, qui va soigner l’ânon ? »</div>
-
-<div class="verse stanza">A ce mot simple, au ton de ces paroles calmes,</div>
-<div class="verse">Le Maître a tout revu dans un songe obscurci :</div>
-<div class="verse">Bethléem et la fuite au désert, comme aussi</div>
-<div class="verse">Le triomphe d’un jour sur l’âne, et sous les palmes.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Simon leur criait : « N’avais-je pas raison</div>
-<div class="verse">De vous dire qu’elle est trop lourde ? elle m’écrase !…</div>
-<div class="verse">Jésus, laisse-moi faire !… »</div>
-<div class="verse i14">Et Jésus, en extase,</div>
-<div class="verse">S’arrêtant, regardait plus loin que l’horizon.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c59">LIX<br />
-VÉRONIQUE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Véronique, je viens à toi, les yeux noyés,</div>
-<div class="verse">Pâle et le front suant, au pied de mon Calvaire,</div>
-<div class="verse">Afin que de ta main douce, que je révère,</div>
-<div class="verse i2">Mes yeux, mon front soient essuyés.</div>
-
-<div class="verse stanza">Oh ! tout homme est un Christ et subit l’injustice</div>
-<div class="verse">Mais tous ne trouvent pas, en gravissant le mont,</div>
-<div class="verse">Comme j’ai rencontré Véronique et Simon,</div>
-<div class="verse i2">Un cœur tendre qui compatisse.</div>
-
-<div class="verse stanza">Je viens à toi, ma sœur, comme un dieu châtié,</div>
-<div class="verse">Non pas pour que de moi ma douleur se retire,</div>
-<div class="verse">Mais pour que, suscitant l’amour par mon martyre,</div>
-<div class="verse i2">Je puisse croire à la pitié.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c60">LX<br />
-LA FACE SUR LE VOILE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Non, telle qu’elle s’est empreinte sur le voile</div>
-<div class="verse">Que sur elle posa la tendre humanité,</div>
-<div class="verse">La face de Jésus, divine sans étoile,</div>
-<div class="verse">Ne garde pas le sceau de l’affront supporté.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et ce n’est pas le sang qui, dessinant les lignes,</div>
-<div class="verse">En a, dans l’éternel, fixé le beau contour ;</div>
-<div class="verse">Non, elle a les candeurs des neiges et des cygnes,</div>
-<div class="verse">Les pâleurs d’un albâtre où veille un feu d’amour.</div>
-
-<div class="verse stanza">Sur le voile éternel où luit l’image auguste,</div>
-<div class="verse">Et que l’humanité baise encore en pleurant,</div>
-<div class="verse">On voit, dans la beauté du front, l’âme du juste,</div>
-<div class="verse">La paisible fierté d’un humble resté grand.</div>
-
-<div class="verse stanza">Le vendu de Judas, le renié de Pierre,</div>
-<div class="verse">Devant aucun de ceux qui le crucifieront,</div>
-<div class="verse">N’a jamais abaissé cette calme paupière :</div>
-<div class="verse">C’est vers les humbles seuls qu’il a courbé le front.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et la sueur de sang dans la grotte du doute,</div>
-<div class="verse">Les noirs caillots, fleurons de ta couronne, ô Christ !</div>
-<div class="verse">Sous tes yeux creux, les pleurs égrenés goutte à goutte,</div>
-<div class="verse">Toute l’horreur s’efface en ta splendeur d’esprit !</div>
-
-<div class="verse stanza">La paix, la volonté, la force de ton âme,</div>
-<div class="verse">Empreintes sur ton front, dominent les effrois,</div>
-<div class="verse">Et notre âme, pourtant plus faible qu’une femme,</div>
-<div class="verse">Oublie, — en regardant tes yeux, — l’horrible croix.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c61">LXI<br />
-L’HORIZON DU CALVAIRE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Quand il fut sur le mont, il domina la ville</div>
-<div class="verse">Et la Judée et tous les pays d’alentour,</div>
-<div class="verse">Et, par-dessus les cris de cette plèbe vile,</div>
-<div class="verse">Plus loin que l’horizon ses yeux portaient l’amour.</div>
-
-<div class="verse stanza">Son regard s’arrêtant sur l’Occident, sur Rome :</div>
-<div class="verse">— « Pan est vaincu ! » dit-il ; puis son esprit vola</div>
-<div class="verse">Vers le Sud, et son cœur d’enfant s’émut dans l’homme,</div>
-<div class="verse">Vit Bethléem et dit : « L’étoile est toujours là ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Puis il cherche au Levant, vers le lac Asphaltite,</div>
-<div class="verse">Les barques des pêcheurs sur les rivages blancs,</div>
-<div class="verse">Ses amis, dont la foi lui semble bien petite,</div>
-<div class="verse">Puisqu’ils sont aujourd’hui dispersés et tremblants.</div>
-
-<div class="verse stanza">Puis, au Nord, il revoit, par delà Samarie,</div>
-<div class="verse">La douce Galilée et l’aube des matins,</div>
-<div class="verse">Les reproches touchants de sa mère Marie</div>
-<div class="verse">Et l’outil maladroit sous ses doigts enfantins.</div>
-
-<div class="verse stanza">Toute sa vie en lui dans un éclair repasse,</div>
-<div class="verse">Et la terre, où ce roi commandera les rois,</div>
-<div class="verse">Lui rend justice et dit : « Ton cœur emplit l’espace ! »</div>
-<div class="verse">Mais le bourreau cria : « C’est prêt, viens sur ta croix. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c62">LXII<br />
-LE TROU DANS LE ROC</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Pour planter et dresser la croix couchée à terre,</div>
-<div class="verse">Il faut d’abord creuser le Golgotha pierreux ;</div>
-<div class="verse">Le ciel noir regardait s’accomplir ce mystère,</div>
-<div class="verse">Et les gens commençaient à parler bas entre eux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Sous le fer jaillissait le feu des rocs rebelles ;</div>
-<div class="verse">Et le trou qu’il fallait se creusa lentement,</div>
-<div class="verse">Et Jésus, regardant ce trou plein d’étincelles :</div>
-<div class="verse">«  — Ma maison doit durer sur un tel fondement. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Puis, quand ce fut fini : « Par ma mort je commence ;</div>
-<div class="verse">Regardez donc, vous tous qui pouvez approcher ;</div>
-<div class="verse">Dans ce trou de rocher je jette ma semence :</div>
-<div class="verse">Ma moisson lèvera dans un trou de rocher. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c63">LXIII<br />
-LE BOURREAU SUR L’ÉCHELLE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et lorsqu’il fut en croix, un homme, sur l’échelle,</div>
-<div class="verse">Vint battre encor les clous qui retenaient ses bras,</div>
-<div class="verse">Et le martyr, sentant que le bourreau chancelle :</div>
-<div class="verse">— « Si tu veux te hâter, frère, tu tomberas !… »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et le vil mercenaire à qui le mot s’adresse,</div>
-<div class="verse">Si ce mot ne l’eût pas mis en garde, tombait…</div>
-<div class="verse">Et c’est le cœur gonflé d’inutile tendresse,</div>
-<div class="verse">En pleurant, qu’il frappa sur les clous du gibet.</div>
-
-<div class="verse stanza">Alors le dieu cria, sentant ses mains percées,</div>
-<div class="verse">Levant ses yeux sanglants vers le grand ciel profond,</div>
-<div class="verse">Bien plus que de leurs clous souffrant de ses pensées :</div>
-<div class="verse">« Pardonnons-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c64">LXIV<br />
-LES INVECTIVES DE LA FOULE<br />
-<span class="small">A JÉSUS CLOUÉ SUR LA CROIX</span></h3>
-
-<p class="c small">VOIX DANS LE PEUPLE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— Eh ! tire-toi de là, fils de Dieu, Dieu toi-même !</div>
-<div class="verse">— Tu nous vois de plus haut !</div>
-<div class="verse i14">— Est-on bien, là-dessus ?</div>
-<div class="verse">— Ça t’approche du ciel.</div>
-<div class="verse i12">— Salut au roi Jésus !</div>
-<div class="verse">— Grand roi, qui t’a donné ce riche diadème</div>
-<div class="verse">Où tant de gros rubis brillent comme du sang ?</div>
-
-<div class="verse stanza">— Eh bien, tes douze amis ? ils t’ont vendu, bonne âme</div>
-<div class="verse">Ils t’aimaient, disais-tu, malin ?</div>
-<div class="verse i17">— Faux innocent !</div>
-<div class="verse">— Bandit !</div>
-<div class="verse i5">— Coquin !</div>
-<div class="verse i10">— Sorcier !</div>
-<div class="verse i15">— Lâche !</div>
-<div class="verse i20">— Imposteur infâme</div>
-<div class="verse">— Ton Dieu si bon ne vient pas vite à ton secours !</div>
-
-<div class="verse stanza">— Un orgueilleux ! qui dit un jour à ses apôtres :</div>
-<div class="verse">« Pleurez, amis, car vous ne m’aurez pas toujours ! »</div>
-<div class="verse">Ça ne va pas tarder !</div>
-<div class="verse i10">— Toi qui sauves les autres,</div>
-<div class="verse">Sauve-toi !</div>
-<div class="verse i5">— Tu m’as l’air cloué solidement.</div>
-<div class="verse">— Tu vas passer la nuit au bon frais, par exemple !</div>
-<div class="verse">— Il n’est pas mal bâti !</div>
-<div class="verse i12">— Bâti comme le Temple !</div>
-<div class="verse">— Pour un Verbe tout pur, il semble bien en chair.</div>
-
-<div class="verse stanza">— Quoique tu sois un pur esprit, ton corps t’est cher,</div>
-<div class="verse">Car tu fais la grimace. Elle n’est pas très belle.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Éli ! Éli !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN SOLDAT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i5">Eh bien ! que dit-il ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN AUTRE SOLDAT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i15">Il appelle</div>
-<div class="verse">Élie à son secours.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">VOIX DANS LE PEUPLE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i10">Chante, mon bel oiseau !</div>
-<div class="verse">— J’aime à voir le vrai roi d’Israël, dans sa gloire !</div>
-<div class="verse">— Il ne souffle plus mot, ce grand parleur.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i22">A boire !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PREMIER SOLDAT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Plante-moi cette éponge au bout de ce roseau.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">DEUXIÈME SOLDAT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Trempons-la dans le fiel, c’est très bon pour la fièvre.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PREMIER SOLDAT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’est bien. Promenons-la maintenant sur sa lèvre…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Dieu ! leur malignité, c’est ma seule douleur…</div>
-<div class="verse">Pardonnez-leur, pardonnez-leur, pardonnez-leur.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c65">LXV<br />
-LES DEUX LARRONS</h3>
-
-<p class="c small">PREMIER LARRON.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Toi qui te dis le Christ, sauve-toi donc toi-même</div>
-<div class="verse">Et nous avec ! — Ton Dieu nous délivre, s’il t’aime !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">DEUXIÈME LARRON.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tu ne crains donc pas Dieu ? Si nous deux nous souffrons,</div>
-<div class="verse">Si les lourds châtiments écrasent nos deux fronts,</div>
-<div class="verse">C’est justice ! — Mais lui n’a fait mal à personne…</div>
-<div class="verse">Seigneur crucifié, Seigneur dont l’âme est bonne,</div>
-<div class="verse">Songe à moi dans ton ciel… Tu me le promets, dis ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JÉSUS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tu viendras avec moi, frère, en mon paradis.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c66">LXVI<br />
-AU BON VOLEUR</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i2">Béni, sois béni, bon voleur,</div>
-<div class="verse i2">Pour avoir dit ces deux paroles,</div>
-<div class="verse i2">Ami, c’est toi qui nous consoles</div>
-<div class="verse i2">Dans cette suprême douleur ;</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Toi qui relèves le nom d’homme,</div>
-<div class="verse i2">A l’heure de la lâcheté,</div>
-<div class="verse i2">Quand tous ses amis l’ont quitté,</div>
-<div class="verse i2">Quand le grand crime se consomme.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Tu veux ta part de paradis ?</div>
-<div class="verse i2">Mais ton cœur est bon, puisqu’il aime,</div>
-<div class="verse i2">Tandis qu’ennemi de lui-même,</div>
-<div class="verse i2">L’autre raille ce que tu dis.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Sois béni, pauvre misérable,</div>
-<div class="verse i2">Sois envié par les meilleurs,</div>
-<div class="verse i2">Pour avoir mis sur nos douleurs</div>
-<div class="verse i2">Ton égoïsme secourable.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Et n’est-ce pas qu’il te fut bon,</div>
-<div class="verse i2">En retour de ta confiance,</div>
-<div class="verse i2">Le mot du Dieu de patience,</div>
-<div class="verse i2">Son mot suave de pardon ?</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">N’est-ce pas qu’à la mauvaise heure</div>
-<div class="verse i2">Où l’âme de nos lèvres sort,</div>
-<div class="verse i2">Tu trouvas bon goût à la mort,</div>
-<div class="verse i2">Un goût de paix intérieure ?</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Quand ton souffle s’est envolé,</div>
-<div class="verse i2">— Pour avoir, rien qu’une seconde,</div>
-<div class="verse i2">Espéré le salut du monde,</div>
-<div class="verse i2">Tu te sentis tout consolé…</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Les moqueurs nient, dans un blasphème,</div>
-<div class="verse i2">Qu’on entre au royaume des cieux…</div>
-<div class="verse i2">Soit. C’est lui qui, délicieux,</div>
-<div class="verse i2">Entre dans l’âme, dès qu’on aime.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c67">LXVII<br />
-LE DOUTE SUPRÊME</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Alors la nuit se fit dans son âme profonde</div>
-<div class="verse">Et tout le ciel immense en était attristé ;</div>
-<div class="verse">Et sa douleur, qui plane encore sur le monde,</div>
-<div class="verse">Ne s’est pas consolée avec sa charité !</div>
-
-<div class="verse stanza">La croix ouvrait les bras sur le sommet funeste ;</div>
-<div class="verse">Les deux autres gibets parurent plus petits ;</div>
-<div class="verse">La terre s’assombrit du soir, du deuil céleste,</div>
-<div class="verse">Et tous les beaux espoirs semblèrent démentis.</div>
-
-<div class="verse stanza">Où sont ceux qui, pressés les uns contre les autres,</div>
-<div class="verse">Afin d’être guéris touchaient son vêtement ?</div>
-<div class="verse">Où sont ceux qui l’aimaient ? où sont les Douze Apôtres ?…</div>
-<div class="verse">Il est seul, seul, tout seul, seul lamentablement !</div>
-
-<div class="verse stanza">Point de justice. Rien ! Pas de peuple ; une foule…</div>
-<div class="verse">Les femmes de pitié regardent, mais de loin,</div>
-<div class="verse">Et debout sur la croix, d’où son sang coule et coule,</div>
-<div class="verse">Il peut se réjouir de douter sans témoin.</div>
-
-<div class="verse stanza">O nuit d’horreur montante ! Oh ! les basses nuées !</div>
-<div class="verse">La foule, qui serpente au flanc du Golgotha,</div>
-<div class="verse">Envoie encor d’en bas de sinistres huées…</div>
-<div class="verse">Alors le battement de son cœur s’arrêta.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et ce fut sa seconde et sa grande agonie ;</div>
-<div class="verse">Vainement il cherchait, en d’horribles efforts,</div>
-<div class="verse">A rejoindre, là-haut, la Tendresse infinie…</div>
-<div class="verse">Son âme était clouée au bois, — comme son corps !</div>
-
-<div class="verse stanza">Et rien ne descendit du ciel — qui semblait triste,</div>
-<div class="verse">Pas un souffle d’espoir, pas un signe d’amour,</div>
-<div class="verse">Et sur le mont désert, où plus rien ne l’assiste,</div>
-<div class="verse">Il doute dans la mort, et meurt avec le jour.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et ce vaincu, croyant que personne n’écoute,</div>
-<div class="verse">Pleurant éperdument son beau rêve infini,</div>
-<div class="verse">Pousse alors le grand cri, son cri, le cri du doute :</div>
-<div class="verse">« Éli, dit-il, Éli ! Lamma Sabacthani !</div>
-
-<div class="verse stanza">« A moi, Seigneur ! Seigneur, à moi ! tout m’abandonne</div>
-<div class="verse">N’est-ce donc pas de vous que je fus l’inspiré ? »</div>
-<div class="verse">Et penchant son front las sous l’horrible couronne,</div>
-<div class="verse">Le grand donneur d’espoir était désespéré.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c68">LXVIII<br />
-LE TESTAMENT D’AMOUR</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Or, voyant venir Jean, il oublia le doute</div>
-<div class="verse">Et dit, dans un sourire : « O Jean, tu me suffis. »</div>
-<div class="verse">Et Marie arrivant avec Jean : « Frère, écoute :</div>
-<div class="verse">Voici ta mère ; et toi, femme, voilà ton fils ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c69">LXIX<br />
-OÙ SONT LES AUTRES ?</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i2">Quand il vit Jean, seul des Apôtres,</div>
-<div class="verse i2">Au pied de l’arbre des douleurs,</div>
-<div class="verse i2">Il se dit : « Où sont tous les autres ?</div>
-<div class="verse i2">Pourtant mes maux sont faits des leurs !</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« Ils me suivaient près des eaux calmes,</div>
-<div class="verse i2">Dans les blés mûrs, dans la clarté,</div>
-<div class="verse i2">Dans les honneurs, le jour des palmes…</div>
-<div class="verse i2">L’ombre vient : ils m’ont tous quitté ! »</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Oh ! lâches, lâches, trois fois lâches,</div>
-<div class="verse i2">Ceux qui, payés d’un tel amour,</div>
-<div class="verse i2">Ont fui devant les fortes tâches,</div>
-<div class="verse i2">Peureux dès qu’il n’a plus fait jour.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Ils ont fait mentir l’espérance !</div>
-<div class="verse i2">Ils avaient promis leur effort,</div>
-<div class="verse i2">Mais ils feignent l’indifférence</div>
-<div class="verse i2">Pour l’ami menacé de mort.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Ils répéteront sa parole</div>
-<div class="verse i2">Quand il n’entendra plus leurs voix</div>
-<div class="verse i2">Excepté Jean, qui le console ?</div>
-<div class="verse i2">Ils ont tous peur de cette croix !</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Ils n’auront pas vu l’agonie !</div>
-<div class="verse i2">Ils diront : « Pardonnez, Dieu bon ! »</div>
-<div class="verse i2">Lorsque la tendresse infinie</div>
-<div class="verse i2">Aura souffert tout l’abandon !</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Leur troupe hier s’est dispersée ;</div>
-<div class="verse i2">Ces pêcheurs ont repris hier</div>
-<div class="verse i2">La barque qu’ils avaient laissée</div>
-<div class="verse i2">Sur le sable au bord de la mer.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Renonçant à pêcher des âmes,</div>
-<div class="verse i2">Ils jettent leurs filets, bien loin…</div>
-<div class="verse i2">Qui donc aura pitié ? les femmes ;</div>
-<div class="verse i2">Et, seul d’entre eux, Jean est témoin.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">Marie est là, pauvre âme en peine,</div>
-<div class="verse i2">Mais c’est sa mère. Il est l’enfant !</div>
-<div class="verse i2">Qu’est-ce après tout que Magdeleine ?</div>
-<div class="verse i2">L’autre amour, partout triomphant.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">L’amitié désintéressée,</div>
-<div class="verse i2">L’amour issu du Verbe pur,</div>
-<div class="verse i2">C’est Jean, le fils de sa pensée,</div>
-<div class="verse i2">Le cœur tendre et fort, l’ami sûr.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« C’est Jean qui connaît ma doctrine,</div>
-<div class="verse i2">C’est lui dont j’ai touché le front,</div>
-<div class="verse i2">Lui qui posa sur ma poitrine</div>
-<div class="verse i2">Sa tête où mes doigts se verront.</div>
-
-<div class="verse i2 stanza">« Jean, seul, vient quand je désespère,</div>
-<div class="verse i2">Quand, du fond des gouffres d’en bas,</div>
-<div class="verse i2">Je jette un grand cri vers mon Père,</div>
-<div class="verse i2">Qui, lui non plus, ne répond pas ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c70">LXX<br />
-JEAN</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Quand il vit Jean, l’ami dont l’âme était câline,</div>
-<div class="verse">Qui, le jour où Judas le trompait bassement,</div>
-<div class="verse">Avait longtemps posé le front sur sa poitrine,</div>
-<div class="verse">Jésus, dans son cœur, dit à son disciple aimant :</div>
-
-<div class="verse stanza">« Jean, mon doux bien-aimé, l’horreur emplit ma bouche</div>
-<div class="verse">Et ma lèvre est scellée et tu ne m’entends pas,</div>
-<div class="verse">Mais ton âme m’entend, mon angoisse te touche,</div>
-<div class="verse">Et c’est pour m’épargner que tu pleures si bas.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Oh ! Jean, mon bien-aimé ! Jean, mon frère suave,</div>
-<div class="verse">Dieu tout là-haut me fuit, mais en bas, toi tu viens !</div>
-<div class="verse">Des plus tristes péchés la tendresse nous lave,</div>
-<div class="verse">L’amour baptise seul ; seuls, les aimants sont miens.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Jean, j’ai douté de ton amitié, tout à l’heure…</div>
-<div class="verse">Maintenant j’ai compris ; j’avais manqué de foi !</div>
-<div class="verse">Frère, tu consolais cette mère qui pleure,</div>
-<div class="verse">Tu t’attardais pour elle à souffrir loin de moi !</div>
-
-<div class="verse stanza">« O Jean, mon adoré, ne t’éloigne plus ; reste ;</div>
-<div class="verse">Défends mon humble esprit contre Satan moqueur :</div>
-<div class="verse">Ton cœur d’homme est plus sûr que mon rêve céleste.</div>
-<div class="verse">Jean, mon Dieu me répond : je l’entends dans ton cœur !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Je le cherchais là-haut : je le trouve en ton âme ;</div>
-<div class="verse">J’avais douté de l’homme et je suis châtié !</div>
-<div class="verse">Le royaume de Dieu, c’est la petite flamme</div>
-<div class="verse">Qui veille sur la terre et qu’on nomme pitié.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Je crois sentir encor ta tête caressante</div>
-<div class="verse">Peser sur mon épaule et sur mon cœur humain,</div>
-<div class="verse">Et même je sens mieux, dans cette horreur présente,</div>
-<div class="verse">Ta bonté dans mon cœur que leurs clous dans ma main ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et lorsque le menton de Jésus-Christ s’écrase</div>
-<div class="verse">Sur sa poitrine, avec un soupir innomé,</div>
-<div class="verse">C’est que, voyant la mort, il croit, dans une extase,</div>
-<div class="verse">S’endormir sur le cœur de Jean, le bien-aimé.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c71">LXXI<br />
-LE CHEMIN VERS DIEU</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Quand l’âme d’un vivant nous suit dans l’agonie,</div>
-<div class="verse">C’est un bonheur d’amour ineffable, si grand,</div>
-<div class="verse">De voir cette lueur dans notre ombre infinie,</div>
-<div class="verse">Que tout le reste est vil aux regards du mourant.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il ne regrette plus ni la grâce des roses,</div>
-<div class="verse">Ni les rires d’enfant, ni le bleu clair du ciel…</div>
-<div class="verse">Il voit ce qu’il chercha sous le spectre des choses :</div>
-<div class="verse">L’amour réalisé dans l’immatériel.</div>
-
-<div class="verse stanza">Tout le vide pour lui s’emplit d’une lumière,</div>
-<div class="verse">Tout le froid de la mort rayonne de chaleur,</div>
-<div class="verse">Et sa suprême joie est vraiment la première,</div>
-<div class="verse">Parce qu’un mal plus grand nous fait l’espoir meilleur.</div>
-
-<div class="verse stanza">Au chevet des mourants fais donc veiller des flammes ;</div>
-<div class="verse">Parle bas : leur ouïe est fine quelquefois…</div>
-<div class="verse">On dirait que l’espace, où vont entrer leurs âmes</div>
-<div class="verse">A des échos sans fond qui décuplent nos voix.</div>
-
-<div class="verse stanza">Prends garde ! près des morts épure ta pensée :</div>
-<div class="verse">Elle vibre… Autour d’eux elle ébranle un éther</div>
-<div class="verse">Qui la transmet entière à leur âme blessée…</div>
-<div class="verse">Ne les contriste pas des adieux de ta chair.</div>
-
-<div class="verse stanza">Frère, il faut consoler d’une pitié suprême</div>
-<div class="verse">Ceux qui sentent monter le flot mystérieux…</div>
-<div class="verse">La surdité des morts entend — lorsqu’on les aime ;</div>
-<div class="verse">Et leur cécité voit — quand nous baisons leurs yeux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ils ne regrettent plus alors l’éclat des roses,</div>
-<div class="verse">Ni les rires d’enfants, ni le bleu clair du ciel…</div>
-<div class="verse">Ils voient ce qu’ils cherchaient sous le spectre des choses :</div>
-<div class="verse">L’amour réalisé dans l’immatériel.</div>
-
-<div class="verse stanza">Aimons-les, ceux dont l’âme en fuite, folle ou sage,</div>
-<div class="verse">Nous écoute déjà du fond d’un autre lieu…</div>
-<div class="verse">L’amour peut éclairer lui seul le noir passage :</div>
-<div class="verse">Être aimé dans la mort, c’est le chemin vers Dieu.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c72">LXXII<br />
-PROPOS DE FOULE</h3>
-
-<p class="didc">Dans les sentiers du Golgotha.</p>
-
-<p class="c small">UN HOMME DU PEUPLE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Est-il bien mort ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN AUTRE HOMME DU PEUPLE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i9">Il peut durer jusqu’à l’aurore</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PREMIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">La nuit doit sembler longue à ces gens mis en croix.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SECOND.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">J’ai faim ; as-tu soupé, Jonathan ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PREMIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i17">Pas encore.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE SECOND.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ta femme va gronder ; qu’en dis-tu ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PREMIER.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i17">Je le crois.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN SOLDAT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Comme le sang coulait sous le bandeau d’épines !</div>
-<div class="verse">Moi, j’aime à voir souffrir. Je me sens mieux vivant.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">DEUXIÈME SOLDAT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Le sang giclait des mains, des yeux et des narines…</div>
-<div class="verse">Un beau crucifié ne se voit pas souvent.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN JEUNE DÉBAUCHÉ.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Viens souper, belle fille. En s’aimant, on oublie.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UNE COURTISANE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Non, je veux souper seule et rester seule un peu.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE DÉBAUCHÉ.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Tu pleures ? Ça te fait paraître moins jolie.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA COURTISANE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Je pleure ce jeune homme ; il est beau comme un dieu.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il est mort sans trembler.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i13">Bah ! au cirque de Rome</div>
-<div class="verse">Le gladiateur tombe en saluant César.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PREMIER CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Non, non, la grandeur vraie éclate dans cet homme.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Vous n’êtes qu’un enfant… Bien mourir, c’est un art.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PREMIER CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Seriez-vous mort si bien ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i13">Oui, devant Cléopâtre.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PREMIER CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Magdeleine est donc là ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i12">Parbleu, mais un peu loin…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PREMIER CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Donc, selon vous, Jésus ?…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">DEUXIÈME CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i14">Un héros de théâtre.</div>
-<div class="verse">J’aurais voulu le voir mis en croix — sans témoin !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PREMIER CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Allons souper, j’entends me couronner de roses,</div>
-<div class="verse">Pour oublier un peu ce spectacle assez noir.</div>
-<div class="verse">Pilate est du festin ; il veut savoir les choses :</div>
-<div class="verse">C’est pour les lui conter que je suis venu voir.</div>
-<div class="verse">J’en parlerai souvent, à mon retour dans Rome.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">TROISIÈME CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Peut-être était-ce un dieu ?…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PREMIER CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i15">Je ne le nierais pas.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">QUATRIÈME CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Oh ! cet homme est plus grand qu’un dieu, s’il n’est qu’un homme.</div>
-<div class="verse">… Par Hercule ! j’aurais mis à mort Barrabas !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">TROISIÈME CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ce qui veut dire ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">QUATRIÈME CITOYEN ROMAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i9">Eh ! mais… que sa mort, un exemple</div>
-<div class="verse">Va faire à ce Jésus mille apôtres demain !</div>
-<div class="verse">Jupiter est vaincu ; c’est temple contre temple ;</div>
-<div class="verse">Et nous verrons la croix sur l’univers romain.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">UN SAMARITAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Moi, je ne croyais pas à ce Jésus. Que dis-je !</div>
-<div class="verse">J’ai souhaité sa perte et qu’il fût châtié…</div>
-<div class="verse">Ce qui me fait chrétien (sa mort est un prodige),</div>
-<div class="verse">C’est l’admiration.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE BON SAMARITAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i10">Et moi, c’est la pitié.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c73">LXXIII<br />
-C’EST LUI QUI VEILLE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Comme il penchait le front, sur cette croix infâme,</div>
-<div class="verse">L’Homme sentit venir un étrange sommeil</div>
-<div class="verse">Qui traître, se glissait, souple, au serpent pareil,</div>
-<div class="verse">Dans son corps douloureux où gémissait son âme.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et pourquoi non ? Marie est au pied du gibet,</div>
-<div class="verse">Et Magdeleine et Jean, qui pleurent en silence ;</div>
-<div class="verse">Les soldats dorment, droits, appuyés sur leur lance,</div>
-<div class="verse">Et Jésus au sommeil perfide succombait.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il sentait s’assoupir sa douleur infinie ;</div>
-<div class="verse">Un voile descendait entre elle et l’univers ;</div>
-<div class="verse">Tous ses maux lui semblaient des maux jadis soufferts,</div>
-<div class="verse">Son présent déjà loin — et c’était l’agonie.</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais il s’était promis de souffrir dans la mort,</div>
-<div class="verse">D’accomplir jusqu’au bout les choses du mystère,</div>
-<div class="verse">Car ses veilles tombaient en bienfaits sur la terre…</div>
-<div class="verse">Il se redressa donc, par un suprême effort…</div>
-
-<div class="verse stanza">Rouvrit tout grands ses yeux, clairs dans la nuit profonde,</div>
-<div class="verse">Et pesant sur ses pieds et tirant sur ses bras,</div>
-<div class="verse">L’Homme en croix, bien certain qu’on ne l’observait pas,</div>
-<div class="verse">Réveilla ses douleurs pour saigner sur le monde.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c74">LXXIV<br />
-L’HOMME MEURT SEUL</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Comme il allait mourir, il abaissa les yeux</div>
-<div class="verse">Vers sa mère et vit bien qu’elle était assoupie.</div>
-<div class="verse">Or le Maître jugea cette faiblesse impie…</div>
-<div class="verse">Mais son cœur reconnut que cela valait mieux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il bénit le sommeil qui consolait la mère…</div>
-<div class="verse">Il aurait bien voulu que la mère eût compris.</div>
-<div class="verse">Malheur aux dévoués qui dévorent leurs cris.</div>
-<div class="verse">Les plus doux ont goûté la solitude amère.</div>
-
-<div class="verse stanza">Or Magdeleine et Jean, car c’était le matin,</div>
-<div class="verse">L’heure froide où la nuit, près de mourir, frissonne,</div>
-<div class="verse">S’endormirent. Qui donc le veillait ? Plus personne.</div>
-<div class="verse">Alors il se revit bien seul dans son destin.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il retrouva l’horreur de l’angoisse sacrée,</div>
-<div class="verse">Et de son flanc, rouvert par un regret blessant,</div>
-<div class="verse">Une liqueur coula… Ce n’était plus du sang…</div>
-<div class="verse">Et sa force lui fut, par ceci, retirée.</div>
-
-<div class="verse stanza">Vainement il voulut faire un dernier effort :</div>
-<div class="verse">Son menton s’écrasa, pesant, sur sa poitrine…</div>
-<div class="verse">Un souffle s’envola de sa lèvre divine…</div>
-<div class="verse">Et tout fut accompli par sa vie et sa mort.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c75">LXXV<br />
-LA GLOIRE DES LYS</h3>
-
-<p class="c small">LE TEMPLE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mon voile est déchiré, mon voile se déchire :</div>
-<div class="verse">Jésus est mort !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE BON GRAIN.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i8">Pas plus que le grain du froment.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VENT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Jésus est mort.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LES MOISSONS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i7">Tu dis ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VENT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i11">Ce que tout doit redire :</div>
-<div class="verse">Jésus est mort.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LES BLÉS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i8">Son grain vit éternellement.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VENT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il est mort dans l’horreur, sous les coups et l’insulte,</div>
-<div class="verse">Mis en croix, entouré de visages affreux.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA TERRE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Je me suis entr’ouverte et les morts en tumulte</div>
-<div class="verse">Sont sortis des tombeaux pour en parler entre eux.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE CIEL.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Moi j’ai cherché la nuit ; ma face s’est voilée</div>
-<div class="verse">Et tout a tressailli d’une grande douleur.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE VENT.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Pleurez, lys des coteaux ou lys de la vallée</div>
-<div class="verse">O vous tous qu’il aima, choses, bêtes et fleur.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’ANE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mon humble cœur est plein d’une tristesse amère :</div>
-<div class="verse">Je l’ai beaucoup connu ; je l’ai beaucoup aimé.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE BŒUF.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Te souviens-tu du jour où, mieux que père et mère,</div>
-<div class="verse">Nous le chauffions tout nu dans le foin parfumé ?…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’ANE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Comme il était mignon près de toi, grosse bête !</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE BŒUF.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Je n’avais pas prévu cet horrible destin.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’ANE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’était un temps joyeux. Nous étions tous en fête.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE BŒUF.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’est le deuil d’un grand soir. C’était mieux qu’un matin.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’ANE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Les hommes sont hideux d’avoir pris pour victime</div>
-<div class="verse">Celui qui défendit d’immoler des taureaux.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE BŒUF.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Chez les ânes jamais on n’a vu pareil crime.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">L’ANE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Jamais parmi les bœufs on ne vit de bourreaux.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LES PETITS POISSONS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Nous les petits poissons qu’il offrait à la foule,</div>
-<div class="verse">Nous plaindrons-nous d’avoir été ce qui nourrit,</div>
-<div class="verse">Lorsque, grain sous la meule ou raisin que l’on foule,</div>
-<div class="verse">Lui-même il s’est donné, pain et vin de l’esprit ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA BREBIS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il m’a prise en ses bras quand je m’étais perdue ;</div>
-<div class="verse">Il aimait ses brebis ; ce fut un doux berger.</div>
-<div class="verse">J’étais bien loin ; ma voix, à grand’peine entendue,</div>
-<div class="verse">Le guidait, à travers les monts et le danger.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA COLOMBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il a plus d’une fois baisé mes blanches ailes.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE PASSEREAU.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il m’a pris bien souvent dans le creux de sa main.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA COLOMBE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mon bec rose a baisé ses mains blanches et belles.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LE MOINEAU.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">J’ai gazouillé d’amour au bord de son chemin.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LA GLOIRE DES LYS.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ne vous lamentez plus, ô fleurs, bêtes et choses :</div>
-<div class="verse">Nous ferons oublier à tous cet affreux jour ;</div>
-<div class="verse">Sous l’azur, les lys blanc, bien plus beaux que les roses,</div>
-<div class="verse">Par-dessus sa misère élèvent son amour.</div>
-
-<div class="verse stanza">Devant ses pieds sanglants, sous l’effroi des prodiges,</div>
-<div class="verse">Laissons les criminels s’écraser à genoux ;</div>
-<div class="verse">Nous, toujours blancs et purs, droits sur nos fermes tiges,</div>
-<div class="verse">Nous dirons qu’il fut jeune et blanc comme un de nous.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il était pur et blanc, droit comme nous le sommes,</div>
-<div class="verse">Et ses oiseaux chéris le diront dans leurs chants.</div>
-<div class="verse">Ce fut un étranger divin parmi les hommes,</div>
-<div class="verse">Ce n’était qu’un ami parmi les fleurs des champs.</div>
-
-<div class="verse stanza">Laissez l’homme gémir, passereaux et colombes !</div>
-<div class="verse">Et nous, les innocents, les lys qu’il regretta,</div>
-<div class="verse">Croissons, multiplions, couvrons toutes les tombes,</div>
-<div class="verse">Et par pitié cachons l’horreur du Golgotha.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c76">LXXVI<br />
-JOSEPH D’ARIMATHIE
-CHEZ PILATE</h3>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Quoi ! vous, un sénateur, Joseph d’Arimathie,</div>
-<div class="verse">Vous venez demander d’ensevelir Jésus !</div>
-<div class="verse">Et vous blâmez sa mort, quand je l’ai consentie.</div>
-<div class="verse">Ces sentiments nouveaux…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse i13">Je les ai toujours eus,</div>
-<div class="verse">Jamais je n’approuvai la malice des autres,</div>
-<div class="verse">Mais j’étais riche, faible, et même sénateur !</div>
-<div class="verse">Comme sur lui la haine était sur ses Apôtres :</div>
-<div class="verse">Je faisais comme vous, Pilate, j’avais peur !…</div>
-<div class="verse">J’ai honte enfin de voir comment on l’abandonne…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Quand on court au-devant du blâme, on a grand tort.</div>
-<div class="verse">Si je vous ai dit non, ma raison est fort bonne :</div>
-<div class="verse">Quel bien lui ferez-vous maintenant qu’il est mort ?</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Je soulage du moins la conscience humaine,</div>
-<div class="verse">Vous avez décrété tant d’horreur aujourd’hui,</div>
-<div class="verse">Qu’une vertu m’a pris, que la mesure est pleine</div>
-<div class="verse">Et je vous secours, vous, Pilate, plus que lui.</div>
-<div class="verse">Il ne faut pas qu’on dise à la race future</div>
-<div class="verse">Qu’après avoir fait fuir, sous le vent de l’effroi,</div>
-<div class="verse">Ses disciples, des gens simples dans leur nature,</div>
-<div class="verse">Vous avez refusé le corps du Maître, à moi.</div>
-<div class="verse">Je veux ensevelir cet homme comme un homme,</div>
-<div class="verse">Et vous le permettrez, je vous prie, ou sinon</div>
-<div class="verse">J’irai dire partout que le préfet de Rome,</div>
-<div class="verse">Ayant tué Jésus, tremblait devant son nom.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">PILATE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Sa mort a fait souffler comme un vent de démence…</div>
-<div class="verse">Allez donc enfouir à tout jamais son corps.</div>
-</div>
-
-<p class="c small">JOSEPH.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Sa mission finit, mais la nôtre commence…</div>
-<div class="verse">Il ressuscitera, par nous, d’entre les morts.</div>
-</div>
-
-<p class="didc">A Nicodème qui l’attend au seuil :</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Viens, parais maintenant, très humble ami du Maître,</div>
-<div class="verse">Qui, comme moi, suivis en secret ses leçons.</div>
-<div class="verse">Nous qui n’osâmes pas, vivant, le reconnaître,</div>
-<div class="verse">Maintenant qu’il est seul dans la mort, paraissons !</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c77">LXXVII<br />
-MAGDELEINE</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Alors, à l’Orient, une aube froide et blême,</div>
-<div class="verse">Traînant sur la montagne une robe en haillons,</div>
-<div class="verse">Parut. L’Homme aussitôt, sous les premiers rayons,</div>
-<div class="verse">Tout pâle, rayonna plus que l’aube elle-même…</div>
-
-<div class="verse stanza">On eût dit que de lui naissait le point du jour,</div>
-<div class="verse">Et que sa chair laissait transparaître des flammes ;</div>
-<div class="verse">Tout sommeillait encor, les soldats, Jean, les femmes…</div>
-<div class="verse">Quel œil se lèvera le premier vers l’amour ?</div>
-
-<div class="verse stanza">Jean était las. Marie était comme écrasée.</div>
-<div class="verse">Les plus grands désespoirs font cet accablement.</div>
-<div class="verse">Un soldat s’éveillait. Dans ce même moment,</div>
-<div class="verse">Magdeleine, en pleurant, pressa la croix baisée.</div>
-
-<div class="verse stanza">Elle éleva vers Lui la beauté de ses yeux</div>
-<div class="verse">Où l’amour tendre et pur était une lumière,</div>
-<div class="verse">Et fière de pleurer, ce jour-là, la première,</div>
-<div class="verse">Elle aima dans la mort l’époux mystérieux.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c78">LXXVIII<br />
-LA VISITE AU TOMBEAU</h3>
-
-<p class="c">RÉCIT DE MAGDELEINE AUX DISCIPLES</p>
-
-<p class="c small">MAGDELEINE.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et nous venions, sa mère, et d’autres avec nous,</div>
-<div class="verse">Apportant au tombeau la myrrhe préparée,</div>
-<div class="verse">Mais nous ne vîmes plus la pierre de l’entrée ;</div>
-<div class="verse">Nous entrâmes alors en pliant les genoux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Deux Anges étaient là, blancs, vêtus de lumière,</div>
-<div class="verse">Qui nous dirent : Pourquoi chercher dans les tombeaux ?</div>
-<div class="verse">Il est vivant. — Et ces deux anges étaient beaux</div>
-<div class="verse">Et me dirent : « Tu dois le revoir la première. »</div>
-
-<div class="verse stanza">A terre, le linceul était demeuré là,</div>
-<div class="verse">Et comme je pleurais, Jésus me dit : « Marie ! »</div>
-<div class="verse">L’ayant vu, je dis : « Maître ! » Alors il s’envola…</div>
-</div>
-
-<p class="c small">LES DISCIPLES.</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Hélas ! Hélas ! Hélas ! c’est une rêverie.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c79">LXXIX<br />
-LA RÉSURRECTION</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Or, il ressuscita, si vivant dans leur âme</div>
-<div class="verse">Que tous crurent le voir et le virent vraiment.</div>
-<div class="verse">Il apparut d’abord dans le cœur d’une femme,</div>
-<div class="verse">Car on garde la vie aux morts en les aimant.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et le ressuscité du cœur de Magdeleine</div>
-<div class="verse">Passa dans tous les cœurs, plus parlant que jamais…</div>
-<div class="verse">La montagne a conté ce prodige à la plaine</div>
-<div class="verse">Et la plaine en chantant l’a redit aux sommets.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et du haut d’un mont bas, vu de toute la terre,</div>
-<div class="verse">Lieu maudit entre tous comme le plus béni,</div>
-<div class="verse">L’ombre des deux grands bras de la croix solitaire</div>
-<div class="verse">Étreint le monde entier dans l’amour infini.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-<h3 id="c80">LXXX<br />
-LES DERNIÈRES PAROLES
-DU LIVRE DE JEAN</h3>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il fit beaucoup, n’ayant que peu de temps à vivre,</div>
-<div class="verse">Et celui qui voudrait tout écrire en détail</div>
-<div class="verse">Ne pourrait pas suffire à l’immense travail,</div>
-<div class="verse">Et le monde serait trop étroit pour le livre.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c81">IL EST ÉTERNEL</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Homme divin, au pied de ta croix qui chancelle,</div>
-<div class="verse">Arbre toujours debout quoique battu du vent,</div>
-<div class="verse">Je viens, humble inspiré de l’âme universelle,</div>
-<div class="verse">A l’heure d’un grand soir, t’adorer en rêvant.</div>
-
-<div class="verse stanza">Des scribes nous ont dit qu’avant ton Évangile,</div>
-<div class="verse">Bien avant toi, Bouddha se fit homme étant roi,</div>
-<div class="verse">Et que ta gloire ainsi comme une autre est fragile,</div>
-<div class="verse">Et que tu n’es plus rien, si Dieu n’est plus en toi.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ils ont dit, pour nier tu charité sublime,</div>
-<div class="verse">Qu’elle prouve la peur des maux qu’on craint pour soi,</div>
-<div class="verse">Comme si le peureux, penché sur la victime,</div>
-<div class="verse">Était moins beau, quand il secourt malgré l’effroi.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ce n’est pas tout : l’horreur mystique sort des tombes</div>
-<div class="verse">Chaque fois que ton nom retentit sur l’autel ;</div>
-<div class="verse">Des chrétiens se sont faits vendeurs de tes colombes :</div>
-<div class="verse">Ils n’ont plus le vrai sens de ton Verbe immortel.</div>
-
-<div class="verse stanza">On a fait de ton nom sortir tous les scandales,</div>
-<div class="verse">Et l’on a vu tes fils, des prêtres et des rois,</div>
-<div class="verse">Ton sceptre en main, les pieds chaussés dans tes sandales,</div>
-<div class="verse">Imitant tes bourreaux, reclouer l’Homme en croix.</div>
-
-<div class="verse stanza">Eh bien, qu’importe à ceux que ta lumière inonde !</div>
-<div class="verse">En es-tu moins la vie et l’espoir incarné,</div>
-<div class="verse">Le vrai Verbe vivant, le vrai salut du monde ?</div>
-<div class="verse">Seul tu conçus l’amour, seul tu nous l’as donné !</div>
-
-<div class="verse stanza">Nul de tes précurseurs n’est vivant dans notre âme,</div>
-<div class="verse">Pour nous c’est ton nom seul qui signifie amour ;</div>
-<div class="verse">Dix-neuf siècles déjà se sont transmis ta flamme,</div>
-<div class="verse">Et chaque heure est ton heure et chaque jour ton jour !</div>
-
-<div class="verse stanza">Quelques versets tombés de ta lèvre divine,</div>
-<div class="verse">Quelques gestes inscrits dans un livre inspiré,</div>
-<div class="verse">Le drame d’une mort où l’espoir se devine,</div>
-<div class="verse">Voilà de quoi le monde est encor pénétré.</div>
-
-<div class="verse stanza">Par de pauvres chansons qui disent ta légende,</div>
-<div class="verse">Par des drames naïfs et des acteurs de bois,</div>
-<div class="verse">Ta parole aux enfants se transmet simple et grande</div>
-<div class="verse">Et souffle en eux de tous les côtés à la fois.</div>
-
-<div class="verse stanza">Certes, nous sommes loin des beautés de ta vie :</div>
-<div class="verse">L’avarice et la haine occupent nos instants ;</div>
-<div class="verse">Notre fange a couvert ta trace mal suivie,</div>
-<div class="verse">Mais ton pur souvenir nous sauve en tous les temps.</div>
-
-<div class="verse stanza">C’est un dernier rayon de ta lointaine étoile,</div>
-<div class="verse">C’est un mot familier qui te répète en nous,</div>
-<div class="verse">C’est Véronique avec ta face sur son voile,</div>
-<div class="verse">C’est le Cyrénéen essuyant tes genoux ;</div>
-
-<div class="verse stanza">C’est Pilate, lavant ses mains du sang du Juste,</div>
-<div class="verse">C’est l’amitié de Jean qui n’abandonne pas,</div>
-<div class="verse">Et nos cœurs sont la Table où ton Verbe s’incruste,</div>
-<div class="verse">Et ton nom retentit sous chacun de nos pas.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ta vie est le flambeau dont l’univers s’éclaire.</div>
-<div class="verse">Sans la simplicité de tes légendes d’or,</div>
-<div class="verse">Ton cœur n’entrerait pas dans le cœur populaire</div>
-<div class="verse">Qui sent, lorsque l’esprit ne conçoit pas encor.</div>
-
-<div class="verse stanza">L’amour n’est pas un fruit des veilles du génie.</div>
-<div class="verse">La mère et son enfant se l’expliquent tout bas :</div>
-<div class="verse">Ta charité, ce n’est qu’une femme infinie</div>
-<div class="verse">Qui voit des fils partout et ne distingue pas.</div>
-
-<div class="verse stanza">C’est ce cœur élargi que tu nous fais comprendre,</div>
-<div class="verse">C’est l’homme ayant pitié de l’homme faible et nu,</div>
-<div class="verse">C’est l’âme de chacun se faisant mère tendre</div>
-<div class="verse">Pour protéger dans tous l’avenir inconnu.</div>
-
-<div class="verse stanza">Un seul flambeau qu’on penche en allume cent mille ;</div>
-<div class="verse">Ton seul cœur généreux suffit au genre humain,</div>
-<div class="verse">Et ce mot : <span class="small">AIMEZ-VOUS</span>, où tient tout l’Évangile,</div>
-<div class="verse">Multiplie à jamais tes poissons et ton pain.</div>
-
-<div class="verse stanza">Pour que le boiteux marche et que l’aveugle voie,</div>
-<div class="verse">Tu parlas de tendresse… et le sourd te comprit !</div>
-<div class="verse">Et les infirmités tressaillirent de joie…</div>
-<div class="verse">Voilà ton grand miracle : il est tout en esprit.</div>
-
-<div class="verse stanza">L’âme humaine, c’était Lazare. Elle était morte.</div>
-<div class="verse">Tu vins pleurer sur elle. Oh ! comme tu l’aimais !</div>
-<div class="verse">Et maintenant, toujours plus vivante et plus forte,</div>
-<div class="verse">Les yeux sur ton amour, elle y marche à jamais.</div>
-
-<div class="verse stanza">Elle y marche à travers le crime et la souffrance…</div>
-<div class="verse">Comme Pierre, elle t’a trahi, mais en t’aimant,</div>
-<div class="verse">Et le chaos du mal n’est rien qu’une apparence</div>
-<div class="verse">Où ton verbe caché monte invinciblement.</div>
-
-<div class="verse stanza">Deux mille ans ont à peine ouvert le gland du chêne</div>
-<div class="verse">Qui tiendra sous ton nom l’univers abrité…</div>
-<div class="verse">Ta victoire sur tous les cœurs n’est pas prochaine,</div>
-<div class="verse">Mais qu’importe le temps à ton éternité ?</div>
-
-<div class="verse stanza">Le monde passera, car il faut que tout meure,</div>
-<div class="verse">La terre sous nos pieds, le ciel sur notre front ;</div>
-<div class="verse">Mais par delà la mort ta parole demeure :</div>
-<div class="verse">Heureux les derniers nés du monde : ils te verront !</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak">TABLE</h2>
-
-
-<table summary="">
-<tr><td class="drap sc">Dédicace</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#dedic">1</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Les pèlerins, prière dans le soir</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c0">5</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc padtop">Les bergers dans la montagne</td>
-<td class="bot r padtop"><div><a href="#c1">17</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’hôtellerie de Bethléem</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c2">25</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Les bergers dans l’étable</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c3">27</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Naissance de la pitié</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c4">33</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La fuite en Égypte</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c5">35</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’enfant au berceau</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c6">39</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">A douze ans</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c7">41</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le grand chagrin</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c8">47</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Il croissait devant Dieu</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c9">49</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Jean-Baptiste</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c10">55</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La tentation</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c11">61</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le filet</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c12">65</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Discours sur la montagne</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c13">67</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La paix en retour</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c14">77</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le lumignon</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c15">79</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Bons grains</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c16">81</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La fille de Jaïre</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c17">85</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le bon Samaritain</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c18">87</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le pain multiplié</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c19">89</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Les fourmis</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c20">91</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Trop peu d’ouvriers</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c21">93</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Les colombes</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c22">95</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La barque engravée</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c23">97</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La Proue</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c24">99</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Il commande aux tempêtes</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c25">101</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’infini miracle</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c26">103</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Les petits enfants</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c27">107</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Les commérages</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c28">111</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La femme</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c29">113</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La Samaritaine</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c30">115</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Marie-Magdeleine</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c31">117</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Marthe et Marie</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c32">121</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’inscription sur la terre</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c33">125</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le bœuf</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c34">129</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’âne</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c35">131</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’argile</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c36">133</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Chez Marie, mère du Christ</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c37">137</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le sommeil</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c38">147</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le triomphe</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c39">149</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Sur le parvis du Temple</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c40">153</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La colère</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c41">161</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’indignation publique</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c42">165</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le banquet</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c43">169</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La sueur de sang</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c44">171</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La grande solitude</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c45">177</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La preuve est en nous</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c46">181</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le baiser de Judas</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c47">183</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’épée</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c48">185</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le regard</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c49">187</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le soufflet</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c50">191</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Judas</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c51">193</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La justice du peuple</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c52">197</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La vengeance</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c53">203</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le roseau</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c54">205</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La croix</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c55">207</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le bois vert</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c56">209</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le Juif errant</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c57">211</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le Cyrénéen</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c58">213</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Véronique</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c59">217</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La face sur le voile</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c60">219</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’horizon du Calvaire</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c61">221</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le trou dans le roc</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c62">223</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le bourreau sur l’échelle</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c63">225</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Les invectives de la foule</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c64">227</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Les deux larrons</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c65">231</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Au bon voleur</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c66">233</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le doute suprême</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c67">237</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le testament d’amour</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c68">241</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Où sont les autres ?</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c69">243</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Jean</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c70">247</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Le chemin vers Dieu</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c71">251</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Propos de foule</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c72">255</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">C’est lui qui veille</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c73">261</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">L’homme meurt seul</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c74">263</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La gloire des lys</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c75">265</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Joseph d’Arimathie chez Pilate</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c76">271</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Magdeleine</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c77">275</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La visite au tombeau</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c78">277</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">La résurrection</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c79">279</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc">Les dernières paroles du livre de Jean</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c80">281</a></div></td></tr>
-<tr><td class="drap sc padtop">Il est éternel</td>
-<td class="bot r padtop"><div><a href="#c81">283</a></div></td></tr>
-</table>
-
-<p class="c gap small">15735-11. — <span class="sc">Corbeil</span>. Imprimerie <span class="sc">Crété</span>.</p>
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-<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>JÉSUS</span> ***</div>
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-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg&#8482;
-</div>
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-Project Gutenberg&#8482; is synonymous with the free distribution of
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-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
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-goals and ensuring that the Project Gutenberg&#8482; collection will
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-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg&#8482; and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation&#8217;s EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state&#8217;s laws.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Foundation&#8217;s business office is located at 809 North 1500 West,
-Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
-to date contact information can be found at the Foundation&#8217;s website
-and official page at www.gutenberg.org/contact
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; depends upon and cannot survive without widespread
-public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
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-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state
-visit <a href="https://www.gutenberg.org/donate/">www.gutenberg.org/donate</a>.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
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-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 5. General Information About Project Gutenberg&#8482; electronic works
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg&#8482; concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
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-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
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-</div>
-
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-</div>
-
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-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
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