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+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44617 ***
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+ MÉMOIRES
+ DE LUTHER
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+ IMPRIMERIE DE DUCESSOIS,
+ Quai des Augustins, 55.
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+ MÉMOIRES
+
+ DE LUTHER
+
+
+ ÉCRITS PAR LUI-MÊME,
+
+
+ TRADUITS ET MIS EN ORDRE
+ PAR M. MICHELET,
+ PROFESSEUR A L'ÉCOLE NORMALE, CHEF DE LA SECTION HISTORIQUE
+ AUX ARCHIVES DU ROYAUME,
+
+ suivis d'un
+ Essai sur l'Histoire de la Religion,
+ ET DES BIOGRAPHIES
+ DE WICLEFF, JEAN HUSS, ÉRASME, MÉLANCHTON, HUTTEN,
+ ET AUTRES
+ PRÉDÉCESSEURS ET CONTEMPORAINS
+ DE LUTHER.
+
+
+ TOME DEUXIÈME.
+
+
+ PARIS.
+
+ CHEZ L. HACHETTE,
+ Libraire de l'Université de France,
+ RUE PIERRE-SARRAZIN, 12.
+
+ 1837
+
+
+
+
+MÉMOIRES
+
+DE LUTHER
+
+
+LIVRE III.
+
+1529-1546.
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER.
+
+1529-1532.
+
+ Les Turcs. Danger de l'Allemagne.—Augsbourg, Smalkalde. Danger
+ du protestantisme.
+
+
+Luther fut tiré de son abattement et ramené à la vie active par les
+dangers qui menaçaient la Réforme et l'Allemagne. Lorsque ce _fléau de
+Dieu_, qu'il attendait avec résignation comme le signe du Jugement,
+fondit en effet sur l'Allemagne, lorsque les Turcs[a1] vinrent camper
+devant Vienne, Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, et fit
+un livre contre les Turcs, qu'il dédia au landgrave de Hesse. Le 9
+octobre 1528 il écrivit à ce prince, pour lui exposer les motifs qui
+l'avaient décidé à composer ce livre. «Je ne puis me taire, dit-il;
+il est malheureusement parmi nous des prédicateurs qui font croire au
+peuple qu'on ne doit point s'occuper de la guerre des Turcs; il y en a
+même d'assez extravagans pour prétendre, qu'en toutes circonstances,
+il est défendu aux chrétiens d'avoir recours aux armes temporelles.
+D'autres encore, qui regardant le peuple allemand comme un peuple de
+brutes incorrigibles, vont jusqu'à désirer qu'il tombe au pouvoir des
+Turcs. Ces folies, ces horribles malices, sont imputées à Luther et
+à l'Évangile, comme, il y a trois ans, la révolte des paysans, et en
+général tout le mal qui arrive dans le monde. Il est donc urgent que
+j'écrive à ce sujet, tant pour confondre les calomniateurs, que pour
+éclairer les consciences innocentes sur ce qu'il faut faire contre le
+Turc...»
+
+«Nous avons appris hier que le Turc est parti de Vienne pour la
+Hongrie, par un grand miracle de Dieu. Car après avoir livré
+inutilement le vingtième assaut, il a ouvert la brèche par une mine en
+trois endroits. Mais rien n'a pu ramener son armée à l'attaque, Dieu
+l'avait frappée de terreur; ils aimaient mieux se laisser égorger
+par leurs chefs que de tenter ce dernier assaut. On croit qu'il s'est
+retiré ainsi de peur des bombardes et de notre future armée; d'autres
+en jugent autrement. Dieu a manifestement combattu pour nous cette
+année. Le Turc a perdu vingt-six mille hommes, et il a péri trois mille
+des nôtres dans les sorties. J'ai voulu te communiquer ces nouvelles,
+afin que nous rendions grâces et que nous priions ensemble. Car le
+Turc, devenu notre voisin, ne nous laissera pas éternellement la paix.»
+(27 octobre 1529.)
+
+L'Allemagne était sauvée, mais le protestantisme allemand n'en était
+que plus en péril. L'irritation des deux partis avait été portée au
+comble par un événement antérieur à l'invasion de Soliman. Si l'on
+en croit le biographe catholique de Luther, Cochlæus, que nous avons
+déjà cité, le chancelier du duc George, Otto Pack, supposa une ligue
+des princes catholiques contre l'électeur de Saxe et le landgrave de
+Hesse[r1]; il apposa à ce prétendu projet le sceau du duc George, puis
+livra ces fausses lettres au Landgrave qui, se croyant menacé, leva
+une armée et s'unit étroitement à l'Électeur[a2].
+
+ [r1] Cochlæus, 171.
+
+Les catholiques et surtout le duc George[a3] se défendirent vivement
+d'avoir jamais songé à menacer l'indépendance religieuse des princes
+luthériens; ils rejetèrent tout sur le chancelier qui n'avait fait
+peut-être que divulguer les secrets desseins de son maître. «Le docteur
+Pack[a4], captif volontaire du Landgrave, à ce que je pense, est
+jusqu'à présent accusé d'avoir formé cette alliance des princes. Il
+prétend se tirer d'affaire à son honneur, et fasse Dieu que cette trame
+retombe sur la tête du rustre qui en est, je crois, l'auteur, sur celle
+de notre grand adversaire, tu sais de qui je parle (le duc George de
+Saxe).» (14 juillet 1528.)
+
+«Cette ligue des princes impies, qu'ils nient cependant, tu vois quels
+troubles elle a excités; pour moi, je prends la froide excuse du duc
+George pour un aveu[r2]. Dieu confondra ce fou enragé, ce Moab qui dresse
+sa superbe au-dessus de ses forces. Nous prierons contre ces homicides;
+assez d'indulgence. S'ils ourdissent encore quelque projet, nous
+invoquerons Dieu, puis nous appellerons les princes pour qu'ils soient
+perdus sans miséricorde.»
+
+ [r2] Ukert, 216.
+
+Bien que tous les princes eussent déclaré ces lettres fausses, les
+évêques de Mayence, Bamberg, etc., furent tenus de payer cent mille
+écus d'or, comme indemnité des armemens qu'avaient faits les princes
+luthériens. Ceux-ci ne demandaient pas mieux que de commencer la
+guerre. Ils se comptaient et sentaient leurs forces. Le grand-maître
+de l'ordre Teutonique avait sécularisé la Prusse[a5], les ducs de
+Mecklembourg et de Brunswick, encouragés par ce grand événement,
+avaient appelé des prédicateurs luthériens (1525). La Réforme dominait
+dans le nord de l'Allemagne. En Suisse et sur le Rhin, les Zwingliens,
+chaque jour plus nombreux, cherchaient à se rapprocher de Luther.
+Enfin au sud et à l'est, les Turcs, maîtres de Bude et de la Hongrie,
+menaçaient toujours l'Autriche et tenaient en échec l'Empereur. A
+son défaut le duc George de Saxe, et les puissans évêques du nord,
+s'étaient constitués les adversaires de la Réforme. Une violente
+polémique s'était engagée depuis long-temps entre ce prince et Luther.
+Le duc écrivait à celui-ci[r3]: «Tu crains que nous n'ayons commerce
+avec les hypocrites, la présente te fera voir ce qui en est. Si nous
+dissimulons dans cette lettre, tu pourras dire de nous tout ce que tu
+voudras; sinon, il faudra chercher les hypocrites là où l'on t'appelle
+un prophète, un Daniel, l'apôtre de l'Allemagne, l'évangéliste... Tu
+t'imagines peut-être que tu es envoyé de Dieu vers nous, comme ces
+prophètes à qui Dieu donna mission de convertir les princes et les
+puissans. Moïse fut envoyé à Pharaon, Samuel à Saül, Nathan à David,
+Isaïe à Ezéchias, saint Jean-Baptiste à Hérode, nous le savons. Mais
+parmi tous ces prophètes nous ne trouvons pas un seul apostat. Ils ont
+tous été gens constans dans leur doctrine, hommes sincères et pieux,
+sans orgueil, sans avarice, amis de la chasteté...
+
+ [r3] Luther Werke, t. IX, 231.
+
+»Nous ne faisons pas non plus grand cas de tes prières ni de celles des
+tiens; nous savons que Dieu hait l'assemblée de tes apostats... Dieu a
+puni par nous Münzer de sa perversité; il pourra bien en faire autant
+de Luther, et nous ne refuserons pas d'être encore en ceci, son indigne
+instrument...
+
+»Non, reviens plutôt, Luther, ne te laisse pas mener plus long-temps
+par l'esprit qui séduisit l'apostat Sergius: l'Église chrétienne ne
+ferme pas son sein au pécheur repentant... Si c'est l'orgueil qui t'a
+perdu, regarde ce fier manichéen, saint Augustin, ton maître, dont tu
+as juré d'observer la règle: reviens comme lui, reviens à ta fidélité
+et à tes sermens, sois comme lui une lumière de la Chrétienté... Voilà
+les conseils que nous avons à te donner pour le nouvel an. Si tu t'y
+conformes, tu en seras éternellement récompensé de Dieu et nous ferons
+tout ce qui est en notre pouvoir pour obtenir ta grâce de l'Empereur.»
+(28 décembre 1525.)
+
+_Mémoire_ de Luther contre le duc George[a6] qui avait intercepté
+une de ses lettres, 1529[r4]... «Quant aux belles dénominations que le duc
+George me donne, misérable, scélérat, parjure et sans honneur, je
+n'ai qu'à l'en remercier; ce sont là les émeraudes, les rubis et les
+diamans dont les princes doivent m'orner en retour de l'honneur et
+de la puissance que l'autorité temporelle tire de la restauration de
+l'Évangile...»
+
+ [r4] _Ibid._ t. IX, 297.
+
+«... Ne dirait-on pas que le duc George ne connaît pas de supérieur?
+Moi, hobereau des hobereaux, dit-il, je suis seul maître et prince,
+je suis au-dessus de tous les princes de l'Allemagne, au-dessus de
+l'Empire, de ses lois et de ses usages. C'est moi que l'on doit
+craindre, à moi seul que l'on doit obéir; ma volonté doit faire loi en
+dépit de quiconque pensera et parlera autrement.—Amis, où s'arrêtera
+la superbe de ce Moab[a7]? Il ne lui reste plus qu'à escalader le ciel, à
+espionner, punir les lettres et les pensées jusque dans le sanctuaire
+de Dieu même. Voilà notre petit prince, et avec cela il veut être
+glorifié, respecté, adoré! à la bonne heure, grand merci!»
+
+En 1529, l'année même du traité de Cambrai et du siége de Vienne par
+Soliman, l'Empereur avait convoqué une diète à Spire[a8]. (15 mars.) On y
+décida que les états de l'Empire devaient continuer d'obéir au décret
+lancé contre Luther en 1524, et que toute innovation demeurerait
+interdite jusqu'à la convocation d'un concile général. C'est alors que
+le parti de la Réforme éclata[a9]. L'électeur de Saxe, le margrave de
+Brandebourg, le landgrave de Hesse, les ducs de Lunebourg, le prince
+d'Anhalt, et avec eux les députés de quatorze villes impériales, firent
+contre le décret de la diète une protestation solennelle, le déclarant
+injuste et impie. Ils en gardèrent le nom de _protestans_.
+
+Le landgrave de Hesse sentait la nécessité de réunir toutes les sectes
+dissidentes pour en former un parti redoutable aux catholiques de
+l'Allemagne; il essaya de réconcilier Luther avec les sacramentaires[a10].
+Luther prévoyait bien l'inutilité de cette tentative.
+
+«Le landgrave de Hesse nous a convoqués à Marbourg pour la
+Saint-Michel, afin de tenter un accord entre nous et les
+sacramentaires... Je n'en attendais rien de bon; tout est plein
+d'embûches, je le vois bien. Je crains que la victoire ne leur reste,
+comme au siècle d'Arius. On a toujours vu de pareilles assemblées être
+plus nuisibles qu'utiles... Ce jeune homme de Hesse est inquiet et
+plein de pensées qui fermentent. Le Seigneur nous a sauvés, dans ces
+deux dernières années, de deux grands incendies qui auraient embrasé
+toute l'Allemagne.» (2 août 1529.)
+
+«Nous avons reçu du landgrave une magnifique et splendide hospitalité.
+Il y avait là Œcolampade, Zwingli, Bucer, etc. Tous demandaient la
+paix avec une humilité extraordinaire. La conférence a duré deux jours;
+j'ai répondu à Œcolampade et à Zwingli en leur opposant ce passage:
+_Hoc est corpus meum_; j'ai réfuté toutes leurs objections. En somme,
+ce sont des gens ignorans et incapables de soutenir une discussion.»
+(12 octobre 1529.)
+
+«Je me réjouis, mon cher Amsdorf, de te voir te réjouir de notre synode
+de Marbourg; la chose est petite en apparence, mais au fond très
+importante. Les prières des gens pieux ont fait que nous les voyons
+confondus, morfondus, humiliés.»
+
+«Toute l'argumentation de Zwingli se réduisait à ceci: que le corps ne
+peut être sans lieu ni dimension. Œcolampade soutenait que les Pères
+appelaient le pain un signe, que ce n'était donc pas le corps même...
+Ils nous suppliaient de leur donner le nom de frères. Zwingli le
+demandait au Landgrave en pleurant. Il n'y a aucun lieu sur la terre,
+disait-il, où j'aimerais mieux passer ma vie qu'à Wittemberg... Nous
+ne leur avons pas accordé ce nom de frères, mais seulement ce que la
+charité nous oblige à donner même à nos ennemis... Ils se sont en tout
+point conduits avec une incroyable humilité et douceur. C'était, comme
+il est visible aujourd'hui, pour nous amener à une feinte concorde,
+pour nous faire les partisans, les patrons de leurs erreurs... O rusé
+Satan! mais Christ qui nous a sauvés est plus habile que toi. Je ne
+m'étonne plus maintenant de leurs impudens mensonges. Je vois qu'ils ne
+peuvent faire autrement, et je me glorifie de leur chute.» (1er juin
+1530.)
+
+Cette guerre théologique de l'Allemagne remplit les intermèdes de la
+grande guerre européenne que Charles-Quint soutenait contre François
+Ier et contre les Turcs. Mais dans les crises les plus violentes de
+celle-ci, l'autre se ralentit à peine. C'est un imposant spectacle
+que celui de l'Allemagne absorbée dans la pensée religieuse, et près
+d'oublier la ruine prochaine dont semblaient la menacer les plus
+formidables ennemis. Pendant que les Turcs franchissaient toutes les
+anciennes barrières et que Soliman répandait ses Tartares au-delà de
+Vienne, l'Allemagne disputait sur la transsubstantiation et sur le
+libre arbitre. Ses guerriers les plus illustres siégeaient dans les
+diètes et interrogeaient les docteurs. Tel était le flegme intrépide de
+cette grande nation, telle sa confiance dans sa force et dans sa masse.
+
+La guerre des Turcs et celle des Français, la prise de Rome et la
+défense de Vienne, occupaient tellement Charles-Quint et Ferdinand, que
+les protestans avaient obtenu la tolérance jusqu'au prochain concile.
+Mais en 1530, Charles-Quint, voyant la France abattue, l'Italie
+asservie, Soliman repoussé, entreprit de juger le grand procès de la
+Réforme. Les deux partis comparurent à Augsbourg. Les sectateurs de
+Luther, désignés par le nom général de _protestans_, voulurent se
+distinguer de tous les autres ennemis de Rome, dont les excès auraient
+calomnié leur cause, des zwingliens républicains de la Suisse, odieux
+aux princes et à la noblesse, des anabaptistes surtout, proscrits comme
+ennemis de l'ordre et de la société. Luther, sur qui pesait encore la
+sentence prononcée à Worms, qui le déclarait hérétique, ne put s'y
+rendre; il fut remplacé par le savant et pacifique Mélanchton, esprit
+doux et timide comme Érasme, dont il restait l'ami malgré Luther.
+
+L'Électeur amena du moins celui-ci le plus près possible d'Augsbourg,
+dans la forteresse de Cobourg.[a11][a12] De là Luther pouvait
+entretenir avec les ministres protestans, une active et facile
+correspondance. Le 22 avril il écrit à Mélanchton: «Je suis enfin
+arrivé à mon Sinaï, cher Philippe, mais de ce Sinaï je ferai une Sion,
+et j'y élèverai trois tabernacles, l'un au psalmiste, l'autre aux
+prophètes, l'autre enfin à Ésope (dont il traduisait alors les fables).
+Rien ne manque pour que ma solitude soit complète. J'ai une vaste
+maison, qui domine le château, et les clés de toutes les chambres. A
+peine y a-t-il trente personnes dans toute la forteresse, encore douze
+sont des veilleurs de nuit, et deux autres des sentinelles toujours
+postées sur les tours.» (22 avril.)
+
+_A Spalatin_ (9 mai): «Vous allez à Augsbourg, sans avoir pris les
+auspices, et ne sachant quand ils vous permettront de commencer.
+Moi, je suis déjà au milieu des comices, en présence de magnanimes
+souverains, devant des rois, des ducs, des grands, des nobles,
+qui confèrent avec gravité sur les affaires de l'état, et d'une
+voix infatigable remplissent l'air de leurs décrets et de leurs
+prédications. Ils ne siégent point enfermés dans ces antres et ces
+royales cavernes que vous appelez des palais, mais sous le soleil;
+ils ont le ciel pour tente, pour tapis riche et varié, la verdure des
+arbres sous lesquels ils sont en liberté, pour enceinte, la terre
+jusqu'à ses dernières limites. Ce luxe stupide de l'or et de la soie
+leur fait horreur; tous, ils ont mêmes couleurs, même visage. Ils sont
+tous également noirs, tous font la même musique, et dans ce chant sur
+une seule note, l'on n'entend que l'agréable dissonnance de la voix des
+jeunes se mêlant à celle des vieux. Nulle part je n'ai vu ni entendu
+parler de leur Empereur; ils méprisent souverainement ce quadrupède
+qui sert à nos chevaliers; ils ont quelque chose de meilleur, avec
+quoi ils peuvent se moquer de la furie des canons. Autant que j'ai pu
+comprendre leurs décrets, grâce à un interprète, ils ont décidé, à
+l'unanimité, de faire la guerre, pendant toute cette année, à l'orge,
+au blé et à la farine, enfin à ce qu'il y a de mieux parmi les fruits
+et les graines. Et il est à craindre qu'ils ne soient presque partout
+vainqueurs, car c'est une race de guerriers adroits et rusés, également
+habiles à butiner par force ou surprise. Moi, oisif spectateur, j'ai
+assisté avec grande satisfaction à leurs comices. L'espoir où je suis
+des victoires que leur courage leur donnera sur le blé et l'orge,
+ou sur tout autre ennemi, m'a rendu le fidèle et sincère ami de ces
+_patres patriæ_, de ces sauveurs de la république. Et si par des
+vœux je puis les servir, je demande au ciel que délivrés de l'odieux
+nom de corbeaux, etc. Tout cela n'est qu'une plaisanterie, mais une
+plaisanterie sérieuse et nécessaire pour repousser les pensées qui
+m'accablent, si toutefois elle les repousse.» (9 mai.)
+
+«Les nobles seigneurs qui forment nos comices courent ou plutôt
+naviguent à travers les airs[a13]. Le matin, de bonne heure, ils s'en
+vont en guerre, armés de leurs becs invincibles, et tandis qu'ils
+pillent, ravagent et dévorent, je suis délivré pour quelque temps de
+leurs éternels chants de victoire. Le soir, ils reviennent triomphans;
+la fatigue ferme leurs yeux, mais leur sommeil est doux et léger
+comme celui d'un vainqueur. Il y a quelques jours j'ai pénétré dans
+leur palais pour voir la pompe de leur empire. Les malheureux eurent
+grand'peur; ils s'imaginaient que je venais détruire leur industrie. Ce
+fut un bruit, une frayeur, des visages consternés!!! Quand je vis que
+moi seul je faisais trembler tant d'Achilles et d'Hectors, je battis
+des mains, je jetai mon chapeau en l'air, pensant que j'étais bien
+assez vengé si je pouvais me moquer d'eux. Tout ceci n'est point un
+simple jeu, c'est une allégorie, un présage de ce qui arrivera. Ainsi
+devant la parole de Dieu l'on verra trembler toutes ces harpies qui
+sont maintenant à Augsbourg, criant et romanisant.» (19 juin.)
+
+Mélanchton transformé à Augsbourg en chef de parti, ayant à batailler
+chaque jour avec les légats, les princes, l'Empereur, se trouvait fort
+mal de cette vie active qu'on lui avait imposée. Plusieurs fois il fit
+part de ses peines à Luther, qui, pour toute consolation, le tançait
+rudement[a14]:
+
+«Vous me parlez de vos travaux, de vos périls, de vos larmes, et moi,
+suis-je donc assis sur des roses? est-ce que je ne porte pas une part
+de votre fardeau? Ah! plût au ciel que ma cause fût telle qu'elle
+permît les larmes!» (29 juin 1530.)
+
+«Dieu récompense selon ses œuvres le tyran de Salzbourg qui te fait
+tant de mal! Il méritait de toi une autre réponse, telle que je la lui
+aurais faite peut-être, telle qu'il n'en a jamais entendu de semblable.
+Il faudra qu'ils entendent, je le crains, cette parole de Jules César:
+_Ils l'ont voulu_...
+
+»Tout ce que j'écris est inutile, parce que tu veux, selon ta
+philosophie, gouverner toutes ces choses avec ta raison, c'est-à-dire
+déraisonner avec la raison. Va, continue de te tuer à cette chose, sans
+voir que ta main ni ton esprit ne peuvent la saisir, qu'elle ne veut
+pas de tes soins.» (30 juin 1530.)
+
+«Dieu a mis cette cause dans un certain lieu que ne connaissait point
+ta rhétorique ni ta philosophie. Ce lieu, on l'appelle la foi; là
+toutes choses sont inaccessibles à la vue; quiconque veut les rendre
+visibles, apparentes et compréhensibles, celui-là ne gagne pour prix
+de son travail que des peines et des larmes, comme tu en as gagné.
+Dieu a dit qu'il habitait dans les nues, qu'il était assis dans les
+ténèbres. Si Moïse avait cherché un moyen d'éviter l'armée de Pharaon,
+Israël serait peut-être encore en Égypte... Si nous n'avons pas la
+foi, pourquoi ne pas chercher consolation dans la foi d'autrui; car
+il y en a nécessairement qui croient, si nous ne croyons pas? Ou bien,
+faut-il dire que le Christ nous a abandonnés, avant la consommation des
+siècles? S'il n'est pas avec nous, où est-il en ce monde, je vous le
+demande? Si nous ne sommes point l'Église ou une partie de l'Église, où
+est l'Église? Est-ce Ferdinand, le duc de Bavière, le pape, le Turc et
+leurs semblables? Si nous n'avons la parole de Dieu, qui donc l'aura?
+Toi, tu ne comprends point toutes ces choses; car Satan te travaille
+et te rend faible. Puisse le Christ te guérir! c'est ma sincère et
+continuelle prière.» (29 juin.)
+
+«Ma santé est faible... Mais je méprise cet ange de Satan qui vient
+souffleter ma chair. Si je ne puis lire ni écrire, au moins je puis
+penser et prier, et même me quereller avec le diable; ensuite dormir,
+paresser, jouer et chanter. Quant à toi, mon cher Philippe, ne te
+macère point pour cette affaire qui n'est point en ta main, mais en
+celle d'Un plus puissant à qui personne ne pourra l'enlever.» (31
+juillet.)
+
+Mélanchton croyait qu'il était possible de rapprocher les deux partis;
+Luther comprit de bonne heure qu'ils étaient irréconciliables. Dans le
+commencement de la Réforme, il avait souvent réclamé les conférences
+et les disputes publiques; il lui fallait alors tout tenter, avant
+d'abandonner l'espérance de conserver l'unité chrétienne; mais sur
+la fin de sa vie, dès le temps même de la diète d'Augsbourg, il se
+prononçait contre tous ces combats de parole, où le vaincu ne veut
+jamais avouer sa défaite.
+
+(26 août 1530.) «Je suis contre toute tentative faite pour accorder
+les deux doctrines; car c'est chose impossible, à moins que le pape ne
+veuille abolir sa papauté. C'est assez pour nous d'avoir rendu raison
+de notre croyance et de demander la paix. Pourquoi espérer de les
+convertir à la vérité?»
+
+_A Spalatin._ (26 août 1530.) «J'apprends que vous avez entrepris une
+œuvre admirable, de mettre d'accord Luther et le pape. Mais le pape ne
+le veut pas, et Luther s'y refuse; prenez garde d'y perdre votre temps
+et vos peines. Si vous en venez à bout, pour suivre votre exemple, je
+vous promets de réconcilier Christ et Bélial.»
+
+Dans une lettre du 21 juillet il écrivait à Mélanchton: «Vous verrez si
+j'étais un vrai prophète quand je répétais sans cesse qu'il n'y avait
+point d'accord possible entre les deux doctrines, et que ce serait
+assez pour nous d'obtenir la paix publique.»
+
+Ces prophéties ne furent pas écoutées; les conférences eurent lieu,
+et l'on demanda aux protestans une profession de foi. Mélanchton la
+rédigea, en prenant l'avis de Luther sur les points les plus importans.
+
+A Mélanchton. «J'ai reçu votre apologie, et je m'étonne que vous me
+demandiez ce qu'il faut céder aux papistes. Pour ce qui est du prince,
+et de ce qu'il faut lui accorder si quelque danger le menace, c'est une
+autre question. Quant à moi, il a été fait dans cette apologie plus
+de concessions qu'il n'était convenable; et s'ils les rejettent, je
+ne vois pas que je puisse aller plus loin, à moins que leurs raisons
+et leurs livres ne me paraissent meilleurs qu'ils ne m'ont semblé
+jusqu'à cette heure. J'emploie les jours et les nuits à cette affaire,
+réfléchissant, interprétant, discutant, parcourant toute l'Écriture;
+chaque jour augmente ma certitude et me confirme dans ma doctrine.»
+
+(20 septembre 1530.) «Nos adversaires ne nous cèdent pas un poil; et
+nous, il ne faut pas seulement que nous leur cédions le canon, les
+messes, la communion sous une espèce, la juridiction accoutumée; mais
+encore il faudrait avouer que leurs doctrines, leurs persécutions, tout
+ce qu'ils ont fait ou pensé, a été juste et légitime, et que c'est à
+tort que nous les avons accusés. C'est-à-dire qu'ils veulent que notre
+propre témoignage les justifie et nous condamne. Ce n'est pas là
+simplement nous rétracter, mais nous maudire trois fois nous-mêmes.»
+
+«... Je n'aime pas que dans cette cause vous vous appuyiez de mes
+opinions. Je ne veux être ni paraître votre chef; quand même l'on
+interpréterait cela à bien, je ne veux pas de ce nom. Si ce n'est point
+votre propre cause, je ne veux pas qu'on dise que c'est la mienne, et
+que je vous l'ai imposée. Je la défendrai moi-même, s'il n'y a que moi
+qui la soutienne.»
+
+Deux jours avant, il avait écrit à Mélanchton: «Si j'apprends que les
+choses vont mal de votre côté, j'aurai peine à m'empêcher d'aller voir
+cette formidable rangée des dents de Satan.» Et quelque temps après:
+«J'aurais voulu être la victime sacrifiée par ce dernier concile,
+comme Jean Huss a été à Constance celle du dernier jour de la fortune
+papale.»[a15] (21 juillet 1530.)
+
+La profession de foi des protestans fut présentée à la diète[a16] et «lue
+par ordre de César devant tout l'Empire, c'est-à-dire devant tous
+les princes et les états de l'Empire. C'est une grande joie pour
+moi d'avoir vécu jusqu'à cette heure, que je voie Christ prêché par
+ses confesseurs devant une telle assemblée, et dans une si belle
+confession.» (6 juillet.)
+
+Cette confession était signée de cinq électeurs, trente princes
+ecclésiastiques, vingt-trois princes séculiers, vingt-deux abbés,
+trente-deux comtes et barons, trente-neuf villes libres et impériales.
+«Le prince électeur de Saxe, le margrave George de Brandebourg, Jean
+Frédéric-le-Jeune, landgrave de Hesse; Ernest et François, ducs de
+Lunebourg; le prince Wolfgang de Anhalt; les villes de Nuremberg et de
+Reutlingen, ont signé la confession..... Beaucoup d'évêques inclinent à
+la paix, sans s'inquiéter des sophismes d'Eck et de Faber. L'archevêque
+de Mayence est très porté pour la paix[a17]; de même le duc Henri de
+Brunswick, qui a invité familièrement Mélanchton à dîner, l'assurant
+qu'il ne pouvait nier les articles touchant les deux espèces, le
+mariage des prêtres, et l'inutilité d'établir des différences entre les
+choses qui servent à la nourriture. Les nôtres avouent que personne
+ne s'est montré plus conciliant dans toutes les conférences que
+l'Empereur. Il a reçu notre prince non-seulement avec bonté, mais avec
+respect.» (6 juillet.)
+
+L'évêque d'Augsbourg, le confesseur même de Charles-Quint, étaient
+favorablement disposés pour les luthériens. L'Espagnol disait à
+Mélanchton qu'il s'étonnait qu'en Allemagne on contestât la
+doctrine de Luther sur la foi, que lui il avait toujours pensé de même
+sur ce point (relation de Spalatin sur la diète d'Augsbourg)[r5].
+
+ [r5] _Ibid._ t. IX, 414.
+
+Quoi qu'en dise ici Luther des douces dispositions de Charles-Quint,
+il termina les discussions en sommant les réformés de renoncer à leurs
+erreurs sous peine d'être mis au ban de l'Empire. Il sembla même prêt à
+employer la violence et fit un instant fermer les portes d'Augsbourg.
+
+«Si l'Empereur veut faire un édit, qu'il le fasse; après Worms aussi il
+en fit un[a18]. Écoutons l'Empereur puisqu'il est l'Empereur, rien de plus.
+Que nous importe ce rustre qui veut se poser comme Empereur (il parle
+du duc George)?» (15 juillet 1530.)
+
+«Notre cause se défendra mieux de la violence et des menaces, que de
+ces ruses sataniques que j'ai craintes, surtout jusqu'à ce jour...
+Qu'ils nous rendent Léonard[a19], Keiser et tant d'autres, qu'ils ont si
+injustement fait mourir[a20]. Qu'ils nous rendent tant d'âmes perdues par
+leur doctrine impie; qu'ils rendent toutes ces richesses qu'ils ont
+prises avec leurs trompeuses indulgences et leurs fraudes de toute
+espèce. Qu'ils rendent à Dieu sa gloire violée par tant de blasphèmes;
+qu'ils rétablissent dans les personnes et dans les mœurs, la pureté
+ecclésiastique, si honteusement souillée. Que dirais-je encore? Alors
+nous aussi nous pourrons parler _de possessorio_.» (13 juillet.)
+
+«L'Empereur va ordonner simplement que toutes choses soient rétablies
+en leur état, que le règne du pape recommence, ce qui excitera, je le
+crains, de grands troubles pour la ruine des prêtres et des clercs.
+Les villes les plus puissantes, Nuremberg, Ulm, Augsbourg, Francfort,
+Strasbourg et douze autres, rejettent ouvertement le décret impérial,
+et font cause commune avec nos princes. Tu as entendu parler de
+l'inondation de Rome, de celle de Flandre et de Brabant. Ce sont des
+signes envoyés de Dieu, mais les impies ne peuvent les comprendre. Tu
+sais encore la vision des moines de Spire. Brentius m'écrit qu'à Bade
+on a vu dans les airs une armée nombreuse, et sur le flanc de cette
+armée un soldat qui brandissait une lance d'un air triomphant, et qui
+passa la montagne voisine et le Rhin.» (5 décembre.)
+
+La diète fut à peine dissoute, que les princes protestans se
+rassemblèrent à Smalkalde et y conclurent une ligue défensive,
+par laquelle ils devaient former un même corps (31 décembre). Ils
+protestèrent contre l'élection de Ferdinand au titre de roi des
+Romains. On se prépara à combattre[a21]; les contingens furent fixés:
+on s'adressa aux rois de France, d'Angleterre et de Danemark. Luther
+fut accusé d'avoir poussé les protestans à prendre cette attitude
+hostile[a22].
+
+«Je n'ai point conseillé, comme on l'a dit, la résistance à
+l'Empereur[a23]. Voici mon avis comme théologien[a24]: Si les juristes
+montrent par leurs lois que cela est permis, moi je leur permettrai
+de suivre leurs lois. Si l'Empereur a établi dans ses lois, qu'en
+pareil cas on peut lui résister, qu'il souffre de la loi que lui-même a
+faite... Le prince est une personne politique; s'il agit comme prince,
+il n'agit pas comme chrétien, car le chrétien n'est ni prince, ni
+homme, ni femme, ni aucune personne de ce monde. Si donc il est permis
+au prince, comme prince, de résister à César, qu'il le fasse selon son
+jugement et sa conscience. Quant au chrétien, rien ne lui est permis;
+il est mort au monde.» (15 janvier 1531.)
+
+En 1531, Luther écrit un mémoire contre un petit livre anonyme
+imprimé à Dresde, dans lequel on reprochait aux protestans de s'armer
+en secret et de vouloir surprendre les catholiques, pendant que ceux-ci
+ne songeaient, disait-on, qu'à la paix et à la concorde[r6].
+
+ [r6] _Ibid._ t. IX, 459.
+
+«... On cache soigneusement d'où ce livre vient, personne ne doit le
+savoir. Eh bien! je le veux donc ignorer aussi. Je veux avoir le rhume
+pour cette fois et ne pas _sentir_ le maladroit pédant. Cependant
+j'essaierai toujours mon savoir-faire et je frapperai hardiment sur le
+sac: si les coups tombent sur l'âne qui s'y trouve, ce ne sera pas ma
+faute; ce n'est pas à lui, c'est au sac, que j'en voulais.
+
+»Qu'il soit vrai ou non que les luthériens se préparent et se
+rassemblent, cela ne me regarde pas, ce n'est pas moi qui le leur ai
+ordonné ni conseillé; je ne sais pas ce qu'ils font ou ce qu'ils ne
+font pas; mais puisque les papistes annoncent par ce livre qu'ils
+croient à ces armemens, j'accueille ce bruit avec plaisir et je me
+réjouis de leurs illusions et de leurs alarmes; j'augmenterais même
+volontiers ces illusions, si je le pouvais, rien que pour les faire
+mourir de peur. Si Caïn tue Abel, si Anne et Caïphe persécutent Jésus,
+il est juste qu'ils en soient punis. Qu'ils vivent dans les transes,
+qu'ils tremblent au bruit d'une feuille, qu'ils voient partout le
+fantôme de l'insurrection et de la mort, rien de plus équitable.
+
+»... N'est-il pas vrai, imposteurs, que lorsqu'à Augsbourg les nôtres
+présentèrent leur confession de foi, un papiste a dit: Ils nous donnent
+là un livre écrit avec de l'encre; je voudrais, moi, qu'on leur
+répondît avec du sang?
+
+»N'est-il pas vrai que l'électeur de Brandebourg et le duc George de
+Saxe, ont promis à l'Empereur de fournir cinq mille chevaux contre les
+luthériens?
+
+»N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de prêtres et de seigneurs
+ont parié qu'avant la Saint-Michel, c'en serait fait de tous les
+luthériens?
+
+»N'est-il pas vrai que l'électeur de Brandebourg a déclaré publiquement
+que l'Empereur et tout l'Empire s'emploieraient corps et biens pour
+arriver à ce but?...
+
+»Croyez-vous que l'on ne connaisse pas votre édit? que l'on ignore
+que par cet édit toutes les épées de l'Empire sont aiguisées et
+dégainées, toutes les arquebuses chargées, toute la cavalerie lancée,
+pour fondre sur l'électeur de Saxe et son parti, pour tout mettre à
+feu et à sang, tout remplir de pleurs et de désolation? voilà votre
+édit, voilà vos entreprises meurtrières scellées de votre sceau et
+de vos armes, et vous voulez que l'on appelle cela de la paix, vous
+osez accuser les luthériens de troubler le bon accord? O impudence, ô
+hypocrisie sans bornes!... Mais je vous entends: vous voudriez que les
+nôtres ne s'apprêtassent point à la guerre dont leurs ennemis mortels
+les menacent depuis si long-temps, mais qu'ils se laissassent égorger
+sans crier ni se défendre, comme des brebis à l'abattoir. Grand merci,
+mes bonnes gens! Moi, prédicateur, je dois endurer cela, je le sais
+bien, et ceux à qui cette grâce est donnée doivent l'endurer également.
+Mais que tous les autres en feront de même, je ne puis le garantir aux
+tyrans. Si je donnais publiquement ce conseil aux nôtres, les tyrans
+s'en prévaudraient, et je ne veux point leur ôter la peur qu'ils ont
+de notre résistance. Ont-ils envie de gagner leurs éperons en nous
+massacrant? qu'ils les gagnent donc avec péril comme il convient à de
+braves chevaliers. Égorgeurs de leur métier, qu'ils s'attendent du
+moins à être reçus comme des égorgeurs...
+
+».... Que l'on m'accuse, ou non, d'être trop violent, je ne m'en soucie
+plus[a25]. Je veux que ce soit ma gloire et mon honneur désormais,
+que l'on dise de moi comme je tempête et sévis contre les papistes.
+Voilà plus de dix ans que je m'humilie et que je donne de bonnes
+paroles. A quoi tant de supplications ont-elles servi? A empirer le
+mal. Ces rustres n'en sont que plus fiers.—Eh bien! puisqu'ils sont
+incorrigibles, puisqu'il n'y a plus espoir d'ébranler leurs infernales
+résolutions par la bonté, je romps avec eux, je les poursuivrai de mes
+imprécations, sans fin ni repos, jusqu'à ma tombe[a26]. Ils n'auront
+plus jamais une bonne parole de moi; je veux qu'on les enterre au bruit
+de mes foudres et de mes éclairs.
+
+»Je ne puis plus prier sans maudire. Si je dis, _Que ton nom soit
+sanctifié_, il faut que j'ajoute: Maudit soit le nom des papistes et de
+tous ceux qui te blasphèment! Si je dis, _Que ton royaume arrive_, je
+dois ajouter: Maudits soient la papauté et tous les royaumes qui sont
+opposés au tien! Si je dis, _Que ta volonté soit faite_, je dis encore:
+Maudits soient et périssent les desseins des papistes et de tous ceux
+qui te combattent!... Ainsi je prie ardemment tous les jours, et avec
+moi tous les vrais fidèles de Jésus-Christ... Cependant je garde encore
+à tout le monde un cœur bon et aimant, et mes plus grands ennemis
+eux-mêmes le savent bien.
+
+»Souvent la nuit, quand je ne puis dormir, je cherche dans mon lit,
+avec douleur et anxiété, comment on pourrait encore déterminer les
+papistes à la pénitence avant le jugement terrible qui les menace. Mais
+il semble que cela ne doit pas être. Ils repoussent toute pénitence
+et demandent à grands cris notre sang. L'évêque de Saltzbourg a dit
+à maître Philippe, à la diète d'Augsbourg: «Pourquoi disputer si
+long-temps? Nous savons bien que vous avez raison.» Et un autre jour:
+«Vous ne voulez pas céder, nous non plus, il faut donc qu'un parti
+extermine l'autre. Vous êtes le petit et nous le grand: nous verrons
+qui aura le dessus.» Jamais je n'aurais cru qu'on pût dire de telles
+paroles.»
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+1534-1536.
+
+ Anabaptistes de Munster[a27].
+
+
+Pendant que les deux grandes ligues des princes sont en présence,
+et semblent se défier, un tiers s'élève entre deux, pour l'effroi
+commun des deux partis. Cette fois, c'est encore le peuple, comme dans
+la guerre des paysans, mais un peuple organisé, maître d'une riche
+cité. La _jacquerie_ du Nord, plus systématique que celle du Midi,
+produit l'idéal de la démagogie allemande du seizième siècle, une
+royauté biblique, un David populaire, un messie artisan. Le mystique
+compagnonnage allemand intronise un tailleur.
+
+L'entreprise du tailleur fut hardie, mais non absurde. L'anabaptisme
+avait de grandes forces. Il n'éclata que dans Munster; mais il était
+répandu dans la Westphalie, dans le Brabant, la Gueldre, la Hollande,
+la Frise, et tout le littoral de la Baltique jusqu'en Livonie.
+
+Les Anabaptistes formulèrent la malédiction que les paysans vaincus
+avaient jetée sur Luther. Ils détestèrent en lui l'ami de la noblesse,
+le soutien de l'autorité civile, le _remora_ de la Réforme. «Quatre
+prophètes, deux vrais et deux faux; les vrais sont David et Jean de
+Leyde; les faux, le pape et Luther, mais Luther est pire que le pape.»
+
+
+_Comment l'Évangile a d'abord pris naissance à Munster, et comment il y
+a fini après la destruction des anabaptistes[r7]. Histoire véritable
+et bien digne d'être lue et conservée dans la mémoire (car l'esprit des
+anabaptistes de Munster vit encore), décrite par Henricus Dorpius de
+cette ville._ Nous nous contenterons de donner un extrait de ce prolixe
+récit:
+
+ [r7] _Ibid._ t. II, 391, 199.
+
+La réforme commença à Munster en 1532, par Rothmann, prédicateur
+luthérien ou zwinglien. Elle y eut un si grand succès, que l'évêque
+cédant à l'intercession du landgrave de Hesse, accorda aux évangéliques
+six de ses églises. Plus tard, un garçon tailleur, Jean de Leyde, y
+apporta la doctrine des anabaptistes, et la propagea dans quelques
+familles. Il fut aidé dans son œuvre par un prédicateur nommé
+Hermann Stapraeda, de Moersa, anabaptiste comme lui. Bientôt leurs
+assemblées secrètes devinrent si nombreuses, que les catholiques et les
+réformés en furent également alarmés, et chassèrent les anabaptistes
+de la ville. Mais ceux-ci revinrent plus hardis; ils intimidèrent le
+conseil, et l'obligèrent de fixer un jour où il y aurait discussion
+publique dans la maison commune, sur le baptême des enfans. Dans
+cette discussion, le pasteur Rothmann passa du côté des anabaptistes,
+et devint lui-même un de leurs chefs... Un jour, un autre de leurs
+prédicateurs se met à courir dans les rues, en criant: «Faites
+pénitence, faites pénitence, amendez-vous, faites-vous baptiser, ou
+Dieu va vous punir!» Soit crainte, soit zèle religieux, beaucoup de
+gens qui entendirent ces cris, se hâtèrent de demander le baptême.
+Alors les anabaptistes remplissent le marché en criant: «Sus aux
+païens qui ne veulent pas du baptême!» Ils s'emparent des canons, des
+munitions, de la maison de ville, et maltraitent les catholiques et
+les luthériens qu'ils rencontrent. Ceux-ci se forment en nombre et
+attaquent les anabaptistes à leur tour. Après divers combats sans
+résultat, les deux partis éprouvèrent le besoin de se rapprocher, et
+convinrent que chacun serait libre de professer sa croyance. Mais les
+anabaptistes n'observèrent point ce traité; ils écrivirent sous main
+à tous ceux de leur secte qui étaient dans les villes voisines pour
+les faire venir à Munster. «Quittez ce que vous avez, écrivaient-ils;
+maisons, femmes, enfans, laissez tout pour venir à nous. Tout ce que
+vous aurez abandonné, vous sera rendu au décuple...» Quand les riches
+s'aperçurent que la ville se remplissait d'étrangers, ils en sortirent
+comme ils purent, n'y laissant de leur parti que les gens du bas
+peuple. (carême de l'année 1534.)
+
+Les anabaptistes, enhardis par leur départ et par les renforts qui leur
+étaient arrivés, déposèrent aussitôt le conseil de ville qui était
+luthérien, et en composèrent un d'hommes de leur parti.
+
+Quelques jours plus tard, ils pillèrent les églises et les couvens, et
+coururent la ville en tumulte, armés de hallebardes, d'arquebuses et de
+bâtons, criant comme des furieux: «Faites pénitence, faites pénitence!»
+et après: «Hors la ville, impies! hors la ville, ou l'on vous assomme!»
+Ainsi ils chassèrent sans pitié tout ce qui n'était pas des leurs.
+Ni vieillard ni femme enceinte, ne fut excepté. Un grand nombre de
+ces pauvres fugitifs tombèrent entre les mains de l'évêque, qui se
+préparait à assiéger la ville. Sans avoir égard à ce qu'ils n'étaient
+point du parti des anabaptistes, il les fit emprisonner; beaucoup
+d'entre eux furent même cruellement mis à mort.
+
+Les anabaptistes étant maîtres de la ville, leur prophète suprême, Jean
+de Matthiesen, ordonna que tout le monde mît son avoir en commun, sans
+rien céler, sous peine de la vie. Le peuple eut peur et obéit. Les
+biens des fugitifs furent saisis de même. Ce prophète décida encore
+que l'on ne garderait aucun autre livre que la Bible et le Nouveau
+Testament. Tous les autres qu'on put trouver furent brûlés dans la cour
+de la cathédrale. Ainsi le voulait le Père du ciel, disait le prophète.
+On en brûla au moins pour vingt mille florins.
+
+Un maréchal ferrant ayant parlé injurieusement des prophètes, toute la
+commune est assemblée sur le marché, et Jean Matthiesen le tue d'un
+coup de feu. Peu après, ce prophète court tout seul hors la ville, une
+hallebarde à la main, criant que le Père lui a ordonné de repousser les
+ennemis. Il avait à peine passé la porte qu'il fut tué.
+
+Jean de Leyde lui succéda comme prophète suprême, et il épousa sa
+veuve. Il releva le courage du peuple abattu par la mort de son
+prédécesseur. A la Pentecôte, l'évêque fit donner l'assaut, mais il
+fut repoussé avec grande perte. Jean de Leyde nomma douze fidèles
+(parmi lesquels se trouvaient trois nobles) pour être les anciens dans
+Israël... Il déclara aussi que Dieu lui avait révélé des doctrines
+nouvelles sur le mariage; il discuta avec les prédicateurs, qui,
+enfin, se rangèrent à son avis et prêchèrent trois jours de suite
+sur la pluralité des femmes. Un assez grand nombre d'habitans se
+déclarèrent contre la nouvelle doctrine, et firent même prisonniers les
+prédicateurs avec l'un des prophètes; mais bientôt ils furent obligés
+de les relâcher, et quarante-neuf d'entre eux périrent.
+
+A la Saint-Jean de l'année 1534, un nouveau prophète, auparavant
+orfèvre à Warendorff, assembla le peuple, et lui annonça qu'il avait eu
+une révélation d'après laquelle Jean de Leyde devait régner sur toute
+la terre, et occuper le trône de David jusqu'au temps où Dieu le Père
+viendrait lui redemander le gouvernement... Les douze anciens furent
+déposés et Jean de Leyde proclamé roi.
+
+Plus les anabaptistes prenaient de femmes, plus l'esprit de libertinage
+augmentait parmi eux; ils commirent d'horribles excès sur des jeunes
+filles de dix, douze et quatorze ans. Ces violences barbares, et les
+maux du siége irritèrent une partie du peuple. Plusieurs soupçonnaient
+Jean de Leyde d'imposture et songeaient à le livrer à l'évêque. Le roi
+redoubla de vigilance et nomma douze ducs chargés de maintenir la ville
+dans la soumission (jour des Rois 1535). Il promit à ces douze chefs
+qu'ils régneraient à la place de tous les princes de la terre, et il
+leur distribua d'avance des électorats et des principautés. Le «noble
+landgrave de Hesse» est seul excepté de la proscription; ils espèrent,
+disent-ils, qu'il deviendra leur frère... Le roi désigna le jour de
+Pâques comme l'époque où la ville serait délivrée.
+
+... L'une des reines ayant dit à ses compagnes qu'elle ne croyait pas
+conforme à la volonté de Dieu qu'on laissât ainsi le pauvre peuple
+mourir de misère et de faim, le roi la conduisit au marché avec ses
+autres femmes, lui ordonna de s'agenouiller au milieu de ses compagnes
+prosternées comme elle, et lui trancha la tête. Les autres reines
+chantèrent: _Gloire à Dieu au haut des cieux!_ et tout le peuple se
+mit à danser autour. Cependant il n'avait plus à manger que du pain
+et du sel! Vers la fin du siége, la famine fut si grande que l'on y
+distribuait régulièrement la chair des morts; on n'exceptait que ceux
+qui avaient eu des maladies contagieuses. A la Saint-Jean de l'année
+1535, l'évêque apprit d'un transfuge, le moyen d'attaquer la ville avec
+avantage. Elle fut prise le jour même de la Saint-Jean, et, après une
+résistance opiniâtre, les anabaptistes furent massacrés. Le roi, ainsi
+que son vicaire et son lieutenant, fut emmené entre deux chevaux, une
+chaîne double au cou, la tête et les pieds nus... L'évêque l'interpella
+durement sur l'horrible désastre dont il était cause; il lui répondit:
+«François de Waldeck (c'était son nom), si les choses avaient été à mon
+gré, ils seraient tous morts de faim, avant que je t'eusse livré la
+ville.»
+
+Nous trouvons beaucoup d'autres détails intéressans dans une pièce
+insérée au second volume des œuvres allemandes de Luther (édition
+de Witt.) sous le titre suivant: _Nouvelle sur les anabaptistes de
+Munster_[r8].
+
+ [r8] _Ibid._ t. II, 328.
+
+«... Huit jours après que l'assaut a été repoussé par les anabaptistes,
+le roi a commencé son règne en s'entourant d'une cour complète, à
+l'égal d'un prince séculier. Il a institué des maîtres de cérémonies,
+des maréchaux, des huissiers, des maîtres de cuisine, des fourriers,
+des chanceliers, des orateurs (_redner_), des serviteurs pour la table,
+des échansons, etc.
+
+»Une de ses femmes a été élevée au rang de reine, et elle a également
+sa cour à elle. C'est une belle et noble femme de Hollande, mariée
+auparavant à un autre prophète qui a été tué devant Munster et de qui
+elle est encore enceinte.
+
+»Le roi a en outre trente et un chevaux couverts de draps d'or. Il
+s'est fait faire des habits précieux en or et en argent avec les
+ornemens de l'église. Son écuyer est paré comme lui de vêtemens
+superbes pris de ces ornemens, et il porte en outre des bagues d'or; de
+même la reine avec ses vierges et ses femmes.
+
+»Lorsque le roi, dans sa majesté, traverse la ville à cheval, des pages
+l'accompagnent: l'un porte à son côté droit la couronne et la Bible,
+l'autre une épée nue. L'un d'eux est le fils de l'évêque de Munster. Il
+est prisonnier et il sert le roi dans sa chambre.
+
+»Le roi a de même dans sa triple couronne surmontée d'une chaîne d'or
+et de pierreries, la figure du monde percée d'une épée d'or et d'une
+épée d'argent. Au milieu du pommeau des deux épées se trouve une petite
+croix sur laquelle est écrit: _Un roi de la justice sur le monde_. La
+reine porte les mêmes ornemens.
+
+»En cet appareil le roi se rend trois fois par semaine au marché, où
+il monte sur un siége élevé qu'on a fait exprès. Le lieutenant du roi,
+nommé Knipperdolling, se tient une marche plus bas, puis viennent les
+conseillers. Celui qui a affaire au roi s'incline deux fois, se laisse
+tomber à terre à la troisième, et expose ensuite ce qu'il a à dire.
+
+»Un mardi ils ont célébré la sainte Cène dans la _cour du dôme_; ils
+étaient à table au nombre de près de quatre mille deux cents. Trois
+plats furent servis: à savoir du bouilli, du jambon et du rôti; le roi
+et ses femmes et tous leurs domestiques servirent les convives.
+
+»Après le repas, le roi et la reine prirent du gâteau de froment,
+le rompirent et en donnèrent aux autres, disant: «Prenez, mangez et
+annoncez la mort du Seigneur.» De même ils prirent une cruche de vin,
+disant: «Prenez, buvez-en tous et annoncez la mort du Seigneur.»
+
+»Les convives rompirent de même des gâteaux, et se les présentèrent
+les uns aux autres en prononçant ces paroles: «Frère et sœur, prends
+et mange. De même que Jésus-Christ s'est dévoué pour moi, de même je
+veux me dévouer pour toi; et de même que dans ce gâteau les grains de
+froment sont joints, et que les raisins ont été unis pour former ce
+vin, de même nous aussi nous sommes unis.» Ils s'exhortaient en même
+temps à ne rien dire de frivole, ni qui fût contraire à la loi du
+Seigneur. Ensuite ils remercièrent Dieu, d'abord par des prières, et
+puis par des cantiques, surtout par le cantique: _Gloire à Dieu au
+haut des cieux!_ Le roi et ses femmes, avec leurs serviteurs, se mirent
+à table également, ainsi que ceux qui revenaient de la garde.
+
+»Quand tout fut fini, le roi demanda à l'assemblée s'ils étaient tous
+disposés à faire et à souffrir la volonté du Père. Ils répondirent
+tous: _Oui_. Puis le prophète Jean de Warendorff se leva, et dit: «Que
+Dieu lui avait ordonné d'envoyer quelques-uns d'entre eux pour annoncer
+les miracles dont ils avaient été témoins.» Le même prophète ajouta
+que, selon l'ordre de Dieu, ceux qu'il nommerait devaient se rendre
+dans quatre villes de l'Empire, et y prêcher... On donna à chacun un
+fenin d'or de la valeur de neuf florins avec de la monnaie ordinaire
+pour le voyage, et ils partirent le soir même.
+
+»La veille de Saint-Gall, ils parurent dans les villes désignées,
+faisant grand bruit, et criant: «Convertissez-vous et faites pénitence,
+car la miséricorde du Père est à sa fin. La cognée frappe déjà la
+racine de l'arbre. Que votre ville accepte la paix, ou elle va périr.»
+Arrivés devant le conseil des quatre villes, ils étendirent leurs
+manteaux par terre, et y jetèrent les susdites pièces d'or, en disant:
+«Nous sommes envoyés par le Père pour vous annoncer la paix. Si vous
+l'acceptez, mettez tout votre bien en commun; si vous ne voulez pas
+faire cela, nous protesterons devant Dieu avec cette pièce d'or,
+et nous prouverons par elle que vous avez rejeté la paix qu'il vous
+envoyait. Il est arrivé maintenant, le temps annoncé par tous les
+prophètes, ce temps où Dieu ne voudra plus souffrir sur la terre que
+la justice; et quand le roi aura fait régner la justice sur toute la
+face de la terre, alors Jésus-Christ remettra le gouvernement entre les
+mains du Père.»
+
+»Alors ils furent mis en prison et questionnés sur leur croyance, leur
+vie, etc... (Suit l'interrogatoire.) ... Ils disaient qu'il y avait
+quatre prophètes, deux vrais, et deux faux; que les vrais, c'étaient
+David et Jean de Leyde, et les faux, le pape et Luther. «Luther,
+disaient-ils, est pire encore que le pape.» Ils tiennent aussi pour
+damnés tous les autres anabaptistes, quelque part qu'ils se trouvent.
+
+»... Dans Munster, disaient-ils, les hommes ont communément cinq, six,
+sept ou huit femmes, selon leur bon plaisir[1]. Mais chacun est obligé
+d'habiter d'abord avec l'une d'entre elles, jusqu'à ce qu'elle soit
+enceinte. Ensuite, il peut faire comme il lui plaît. Toutes les jeunes
+filles qui ont passé douze ans doivent se marier...
+
+ [1] L'un des interrogés dit que le roi en avait cinq. D'après
+ une autre relation, le nombre en serait monté à la fin jusqu'à
+ dix-sept.
+
+»... Ils détruisent les églises et toutes maisons consacrées à Dieu...
+
+»... Ils attendent à Munster des gens de Groningue et d'autres contrées
+de la Hollande. Eux venus, le roi se lèvera avec toutes ses forces, et
+subjuguera la terre entière.
+
+»Ils tiennent aussi qu'il est impossible de bien comprendre l'Écriture
+sans que des prophètes l'aient expliquée. Quand on discute avec eux
+et qu'ils en viennent à ne pouvoir justifier leur entreprise par
+l'Écriture, ils disent que le Père ne leur donne pas de s'expliquer
+là-dessus. D'autres répondent: Le prophète l'a dit par l'ordre de Dieu.
+
+»Il ne s'en trouva aucun qui voulût se rétracter, ni qui acceptât sa
+grâce à ce prix. Ils chantaient et remerciaient Dieu qui les avait
+jugés dignes de souffrir pour son nom.»
+
+Les anabaptistes sommés par le landgrave de Hesse de se justifier
+relativement au roi qu'ils s'étaient donné, lui répondirent (janvier
+1535)[r9]: «Que les temps de la restitution annoncés par les livres
+saints étaient arrivés, que l'Évangile leur avait ouvert la prison de
+Babylone, et qu'il fallait à présent rendre aux Babyloniens selon leurs
+œuvres; qu'une lecture attentive des prophètes, de l'Apocalypse,
+etc., montrerait évidemment au Landgrave si c'était d'eux-mêmes qu'ils
+avaient institué un roi, ou bien par l'ordre de Dieu, etc.»
+
+ [r9] _Ibid._ t. II, 365.
+
+Suit la convention qui fut arrêtée l'an 1533, entre l'évêque de
+Munster et cette ville par l'entremise des conseillers du Landgrave:
+... Les anabaptistes envoyèrent au landgrave de Hesse leur livre _De
+restitutione_. Il le lut avec indignation et ordonna à ses théologiens
+d'y répondre et d'opposer particulièrement aux anabaptistes neuf
+articles qu'il désigna. Dans ces articles il leur reproche entre autres
+choses: 1º de faire consister la justice non pas dans la foi seule,
+mais dans la foi et les œuvres ensemble; 2º d'accuser injustement
+Luther de n'avoir jamais enseigné les bonnes œuvres; 3º de défendre le
+libre arbitre.
+
+Dans le livre _De restitutione_, les anabaptistes divisaient toute
+l'histoire du monde en trois parties principales. «Le premier monde,
+disent-ils, celui qui exista jusqu'à Noé, fut submergé par les eaux. Le
+second, celui dans lequel nous-mêmes nous vivons encore, sera fondu et
+purifié par le feu. Le troisième sera un nouveau ciel et une nouvelle
+terre, habités par la justice. C'est ce que Dieu a désigné par l'arche
+sainte dans laquelle il y avait le vestibule, le sanctuaire et le
+saint des saints... La venue du troisième monde sera précédée d'une
+restitution et d'un châtiment universels. Les méchans seront tués,
+le règne de la justice préparé, les ennemis du Christ jetés à bas, et
+toutes choses restituées. C'est ce temps qui commence maintenant.»
+
+_Entretien ou discussion qu'Antoine Corvinus et Jean Kymeus ont eue à
+Béverger avec Jean de Leyde, le roi de Munster[r10]._—«Quand le roi
+entra dans notre chambre avec l'escorte qui l'avait tiré de sa prison,
+nous le saluâmes d'une manière amicale et l'invitâmes à s'asseoir près
+du feu. Nous lui demandâmes comment il se portait et s'il souffrait
+dans sa prison. Il répondit qu'il souffrait du froid et se sentait
+mal au cœur, mais qu'il devait tout endurer avec patience, puisque
+Dieu avait ainsi disposé de lui. Peu-à-peu, toujours en lui parlant
+amicalement, car on ne pouvait rien obtenir de lui d'une autre manière,
+nous arrivâmes à parler de son royaume et de sa doctrine, de la manière
+qu'il suit:
+
+ [r10] _Ibid._ t. II, 376.
+
+PREMIER POINT DE L'INTERROGATOIRE.—_Les ministres._ «Cher Jean,
+nous entendons dire de votre gouvernement des choses extraordinaires
+et horribles. Si elles sont telles qu'on le dit, et malheureusement
+cela n'est que trop vrai, nous ne pouvons concevoir comment il vous
+est possible de justifier une semblable entreprise par la sainte
+Écriture...»
+
+_Le roi._ «Ce que nous avons fait et enseigné, nous l'avons fait
+et enseigné avec bon droit, et nous pouvons justifier toute notre
+entreprise, nos actions et notre doctrine devant Dieu et à qui il
+appartient.»
+
+_Les ministres_ lui objectent que dans l'Écriture il n'était question
+que d'un règne spirituel de Jésus-Christ: «Mon royaume n'est pas de ce
+monde,» a-t-il dit lui-même.
+
+_Le roi._ «J'entends très bien ce que vous dites du royaume spirituel
+de Jésus-Christ et je n'attaque nullement les passages que vous citez.
+Mais vous devez savoir distinguer le royaume spirituel de Jésus-Christ,
+lequel se rapporte aux temps de la souffrance, et duquel après tout ni
+vous ni Luther vous n'avez une juste idée, et l'autre royaume, celui
+qui, après la résurrection, sera établi dans ce monde pendant mille
+ans. Tous les versets qui traitent du royaume spirituel de Jésus-Christ
+ont rapport au temps de la souffrance, mais ceux qui se trouvent dans
+les prophètes et dans l'Apocalypse et qui traitent du royaume temporel,
+doivent être rapportés au temps de la gloire et de la puissance que
+Jésus-Christ aura dans le monde avec les siens.
+
+»Notre royaume de Munster a été une image de ce royaume temporel du
+Christ; vous savez que Dieu annonce et désigne beaucoup de choses par
+des figures. Nous avions cru que notre royaume durerait jusqu'à la
+venue du Seigneur, mais nous voyons à présent qu'en ce point notre
+entendement a failli et que nos prophètes ne l'ont pas bien compris
+eux-mêmes. Dieu nous en a, dans la prison, ouvert et révélé la
+véritable intelligence...
+
+»Je n'ignore pas que vous rapportez communément au royaume spirituel du
+Christ ces passages et d'autres semblables, qui pourtant doivent, sans
+aucun doute, être entendus du royaume temporel. Mais qu'est-ce que ces
+interprétations spirituelles, et à quoi servent-elles, si rien ne doit
+se réaliser un jour?... Dieu a créé le monde principalement pour se
+complaire dans les hommes auxquels il a donné un reflet de sa force et
+de sa puissance.»
+
+_Les ministres_ «... Et comment vous justifierez-vous quand Dieu vous
+dira au jugement dernier: Qui t'a fait roi? Qui t'a ordonné de répandre
+dans le monde de si effroyables erreurs, au grand détriment de ma
+parole?»
+
+_Le roi._ «Je répondrai: Les prophètes de Munster me l'ont ordonné
+comme étant votre volonté divine, en preuve de quoi ils m'ont donné en
+gage leur corps et leur âme.»
+
+_Les ministres_ lui demandent ce qu'il en est des révélations divines
+qu'il aurait eues, dit-on, au sujet de son élévation à la royauté.
+
+_Le roi._ «Je n'ai pas eu de révélation à ce sujet, seulement il m'est
+venu des pensées, comme s'il devait y avoir un roi à Munster, et que
+moi je dusse être ce roi. Ces pensées m'ébranlèrent et m'affligèrent
+profondément. Je priais Dieu de vouloir bien prendre en considération
+mon inhabileté, et de ne point me charger d'un tel fardeau. Au cas où
+il ne voudrait pas m'épargner cette peine, je le priais de me faire
+désigner par des prophètes dignes de foi et en possession de sa parole.
+Je m'en tins là et n'en dis rien à personne. Mais quinze jours après un
+prophète se leva au milieu de la commune et s'écria que Dieu lui avait
+signifié que Jean de Leyde devait être roi. Il annonça la même chose au
+conseil, qui aussitôt se conforma à ce qu'il disait, se démit de son
+pouvoir et me proclama roi avec toute la commune. Il me remit aussi le
+glaive de la justice. C'est ainsi que je suis devenu roi.»
+
+DEUXIÈME ARTICLE.—_Le roi._ «... Nous ne nous sommes opposés à
+l'autorité que parce qu'elle voulait nous interdire notre baptême et la
+parole de Dieu. Nous avons résisté à la violence. Vous prétendez que
+nous avons agi injustement en cela, mais saint Pierre ne dit-il pas
+qu'on doit obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes?... Vous ne réprouveriez
+pas tout ce que nous avons fait, si vous saviez comment les choses se
+sont passées...»
+
+_Les ministres._ «Parez et justifiez vos actes, comme vous voudrez,
+vous n'en serez pas moins éternellement des rebelles, coupables du
+crime de lèse-majesté. Le chrétien doit souffrir et ne point résister
+au méchant. Quand même tout le conseil se fût rangé de votre parti
+(ce qui n'a pas eu lieu), vous auriez dû supporter la violence plutôt
+que de commencer un schisme, une sédition, une tyrannie pareils,
+contrairement à la parole de Dieu, à la majesté de l'Empereur, à la
+dignité royale, à celle de l'électorat et des princes et états de
+l'Empire.»
+
+_Le roi._ «Nous savons ce que nous avons fait: Que Dieu soit notre
+juge.»
+
+_Les ministres._ «Nous aussi, nous savons sur quoi est fondé ce que
+nous disons. Que Dieu soit notre juge aussi.»
+
+TROISIÈME ARTICLE.—_Le roi._ «... Nous avons été assiégés et détruits
+à cause de la parole divine; c'est pour elle que nous avons souffert
+la faim et tous les maux, que nous avons perdu les nôtres, et que nous
+sommes tombés dans une si lamentable calamité! Ceux d'entre nous qui
+sont encore en vie, mourront sans résistance et sans plainte, comme
+l'agneau qu'on immole...»
+
+CINQUIÈME ARTICLE.—Le roi dit qu'il a long-temps été de l'avis de
+Zwingli, mais qu'il est revenu à croire en la transsubstantiation.
+Seulement il n'accorde pas à ses interlocuteurs que celle-ci s'opère
+aussi dans celui qui n'a pas la foi.
+
+SIXIÈME ARTICLE.—_Les ministres._ «... Que voulez-vous donc faire
+de Jésus-Christ, s'il n'a pas reçu chair et sang de sa mère Marie?
+Voulez-vous qu'il soit un fantôme, un spectre? Il serait besoin
+que notre Urbanus Regius fît imprimer un second livre pour vous
+faire comprendre votre langue natale[2], sans cela vos têtes d'ânes
+résisteront toujours à l'instruction.»
+
+ [2] Ceci se rapporte à l'interprétation du mot: né, _geboren_.
+
+_Le roi._ «Si vous saviez quelle consolation infinie est renfermée dans
+cette connaissance que Jésus-Christ, Dieu et fils du Dieu vivant, s'est
+fait homme et a versé son sang, non pas celui de Marie, pour racheter
+nos péchés (lui qui est pur de toute faute), vous ne parleriez pas
+comme vous faites et vous ne trouveriez pas notre opinion si mauvaise.»
+
+SEPTIÈME ARTICLE sur la polygamie.—Le roi oppose aux ministres
+l'exemple des patriarches. Les ministres se retranchent derrière
+l'usage généralement établi dans les temps modernes, et déclarent
+que le mariage est _res politica_. Le roi dit qu'il vaut mieux avoir
+beaucoup d'épouses, que beaucoup de prostituées, et termine cet
+entretien, comme le second, par ces mots: «Que Dieu soit notre juge.»
+
+Quoique rédigé par les prédicateurs, l'effet de cette discussion ne
+leur est pas favorable. On ne peut s'empêcher d'admirer la fermeté,
+le bon sens, et la modeste simplicité du roi de Munster, qui ressort
+encore par la dureté pédantesque de ses interlocuteurs.
+
+Corvinus et Kymeus au lecteur chrétien:—«Nous avons représenté notre
+entretien avec le roi à-peu-près mot pour mot, sans passer un seul de
+ses argumens; seulement nous les avons mis en notre langage et posés
+plus convenablement qu'il ne le faisait... Environ huit jours après,
+il envoya vers nous pour nous prier de venir encore une fois traiter
+avec lui... Nous discutâmes de nouveau pendant deux jours; il se trouva
+plus docile que la première fois, mais nous n'avons vu en cela que le
+désir de sauver sa vie. Il déclara de son propre mouvement que si on le
+prenait en grâce, il voulait avec le secours de Melchior Hoffmann et
+de ses reines, exhorter tous les anabaptistes, qui sont très nombreux,
+selon lui, dans la Hollande, le Brabant, l'Angleterre et la Frise, à
+se taire désormais, à obéir, et même à faire baptiser leurs enfans,
+jusqu'à ce que l'autorité s'arrangeât avec eux sur les affaires de
+religion.» ... Suit la nouvelle confession de foi de Jean de Leyde, par
+laquelle il modifie quelques points de la première. En exhortant les
+anabaptistes à l'obéissance, il n'entend qu'une obéissance extérieure.
+Il ne cède point sur le fond des doctrines, et veut qu'on laisse les
+consciences libres. Quant à l'eucharistie, il déclare que tous ses
+confrères sont zwingliens sur ce point, et que lui-même il l'avait
+toujours été, mais que dans sa prison Dieu lui a fait connaître ses
+erreurs. Cette confession est signée en hollandais: _Moi, Jean de
+Leyde, signé de ma propre main_.
+
+Le 19 janvier 1536, Jean de Leyde, ainsi que Knipperdolling et
+Krechting, son vicaire et son lieutenant, furent tirés de leurs
+cachots[r11]. Le lendemain, l'évêque leur envoya son chapelain pour
+conférer avec chacun d'eux séparément, sur leurs croyances et sur
+les actes qu'ils avaient commis. Le roi témoigna du repentir et se
+rétracta, mais les deux autres persistèrent et ne s'avouèrent coupables
+en rien... Le 22 au matin, toutes les portes de Munster furent fermées;
+on ne laissa plus entrer ni sortir, et vers les huit heures, le roi,
+dépouillé jusqu'à la ceinture, fut conduit sur un échafaud dressé dans
+le marché. Deux cents fantassins et trois cents cavaliers se tenaient
+auprès. L'affluence du peuple était extrême. Il fut attaché à un
+poteau, et deux bourreaux le déchirèrent tour-à-tour avec des tenailles
+ardentes. Enfin l'un d'eux lui plongea un couteau dans la poitrine, et
+termina ainsi l'exécution qui durait depuis une heure.
+
+ [r11] _Ibid._ t. II, 400.
+
+«Aux trois premiers coups de tenailles le roi ne laissa entendre aucun
+cri, mais après il s'écria sans cesse, les yeux tournés au ciel: _O
+mon Père, ayez pitié de moi!_ et il pria Dieu avec ardeur, pour la
+rémission de ses péchés. Quand il se sentit défaillir, il dit: _O mon
+Père, je remets mon esprit entre tes mains!_ et il expira.»
+
+«Le cadavre fut jeté sur une claie et traîné devant la tour de
+Saint-Lambert, où étaient préparés trois paniers de fer. Arrivé là, on
+l'attacha avec des chaînes dans l'un de ces paniers, et les paysans le
+hissèrent au haut de la tour, où il fut suspendu à un crochet.»—Le
+supplice de Knipperdolling et de Krechting fut le même que celui du
+roi. Ils persistèrent jusqu'à la fin dans tout ce qu'ils avaient dit.
+«Pendant l'exécution ils n'invoquèrent que le Père, sans faire mention
+du Christ, comme c'était l'usage de leur secte. Ni l'un ni l'autre,
+ne dit rien de remarquable: peut-être leur silence était-il la suite
+des tourmens qu'ils avaient endurés dans la prison, car ils semblaient
+déjà plus morts que vifs. Leurs corps furent mis dans les deux autres
+paniers de fer, et hissés par les paysans, l'un à la droite, l'autre
+à la gauche du roi, mais plus bas de la hauteur d'un homme. Alors on
+rouvrit les portes de la ville, et il y entra une grande foule de gens
+venus trop tard pour voir l'exécution[a28].»
+
+_Préface de Luther aux Nouvelles, sur les affaires de Munster[r12]._
+«Ah! que dois-je, et comment dois-je écrire contre ou sur ces pauvres
+gens de Munster! N'est-il pas visible que le diable y règne en
+personne, ou plutôt qu'il y a là toute une bande de diables?
+
+ [r12] _Ibid._ t. II, 332.
+
+»Reconnaissons pourtant ici la grâce et la miséricorde infinies de
+Dieu. Après que l'Allemagne, par tant de blasphèmes, par le sang
+de tant d'innocens, a mérité une si rude férule, le père de toute
+miséricorde ne permet pas encore au diable de frapper son vrai coup, il
+nous avertit d'abord paternellement par ce jeu grossier que Satan fait
+à Munster. La puissance de Dieu contraint l'esprit aux cent ruses à s'y
+prendre d'abord avec gaucherie et maladresse, afin de nous laisser le
+temps d'échapper par la pénitence, aux coups mieux calculés qu'il nous
+réservait.
+
+»En effet, l'esprit qui veut tromper le monde ne doit pas commencer par
+prendre des femmes, par étendre la main vers les honneurs et le glaive
+royal, ou bien par égorger les gens; ceci est trop grossier. Chacun
+s'aperçoit que cet esprit ne veut autre chose que s'élever lui-même et
+opprimer les autres. Ce qu'il faut pour tromper, c'est de mettre un
+habit gris, de prendre un air triste et piteux, de pencher la tête,
+de refuser l'argent, de ne pas manger de viande; de fuir les femmes à
+l'égal du poison, de repousser comme damnable tout pouvoir temporel, de
+rejeter le glaive; puis de se baisser tout doucement vers la couronne,
+le glaive et les clés, pour les ramasser et s'en saisir furtivement.
+Voilà qui pourrait réussir, voilà qui tromperait même les sages, les
+hommes tournés au spirituel. Ce serait là un beau diable, à plumes plus
+belles que plumes de paon et de faisan.
+
+»Mais saisir la couronne si impudemment, prendre non-seulement une
+femme, mais autant de femmes que dit le caprice et le plaisir. Ah!
+c'est le fait d'un diablotin écolier, d'un diable à l'A B C; ou bien
+c'est le véritable Satan, le Satan docte et habile, mais garrotté
+par la main de Dieu de chaînes si puissantes qu'il n'a pu agir plus
+adroitement. C'est pour nous menacer tous et nous exhorter à craindre
+ses châtimens, avant qu'il ne laisse le champ libre à un diable savant
+qui nous attaquerait, non plus avec l'A B C, mais avec le véritable
+texte, le texte difficile. S'il fait de telles choses comme diablotin
+à l'école, que ne pourrait-il faire comme diable raisonnable, sage,
+savant, légiste, théologien?
+
+»... Lorsque Dieu est en colère et qu'il nous prive de sa parole, nulle
+tromperie du diable n'est trop grossière. Les commencemens de Mahomet
+aussi furent grossiers; cependant, Dieu n'y mettant obstacle, il en est
+sorti un empire damnable et infâme, comme tout le monde sait. Si Dieu
+ne nous eût pas été en aide contre Münzer, il se fût élevé par lui un
+empire turc, comme celui de Mahomet. En somme: nulle étincelle n'est si
+petite, que Dieu y laissant souffler le diable, il n'en puisse sortir
+un feu qui dévore le monde, et que personne n'éteigne. La meilleure
+arme contre le diable c'est le glaive de l'esprit, la parole de Dieu;
+le diable est un esprit et il se moque des cuirasses, des chevaux et
+des cavaliers.
+
+»Mais nos seigneurs évêques et princes, ne veulent pas souffrir que
+l'on prêche l'Évangile, et que, par la parole divine, l'on arrache
+les âmes au diable; ils pensent qu'il suffit d'égorger. De cette
+manière ils prennent au diable les corps, ils lui laissent les âmes;
+ils réussiront comme les Juifs, qui croyaient exterminer Christ en le
+crucifiant.....
+
+»..... Ceux de Munster, entre autres blasphèmes, parlent de la
+naissance de Jésus-Christ, comme s'il ne venait pas (c'est leur
+langage) de la semence de Marie et que cependant il fût de la semence
+de David. Mais ils ne s'expliquent pas clairement. Le diable garde la
+bouillie ardente dans la bouche et ne fait que grommeler: _mum, mum_,
+voulant probablement dire pis. Toutefois ce que l'on comprend, c'est
+que, d'après eux, la semence ou la chair de Marie ne pourrait pas nous
+racheter. Eh bien! diable, grommèle et crache tant que tu voudras, le
+seul petit mot: _né_, renverse tout cela. Dans toutes les langues,
+sur toute la terre, on appelle _né_ l'enfant de chair et de sang qui
+sort des entrailles de la femme, et non autre chose. Or l'Écriture dit
+partout que Jésus-Christ est _né_ de sa mère Marie, qu'il est son fils
+premier né: ainsi Isaïe, Gabriel, et ailleurs: «Tu seras enceinte en
+ton corps,» etc. Mon cher, _être enceinte_ ne signifie pas: être un
+tuyau par lequel il coule de l'eau (selon les blasphèmes de Manichée);
+mais cela veut dire qu'un enfant est pris de la chair et du sang de sa
+mère, qu'il est nourri en elle, qu'il y prend croissance, qu'il est à
+la fin mis au monde.
+
+»L'autre proposition de ces gens, celle par laquelle ils condamnent
+le baptême des enfans et en font une chose païenne, est de même assez
+grossière. Ils regardent comme mauvais tout ce que les impies ont et
+donnent. Pourquoi donc alors ne tiennent-ils pas pour mauvais l'or,
+l'argent et les autres biens qu'ils ont pris aux impies dans Munster.
+Ils devraient faire de l'or et de l'argent tout neuf.....
+
+»Leur méchant royaume est si visiblement un royaume de grossière
+imposture et de révolte qu'il n'est pas besoin d'en parler. J'en ai
+déjà trop dit: Je m'arrête.»[a29]
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+1536-1545.
+
+ Dernières années de la vie de Luther.—Polygamie du landgrave
+ de Hesse, etc.
+
+
+Les catholiques et les protestans réunis un instant contre les
+anabaptistes, n'en furent ensuite que plus ennemis[a30]. On parlait
+toujours d'un concile général; personne n'en voulait sérieusement. Le
+pape le redoutait, les protestans le récusaient d'avance.
+
+«On m'écrit de la diète, que l'Empereur presse les nôtres de consentir
+à un concile, et qu'il se courrouce de leur refus. Je ne comprends pas
+ces monstruosités. Le pape nie que des hérétiques comme nous puissent
+avoir place à un concile: l'Empereur veut que nous consentions au
+concile et à ses décrets. C'est peut-être Dieu qui les rend fous...
+Mais voici sans doute leur folle combinaison. Comme jusqu'à présent
+ils n'ont pu, sous le nom du pape, de l'Église, de l'Empereur, des
+diètes, rendre redoutable leur mauvaise cause, ils pensent maintenant
+à se couvrir du nom de concile afin de pouvoir crier contre nous: que
+nous sommes des gens tellement perdus et désespérés que nous ne voulons
+écouter ni le pape, ni l'Église, ni l'Empereur, ni l'Empire, ni le
+concile même que nous avons tant de fois demandé. Voyez l'habileté de
+Satan contre ce pauvre sot de Dieu, qui aura sans doute de la peine
+à se tirer de piéges si bien dressés?... Non, c'est le Seigneur, qui
+se jouera de ceux qui se jouent de lui. S'il nous faut consentir à un
+concile ainsi disposé pour nous, pourquoi, il y a vingt-cinq ans, ne
+nous sommes-nous pas soumis au pape, seigneur des conciles, et à toutes
+ses bulles?» (9 juillet 1545.)
+
+Ce concile aurait pu resserrer l'unité de la hiérarchie catholique,
+mais non rétablir celle de l'Église. Les armes devaient seules
+décider[a31]. Déjà les protestans avaient chassé les Autrichiens du
+Wurtemberg. Ils dépouillaient Henri de Brunswick, qui exécutait à
+son profit les arrêts de la chambre impériale. Ils encourageaient
+l'archevêque de Cologne à imiter l'exemple d'Albert de Brandebourg, en
+sécularisant son archevêché, ce qui leur eût donné la majorité dans
+le conseil électoral. Cependant il y eut encore quelques tentatives
+de conciliation. Des conférences s'ouvrirent à Worms et à Ratisbonne
+(1540—1541)[a32]. Elles furent aussi inutiles que celles qui les
+avaient précédées. Luther ne s'y trouva point et donna même peu
+d'attention à ces disputes qui de jour en jour prenaient un caractère
+plus politique que religieux.
+
+«Il ne m'est rien venu de Worms, si ce n'est ce que m'écrit Mélanchton,
+qu'il s'y est réuni une telle multitude de doctes personnages de
+France, d'Italie, d'Espagne et d'Allemagne, que dans aucun synode
+pontifical on n'en pourra jamais voir un aussi grand nombre.» (27
+novembre 1540.)
+
+«J'ai reçu des nouvelles de Worms. Les nôtres procèdent avec force et
+sagesse, nos adversaires, comme gens sots et ineptes, n'usent que de
+ruses et de mensonges. On croirait voir Satan lui-même, quand se lève
+l'aurore, courir çà et là cherchant, sans pouvoir trouver, quelque
+sombre repaire pour échapper à cette lumière qui le poursuit.» (9
+janvier 1541.)
+
+Après une nouvelle conférence de théologiens des deux partis, on
+voulut avoir l'opinion de Luther sur dix articles dont on était
+convenu. «Notre prince apprenant que l'on venait directement à moi sans
+s'adresser à lui, accourut avec Pontanus, et tous deux arrangèrent la
+réponse à leur façon[a33].»
+
+Quelques années auparavant, cette intervention du prince aurait soulevé
+l'indignation de Luther. Ici il en parle sans colère, le dégoût et la
+lassitude commencent à s'emparer de lui. Il voit bien qu'en travaillant
+à rétablir l'Évangile dans sa pureté primitive, il n'a fait que fournir
+aux puissans du siècle les moyens de satisfaire leurs ambitions
+terrestres, et qu'ils font chaque jour bon marché de son Christ.
+
+«Notre excellent prince m'a donné à lire les conditions qu'il veut
+proposer pour avoir la paix avec l'Empereur et nos adversaires. Je vois
+qu'ils regardent toute cette affaire comme une comédie qui se joue
+entre eux, tandis que c'est une tragédie entre Dieu et Satan, où Satan
+triomphe et où Dieu est humilié[a34]. Mais viendra la catastrophe où le
+Tout-Puissant, auteur de cette tragédie, nous donnera la victoire. Je
+suis indigné qu'on se joue ainsi de si grandes choses[a35].» (4 avril
+1541.)
+
+
+Nous avons vu de bonne heure dans quelle triste dépendance la Réforme
+s'était trouvée à l'égard des princes qui la protégeaient; Luther eut
+le temps de voir les conséquences où cette dépendance devait aboutir.
+Ces princes, c'étaient des hommes; il fallut les servir, non-seulement
+comme princes, mais comme hommes, dans leurs caprices, dans les besoins
+de leur humanité. De là, des concessions qui sans être contraires aux
+principes de la Réforme, semblèrent peu honorables aux réformateurs.
+
+Le chef le plus belliqueux du parti protestant, l'impétueux et
+colérique landgrave de Hesse, fit représenter à Luther et aux ministres
+que sa santé ne lui permettait pas de se contenter d'une femme. Les
+instructions qu'il donna à Bucer[r13] pour négocier cette affaire
+avec les théologiens de Wittemberg, sont un curieux mélange de
+sensualité, de craintes religieuses et de naïveté hardie.
+
+ [r13] Bossuet en a donné le texte dans son histoire des
+ _Variations de l'Église protestante_.—t. I, 328, 199.
+
+«Depuis mon mariage, écrit-il, je vis dans l'adultère et la
+fornication; et comme je ne veux point abandonner cette vie, je ne puis
+m'approcher de la Sainte-Table; car saint Paul a dit que l'adultère ne
+possèdera pas le royaume des cieux.» Il énumère ensuite les raisons
+qui le forcent à vivre ainsi. «Ma femme, dit-il, n'est ni belle, ni
+aimable; elle sent mauvais, elle boit, et mes chambellans savent bien
+comment elle se comporte alors, etc.»—Je suis d'une forte complexion,
+les médecins peuvent le témoigner, souvent je vais aux diètes
+impériales. «_Ubi lautè vivitur et corpus curatur; quomodo me ibi
+gerere queam absque uxore, cùm non semper magnum gynæceum mecum ducere
+possim?..._» Comment puis-je punir la fornication et les autres crimes,
+lorsque moi-même je m'en rends coupable, lorsque tous pourraient me
+dire: Maître, commence par toi... Si nous prenions les armes pour la
+cause de l'Évangile, je ne le ferais qu'avec une conscience troublée,
+car je me dirais: Si tu meurs en cette guerre, tu vas au démon... J'ai
+lu avec soin l'Ancien et le Nouveau Testament, et je n'y ai trouvé
+d'autre remède que de prendre une seconde femme, car je ne puis, ni
+ne veux changer la vie que je mène. Je l'atteste par-devant Dieu, ce
+qu'Abraham, Jacob, David, Lamech et Salomon ont fait, pourquoi ne le
+puis-je faire?» Cette question de la polygamie avait été agitée déjà
+dans les premières années du protestantisme; on la trouvait partout
+dans l'Écriture à laquelle la Réforme disait vouloir ramener le
+monde. Les réformateurs considéraient d'ailleurs le mariage _ut res
+politica_, et sujette aux réglemens du prince. En présence de cette
+question, Luther recula d'abord; la chose lui répugnait, mais il
+n'osait condamner l'Ancien Testament. D'ailleurs la doctrine que le
+Landgrave invoquait, était précisément celle que Luther avait adoptée
+en principe dès les commencemens de la Réforme, quoiqu'il ne conseillât
+pas de la pratiquer; il avait écrit en 1524: «Il faut que le mari
+soit certain par sa propre conscience et par la parole de Dieu, que
+la polygamie lui est permise. ..... Pour moi, j'avoue que je ne puis
+mettre d'opposition à ce qu'on épouse plusieurs femmes, et que cela
+ne répugne pas à l'Écriture sainte. Cependant je ne voudrais pas que
+cet exemple s'introduisît parmi les chrétiens, à qui il convient de
+s'abstenir même de ce qui est permis, pour éviter le scandale et pour
+maintenir l'_honestas_ que saint Paul exige en toute occasion. Il est
+tout-à-fait indigne d'un chrétien de courir avec tant d'ardeur pour
+son propre avantage jusqu'aux dernières limites de la liberté, et de
+négliger pourtant les choses les plus vulgaires et les plus nécessaires
+de la charité. Aussi je n'ai point voulu, dans mon sermon, ouvrir cette
+fenêtre.» (13 janvier 1524.)
+
+«La polygamie permise autrefois aux Juifs et aux gentils, ne peut,
+d'après la foi, exister chez les chrétiens si ce n'est dans un cas
+d'absolue nécessité, comme quand on est obligé de se séparer de sa
+femme lépreuse, etc. Tu diras donc à ces hommes de chair que s'ils
+veulent être chrétiens, il leur faut maîtriser la chair et ne point lui
+lâcher la bride. S'ils veulent être gentils, qu'ils le soient, mais à
+leurs risques et périls.» (21 mars 1527.)
+
+Un jour Luther demanda au docteur Basilius si, d'après les lois, le
+mari dont la femme aurait quelque maladie incurable, et serait, pour
+ainsi dire, plus morte que vivante, pourrait être autorisé à prendre
+une concubine. Le docteur Basilius ayant répondu que dans certains
+cas, cette permission serait probablement accordée, Luther dit: «C'est
+là une chose dangereuse, car si l'on admet les cas de maladie, l'on
+pourrait venir chaque jour inventer de nouvelles raisons de dissoudre
+les mariages.» (1539).
+
+Le message du Landgrave jeta Luther dans un grand embarras. Tout ce
+qu'il y avait de théologiens protestans à Wittemberg, se réunit pour
+dresser une réponse; on résolut de composer avec ce prince. On lui
+accorda le double mariage, mais à condition que sa seconde femme ne
+serait point reconnue publiquement. «Votre Altesse comprend assez
+d'elle-même la différence qu'il y a d'établir une loi universelle ou
+d'user de dispense en un cas particulier pour de pressantes raisons.
+Nous ne pouvons introduire publiquement et sanctionner comme par une
+loi la permission d'épouser plusieurs femmes... Nous prions Votre
+Altesse de considérer dans quel danger serait un homme convaincu
+d'avoir introduit en Allemagne une telle loi, qui diviserait les
+familles et les engagerait en des procès éternels..... Votre Altesse
+est d'une complexion faible, elle dort peu; de grands ménagemens lui
+sont nécessaires... Le grand Scanderbeg exhortait souvent ses soldats
+à la chasteté, disant qu'il n'y avait rien de si nuisible à leur
+profession que le plaisir de l'amour... Qu'il plaise donc à Votre
+Altesse d'examiner sérieusement les considérations du scandale, des
+travaux, des soins, des chagrins et des infirmités qui lui ont été
+représentées... Si cependant Votre Altesse est entièrement résolue
+d'épouser une seconde femme, nous jugeons qu'elle doit le faire
+secrètement... Fait à Wittemberg, après la fête de saint Nicolas, de
+l'an 1539[a36]. Martin LUTHER, Philippe MELANCHTON, Martin BUCER,
+Antoine CORVIN, ADAM, Jean LENING, Justin WINTFERT, Dyonisius
+MELANTHER.»
+
+C'était une chose dure que de forcer Luther qui, comme théologien et
+père de famille, tenait à la sainteté du mariage, de déclarer qu'en
+vertu de l'Ancien Testament, deux femmes pouvaient s'asseoir avec leurs
+jalousies et leurs haines au même foyer domestique. Cette croix, il
+la sentit douloureusement. «Quant à l'affaire _macédonique_, ne t'en
+afflige pas trop, puisque les choses en sont venues au point que ni
+joie ni tristesse n'y peuvent rien. Pourquoi nous tuer nous-mêmes?
+pourquoi souffrir que la tristesse nous ôte la pensée de celui qui a
+vaincu toutes les morts et toutes les tristesses? Celui qui a vaincu le
+diable et jugé le prince de ce monde, n'a-t-il pas en même temps jugé
+et vaincu ce scandale?... A leurs yeux, nos vertus sont des vices quand
+nous n'adorons point Satan avec eux. Que Satan triomphe donc, et n'en
+concevons ni chagrin, ni tristesse; mais réjouissons-nous en Christ,
+qui brisera les efforts de tous nos ennemis.» (18 juin 1540).
+
+Il semble qu'il ait espéré, pour éviter ce scandale, l'intervention de
+l'Empereur.
+
+«Si César et l'Empire le voulaient, comme ils seront forcés de le
+vouloir, ils feraient bientôt cesser par un édit ce scandale, afin que
+cela ne puisse devenir pour l'avenir un droit ou un exemple.»
+
+Depuis cette époque, les lettres de Luther, comme celles de Mélanchton,
+sont pleines de dégoût et de tristesse[a37].
+
+Quelqu'un demandant à Luther de l'appuyer par une lettre près de la
+cour de Dresde, Luther lui répond qu'il a perdu tout crédit, toute
+influence. Dans les lettres précédentes, il se trouve parfois des
+expressions amères contre cette cour. _Mundana illa caula._
+
+«J'assisterai à tes noces, mon cher Lauterbach, mais en esprit et par
+la prière. Car que j'y aille de corps, ce n'est pas seulement la
+multitude des affaires qui m'en empêche, mais le danger d'offenser ces
+mamelucks et la reine de ce royaume (la duchesse Catherine de Saxe?);
+car qui n'est offensé de la folie de Luther?»
+
+«Tu me demandes, mon cher Jonas, de t'écrire de temps à autre quelques
+mots de consolation. Mais c'est moi plus que personne qui ai besoin
+que tes lettres viennent rendre quelque vie à mon esprit, moi qui
+comme Loth ai tant à souffrir au milieu de cette infâme et satanique
+ingratitude, de cet horrible mépris de la parole du Seigneur. Il faut
+que je voie Satan posséder les cœurs de ceux qui croient qu'à eux
+seuls sont réservées les premières places dans le royaume de Christ!»
+
+Les protestans commençaient déjà à se relâcher de leur sévérité. On
+rouvrait les maisons de débauches. Il vaudrait mieux, dit Luther, ne
+pas avoir chassé Satan que de le ramener en plus grande force. (13
+septembre 1540.)
+
+«Le pape, l'Empereur, le Français, Ferdinand, ont envoyé auprès du
+Turc, pour demander la paix, une ambassade magnifique chargée de riches
+présens. Et ce qu'il y a de plus beau, c'est que pour ne pas blesser
+les yeux des Turcs, ils ont tous quitté le costume de leur pays, et se
+sont parés de longues robes à la mode turque... J'espère que ce sont
+les signes bienheureux de la fin imminente de toutes choses.» (17
+juillet 1745.)
+
+_A Jonas._ «Je te dis à l'oreille que j'ai de grands soupçons qu'on
+nous enverra seuls, nous autres luthériens, à la guerre contre le Turc.
+Le roi Ferdinand a enlevé de Bohême l'argent de la guerre, et a défendu
+qu'on fît partir un seul soldat. L'Empereur ne fait rien. Et si c'était
+leur dessein que nous fussions exterminés par le Turc?» (29 décembre
+1542.)
+
+«Rien de nouveau ici, sinon que le margrave de Brandebourg se fait une
+mauvaise réputation par tout le monde au sujet de la guerre de Hongrie.
+Ferdinand n'en a pas une meilleure. Je vois un concours de tant de
+motifs et de très vraisemblables, que je ne puis m'empêcher de croire
+que tout cela indique une horrible et funeste trahison.» (26 janvier
+1542.)
+
+«Je le demande, qu'arrivera-t-il enfin de cette horrible trahison des
+princes et des rois?» (16 décembre 1543.)
+
+«Puisse Dieu nous venger des incendiaires (presque tous les mois il
+parle d'incendies qui ont lieu à Wittemberg)! Satan a trouvé un nouveau
+moyen de nous tuer. On jette du poison dans le vin, du plâtre dans le
+lait[a38]. A Iéna, douze personnes ont été empoisonnées dans du vin.
+Peut-être sont-elles mortes seulement pour avoir trop bu. Cependant
+on assure qu'à Magdebourg et à Northuse, on a trouvé des marchands
+vendant du lait empoisonné.» (avril 1541.) Dans une des lettres
+suivantes, il fait mention d'une histoire d'hosties empoisonnées.—A
+Amsdorf, à l'occasion de la peste de Magdebourg. «Ce que tu me mandes
+de la frayeur que l'on a aujourd'hui de la peste, j'en ai fait aussi
+l'épreuve il y a quelques années; et je m'étonne de voir que, plus se
+répand la prédication de la vie en Jésus-Christ, plus augmente dans le
+peuple la peur de la mort, soit qu'auparavant, sous le règne du pape,
+un faux espoir de vie diminuât pour eux la crainte de la mort, et que
+maintenant la véritable espérance de vie étant mise devant leurs yeux,
+ils sentent combien la nature est faible pour croire au vainqueur de
+la mort, soit que Dieu nous tente par ces faiblesses et laisse prendre
+à Satan, au milieu de cette frayeur, plus de hardiesse et de force.
+Tant que nous avons vécu dans la foi du pape, nous étions comme des
+gens ivres, endormis ou fous, prenant la mort pour la vie, c'est-à-dire
+ignorant ce que c'est que la mort et la colère de Dieu. Maintenant que
+la lumière a brillé et que la colère de Dieu nous est mieux connue, la
+nature est sortie du sommeil et de la folie. De là vient qu'ils ont
+plus de peur qu'autrefois... J'ajoute et j'applique ici ce passage
+du psaume LXXI: _Ne me rejetez pas dans le temps de ma vieillesse;
+lorsque ma force succombera, ne m'abandonnez pas_. Car je pense que ce
+temps suprême est la vieillesse du Christ et le temps de l'abattement,
+c'est-à-dire que c'est le grand et dernier assaut du diable, comme
+David, dans ses derniers jours, affaibli par l'âge, eût été tué par
+le géant, si Abisaï ne fût venu à son aide... J'ai appris presque
+toute cette année à chanter avec saint Paul: _Quasi mortui et ecce
+vivimus_. Et ailleurs: _Per gloriam vestram quotidiè morior_. Et quand
+il dit aux Corinthiens, _In mortibus frequenter_, ce n'a pas été chez
+lui spéculation ou méditation sur la mort, mais sentiment de la mort
+elle-même, comme s'il n'y avait plus d'espérance de vie.» (20 novembre
+1538.)
+
+«J'espère qu'au milieu du déchirement du monde, le Christ va hâter son
+jour et fera écrouler l'univers, _Ut fractus illabatur orbis_.» (12
+février 1538.)
+
+
+
+
+LIVRE IV.
+
+1530-1546.
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER.
+
+ Conversations de Luther.—La famille[a39], la femme[a40],
+ les enfans. La nature.
+
+
+Arrêtons-nous dans cette triste histoire des dernières années de
+la vie publique. Réfugions-nous, comme Luther, dans la vie privée;
+asseyons-nous à sa table, à côté de sa femme, au milieu de ses enfans
+et de ses amis; écoutons les paroles graves du pieux et tendre père de
+famille[a41].
+
+
+«Celui qui insulte les prédicateurs et les femmes ne réussira pas
+bien[r14]. C'est des femmes que viennent les enfans par quoi se
+maintient le gouvernement de la famille et de l'état. Qui les méprise,
+méprise Dieu et les hommes.
+
+ [r14] Tischr. 241.
+
+»Le droit saxon est trop dur, lorsqu'il donne seulement à la veuve un
+siége et une quenouille[r15]. Par le premier mot, il faut entendre
+la maison; par le second, l'entretien, la subsistance. On paie bien un
+valet. Que dis-je? on donne plus à un mendiant.
+
+ [r15] _Ibid._ 315 _bis_.
+
+»Il n'y a point de doute que les femmes en mal d'enfant, qui meurent
+dans la foi, sont sauvées, parce qu'elles meurent dans la charge et la
+fonction pour laquelle Dieu les a créées[r16].
+
+ [r16] _Ibid._ 116.
+
+»C'est l'usage dans les Pays-Bas, que chaque nouveau et jeune prêtre se
+choisisse une petite fille qu'il tient pour sa fiancée, et cela, pour
+honorer le saint état du mariage.»
+
+On disait à Luther[r17]: Si un prédicateur chrétien doit souffrir la
+prison et la persécution pour l'amour de la parole, ne doit-il pas,
+à plus forte raison, se passer du mariage? Il répondit à cela: «Il
+est plus facile de supporter la prison que de brûler: je l'ai éprouvé
+moi-même. Plus je macérais mon corps, plus je tâchais de le dompter,
+et plus je brûlais. Quand on aurait le don de rester chaste dans le
+célibat, on doit encore se marier pour faire dépit au pape... Si
+j'étais mort à l'improviste, j'aurais voulu pour honorer le mariage,
+faire venir à mon lit de mort une pieuse fille que j'aurais prise comme
+épouse, et à laquelle j'aurais donné deux gobelets d'argent pour don de
+noces et présent de lendemain (morgengabe).»
+
+ [r17] _Ibid._ 312 _bis_.
+
+Lettre à un ami qui lui demande conseil pour se marier[r18]: «Si tu
+brûles, il faut prendre femme... Tu voudrais bien en avoir une, belle,
+pieuse et riche. Très bien, mon cher; on t'en donnera une en peinture,
+avec des joues roses et des jambes blanches. Ce sont aussi les plus
+pieuses; mais elles ne valent rien pour la cuisine ni pour le lit... Se
+lever de bonne heure et se marier jeune, personne ne s'en repentira.
+
+ [r18] _Ibid._ 313 _bis_.
+
+»Il n'est guère plus possible de se passer de femme que de boire ou de
+manger[r19]. Conçu, nourri, porté dans le corps des femmes, notre
+chair est à elles dans sa plus grande partie, et il nous est impossible
+de nous en séparer tout-à-fait.
+
+ [r19] _Ibid._ 315 _bis_.
+
+»Si j'avais voulu faire l'amour, il y a treize ans, j'aurais pris Ave
+Schonfeldin, qui est aujourd'hui au docteur Basilius, le médecin de
+Prusse. Je n'aimais pas alors ma Catherine; je la soupçonnais d'être
+fière et hautaine; mais il a plu ainsi à Dieu; il a voulu que j'eusse
+pitié d'elle, et cela m'a fort bien tourné; Dieu soit loué!
+
+»La plus grande grâce de Dieu est d'avoir un bon et pieux époux, avec
+qui vous viviez en paix, à qui vous puissiez confier tout ce que vous
+avez, même votre corps et votre vie, et avec qui vous ayez de petits
+enfans[r20]. Catherine, tu as un homme pieux qui t'aime, tu es une
+impératrice. Grâce soit rendue à Dieu!»
+
+ [r20] _Ibid._ 313.
+
+Quelqu'un excusait ceux qui courent après les filles, le docteur Luther
+répondit: «Qu'ils sachent que c'est mépriser le sexe féminin. Ils
+abusent des femmes qui n'ont pas été créées pour cela. C'est une grande
+chose qu'une jeune fille puisse toujours être aimée; le diable le
+permet rarement... Elle disait bien, mon hôtesse d'Eisenach, quand j'y
+étais aux écoles: _Il n'est sur terre chose plus douce que d'être aimé
+d'une femme_.»
+
+«Au jour de la Saint-Martin, anniversaire de la naissance du
+docteur Martin Luther, maître Ambrosius Brend vint lui demander sa
+nièce...[r21] Un jour qu'il les surprit dans un entretien secret, il
+se mit à rire, et dit: «Je ne m'étonne pas qu'un fiancé ait tant à dire
+à sa fiancée; pourraient-ils se lasser jamais? Mais on ne doit point
+les gêner; ils ont privilége par dessus Droit et Coutume.»—En la lui
+accordant, il dit ces paroles: «Monsieur et cher ami, je vous présente
+cette jeune fille telle que Dieu me l'a donnée dans sa bonté. Je la
+remets entre vos mains; Dieu vous bénisse, de sorte que votre union
+soit sainte et heureuse!»
+
+ [r21] _Ibid._ 316 _bis_.
+
+Le docteur Martin Luther était à la noce de la fille de Jean
+Luffte[r22]. Après le souper, il conduisit la mariée au lit, et dit
+à l'époux, que d'après le commun usage il devait être le maître dans
+la maison... quand la femme n'y était pas; et pour signe, il ôta un
+soulier à l'époux et le mit sur le ciel du lit, afin qu'il prît ainsi
+la domination et le gouvernement.
+
+ [r22] _Ibid._ 320.
+
+«Fais comme moi, cher compagnon, quand je voulus prendre ma Catherine,
+je priai notre Seigneur, mais je priai sérieusement. Fais-en autant, tu
+n'as pas encore sérieusement prié.»
+
+En 1541, Luther fut un jour extrêmement gai et enjoué à table[r23].
+«Ne vous scandalisez pas de me voir de si bonne humeur, dit-il à ses
+amis, j'ai reçu aujourd'hui beaucoup de mauvaises nouvelles et je viens
+de lire une lettre très violente contre moi. Nos affaires vont bien,
+puisque le diable tempête si fort.»
+
+ [r23] _Ibid._ 264 _bis_.
+
+Il riait du bavardage de sa femme, et lui demandait si, avant de
+prêcher si bien, elle avait dit un _Pater_. Si elle l'eût fait, Dieu
+lui aurait sans doute défendu de prêcher.
+
+«Si je devais encore faire l'amour, je voudrais me tailler dans la
+pierre une femme obéissante; sans cela je désespère d'en trouver.
+
+»La première année du mariage, on a d'étranges pensées[r24]. Si on
+est à table, on se dit: Auparavant tu étais seul; aujourd'hui tu es à
+deux (_Selbander_). Au lit, si l'on s'éveille, on voit une autre tête
+à côté de soi. Dans la première année, ma Catherine se tenait assise à
+côté de moi quand j'étudiais, et comme elle ne savait que dire, elle me
+demandait: «Seigneur docteur, en Prusse, le maître-d'hôtel n'est-il pas
+frère du margrave?»
+
+ [r24] _Ibid._ 313 _bis_.
+
+»Il ne faut pas mettre d'intervalle entre les fiançailles et les
+noces... Les amis mettent des obstacles, comme il m'est arrivé avec
+maître Philippe et pour le mariage d'Eisleben (Agricola). Tous mes
+meilleurs amis criaient: Point celle-là, mais une autre.»
+
+Lucas Cranach l'aîné avait fait le portrait de la femme de
+Luther[r25]. Lorsque le tableau fut suspendu à la muraille et que le
+docteur le vit: «Je veux, dit-il, faire peindre aussi un homme, envoyer
+à Mantoue les deux portraits pour le concile, et demander aux saints
+pères s'ils n'aimeraient pas mieux l'état du mariage, que le célibat
+des ecclésiastiques.»
+
+ [r25] _Ibid._ 314.
+
+«... Un signe certain que Dieu est ennemi de la papauté, c'est qu'il
+lui a refusé cette bénédiction du fruit corporel (la génération des
+enfans...).
+
+»Quand Ève fut amenée devant Adam, il devint plein du Saint-Esprit
+et lui donna le plus beau, le plus glorieux des noms; il l'appela
+_Eva_, c'est-à-dire la mère de tous les vivans; il ne l'appela point
+sa femme, mais la mère, la mère de tous les vivans. C'est là la gloire
+et l'ornement le plus précieux de la femme: elle est _Fons omnium
+viventium_, la source de toute vie humaine. Cette parole est brève,
+mais ni Démosthènes ni Cicéron n'aurait pu dire ainsi. C'est le
+Saint-Esprit lui-même qui parle ici par notre premier père, et comme il
+a fait un si noble éloge du mariage, il est juste que nous couvrions et
+cachions ce qu'il y a de fragile dans la femme[a42]. Jésus-Christ, le
+fils de Dieu, n'a pas non plus méprisé le mariage; il est lui-même né
+d'une femme, ce qui est un grand éloge du mariage.»
+
+«On trouve l'image du mariage dans toutes les créatures, non-seulement
+dans les animaux de la terre, de l'air et des eaux, mais encore dans
+les arbres et les pierres[r26]. Tout le monde sait qu'il est des
+arbres, tels que le pommier et le poirier, qui sont comme mari et
+femme, qui se demandent réciproquement, et qui prospèrent mieux quand
+ils sont plantés ensemble. Parmi les pierres on remarque la même chose,
+surtout dans les pierres précieuses, le corail, l'émeraude et autres.
+Le ciel est aussi le mari de la terre. Il la vivifie par la chaleur du
+soleil, la pluie et le vent, et lui fait ainsi porter toutes sortes de
+plantes et de fruits.»
+
+ [r26] _Ibid._ 312 _bis_.
+
+Les petits enfans du docteur se tenaient debout devant la table[r27],
+en regardant avec bien de l'attention les pêches qui étaient servies;
+le docteur se mit à dire: «Qui veut voir l'image d'une âme qui jouit
+dans l'espérance, la trouvera bien ici. Ah! si nous pouvions attendre
+avec autant de joie la vie à venir!»
+
+ [r27] _Ibid._ 42 _bis_.
+
+On amena au docteur sa petite fille Magdalena[r28], pour qu'elle
+chantât à son cousin le chant qui commence ainsi: _Le pape invoque
+l'Empereur et les rois, etc._ Mais elle ne le voulut point, quoique
+sa mère l'en priât fort. Le docteur dit à ce sujet: «Rien de bien par
+force. Sans la grâce, il ne résulte rien de bon des œuvres de la loi.»
+
+ [r28] _Ibid._ 124.
+
+«_Servez le Seigneur avec crainte et réjouissez-vous avec
+tremblement[r29]._ Il n'y a pas là, pour moi, de contradiction. C'est
+ce que mon petit Jean fait à l'égard de son père. Mais je ne puis en
+faire autant à l'égard de Dieu. Si je suis à ma table, et que j'écrive
+ou que je fasse autre chose, Jean me chante une petite chanson; s'il
+chante trop haut et que je l'avertisse, il continue, mais en lui-même
+et avec quelque crainte. Dieu veut aussi que nous soyons toujours
+gais, mais d'une gaîté mêlée de crainte et de réserve.»
+
+ [r29] _Ibid._ 10 _bis_.
+
+Au premier jour de l'an[r30], un petit enfant du docteur pleurait et
+criait, au point que personne ne pouvait le calmer: le docteur avec
+sa femme en fut triste et chagriné une grande heure, ensuite il dit:
+«Tels sont les désagrémens et les charges du mariage... C'est pour cela
+qu'aucun des Pères n'a rien écrit de remarquablement bon à ce sujet.
+Jérôme a parlé assez salement, je dirais presque anti-chrétiennement,
+du mariage, etc. Au contraire saint Augustin...»
+
+ [r30] _Ibid._ 314 _bis_.
+
+Après qu'il eut joué avec sa petite Magdalena[r31], sa femme lui
+donna le plus jeune de ses enfans, et il dit: «Je voudrais être mort à
+l'âge de cet enfant; j'aurais bien renoncé à tout l'honneur que j'ai
+et que je puis obtenir encore en ce monde.» Et comme l'enfant l'eut
+sali, il dit: «Oh! combien notre Seigneur doit en souffrir de nous plus
+qu'une mère de son enfant!»
+
+ [r31] _Ibid._ 47.
+
+Il disait à son petit enfant[r32]: «Tu es l'innocent petit fou de
+notre Seigneur, sous la grâce et non sous la loi. Tu es sans crainte,
+sans inquiétude; tout ce que tu fais est bien fait.»
+
+ [r32] _Ibid._ 49 _bis_.
+
+«Les enfans sont les plus heureux[r33]. Nous autres vieux fous nous
+nous tourmentons et nous affligeons par nos éternelles disputes sur
+la parole. «Est-ce vrai? Est-ce possible? Comment est-ce possible?»
+nous demandons-nous sans cesse... Les enfans, dans la simplicité et la
+pureté de leur foi, ont la certitude et ne doutent en rien de ce qui
+fait leur salut... Pour être sauvés, nous devons, à leur exemple, nous
+en remettre à la simple parole. Mais le diable, pour nous empêcher,
+nous jette sans cesse quelque chose en travers. C'est pourquoi le mieux
+c'est de mourir sans différer et de nous en aller vite sous terre.»
+
+ [r33] _Ibid._ 134.
+
+Une autre fois que son petit enfant Martin prenait le sein de sa mère,
+le docteur dit[r34]: «Cet enfant, et tout ce qui m'appartient, est
+haï du pape et du duc George, haï de leurs partisans, haï des diables.
+Cependant tous ces ennemis n'inquiètent guère le cher enfant, il ne
+s'inquiète pas de ce que tant et de si puissans seigneurs lui en
+veulent, il suce gaîment la mamelle, regarde autour de lui en riant
+tout haut, et les laisse gronder tant qu'ils veulent.»
+
+ [r34] _Ibid._ 134 _bis_.
+
+Comme maître Spalatin et maître Lenhart Beier, pasteur de Zwickaw,
+étaient chez le docteur Martin Luther[r35], il jouait bonnement avec
+son petit enfant Martin, qui babillait et caressait tendrement sa
+poupée. Le docteur dit: «Telles étaient nos pensées dans le Paradis,
+simples et naïves; innocentes, sans méchanceté ni hypocrisie; nous
+eussions été véritablement comme cet enfant quand il parle de Dieu et
+qu'il en est si sûr.»
+
+ [r35] _Ibid._ 45 _bis_.
+
+«Quels ont dû être les sentimens d'Abraham, lorsqu'il a consenti à
+sacrifier et égorger son fils unique[r36]? Il n'en aura rien dit à
+Sara. La chose lui eût trop coûté. Vraiment, je disputerais avec Dieu,
+s'il m'imposait et m'ordonnait une telle chose.» Alors la femme du
+docteur prit la parole et dit: «Je ne puis croire que Dieu demande à
+personne qu'il égorge son enfant.»
+
+ [r36] _Ibid._ 47.
+
+«Ah, combien mon cœur soupirait après les miens, lorsque j'étais
+malade à la mort dans mon séjour à Smalkalde. Je croyais que je ne
+reverrais plus ma femme ni mes petits enfans[a43]; que cette séparation
+me faisait de mal!... Il n'est personne assez dégagé de la chair pour
+ne pas sentir ce penchant de la nature. C'est une grande chose que le
+lien et la société qui unissent l'homme et la femme!»
+
+Il est touchant de voir comme tout ramenait Luther à des réflexions
+pieuses sur la bonté de Dieu, sur l'état de l'homme avant sa chute,
+sur la vie à venir[r37]. Ainsi une belle branche chargée de cerises
+que le docteur Jonas met sur table, la joie de sa femme qui sert des
+poissons du petit étang de leur jardin, la simple vue d'une rose, etc.
+Le 9 avril 1539, le docteur se trouvait dans son jardin et regardait
+attentivement les arbres tout brillans de fleurs et de verdure[r38].
+Il dit avec admiration: «Gloire à Dieu qui de la créature morte fait
+ainsi sortir la vie au printemps. Voyez ces rameaux, comme ils sont
+forts et gracieux; ils sont déjà tout gros de fruits. Voilà une belle
+image de la résurrection des hommes. L'hiver est la mort et l'été la
+résurrection. Alors tout revit, tout est verdoyant.»
+
+ [r37] _Ibid._ 42-43 _passim_.
+
+ [r38] _Ibid._ 363.
+
+«Philippe et moi, nous sommes accablés d'affaires et d'embarras. Moi
+qui suis vieux et _emeritus_, j'aimerais mieux maintenant prendre un
+plaisir de vieillard dans les jardins, à contempler les merveilles
+de Dieu dans les arbres, les fleurs, les herbes, les oiseaux, etc.;
+c'est ce plaisir et ce loisir qui me reviendraient, si mes péchés ne
+m'avaient mérité d'en être privé par ces affaires importunes et souvent
+inutiles.» (8 avril 1538.)
+
+Le 18 avril 1539, sur le soir, il y eut un orage très fort, suivi
+d'une pluie bienfaisante qui rendit la verdure à la terre et aux
+arbres[r39]. Le docteur Martin dit en regardant le ciel: «Voilà
+un beau temps! Tu nous l'accordes, ô mon Dieu! à nous qui sommes si
+ingrats, si pleins de méchanceté et d'avarice. Tu es un Dieu de bonté.
+Ce n'est pas là une œuvre de Satan; non, c'est un tonnerre bienfaisant
+qui ébranle la terre et l'ouvre pour lui faire porter des fruits et
+répandre un parfum semblable à celui que répand la prière du chrétien
+pieux.»
+
+ [r39] _Ibid._ 423.
+
+Un autre jour, sur la route de Leipzig, le docteur voyant la plaine
+couverte de blés superbes, se mit à prier avec ferveur; il disait: «O
+Dieu de bonté, tu nous donnes une année heureuse! Ce n'est pas à cause
+de notre piété; c'est pour glorifier ton saint nom. Fais, ô mon Dieu,
+que nous nous amendions et que nous croissions dans ta parole! Tout
+en toi est miracle. Ta voix fait sortir de la terre, et même du sable
+aride, ces plantes et ces épis si beaux qui réjouissent la vue. O mon
+père, donne à tous tes enfans leur pain quotidien!»
+
+«Supportons les difficultés qui accompagnent nos fonctions, avec
+égalité d'âme, et attendons secours du Christ[r40]. Considère, dans
+ces violettes et ces pensées que tu foules en te promenant sur la
+lisière de nos jardins, un emblème de notre condition. Nous consolons
+le peuple (?) lorsque nous remplissons l'Église; il y a là la robe
+de pourpre, la couleur des afflictions, mais au fond la fleur d'or
+rappelle la foi qui ne se flétrit pas.»
+
+ [r40] Lettre V, 726.
+
+Un soir le docteur Martin Luther voyait un petit oiseau perché sur
+un arbre et s'y posant pour passer la nuit[r41]; il dit: «Ce petit
+oiseau a choisi son abri et va dormir bien paisiblement; il ne
+s'inquiète pas, il ne songe point au gîte du lendemain; il se tient
+bien tranquille sur sa petite branche, et laisse Dieu songer pour lui.»
+
+ [r41] Tischr. 43 _bis_.
+
+Vers le soir, vinrent deux oiseaux qui faisaient un nid dans le jardin
+du docteur[r42]. Ils étaient souvent effrayés dans leur vol par ceux
+qui passaient. Il se mit à dire: «Ah! cher petit oiseau, ne fuis point,
+je te souhaite du bien de tout mon cœur; si tu pouvais seulement me
+croire! C'est ainsi que nous refusons de nous confier en Dieu, qui bien
+loin de vouloir notre perte, a donné pour nous son propre fils.»[a44]
+
+ [r42] _Ibid._ 24 _bis_.
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+ La Bible.—Les Pères.—Les Scolastiques.—Le Pape.—Les
+ Conciles.
+
+
+Le docteur Martin Luther avait écrit avec de la craie, sur le mur qui
+se trouvait derrière son poêle, les paroles suivantes (Luc, XVI): «Qui
+est fidèle dans la plus petite chose, sera fidèle dans la plus grande.
+Qui est infidèle dans le petit sera infidèle dans le grand.»
+
+«Le petit enfant Jésus (il le montrait peint sur la muraille), dort
+encore dans les bras de Marie, sa mère[r43]. Il se réveillera un jour
+et nous demandera compte de ce que nous avons fait.»
+
+ [r43] Tischred. 32, verso.
+
+Luther se faisant un jour couper les cheveux et faire la barbe en
+présence du docteur Jonas, dit à celui-ci: «Le péché originel est en
+nous comme la barbe. On la coupe aujourd'hui, nous avons le visage
+frais, et demain elle repousse et ne cesse de pousser jusqu'à ce que
+nous soyons sous terre. De même le péché originel ne peut être extirpé
+en nous; il remue tant que nous vivons. Néanmoins nous devons lui
+résister de toutes nos forces et le couper sans relâche.»
+
+«La nature humaine est si corrompue qu'elle n'éprouve pas même le
+désir des choses célestes. Elle est comme l'enfant nouveau-né à qui
+l'on aurait beau promettre tous les trésors et tous les plaisirs de la
+terre: il n'en a nul souci et ne connaît que le sein de sa mère. De
+même, quand l'Évangile nous parle de la vie éternelle que Jésus-Christ
+nous a promise, nous sommes sourds à ses paroles divines, nous nous
+engourdissons dans la chair, et nous n'avons que des pensées frivoles
+et périssables. La nature humaine n'a pas l'intelligence, pas même le
+sentiment, de ce mal mortel qui l'accable.»
+
+«Dans les choses divines, le Père est la _grammaire_, car il donne
+les mots, il est la source d'où coulent les bonnes, pures et belles
+paroles que l'on peut prononcer[r44]. Le Fils est la _dialectique_:
+il donne la disposition, la manière de placer les choses dans un bel
+ordre, de sorte qu'elles suivent et résultent les unes des autres. Le
+Saint-Esprit est la _rhétorique_: Il sait bien exposer, pousser les
+choses et les étendre, donner la vie et la force, de manière à faire
+impression et saisir les cœurs.
+
+ [r44] _Ibid._ 69.
+
+»La Trinité se retrouve dans toute la création. Dans le soleil, il y a
+la substance, l'éclat et la chaleur; dans les fleuves, la substance,
+le cours et la puissance. De même dans les arts. Dans l'astronomie,
+le mouvement, la lumière et l'influence; dans la musique, les trois
+notes _re_, _mi_, _fa_, etc. Les scolastiques ont négligé ces signes
+importans, pour s'attacher à des niaiseries.
+
+»Le décalogue est la _doctrina doctrinarum_[a45], le symbole
+l'_historia historiarum_, le pater _oratio orationum_, les sacremens
+_ceremoniæ ceremoniarum_[r45].»
+
+ [r45] _Ibid._ 112, verso.
+
+On demandait au docteur Martin Luther si pendant la domination du pape,
+les gens qui n'ont pas connu cette doctrine de l'Évangile que nous
+avons aujourd'hui, grâce à Dieu, avaient pu être sauvés[r46]. Il
+répondit: «Je n'en sais rien; à moins que je ne pense que le baptême
+a pu produire cet effet. J'ai vu beaucoup de moines auxquels on a
+présenté la croix de Christ à leur lit de mort, comme c'était alors
+l'usage. Ils peuvent avoir été sauvés par leur foi en ses mérites et
+ses souffrances.
+
+ [r46] _Ibid._ 362.
+
+»Cicéron est bien supérieur à Aristote dans sa morale[r47]. Cicéron
+était un homme sage et laborieux qui a beaucoup fait et beaucoup
+souffert. J'espère que notre Seigneur sera clément pour lui et pour
+ceux qui lui ressemblent, quoiqu'il ne nous appartienne pas d'en parler
+avec certitude. Que Dieu ne puisse faire des exceptions et établir une
+distinction entre les païens, c'est ce qu'on ne pourrait dire. Il y
+aura un nouveau ciel et une nouvelle terre bien plus larges et plus
+vastes que ceux d'aujourd'hui[a46].»
+
+ [r47] _Ibid._ 425.
+
+On demandait à Luther si l'offensé devait aller jusqu'à demander pardon
+à l'offenseur[r48]. Il répondit: «Non, Jésus-Christ ne l'a pas fait
+lui-même, il ne l'a pas commandé. Il suffit qu'on pardonne les offenses
+dans son cœur, qu'on les pardonne, publiquement, s'il y a lieu, et
+qu'on prie pour celui qui les a commises. J'étais moi-même allé une
+fois demander pardon à deux personnes qui m'avaient offensé, M. E. et
+D. H. S. (maître Eisleben [Agricola] et le docteur Jérôme Schurf?);
+mais par hasard ni l'un ni l'autre ne fut chez lui, et depuis je n'y
+suis pas retourné. Je remercie Dieu maintenant qu'il ne m'ait point
+permis de faire comme je voulais.»
+
+ [r48] _Ibid._ 106.
+
+Le docteur Martin Luther soupirait un jour en pensant aux perturbateurs
+et aux sectaires qui méprisaient la parole de Dieu[r49]. «Ah!
+disait-il, si j'étais un grand poète, je voudrais écrire un chant, un
+poème magnifique sur l'utilité et l'efficacité de la parole divine.
+Sans elle..... Pendant plusieurs années je lisais la Bible deux fois
+par an; c'est un grand et puissant arbre dont chaque parole est un
+rameau, je les ai secoués tous, tant j'étais curieux de savoir ce que
+chaque branche portait, ce qu'elle pouvait donner, et j'en faisais
+tomber chaque fois une couple de poires ou de pommes.
+
+ [r49] _Ibid._ 11, verso.
+
+»Autrefois sous la papauté, on faisait des pélerinages[a47] pour
+visiter les saints[r50][a48]. On allait à Rome, à Jérusalem, à
+Saint-Jacques de Compostelle, pour l'expiation de ses péchés.
+Aujourd'hui nous pouvons faire des pélerinages chrétiens dans la foi.
+Quand nous lisons avec soin les prophètes[a49], les psaumes et les
+évangiles, nous allons, non pas par la ville sainte, mais par nos
+pensées et nos cœurs, jusqu'à Dieu. C'est là visiter la véritable
+terre promise et le paradis de la vie éternelle.»
+
+ [r50] _Ibid._ 311.
+
+«Que sont les saints en comparaison du Christ[r51]? rien de plus que
+les petites gouttes de la rosée des nuits sur la tête de l'Époux et
+dans les boucles de sa chevelure.»
+
+ [r51] Cochlæus, Vie de Luther, 226.
+
+Luther n'aimait pas qu'on insistât sur les miracles. Il regardait ce
+genre de preuves comme secondaire. «Les preuves convaincantes sont
+dans la parole de Dieu. Nos adversaires lisent la Bible traduite
+beaucoup plus que les nôtres. Je crois que le duc George l'a lue avec
+plus de soin que tous ceux de la noblesse qui tiennent pour nous. Il
+dit à quelqu'un: «Pourvu que le moine achève de traduire la Bible, il
+peut partir ensuite quand il voudra.»
+
+Le docteur Luther disait que Mélanchton l'avait forcé de traduire le
+Nouveau Testament.
+
+«Que nos adversaires s'emportent et fassent rage[r52]. Dieu n'a pas
+opposé un mur de pierre aux vagues de la mer, ni une montagne d'acier.
+Il a suffi d'un rivage, d'une digue de sable.
+
+ [r52] Tischred. 447.
+
+»J'ai beaucoup lu la Bible dans ma jeunesse pendant que j'étais moine.
+Mais cela ne servait à rien, je faisais simplement du Christ un Moïse.
+Maintenant nous l'avons retrouvé, ce cher Christ. Rendons grâce et
+tenons-nous-y ferme, et souffrons pour lui ce que nous devons souffrir.
+
+»Pourquoi enseigne-t-on et observe-t-on les dix commandemens[r53]?
+C'est que les lois naturelles ne se trouvent nulle part si bien
+rangées et décrites que dans Moïse. Je voudrais même qu'on lui fît
+d'autres emprunts dans les choses temporelles, telles que les lois sur
+la _lettre de divorce_, le jubilé, l'année d'affranchissement, les
+dîmes, etc. Le monde en serait mieux gouverné... C'est ainsi que les
+Romains ont pris leurs Douze Tables chez les Grecs... Quant au sabbat
+ou dimanche, ce n'est pas une nécessité de l'observer, et si nous
+l'observons, nous devons le faire, non pas à cause du commandement de
+Moïse, mais parce que la nature aussi nous enseigne à nous donner de
+temps en temps un jour de repos, afin qu'hommes et animaux reprennent
+des forces, et que l'on aille entendre le sermon et la parole de Dieu.»
+
+ [r53] Luth. Werke, t. II, 16.
+
+«Puisque, dans ce siècle, on commence à restituer toutes choses, comme
+si déjà c'était le jour de la restauration universelle, il m'est venu
+dans l'esprit d'essayer si on ne pourrait pas aussi restituer Moïse et
+rappeler les rivières à leur source. J'ai eu soin d'abord de traiter
+toutes choses le plus simplement du monde, et de ne pas me laisser
+entraîner aux explications mystiques, comme on les appelle... Je ne
+vois pas d'autre raison pour que Dieu ait voulu former le peuple
+juif par ces cérémonies, sinon qu'il a vu le penchant du peuple à se
+laisser prendre à ces choses extérieures. Afin que ce ne fussent pas
+des fantômes vides et de purs simulacres, il a ajouté sa parole pour y
+mettre du poids et de la substance, de sorte qu'elles devinssent choses
+sérieuses et graves.
+
+»J'ai ajouté à chaque chapitre de courtes allégories, non que j'en
+tienne beaucoup de compte, mais afin de prévenir la manie de plusieurs
+à traiter l'allégorie. Ainsi, dans Jérôme, Origène et autres anciens
+écrivains, nous voyons une malheureuse et stérile habitude d'imaginer
+des allégories qui ramènent tout à la morale et aux œuvres, tandis
+qu'il faudrait tout ramener à la parole et à la foi.» (avril 1525.)
+
+«Le _Pater noster_ est ma prière[r54]; c'est celle que je dis, et j'y
+mêle en même temps quelque chose des Psaumes pour que les faux docteurs
+soient confondus et couverts de honte[a50]. Le _Pater_ n'a aucune
+prière qui lui soit comparable; je l'aime mieux qu'aucun psaume[3].»
+
+ [r54] Tischreden, 153.
+
+ [3] C'est aussi ce que dit Montaigne dans ses _Essais_.
+
+«J'avoue franchement que j'ignore si je possède ou non le sens légitime
+des psaumes, bien que je ne doute pas de la vérité de celui que je
+donne.—L'un se trompe en quelques endroits, l'autre en plusieurs; je
+vois des choses que n'a pas vues saint Augustin; et d'autres, je le
+sais, verront bien des choses que je ne vois pas.
+
+»Qui oserait prétendre que personne ait complètement entendu un
+seul psaume? Notre vie est un commencement et un progrès, et non
+une consommation; celui-là est le meilleur, qui approche le plus de
+l'esprit. Il y a des degrés dans la vie et l'action, pourquoi n'y
+en aurait-il pas dans l'intelligence? L'Apôtre dit que nous nous
+transformons de lumière en lumière.»
+
+Du _Nouveau Testament_. «L'Évangile de saint Jean est le vrai et pur
+Évangile, l'Évangile principal, parce qu'il renferme le plus de paroles
+de Jésus-Christ[r55]. De même, les épîtres de saint Paul et de saint
+Pierre sont bien au-dessus des évangiles de saint Mathieu, de saint
+Marc et de saint Luc. En somme, l'évangile de saint Jean et sa première
+épître, les épîtres de saint Paul, notamment celles aux Romains, aux
+Galates, aux Éphésiens, et la première de saint Pierre, voilà les
+livres qui te montrent Jésus-Christ, et qui t'enseignent tout ce qu'il
+t'est nécessaire et utile de savoir, quand même tu ne verrais jamais
+d'autre livre.»
+
+ [r55] Ukert, 18.
+
+Il ne regardait comme apostoliques ni l'épître aux Hébreux, ni celle de
+saint Jacques. Il s'exprime de la manière suivante sur celle de saint
+Jude: «Personne ne peut nier que cette épître ne soit un extrait ou une
+copie de la seconde épître de saint Pierre; les mots sont presque les
+mêmes. Jude y parle des apôtres comme leur disciple, et comme après
+leur mort. Il cite des versets et des événemens qu'on ne trouve nulle
+part dans l'Écriture.»
+
+L'opinion de Luther sur l'Apocalypse est remarquable: «Que chacun,
+dit-il, juge de ce livre d'après ses lumières et son sens particulier.
+Je ne prétends imposer à personne mon opinion: je dis tout simplement
+ce que j'en pense. Je ne le regarde ni comme apostolique, ni comme
+prophétique...» Et ailleurs: «Beaucoup de Pères ont rejeté ce livre,
+et chacun peut en penser ce que son esprit lui inspirera. Pour moi, je
+ne puis me faire à cet ouvrage. Une seule raison suffirait pour m'en
+détourner: c'est que Jésus-Christ n'y est adoré ni enseigné tel que
+nous le connaissons.»
+
+Des _Pères_[a51]. «On peut lire Jérôme pour l'étude de l'histoire:
+quant à la foi et à la bonne vraie religion et doctrine, il n'y en a
+pas un mot dans ses écrits. J'ai déjà proscrit Origène. Chrysostôme n'a
+point d'autorité chez moi. Basile n'est qu'un moine; je n'en donnerais
+pas un cheveu. L'apologie de Philippe Mélanchton est au-dessus des
+écrits de tous les docteurs de l'Église, sans excepter Augustin.
+Hilaire et Théophylacte sont bons. Ambroise aussi; il marche bien sur
+l'article le plus essentiel, le pardon des péchés[r56].
+
+ [r56] Tischreden, 383.
+
+»Bernard est au-dessus de tous les docteurs dans ses prédications;
+mais, quand il dispute, il devient un tout autre homme; alors il
+accorde trop à la loi et au libre arbitre.
+
+»Bonaventure est le meilleur des théologiens scolastiques.
+
+»Parmi les Pères, Augustin a sans contredit la première place, Ambroise
+la seconde, Bernard la troisième. Tertullien est un vrai Carlostad.
+Cyrille a les meilleures sentences. Cyprien le martyr est un faible
+théologien. Théophylacte est le meilleur interprète de saint Paul.»
+
+(Pour prouver que l'antiquité n'ajoute pas à l'autorité): «Nous voyons
+combien saint Paul se plaint avec douleur des Corinthiens et des
+Galates. Parmi les apôtres mêmes, le Christ trouva un traître dans
+Judas.
+
+»Les livres que les Pères ont écrits sur la Bible n'ont jamais rien de
+concluant; ils laissent le lecteur suspendu entre le ciel et la terre.
+Lisez Chrysostôme, le meilleur rhéteur et parleur de tous.»
+
+Il remarque que les Pères ne disaient rien de la justification par
+la grâce pendant leur vie, mais y croyaient à leur mort. Cela était
+plus prudent pour ne point encourager le mysticisme, ni décourager les
+bonnes œuvres.
+
+«Les chers Pères ont mieux vécu qu'écrit.»
+
+Il fait l'éloge de l'histoire de saint Épiphane et des poésies de
+Prudence.
+
+«Augustin et Hilaire, entre tous, ont écrit avec le plus de clarté et
+de vérité; les autres doivent être lus _cum judicio_.
+
+»Ambroise a été mêlé aux affaires du monde, comme nous le sommes
+aujourd'hui. Nous sommes obligés de nous occuper au consistoire
+d'affaires de mariage plus que de la parole de Dieu...
+
+»On a nommé Bonaventure le séraphique, Thomas l'angélique, Scot le
+subtil; Martin Luther sera nommé l'archi-hérétique.»
+
+Saint Augustin était peint dans un livre avec un capuchon de moine.
+Luther dit, en voyant cette image[r57]: «Ils font tort au saint
+homme, car il a mené une vie commune, comme tout autre homme du pays;
+il se servait de cuillers et de tasses d'argent; il n'a pas mené une
+vie à part comme les moines.
+
+ [r57] _Ibid._ 98.
+
+»Macaire, Antoine, Benoît, ont fait un grand et remarquable tort à
+l'Église avec leur moinerie; et je crois que dans le ciel ils seront
+placés bien plus bas qu'un citoyen, père de famille, pieux et craignant
+Dieu.
+
+»Saint Augustin me plaît plus que tous les autres. Il a enseigné une
+pure doctrine, et soumis ses livres, avec l'humilité chrétienne, à la
+sainte Écriture... Augustin est favorable au mariage; il parle bien
+des évêques qui étaient les pasteurs d'alors, mais le temps et les
+disputes des Pélagiens l'ont aigri et lui ont fait mal... S'il eût vu
+le scandale de la papauté, il ne l'eût certes pas souffert.
+
+»Saint Augustin est le premier père de l'Église qui ait traité du péché
+originel.»
+
+Après avoir parlé de saint Augustin, Luther ajoute: «Mais depuis que
+j'ai compris Paul par la grâce de Dieu, je n'ai pu estimer aucun
+docteur; ils sont devenus tout-à-fait petits à mes yeux.
+
+»Je ne connais aucun des Pères dont je sois si ennemi que de saint
+Jérôme. Il n'écrit que sur le jeûne, les alimens, la virginité, etc. Il
+n'enseigne rien sur la foi, etc. Le docteur Staupitz avait coutume de
+dire: Je voudrais bien savoir comment Jérôme a pu être sauvé?»
+
+
+«Les nominaux sont dans les hautes écoles une secte à laquelle j'ai
+aussi appartenu[r58]. Ils tiennent contre les thomistes, scotistes et
+albertistes. Ils s'appellent eux-mêmes occamistes. C'est la secte la
+plus nouvelle de toutes, et aujourd'hui la plus puissante, nommément à
+Paris.»
+
+ [r58] _Ibid._ 384.
+
+Luther fait cas du _Maître des sentences_ de Pierre Lombard; mais il
+trouve qu'en général les scolastiques donnaient trop peu à la grâce,
+trop au libre arbitre[a52].
+
+«Gerson seul, entre tous les docteurs, a fait mention des tentations
+spirituelles. Tous les autres, Grégoire de Nazianze, Augustin, Scot,
+Thomas, Richard, Occam, n'ont senti que les tentations corporelles. Le
+seul Gerson a écrit sur le découragement. L'Église, à mesure qu'elle
+est plus ancienne, doit éprouver de telles tentations spirituelles.
+Nous sommes dans cet âge de l'église.
+
+»Guillaume de Paris a aussi éprouvé quelque chose de ces tentations
+spirituelles. Mais les scolastiques ne sont jamais parvenus à la
+connaissance du catéchisme. Le seul Gerson sert à rassurer et relever
+les consciences... Il a sauvé beaucoup de pauvres âmes du désespoir,
+en amoindrissant et exténuant la loi, de manière toutefois que la loi
+subsistât.—Mais Christ ne perce point le tonneau, il le défonce. Il
+dit: «Tu ne dois point te confier dans la loi ni te reposer sur elle,
+mais sur moi, sur le Christ. Si tu n'es pas bon, je le suis.»
+
+«Le docteur Staupitz nous parlait un jour d'André Zacharias qui, à
+ce qu'on prétend, a vaincu Jean Huss dans la dispute[r59]. Il nous
+racontait que le docteur Proles, de Gotha, voyant dans un couvent
+Zacharias peint avec une rose à son bonnet, dit à ce sujet: Dieu me
+garde de porter une telle rose, car il a vaincu Jean Huss injustement,
+et au moyen d'une bible falsifiée. Il y a dans le XXXIVe chapitre
+d'Ézéchiel: _C'est moi qui vais visiter et punir mes pasteurs_; mais on
+y avait ajouté ces mots: _et non point le peuple_; ceux du concile lui
+montrèrent ce texte dans sa propre bible falsifiée comme les autres, et
+conclurent ainsi: Tu vois que tu ne dois point punir le pape, que Dieu
+s'en charge lui-même. Ainsi le saint homme a été condamné et brûlé.
+
+ [r59] _Ibid._ 385.
+
+»Maître Jean Agricola lisait un écrit de Jean Huss, plein d'esprit,
+de résignation et de ferveur, où l'on voyait comme dans sa prison il
+souffrait le martyre des douleurs de la pierre, et se voyait rebuté par
+l'empereur Sigismond. Le docteur Luther admirait tant d'esprit et de
+courage... C'est bien injustement, disait-il, que nous sommes appelés
+hérétiques, Jean Huss et moi...
+
+»Jean Huss est mort, non comme un anabaptiste, mais comme un
+chrétien[r60]. On voit en lui la faiblesse chrétienne; mais en même
+temps s'éveille dans son âme la force de Dieu qui le relève. Le combat
+de la chair et de l'esprit, dans le Christ et dans Huss, est doux et
+aimable à voir... Constance est aujourd'hui une pauvre misérable ville.
+Je crois que Dieu l'a punie... Jean Huss a été brûlé; et moi aussi,
+je pense que je serai tué, s'il plaît à Dieu. Il a arraché quelques
+épines de la vigne du Christ, en attaquant seulement les scandales de
+la papauté. Mais moi, docteur Martin Luther, je suis venu dans un champ
+déjà noir et bien labouré, j'ai attaqué la doctrine du pape, et l'ai
+terrassé.
+
+ [r60] _Ibid._ 386.
+
+»Jean Huss était la semence qui doit mourir et être enfoncée dans la
+terre, pour sortir ensuite, et croître avec force[r61].»
+
+ [r61] _Ibid._ 127.
+
+Luther improvisa un jour à table le vers suivant:
+
+ Pestis eram vivens, moriens ero mors tua, Papa.
+
+«La tête de l'Anti-Christ, c'est à la fois le pape et le Turc[r62].
+Le pape en est l'esprit, le Turc la chair.
+
+ [r62] _Ibid._ 241.
+
+»C'est ma pauvre et infirme condition (pour ne point parler de la
+justice de ma cause) qui a fait le malheur du pape[r63]. «Si j'ai
+défendu ma doctrine contre tant de rois et d'empereurs, se disait-il,
+comment craindrais-je un simple moine?» S'il m'avait estimé un ennemi
+dangereux, il aurait pu m'étouffer dès l'origine.
+
+ [r63] _Ibid._ 249.
+
+»J'avoue que j'ai souvent été trop violent, mais jamais à l'égard de la
+papauté. Il devrait y avoir contre celle-ci une langue à part dont tous
+les mots fussent des coups de foudre.
+
+»Les papistes sont confondus et vaincus par les témoignages de
+l'Écriture[r64]. Dieu merci, je connais leur erreur sous toutes ses
+faces, de l'_alpha_ à l'_oméga_. Cependant aujourd'hui même qu'ils
+avouent que l'Écriture est contre eux, la splendeur et la majesté
+du pape m'éblouissent quelquefois et c'est avec tremblement que je
+l'attaque...
+
+ [r64] _Ibid._ 255.
+
+»Le pape se dit: «Céderais-je à un moine qui veut me dépouiller de ma
+couronne et de ma majesté? Bien fou qui céderait[r65].» Je donnerais
+mes deux mains pour croire en Jésus-Christ aussi fermement, aussi
+sûrement, que le pape croit que Jésus-Christ n'est rien.
+
+ [r65] _Ibid._ 259.
+
+»D'autres ont attaqué les mœurs des papes, comme Érasme et Jean
+Huss[r66]. Mais moi, j'ai renversé les deux piliers sur lesquels
+reposait la papauté: les vœux et les messes particulières.»
+
+ [r66] _Ibid._ 192.
+
+
+_Des Conciles._—«Les conciles ne doivent point ordonner de la foi,
+mais de la discipline[r67].»
+
+ [r67] _Ibid._ 371-76.
+
+Le docteur Martin Luther levait un jour les yeux vers le ciel; il
+soupira, et dit: «Ah! un concile général, libre, et vraiment chrétien!
+Dieu saura bien le faire; la chose est sienne; il connaît et il a dans
+sa main tous les conseils les plus secrets.»
+
+»Lorsque Pierre-Paul Vergerius, légat du pape, vint à Wittemberg, l'an
+1533, et que je montai au château où il était, il nous cita, et nous
+somma d'aller au concile. J'irai, lui dis-je, et j'ajoutai: Vous autres
+papistes, vous travaillez inutilement. Si vous tenez un concile, vous
+n'y traitez point des sacremens, de la justification par la foi, des
+bonnes œuvres, mais seulement de babioles et d'enfantillage, comme de
+fixer la longueur des habits, ou la largeur des ceintures des prêtres,
+ou la dimension de la tonsure, etc. Il se détourna de moi, appuya sa
+tête sur sa main, et dit à son compagnon: «Celui-ci touche vraiment le
+fond des choses, etc.»
+
+On demandait quand le pape convoquerait le concile. «Il me semble,
+dit le docteur Martin Luther, qu'il n'en sera rien avant le jugement
+dernier. C'est alors que notre Seigneur Dieu tiendra lui-même un
+concile.»
+
+Luther conseillait de ne point refuser d'aller au concile, mais
+d'exiger qu'il fût libre; «si on le refuse, il n'y a pas de meilleure
+excuse pour nous.»
+
+
+_Des biens ecclésiastiques[a53]._ Luther voudrait qu'ils fussent
+appliqués à l'entretien des écoles et des pauvres théologiens[r68].
+Il déplore la spoliation des églises. Il prédit que les princes vont
+bientôt se disputer les dépouilles des églises. «Le pape prodigue
+maintenant les biens ecclésiastiques aux princes catholiques pour se
+faire des amis et des alliés.
+
+ [r68] _Ibid._ 380.
+
+»Ce ne sont point tant nos princes de la confession d'Augsbourg qui
+pillent les biens ecclésiastiques, c'est plutôt Ferdinand, l'Empereur,
+et l'archevêque de Mayence. Ferdinand a rançonné tous les monastères.
+Les Bavarois sont les plus grands voleurs des biens ecclésiastiques;
+ils ont de riches abbayes. Mon gracieux seigneur et le Landgrave n'ont
+que de pauvres monastères d'ordres mendians. On voulait à la diète,
+mettre les monastères à la disposition de l'Empereur, qui y aurait
+établi ses gouvernemens militaires. Je donnai le conseil suivant:
+_Il faut auparavant réunir tous les monastères en un même lieu. Qui
+voudrait souffrir dans sa terre les gens de l'Empereur?_ Tout cela a
+été poussé par l'archevêque de Mayence.»
+
+Dans la réponse à la lettre où le roi de Danemarck lui demandait
+ses conseils, Luther désapprouve l'article de la réunion des biens
+ecclésiastiques à la couronne. «Voyez, dit-il, au contraire notre
+prince Jean Frédéric, comme il applique les biens de l'Église à
+l'entretien des pasteurs et des professeurs.»
+
+«Le proverbe a raison: _Biens de prêtres ne profitent pas_ (pfaffengut
+raffengut)[r69]. Burchard Hund, conseiller de l'électeur de Saxe, Jean,
+avait coutume de dire: Nous autres de la noblesse, nous avons réuni les
+biens des cloîtres à nos biens nobles, et les biens des cloîtres ont
+dévoré les biens nobles, de sorte que nous n'avons plus ni les uns ni
+les autres.» Luther ajoute la fable du renard qui venge ses petits en
+brûlant l'arbre et les petits de l'aigle.
+
+ [r69] _Ibid._ 60.
+
+Un ancien précepteur du fils de Ferdinand, roi des Romains, nommé
+Severus, contait à Luther l'histoire du chien qui défendait la viande
+et qui pourtant, quand les autres la lui arrachaient, en prenait sa
+part. C'est ce que fait maintenant l'Empereur, dit Luther, pour les
+biens ecclésiastiques (Utrecht et Liége).
+
+
+_Des cardinaux et des évêques[a54]._ «En Italie, en France, en
+Angleterre, en Espagne, les évêques sont ordinairement les conseillers
+des rois; c'est qu'ils sont pauvres[r70]. Mais en Allemagne où ils sont
+riches, puissans, et où ils ont une grande considération, les évêques
+gouvernent en leur propre nom.
+
+ [r70] _Ibid._ 275.
+
+»Je veux mettre tous mes soins pour que les canonicats et les petits
+évêchés subsistent, de sorte qu'on puisse avec ce revenu établir des
+prédicateurs et des pasteurs dans les villes. Les grands évêchés seront
+sécularisés.»
+
+Le jour de l'Ascension le docteur Martin Luther dîna avec l'électeur
+de Saxe, et l'on résolut que les évêques conserveraient leur autorité,
+à condition qu'ils abjureraient le pape. «Nos gens les examineront, et
+les ordonneront, par l'imposition des mains. C'est ainsi que je suis
+évêque à présent.»
+
+Dans les disputes d'Heidelberg, on demandait d'où venaient les
+moines[r71]. Réponse: «Dieu ayant fait le prêtre, le diable voulut
+l'imiter; mais il fit la tonsure trop grande, de là les moines.
+
+ [r71] _Ibid._ 271.
+
+»La moinerie ne se rétablira point aussi long-temps que l'article de la
+justification restera pur[r72].
+
+ [r72] _Ibid._ 272.
+
+»Autrefois les moines étaient en si grande considération que le pape
+les redoutait plus que les rois et les évêques. Car ils avaient le
+commun peuple dans leurs mains. Les moines étaient les meilleurs
+oiseleurs du pape[a55]. Le roi d'Angleterre a beau ne plus reconnaître
+le pape pour le chef suprême de la chrétienté. Il ne fait rien que
+tourmenter le corps, en fortifiant l'âme de la papauté.» (Henri VIII
+n'avait pas encore supprimé les monastères.)
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+ Des écoles et universités, et des arts libéraux.
+
+
+«On doit tirer des écoles des pasteurs qui édifient et soutiennent
+l'Église. Des écoles et des pasteurs, cela vaut mieux que des conciles,
+comme je l'ai dit déjà.
+
+»J'espère que si le monde dure encore, les universités d'Erfurth et de
+Leipzig se relèveront et prendront des forces, pourvu qu'elles adoptent
+la saine théologie, à quoi elles semblent déjà disposées. Mais il
+faut que quelques-uns s'endorment auparavant.—Je m'étonnais d'abord
+qu'une université eût été fondée ici, à Wittemberg.—Erfurth est situé
+au mieux pour cela: là il doit y avoir une ville, quand même celle
+qui existe serait brûlée, ce que Dieu veuille empêcher. L'université
+d'Erfurth était jadis si renommée, que toutes les autres en comparaison
+étaient considérées comme de petites écoles. Maintenant cette gloire et
+cette majesté ont disparu, et l'université d'Erfurth est tout-à-fait
+morte.
+
+»Autrefois, on avançait les maîtres, on les honorait; on portait devant
+eux des flambeaux. Je trouve qu'il n'y a jamais eu en ce monde de joie
+comparable à celle-là. C'était aussi une grande fête quand on faisait
+des docteurs. On allait à cheval autour de la ville; on s'habillait
+avec plus de soin, on se parait. Tout cela ne se fait plus, mais je
+voudrais bien que l'on fît revivre ces bonnes coutumes.
+
+»Malheur à l'Allemagne qui néglige les écoles, qui les méprise et les
+laisse tomber! Malheur à l'archevêque de Mayence et d'Erfurth qui
+pourrait d'un mot relever les universités de ces deux villes, et qui
+les laisse désolées et désertes! Un seul coin de l'Allemagne, celui
+où nous sommes, fleurit encore, grâce à Dieu, par la pureté de la
+doctrine et la culture des arts libéraux[a56]. Les papistes voudront
+rebâtir l'étable, lorsque le loup aura mangé les brebis.—La faute en
+est à l'évêque de Mayence, c'est un fléau pour les écoles et pour toute
+l'Allemagne. Aussi en est-il déjà justement puni. Il a sur son visage
+une couleur de mort, comme de la boue mêlée de sang.
+
+»C'est à Paris, en France, que se trouve la plus célèbre et la plus
+excellente école. Il y a une foule d'étudians, dans les vingt mille
+et au-delà. Les théologiens y ont à eux le lieu le plus agréable de
+la ville, une rue particulière fermée de portes aux deux bouts; on
+l'appelle la _Sorbonne_. Peut-être, à ce que j'imagine, tire-t-elle ce
+nom de ces fruits de cormiers (_sorbus_) qui viennent sur les bords
+de la mer Morte, et qui présentent au dehors une agréable apparence;
+ouvrez-les, ce n'est que cendres au-dedans. Telle est l'université de
+Paris, elle présente une grande foule, mais elle est la mère de bien
+des erreurs. S'ils disputent, ils crient comme des paysans ivres, en
+latin, en français. Enfin on frappe des pieds pour les faire taire. Ils
+ne font point de docteurs en théologie à moins qu'on n'étudie dix ans
+dans leur sophistique et futile dialectique. Le répondant doit siéger
+un jour entier et soutenir la dispute contre tout venant, de six heures
+du matin à six heures du soir.
+
+»A Bourges en France, dans les promotions publiques de docteurs en
+théologie qui se font dans l'église métropolitaine, on leur donne à
+chacun un filet, apparemment pour qu'ils s'en servent à prendre les
+gens.
+
+»Nous avons, grâce à Dieu, des universités qui ont embrassé la parole
+de Dieu. Il y a encore beaucoup de belles écoles particulières qui
+se disposent bien, telles que Zwickaw, Torgaw, Wittemberg, Gotha,
+Eisenach, Deventer, etc.
+
+
+_Extrait du traité de Luther sur l'éducation._—L'éducation domestique
+est insuffisante.—Il faut que les magistrats veillent à l'instruction
+des enfans. Établir des écoles est un de leurs principaux soins.
+Les fonctions publiques ne doivent même être confiées qu'aux plus
+doctes.—Importance de l'étude des langues. Le diable redoute cette
+étude, et cherche à l'éteindre. N'est-ce pas par elle que nous avons
+retrouvé la vraie doctrine? La première chose que Christ ait donnée à
+ses apôtres, c'est le don des langues.—Luther se plaint de ce que,
+dans les monastères, on ne sait plus le latin, à peine l'allemand.
+
+«Pour moi, si j'ai jamais des enfans, et que ma fortune me le permette,
+je veux qu'ils deviennent habiles dans les langues et dans l'histoire;
+qu'ils apprennent même la musique et les mathématiques.» Suit un éloge
+des poètes et des historiens.
+
+Qu'on envoie au moins les enfans une heure ou deux par jour à l'école;
+qu'ils emploient le reste à soigner la maison et à apprendre quelque
+métier.
+
+Il doit aussi y avoir des écoles pour les filles.—On devrait fonder
+des bibliothèques publiques. D'abord des livres de théologie, latins,
+grecs, hébreux, allemands, puis des livres pour apprendre la langue,
+tels que les orateurs, les poètes, peu importe qu'ils soient chrétiens
+ou païens; les livres qui traitent des arts libéraux et des arts
+mécaniques; les livres de jurisprudence et de médecine; les annales,
+les chroniques, les histoires, dans la langue où elles ont été écrites,
+doivent tenir la première place dans une bibliothèque, etc.»
+
+
+_Des langues._—«Les Grecs, comparés aux Hébreux, ont bien de bonnes et
+agréables paroles, mais n'ont point de _sentences_. La langue hébraïque
+est la plus riche; elle ne mendie point, comme le grec, le latin et
+l'allemand. Elle n'a pas besoin de recourir aux mots composés.
+
+»Les Hébreux boivent à la source, les Grecs au ruisseau, les Latins au
+bourbier.»
+
+«J'ai peu d'usage de la langue latine, élevé, comme je le fus, dans la
+barbarie des doctrines scolastiques.» (12 novembre 1544.)
+
+«Je ne suis point de dialecte particulier en allemand. J'emploie
+la langue commune, de manière à être entendu dans la haute et dans
+la basse Allemagne. Je parle d'après la chancellerie de Saxe, que
+tous suivent, en Allemagne, dans leurs actes publics, rois, princes,
+villes impériales. Aussi, est-ce le langage le plus commun. L'empereur
+Maximilien et l'électeur Frédéric de Saxe ont ainsi ramené les
+dialectes allemands à une langue certaine. La langue des Marches est
+encore plus douce que celle de Saxe.»
+
+
+_De la grammaire._—«Autre chose est la grammaire, autre chose est la
+langue hébraïque. La langue hébraïque, puis la grammaire positive, a
+péri en grande partie chez les Juifs; elle est tombée avec la chose
+même, et avec l'intelligence, comme dit Isaïe (XXIX). Il ne faut donc
+rien accorder aux rabbins dans les choses sacrées; ils torturent et
+violentent les étymologies et les constructions, parce qu'ils veulent
+forcer la chose par les mots, soumettre la chose aux mots, tandis que
+ce sont les choses qui doivent commander.
+
+»On voit de semblables débats entre les Cicéroniens et les autres
+Latinistes. Pour moi, je ne suis ni latin, ni grammairien, encore moins
+cicéronien; cependant, j'approuve ceux qui aiment mieux prétendre à ce
+dernier nom. De même, dans la littérature sacrée, j'aimerais à être
+simplement mosaïque, davidique ou isaïque, s'il se pouvait, plutôt
+qu'un Hébreu kumique, ou semblable à tout autre rabbin.» (1537.)
+
+«Je regrette de n'avoir pas plus de temps à donner à l'étude des poètes
+et des rhéteurs[a57]: j'avais acheté un Homère pour devenir Grec.» (29 mars
+1523.)
+
+«Si je devais écrire sur la dialectique, j'exprimerais tout en
+allemand; je rejetterais tous ces mots étrangers: _propositio_,
+_syllogismus_, _enthymema_, _exemplum_...
+
+»Ceux qui introduisent de nouveaux mots, doivent aussi introduire
+de nouvelles choses, comme Scot avec sa _réalité_, son _hiccité_;
+comme les anabaptistes et les prédicateurs de troubles, avec leurs
+_besprengung_, _entgrobung_, _gelassenheit_. Qu'on se garde donc de
+tous ceux qui s'étudient à trouver des mots nouveaux et inusités.»
+
+Luther citait la fable de la cour du lion, et disait, «qu'après la
+Bible, il ne connaissait pas de meilleur livre que les _Fables d'Ésope_
+et les écrits de Caton; de même que Donat lui semblait le meilleur
+grammairien. Ce n'est point un seul homme qui a fait ces fables;
+beaucoup de grands esprits y ont travaillé à chaque époque du monde[a58].»
+
+
+_Des savans._—«Avant peu d'années, on manquera entièrement de savans.
+On aurait beau creuser pour en déterrer, rien ne servira; on pèche trop
+contre Dieu.»
+
+_A un ami_: «Ne te laisse pas aller à la crainte que l'Allemagne ne
+devienne plus barbare qu'elle ne l'a jamais été, par la chute des
+lettres que causerait notre théologie.» (29 mars 1523.)
+
+
+
+
+CHAPITRE IV.
+
+ Drames.—Musique.—Astrologie.—Imprimerie.—Banque, etc.
+
+
+_Des représentations théâtrales._—Luther ne désapprouve point un
+maître d'école qui jouait les comédies de Térence. Il énumère les
+diverses utilités de la comédie. Si on s'abstenait de la comédie, parce
+qu'il s'agit souvent d'amour, on n'oserait non plus lire la Bible.
+
+«—Notre cher Joachim m'a demandé mon jugement sur ces représentations
+d'histoires saintes, que blâment plusieurs de vos ministres. Voici,
+en peu de mots, mon opinion. Il a été commandé à tous les hommes de
+répandre et de propager le Verbe de Dieu, par tous les moyens, non pas
+seulement par la parole, mais par écritures, peintures, sculptures,
+psaumes, chansons, instrumens de musique, comme dit le psaume: _Laudate
+eum in tympano et choro, laudate eum chordis et organo_. Et Moïse dit:
+_Ligabis ea quasi signum in manu tuâ, eruntque et movebuntur inter
+oculos tuos, scribesque ea in limine et ostiis domûs tuæ_. Moïse veut
+que la parole se meuve devant les yeux, et comment cela se pourrait-il
+faire mieux et plus clairement que par des représentations semblables,
+mais graves et modestes, et non par des farces, comme autrefois
+sous la papauté? De tels spectacles frappent les yeux du peuple, et
+l'émeuvent souvent bien plus que des prédications publiques. Je sais
+que dans la basse Allemagne, où l'on a interdit la profession publique
+de l'Évangile, des drames, tirés de la Loi et de l'Évangile, en ont
+converti un grand nombre.» (5 avril 1543.)
+
+
+_De la musique._—«La musique est un des plus beaux et des plus
+magnifiques présens de Dieu. Satan en est l'ennemi. Par elle on
+repousse bien des tentations et de mauvaises pensées. Le diable ne
+tient pas contre.
+
+»Quelques-uns de la noblesse, et des courtisans, pensent que mon
+gracieux seigneur pourrait épargner en musique trois mille florins par
+an; et l'on dépense, en choses inutiles, trente mille florins.
+
+»Le duc George, le landgrave de Hesse, et l'électeur de Saxe,
+Jean-Frédéric, entretenaient des chanteurs et des musiciens.
+Aujourd'hui, c'est le duc de Bavière, l'empereur Ferdinand et
+l'empereur Charles.»
+
+En 1538, 17 décembre, Luther ayant des musiciens pour hôtes, et les
+ayant entendus, dit avec admiration: «Si notre Seigneur nous accorde de
+si nobles dons dans cette vie même, qui n'est qu'ordure et misère, que
+sera-ce donc dans la vie éternelle? En voici un commencement.
+
+»Chanter est le meilleur exercice[a59]. Il n'a rien à voir avec le
+monde... Aussi je me réjouis de ce que Dieu a refusé aux paysans (_sans
+doute aux paysans révoltés_), un don et une consolation si grande; ils
+n'entendent point la musique, et n'écoutent point la parole.»
+
+Il disait un jour à un joueur de harpe: «Mon ami, joue-moi un air,
+comme faisait David. Je crois que, s'il revenait aujourd'hui, il serait
+bien étonné de trouver les gens si habiles.
+
+»Comment se fait-il pourtant que nous ayons tant de belles choses dans
+le genre mondain, et que, dans le spirituel, nous n'ayons rien que de
+froid et de mauvais (et il répétait quelques chansons allemandes). Pour
+ceux qui méprisent la musique, comme font tous les rêveurs et les
+mystiques; je ne puis m'accorder avec eux.
+
+»... Je demanderai au prince qu'avec cet argent il établisse une
+musique.» (avril 1541.)
+
+Le 4 octobre 1530, il écrit à Ludovic Senfel, musicien de la cour de
+Bavière, pour lui demander de lui mettre en musique le: _In pace in id
+ipsum_. «L'amour de la musique m'a fait surmonter la crainte d'être
+repoussé, lorsque vous verrez un nom qui vous est sans doute odieux.
+Ce même amour me donne aussi l'espérance que mes lettres ne vous
+attireront aucun désagrément. Qui pourrait, fût-il le Turc, vous en
+faire un sujet de reproches?... Après la théologie, il n'y a aucun art
+que l'on puisse mettre à côté de la musique.»
+
+Luther recommande à son ami Amsdorf, un peintre nommé Sébastien,
+et ajoute: «Je ne sais si vous aurez besoin de lui. Je désirerais
+cependant que ton habitation fût plus ornée et plus élégante, à
+cause de la chair à qui reviennent aussi quelques soins et quelques
+recréations, lorsqu'elles sont sans péché et sans faute.» (6 février
+1542.)
+
+
+_Peinture[a60]._—Les pamphlets de Luther contre le pape, étaient
+presque toujours accompagnés de gravures symboliques.—«Quant à
+ces trois furies, dit-il, dans l'explication d'une de ces gravures
+satiriques, je n'avais autre chose dans l'esprit, lorsque j'en faisais
+l'application au pape, que d'exprimer l'atrocité de l'abomination
+papale par ces expressions les plus énergiques, les plus atroces de la
+langue latine; car les Latins ignorent ce que c'est que Satan ou le
+diable, comme l'ignorent aussi les Grecs et toutes les nations.» (8 mai
+1545.)
+
+C'était Lucas Cranach qui en avait fait les figures.—Luther écrit:
+«Maître Lucas est un peintre peu délicat. Il pouvait épargner le sexe
+féminin en considération de nos mères et de l'œuvre de Dieu. Il
+pouvait peindre d'autres formes plus dignes du pape, je veux dire plus
+diaboliques.» (3 juin 1545.)
+
+«Je ferai tous mes efforts, si je vis, pour que le peintre Lucas
+substitue à cette peinture obscène une image plus honnête.» (15 juin.)
+
+Luther professait pour Albert Dürer une grande admiration. Lorsqu'il
+apprit sa mort, il écrivit: «Il est douloureux sans doute de l'avoir
+perdu. Rejouissons-nous cependant de ce que Christ, par une fin si
+heureuse, l'a tiré de cette terre de misères et de troubles, qui,
+peut-être bientôt, sera déchirée par des troubles plus grands encore.
+Dieu n'a pas voulu que celui qui était né pour un siècle heureux, vît
+de si tristes choses; qu'il repose en paix avec ses pères.» (avril
+1528.)
+
+
+_De l'astronomie et de l'astrologie._—«Il est vrai que les astrologues
+peuvent prédire l'avenir aux impies, et leur annoncer la mort qui les
+attend, car le diable sait les pensées des impies, et il les a en sa
+puissance.»
+
+On fit mention d'un nouvel astronome, qui voulait prouver que c'est
+la terre qui tourne, et non point le firmament, le soleil et la lune;
+il en est de même, disait-il, pour les habitans de la terre que pour
+ceux qui sont dans un chariot ou dans un vaisseau, et qui croient
+voir le rivage ou les arbres fuir derrière eux[4]. «Ainsi va le monde
+aujourd'hui; quiconque veut être habile, ne doit pas se contenter de
+ce que font et savent les autres. Le sot veut changer tout l'art de
+l'astronomie; mais, comme le dit la sainte Écriture, Josué commanda au
+soleil de s'arrêter, et non à la terre.»
+
+ [4] Sans doute Copernic qui termina vers 1530 son livre
+ _De orbium cœlestium revolutionibus_, imprimé, en 1543, à
+ Nuremberg, avec une dédicace au pape Paul III. Dès 1540, une
+ lettre de son disciple Rheticus fit connaître le nouveau
+ système.
+
+«Les astrologues ont tort d'attribuer aux étoiles la mauvaise influence
+qui appartient en effet aux comètes.
+
+»Maître Philippe tient fort à cela, mais il n'a jamais pu me
+persuader. Il prétend que l'art est réel, mais qu'il n'y a point de
+maître qui s'y entende.»
+
+Comme on montrait un horoscope au docteur Luther, il dit: «C'est une
+belle et agréable imagination, et qui plaît à la raison. On va bien
+régulièrement d'une ligne à l'autre... Il en est de l'astrologie comme
+de l'art des sophistes, _de decem prædicamentis realiter distinctis_;
+tout est faux et artificiel; mais dans cette œuvre vaine et fictive,
+il y a un admirable ensemble; dans tant de siècles et parmi tant de
+sectes, thomistes, albertistes, scotistes, ils sont restés fidèles aux
+mêmes règles.
+
+»La science, qui a pour objet la matière, est incertaine. Car la
+matière est sans forme, et dépourvue de qualités et propriétés. Or,
+l'astrologie a pour objet la matière, etc.
+
+»Ils avaient dit qu'il y aurait un déluge en 1524, et la chose n'arriva
+qu'en 1525, époque du soulèvement des paysans. Déjà le bourgmestre
+Hendorf avait fait monter au haut de sa maison un quart de bière pour y
+attendre le déluge.»
+
+Maître Philippe disait que l'empereur Charles devait vivre jusqu'à
+quatre-vingt-quatre ans; le docteur Luther répondit: «Le monde ne
+durera pas si long-temps. Ézéchiel y est contraire. Si nous chassons
+le Turc, la prophétie de Daniel est accomplie, et certainement le jour
+du jugement est à la porte.»
+
+Une grande étoile rouge, qui avait paru dans le ciel, et qui forma
+ensuite une croix en 1516, reparut plus tard; «mais alors, dit Luther,
+la croix parut brisée; car l'Évangile était obscurci par les sectes
+et les révoltes. Je ne trouve rien de certain dans de tels signes; ce
+sont communément des signes diaboliques et trompeurs. Nous en avons vu
+beaucoup ces quinze dernières années.»
+
+
+_Imprimerie._—«L'imprimerie est le dernier et suprême don, le _summum
+et postremum donum_, par lequel Dieu avance les choses de l'Évangile.
+C'est la dernière flamme qui luit avant l'extinction du monde. Grâce à
+Dieu, elle est venue à la fin. _Sancti patres dormientes desiderârunt
+videre hunc diem revelati Evangelii._»
+
+Comme on lui montrait un écrit des Fugger, orné de lettres d'une forme
+bizarre, que personne ne pouvait le lire, il dit: «C'est une invention
+d'hommes habiles et prévoyans. Mais c'est la marque d'une époque bien
+corrompue. Nous lisons que Jules César employait de pareilles lettres.
+On dit que l'Empereur, se défiant de ses secrétaires, les fait écrire,
+dans les affaires les plus importantes, de deux manières qui se
+contredisent; et ils ne savent point auxquels des deux écrits il doit
+mettre son sceau.»
+
+
+_Banque[a61]._—«Un cardinal, évêque de Brixen, étant mort fort riche à
+Rome, on ne trouva point d'argent chez lui, mais seulement un petit
+billet dans sa manche. Le pape Jules II se douta bien que c'était
+une lettre de change; il envoya sur-le-champ chercher le facteur
+des Fugger, à Rome, et lui demanda s'il ne connaissait point cet
+écrit? Oui, répondit-il, c'est la reconnaissance de ce que Fugger et
+compagnie doivent au cardinal; cela fait trois cent mille florins. Le
+pape demanda s'il pouvait lui payer tout cet argent. A toute heure,
+répondit l'autre. Le pape fit venir ensuite les cardinaux de France et
+d'Angleterre, et leur demanda si leurs rois pourraient trouver en une
+heure trois tonnes d'or? Ils répondirent que non. Eh bien! dit-il, un
+bourgeois d'Augsbourg peut le faire.
+
+»Fugger devant un jour donner au conseil d'Augsbourg l'estimation de
+ses biens, il répondit qu'il ne savait pas ce qu'il avait, car son
+argent était dans tout le monde, en Turquie, en Grèce, à Alexandrie,
+en France, en Portugal, en Angleterre, en Pologne, etc., mais qu'il
+pouvait bien donner l'estimation de ce qu'il avait à Augsbourg.»[a62]
+
+
+
+
+CHAPITRE V.
+
+ De la prédication.—Style de Luther.—Il avoue la violence de
+ son caractère.
+
+
+«Oh combien je tremblais lorsque, pour la première fois, il me fallut
+monter en chaire[r73]! mais on me forçait de prêcher. Il fallait
+d'abord prêcher les frères...»
+
+ [r73] _Ibid._ 181.
+
+«J'ai bien, sous ce même poirier où nous sommes, opposé au docteur
+Staupitz quinze argumens contre ma vocation à la prédication. Je lui
+dis enfin: «Seigneur docteur Staupitz, vous voulez me tuer; je ne
+vivrai pas trois mois.» Il me répondit: «Eh bien! notre Seigneur a de
+grandes affaires; on a besoin de gens habiles là-haut.»
+
+»Je n'apporte guère de zèle et d'ardeur à la distribution de mes
+œuvres en tomes; j'ai une faim de Saturne, je les voudrais tous
+dévorer. Car il n'y a pas un de mes livres dont je sois satisfait, si
+ce n'est peut-être le _Traité du serf arbitre_ et le _Catéchisme_.» (9
+juillet 1537.)
+
+«Je n'aime pas que Philippe assiste à mes leçons ou prédications, mais
+je mets la croix devant moi, et je me dis: Philippe, Jonas, Pomer, tous
+les autres, ne font rien à la chose; et je m'imagine alors qu'il ne
+s'est assis dans la chaire personne de plus habile que moi[r74].»
+
+ [r74] _Ibid._ 197.
+
+Le docteur Jonas lui disait: «Seigneur docteur, je ne puis du tout vous
+suivre dans la prédication[r75].»—Le docteur Luther répondit: «Je ne
+le puis moi-même, car souvent c'est ma propre personne ou quelque chose
+de particulier qui me donne l'occasion d'un sermon, selon le temps,
+les circonstances, les auditeurs. Si j'étais plus jeune, je voudrais
+retrancher beaucoup dans mes prédications, car j'y ai mis trop de
+paroles.»
+
+ [r75] _Ibid._ 113.
+
+«Je veux que l'on enseigne bien au peuple le Catéchisme; je me fonde
+sur lui dans tous mes sermons, et je prêche aussi simplement que
+possible[r76]. Je veux que les hommes du commun, les enfans, les
+domestiques, me comprennent. Ce n'est point pour les savans que l'on
+monte en chaire; ils ont les livres.»
+
+ [r76] _Ibid._ 116.
+
+Le docteur Erasmus Alberus, prêt à partir pour la Marche, demandait
+au docteur Luther comment il fallait prêcher devant le prince[r77].
+«Tes prédications, dit-il, doivent s'adresser, non aux princes, mais
+au simple et grossier peuple. Si, dans les miennes, je songeais à
+Mélanchton et aux autres docteurs, je ne ferais rien de bon; mais je
+prêche tout simplement pour les ignorans, et cela plaît à tous. Si je
+sais du grec, de l'hébreu, du latin, je le réserve pour nos réunions
+de savans. Alors nous en disons de si subtiles que Dieu même en est
+étonné.»
+
+ [r77] _Ibid._ 184.
+
+«Albert Dürer, le fameux peintre de Nuremberg, avait coutume de dire
+qu'il ne prenait aucun plaisir aux peintures chargées de couleurs, mais
+à celles qui étaient faites avec le plus de simplicité. J'en dis autant
+des prédications[r78].»
+
+ [r78] _Ibid._ 425.
+
+«Oh que j'eusse été heureux, lorsque j'étais au cloître d'Erfurt, si
+j'avais pu une fois, une seule fois, entendre prêcher un pauvre petit
+mot sur l'Évangile ou sur le moindre des psaumes[r79]!»
+
+ [r79] Luth. Werke, t. IX, 245.
+
+«Rien n'est plus agréable et plus utile au commun des auditeurs, que de
+prêcher la loi et les exemples[r80]. Les prédications sur la Grâce
+et sur l'article de la justification sont froides pour leurs oreilles.»
+
+ [r80] Tischreden, 182.
+
+Parmi les qualités que Luther exige d'un prédicateur, il veut qu'il
+soit beau de sa personne, et tel que les bonnes femmes et les petites
+filles puissent l'aimer[r81].
+
+ [r81] _Ibid._ 183.
+
+Dans le _Traité sur les vœux monastiques_, Luther demande
+pardon au lecteur de dire bien des choses qu'on a coutume de
+taire[r82].—«Pourquoi n'oser dire ce que le Saint-Esprit, pour
+instruire les hommes, a dicté à Moïse? Mais nous voulons que nos
+oreilles soient plus pures que la bouche du Saint-Esprit.»
+
+ [r82] Seckendorf, livre I, 202.
+
+_A J. Brentius._ «Je ne veux point te flatter, je ne te trompe pas, je
+ne me trompe pas moi-même, quand je dis que je préfère tes écrits aux
+miens. Ce n'est point Brentius que je loue, mais l'Esprit saint, qui
+en toi est plus doux, plus tranquille; tes paroles coulent plus pures,
+plus limpides. Mon style, à moi, inhabile et inculte, vomit un déluge,
+un chaos de paroles; turbulent et impétueux comme un lutteur toujours
+aux prises avec mille monstres qui se succèdent; et si j'ose comparer
+de petites choses aux grandes, il me semble qu'il m'a été donné quelque
+chose de ce quadruple esprit d'Élie, rapide comme le vent, dévorant
+comme le feu, qui renverse les montagnes et brise les pierres; à toi,
+au contraire, le doux murmure de la brise légère et rafraîchissante.
+Une chose me console, c'est que le divin père de famille a besoin, dans
+cette famille immense, de l'un et de l'autre serviteur, du dur contre
+les durs, de l'âpre contre les âpres, comme d'un mauvais coin contre de
+mauvais nœuds. Pour purger l'air et rendre la terre plus fertile, ce
+n'est point assez de la pluie qui arrose et pénètre, il faut encore les
+éclats de la foudre.» (20 août 1530.)
+
+«Je suis loin de me croire sans défaut; mais je puis au moins me
+glorifier avec saint Paul, de ne pouvoir être accusé d'hypocrisie et
+d'avoir toujours dit la vérité, peut-être, il est vrai, un peu trop
+rudement. Mais j'aime mieux pécher par la dureté de mes paroles, en
+jetant la vérité dans le monde, que de la retenir honteusement captive.
+Si les grands seigneurs s'en trouvent blessés, qu'ils se mêlent de
+leurs affaires sans plus se soucier des miennes et de nos doctrines.
+Est-ce que je leur ai fait quelque tort, quelque injustice? Si je
+pèche, ce sera à Dieu de me pardonner.» (5 février 1522.)
+
+_A Spalatin._ «Je ne puis nier que je ne sois plus violent qu'il ne
+faudrait[a63]; mais ils le savaient, c'était à eux de ne pas irriter le
+dogue. Tu peux savoir par toi-même combien c'est une chose difficile
+que de modérer son feu et de contenir sa plume. Et voilà pourquoi j'ai
+toujours haï de paraître en public; mais plus je le hais, plus j'y suis
+forcé malgré moi.» (février 1520.)
+
+Le docteur Luther disait souvent[r83]: «J'ai trois mauvais chiens,
+_ingratitudinem, superbiam et invidiam_ (l'ingratitude, l'orgueil et
+l'envie). Celui qu'ils mordent est bien mordu.»
+
+ [r83] Tischreden, 105.
+
+«Si je meurs, les papistes verront quel adversaire ils ont eu en
+moi[r84]. D'autres prédicateurs n'auront pas la même mesure, la même
+modération. On l'a déjà éprouvé avec Münzer, avec Carlostad, Zwingli et
+les anabaptistes.»
+
+ [r84] _Ibid._ 356.
+
+«Dans la colère mon tempérament se retrempe, mon esprit s'aiguise, et
+toutes les tentations, tous les ennuis se dissipent. Je n'écris et ne
+parle jamais mieux qu'en colère[r85].»
+
+ [r85] _Ibid._ 145.
+
+_A Michel Marx._ «Tu ne saurais croire combien j'aime à voir mes
+adversaires s'élever chaque jour davantage contre moi. Je ne suis
+jamais plus superbe et plus audacieux que lorsque j'apprends que je
+leur déplais. Docteurs, évêques, princes, que m'importe? Il est écrit:
+_Tremuerunt gentes et populi meditati sunt inania. Adstiterunt reges
+terræ, et principes convenerunt in unum adversùs Deum et adversùs
+Christum ejus._
+
+»J'ai un tel dédain pour ces satans, que si je n'étais retenu ici,
+j'irais tout droit à Rome, en haine du diable et de toutes ces furies.»
+
+«Il faut que j'aie de la patience avec le pape, avec mes disciples,
+avec mes domestiques, avec Catherine de Bora, avec tout le monde, et ma
+vie n'est autre chose que de la patience.»
+
+
+
+
+LIVRE V.
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER.
+
+ Mort du père de Luther, de sa fille, etc.
+
+
+«Il n'est pas d'alliance ni de société plus belle, plus douce et
+plus heureuse, qu'un bon mariage[r86]. C'est une joie de voir deux
+époux vivre unis et en paix. Mais aussi, rien n'est plus amer et plus
+douloureux que quand ce lien se déchire. Après cela vient la mort des
+enfans. Cette dernière douleur je la connais, hélas!»
+
+ [r86] _Ibid._ 331.
+
+—«Je suis triste en t'écrivant, car j'ai reçu la nouvelle de la mort
+de mon père, ce vieux Luther, si bon et si aimé. Et bien que par moi
+il ait eu un si facile et si pieux passage en Christ, et que, délivré
+des monstres d'ici-bas, il repose dans la paix éternelle, cependant mes
+entrailles se sont émues, car c'est par lui que Dieu m'a fait naître et
+m'a élevé.»—Dans une lettre du même jour à Mélanchton: «... Je succède
+à son nom; voici maintenant que je suis pour ma famille le vieux
+Luther. C'est mon tour, c'est mon droit de le suivre par la mort dans
+ce royaume que Christ nous a promis à nous tous qui, à cause de lui,
+sommes les plus misérables des hommes, et l'opprobre du monde... Je me
+réjouis cependant qu'il ait vécu dans ce temps, et qu'il ait pu voir la
+lumière de la vérité. Dieu soit béni dans tous ses actes, dans tous ses
+desseins!» (5 juin 1530.)
+
+«La nouvelle étant venue de Freyberg que maître Hausman était mort,
+nous la cachâmes au docteur Luther, et lui dîmes d'abord qu'il était
+malade, puis qu'il était au lit, puis qu'il s'était bien doucement
+endormi dans le Christ[r87]. Le docteur se mit à pleurer bien fort,
+et dit: «Voici des temps bien périlleux; Dieu balaie son aire et sa
+grange. Je le prie de ne pas laisser vivre long-temps après ma mort
+ma femme et mes enfans.» Il resta assis tout le jour; il pleurait
+et s'affligeait. Il était avec le docteur Jonas, maître Philippe
+(Mélanchton), maître Joachim Camerarius, et Gaspard de Keckeritz, et,
+au milieu d'eux, il était assis, tout affligé et en larmes.» (1538.)
+
+ [r87] _Ibid._ 274.
+
+«Lorsqu'il perdit sa fille Magdalena, âgée de quatorze ans, la femme du
+docteur pleurait et se lamentait. Il lui dit: «Chère Catherine, songe
+pourtant où elle est allée. Elle a certes fait un heureux voyage. La
+chair saigne, sans doute, c'est sa nature; mais l'esprit vit et se
+trouve selon ses souhaits. Les enfans ne disputent point; comme on leur
+dit, ils croient. Chez les enfans tout est simple. Ils meurent sans
+chagrin ni angoisses, sans disputes, sans tentations de la mort, sans
+douleur corporelle, tout comme s'ils s'endormaient.»
+
+»Comme sa fille était fort malade, il disait: «Je l'aime bien! Mais, ô
+mon Dieu! si c'est ta volonté de la prendre d'ici, je veux la savoir
+sans regret auprès de toi.» Et comme elle était au lit, il lui disait:
+«Ma chère petite fille, ma petite Madeleine, tu resterais volontiers
+ici auprès de ton père, et tu irais pourtant volontiers aussi à ton
+autre père.» Elle répondit: «Oui, mon cher père, comme Dieu voudra.»
+«Chère petite fille! ajouta-t-il, l'esprit veut, mais la chair est
+faible.» Il se promena en long et en large et dit: «Oui, je l'ai aimée
+bien fort. Si la chair est si forte, que sera-ce donc de l'esprit.»
+
+»Il disait entre autres choses: «Dieu n'a pas donné depuis mille ans à
+aucun évêque d'aussi grands dons qu'à moi; car on doit se glorifier des
+dons de Dieu. Eh! bien, je suis en colère contre moi-même de ce que je
+ne puis m'en réjouir de cœur, ni rendre grâce; je chante bien de temps
+en temps à notre Seigneur un petit cantique, et le remercie un peu.
+
+»Eh bien! que nous vivions ou que nous mourions, _Domini sumus_ au
+génitif ou au nominatif. Allons, seigneur docteur, tenez ferme.»
+
+»La nuit qui précéda la mort de Magdalena, la femme du docteur avait eu
+un songe; il lui semblait voir deux beaux jeunes garçons bien parés,
+qui voulaient prendre sa fille et la mener à la noce[r88]. Lorsque
+Philippe Mélanchton vint le matin dans le cloître, et demanda à la
+dame: «Que faites-vous de votre fille?» elle lui raconta son rêve. Il
+en fut bien effrayé, et dit aux autres: «Les jeunes garçons sont les
+saints anges qui vont venir pour mener la vierge à la véritable noce du
+royaume céleste.» Et en effet le même jour elle mourut.
+
+ [r88] _Ibid._ 360.
+
+»Lorsque la petite Magdalena était à l'agonie et allait mourir, le père
+tomba à genoux devant son lit, pleura amèrement, et pria Dieu qu'il
+voulût bien la sauver. Elle expira et s'endormit dans les bras de son
+père. La mère était bien dans la même chambre, mais plus loin du lit, à
+cause de son affliction. Le docteur répétait souvent: «Que la volonté
+de Dieu soit faite! ma fille a encore un père dans le ciel.» Alors
+maître Philippe se mit à dire: «L'amour des parens est une image de la
+divinité imprimée au cœur des hommes. Dieu n'aime pas moins le genre
+humain que les parens leurs enfans.» Lorsqu'on la mit dans la bière, le
+père dit: «Pauvre chère petite Madeleine, te voilà bien maintenant?»
+Il la regarda ainsi étendue, et dit: «O cher enfant, tu ressusciteras,
+tu brilleras comme une étoile! Oui, comme le soleil!... Je suis joyeux
+en esprit, mais dans la chair je suis bien triste. C'est une chose
+merveilleuse de savoir qu'elle est certainement en paix, qu'elle est
+bien, et cependant d'être si triste.»
+
+»Et lorsque le peuple vint pour aider à emporter le corps, et que,
+selon le commun usage, ils lui disaient qu'ils prenaient part à son
+malheur, il leur dit: «Ne vous chagrinez pas, j'ai envoyé une sainte
+au ciel. Oh! puissions-nous avoir une telle mort! Une telle mort, je
+l'accepterais sur l'heure!»—Lorsque l'on chanta: Seigneur, qu'il ne
+vous souvienne pas de nos anciens péchés! il ajouta: «Non-seulement des
+anciens, mais de ceux d'aujourd'hui. Car nous sommes avides, usuriers,
+etc.; le scandale de la messe existe encore dans le monde!»
+
+»Au retour, il disait entre autres choses: «On doit s'inquiéter du sort
+de ses enfans, et surtout des pauvres filles. Je ne plains pas les
+garçons; un garçon vit partout pourvu qu'il sache travailler. Mais le
+pauvre petit peuple des filles doit chercher sa vie un bâton à la main.
+Un garçon peut aller aux écoles, et devenir un habile garçon (ein
+feiner man). Une petite fille ne peut en faire autant. Elle
+tourne facilement au scandale et devient grosse. Aussi je donne bien
+volontiers celle-ci à notre Seigneur.»
+
+_A Jonas._ «La renommée t'aura, je pense, informé de la renaissance de
+ma fille Madeleine au royaume du Christ; et bien que moi et ma femme
+nous dussions ne songer qu'à rendre de joyeuses actions de grâces pour
+un si heureux passage et une fin si désirable, par où elle a échappé
+à la puissance de la chair, du monde, du Turc et du Diable, cependant
+la force τῆς στοργῆς est si grande que je ne puis le supporter sans
+sanglots, sans gémissement, disons mieux, sans une véritable mort du
+cœur. Dans le plus profond de mon cœur sont encore gravés ses traits,
+ses paroles, ses gestes, pendant sa vie et sur son lit de mort; mon
+obéissante et respectueuse fille! La mort même du Christ (et que
+sont toutes les morts en comparaison?) ne peut me l'arracher de la
+pensée, comme elle le devrait.... Elle était, comme tu sais, douce de
+caractère, aimable et pleine de tendresse.» (23 septembre 1542.)
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+ De l'équité, de la Loi.—Opposition du théologien et du juriste.
+
+
+«Il vaut mieux se gouverner _d'après la raison naturelle que d'après
+la loi écrite_, car la raison est l'âme et la reine de la loi[r89].
+Mais où sont les gens qui ont une telle intelligence? on en peut à
+peine trouver un par siècle. Notre gracieux seigneur, l'électeur
+Frédéric, était un tel homme. Il y a eu encore son conseiller le
+seigneur Fabian de Feilitsch, un laïc, qui n'avait point étudié et
+qui répondait sur _apices et medullam juris_ mieux que les juristes
+d'après leurs livres.—Maître Philippe Mélanchton enseigne les arts
+libéraux, de manière qu'il en tire moins de lumière qu'il ne leur en
+prête lui-même. Moi aussi, je porte mon art dans les livres, je ne
+l'en tire point. Celui qui voudrait imiter les quatre hommes dont je
+viens de parler, ferait aussi bien d'y renoncer; il faut plutôt qu'il
+apprenne et qu'il écoute. De tels prodiges sont rares. La loi écrite
+est pour le peuple et l'homme du commun. La raison naturelle et la
+haute intelligence sont pour les hommes dont j'ai parlé.»
+
+ [r89] _Ibid._ 347.
+
+«Il y a un éternel combat entre les juristes et les théologiens; c'est
+la même opposition qu'entre la loi et la grâce.»
+
+«Le droit est une belle fiancée, pourvu qu'elle reste dans son lit
+nuptial[r90]. Si elle monte dans un autre lit et veut gouverner la
+théologie, c'est une grande p...... Le droit doit ôter sa barrette
+devant la théologie.»
+
+ [r90] _Ibid._
+
+_A Mélanchton._ «Je pense comme autrefois sur le droit du glaive; je
+pense avec toi que l'Évangile n'a rien enseigné ni conseillé sur ce
+droit, et que cela ne devait être en aucune façon, parce que l'Évangile
+est la loi des volontés et des libertés, qui n'ont rien à faire avec
+le glaive ou le droit du glaive. Mais ce droit n'y est pas aboli, il y
+est même confirmé et recommandé; ce qui n'a lieu pour aucune des choses
+simplement permises.»
+
+«Avant moi, il n'y a aucun juriste qui ait su ce qu'est le droit,
+relativement à Dieu[r91]. Ce qu'ils ont, ils l'ont de moi. Il n'est
+point mis dans l'Évangile que l'on doive adorer les juristes. Si notre
+Seigneur Dieu veut juger, que lui importent les juristes? Pour ce qui
+regarde le monde, je les laisse maîtres. Mais dans les choses de Dieu
+ils doivent être sous moi. Mon psaume à moi, c'est celui-ci: _Rois
+soyez châtiés_, etc. S'il faut qu'un des deux périsse, périsse le
+droit, règne le Christ!
+
+ [r91] _Ibid._ 402.
+
+»_Principes convenerunt in unum._ David le dit lui-même, _contre son
+fils se dresseront la puissance, la sagesse, la multitude du monde, et
+il doit être seul contre beaucoup, insensé contre les sages, impuissant
+contre les puissans_. Certes, c'est là une merveilleuse conduite des
+choses. Notre Seigneur Dieu ne manque de rien que de gens sages, mais
+derrière sonne le terrible _Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui
+judicatis terram_ (Comprenez maintenant, ô rois; instruisez-vous, juges
+de la terre).
+
+»Si les juristes ne prient point pour le pardon de leurs péchés et
+n'acceptent point l'Évangile, je veux les confondre, de sorte qu'ils
+ne sachent plus comment se tirer d'affaire. Je n'entends rien au
+droit, mais je suis seigneur du droit dans les choses qui touchent la
+conscience.
+
+»Nous sommes redevables aux juristes d'avoir enseigné et d'enseigner
+au monde tant d'équivoques, de chicanes, de calomnies, que le langage
+est devenu plus confus que dans une Babel. Ici, nul ne peut comprendre
+l'autre, là, nul ne veut comprendre. O sycophantes, ô sophistes, pestes
+du genre humain. Je t'écris tout en colère, et je ne sais si, de
+sang-froid, j'enseignerais mieux.» (6 février 1546.)
+
+La veille d'un jour où on allait faire un docteur en droit, Luther
+disait: «Demain on fera une nouvelle vipère contre les théologiens.»
+
+«On a raison de dire: _un bon juriste est un mauvais chrétien_. En
+effet, le juriste estime et vante la justice des œuvres, comme si
+c'était par là qu'on est juste devant Dieu. S'il devient chrétien, il
+est considéré parmi les juristes comme un animal monstrueux, il faut
+qu'il mendie son pain, les autres le regardent comme séditieux.
+
+»Qu'on frappe la conscience des juristes, ils ne savent ce qu'ils
+doivent faire. Münzer les attaquait avec l'épée; c'était un fou.
+
+»Si j'étudiais seulement deux ans en droit, je voudrais devenir plus
+savant que le docteur C.; car je parlerais des choses, selon qu'elle
+sont véritablement justes ou injustes. Mais lui, il chicane sur les
+mots.
+
+»La doctrine des juristes n'est rien qu'un _nisi_, un _excepté_. La
+théologie ne procède pas ainsi, elle a un ferme fondement.
+
+»L'autorité des théologiens consiste en ce qu'ils peuvent obscurcir
+les universaux, et tout ce qui s'y rapporte. Ils peuvent élever et
+abaisser. Si la Parole se fait entendre, Moïse et l'Empereur doivent
+céder.
+
+»Le droit et les lois des Perses et des Grecs sont tombés en désuétude
+et abolis. Le droit romain ou impérial ne tient plus qu'à un fil[a64].
+Car si un empire ou un royaume tombe, ses lois et ordonnances doivent
+tomber aussi.
+
+»Je laisse le cordonnier, le tailleur, le juriste pour ce qu'ils sont.
+Mais qu'ils n'attaquent point ma chaire!...
+
+»Beaucoup de gens croient que la théologie qui est révélée aujourd'hui,
+n'est rien. Si cela a lieu de notre vivant, que sera-ce après notre
+mort? En récompense beaucoup d'entre nous sont gros de cette pensée
+dont ils accoucheront plus tard, que le droit n'est rien.
+
+_Sermon contre les juristes, prêché le jour des Rois._ «Voilà comme
+agissent nos fiers juristes et chevaliers ès-lois de Wittemberg... Ils
+ne lisent point nos livres, les appellent catoniques (pour canoniques),
+ne s'inquiètent pas de notre Seigneur, et ne visitent point nos
+églises[r92]. Eh bien! puisqu'ils ne reconnaissent point le docteur
+Pomer pour évêque de Wittemberg, ni moi pour prédicateur de cette
+église, je ne les compte plus dans mon troupeau.
+
+ [r92] _Ibid._ 403.
+
+»Mais, disent-ils, vous allez contre le droit impérial. J'emm...e ce
+droit qui fait tort au pauvre homme.»
+
+Suit un dialogue du juriste avec le plaideur à qui il promet pour dix
+thalers de faire traîner une affaire dix ans... «Bonnes et pieuses gens
+comme Reinicke Fuchs, dans le poème du Renard...»
+
+«Bon peuple, veuillez agréer les motifs pour lesquels je veux être
+impitoyable envers les juristes[r93]... Ils vantent le droit
+canonique, la m...e du pape, et le représentent comme une chose
+magnifique, lorsque nous l'avons, avec tant de peine, repoussé et
+chassé de nos églises... Je te le conseille, juriste, laisse dormir le
+vieux dogue[a65]. Une fois éveillé, tu ne le ramènerais pas aisément à
+la loge.
+
+ [r93] _Ibid._ 407.
+
+»Les juristes se plaignent fort, et m'en veulent. Qu'y puis-je faire?
+Si je ne devais pas rendre compte de leurs âmes, je ne les châtierais
+point.» Il déclare pourtant ensuite[a66] qu'il n'a point parlé des
+juristes pieux.[a67]
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+ La Foi, la Loi.
+
+
+_A Gerbellius_: «Dans cette cohue de scandales, ne te démens pas
+toi-même. Je te la rends pour te soutenir, l'épouse (la foi) que tu
+m'as montrée jadis; je te la rends vierge et sans tache. Mais ce qu'il
+y a en elle d'admirable et d'inouï, c'est qu'elle désire et attire une
+infinité de rivaux, et qu'elle est d'autant plus chaste qu'elle est
+l'épouse d'un plus grand nombre.
+
+ * * * * *
+
+»Notre rival, Philippe Mélanchton, te salue. Adieu, sois heureux avec
+la fiancée de ta jeunesse.» (23 janvier 1523).
+
+_A Mélanchton._ «Sois pécheur, et pèche fortement, mais aie encore
+plus forte confiance, et réjouis-toi en Christ, qui est le vainqueur
+du péché, de la mort et du monde. Il faut pécher, tant que nous
+sommes ici. Cette vie n'est point le séjour de la justice; non, nous
+attendons, comme dit Pierre, les cieux nouveaux et la terre nouvelle où
+la justice habite.....»
+
+«Prie grandement; car tu es un grand pécheur.»
+
+«Je suis maintenant tout-à-fait dans la doctrine de la rémission des
+péchés[r94]. Je n'accorde rien à la Loi ni à tous les Diables. Celui
+qui peut croire en son cœur à la rémission des péchés, celui-là est
+sauvé.»
+
+ [r94] _Ibid._ 102.
+
+«De même qu'il est impossible de rencontrer dans la nature le point
+_mathématique_, _indivisible_, de même l'on ne trouve nulle part la
+justice telle que la Loi la demande. Personne ne peut satisfaire à
+la Loi entièrement, et les juristes eux-mêmes, malgré tout leur art,
+sont bien souvent obligés de recourir à la rémission des péchés, car
+ils n'atteignent pas toujours le but, et quand ils ont rendu un faux
+jugement, et que le Diable leur tourmente la conscience, ni Barthole,
+ni Baldus, ni tous leurs autres docteurs ne leur servent de rien. Pour
+résister, ils sont forcés de se couvrir de l'ἐπιείκεια,
+c'est-à-dire de la rémission des péchés. Ils font leur possible pour
+bien juger, et après cela il ne leur reste plus qu'à dire: «Si j'ai
+mal jugé, ô mon Dieu, pardonne-le-moi.»—C'est la théologie seule qui
+possède le point mathématique, elle ne tâtonne pas, elle a le Verbe
+même de Dieu. Elle dit: «Il n'est qu'une justice, Jésus-Christ. Qui vit
+en lui, celui-là est juste.»
+
+»La Loi sans doute est nécessaire, mais non pour la béatitude, car
+personne ne peut l'accomplir; mais le pardon des péchés la consomme et
+l'accomplit[r95].
+
+ [r95] _Ibid._ 128.
+
+»La Loi est un vrai labyrinthe qui ne peut que brouiller les
+consciences, et la justice de la Loi est un minotaure, c'est-à-dire une
+pure fiction qui ne nous conduit point à la béatitude, mais nous attire
+en enfer.»
+
+_Addition de Luther à une lettre de Mélanchton sur la Grâce et la
+Loi..._—«Pour me délivrer entièrement de la vue de la loi et des
+œuvres, je ne me contente pas même de voir en Jésus-Christ mon maître,
+mon docteur et mon donateur, je veux qu'il soit lui-même ma doctrine et
+mon don, de telle sorte, qu'en lui je possède toute chose[r96]. Il
+dit: «Je suis le chemin, la vérité et la vie,» non pas: «Je te montre
+ou je te donne le chemin, la vérité et la vie,» comme s'il opérait
+seulement ceci en moi, et que lui-même il fût néanmoins en dehors de
+moi...»—«Il n'est qu'un seul point dans toute la théologie: vraie foi
+et confiance en Jésus-Christ[r97]. Cet article contient tous les
+autres.—«Notre foi est un soupir inexprimable.» Et ailleurs: «Nous
+sommes nos propres geôliers. (C'est-à-dire que nous nous enfermons dans
+nos œuvres, au lieu de nous élancer dans la foi[r98].)
+
+ [r96] Tischreden, 133.
+
+ [r97] _Ibid._ 140.
+
+ [r98] _Ibid._ 147.
+
+»Le diable veut seulement une justice _active_, une justice que
+nous fassions nous-mêmes en nous, tandis que nous n'en avons qu'une
+_passive_ et étrangère qu'il ne veut point nous laisser[r99]. Si
+nous étions bornés à l'_active_, nous serions perdus, car elle est
+défectueuse dans tous les hommes.»
+
+ [r99] _Ibid._ 142.
+
+Un docteur anglais, Antonius Barns, demandait au docteur Luther si les
+chrétiens, justifiés par la foi en Christ, méritaient quelque chose
+pour les œuvres qui venaient ensuite[r100]. Car cette question était
+souvent agitée en Angleterre. Réponse: 1º Nous sommes encore pécheurs
+après la justification; 2º Dieu promet récompense à ceux qui font bien.
+Les œuvres ne méritent point le ciel, mais elles ornent la foi qui
+nous justifie. Dieu ne couronne que les dons mêmes qu'il nous a faits.
+
+ [r100] _Ibid._ 144.
+
+FIDELIS ANIMÆ VOX AD CHRISTUM. _Ego sum tuum peccatum, tu mea justitia;
+triumpho igitur securus_, etc.
+
+«Pour résister au désespoir, il ne suffit pas d'avoir de vains mots
+sur la langue, ni une vaine et faible opinion; mais il faut qu'on
+relève la tête, que l'on prenne une âme ferme et que l'on se confie
+en Christ contre le péché, la mort, l'enfer, la Loi et la mauvaise
+conscience[r101].»
+
+ [r101] _Ibid._ 124.
+
+«Quand la Loi t'accuse et te reproche tes fautes, ta conscience te
+dit: Oui, Dieu a donné la Loi et commandé de l'observer sous peine
+de damnation éternelle; il faut donc que tu sois damné. A cela tu
+répondras: Je sais bien que Dieu a donné la Loi, mais il a aussi donné
+par son fils l'Évangile qui dit: Celui qui aura reçu le baptême et qui
+croira, sera sauvé. Cet Évangile est plus grand que toute la Loi, car
+la Loi est terrestre et nous a été transmise par un homme; l'Évangile
+est céleste et nous a été apporté par le Fils de Dieu.—N'importe, dit
+la conscience, tu as péché et transgressé le commandement de Dieu; donc
+tu seras damné.—_Réponse_: Je sais fort bien que j'ai péché, mais
+l'Évangile m'affranchit de mes péchés, parce que je crois en Jésus, et
+cet Évangile est élevé au-dessus de la Loi autant que le ciel l'est
+au-dessus de la terre. C'est pourquoi le corps doit rester sur la
+terre et porter le fardeau de la Loi, mais la conscience monter, avec
+Isaac, sur la montagne, et s'attacher à l'Évangile, qui promet la vie
+éternelle à ceux qui croient en Jésus-Christ.—N'importe, dit encore la
+conscience, tu iras en enfer; tu n'as pas observé la Loi.—_Réponse_:
+Oui, si le ciel ne venait à mon secours; mais il est venu à mon
+secours, il s'est ouvert pour moi; le Seigneur a dit: Celui qui sera
+baptisé et qui croira, sera sauvé.»
+
+«Dieu dit à Moïse: Tu verras mon dos, mais non point mon
+visage[r102]. Le dos c'est la Loi, le visage c'est l'Évangile.»
+
+ [r102] _Ibid._ 125.
+
+«La Loi ne souffre pas la Grâce, et à son tour la Grâce ne souffre pas
+la Loi. La Loi est donnée seulement aux orgueilleux, aux arrogans, à la
+noblesse, aux paysans, aux hypocrites et à ceux qui ont mis leur amour
+et leur plaisir dans la multitude des lois. Mais la Grâce est promise
+aux pauvres cœurs souffrans, aux humbles, aux affligés; c'est eux que
+regarde le pardon des péchés. A la Grâce appartiennent maître Nicolas
+Hausmann, Cordatus, Philippe (Mélanchton) et moi.»
+
+«Il n'y a point d'auteur, excepté saint Paul, qui ait écrit d'une
+manière complète et parfaite sur la Loi, car c'est la mort de toute
+raison de juger la Loi: l'esprit en est le seul juge.» (15 août 1530.)
+
+«La bonne et véritable théologie consiste dans la pratique, l'usage et
+l'exercice. Sa base et son fondement, c'est le Christ, dont on comprend
+avec la foi, la passion, la mort et la résurrection. Ils se font
+aujourd'hui, pour eux, une _théologie spéculative_ d'après la raison.
+Cette _théologie spéculative_ appartient au diable dans l'enfer. Ainsi
+Zwingle et les sacramentaires _spéculent_ que le corps du Christ est
+dans le pain, mais seulement dans le sens spirituel. C'est aussi la
+théologie d'Origène. David n'agit pas ainsi, mais il reconnaît ses
+péchés et dit: _Miserere mei Domine!_»
+
+«J'ai vu naguère deux signes au ciel. Je regardais par la fenêtre au
+milieu de la nuit, et je vis les étoiles et toute la voûte majestueuse
+de Dieu se soutenir sans que je pusse apercevoir les colonnes sur
+lesquelles le Maître avait appuyé cette voûte. Cependant elle ne
+s'écroulait pas. Il y en a maintenant qui cherchent ces colonnes et
+qui voudraient les toucher de leurs mains. Mais comme ils n'y peuvent
+arriver, ils tremblent, se lamentent, et craignent que le ciel ne
+tombe. Ils pourraient les toucher que le ciel n'en bougerait pas.
+
+»Plus tard je vis de gros nuages, tout chargés, qui flottaient sur ma
+tête comme un océan. Je n'apercevais nul appui qui les pût soutenir.
+Néanmoins, ils ne tombaient pas, mais nous saluaient tristement et
+passaient. Et comme ils passaient, je distinguai dessous la courbe
+qui les avait soutenus, un délicieux arc-en-ciel. Mince il était
+sans doute, bien délicat, et l'on devait trembler pour lui en voyant
+la masse des nuages. Cependant cette ligne aérienne suffisait pour
+porter cette charge et nous protéger. Nous en voyons toutefois qui
+craignent le poids du nuage, et ne se fient pas au léger soutien; ils
+voudraient bien en éprouver la force, et, ne le pouvant, ils craignent
+que les nuages ne fondent et ne nous abîment de leurs flots..... Notre
+arc-en-ciel est faible, leurs nuages sont lourds. Mais la fin jugera de
+la force de l'arc. _Sed in fine videbitur cujus toni._»[a68] (août 1530.)
+
+
+
+
+CHAPITRE IV.
+
+ Des novateurs: Mystiques, etc.
+
+
+«Le comment nous réussit mal, c'est la cause de la ruine d'Adam.
+
+»Je crains deux choses: l'épicuréisme et l'enthousiasme, deux sectes
+qui doivent régner encore.
+
+»Otez le décalogue, il n'y a plus d'hérésie. L'Écriture sainte est le
+livre de tous les hérétiques[a69].»
+
+Luther nommait les esprits séditieux et présomptueux, «des saints
+précoces qui, avant la maturité, étaient piqués des vers et au moindre
+vent tombaient de l'arbre. Les rêveurs (schwermer) sont comme les
+papillons. D'abord c'est une chenille qui se pend à un mur, s'y fait
+une petite maison, éclot à la chaleur du soleil, et s'envole en
+papillon. Le papillon meurt sur un arbre et laisse une longue traînée
+d'œufs.»
+
+Le docteur Martin Luther disait au sujet des faux frères et hérétiques
+qui se séparent de nous, qu'il fallait les laisser faire et ne pas s'en
+inquiéter; s'ils ne nous écoutent point, nous les enverrons avec tous
+leurs beaux semblans en enfer[r103].
+
+ [r103] _Ibid._ 292.
+
+«Quand je commençai à écrire contre les indulgences, je fus pendant
+trois ans tout seul, et personne ne me tendait la main[r104].
+Aujourd'hui ils veulent tous triompher. J'aurais bien assez de mal
+avec mes ennemis sans celui que me font mes bons petits frères. Mais
+qui peut résister à tous? ce sont des jeunes gens tout frais, qui
+n'ont rien fait jusqu'ici; moi je suis vieux maintenant, et j'ai eu de
+grandes peines, de grands travaux. Osiander peut faire le fier; il a du
+bon temps; il a deux prédications à faire par semaine et quatre cents
+florins par an.»
+
+ [r104] _Ibid._ 193.
+
+«En 1521, il vint chez moi l'un de ceux de Zwickau, du nom de Marcus,
+assez affable dans ses manières, mais frivole dans ses opinions et dans
+sa vie[r105]. Il voulait conférer avec moi au sujet de sa doctrine.
+Comme il ne parlait que de choses étrangères à l'Écriture, je lui dis
+que je ne reconnaissais que la parole de Dieu, et que, s'il voulait
+établir autre chose, il devait au moins prouver sa mission par des
+miracles. Il me répondit: «Des miracles? ah! vous en verrez dans sept
+ans. Dieu même ne pourrait m'enlever ma foi.» Il dit aussi: «Je vois de
+suite si quelqu'un est élu ou non.»—Après qu'il m'eut beaucoup parlé
+du _talent_ qu'il ne fallait pas enfouir, du _dégrossissement_, de
+l'_ennui_, de l'_attente_, je lui demandai qui comprenait cette langue.
+Il me répondit qu'il ne prêchait que devant les disciples croyans et
+habiles. Comment vois-tu qu'ils sont habiles? lui dis-je.—Je n'ai qu'à
+les regarder, répondit-il, pour voir leur _talent_.—Quel _talent_, mon
+ami, trouves-tu en moi par exemple?—Vous êtes encore au premier degré
+de la mobilité, me répondit-il, mais il viendra un temps où vous serez
+au premier de l'immobilité comme moi.—Sur ce, je lui citai plusieurs
+textes de l'Écriture et nous nous séparâmes. Quelque temps après, il
+m'écrivit une lettre très amicale, pleine d'exhortations; mais je lui
+répondis: Adieu, cher Marcus.
+
+ [r105] _Ibid._ 282.
+
+»Plus tard, il vint chez moi un tourneur qui se disait aussi prophète.
+Il me rencontra au moment où je sortais de ma maison, et me dit
+d'un ton hardi: «Monsieur le docteur, je vous apporte un message
+de mon Père.—Qui est donc ton père? lui dis-je.—Jésus-Christ,
+répondit-il.—C'est notre père commun, lui dis-je; que t'a-t-il ordonné
+de m'annoncer?—Je dois vous annoncer, de la part de mon père, que Dieu
+est irrité contre le monde.—Qui te l'a dit?—Hier, en sortant par la
+porte de Koswick, j'ai vu dans l'air un petit nuage de feu; cela prouve
+évidemment que Dieu est irrité[a70].» Il me parla encore d'un autre
+signe. «Au milieu d'un sommeil profond, dit-il, j'ai vu des ivrognes
+assis à table, qui disaient: Buvons, buvons; et la main de Dieu était
+au-dessus d'eux. Soudain l'un d'eux me versa de la bière sur la tête et
+je m'éveillai.»—Écoute, mon ami, lui dis-je alors, ne plaisante pas
+ainsi avec le nom et les ordres de Dieu; et je le réprimandai vivement.
+Quand il vit dans quelles dispositions j'étais à son égard, il s'en
+alla tout en colère et murmurant: «Sans doute quiconque ne pense pas
+comme Luther est un fou.»
+
+»Une autre fois encore, j'eus affaire à un homme des Pays-Bas. Il
+voulait disputer avec moi _jusqu'au feu inclusivement_, disait-il.
+Quand je vis son ignorance, je lui dis: «Ne vaudrait-il pas mieux que
+nous disputassions sur quelques canettes de bière?» Ce mot le fâcha,
+et il s'en alla. Le diable est un esprit orgueilleux; il ne saurait
+souffrir qu'on le méprise.»
+
+Maître Stiefel vint à Wittemberg, parla secrètement avec le docteur
+Luther, et lui montra son opinion en vingt articles, sur le jugement
+dernier[r106]. Il pensait que le jugement aurait lieu le jour de
+saint Luc. On lui dit de se tenir tranquille et de n'en point parler;
+ce qui le chagrina fort. «Cher seigneur docteur, dit-il, je m'étonne
+que vous me défendiez de prêcher ceci, et que vous ne vouliez pas me
+croire. Il est cependant sûr que je dois en parler, quoique je ne le
+fasse point volontiers.» Le docteur Luther lui répliqua: «Cher maître,
+vous avez bien pu vous taire dix ans sur ce sujet, pendant le règne
+de la papauté; tenez-vous encore tranquille pour le peu de temps qui
+reste.—Mais ce matin même, comme je me mettais en marche de bonne
+heure, j'ai vu un arc-en-ciel très beau, et j'ai pensé à la venue du
+Christ.—Non, il n'y aura point alors d'arc-en-ciel; d'un même coup le
+feu du tonnerre consumera toute créature. Un fort et puissant son de
+trompette nous réveillera tous. Ce n'est pas avec le son du chalumeau
+que l'on se fera entendre sur-le-champ à ceux qui sont dans la tombe.»
+(1533.)
+
+ [r106] _Ibid._ 367.
+
+«Michel Stiefel croit être le septième ange qui annonce le dernier
+jour[a71]; il donne ses livres et ses meubles, comme s'il n'en avait
+plus besoin.
+
+»Bileas est certainement damné, quoiqu'il ait eu de bien grandes
+révélations, pas moindres que celles de Daniel; car il embrasse
+aussi les quatre empires[r107]. C'est un terrible exemple pour les
+orgueilleux. Oh! humilions-nous.»
+
+ [r107] _Ibid._ 192.
+
+»Le docteur Jeckel est un compagnon de l'espèce de Eisleben
+(Agricola)[r108]. Il faisait la cour à ma nièce Anna; mais je lui
+dis: «Cela ne doit point se faire, dans toute l'éternité!» Et à la
+petite fille: «Si tu veux l'avoir, ôte-toi pour toujours de devant mes
+yeux; je ne veux plus te voir ni t'entendre.»
+
+ [r108] _Ibid._ 287.
+
+Le duc Henri de Saxe étant venu à Wittemberg, le docteur Martin Luther
+lui parla deux fois contre le docteur Jeckel, et exhorta le prince à
+songer aux maux de l'Église. Jeckel avait prêché la doctrine suivante:
+«Fais ce que tu veux, crois seulement, tu seras sauvé.—Il faudrait
+dire: Quand tu seras _rené_, et devenu un nouvel homme, fais alors
+ce qui se présente à toi. Les sots ne savent point ce que c'est que
+la foi...» Un pasteur de Torgau vint se plaindre au docteur Luther
+de l'insolence et de l'hypocrisie du docteur Jeckel, qui, par ses
+ruses, avait attiré à lui tous ceux de la noblesse, du conseil, et le
+prince même. Le docteur l'ayant entendu, frémit, soupira, se tut, et
+se mit en prière; et le même jour, il ordonna qu'on exigeât d'Eisleben
+(Agricola), qu'il fît une rétractation publique, ou qu'il fût
+publiquement confondu.
+
+«Le docteur Luther faisant reproche à Jeckel de ce qu'ayant si peu
+d'expérience, étant si peu exercé dans la dialectique et la rhétorique,
+il osait entreprendre de telles choses contre ses maîtres et
+précepteurs, il répondit[r109]: «Je dois craindre Dieu plus que mes
+précepteurs; j'ai un Dieu aussi bien que vous...» Le docteur Jeckel se
+mit ensuite à table pour souper; il avait l'air sombre; et le docteur
+Luther se curait les dents, ainsi que les convives venus de Freyberg.
+Alors Luther se mit à dire: «Si j'avais rendu la cour aussi pieuse
+que vous le monde, j'aurais bien travaillé, etc.» Et Jeckel se tenait
+toujours avec un air sombre, les yeux baissés, montrant, par cette
+contenance, ce qu'il avait en esprit. Enfin Luther se leva, et voulut
+sortir; Jeckel aurait encore bien voulu s'expliquer et discuter avec
+lui; mais le docteur ne voulut plus lui parler.»
+
+ [r109] _Ibid._ 290.
+
+_Des Antinomiens, et particulièrement d'Eisleben
+(Agricola)[r110]._—«Ah! combien cela fait mal, quand on perd un bon
+ami qu'on aimait beaucoup! J'ai eu cet homme-là à ma table; il a été
+mon bon compagnon, il riait avec moi, il était gai... et voilà qu'il
+se met contre moi!... Cela n'est point à souffrir. Rejeter la loi sans
+laquelle il n'y a ni église, ni gouvernement, cela ne s'appelle pas
+percer le tonneau, mais le défoncer.... C'est le moment de combattre...
+Puis-je le voir s'enorgueillir pendant ma vie, et vouloir gouverner?...
+Il ne suffit pas qu'il dise, pour s'excuser, qu'il n'a parlé que du
+docteur Creuziger et de maître Roerer. Le Catéchisme, l'Explication
+du décalogue et la Confession d'Augsbourg, sont miens, et non point à
+Creuziger ou à Roerer... Il veut enseigner la pénitence par l'amour
+de la justice. Ainsi, il ne prêche qu'aux hommes justes et pieux
+la révélation du courroux divin. Il ne prêche pas pour les impies.
+Cependant saint Paul dit: _La Loi est donnée aux injustes_. En somme,
+en ôtant la Loi, il ôte aussi l'Évangile; il tire notre croyance du
+ferme appui de la conscience, pour la soumettre aux caprices de la
+chair.
+
+ [r110] _Ibid._ 287.
+
+»Qui aurait pensé à la secte des antinomiens[r111]?... J'ai surmonté
+trois cruels orages: Münzer, les sacramentaires et les anabaptistes. Il
+faudra donc écrire sans fin! Je ne désire pas vivre long-temps, car il
+n'y a plus de paix à espérer.» (1538.)
+
+ [r111] _Ibid._ 288.
+
+Le docteur Luther ordonna à maître Ambroise Bernd d'apprendre aux
+professeurs de l'université à ne point être factieux, à ne point
+préparer de schisme, et il défendit que maître Eisleben fût élu
+doyen... «Dites cela à vos facultistes, et s'ils n'en font rien, je
+prêcherai contre eux.» (1539.)
+
+Le dernier jour de novembre, Luther était en joie et en gaîté avec ses
+cousins, son frère, sa sœur, et quelques bons amis de Mansfeld. On
+fit mention de maître Grickel, et ils le priaient pour lui. Le docteur
+répondit: «J'ai tenu cet homme-là pour mon plus fidèle ami; mais il
+m'a trompé par ses ruses, j'écrirai bientôt contre lui; qu'il y prenne
+garde; il n'y a en lui aucune pénitence.» (1538.)
+
+«J'ai eu tant de confiance en cet homme-là (Eisleben), que, lorsque
+j'allai à Smalkalde, en 1537, je lui recommandai ma chaire, mon Église,
+ma femme, mes enfans, ma maison, tout ce que j'avais de secret[r112].»
+
+ [r112] _Ibid._ 291.
+
+Le dernier jour de janvier, 1539, au soir, le docteur Luther lut les
+propositions qu'Eisleben allait soutenir contre lui; il y avait mis je
+ne sais quelles absurdités de Saül et de Jonathas (J'ai mangé un peu
+de miel et c'est pour cela que je meurs). «Jonathas, dit Luther, c'est
+maître Eisleben qui mange le miel et prêche l'Évangile; Saül, c'est
+Luther... Ah! Eisleben, es-tu donc un tel... Oh! Dieu te pardonne ton
+amertume!»
+
+«Si la Loi est ainsi renvoyée de l'Église au conseil, à l'autorité
+civile, celle-ci dira à son tour: Nous sommes aussi de fidèles
+chrétiens, la Loi ne nous regarde point. Le bourreau finira par en
+dire autant. Il n'y aura plus que grâce, douceur, et bientôt caprices
+effrénés et scélératesse. Ainsi commença Münzer.»
+
+En 1540, Luther donna un repas auquel assistèrent les principaux
+membres de l'Université[r113]. Vers la fin du repas, quand tout le
+monde fut en belle humeur, un verre à cercles de couleurs fut apporté.
+Luther y versa du vin et le vida à la santé des convives. Ceux-ci lui
+rendirent son salut en vidant le verre chacun à son tour, à la santé de
+leur hôte. Quand ce fut le tour de maître Eisleben, Luther lui présenta
+le verre en disant: «Mon cher, ce qui, dans ce verre, est au-dessus du
+premier cercle, ce sont les dix commandemens; de là jusqu'au second,
+c'est le _credo_; jusqu'au troisième c'est le _pater noster_; le
+catéchisme est au fond.» Puis il le vida lui-même, le fit remplir de
+nouveau et le donna à maître Eisleben. Celui-ci n'alla point au-delà du
+premier cercle, il remit le verre sur la table et ne le put regarder
+sans une espèce d'horreur. Luther le vit, et il dit aux convives: «Je
+savais bien que maître Eisleben ne boirait qu'aux Commandemens, et
+qu'il laisserait le _credo_, le _pater noster_ et le catéchisme.»
+
+ [r113] _Ibid._ 129.
+
+Maître Jobst étant à la table de Luther, lui montra des propositions
+d'après lesquelles on ne devait point prêcher la Loi, puisque ce n'est
+pas elle qui nous justifie[r114]. Luther s'emporta et dit: «Faut-il
+que les nôtres commencent de telles choses, même de notre vivant.
+Ah! combien nous devons honorer maître Philippe (Mélanchton), qui
+enseigne avec clarté et vérité l'usage et l'utilité de la Loi. Elle se
+vérifie, la prophétie du comte Albert de Mansfeld qui m'écrivait: _Il
+y a derrière cette doctrine un Münzer_. En effet celui qui détruit la
+doctrine de la Loi, détruit en même temps _politicam et œconomiam_.
+Si l'on met la Loi en dehors de l'Église, il n'y aura plus de péché
+reconnu dans le monde: car l'Évangile ne définit et ne punit le péché
+qu'en recourant à la Loi.» (1541.)
+
+ [r114] _Ibid._ 124.
+
+«Si, au commencement, j'ai dans ma doctrine parlé et écrit si durement
+contre la Loi, cela est venu de ce que l'Église chrétienne était
+chargée de superstitions, sous lesquelles Christ était tout-à-fait
+obscurci et enterré[r115]. Je voulais sauver et affranchir de cette
+tyrannie de la conscience les âmes pieuses et craignant Dieu. Mais je
+n'ai jamais rejeté la Loi...»[a72]
+
+ [r115] _Ibid._ 125.
+
+
+
+
+CHAPITRE V.
+
+ Tentations: Regrets et doutes des amis, de la femme; Doutes de
+ Luther lui-même.
+
+
+Maître Philippe Mélanchton dit un jour la fable suivante à la table du
+docteur Martin Luther[r116]: «Un homme avait pris un petit oiseau, et
+le petit oiseau aurait bien voulu être libre, et il disait à l'homme:
+O mon bon ami, lâche-moi, je te montrerai une belle perle qui vaut
+bien des milliers de florins! Tu me trompes, dit l'homme. Oh non!
+aie confiance, viens avec moi, je vais te la montrer. L'homme lâche
+l'oiseau, qui se perche sur un arbre et lui chante: _Crede parùm, tua
+serva, et quæ periêre, relinque_ (ne te confie pas trop, garde bien le
+tien, laisse ce qui est perdu sans retour). C'était en effet une belle
+perle qu'il lui laissait.»
+
+ [r116] _Ibid._ 445.
+
+«Philippe me demandait une fois que je voulusse lui tirer de la Bible
+une devise, mais telle qu'il ne s'en lassât point[r117]. On ne peut
+rien donner à l'homme dont il ne se lasse.»
+
+ [r117] _Ibid._ 29.
+
+«Si Philippe n'eût pas été si affligé par les tentations, il aurait des
+idées et des opinions singulières[r118].»
+
+ [r118] _Ibid._ 195.
+
+Le paradis de Luther est très grossier. Il croit que, dans le nouveau
+ciel et la nouvelle terre, il y aura aussi des animaux utiles[r119].
+«Je pense souvent à la vie éternelle et aux joies que l'on doit y
+trouver, mais je ne puis comprendre à quoi nous y passerons le temps,
+car il n'y aura aucun changement, aucun travail, ni boire, ni manger,
+ni affaire; mais je pense que nous aurons assez d'objets à contempler.
+Sur cela, Philippe Mélanchton dit très bien: Maître, montrez-nous le
+Père; cela nous suffit.»
+
+ [r119] _Ibid._ 305.
+
+«Les paysans ne sont pas dignes de tant de fruits que porte la
+terre[r120]. Je remercie plus notre Seigneur pour un arbre que
+tous les paysans pour tous leurs champs. Ah! _domine doctor_, dit
+Mélanchton, exceptez-en quelques-uns, tels qu'Adam, Noë, Abraham,
+Isaac.»
+
+ [r120] _Ibid._ 52.
+
+«Le docteur Jonas disait à souper: Ah! comme saint Paul parle
+magnifiquement de sa mort. Je ne puis pourtant le croire[r121].—Il
+me semble aussi, dit le docteur Luther, que saint Paul lui-même ne
+pouvait penser sur cette matière avec autant de force qu'il parlait;
+moi-même, malheureusement, je ne puis sur cet article croire aussi
+fortement que prêcher, parler et écrire, aussi fortement que d'autres
+gens s'imaginent que je crois. Et il ne serait peut-être pas bon que
+nous fissions tout ce que Dieu commande, car c'en serait fait de sa
+divinité; il se trouverait menteur, et ne pourrait rester véridique
+dans ses paroles.»
+
+ [r121] _Ibid._ 137.
+
+«Un méchant et horrible livre contre la sainte Trinité ayant été publié
+par l'impression, en 1532, le docteur Martin Luther dit[r122]: «Ces
+esprits chimériques ne croient pas que d'autres gens aient eu aussi des
+tentations sur cet article. Mais pourquoi opposer ma pensée à la parole
+de Dieu et au Saint-Esprit (_opponere meam cogitationem verbo Dei, et
+spiritui sancto_)? Cette opposition ne soutient pas l'examen.»
+
+ [r122] _Ibid._ 70.
+
+La femme du docteur lui disait[r123]: «Seigneur docteur, d'où vient
+que sous la papauté nous priions si souvent et avec tant de ferveur,
+tandis qu'aujourd'hui notre prière est tout-à-fait froide, et nous
+prions rarement?» Le docteur répondit: «Le diable pousse sans cesse
+ses serviteurs à pratiquer diligemment son culte.»
+
+ [r123] _Ibid._ 150.
+
+Le docteur Martin Luther exhortait sa femme à lire et écouter avec soin
+la parole de Dieu, particulièrement le psautier[r124]. Elle répondit
+qu'elle l'écoutait suffisamment, et en lisait chaque jour; qu'elle
+pourrait même, s'il plaisait à Dieu, en répéter beaucoup de choses.
+Le docteur soupira et dit: «Ainsi commence le dégoût de la parole de
+Dieu. C'est le signe d'un mal futur. Il viendra de nouveaux livres, et
+la sainte Écriture sera méprisée, jetée dans un coin, et comme on dit:
+sous la table.»
+
+ [r124] _Ibid._
+
+Luther demandait à sa femme si elle aussi croyait qu'elle fût sainte?
+Elle s'en étonna, et dit: «Comment puis-je être sainte, je suis une
+grande pécheresse.» Il dit alors: «Voyez pourtant l'horreur de la
+doctrine papale, comme elle a blessé les cœurs et préoccupé tout
+l'homme intérieur. Ils ne sont plus capables de rien voir, hors la
+piété et la sainteté personnelle et extérieure des œuvres que l'homme
+même fait pour soi.»
+
+«Le _Pater noster_ et la foi, me rassurent contre le diable[r125].
+Ma petite Madeleine et mon petit Jean prient en outre pour moi, ainsi
+que beaucoup d'autres chrétiens... J'aime ma Catherine, je l'aime plus
+que moi-même, car je voudrais mourir plutôt que de lui voir arriver du
+mal à elle et à ses enfans; j'aime aussi mon Seigneur Jésus-Christ qui,
+par pure miséricorde, a versé son sang pour moi; mais ma foi devrait
+être beaucoup plus grande et plus vive. O mon Dieu! ne juge point ton
+serviteur[r126]!»
+
+ [r125] _Ibid._ 135.
+
+ [r126] _Ibid._ 140.
+
+«Ce qui ne contribue pas peu à affliger et tenter les cœurs, c'est que
+Dieu semble capricieux et changeant. Il a donné à Adam des promesses et
+des cérémonies, et cela a fini avec l'arc-en-ciel et l'arche de Noé.
+Il a donné à Abraham la circoncision, à Moïse des signes miraculeux, à
+son peuple la Loi; mais au Christ, et par le Christ, l'Évangile, qui
+est considéré comme annulant tout cela. Et voilà que les Turcs effacent
+cette voix divine, et disent: Votre loi durera bien quelque temps, mais
+elle finira par être changée.» (Luther n'ajoute aucune réflexion.)
+
+
+
+
+CHAPITRE VI.
+
+ Le diable.—Tentations.
+
+
+«Une fois, dans notre cloître à Wittemberg, j'ai entendu distinctement
+le bruit que faisait le diable. Comme je commençais à lire le psautier,
+après avoir chanté matines, que j'étais assis, que j'étudiais et que
+j'écrivais pour ma leçon, le diable vint et fit trois fois du bruit
+derrière mon poêle, comme s'il en eût traîné un boisseau. Enfin, comme
+il ne voulait point finir, je rassemblai mes petits livres et allai me
+mettre au lit... Je l'entendis encore une nuit au-dessus de ma chambre
+dans le cloître; mais comme je remarquai que c'était le diable, je n'y
+fis pas attention et me rendormis.»
+
+«Une jeune fille qui était l'amie du vieil économe à Wittemberg, se
+trouvant malade, il se présenta à elle une vision comme si c'eût été
+le Christ sous une forme belle et magnifique; elle y crut et se mit à
+prier cette figure[r127]. On envoya en hâte au cloître chercher le
+docteur Luther. Lorsqu'il eût vu la figure, qui n'était qu'un jeu et
+une singerie du diable, il exhorta la fille à ne pas se laisser duper
+ainsi. En effet, dès qu'elle eut craché au visage du fantôme, le diable
+disparut, la figure se changea en un grand serpent qui courut à la
+fille et la mordit à l'oreille, de sorte que le sang coula. Le serpent
+s'évanouit bientôt. Le docteur Luther vit la chose de ses propres yeux,
+avec beaucoup d'autres personnes.» (L'éditeur des Conversations ne dit
+point tenir cette histoire de Luther.)
+
+ [r127] _Ibid._ 92, verso.
+
+Un pasteur des environs de Torgau se plaignait à Luther que le
+diable faisait la nuit, un bruit, un tumulte et un renversement
+extraordinaires dans sa maison, qu'il lui cassait ses pots et sa
+vaisselle de bois, lui jetait les morceaux à la tête, et riait ensuite.
+Il faisait ce manége depuis un an, et ni sa femme, ni ses enfans ne
+voulaient plus rester dans la maison[r128]. Luther dit au pasteur:
+«Cher frère, sois fort dans le Seigneur, ne cède point à ce meurtrier
+de diable. Si l'on n'a point invité et attiré cet hôte chez soi par
+ses péchés, on peut lui dire: _Ego auctoritate divinâ hic sum pater
+familias et vocatione cœlesti pastor ecclesiæ_; mais toi, diable, tu
+te glisses dans cette maison comme un voleur et un meurtrier. Pourquoi
+ne restes-tu pas dans le ciel? Qui t'a invité ici?»
+
+ [r128] _Ibid._ 208.
+
+_Sur une possédée._ «Puisque ce diable est un esprit jovial, et
+qu'il se moque de nous tout à son aise, il nous faut d'abord prier
+sérieusement pour la jeune fille qui souffre ainsi à cause de nos
+péchés. Ensuite il faut mépriser cet esprit et s'en rire, mais ne
+pas aller l'éprouver par des exorcismes et autres choses sérieuses,
+parce que la superbe diabolique se rit de tout cela. Persévérons dans
+la prière pour la jeune fille et dans le mépris pour le diable, et
+enfin, avec la grâce du Christ, il se retirera. Il serait bon aussi
+que les princes voulussent réformer leurs vices, dans lesquels cet
+esprit malin nous montre qu'il triomphe. Je te prie, puisque c'est une
+chose digne d'être publiée, de t'informer exactement de toutes les
+circonstances; pour écarter toute fraude, assure-toi si les pièces
+d'or que cette fille avale sont de vraies pièces d'or, et de bon aloi.
+Car j'ai été jusqu'à présent obsédé de tant de fourberies, de ruses,
+de machinations, de mensonges, d'artifices, que je ne me prête plus
+aisément à rien croire que je n'aie vu faire et dire.» (5 août 1536.)
+
+«Que ce pasteur n'ait pas la conscience troublée de ce qu'il a enseveli
+cette femme qui s'était tuée elle-même, si toutefois elle s'est tuée.
+Je connais beaucoup d'exemples semblables, mais je juge ordinairement
+que les gens ont été tués simplement et immédiatement par le diable,
+comme un voyageur est tué par un brigand. Car, lorsqu'il est évident
+que le suicide n'a pu avoir lieu naturellement, quand il s'agit d'une
+corde, d'une ceinture ou (comme dans le cas dont tu me parles) d'un
+voile pendant et sans nœud, qui ne tuerait pas même une mouche, il
+faut croire, selon moi, que c'est le diable qui fascine les hommes et
+leur fait croire qu'ils font toute autre chose, par exemple une prière;
+et cependant le diable les tue. Néanmoins le magistrat fait bien de
+punir avec la même sévérité, de peur que Satan ne prenne courage pour
+s'introduire. Le monde mérite bien de tels avertissemens, puisqu'il
+épicurise et pense que le démon n'est rien.» (1er décembre 1544.)
+
+«Satan a voulu tuer notre prieur, en jetant sur lui un pan de mur. Mais
+Dieu l'a miraculeusement sauvé.» (4 juillet 1524.)
+
+«Les fous, les boiteux, les aveugles, les muets sont des hommes
+chez qui les démons se sont établis. Les médecins qui traitent ces
+infirmités, comme ayant des causes naturelles, sont des ignorans qui ne
+connaissent point toute la puissance du démon.» (14 juillet 1528.)
+
+»Il y a des lieux dans beaucoup de pays, où habitent les
+diables[r129]. La Prusse a grand nombre de mauvais esprits. En
+Suisse, non loin de Lucerne, sur une haute montagne, il y a un lac
+qu'on appelle l'étang de Pilate; le diable y est établi d'une manière
+terrible. Dans mon pays, il y a un étang situé de même. Si l'on y
+jette une pierre, il s'élève un grand orage, et tout le pays tremble à
+l'entour. C'est une habitation de diables qui y sont prisonniers.
+
+ [r129] _Ibid._ 212.
+
+»Le diable a emporté à Sussen, le jour du vendredi saint, trois écuyers
+qui s'étaient voués à lui.»(1538.)
+
+Un jour de grand orage, Luther disait: «C'est le diable qui fait ce
+temps-là; les vents ne sont autre chose que de bons ou de mauvais
+esprits. Le diable respire et souffle[r130].»
+
+ [r130] _Ibid._ 219.
+
+Deux nobles avaient juré de se tuer l'un l'autre (du temps de
+Maximilien). Le diable ayant tué l'un d'eux dans son lit avec l'épée
+de l'autre, le survivant fut amené sur la place publique. On enleva
+la terre couverte par son ombre, et on le bannit du pays. C'est ce
+qui s'appelle _mors civilis_. Le docteur Grégoire Bruck, chancelier de
+Saxe, fit ce récit à Luther.
+
+Suivent deux histoires de gens avertis d'avance qu'ils seraient
+emportés par le diable, et qui, _quoiqu'ils eussent reçu le saint
+sacrement, et qu'ils fussent gardés avec des cierges par leurs amis_
+en prières, n'en furent pas moins emportés au jour et à l'heure
+marqués[r131]. «Il a bien crucifié notre Seigneur lui-même. Mais,
+pourvu qu'il n'emporte pas l'âme, tout va bien.»
+
+ [r131] _Ibid._ 214.
+
+«Le diable promène les gens dans leur sommeil de côté et d'autre, de
+sorte qu'ils font toute chose comme s'ils veillaient[r132]. Autrefois
+les papistes, comme gens superstitieux, disaient que de tels hommes
+devaient ne pas avoir été bien baptisés, ou qu'ils l'avaient peut-être
+été par un prêtre ivre.»
+
+ [r132] _Ibid._ 213.
+
+«Aux Pays-Bas et en Saxe, un chien monstrueux sent les gens qui doivent
+mourir, et rôde autour[r133]...
+
+ [r133] _Ibid._ 221.
+
+»Les moines conduisaient chez eux un possédé[r134]. Le diable qui
+était en lui, dit aux moines: «O mon peuple, que t'ai-je fait!» _Popule
+meus, quid feci tibi?_»
+
+ [r134] _Ibid._ 222.
+
+On racontait à la table de Luther qu'un jour, dans une cavalcade de
+gentilshommes, l'un d'eux s'était écrié en piquant des deux: «Au diable
+le dernier!» Comme il avait deux chevaux, il en lâcha un; et celui-ci,
+restant le dernier, le diable l'emporta avec lui dans les airs[r135].
+Luther dit à cette occasion: «Il ne faut pas convier Satan à notre
+table. Il vient sans avoir été prié. Tout est plein de diables autour
+de nous; nous-mêmes, qui veillons et qui prions journellement, nous
+avons assez affaire à lui.»
+
+ [r135] _Ibid._ 205.
+
+«Un vieux curé, faisant un jour sa prière, entendit derrière lui le
+diable qui voulait l'en empêcher, et qui grognait comme aurait fait
+tout un troupeau de porcs[r136]. Le vieux curé, sans se laisser
+effrayer, se retourna et lui dit: «Maître diable, il t'est bien advenu
+ce que tu méritais; tu étais un bel ange, et te voilà maintenant un
+vilain porc.» Aussitôt les grognemens cessèrent, car le diable ne peut
+souffrir qu'on le méprise... La foi le rend faible comme un enfant.»
+
+ [r136] _Ibid._ 205.
+
+«Le diable redoute la parole de Dieu. Il ne la peut mordre; il s'y
+ébrèche les dents.»
+
+«Un jeune vaurien, sauvage et emporté, buvait un jour avec quelques
+compagnons dans un cabaret. Quand il n'eut plus d'argent, il dit
+que s'il se trouvait quelqu'un qui lui payât un bon écot, il lui
+vendrait son âme. Peu après, un homme entra dans le cabaret, se mit à
+boire avec le vaurien, et lui demanda s'il était véritablement prêt
+à vendre son âme. Celui-ci répondit hardiment oui, et l'homme lui
+paya à boire toute la journée. Sur le soir, quand le garçon fut ivre,
+l'inconnu dit aux autres qui étaient dans le cabaret: «Messieurs, qu'en
+pensez-vous? si quelqu'un achète un cheval, la selle et la bride ne lui
+appartiennent-elles pas aussi?» Les assistans s'effrayèrent beaucoup à
+ces mots, et ne voulurent d'abord pas répondre, mais, comme l'étranger
+les pressait, ils dirent à la fin: «Oui, la selle et la bride sont
+aussi à lui.» Aussitôt le diable (car c'était lui), saisit le mauvais
+sujet et l'emporta avec lui à travers le plafond, de sorte que l'on n'a
+jamais su ce qu'il est devenu.»
+
+Une autre fois, Luther raconta l'histoire d'un soldat, qui avait déposé
+de l'argent chez son hôte, dans le Brandebourg[r137]. Cet hôte,
+quand le soldat lui redemanda son argent, nia d'avoir rien reçu. Le
+soldat furieux se jeta sur lui, et le maltraita, mais le fourbe le fit
+arrêter par la justice et l'accusa d'avoir violé la _paix domestique_
+(_hausfriede_). Pendant que le soldat était en prison, le diable vint
+chez lui et lui dit: «Demain tu seras condamné à mort et exécuté. Si tu
+me vends ton corps et ton âme, je te délivre.» Le soldat n'y consentit
+point. Alors le diable lui dit: «Si tu ne veux pas, écoute au moins
+le conseil que je te donne. Demain, quand tu seras devant les juges,
+je me tiendrai près de toi, en bonnet bleu avec une plume blanche.
+Demande alors aux juges qu'ils me laissent plaider ta cause, et je te
+tirerai de là. Le lendemain, le soldat suivit le conseil du diable, et
+comme l'hôte persistait à nier, l'avocat en bonnet bleu lui dit: «Mon
+ami, comment peux-tu ainsi te parjurer? L'argent du soldat se trouve
+dans ton lit, sous le traversin. Seigneurs échevins, envoyez-y et vous
+verrez que je dis vrai.» Quand l'hôte entendit cela, il s'écria avec un
+gros jurement: «Si j'ai reçu l'argent, je veux que le diable m'enlève
+sur l'heure.» Mais les sergens envoyés à l'auberge trouvèrent l'argent
+à la place indiquée, et l'apportèrent devant le tribunal. Alors l'homme
+au bonnet bleu dit en ricanant: «Je savais bien que j'aurais l'un
+des deux, le soldat ou l'aubergiste.» Il tordit le cou à celui-ci et
+l'emporta dans les airs.—Luther, ayant conté l'histoire, ajouta qu'il
+n'aimait pas qu'on jurât par le diable, comme faisaient beaucoup de
+gens, «car, disait-il, le mauvais drôle n'est pas loin; l'on n'a pas
+besoin de le peindre sur les murs pour qu'il soit présent.»
+
+ [r137] _Ibid._ 205.
+
+«Il y avait à Erfurth deux étudians, dont l'un aimait si fort une jeune
+fille, qu'il en serait devenu bientôt fou[r138]. L'autre, qui était
+sorcier, sans que son camarade en sût rien, lui dit: «Si tu promets de
+ne point lui donner un baiser et de ne point la prendre dans tes bras,
+je ferai en sorte qu'elle vienne te trouver. Il la fit venir en effet.
+L'amant, qui était un beau jeune homme, la reçut avec tant d'amour, et
+il lui parlait si vivement, que le sorcier craignait toujours qu'il ne
+l'embrassât; enfin il ne put se contenir. A l'instant même elle tomba
+et mourut. Quand ils la virent morte, ils eurent grand'peur, et le
+sorcier dit: «Employons notre dernière ressource.» Il fit si bien, que
+le diable la reporta chez elle, et qu'elle continua de faire tout ce
+qu'elle faisait auparavant dans la maison; mais elle était fort pâle et
+ne parlait point. Au bout de trois jours, les parens allèrent trouver
+les théologiens, et leur demandèrent ce qu'il fallait faire. A peine
+ceux-ci eurent-ils parlé fortement à la fille, que le diable se retira
+d'elle; le cadavre tomba raide avec une grande puanteur[a73].»
+
+ [r138] _Ibid._ 215.
+
+«Le docteur Luc Gauric, le sorcier que vous avez fait venir d'Italie,
+m'a souvent avoué que son maître conversait avec le diable[r139].»
+
+ [r139] _Ibid._ 216.
+
+«Le diable peut se changer en homme ou en femme pour tromper, de telle
+manière qu'on croit être couché avec une femme en chair et en os, et
+qu'il n'en est rien; car, suivant le mot de saint Paul, le diable est
+bien fort avec les fils de l'impiété[r140]. Comme il en résulte
+souvent des enfans ou des diables, ces exemples sont effrayans et
+horribles. C'est ainsi que ce qu'on appelle le _nix_, attire dans l'eau
+les vierges ou les femmes pour créer des diablotins. Le diable peut
+aussi dérober des enfans; quelquefois dans les six premières semaines
+de leur naissance, il enlève à leur mère ces pauvres créatures pour en
+substituer à leur place d'autres, nommés _supposititii_, et par les
+Saxons, _kilkropff_.
+
+ [r140] _Ibid._ 216.
+
+«Il y a huit ans, j'ai vu et touché moi-même à Dessau un enfant qui
+n'avait pas de parens, et qui venait du diable. Il avait douze ans, et
+était tout-à-fait conformé comme un enfant ordinaire. Il ne faisait que
+manger, et mangeait autant que quatre paysans ou batteurs en grange. Il
+faisait aussi tous ses besoins. Mais quand on le touchait, il criait
+comme un possédé; s'il arrivait quelque accident malheureux dans la
+maison, il s'en réjouissait et riait; si, au contraire tout allait
+bien, il pleurait continuellement. Je dis aux princes d'Anhalt avec
+qui j'étais: Si j'avais à commander ici, je ferais jeter cet enfant
+dans la Moldau, au risque de m'en faire le meurtrier. Mais l'électeur
+de Saxe et les princes n'étaient pas de mon opinion. Je leur dis
+alors de faire prier Dieu dans l'église pour qu'il enlevât le démon.
+On répéta ces prières tous les jours pendant une année, et après ce
+temps l'enfant mourut.» Quand le docteur eut raconté cette histoire,
+quelqu'un lui demanda pourquoi il aurait voulu jeter cet enfant à
+l'eau. C'est, répondit-il, que les enfans de cette espèce ne sont autre
+chose, à mon sens, qu'une masse de chair, sans âme. Le diable est
+bien capable de produire de ces choses; tout ainsi qu'il anéantit les
+facultés des hommes, quand il les possède corporellement, de manière à
+leur enlever la raison et à les rendre sourds et aveugles pour quelque
+temps, de même il habite dans ces masses de chair et est lui-même
+leur âme.—Il faut que le diable soit bien puissant pour tenir ainsi
+nos esprits prisonniers. Origène, ce me semble, n'a pas assez compris
+cette puissance; autrement il n'aurait point pensé que le diable pourra
+obtenir grâce au Jugement dernier. Quel horrible péché de se révolter
+ainsi sciemment contre son Dieu, son créateur!
+
+»En Saxe, près de Halberstadt, il y avait un homme qui avait un
+_kilkropff_. Cet enfant pouvait épuiser sa mère et cinq autres femmes
+en les tétant, et il dévorait outre cela tout ce qu'on lui présentait.
+On donna à l'homme le conseil de faire un pélerinage à Holckelstadt,
+de vouer son _kilkropff_ à la Vierge Marie, et de le faire bercer en
+cet endroit. L'homme suivit cet avis, et il emporta son enfant dans
+un panier; mais, en passant sur un pont, un autre diable, qui était
+dans la rivière, se mit à crier: _Kilkropff! kilkropff!_ L'enfant, qui
+était dans le panier, et qui n'avait jamais encore prononcé un seul
+mot, répondit: Oh! oh! oh! Le diable de la rivière lui demanda ensuite:
+Où vas-tu? L'enfant du panier répondit: Je m'en vais à Holckelstadt, à
+notre Mère bien-aimée, pour me faire bercer. Le paysan, très effrayé,
+jeta l'enfant et le panier dans la rivière; sur quoi les deux diables
+se mirent à s'envoler ensemble. Ils crièrent: Oh! oh! oh! firent
+quelques cabrioles l'un par-dessus l'autre et s'évanouirent.»
+
+Luther, en sortant un dimanche de l'église du château où il avait
+prêché, rencontra un landsknecht qui s'adressa à lui, se plaignant des
+tentations continuelles qu'il avait à essuyer de la part du diable,
+disant qu'il venait souvent à lui et le menaçait de l'enlever dans les
+airs. Pendant qu'il parlait ainsi, le docteur Pomer, qui passait par
+ce chemin, s'approcha aussi de lui et aida Luther à le consoler. «Ne
+désespérez pas, lui disaient-ils, car malgré ces tentations du diable,
+vous n'êtes point à lui. Notre Seigneur Jésus-Christ a aussi été tenté
+par lui, mais il l'a surmonté par la parole de Dieu. Défendez-vous de
+même par la parole de Dieu et par la prière.» Luther ajouta: «Si le
+diable te tourmente et te menace de t'emmener, réponds-lui: «Je suis
+à Jésus-Christ, qui est mon Seigneur; c'est en lui que je crois, et
+c'est auprès de lui que je serai un jour. Il a dit lui-même qu'aucune
+puissance ne pourra enlever les chrétiens de sa main.» Pense plutôt
+à Dieu qui est au ciel qu'au diable, et cesse de t'effrayer de ses
+ruses. Je sais bien qu'il serait fort aise de t'enlever, mais il ne le
+peut. Il est comme le voleur qui voudrait bien mettre la main sur le
+coffre-fort du riche; la volonté ne lui manque pas, mais le pouvoir.
+De même Dieu ne permettra pas au diable de te faire du mal. Écoute
+fidèlement la parole divine, prie avec ferveur, travaille, ne sois pas
+trop souvent seul, et tu verras que Dieu te délivrera de Satan et te
+conservera dans son troupeau.»
+
+Un jeune ouvrier, maréchal ferrant de son état, prétendait être
+poursuivi par un spectre à travers toutes les rues de la ville.
+Luther le fit venir chez lui et l'interrogea en présence de plusieurs
+personnes doctes. Le jeune homme disait que le spectre qui le
+poursuivait lui avait reproché comme un sacrilége d'avoir communié sous
+les deux espèces, et qu'il lui avait dit: «Si tu retournes dans la
+maison de ton maître, je te tords le cou.» C'est pourquoi il n'était
+pas rentré depuis plusieurs jours. Le docteur, après l'avoir beaucoup
+interrogé, lui dit: «Prends garde, mon ami, de ne pas mentir. Crains
+Dieu, écoute sa parole avec attention; retourne chez ton maître, fais
+ton travail, et si Satan revient, dis-lui: «Je ne veux pas t'obéir.
+Je n'obéirai qu'à Dieu qui m'a appelé à ce métier: je resterai ici à
+mon travail, et un ange même viendrait, que je ne m'en laisserais pas
+détourner.»
+
+Le docteur Luther, devenu plus âgé, éprouva peu de tentations de la
+part des hommes; mais le diable, comme il le reconnaît lui-même,
+allait promener avec lui dans le dortoir du cloître; il le vexait
+et le tentait. Il avait un ou deux diables qui l'épiaient, et s'ils
+ne pouvaient parvenir au cœur, ils saisissaient la tête et la
+tourmentaient[r141][a74].
+
+ [r141] _Ibid._ 222.
+
+«... Cela m'est arrivé souvent[r142]. Quand je tenais un couteau
+dans les mains, il me venait de mauvaises pensées; souvent je ne
+pouvais prier, et le diable me chassait de la chambre. Car nous autres
+nous avons affaire aux grands diables qui sont docteurs en théologie.
+Les Turcs et les papistes ont de petits diablotins qui ne sont point
+théologiens, mais seulement juristes.
+
+ [r142] _Ibid._ 220.
+
+»Je sais, grâce à Dieu, que ma cause est bonne et divine; si Christ
+n'est point dans le ciel et Seigneur du monde, alors mon affaire est
+mauvaise[r143]. Cependant le diable me serre souvent de si près dans
+la dispute, qu'il m'en vient la sueur. Il est éternellement irrité,
+je le sens bien, je le comprends. Il couche avec moi plus près que ma
+Catherine. Il me donne plus de trouble qu'elle de joie... Il me pousse
+quelquefois: La Loi, dit-il, est aussi la parole de Dieu; pourquoi
+l'opposer toujours à l'Évangile?—«Oui, dis-je à mon tour; mais elle
+est aussi loin de l'Évangile que le ciel l'est de la terre, etc.»
+
+ [r143] _Ibid._ 224.
+
+»Le diable n'est pas, à la vérité, un docteur qui a pris ses
+grades[a75], mais du reste il est bien savant, bien expérimenté[r144].
+Il n'a pourtant fait son métier que depuis six mille ans. Si le diable
+est sorti quelquefois des possédés, lorsqu'il était conjuré par les
+moines et les prêtres papistes, en laissant après lui quelque signe, un
+carreau cassé, une fenêtre brisée, un pan de mur ouvert, c'était pour
+faire croire aux gens qu'il avait quitté le corps, mais en effet pour
+posséder l'esprit, pour les confirmer dans leurs superstitions.»
+
+ [r144] _Ibid._ 202.
+
+Au mois de janvier 1532, Luther tomba dangereusement malade. Le médecin
+le crut menacé d'une attaque d'apoplexie[r145]. Mélanchton et Rorer,
+assis près de son lit, ayant parlé de la joie que la nouvelle de sa
+mort causerait sans doute aux papistes, il leur dit avec assurance: «Je
+ne mourrai pas encore, je le sais certainement. Dieu ne confirmera
+point à présent l'abominable papisme par ma mort. Il ne voudra point
+après celle de Zwingli et d'Œcolampade, accorder aux papistes un
+nouveau sujet de triomphe. Satan, il est vrai, ne songe qu'à me
+tuer; il ne me quitte d'un pas. Mais ce n'est pas sa volonté qui
+s'accomplira: ce sera celle du Seigneur.»
+
+ [r145] Ukert, t. I, 320.
+
+«Ma maladie, qui consiste dans des vertiges et autres choses, n'est
+point naturelle; ce que je puis prendre ou faire ne me sert à rien,
+quoique j'observe avec soin les conseils de mon médecin[r146].»
+
+ [r146] Tischreden, 210.
+
+En 1536, il maria à Torgau le duc Philippe de Poméranie à la sœur de
+l'Électeur[r147]. Au milieu de la cérémonie, l'anneau nuptial échappa
+de sa main et roula par terre. Il eut un mouvement de terreur, mais se
+rassura aussitôt en disant: «Écoute, diable, cela ne te regarde pas,
+c'est peine perdue,» et il continua de prononcer les paroles de la
+bénédiction.
+
+ [r147] Ukert, t. I, 322.
+
+Pendant que le docteur Luther causait à table avec quelques-uns, sa
+femme sortit et tomba en défaillance[r148]. Lorsqu'elle revint à
+elle, le docteur lui demanda quelles pensées elle avait eues. Elle
+raconta comme elle avait éprouvé des tentations toutes particulières
+qui sont les signes certains de la mort, et qui frappent au cœur
+plus sûrement qu'une balle ou une flèche... «Celui qui éprouve de
+telles tentations, dit-il, je lui donnerai un bon conseil, c'est de
+penser à quelque chose de gai, de boire un bon coup, de jouer et de
+prendre quelque passe-temps, ou bien de s'attacher à quelque occupation
+honorable. Mais le meilleur remède, c'est de croire en Jésus-Christ.»
+
+ [r148] Tischreden, 229.
+
+«Quand le diable me trouve oisif et que je ne pense point à la parole
+de Dieu, alors il me fait venir un scrupule, comme si je n'avais pas
+bien enseigné, comme si c'était moi qui eusse renversé et détruit
+les autorités, et causé par ma doctrine tant de scandales et de
+troubles[r149]. Mais quand je ressaisis la parole de Dieu, alors j'ai
+gagné la partie. Je me défends contre le diable et je dis: Qu'importe
+à Dieu tout le monde, quelque grand qu'il puisse être? Il en a établi
+son Fils seigneur et roi. Si le monde veut le renverser du trône,
+Dieu le bouleversera et le mettra en cendre; car il dit lui-même:
+«C'est mon fils, vous devez l'écouter.» Maintenant, ô rois, apprenez;
+disciplinez-vous, juges de la terre (l'_erudimini_ de la Vulgate est
+moins fort).
+
+ [r149] _Ibid._ 8.
+
+»Le diable s'efforce surtout de nous arracher du cœur l'article de la
+rémission des péchés. _Quoi!_ dit-il, _vous prêchez ce qu'aucun homme
+n'a enseigné dans tant de siècles! si cela déplaisait à Dieu?_...
+
+»La nuit, quand je me réveille, le diable vient bientôt, dispute avec
+moi et me donne d'étranges pensées, jusqu'à ce que je m'anime et que je
+lui dise: Baise mon c..! Dieu n'est pas irrité comme tu le dis[r150].
+
+ [r150] _Ibid._ 218.
+
+»Aujourd'hui, comme je m'éveillai, le diable vint, voulut disputer,
+et il me disait: «Tu es un pécheur[r151].»—Je répliquai: Dis-moi
+quelque chose de nouveau, démon; je savais déjà cela... J'ai assez
+de péchés réels, sans ceux que tu inventes...—Il insistait encore:
+«Qu'as-tu fait des cloîtres dans ce monde?»—A quoi je répondis: Que
+t'importe? Tu vois bien que ton culte sacrilége subsiste toujours.»
+
+ [r151] _Ibid._ 220.
+
+Un jour que l'on parlait à souper du sorcier Faust, Luther dit
+sérieusement[r152]: «Le diable n'emploie pas contre moi le secours
+des enchanteurs. S'il pouvait me nuire par là, il l'aurait fait depuis
+long-temps. Il m'a déjà souvent tenu par la tête; mais il a pourtant
+fallu qu'il me laissât aller. J'ai bien éprouvé quel compagnon c'est
+que le diable; il m'a souvent serré de si près que je ne savais si
+j'étais mort ou vivant. Quelquefois il m'a jeté dans le désespoir au
+point que j'ignorais même s'il y avait un Dieu, et que je doutais
+complètement de notre cher Seigneur. Mais avec la parole de Dieu, etc.
+
+ [r152] _Ibid._ 12.
+
+»Le diable me fait regarder la loi, le péché et la mort. Il me présente
+cette trinité, et s'en sert pour me tourmenter[r153].
+
+ [r153] _Ibid._ 220.
+
+»Le diable nous a juré la mort, mais il mordra dans une noix
+creuse[r154].
+
+ [r154] _Ibid._ 362.
+
+»La tentation de la chair est petite chose; la moindre femme dans
+la maison peut guérir cette maladie[r155]. Eustochia aurait guéri
+saint Jérôme. Mais Dieu nous garde des grandes tentations qui touchent
+l'éternité! Alors on ne sait point si Dieu est le diable, ou si le
+diable est Dieu. Ces tentations ne sont point passagères.
+
+ [r155] _Ibid._ 318.
+
+»Si je tombe en pensées qui ne touchent que le monde ou la maison, je
+prends un psaume ou quelques mots de Saint-Paul, et je dors par-dessus;
+mais celles qui viennent du diable me coûtent davantage; je ne puis
+m'en tirer qu'avec quelque bonne farce[r156].
+
+ [r156] _Ibid._ 226.
+
+»Le grain d'orge a beaucoup à souffrir des hommes[5]. D'abord on le
+jette dans la terre pour qu'il y pourrisse; ensuite, quand il est mûr,
+on le coupe, on le bat en grange et on le sèche, on le fait cuire pour
+en tirer de la bière, et le faire avaler aux ivrognes[r157]. Le
+lin est aussi martyr à sa manière. Quand il est mûr, on l'arrache,
+on le rouit, on le sèche, on le bat, on le teille, on le sérance, on
+le file, on le tisse, on en fabrique de la toile pour en faire des
+chemises, des souquenilles, etc. Quand celles-ci sont déchirées, l'on
+en fait des torchons, ou l'on y met des emplâtres pour être appliquées
+sur les plaies, les abcès; l'on en fait des mèches, ou bien on les
+vend au papetier qui les broie, les dissout, et en fait du papier. Ce
+papier sert à écrire, à imprimer, à faire des jeux de cartes; enfin il
+est déchiré et employé aux plus vils usages. Ces plantes, ainsi que
+d'autres créatures qui nous sont très utiles, ont beaucoup à souffrir;
+les chrétiens bons et pieux ont de même beaucoup à endurer des méchans
+et des impies.»
+
+ [5] Voyez la belle ballade anglaise sur le martyre de
+ _Barleycorn_.
+
+ [r157] _Ibid._ 216.
+
+«Quand le diable vient me trouver la nuit, je lui tiens ce
+discours[r158]: Diable, je dois dormir maintenant; car c'est le
+commandement et l'ordre de Dieu que nous travaillions le jour, et que
+nous dormions la nuit. S'il m'accuse d'être un pécheur, je lui dis pour
+lui faire dépit: _Sancte Satane, ora pro me!_ ou bien: _Medice, cura te
+ipsum_.»
+
+ [r158] _Ibid._ 227.
+
+«Si vous prêchez celui qui est tenté, il vous faut tuer Moïse et le
+lapider. Si au contraire il revient à lui et oublie la tentation, qu'on
+lui prêche la loi. _Alioqui afflicto non est addenda afflictio._
+
+»... La meilleure manière de chasser le diable, si on ne peut le faire
+avec les paroles de la sainte Écriture, c'est de lui adresser des mots
+piquans et pleins de moquerie.»
+
+«On peut consoler les gens affligés de tentations en leur donnant à
+manger et à boire; mais le remède ne réussirait pas pour tous, surtout
+pour les jeunes gens[r159]. Pour moi qui suis vieux, un bon coup
+pourrait chasser les tentations et me faire dormir un somme.»
+
+ [r159] _Ibid._ 231.
+
+«La meilleure médecine contre les tentations, c'est de parler d'autre
+chose, de Marcolphe, d'Eulenspiegel, et d'autres farces de ce genre,
+etc.—Le diable est un esprit triste, la musique le fait fuir bien
+loin[r160].»
+
+ [r160] _Ibid._ 238.
+
+
+Le morceau important qu'on va lire est en quelque sorte le récit de la
+guerre opiniâtre que Satan aurait faite à Luther pendant toute sa vie.
+
+_Préface du docteur Martin Luther, écrite par lui avant sa
+mort[r161]._—«Quiconque lira avec attention l'histoire ecclésiastique,
+les livres des saints Pères, et particulièrement la Bible, verra
+clairement que depuis le commencement de l'Église les choses se sont
+toujours passées de la même manière. Toutes les fois que la Parole
+s'était fait entendre et que Dieu s'était rassemblé un petit troupeau,
+le diable s'est bien vite aperçu de la lumière divine, et s'est mis
+à siffler, souffler, tempêter de tous les coins, essayant de toutes
+ses forces s'il pourrait l'éteindre. On avait beau boucher un ou deux
+trous, il en trouvait un autre, soufflait toujours et faisait rage. Il
+n'y a encore eu aucune fin à cela, et il n'y en n'aura pas jusqu'au
+jour du Jugement.
+
+ [r161] Luth. Werke, t. II, 1.
+
+»Je tiens qu'à moi seul (pour ne point parler des anciens) j'ai essuyé
+plus de vingt ouragans, vingt assauts du diable. D'abord j'ai eu contre
+moi les papistes. Tout le monde, je crois, sait à peu près combien de
+tempêtes, de bulles et de livres le diable a lâchés par eux contre moi,
+de quelle façon lamentable ils m'ont déchiré, dévoré, mis à rien. Il
+est vrai que moi-même je soufflais quelque peu contre eux; mais cela ne
+servait de rien; les enragés soufflaient encore plus, et vomissaient
+feu et flammes. Il en a été ainsi jusqu'à ce jour sans interruption.
+
+»J'avais un instant cessé de craindre cette tempête du diable,
+lorsqu'il se fit jour par un nouveau trou, par Münzer et sa révolte
+qui faillit m'éteindre la lumière. Le Christ bouche encore ce trou-là,
+et le voilà qui par Carlostad casse des carreaux à ma fenêtre, le
+voilà qui mugit et tourbillonne, au point de me faire croire qu'il
+allait emporter lumière, cire et mèche à la fois. Mais Dieu fut en
+aide à sa pauvre lumière; il ne permit point qu'elle fût éteinte.
+Alors vinrent les sacramentaires et les anabaptistes, qui brisèrent
+portes et fenêtres pour en finir de cette lumière, et qui la mirent de
+nouveau dans le plus grand danger. Dieu merci, leur volonté fut trompée
+également.
+
+»D'autres encore ont tempêté contre les anciens maîtres, contre le pape
+et contre Luther à la fois, tels que Servet, Campanus..... Quant à ceux
+enfin qui ne m'ont point assailli publiquement par des livres imprimés,
+mais dont il m'a fallu essuyer en particulier les écrits et discours
+remplis de venin, je ne les mettrai pas ici en ligne de compte. Il
+me suffit de montrer que j'ai dû apprendre par expérience (je n'en
+voulais pas croire les histoires) que l'Église, pour l'amour de sa
+chère Parole, de sa bienheureuse lumière, ne peut avoir de repos, mais
+qu'elle doit attendre incessamment de nouvelles tempêtes du diable,
+comme cela s'est vu depuis le commencement.
+
+»Et quand je devrais vivre encore cent ans, quand j'aurais apaisé les
+tempêtes d'autrefois et d'aujourd'hui, quand je pourrais encore apaiser
+celles qui viendront, je vois clairement que cela ne donnerait pas
+le repos à nos descendans, aussi long-temps que le diable vivra et
+régnera. C'est pourquoi je prie Dieu de m'accorder une petite heure
+d'état de grâce; je ne demande pas de rester en vie plus long-temps.
+
+»Vous qui viendrez après nous, priez Dieu aussi avec ferveur, pratiquez
+assidument sa parole, conservez bien la pauvre chandelle de Dieu; car
+le diable ne dort ni ne chôme, et il ne mourra pas non plus avant le
+jugement dernier. Toi et moi, nous mourrons, et quand nous serons
+morts, lui il n'en restera pas moins tel qu'il a toujours été, toujours
+tempêtant contre l'Évangile...
+
+»Je le vois de loin qui gonfle ses joues à en devenir tout rouge, qui
+souffle et qui fait fureur; mais notre Seigneur Jésus-Christ, qui, dès
+le commencement, lui a donné un coup de poing sur cette joue gonflée,
+le combat maintenant encore, et le combattra toujours. Il ne peut pas
+en avoir menti, quand il dit: «Je serai auprès de vous jusqu'à la fin
+du monde,» et «Les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre mon
+Église;» et dans saint Jean: «Mes brebis ne périront jamais; personne
+ne les arrachera de ma main»; et dans saint Mathieu, X: «Tous les
+cheveux de votre tête sont comptés; c'est pourquoi ne craignez pas ceux
+qui tuent le corps.»
+
+«Néanmoins, il nous est commandé de veiller et de garder sa lumière
+tant qu'il est en nous. Il est dit: «_Vigilate_; le diable est un lion
+rugissant qui tourne autour et qui veut nous dévorer.» Tel il était
+quand saint Pierre disait cela, et tel il sera encore jusqu'à la fin du
+monde.....»
+
+(Luther revient ensuite à parler du secours de Dieu sans lequel tous
+nos efforts seraient vains, et il continue ainsi:) «Toi et moi nous
+n'étions rien il y a mille ans, et cependant l'Église a été sauvée sans
+nous: elle l'a été par celui de qui il est dit: _Heri et hodiè_. De
+même à présent ce n'est pas nous qui conservons l'Église, car nous ne
+pouvons atteindre le diable qui est dans le pape, les séditieux et les
+mauvaises gens; elle périrait sous nos yeux, et nous-mêmes avec elle,
+n'était quelqu'autre qui conserve tout. Il nous faut laisser faire
+celui de qui nous lisons: _Qui erit, ut hodiè_.....
+
+»C'est une chose lamentable de voir notre orgueil et notre audace
+après les terribles et honteux exemples de ceux qui, dans leur vanité,
+avaient cru que l'Église était bâtie sur eux. Comment a fini ce Münzer
+(pour ne parler que de ce temps), lui qui pensait que l'Église ne
+pouvait exister s'il n'était là pour la porter et la gouverner? Et
+tout récemment encore, les anabaptistes n'ont-ils pas été pour nous
+un avertissement assez terrible pour nous rappeler combien un diable
+plus subtil encore est près de nous, combien nos belles pensées sont
+dangereuses, et comme il est nécessaire (selon le conseil d'Isaïe) que
+nous regardions dans nos mains quand nous ramassons quelque chose, pour
+voir si c'est Dieu ou une idole, si c'est de l'or ou de l'argile?
+
+»Mais tous ces avertissemens sont perdus; nous vivons en pleine
+sécurité. Oui, sans doute le diable est loin de nous; nous n'avons rien
+de cette chair, qui était même en saint Paul, et dont il ne pouvait
+se défendre malgré tous ses efforts (Rom. VII). Nous, nous sommes des
+héros, nous n'avons pas à nous mettre en peine de la chair et de la
+pensée; nous sommes de purs esprits, nous tenons captifs la chair et
+le diable à la fois, et tout ce qui nous vient dans la tête, c'est
+immanquablement inspiration du Saint-Esprit; aussi cela tourne-t-il si
+bien à la fin que le cheval et le cavalier se cassent le cou.
+
+»Les papistes, je le sais, me diront ici: «Eh bien! tu le vois; c'est
+toi-même qui te plains des troubles et des séditions? Qui en est
+cause, si ce n'est toi et ta doctrine?» Voilà le bel artifice par
+lequel ils pensent renverser de fond en comble la doctrine de Luther.
+Il n'importe! Qu'ils calomnient, qu'ils mentent tant qu'ils voudront;
+il faudra bien qu'ils se taisent. D'après ce grand argument, tous les
+prophètes auraient été également des hérétiques et des séditieux,
+car ils furent tenus pour tels par leur propre peuple; comme tels ils
+furent persécutés, et la plupart mis à mort.
+
+»Jésus-Christ lui-même, notre Seigneur, fut obligé de s'entendre dire
+par les Juifs, et en particulier par les pontifes, les pharisiens,
+les scribes, etc., par ceux qui étaient les plus hauts en pouvoir,
+qu'il avait le diable en lui, qu'il chassait les diables par d'autres
+diables, qu'il était un samaritain, le compagnon des publicains et des
+pécheurs. Il fut même à la fin condamné à mourir sur la croix comme
+blasphémateur et séditieux. «Lequel d'entre les prophètes, disait saint
+Étienne aux Juifs qui allaient le lapider, lequel vos pères n'ont-ils
+pas persécuté et tué? Et vous, leurs descendans, vous avez vendu et tué
+le juste dont ces prophètes avaient annoncé la venue.»
+
+»Les apôtres et les disciples n'ont pas été plus heureux que leur
+maître; les prédictions qu'il leur avait faites se sont accomplies...
+
+»S'il en est ainsi, et l'Écriture en fait foi, pourquoi donc nous
+étonner de ce que nous aussi qui, dans ces temps terribles, prêchons
+Jésus-Christ et nous reconnaissons pour ses fidèles, nous soyons, à son
+exemple, persécutés et condamnés comme hérétiques, comme séditieux?
+Que sommes-nous à côté de ces génies sublimes, éclairés par le
+Saint-Esprit, ornés de tant de dons admirables, et doués d'une foi si
+forte?
+
+»N'ayons donc pas honte des calomnies et des outrages dont nos
+adversaires nous poursuivent. Que tout cela ne nous effraie point.
+Mais regardons comme notre plus grande gloire de recevoir du monde le
+même salaire que dès le commencement tous les saints en ont reçu pour
+leurs fidèles services. Réjouissons-nous en Dieu de ce que nous aussi,
+pauvres pécheurs et gens méprisés, nous avons été jugés dignes de
+souffrir l'ignominie pour le nom du Christ...
+
+»Les papistes, avec leur grand argument, ressemblent à un homme qui
+dirait que si Dieu n'avait pas créé de bons anges, il n'y aurait pas eu
+de diables; car c'est des bons anges que ceux-ci sont venus. De même,
+Adam accusa Dieu de lui avoir donné une femme, car si Dieu n'avait
+pas créé Adam et Ève, ils n'auraient pas péché. Il résulterait de ce
+beau raisonnement que Dieu seul fût pécheur, et qu'Adam et ses enfans
+fussent tous purs, pieux et saints.»
+
+«Il est sorti de la doctrine de Luther beaucoup d'esprits de trouble et
+de révolte, disent-ils. Donc la doctrine de Luther vient du diable.»
+Mais saint Jean dit aussi (I, 2.): «Ils sont sortis d'entre nous, mais
+ils n'étaient point des nôtres.» Judas était parmi les disciples de
+Jésus-Christ; donc (d'après leur argument), Jésus-Christ est un diable.
+Jamais hérétique n'est sorti d'entre les païens; ils sont tous venus de
+la sainte Église chrétienne; l'Église serait donc l'ouvrage du diable.
+
+»Il en fut de même de la Bible sous le pape; on l'appelait publiquement
+un livre d'hérétiques, et on l'accusait de prêter appui aux opinions
+les plus condamnables. Encore aujourd'hui ils crient: «L'Église,
+l'Église, contre et par-dessus la Bible!» Emser, l'homme sage, ne sut
+même trop dire s'il était bon que la Bible fût traduite en allemand;
+peut-être ne savait-il pas non plus s'il était bon qu'elle eût été
+jamais écrite en hébreu, en grec ou en latin; elle et l'Église ne sont
+pas en trop bon accord.
+
+»Si donc la Bible, le livre et la parole du Saint-Esprit, a de telles
+choses à endurer d'eux, pourquoi nous, ne supporterions-nous pas à plus
+forte raison qu'ils nous imputent toutes les hérésies et les séditions
+qui éclatent? L'araignée tire son poison de la belle et aimable rose où
+l'abeille ne trouve que miel; est-ce la faute de la fleur, si son miel
+devient du poison dans l'araignée?
+
+»C'est, comme dit le proverbe: «Chien qu'on veut battre a mangé du
+cuir», ou, comme dit finement Ésope: «La brebis que le loup veut
+manger a troublé l'eau, quoiqu'elle soit au bas du courant.» Eux, qui
+ont rempli l'Église d'erreur et de sang, de mensonge et de meurtre,
+ce ne sont pas eux qui ont troublé l'eau. Nous, nous résistons aux
+séditions et aux erreurs des hérétiques, et c'est nous qui l'avons
+troublée. Eh bien! loup, mange, mange, mon ami, et qu'un os te reste
+au travers du gosier... Ils ne peuvent faire autrement; tel est le
+monde et son Dieu. S'ils ont appelé Belzébut le maître de la maison,
+traiteront-ils mieux les serviteurs? Et si la sainte Écriture est
+appelée un livre d'hérétiques, comment nos livres pourraient-ils être
+honorés? Le Dieu vivant est notre juge à nous tous; il mettra un jour
+tout cela au clair, si nous devons en croire ce livre d'hérétiques,
+qu'on appelle la sainte Écriture, qui tant de fois en a témoigné.
+
+»Veuille Jésus-Christ, notre Dieu bien-aimé et le gardien de nos âmes
+qu'il a rachetées par son sang précieux, conserver son petit troupeau
+fidèle à sa sainte parole, afin qu'il augmente et croisse en grâce, en
+lumière, en foi. Puisse-t-il daigner le soutenir contre les tentations
+de Satan et du monde, et prendre enfin en pitié ses gémissemens
+profonds et l'attente pleine d'angoisses dans laquelle il soupire vers
+l'heureux jour de la glorieuse venue de son Sauveur, en sorte que
+les fureurs et les morsures meurtrières des serpens cessent enfin, et
+que pour les enfans de Dieu commence la révélation de la liberté et
+béatitude qu'ils espèrent et qu'ils attendent en patience. Amen. Amen.»
+
+
+
+
+CHAPITRE VII.
+
+ Maladies.—Désir de la mort et du jugement.—Mort, 1546.
+
+
+«Le mal de dents et le mal d'oreilles sont bien cruels; j'aimerais
+mieux la peste et le mal français[r162]. Lorsque j'étais à Cobourg,
+en 1530, je souffrais d'un bruit et d'un sifflement dans les oreilles:
+c'était comme du vent qui me sortait de la tête... Le diable est pour
+quelque chose là-dedans.
+
+ [r162] Tischreden, 356.
+
+»Il faut manger et boire du vin quand on est malade.» Il se traita
+ainsi à Smalkalde, en 1537.
+
+Un homme se plaignait de la gale; Luther lui dit[r163]: «Je voudrais
+bien changer avec vous; je vous donnerais dix florins de retour.
+Vous ne savez pas combien c'est une chose pénible que le vertige.
+Aujourd'hui je ne puis lire de suite une lettre entière, pas même deux
+ou trois lignes du Psautier. Le bourdonnement recommence dans les
+oreilles, au point que souvent je suis près de tomber sur mon banc. La
+gale, au contraire, est chose utile, etc.»
+
+ [r163] _Ibid._ 357.
+
+Après avoir prêché à Smalkalde, et dîné ensuite, il éprouva les
+douleurs de la pierre[a76], et pria avec ardeur[r164]: «O mon Dieu, mon
+seigneur Jésus! tu sais avec quel zèle j'ai enseigné ta parole. _Si
+est pro gloriâ nominis tui_, viens à mon secours; sinon, ferme-moi les
+yeux. _Ego moriar inimicus inimicis tuis._ Je meurs dans la haine de ce
+scélérat de pape, qui s'est élevé au-dessus du Christ.» Et il composa à
+l'instant, sur ce sujet, quatre vers latins.
+
+ [r164] _Ibid._ 362.
+
+«Ma tête est si variable et si faible que je ne puis rien écrire ni
+lire, surtout à jeun.» (9 février 1543. Voyez aussi le 16 août.)
+
+«Je suis faible et fatigué de vivre, et je songe à dire adieu au monde,
+qui est maintenant tout au malin. Que le Seigneur m'accorde une bonne
+heure et un heureux passage. Amen.» (14 mars.)
+
+_A Amsdorf._—«Je t'écris après souper, car à jeun je ne puis sans
+danger jeter les yeux sur un livre; je m'étonne fort de cette maladie,
+et ne sais si c'est un soufflet de Satan ou si ce n'est que faiblesse
+de nature.» (18 août 1543.)
+
+«Je crois que ma véritable maladie, c'est la vieillesse, ensuite la
+violence des travaux et des pensées, mais surtout les coups de Satan;
+c'est ce dont toute la médecine du monde ne me guérira pas[a77].» (7
+novembre 1543.)
+
+_A Spalatin._—«Je t'avoue que, dans toute ma vie et dans toutes les
+affaires de l'Évangile, je n'ai jamais eu d'année plus troublée que
+celle qui vient de finir. J'ai une terrible affaire avec les juristes,
+au sujet des mariages clandestins; ceux que j'avais cru devoir être
+de fidèles amis de l'Évangile, je trouve en eux des ennemis cruels.
+Penses-tu que ce ne soit pas pour moi un supplice, je te le demande,
+mon cher Spalatin?» (30 janvier 1544.)
+
+«Je suis paresseux, fatigué, froid, c'est-à-dire vieux et inutile. J'ai
+achevé ma route; reste seulement que le Seigneur me réunisse à mes
+pères, et rende à la pourriture et aux vers ce qui leur appartient.
+Me voilà rassasié de vie, si cela peut s'appeler de la vie. Prie
+pour moi, afin que l'heure de mon passage soit agréable à Dieu, et à
+moi salutaire. Je ne m'occupe plus de l'Empereur et de l'Empire, que
+pour les recommander à Dieu dans mes prières. Le monde me semble être
+venu à sa dernière heure et avoir vieilli comme un vêtement, selon
+l'expression du psalmiste; voici l'heure qu'il en faut changer.» (5
+décembre 1544.)
+
+«Si j'avais su au commencement que les hommes fussent si ennemis de
+la parole de Dieu, je me serais tu certainement et tenu tranquille.
+J'imaginais qu'ils ne péchaient que par ignorance[r165].»
+
+ [r165] _Ibid._ 6.
+
+Il disait une fois[r166]: «La noblesse, les bourgeois, les paysans,
+je dirais presque tout homme, pense connaître beaucoup mieux l'Évangile
+que le docteur Luther ou que saint Paul même. Ils méprisent les
+pasteurs, ou plutôt le Seigneur et Maître des pasteurs...
+
+ [r166] _Ibid._ 5.
+
+»Les nobles veulent gouverner, et cependant ils ne peuvent rien
+comprendre. Le pape sait et peut gouverner par le fait. Le plus petit
+papiste est plus capable de gouverner que dix des nobles qui sont à la
+cour, ne leur en déplaise.»
+
+On disait un jour à Luther que, dans l'évêché de Wurtzbourg, il y avait
+six cents riches cures qui étaient vacantes[r167].—«Il ne résultera
+rien de bon de tout cela, dit-il. Il en sera de même chez nous, si
+nous continuons de mépriser la parole de Dieu et ses serviteurs... Si
+je voulais devenir riche, je n'aurais qu'à ne point prêcher... Les
+visiteurs ecclésiastiques demandaient aux paysans pourquoi ils ne
+voulaient point nourrir leurs pasteurs? eux qui pourtant entretenaient
+des gardeurs de vaches et de porcs. «Oh! répondirent-ils, nous avons
+besoin d'un berger; nous ne pourrions pas nous en passer.» Ils
+croyaient pouvoir se passer de pasteurs.»
+
+ [r167] _Ibid._ 5, verso.
+
+Luther prêcha dans sa maison, pour ses enfans et tous les siens, le
+dimanche, pendant six mois, mais il ne prêchait point dans l'église.
+«Je le fais, dit-il au docteur Jonas, pour acquitter ma conscience et
+remplir mon devoir de père de famille. Mais je sais et je vois bien que
+la parole de Dieu ne sera pas plus considérée ici que dans l'église.
+
+»C'est vous qui prêcherez après moi, docteur Jonas, songez-y et
+acquittez-vous-en bien[r168].»
+
+ [r168] _Ibid._ 195, verso.
+
+Il sortit un jour de l'église, indigné de ce que l'on causait[r169].
+(1545.)
+
+ [r169] _Ibid._ 189, verso.
+
+Le 16 février 1546, Luther disait qu'Aristote n'avait écrit aucun
+meilleur livre que le cinquième des _Ethica_; qu'il y donnait cette
+belle définition: _Quod justitia sit virtus consistens in mediocritate,
+pro ut sapiens eam determinat_[r170]. [Cet éloge de la modération est
+très remarquable dans la dernière année de Luther.]
+
+ [r170] _Ibid._ 414.
+
+Le chancelier du comte de Mansfeld qui revenait de la diète de
+Francfort, dit à la table de Luther, à Eisleben, que l'Empereur et
+le pape procédaient brusquement contre l'évêque de Cologne, Herman;
+et songeaient à le chasser de son électorat[r171]. Alors il parla
+ainsi: «Ils ont perdu la partie; ils ne peuvent rien faire contre nous
+avec la parole de Dieu et la sainte Écriture; _ergo volunt sapientiâ,
+violentiâ, astutiâ, practicâ, dolo, vi et armis pugnare_. Que dit à
+cela notre Seigneur? Il voit bien qu'il est un pauvre écolier, et il
+dit: Qu'allons-nous devenir mon fils et moi?... Pour moi, quand ils me
+tueraient, il faut auparavant qu'ils mangent ce que... J'ai un grand
+avantage; mon seigneur s'appelle _Schefflemini_; c'est lui qui dit:
+_Ego suscitabo vos in novissimo die_; et il dira alors: Docteur Martin,
+docteur Jonas, seigneur Michel Cœlius, venez à moi; et il vous nommera
+tous par vos noms, comme le Seigneur Christ dit dans saint Jean: _Et
+vocat eos nominatim_. Eh bien! soyez donc sans peur.
+
+ [r171] _Ibid._ 19.
+
+»Dieu a un beau jeu de cartes qui n'est composé que de rois, de
+princes, etc.[r172] Il bat les cartes, par exemple le pape avec
+Luther; et ensuite il fait comme les enfans, qui, après avoir tenu
+quelque temps les cartes en vain, se lassent du jeu, et les jettent
+sous la table.»
+
+ [r172] _Ibid._ 32, verso.
+
+«Le monde est comme un paysan ivre[r173]. Si on le remet en selle
+d'un côté, il tombe de l'autre. On ne peut le secourir de quelque façon
+qu'on s'y prenne. Le monde veut appartenir au diable.»
+
+ [r173] _Ibid._ 448, verso.
+
+Luther disait souvent que s'il mourait dans son lit, ce serait une
+grande honte pour le pape[r174]. «Vous tous, pape, diable, rois,
+princes et seigneurs, vous devez être ennemis de Luther, et cependant
+vous ne pouvez lui faire mal. Il n'en a pas été de même pour Jean Huss.
+Je tiens que depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme que le monde
+haït plus que moi. Je suis aussi ennemi du monde; je ne sais rien _in
+totâ vitâ_ à quoi j'aie plaisir; je suis tout-à-fait fatigué de vivre.
+Que notre Seigneur vienne donc vite, et m'emmène. Qu'il vienne surtout
+avec son jugement dernier, je tendrai le cou; qu'il lance le tonnerre
+et que je repose...» Ensuite, il se console de l'ingratitude du monde,
+par l'exemple de Moïse, de Samuel, de saint Paul, du Christ.
+
+ [r174] _Ibid._ 449.
+
+Un des convives dit que si le monde subsistait cinquante ans, il
+viendrait encore bien des choses[r175]. Luther répondit: «A Dieu ne
+plaise! ce serait pis que par le passé. Il s'élèverait encore bien des
+sectes qui sont aujourd'hui cachées dans le cœur des hommes. Vienne
+donc le Seigneur! qu'il coupe court à tout cela avec le jugement
+dernier; car il n'y a plus d'amélioration.
+
+ [r175] _Ibid._ 295.
+
+»Il fera si mauvais à vivre sur la terre, que l'on criera de tous
+les coins du monde: Bon Dieu! viens avec le jugement dernier[r176].» Et
+comme il tenait en main un chapelet d'agates blanches, il ajouta: «O
+Dieu! veuille que ce jour vienne bientôt. Je mangerais aujourd'hui ce
+chapelet pour que ce fût demain.»
+
+ [r176] _Ibid._ 15.
+
+On parlait à sa table, des éclipses et de leur peu d'influence sur
+la mort des rois et des grands[r177]. Le docteur répondit: «Il est
+vrai, les éclipses ne veulent plus produire d'effet; je pense que notre
+Seigneur en viendra bientôt aux effets véritables, et que le Jugement
+en finira bientôt avec tout cela. C'est ce que je rêvais l'autre jour,
+comme je m'étais mis à dormir après midi, et je disais déjà: _In pace
+in id ipsum requiescam seu dormiam_. Il faut bien que le Jugement
+arrive; car, que l'église papale se réforme, c'est chose impossible;
+le Turc et les juifs ne se corrigeront pas non plus. Il n'y a aucune
+amélioration dans l'Empire; voilà maintenant trente ans qu'on assemble
+toujours les diètes sans décider rien... Je pense souvent, quand je
+réfléchis en me promenant, à ce que je dois demander dans mes prières
+pour la diète. L'évêque de Mayence ne vaut rien, le pape est perdu. Je
+ne vois d'autre remède que de dire: Notre Père, que votre règne arrive!
+
+ [r177] _Ibid._ 304. verso.
+
+»Pauvres gens que nous sommes! nous ne gagnons notre pain que par nos
+péchés[r178]. Jusqu'à sept ans, nous ne faisons rien que manger,
+boire, jouer et dormir. De là jusqu'à vingt et un ans, nous allons
+aux écoles trois ou quatre heures par jour; nous suivons nos caprices,
+nous courons, nous allons boire. C'est alors seulement que nous
+commençons à travailler. Vers la cinquantaine, nous avons fini, nous
+redevenons enfans. Ajoutez que nous dormons la moitié de notre vie. Fi
+de nous! sur notre vie, nous ne donnons pas même la dîme à Dieu; et
+nous croirions avec nos bonnes œuvres mériter le ciel! Qu'ai-je fait,
+moi? J'ai babillé deux heures, mangé pendant trois, resté oisif pendant
+quatre. _Ah! Domine, ne intres in judicium cum servo tuo._»
+
+ [r178] _Ibid._ 46.
+
+Après avoir détaillé toutes ses souffrances à Mélanchton: «Plaise à
+Christ d'enlever mon âme dans la paix du Seigneur. Par la grâce de
+Dieu, je suis prêt et désireux de partir. J'ai vécu et achevé la course
+que Dieu m'avait marquée... Que mon âme fatiguée de si longue route,
+monte maintenant au ciel.» (18 avril 1541.)
+
+«Je n'ai pas le temps de beaucoup écrire, mon cher Probst, car je suis
+accablé par l'âge et les fatigues, _alt, kalt, ungestalt_, comme on
+dit; cependant le repos ne m'est pas encore permis, obsédé comme je
+le suis par tant de raisons, tant de nécessités d'écrire. J'en sais
+plus que toi sur les fatalités de ce siècle. Le monde menace ruine:
+cela est certain, tant le diable se déchaîne, tant le monde s'abrutit.
+Il ne reste qu'une seule consolation, c'est que ce jour est proche.
+On est rassasié de la parole de Dieu, le monde en prend un singulier
+dégoût. Il s'élève moins de faux prophètes. Pourquoi susciterait-on
+de nouvelles hérésies, quand on a pour la parole un mépris épicurien?
+L'Allemagne a été, et elle ne sera jamais ce qu'elle a été. La noblesse
+ne pense qu'à demander, les villes ne songent qu'à elles-mêmes (et avec
+raison); voilà le royaume divisé avec soi-même, qui a dû tenir tête
+à cette armée de démons déchaînée dans l'armée turque. Nous ne nous
+soucions guère de savoir si Dieu est pour nous ou contre nous; nous
+devons triompher par notre propre force des Turcs et des démons, et de
+Dieu et de toutes choses. Tant est grande la confiance et la sécurité
+insensées de l'Allemagne expirante! Et cependant nous autres que
+ferons-nous ici? Les plaintes sont vaines, les pleurs sont vains. Il ne
+vous reste qu'à dire cette prière: Que ta volonté soit faite.» (26 mars
+1542.[6])
+
+ [6] Il semble qu'on retrouve ces tristes pensées dans le beau
+ portrait de Luther mort, qui se trouve dans la collection du
+ libraire Zimmer à Heidelberg; ce portrait exprime aussi la
+ continuation d'un long effort.
+
+«Je vois chez tout le monde une cupidité indomptable, et c'est un des
+signes qui me persuade que le dernier jour est proche; il semble que
+le monde dans sa vieillesse et son dernier paroxisme, tombe en délire,
+comme il arrive quelquefois aux mourans.» (8 mars 1544.)
+
+«Je crois que nous sommes cette trompette suprême qui prépare et
+devance la venue du Christ. Ainsi, quelque faibles que nous soyons,
+quelque petit son que nous fassions entendre devant le monde, nous
+sonnons fort dans l'assemblée des anges du ciel, qui reprendront après
+nous et se chargeront d'achever. Amen.» (6 août 1545.)
+
+Dans les dernières années de sa vie, ses ennemis répandirent plusieurs
+fois le bruit de sa mort. Ils y ajoutèrent les circonstances les
+plus extraordinaires et les plus tragiques. Pour les réfuter, Luther
+fit imprimer en 1545, en allemand et en italien, un écrit intitulé:
+_Mensonges des Welches sur la mort du docteur Martin Luther_.
+
+«Je l'ai dit d'avance au docteur Pomer[r179]: celui qui après ma mort
+méprisera l'autorité de cette école et de cette église, celui-là sera
+un hérétique et un pervers. Car c'est d'abord ici que Dieu a purifié sa
+parole et l'a de nouveau révélée... Qui pouvait quelque chose, il y a
+vingt-cinq ans? Qui était de mon côté, il y a vingt et un ans?
+
+ [r179] _Ibid._ 416.
+
+»Je compte souvent et j'approche de plus en plus des quarante années au
+bout desquelles, je pense, tout ceci doit prendre fin. Saint Paul n'a
+prêché que quarante ans. De même le prophète Jérémie et saint Augustin.
+Et lorsque furent écoulées les quarante années pendant lesquelles on
+avait prêché la parole de Dieu, elle a cessé de se faire entendre, et
+une grande calamité est venue ensuite.»
+
+La vieille Électrice, à la table de laquelle il se trouvait, lui
+souhaitait quarante ans de vie[r180]. «Je ne voudrais point du
+paradis, dit-il, à condition de vivre quarante ans.... Je ne consulte
+pas les médecins. Ils ont arrangé que je devais vivre encore un an; je
+ne veux point rendre ma vie triste, mais, au nom de Dieu, manger et
+boire ce qu'il me plaît.
+
+ [r180] _Ibid._ 361-2.
+
+»Je voudrais que nos adversaires me tuassent, car ma mort serait plus
+utile à l'église que ma vie[r181].»
+
+ [r181] _Ibid._ 147.
+
+16 février 1546[r182]: Comme on parlait beaucoup de mort et de
+maladie à la table de Luther, pendant son dernier voyage à Eisleben, il
+dit: «Si je retourne à Wittemberg, je me mettrai dans la bière et je
+donnerai à manger aux vers un docteur bien gras.» Deux jours après il
+mourut à Eisleben.
+
+ [r182] _Ibid._ 362.
+
+Impromptu de Luther sur la fragilité de la vie[r183].
+
+ Dat vitrum vitro Jonæ (vitrum ipse) Lutherus,
+ Se similem ut fragili noscat uterque vitro.
+
+ [r183] _Ibid._ 358.
+
+Nous laissons ces vers en latin, ils auraient perdu leur mérite dans
+une traduction.
+
+Billet écrit par Luther à Eisleben, deux jours avant sa mort: «Personne
+ne comprendra Virgile dans les _Bucoliques_, s'il n'a été cinq ans
+pasteur.
+
+»Personne ne comprendra Virgile dans les _Géorgiques_, s'il n'a été
+cinq ans laboureur.
+
+»Personne ne peut comprendre Cicéron dans ses _Lettres_, s'il n'a été
+durant vingt ans mêlé aux affaires d'un grand état.
+
+»Que personne ne croie avoir assez goûté des saintes Écritures, s'il
+n'a pendant cent années gouverné les églises, avec les prophètes Élie
+et Élisée, avec Jean-Baptiste, Christ et les apôtres.
+
+ »Hanc tu ne divinam Æneida tenta,
+ »Sed vestigia pronus adora.
+
+»Nous sommes de pauvres mendians. Hoc est verum, 16 februarii, anno
+1546.»
+
+«Prédiction du révérend père le docteur Martin Luther, écrite de sa
+propre main, et trouvée après sa mort dans sa bibliothèque, par ceux
+que le très illustre électeur de Saxe, Jean Frédéric Ier, avait chargé
+de la fouiller[r184].
+
+ [r184] Opera latina, Iena, 1612, Ier vol. après la table des matières.
+
+«Le temps est arrivé auquel, selon l'ancienne prédiction, doivent
+venir après la révélation de l'Antichrist, des hommes qui vivraient
+sans Dieu, chacun selon ses désirs et ses illusions. Le pape était
+un dieu au-dessus de Dieu, et maintenant tous veulent se passer de
+Dieu, surtout les papistes. Les nôtres, maintenant qu'ils sont libres
+des lois du pape, veulent encore l'être de la loi de Dieu, ne suivre
+que des mobiles politiques, et ne les suivre encore que selon leurs
+caprices.—Nous nous figurons qu'ils sont bien loin ceux dont on a
+prédit de telles choses; ils ne sont autres que nous-mêmes.—Il y en a
+parmi ceux-ci, qui désirant le jour de l'homme, ont commencé à chasser
+de l'Église le décalogue et la Loi. Parmi eux se trouvent maître
+Eisleben (Agricola), contre lequel, etc.—Je ne suis pas inquiet des
+papistes; ils flattent le pape par haine pour nous, et pour devenir
+puissans, jusqu'à ce qu'ils soient formidables au pauvre pape.... Je
+sens une grande consolation, quand je vois les adulateurs du pape lui
+tendre des embûches plus terribles que moi-même, qui suis son ennemi
+déclaré. Il en est de même chez nous: les nôtres me donnent plus
+d'affaires et de périls que toute la papauté, qui désormais ne pourra
+rien contre nous. Tant il est vrai que si un empire doit se détruire,
+c'est plutôt par ses propres forces. Celui de Rome
+
+ Mole ruit suâ....
+ ... Corpus magnum populumque potentem
+ In sua victrici conversum viscera dextrâ.»
+
+Vers la fin de sa vie, Luther prit en dégoût le séjour de Wittemberg.
+Il écrivit à sa femme, en juillet 1545, de Leipzig où il se trouvait:
+«Grâce et paix, chère Catherine! Notre Jean te racontera comment nous
+sommes arrivés. Ernst de Schonfeld nous a très bien reçus à Lobnitz,
+et notre ami Scherle encore mieux ici. Je voudrais bien m'arranger de
+manière à ne plus avoir besoin de retourner à Wittemberg. Mon cœur
+s'est refroidi pour cette ville, et je n'aime plus à y rester. Je
+voudrais que tu vendisses la petite maison, avec la cour et le jardin;
+je rendrais à mon gracieux seigneur la grande maison dont il m'a fait
+présent, et nous nous établirions à Zeilsdorf. Avec ce que je reçois
+pour salaire, nous pourrions mettre notre terre en bon état, car je
+pense bien que mon seigneur ne refusera pas de me le continuer, du
+moins pour cette année, que je crois fermement devoir être la dernière
+de ma vie. Wittemberg est devenu une véritable Sodome, et je ne veux
+pas y retourner. Après-demain je me rendrai à Mersebourg, où le comte
+George m'a vivement prié de venir. J'aimerais mieux passer ainsi ma
+vie sur les grandes routes, ou à mendier mon pain, que de tourmenter
+mes pauvres derniers jours par la vue des scandales de Wittemberg, où
+toutes mes peines et toutes mes sueurs sont perdues. Tu peux faire
+savoir ceci à Philippe et à Pomer, que je prie de bénir la ville en mon
+nom. Pour moi, je ne peux plus y vivre.»
+
+Il ne fallut rien moins que les instantes prières de ses amis, de toute
+l'académie et de l'Électeur, pour le faire renoncer à cette résolution.
+Il revint à Wittemberg le 18 août.
+
+Luther ne put mourir tranquille; ses derniers jours furent employés à
+la tâche pénible de réconcilier les comtes de Mansfeld, dont il était
+né le sujet[a78]. «Huit jours de plus ou de moins, écrit-il au comte
+Albrecht, en lui promettant de se rendre à Eisleben, huit jours de
+plus ou de moins, ne m'arrêteront pas, quoique je sois bien occupé
+d'ailleurs. Je pourrai me coucher dans le cercueil avec joie, quand
+j'aurai vu auparavant mes chers seigneurs se réconcilier et redevenir
+amis.» (6 décembre 1545.)
+
+(De Eisleben.) «_A la très savante et très profonde dame Catherine
+Luther, ma gracieuse épouse._ Chère Catherine! nous sommes bien
+tourmentés ici, et nous ne serions pas fâchés de pouvoir retourner chez
+nous. Cependant il nous faudra, je pense, rester encore une huitaine
+de jours. Tu peux dire à maître Philippe qu'il ne fera pas mal de
+corriger sa _postille_ sur l'Évangile, car, en l'écrivant, il ne savait
+guère pourquoi le Seigneur, dans l'Évangile, appelle les richesses
+des épines. C'est ici l'école où l'on apprend ces choses. La sainte
+Écriture menace partout les épines du feu éternel, cela m'effraie et me
+rend de la patience, car je dois faire tous mes efforts, Dieu aidant,
+pour mener la chose à bonne fin...» (6 février 1546.)
+
+«_A la gracieuse dame Catherine Luther, ma chère épouse, qui se
+tourmente beaucoup trop._ Grâce et paix dans le Seigneur. Chère
+Catherine! tu devrais lire saint Jean et ce que le Catéchisme dit de
+la confiance que nous devons avoir en Dieu. Tu te tourmentes vraiment
+comme si Dieu n'était pas tout-puissant, et qu'il ne pût produire de
+nouveaux docteurs Martin par dixaines, si l'ancien se noyait dans la
+Saale ou périssait d'une autre manière. J'ai Quelqu'un qui a soin de
+moi, mieux que toi et les anges vous ne pourriez jamais faire. Il
+est assis à la droite du Père tout-puissant. Tranquillise-toi donc.
+Amen... J'avais aujourd'hui l'intention de partir _in irâ meâ_; mais le
+malheur où je vois mon pays natal, m'a encore retenu. Le croirais-tu?
+je suis devenu légiste? Cependant cela ne servira pas à grand'chose.
+Il vaudrait mieux qu'ils me laissassent théologien. Il serait grand
+besoin pour eux d'humilier leur superbe. Ils parlent et agissent comme
+s'ils étaient des dieux, mais je crains bien qu'ils ne deviennent des
+diables, s'ils continuent ainsi. Lucifer aussi a été précipité par son
+orgueil, etc... Fais voir cette lettre à Philippe, je n'ai pas eu le
+temps de lui écrire séparément.» (7 février 1546.)
+
+«_A ma douce et chère épouse, Catherine Luther de Bora._ Grâce et paix
+dans le Seigneur. Chère Catherine! Nous espérons retourner chez vous
+cette semaine, si Dieu le veut. Il a montré la puissance de sa grâce
+dans cette affaire. Les seigneurs se sont accordés sur tous les points,
+à l'exception de deux ou trois, entre autres sur la réconciliation des
+deux frères, les comtes Gebhard et Albrecht. Je dînerai aujourd'hui
+avec eux, et je tâcherai de les faire redevenir frères. Ils ont écrit
+l'un contre l'autre avec beaucoup d'amertume, et ne se sont encore
+rien dit pendant les conférences.—Du reste, nos jeunes seigneurs sont
+pleins de gaîté; ils vont en traîneaux avec les dames, et font sonner
+les clochettes de leurs chevaux. Dieu a exaucé nos prières.
+
+»Je t'envoie des truites, dont la comtesse Albrecht m'a fait
+présent. Cette dame est bien heureuse de voir renaître la paix dans
+sa famille... Le bruit court ici que l'Empereur s'avance vers la
+Westphalie, et que le Français enrôle des landsknechts, de même
+que le Landgrave, etc. Laissons-les dire et forger des nouvelles:
+nous attendrons ce que Dieu voudra faire. Je te recommande à sa
+protection.—Martin LUTHER.» (14 février 1546.)
+
+Luther était arrivé le 28 janvier à Eisleben, et quoique déjà malade,
+il assista aux conférences jusqu'au 17 février. Il prêcha aussi quatre
+fois, et révisa le réglement ecclésiastique du comté de Mansfeld. Le
+17, il fut si malade que les comtes le prièrent de ne pas sortir. Au
+souper, il parla beaucoup de sa mort prochaine, et quelqu'un lui ayant
+demandé si nous nous reconnaîtrions les uns les autres dans l'autre
+monde, il répondit qu'il le pensait. En rentrant dans sa chambre avec
+maître Cœlius et ses deux fils, il s'approcha de la croisée et y resta
+long-temps en prières. Ensuite il dit à Aurifaber qui venait d'arriver:
+«Je me sens bien faible, et mes douleurs augmentent.» On lui donna un
+médicament, et on tâcha de le réchauffer par des frictions. Il adressa
+quelques mots au comte Albrecht, qui était venu aussi, et se mit sur
+un lit de repos en disant: «Si je pouvais seulement sommeiller une
+petite demi-heure, je crois que cela me soulagerait.» Il s'endormit
+en effet, et ne se réveilla qu'une heure et demie après, vers onze
+heures. En se réveillant, il dit aux assistans: «Vous voilà encore
+assis à côté de moi, ne voulez-vous pas aller reposer vous-mêmes?» Il
+se remit alors à prier, et dit avec ferveur: _In manus tuas commendo
+spiritum meum; redemisti me, Domine, Deus veritatis_. Il dit aussi aux
+assistans: «Priez tous, mes amis, pour l'Évangile de notre Seigneur,
+pour que son règne s'étende, car le concile de Trente et le pape le
+menacent grandement.» Il dormit ensuite jusque vers une heure, et quand
+il se réveilla, le docteur Jonas lui demanda comment il se trouvait. «O
+mon Dieu! répondit-il, je me sens bien mal. Mon cher Jonas, je pense
+que je resterai ici, à Eisleben, où je suis né.» Il marcha pourtant
+un peu dans la chambre et se remit sur son lit de repos, où on le
+couvrit de coussins. Deux médecins et le comte avec sa femme arrivèrent
+ensuite. Luther leur dit: «Je meurs, je resterai ici, à Eisleben;» et
+le docteur Jonas lui ayant exprimé l'espoir que la transpiration le
+soulagerait peut-être, il répondit: «Non, cher Jonas, c'est une sueur
+froide et sèche, le mal augmente.» Il se remit alors à prier, et dit:
+«O mon père! Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, toi le père de toute
+consolation, je te remercie de m'avoir révélé ton fils bien-aimé, en
+qui je crois, que j'ai prêché et reconnu, que j'ai aimé et célébré,
+et que le pape et les impies persécutent. Je te recommande mon âme, ô
+mon Seigneur Jésus-Christ! Je quitterai ce corps terrestre, je vais
+être enlevé de cette vie, mais je sais que je resterai éternellement
+auprès de toi.» Il répéta encore trois fois: _In manus tuas commendo
+spiritum meum; redemisti me, Domine veritatis_. Soudain il ferma les
+yeux, et tomba évanoui. Le comte Albrecht et sa femme, ainsi que les
+médecins, lui prodiguèrent leurs secours pour le rendre à la vie. Ils
+n'y parvinrent qu'avec peine. Le docteur Jonas lui dit alors: «Révérend
+père, mourez-vous avec constance dans la foi que vous avez enseignée?»
+Il répondit par un oui distinct, et se rendormit. Bientôt il pâlit,
+devint froid, respira encore une fois profondément, et mourut.
+
+Son corps fut transféré dans un cercueil d'étain, à Wittemberg, où
+il fut inhumé le 22 février avec les plus grands honneurs. Il repose
+dans l'église du château, au pied de la chaire. (Ukert I, p. 327, sqq.
+_Extrait de la relation de Jonas et de Cœlius._)
+
+_Testament de Luther, daté du 6 janvier 1542._—Je soussigné, Martin
+Luther, docteur, reconnais avoir, par les présentes, donné comme
+douaire à ma chère et fidèle épouse Catherine, pour qu'elle en jouisse
+toute sa vie, comme bon lui semblera: la terre de Zeilsdorf, telle que
+je l'ai achetée et fait disposer depuis; la maison _Brun_ que j'ai
+achetée sous le nom de Wolf; les gobelets et autres choses précieuses,
+telles que bagues, chaînes, médailles en or et en argent, de la valeur
+de mille florins environ.
+
+»J'ai fait ceci, premièrement parce qu'elle a toujours été ma pieuse
+et fidèle épouse, qui m'a aimé tendrement, et qui, par la bénédiction
+du ciel, m'a donné et élevé cinq enfans heureusement encore en vie.
+Secondement, pour qu'elle se charge de mes dettes, montant à quatre
+cent cinquante florins environ, au cas où je ne pourrais les acquitter
+avant ma mort. Troisièmement, et surtout, parce que je ne veux pas
+qu'elle soit dans la dépendance de ses enfans, mais plutôt que les
+enfans dépendent d'elle, l'honorent et lui soient soumis, comme Dieu
+l'a commandé; car j'ai vu bien souvent comme le Diable excite les
+enfans, même les enfans pieux, à désobéir à ce commandement, surtout
+quand les mères sont veuves, que les fils ont des épouses, et les
+filles des maris. Je pense, au reste, que la mère sera la meilleure
+tutrice de ses enfans, et qu'elle ne fera pas usage de ce douaire au
+détriment de ceux qui sont sa chair et son sang, de ceux qu'elle a
+portés sous son cœur.
+
+»Quoi qu'il puisse advenir d'elle après ma mort (car je ne puis limiter
+les desseins de Dieu), j'ai cette confiance qu'elle se conduira
+toujours comme une bonne mère envers ses enfans, et qu'elle partagera
+consciencieusement avec eux ce qu'elle possèdera.
+
+»En même temps, je prie tous mes amis d'être témoins de la vérité et
+de défendre ma chère Catherine, s'il allait arriver, comme il serait
+possible, que de mauvaises langues l'accusassent de garder pour elle
+quelque somme d'argent cachée, et de ne pas en faire part aux enfans.
+Je certifie que nous n'avons ni argent comptant, ni trésor d'aucune
+espèce. En cela rien d'étonnant, si l'on veut considérer que nous
+n'avons eu d'autre revenu que mon salaire et quelques présens, et que
+cependant nous avons bâti, et porté les charges d'un grand ménage. Je
+regarde même comme une grâce particulière de Dieu, et je l'en remercie
+sans cesse, que nous ayons pu y suffire, et que nos dettes ne soient
+pas plus considérables........
+
+»Je prie aussi mon gracieux seigneur, le duc Jean-Frédéric, électeur,
+de vouloir bien confirmer et maintenir le présent acte, quoiqu'il
+ne soit pas fait dans la forme demandée par les gens de loi. Martin
+LUTHER. _Signé_ MÉLANCHTON, CRUCIGER et BUGENHAGEN, comme témoins.»[a79]
+
+
+
+
+ADDITIONS
+
+ET
+
+ÉCLAIRCISSEMENS.
+
+
+ [a1] Page 1, ligne 7.—_Les Turcs..._
+
+Luther crut voir d'abord dans les Turcs un secours que Dieu lui
+envoyait. «Ce sont, dit-il, les ministres de la colère divine, 1526.
+(_Prœliari adversus Turcas, est repugnare Deo, visitanti iniquitates
+nostras per illos._)»—Il ne voulait point que les protestans
+s'armassent contre eux pour défendre les papistes, «car ceux-ci ne
+valent pas mieux que les Turcs.»
+
+Il dit dans la préface qu'il mit à un livre du docteur Jonas, que
+les Turcs égalent les papistes, ou les surpassent plutôt, dans les
+choses que ceux-ci regardent comme essentielles au salut, tels que
+les aumônes, les jeûnes, les macérations, les pélerinages, la vie
+monastique, les cérémonies et les autres œuvres extérieures, et que
+c'est pour cette raison que les papistes ne parlent pas du culte des
+mahométans. Il prend occasion de ceci pour élever au-dessus de ces
+pratiques mahométanes ou «romanistes, la religion pure du cœur et de
+l'esprit, enseignée par l'Évangile.»
+
+
+Ailleurs, il fait un parallèle entre le pape et le Turc, et conclut
+ainsi: «S'il faut combattre le Turc, il faut aussi combattre le
+pape.»—Cependant quand il vit les Turcs menacer sérieusement
+l'indépendance de l'Allemagne, il exprima plusieurs fois le désir
+qu'on entretînt une armée permanente sur les frontières de la Turquie,
+et répéta souvent que tout ce qui portait le nom de chrétien devait
+implorer Dieu pour le succès des armes de l'Empereur contre les
+infidèles.
+
+Luther exhorta l'Électeur, dans une lettre du 29 mai 1538, à prendre
+part à la guerre qui se préparait contre les Turcs. Il l'engagea à
+oublier les querelles intestines de l'Allemagne, pour tourner ses
+armes contre l'ennemi commun.
+
+Un homme digne de foi, qui avait été en ambassade chez les Turcs,
+dit un jour à Luther que le sultan lui avait demandé quel homme
+était Luther, et de quel âge, et qu'ayant appris qu'il avait environ
+quarante-huit ans, il disait: Je voudrais qu'il ne fût pas si âgé; il a
+en moi un gracieux seigneur, dites-le-lui bien. «Que Dieu me préserve
+de ce gracieux seigneur, s'écria Luther, en faisant le signe de la
+croix.» (Tischreden, p. 432, verso.)
+
+
+ [a2] Page 3, ligne 25.—_Le Landgrave... se croyant menacé,
+ leva une armée..._
+
+Luther, dans une lettre au chancelier Brück, dit, en parlant des
+préparatifs de guerre du Landgrave: «Une pareille agression de la
+part des nôtres, serait la plus grande honte pour l'Évangile. Ce ne
+serait point une révolte de paysans, mais une révolte de princes,
+qui préparerait à l'Allemagne les maux les plus terribles. Satan ne
+désire rien autant.» (mai 1528.) Il écrivit plusieurs lettres dans le
+même sens à l'Électeur.—Cependant il est quelquefois tenté de lâcher
+lui-même la bride au Landgrave. Ayant lu une lettre de Mélanchton,
+qui était au _Colloque_, il dit: «Ce que Philippe écrit, cela a des
+pieds et des mains, de l'autorité et de la gravité. Il dit des choses
+importantes en peu de mots; je conclus de sa lettre que nous avons
+la guerre....... Le lâche de Mayence fait tout le mal. Ils devraient
+nous donner une prompte réponse. Si j'étais le Landgrave, je tomberais
+dessus, je périrais ou je les exterminerais, puisque dans une affaire
+si juste, ils ne veulent pas nous donner la paix.» (Tischreden, p. 151.)
+
+
+ [a3] Page 26, ligne 3.—_Le duc George..._
+
+Ce prince se montra de bonne heure opposé à la Réforme. Dès l'année
+1525 (22 décembre), Luther avait écrit au duc pour le prier instamment
+de renoncer à ses persécutions contre la nouvelle doctrine. «... Je me
+jette à vos pieds pour vous supplier de cesser enfin vos entreprises
+impies. Non que je craigne le préjudice qui en pourrait résulter pour
+moi, car je n'ai plus qu'à perdre ce misérable corps de chair que
+dans tous les cas la terre va bientôt recevoir. Si je recherchais
+mon avantage, je ne devrais rien tant désirer que la persécution. On
+a vu comme elle m'a servi jusqu'ici au-delà de toute attente. Si je
+prenais plaisir à rendre votre Grâce malheureuse, je l'exciterais de
+toutes mes forces à continuer ses violences; mais c'est mon devoir de
+songer au salut de votre Grâce et de la supplier à genoux de cesser ses
+criminelles offenses envers Dieu et sa parole...»
+
+
+ [a4] Page 4, ligne 3.—_Le docteur Pack..._
+
+«Mon cher Amsdorf, voici Otton Pack, pauvre exilé que j'offre à ta
+miséricorde; il sera plus en sûreté à Magdebourg que chez moi; je
+craindrais que le duc George ne me forçât de le remettre entre ses
+mains.» (29 juillet 1529.)
+
+
+ [a5] Page 5, ligne 1.—_Le grand-maître de l'ordre Teutonique
+ avait sécularisé la Prusse..._
+
+«Lorsque je parlai la première fois au prince Albert, comme il me
+consultait sur la règle de son ordre, je lui conseillai de mépriser
+cette règle stupide et confuse, de prendre femme et de réduire la
+Prusse à une forme politique, en principauté ou en duché. Philippe,
+partageait cette opinion, et donnait le même conseil... Cela pourrait
+s'exécuter aisément, si le peuple de Prusse et les grands unissaient
+leurs prières pour qu'il osât l'entreprendre; il aurait ainsi un motif
+nécessaire et puissant de faire ce qu'il désire.... C'est à toi avec
+Speratus, Amandus et les autres ministres, d'y amener le peuple, de
+l'enflammer, de l'animer pour qu'il invoque la main de Dieu, afin qu'au
+lieu de cette abominable principauté hermaphrodite, qui n'est ni laïque
+ni ecclésiastique, il désire et réclame une principauté véritable.—Je
+voudrais persuader la même chose à l'évêque ***; lui aussi, il cèderait
+à nos raisons, si le peuple le pressait de ses prières.» (4 juillet
+1524.)
+
+Il y avait six mois alors que cet évêque prêchait ouvertement la
+réforme. «Ainsi, écrivait Luther en avril 1525, pendant le fort de
+la guerre des paysans, l'Évangile court à pleine course et à pleines
+voiles en Prusse, où il n'était pas appelé, tandis que dans la haute et
+basse Allemagne, où il est venu et entré de lui-même, on le blasphème
+avec fureur.» (T. II, p. 649.)
+
+
+ [a6] Page 6, ligne 25.—_Le duc George..._
+
+«Prie avec moi le Dieu de miséricorde, pour qu'il convertisse le duc
+George à son Évangile, ou que, s'il n'en est pas digne, il soit tiré de
+ce monde.» (27 mars 1526.)
+
+Luther écrivit à l'Électeur, au sujet de ses querelles avec le duc
+George (31 décembre 1528): «... Je prie votre Grâce électorale de
+m'abandonner entièrement à la décision des juges, au cas où le duc
+George le demanderait, car il est de mon devoir d'exposer ma tête
+plutôt que de faire éprouver le moindre préjudice à votre Grâce.
+Jésus-Christ, je l'espère, me donnera les forces nécessaires pour
+résister tout seul à Satan.»
+
+
+ [a7] Page 7, ligne 14.—_Où s'arrêtera la superbe de ce Moab..._
+
+Le duc George était, après tout, un persécuteur assez débonnaire.
+Ayant chassé de Leipzig quatre-vingts luthériens, il leur accorda la
+permission de garder leurs maisons, d'y laisser leurs femmes et leurs
+enfans, et même d'y venir trois fois par an au temps des foires.—Dans
+une autre circonstance, Luther ayant conseillé aux protestans de
+Leipzig de résister aux ordres de leur duc, celui-ci se contenta de
+prier l'électeur de Saxe d'interdire à Luther toute communication avec
+ses sujets. (Cochlæus, p. 230.)
+
+
+ [a8] Page 7, ligne 23.—_Diète à Spire..._
+
+Quelque temps après cette diète, Luther écrivit la consultation
+suivante: «D'abord il serait bon que notre parti, à l'exclusion des
+zwingliens, parlât pour lui seul.
+
+»En second lieu, qu'on écrivît à l'Empereur, et que les bienfaits
+du prince (l'électeur de Saxe), envers l'Église et l'État, fussent
+amplifiés, célébrés, etc. Il faudrait rappeler: 1º Qu'il a fait
+enseigner, de la manière la plus pure, le Christ et sa foi, comme on ne
+l'a jamais enseigné depuis mille ans; qu'il a aboli une foule d'abus et
+de monstruosités nuisibles à l'Église et à l'État, comme les marchés de
+messes, les abus des indulgences, les violences de l'excommunication,
+et tant d'autres choses qui leur ont paru à eux-mêmes intolérables, et
+dont la noblesse a exigé l'abolition à Worms.
+
+»2º Qu'il a résisté aux séditieux, à ceux qui violaient les images et
+les églises.
+
+»3º Que la dignité impériale a été par lui honorée, glorifiée,
+réformée, plus qu'on ne l'avait fait en plusieurs siècles.
+
+»4º Que nous avons fait et supporté les plus grandes choses contre les
+partisans de Münzer, pour sauver la majesté et la paix publique.
+
+»5º Que c'est nous, et non d'autres, qui avons réprimé les
+sacramentaires; que sans nous les papistes eussent été écrasés.
+
+»6º Que nous avons de même réprimé les anabaptistes.
+
+»7º Qu'en outre, nous avons étouffé les mauvais germes que de méchantes
+gens avaient répandus en divers endroits sur la sainte Trinité, sur la
+foi du Christ, etc. Je parle d'Érasme, d'Egranus et de leurs pareils.»
+(mai 1529.)
+
+
+ [a9] Page 7, ligne 28.—_Le parti de la Réforme éclata..._
+
+Luther essaya encore de retenir les siens; le 22 mai 1529, il écrivit
+à l'Électeur pour le dissuader d'entrer dans aucune ligue contre
+l'Empereur, et l'exhorter à s'en remettre à la protection divine. Dans
+une lettre à Agricola, il approuva la conduite prudente de l'Électeur
+à l'égard de l'Empereur: «Notre prince a bien fait de reconnaître un
+seigneur dans une ville étrangère, et de n'avoir point cherché à être
+le maître, comme il aurait pu le faire. Christ a dit: _Si vous êtes
+persécuté dans une ville, fuyez dans une autre_; et encore: _Sortez de
+cette maison_. Ainsi je pense que notre prince, comme un membre qui ne
+peut se séparer du corps, ne devait point rompre avec César. Mais par
+son silence il a comme fui dans une autre ville, il est sorti de cette
+maison.» (30 juin 1530.)
+
+
+ [a10] Page 8, ligne 11.—_Le Landgrave essaya de réconcilier
+ Luther et les sacramentaires..._
+
+Au landgrave de Hesse. «Grâce et paix en Jésus-Christ. Sérénissime
+seigneur! j'ai reçu la lettre par laquelle votre Altesse veut bien
+m'engager à me rendre à Marbourg, pour conférer avec Œcolampade et les
+siens, au sujet de nos opinions sur le saint Sacrement. Je ne saurais
+cacher à votre Altesse que je mets peu d'espoir dans une pareille
+conférence, et que je doute qu'on en voie sortir la paix et l'union.
+Néanmoins il faut rendre grâce à votre Altesse, de la sollicitude
+qu'elle montre en cette affaire, et je suis disposé, pour ma part, à
+me rendre au lieu désigné, bien que je regarde cette démarche comme
+inutile. Je ne veux pas laisser non plus à nos adversaires la gloire de
+pouvoir dire qu'ils aiment plus que nous la paix et la concorde. Mais
+je vous prie humblement, gracieux prince et seigneur, de vouloir bien,
+avant que nous nous réunissions, vous informer s'ils sont disposés à
+céder quelque point de leurs doctrines, autrement je craindrais fort
+que le mal ne fît qu'empirer par cette conférence, et que le résultat
+ne fût précisément le contraire de ce que votre Altesse recherche si
+loyalement et si sérieusement. A quoi servirait-il de se réunir et de
+discuter, si les deux parties arrivaient avec la résolution de ne céder
+en quoi que ce fût?...» (23 juin 1529.)
+
+Dans une consultation qui nous reste sur le même sujet, et que l'on
+attribue généralement à Luther, il exprime le désir que quelques
+papistes, «hommes graves et instruits,» assistent à la conférence comme
+témoins.
+
+A sa femme. «Grâce et paix en Jésus-Christ. Cher seigneur Catherine!
+Apprenez que notre conférence amicale de Marbourg est finie, et que
+nous sommes d'accord en tout point, si ce n'est que nos adversaires
+persistent à ne voir que du pain dans l'Eucharistie, et à n'admettre
+qu'une présence spirituelle de Jésus-Christ. Aujourd'hui le Landgrave
+nous parlera encore une fois, pour tâcher de nous unir ou de nous
+porter du moins à nous reconnaître pour frères et membres du même
+corps. Il y travaille avec ardeur. Nous leur accordons la paix et
+la charité, mais nous ne voulons pas de ce nom de frères. Demain ou
+après-demain, je pense, nous partirons pour nous rendre au Voigtland,
+où l'Électeur nous a appelés.
+
+»Dis à Pommer que les meilleurs argumens de Zwingli ont été: _Que le
+corps ne peut exister sans espace, et que, par conséquent, le corps
+du Christ n'est pas dans le pain_, et le meilleur d'Œcolampade:
+_Que le saint Sacrement est un signe du corps du Christ_. Dieu les a
+vraiment aveuglés; ils n'ont su que nous répondre.—Adieu. Le messager
+me presse. Priez pour nous. Nous sommes bien portans et vivons comme
+les princes. Embrasse pour moi Leinette (Madeleine) et le petit Jean.
+Le jour de saint François. Votre dévoué serviteur, Martin LUTHER.» (4
+octobre 1529.)
+
+Luther écrivit au landgrave de Hesse dans une autre lettre (20 mai
+1530), au sujet de ses tentatives de conciliation: «... J'ai supporté
+de si grands dangers et de si longs tourmens pour ma doctrine, que
+certes j'ai lieu de désirer de n'avoir pas travaillé en vain. Ce n'est
+donc point par haine ou par orgueil que je leur résiste; il y a bien
+long-temps que j'aurais adopté leur doctrine, Dieu, mon Seigneur, le
+sait, s'ils avaient pu m'en montrer la vérité; mais les raisons qu'ils
+donnent sont trop faibles pour que j'y puisse engager ma conscience...»
+
+
+ [a11] Page 11, ligne 18.—_L'Électeur amena..._
+
+Il partit de Torgaw le 3 avril, et arriva à Augsbourg le 2 mai. Sa
+suite se composait de cent soixante chevaux. Les théologiens qu'il
+avait avec lui furent Luther, Mélanchton, Jonas, Agricola, Spalatin
+et Osiander. Luther, excommunié et mis au ban de l'Empire, resta à
+Cobourg. (Ukert, t. I, p. 232.)
+
+
+ [a12] Page 11, ligne 19.—_L'Électeur amena Luther le plus près
+ possible d'Augsbourg._
+
+«Je suis sur les confins de la Saxe, à moitié chemin entre Wittemberg
+et Augsbourg. Il y aurait eu trop de danger pour moi dans cette
+dernière ville.» (juin 1530.)
+
+
+ [a13] Page 13, ligne 22.—_Les nobles seigneurs qui forment nos
+ comices..._
+
+«Ma résidence est maintenant au milieu des nuages, dans l'empire des
+oiseaux. Sans parler de la foule des autres oiseaux, dont les chants
+confus feraient taire une tempête, il y a près d'ici un certain bois
+tout peuplé, de la première à la dernière branche, de corbeaux et de
+corneilles. Du matin au soir, et quelquefois pendant toute la nuit,
+il y a là une crierie si infatigable, si incessante, que je doute
+qu'en aucun lieu du monde tant d'oiseaux se soient jamais réunis. Pas
+un qui se repose un instant; bon gré mal gré, il faut les entendre,
+vieux et jeunes, mères et filles, glorifier à qui mieux mieux, par
+leurs croassemens, le nom de corbeaux. Peut-être, par ces chants si
+harmonieux, veulent-ils faire descendre doucement le sommeil sur mes
+paupières; avec la grâce de Dieu, j'en ferai cette nuit l'expérience.
+C'est une noble race d'oiseaux, et, comme tu le sais, fort utiles
+au monde. Il me semble, en les voyant, que j'ai sous les yeux toute
+l'armée des sophistes et des Cochleistes, réunis de toutes les parties
+du monde, afin que j'apprécie mieux leur sagesse et leur doux langage,
+et que je voie à mon aise ce qu'ils sont et ce qu'ils peuvent pour
+le monde de l'esprit et pour le monde de la chair. Jusqu'à ce jour,
+personne n'a entendu philomèle, et cependant le coucou, qui annonce et
+accompagne son chant, s'enorgueillit magnifiquement dans la gloire de
+sa voix. De la résidence des corbeaux.» (22 avril 1530.)
+
+
+ [a14] Page 14, ligne 23.—_Luther le tançait rudement..._
+
+Quelquefois cependant il compâtit à ses douleurs. «Vous avez confessé
+Christ, offert la paix, obéi à César, souffert les injures, épuisé les
+blasphèmes. Vous n'avez point rendu le mal pour le mal; enfin vous
+avez dignement travaillé à la sainte œuvre de Dieu, comme il convient
+à des saints; réjouissez-vous donc dans le Seigneur. Assez long-temps
+vous avez été contristés par le monde. Regardez et levez la tête, votre
+rédemption approche. Je vous canoniserai comme de fidèles membres de
+Christ; que faut-il de plus à votre gloire?» (15 septembre 1530.)
+
+
+ [a15] Page 19, ligne 15.—_J'aurais voulu être la victime
+ sacrifiée par ce dernier concile, comme Jean Huss..._
+
+«Plaise à Dieu que nous soyons dignes d'être brûlés ou égorgés par lui
+(par le pape.) Cependant si nous ne méritons pas de rendre témoignage
+par notre sang, implorons du moins Dieu pour qu'il nous accorde cette
+grâce de témoigner par notre vie et nos paroles que Jésus-Christ est
+seul notre Seigneur, et que nous l'adorerons dans tous les siècles des
+siècles. Amen.» (T. II des œuvres latines, p. 270.)
+
+
+ [a16] Page 19, ligne 19.—_La profession de foi des
+ protestans..._
+
+«A la diète d'Augsbourg, le duc Guillaume de Bavière, qui était fort
+opposé à la doctrine évangélique, ayant dit au docteur Eck: «Peut-on
+renverser cette opinion par l'Écriture sainte?» «Non, dit-il, mais par
+les Pères.» L'évêque de Mayence se mit à dire: «Voyez! nos théologiens
+nous défendent joliment! Les luthériens montrent leur opinion dans
+l'Écriture, et nous la nôtre hors de l'Écriture.» Le même évêque disait
+alors: «Les luthériens ont un article auquel on ne peut contredire,
+quand même tous les autres ne vaudraient rien; c'est celui du mariage.»
+(Tischreden, p. 99.)
+
+
+ [a17] Page 20, ligne 10.—_L'archevêque de Mayence est très
+ porté pour la paix..._
+
+Luther, pour l'exhorter à montrer des sentimens pacifiques, lui avait
+écrit une lettre qui se terminait ainsi: «Je ne puis cesser de penser à
+la pauvre Allemagne, si malheureuse, si abandonnée, si méprisée, vendue
+à tant de traîtres en même temps. C'est ma chère patrie; je désirerais
+tant la voir heureuse!» (6 juillet 1530, de Cobourg.)
+
+
+ [a18] Page 21, ligne 7.—_Si l'Empereur veut faire un édit,
+ qu'il le fasse; après Worms aussi il en fit un..._
+
+Luther a conscience de sa force. «Si j'étais tué par les papistes,
+ma mort protégerait nos descendans, et ces bêtes féroces en seraient
+peut-être plus cruellement punies que je ne voudrais moi-même. Car, il
+y a quelqu'un qui dira un jour: _Où est ton frère Abel?_ Et celui-là
+les marquera au front, et ils erreront fugitifs par toute la terre...
+Notre race est maintenant sous la protection du Seigneur, puisqu'il est
+écrit: Je ferai miséricorde jusqu'à la millième génération à ceux qui
+m'ont aimé. Et moi je crois à ces paroles.» (30 juin 1530.)
+
+«Si j'étais tué dans une émeute papiste, j'emmènerais à ma suite
+un grand nombre d'évêques, de prêtres, de moines, si bien que tous
+diraient: «Le docteur Martin Luther est conduit au sépulcre avec une
+grande procession; certes, c'est un grand docteur, au-dessus de tous
+évêques, prêtres, moines; aussi faut-il qu'à son enterrement, ils
+aillent avec lui, étendus sur le dos.» C'est ainsi que nous ferions
+ensemble notre dernier voyage.» (1531. Cochlæus, p. 211. Extrait du
+livre de Luther intitulé: _Avis aux Allemands_.)
+
+Les catholiques, lui disait-on, vous reprochent plusieurs fausses
+interprétations dans votre traduction de l'Écriture. Il répondit: «Ils
+ont encore de trop longues oreilles, et leur _hihan! hihan!_ est trop
+faible pour juger une traduction du latin en allemand... Dis-leur que
+le docteur Martin Luther veut qu'il en soit ainsi, et qu'un papiste et
+un âne c'est la même chose.
+
+ _Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas._
+
+(Passage cité par Cochlæus, 201, verso.)
+
+
+ [a19] Page 21, ligne 15.—_Qu'ils nous rendent Léonard
+ Keiser..._
+
+«Non-seulement le titre de roi, mais celui de César lui est bien
+mérité, puisqu'il a vaincu celui dont le pouvoir ne trouve point
+d'égal sur la terre. Ce n'est pas seulement un prêtre, c'est un
+souverain pontife et un véritable pape, celui qui a offert ainsi son
+corps en sacrifice à Dieu. Avec juste raison l'appelait-on Léonhard,
+c'est-à-dire force du lion; c'était un lion fort et intrépide.» (22
+octobre 1527.)
+
+_A Hausmann._ «Je pense que tu auras vu l'histoire de Gaspard Tauber,
+le nouveau martyr de Vienne, qui a été décapité et brûlé dans cette
+ville pour la parole de Dieu. Il en est arrivé autant à un libraire de
+Bude, en Hongrie, qu'on a brûlé au milieu de ses livres.» (12 novembre
+1524.)
+
+Il y avait à Vienne des partisans de la nouvelle doctrine.
+«Lorsqu'après la diète d'Augsbourg le cardinal Campeggio entra dans
+la ville avec le roi Ferdinand, on habilla un petit homme de bois en
+cardinal, on lui attacha au cou des indulgences et le sceau du pape, et
+on le mit sur un chien qui avait à la queue une vessie de porc pleine
+de pois. On fit courir ce chien à travers toutes les rues.» (Tischr.,
+p. 251.)
+
+
+ [a20] Page 21, ligne 16.—_Qu'ils nous rendent Keiser et tant
+ d'autres qu'ils ont fait injustement mourir..._
+
+Si l'on en croyait Cochlæus, Luther se serait montré persécuteur à son
+tour. En 1532, un luthérien s'étant éloigné de ses opinions, Luther le
+fit enlever et conduire à Wittemberg, où il fut emprisonné; un procès
+fut commencé. Comme on ne trouva pas de charges suffisantes, il fallut
+le relâcher. Mais il fut toujours depuis sourdement persécuté par les
+luthériens. (Cochlæus, p. 218.)
+
+
+ [a21] Page 22, ligne 22.—_On se prépare à combattre..._
+
+Cependant on craignait tant de part et d'autre l'issue de la lutte,
+que, contre toute probabilité, la paix se maintint. «J'admire ce
+miracle de Dieu, que tant de menaces soient allées en fumée. Tout le
+monde en effet croyait qu'au printemps éclaterait en Allemagne une
+guerre atroce.» (juin 1531.)
+
+La crainte d'un nouveau soulèvement des paysans contribuait à
+entretenir les intentions pacifiques des princes. «Les paysans, écrit
+Luther, recommencent à s'assembler. Une soixantaine d'entre eux ont
+cherché à surprendre la nuit le château de Hohenstein. Tu vois que
+malgré la présence de l'Empereur, il faut prendre des précautions
+contre cette révolte; que serait-ce si les papistes commençaient la
+guerre?» (19 juillet 1530.)
+
+
+ [a22] Page 22, ligne 25.—_Luther fut accusé d'avoir poussé les
+ protestans à prendre cette attitude hostile..._
+
+Bien loin de là, il avait dès 1529 dissuadé l'Électeur d'entrer dans
+aucune ligue dirigée contre l'Empereur... «Nous ne saurions approuver
+une pareille alliance; s'il en résultait quelque malheur, peut-être
+même la guerre ouverte, tout retomberait sur notre conscience, et nous
+aimerions mieux être dix fois morts que d'avoir à nous reprocher du
+sang versé pour l'Évangile. Nous sommes ceux qui devons souffrir, comme
+dit le prophète, ceux qui ne doivent pas se venger eux-mêmes, mais
+tout remettre entre les mains de Dieu... Je supplie donc humblement
+votre Grâce électorale de ne pas se laisser abattre par ce danger.
+Nous allons élever nos prières à Dieu; mais nos mains doivent rester
+pures de sang et de crime. S'il arrivait (contre mon opinion) que
+l'Empereur allât jusqu'à me réclamer moi ou mes amis, nous irions,
+sous la protection de Dieu, comparaître devant lui, plutôt que de
+causer préjudice à votre Grâce électorale, comme je l'ai plusieurs
+fois déclaré à votre auguste frère, feu l'électeur Frédéric....» (18
+novembre 1529.)
+
+
+ [a23] Page 22, ligne 28.—_Résistance à l'Empereur..._
+
+Dans le livre des _Propos de table_ (p. 397, verso et suiv.) Luther
+parle plus explicitement: «Ce n'est point pour la religion que l'on
+combattra. L'Empereur a pris les évêchés d'Utrecht et de Liége; il a
+offert au duc de Brunswick de lui laisser prendre Hildesheim. Il est
+affamé et altéré des biens ecclésiastiques; il les dévore. Nos princes
+ne le souffriront pas; ils voudront manger avec lui. Alors on en
+viendra à se prendre aux bonnets.» (1530.)
+
+«J'ai souvent été interrogé par mon gracieux seigneur, sur la question
+de savoir ce que je ferais si un voleur de grand chemin, un meurtrier,
+venait m'attaquer. Je résisterais, dans l'intérêt du prince dont je
+suis sujet et serviteur; je puis tuer le voleur, mettre le couteau
+sur lui, et même ensuite recevoir les sacremens. Mais si c'est pour
+la parole de Dieu, et comme prédicateur, que l'on m'attaque, je dois
+souffrir et recommander la vengeance à Dieu. Aussi je ne prends point
+de couteau en chaire, mais sur la route. Les anabaptistes sont des
+coquins désespérés, ils ne portent aucune arme et se vantent d'une
+grande patience.»
+
+(1536.) «Comme je parlais pour la paix, le landgrave de Hesse me
+disait: Seigneur docteur, vous conseillez très bien; mais quoi? Si nous
+ne suivons pas vos conseils?»
+
+(1539.) Luther répond sur la question du droit de résistance «que,
+selon le droit public, le droit naturel et la raison, la résistance
+à l'autorité injuste est permise. Il n'y a de difficulté que dans le
+domaine de la théologie.
+
+»La question n'eût pas été difficile à résoudre au temps des apôtres,
+car toutes les autorités étaient alors païennes et non chrétiennes.
+Mais maintenant que tous les princes sont chrétiens ou prétendent
+l'être, il est difficile de conclure, car un prince et un chrétien sont
+les plus proches parens.—Qu'un chrétien puisse se défendre contre
+l'autorité, il y a là matière à de grandes réflexions.—... Au fond,
+c'est au pape que j'arrache l'épée, et non à l'Empereur.»
+
+Il résume ainsi lui-même les argumens qu'il eût pu adresser aux
+Allemands, s'il eût fait une exhortation à la résistance:
+
+«1. L'Empereur n'a ni droit ni puissance pour ordonner cela; c'est
+chose certaine, s'il l'ordonne, on ne doit point lui obéir. 2. Ce
+n'est pas moi qui excite le trouble, je l'empêche et je m'y oppose.
+Qu'ils voient s'ils n'en sont pas les auteurs, lorsqu'ils ordonnent ce
+qui est contre Dieu. 3. Ne badinez pas tant. Si vous faites boire le
+fou (narren Luprian), prenez garde qu'il ne vous crache au visage. Il
+est, d'ailleurs, assez altéré, et ne demande pas mieux que de boire
+son soûl. 4. Eh bien! vous voulez combattre; courbez vos têtes pour
+recevoir la bénédiction. Ayez bon succès! Dieu vous donne joyeuse
+victoire! Moi, docteur Martin Luther, votre apôtre, je vous ai parlé,
+je vous ai avertis, comme c'était mon devoir!»
+
+Il dit encore ailleurs: «Vous méprisez ma doctrine. Vous voulez prendre
+le Luther dans ses paroles, comme faisaient les Pharisiens au Christ.
+Mais si je voulais (je ne le veux point), j'aurais une glose pour
+vous embarrasser; je dirais que cette résistance n'est point contre
+l'Empereur, mais contre Dieu. D'un autre côté: qu'un politique, un
+citoyen, un sujet, n'est pas un chrétien, que ce n'a pas été la pensée
+de Christ de détruire les droits, la police et le gouvernement du
+monde. Rends à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César.
+N'obéis point dans ce qui est contre Dieu et sa parole.
+
+»Je condamne la révolte au péril de mon corps, de ma vie, de mon
+honneur et de mes biens. Je voudrais bien vous arrêter et vous retenir.
+Si vous commencez, je me tairai et périrai avec vous. Vous irez en
+enfer au nom de tous les diables, et moi au ciel au nom du Christ. Ils
+veulent abuser de notre doctrine, mais ils verront du moins qu'elle
+n'est point erronée en soi.
+
+»... Tuer un tyran n'est pas chose permise à l'homme qui n'est dans
+aucune fonction publique, car le cinquième commandement dit: Tu ne
+dois pas tuer. Mais si je surprends un homme près de ma femme ou de
+ma fille, quoiqu'il ne soit point un tyran, je pourrai fort bien le
+tuer. _Item_, s'il prend par force à celui-ci sa femme, à l'autre sa
+fille, au troisième ses terres et ses biens, que les bourgeois et
+sujets s'assemblent, ne sachant plus comment supporter sa violence et
+sa tyrannie, ils pourront le tuer, comme tout autre meurtrier ou voleur
+de grand chemin.» (Tischr., p. 397, verso, sqq.)
+
+»Le bon et vraiment noble seigneur Gaspard de Kokritz m'a demandé, mon
+cher Jean, que je t'écrivisse mon jugement sur le cas où César voudrait
+faire la guerre à nos princes, au sujet de l'Évangile. Serait-il alors
+permis aux nôtres de résister et de se défendre? J'avais déjà écrit
+mon opinion sur ce sujet, du vivant du duc Jean. Aujourd'hui il est un
+peu tard pour me demander mon avis, puisqu'il a été décidé parmi les
+princes qu'ils peuvent et veulent résister et se défendre, et qu'on
+ne s'en tiendra pas à mon dire... Ne fortifie pas le bras des impies
+contre nos princes; laisse le champ libre à la colère et au jugement de
+Dieu; ils l'ont cherché jusqu'à ce jour avec fureur, avec rire et avec
+joie. Cependant intimide les nôtres par cet exemple, que les Machabées
+ne suivirent pas ceux qui voulaient se défendre contre Antiochus, mais
+que dans la simplicité de leur cœur ils se laissèrent plutôt tuer.»
+(8 février 1539.)
+
+Dans son livre _De seculari potestate_, dédié au duc de Saxe, il dit:
+«En Misnie, en Bavière et en d'autres lieux, les tyrans ont promulgué
+un édit pour qu'on ait à livrer partout aux magistrats les Nouveaux
+Testamens. Si les sujets obéissent à l'édit, ce n'est pas un livre,
+qu'ils remettent au péril de leur salut, c'est Christ lui-même qu'ils
+livrent aux mains d'Hérode. Cependant, si on veut les enlever par
+la violence, il faut le souffrir; on ne doit point résister à la
+témérité.—Les princes sont du monde, et le monde est ennemi de Dieu.»
+
+«On ne doit pas obéir à César s'il veut faire la guerre à notre parti.
+Le Turc n'attaque pas son Alcoran, l'Empereur ne doit pas davantage
+attaquer son Évangile.» (Cochlæus, p. 210.)
+
+
+ [a24] Page 22, ligne 30.—_Voici mon avis..._
+
+L'Électeur avait demandé à Luther s'il serait permis de résister à
+l'Empereur les armes à la main. Luther répondit négativement, en
+ajoutant seulement: «Si cependant l'Empereur, non content d'être
+le maître des états des princes, allait jusqu'à exiger d'eux de
+persécuter, de mettre à mort, ou de chasser leurs sujets pour la
+cause de l'Évangile, les princes convaincus que ce serait agir contre
+la volonté de Dieu, devront lui refuser l'obéissance; autrement ils
+violeraient leur foi et se rendraient complices du crime. Il suffit
+qu'ils laissent faire l'Empereur, qui aura à en rendre compte, et
+qu'ils ne défendent pas leurs sujets contre lui.» Plus loin il dit,
+en parlant de la guerre civile: «Quel carnage et quelles lamentations
+couvriraient alors la terre allemande! Un prince devrait mieux aimer
+perdre trois fois ses états, ou mourir trois fois, que d'être la cause
+de si horribles bouleversemens, ou seulement d'y consentir. Quelle
+conscience pourrait le supporter! Le diable verrait cela avec plaisir;
+Dieu veuille nous en préserver à jamais!» (6 mars 1530.)
+
+
+ [a25] Page 26, ligne 8.—_Que l'on m'accuse ou non d'être trop
+ violent..._
+
+L'Électeur avait réprimandé Luther au sujet de deux écrits
+(_Avertissement à ses chers Allemands_, et _Gloses sur le prétendu
+édit impérial_) qu'il trouvait trop violens. Luther lui répondit
+(16 avril 1531) qu'il n'avait fait que repousser les attaques plus
+violentes encore de ses ennemis, et qu'il serait injuste de lui imposer
+silence lorsqu'on laissait tout dire à ses adversaires... «Il m'a
+été impossible de me taire plus long-temps dans cette affaire qui me
+concerne plus que tout autre. Si je gardais le silence devant une telle
+condamnation publique de ma doctrine, ne serait-ce pas l'abandonner, la
+renier? Plutôt que de le souffrir, je braverais la colère de tous les
+diables, celle du monde entier, sans parler de celle des conseillers
+impériaux.—On dit que mes deux écrits sont tranchans et bien affilés;
+l'on a raison: je ne les ai pas non plus faits pour être doux; le seul
+regret que j'aie c'est qu'ils ne soient pas plus tranchans encore. Si
+l'on considère la violence de mes adversaires, l'on sera forcé d'avouer
+que j'ai été trop bénin... Tout le monde crie contre nous; l'on
+vocifère les calomnies les plus odieuses; et moi, pauvre homme, j'élève
+la voix à mon tour, et voilà que personne n'aura crié que Luther... En
+somme, tout ce que nous disons et faisons est injuste, quand même nous
+ressusciterions les morts; tout ce qu'ils font, eux, est juste, quand
+même ils noieraient l'Allemagne dans les larmes et dans le sang.»
+
+
+ [a26] Page 26, ligne 16.—_Eh bien! puisqu'ils sont
+ incorrigibles..... je romps avec eux._ ...
+
+«Toujours jusqu'à présent (1534), particulièrement à la diète
+d'Augsbourg, nous avons humblement offert au pape et aux évêques de
+recevoir d'eux la consécration et l'autorité spirituelle, et de les
+aider à conserver ce droit; ils nous ont toujours repoussés. Et s'il
+arrive un jour, pour la consécration sacerdotale, ce qui est arrivé
+pour les indulgences, à qui sera la faute. J'ai offert aussi de me
+taire sur les indulgences si l'on voulait se taire sur ce que j'avais
+écrit; ils n'ont pas voulu, et aujourd'hui il n'y a plus assez de
+mépris par tout le monde pour les indulgences; indulgences, lettres
+papales, sceaux brisés gisent à terre. Ainsi disparaîtra le pouvoir de
+consacrer et le chrême et les tonsures, de sorte qu'on ne reconnaîtra
+plus où est l'évêque, où est le prêtre.» (Cochlæus, p. 245, extrait du
+_De angulari missâ_, Luth., op. lat., VII, p. 220.)
+
+
+ [a27] Page 28, ligne 3.—_Anabaptistes._
+
+Il y avait déjà long-temps qu'ils remuaient en Allemagne. «Nous avons
+ici une nouvelle espèce de prophètes, venus d'Anvers, qui prétendent
+que l'Esprit saint n'est autre chose que le génie et la raison
+naturelle. (27 mars 1525.)
+
+»Il n'y a rien de nouveau, sinon que l'on dit que les anabaptistes
+augmentent et se répandent de tous côtés. (28 décembre 1527.)
+
+»La nouvelle secte des anabaptistes fait d'étonnans progrès; ce sont
+des gens qui mènent une vie d'excellente apparence, et qui meurent avec
+grande audace par l'eau ou par le feu. (31 décembre 1527.)
+
+»Il y a beaucoup de troubles en Bavière.... il ne me semble pas à
+propos que tu les livres aux magistrats; ils se livreront eux-mêmes, et
+alors le conseil les bannira de la ville. Je vois partout la tradition
+de Münzer, sur la perdition future des impies et le règne des justes
+sur la terre. C'est ce que prophétise Cellarius dans un livre qu'il
+vient de publier; cet esprit est un esprit de révolte. (27 janvier
+1528.)»
+
+Le 12 mai 1528 il écrit à Link: «Tu as vu, je pense, mon
+_Antischwermerum_ et ma dissertation sur la bigamie des évêques. Le
+courage des anabaptistes mourans, ressemble à celui des donatistes
+dont parle Augustin, ou à la fureur des juifs dans Jérusalem dévastée.
+Les saints martyrs, comme notre Léonard Keiser, meurent avec crainte,
+humilité, et en priant pour leurs bourreaux; l'opiniâtreté de ceux-ci
+au contraire, lorsqu'ils vont à la mort, semble augmenter avec
+l'indignation de leurs ennemis.»
+
+
+ [a28] Page 51, ligne 2.—_Exécution..._
+
+_Extrait d'un ancien livre de chant des anabaptistes._ «Les paroles
+d'Algérius sont des miracles: «Ici, dit-il, les autres gémissent et
+pleurent, et moi j'y ressens de la joie. Dans ma prison, l'armée du
+ciel m'apparaît; je ne sais combien de martyrs habitent avec moi tous
+les jours. Dans la joie, dans les délices, dans l'extase de la grâce,
+je vois le Seigneur sur son trône.»
+
+»Mais ta patrie, lui disaient-ils, tes amis, tes parens, ta profession,
+peux-tu les quitter volontiers? Il dit aux envoyés: «Nul homme ne me
+bannit de ma patrie; elle est aux pieds du trône céleste, là où mes
+ennemis deviendront mes amis pour chanter le même cantique.
+
+»Médecins, artistes, ouvriers, ne peuvent ici-bas réussir; qui ne
+reconnaît la force de Dieu, n'a qu'une force aveugle.» Les juges
+furieux le menacèrent du feu. «Dans la puissance des flammes, dit
+Algérius, vous reconnaîtrez la mienne.» (Wunderhorn, t. I.)
+
+
+ [a29] Page 55.—_Fin du chapitre..._
+
+Les passages suivans de Ruchat (Réformation de la Suisse), font bien
+connaître le bizarre enthousiasme des anabaptistes. «L'an 1529, neuf
+anabaptistes furent saisis à Bâle, et mis en prison. On les fit venir
+devant le sénat, et on appela aussi les ministres pour conférer avec
+eux. D'abord Œcolampade leur expliqua en deux mots le symbole des
+apôtres et celui de saint _Athanase_, et leur représenta que c'était
+là la véritable et indubitable foi chrétienne, que Jésus-Christ et ses
+apôtres avaient prêchée. Ensuite le bourgmeistre, Adelbert Meyer, dit
+aux anabaptistes, qu'ils venaient d'entendre une bonne explication de
+la foi chrétienne, et que, «puisqu'ils se plaignaient des ministres,
+ils devaient présentement parler à cœur ouvert et exposer hardiment
+ce qui leur faisait de la peine.» Mais il n'y en eut pas un seul qui
+lui répondît un mot, ils se contentèrent de se regarder les uns les
+autres. Alors le premier huissier de la chambre dit à l'un d'eux,
+qui était tourneur de sa profession: «D'où vient que tu ne parles
+pas présentement, après avoir tant jasé ailleurs, dans la rue, dans
+les boutiques, et dans la prison?» Comme ils gardaient encore le
+silence, Marc Hedelin, chef des tribus, s'adressa au principal de ces
+gens-là, et lui dit: «Que réponds-tu, frère, à ce qui t'a été proposé?»
+L'anabaptiste lui répondit: «Je ne vous reconnais point pour frère.»
+«Comment?» lui dit ce seigneur. «Parce, dit l'autre, que vous n'êtes
+point chrétien. Amendez-vous premièrement, corrigez-vous, et quittez la
+magistrature.» «En quoi penses-tu donc, lui dit Hedelin, que je pèche
+tant?» «Vous le savez bien,» lui répondit l'anabaptiste.
+
+»Le bourgmeistre prit la parole, lui ordonna de répondre avec modestie
+et avec douceur, et le pressa vivement de parler sur la question dont
+il s'agissait. Sur quoi il répondit: «Qu'il ne croyait pas qu'un
+chrétien pût être dans une magistrature mondaine, parce que celui qui
+combat avec l'épée, périra par l'épée: Que le baptême des enfans est du
+diable, et une invention du pape; on doit baptiser les adultes, et non
+les petits enfans, selon l'ordre de Jésus-Christ.»
+
+»Œcolampade entreprit de le réfuter, avec toute la douceur possible,
+et de lui faire voir, que les passages qu'il avait cités, avaient un
+autre sens, comme tous les anciens docteurs en faisaient foi. «Mes
+chers amis, dit-il, vous n'entendez pas l'Écriture sainte et vous
+la maniez fort grossièrement.» Et comme il allait leur montrer le
+véritable sens de ces passages, l'un d'entre eux, qui était meunier,
+l'interrompit, le traitant de séducteur, qui caquetait beaucoup,
+et dit: «Que ce qu'il avait là allégué contre eux, ne faisait rien
+au sujet. Qu'ils avaient entre les mains la pure et propre parole
+de Dieu, et qu'ils voulaient s'y attacher toute leur vie, que le
+Saint-Esprit parlait maintenant par lui. Il s'excusait en même temps
+de ne pas parler éloquemment, disant qu'il n'avait pas étudié, qu'il
+n'avait été dans aucune université, et que dès sa jeunesse il avait haï
+la sagesse humaine, qui est pleine de tromperies. Qu'il connaissait
+bien la ruse des scribes, qui cherchaient perpétuellement à offusquer
+les yeux des simples.» Après quoi il se mit à crier et à pleurer,
+disant: «Qu'après avoir ouï la parole de Dieu, il avait renoncé à sa
+vie déréglée; et que maintenant que par le baptême il avait reçu le
+pardon de ses péchés, il était persécuté de chacun, au lieu que dans
+le temps qu'il était plongé dans toutes sortes de vices, personne ne
+l'avait châtié, ni mis en prison, comme on faisait présentement. Qu'on
+l'avait enfermé dans la tour, comme un meurtrier; quel était donc son
+crime? etc. La conférence ayant duré jusqu'à l'heure du dîner, le sénat
+se leva.
+
+»Après dîner, le sénat s'étant rassemblé, les ministres entrèrent en
+conférence avec les anabaptistes, au sujet de la magistrature. Et
+comme l'un d'eux eut donné des réponses assez satisfaisantes sur les
+questions qu'on lui avait proposées, cela fit chagrin aux autres,
+de ce qu'il n'était pas ferme dans leur doctrine. C'est pourquoi
+ils l'interrompirent. «Laisse-nous parler, lui dirent-ils, nous qui
+entendons mieux l'Écriture; nous pourrons mieux répondre sur ces
+articles, que toi, qui es encore un novice, et qui n'es pas capable de
+défendre notre foi contre les renards.» Alors le tourneur entrant en
+dispute, soutint que saint Paul (_Rom. XIII_) parlant des puissances
+supérieures, n'entend point les magistrats, mais les supérieurs
+ecclésiastiques. Œcolampade lui nia cela, et lui demanda en quel
+endroit de la Bible il le trouvait, et comment il le prouverait?
+L'autre lui dit: «Feuilletez aussi tout l'Ancien et le Nouveau
+Testament, et vous y trouverez que vous devez recevoir une pension;
+vous avez meilleur temps que moi, qui suis obligé de me nourrir du
+travail de mes mains, pour n'être à charge à personne.» Cette saillie
+fit un peu rire les assistans. Œcolampade leur dit: «Messieurs, il
+n'est pas temps maintenant de rire: si je reçois de l'Église mon
+entretien et ma nourriture, je puis prouver par l'Écriture, que cela
+est raisonnable: ainsi ce sont là des discours séditieux. Priez plutôt
+pour la gloire du Seigneur, afin que Dieu amollisse leurs cœurs
+endurcis et les éclaire.»
+
+«Après plusieurs autres discours, comme le temps de se lever
+approchait, il y en eut un, qui n'avait rien dit de tout le jour,
+qui se mit à hurler et à pleurer. «Le dernier jour est à la porte,
+disait-il, amendez-vous, la cognée est déjà mise à l'arbre; ne
+noircissez donc pas notre doctrine sur le baptême. Je vous en prie,
+pour l'amour de Jésus-Christ, ne persécutez pas les gens de bien.
+Certainement le juste juge viendra bientôt, et fera périr tous les
+méchans.»
+
+«Le bourgmeistre l'interrompit pour lui dire qu'on n'avait pas besoin
+de cette lamentation; qu'il devait raisonner sur les articles dont il
+était question. Il voulut continuer sur le même ton, mais on ne le lui
+permit pas. Enfin le bourgmeistre justifia la conduite du sénat, à
+l'égard des anabaptistes: il représenta qu'on les avait arrêtés, non
+pas à cause de l'Évangile, ni à cause de leur bonne conduite, mais à
+cause de leurs déréglemens, de leur parjure et de leur sédition. Que
+l'un d'eux avait commis un meurtre; un autre avait enseigné qu'on ne
+doit point payer les dîmes: un troisième avait excité des troubles,
+etc. Que c'était pour ces crimes qu'on les avait saisis, jusqu'à ce
+qu'on eût décidé quel traitement on leur ferait, etc.
+
+»Dans ce moment, l'un d'entre eux se mit à crier: «Mes frères, ne
+résistez point au méchant. Quand même l'ennemi serait devant votre
+porte, ne la fermez pas. Laissez-les venir, ils ne peuvent rien faire
+contre nous, sans la volonté du Père, puisque nos cheveux sont comptés.
+Je dis bien plus: il ne faut pas même résister à un brigand dans un
+bois. Ne croyez-vous pas que Dieu ait soin de vous?» On lui imposa
+silence. (Ruchat, _Réforme suisse_, II, p. 498.)
+
+_Autre dispute._—«Le ministre zwinglien leur parla amiablement et
+avec douceur, leur remontrant que, s'ils enseignaient la vérité, ils
+avaient tort de se séparer de l'Église, et de prêcher dans les bois,
+et dans d'autres lieux écartés. Ensuite il leur exposa en peu de mots
+la doctrine de l'Église. Un des anabaptistes l'interrompit, pour lui
+dire: «Nous avons reçu le Saint-Esprit par le baptême, nous n'avons
+pas besoin d'instruction.» Un des seigneurs députés leur dit: «Nous
+avons ordre de vous dire, qu'on veut bien vous laisser aller sans autre
+châtiment, pourvu que vous quittiez le pays et que vous promettiez
+de n'y plus revenir, à moins que vous ne vous amendiez.» L'un des
+anabaptistes lui répondit: «Quel ordre est-ce-là? le magistrat n'est
+point maître de la terre pour nous ordonner de sortir ou d'aller
+ailleurs. Dieu a dit: Habite le pays. Je veux obéir à ce commandement,
+et demeurer dans le pays où je suis né, où j'ai été élevé, et personne
+n'a le droit de s'y opposer.» Mais on lui fit bientôt éprouver le
+contraire. (Ruchat, t. III, p. 102.)
+
+«On vit à Bâle un anabaptiste nommé _Conrad in Gassen_, qui proférait
+des blasphèmes étranges, par exemple: «Que Jésus-Christ n'était point
+notre Rédempteur; qu'il n'était point Dieu, et qu'il n'était point
+né d'une Vierge.» Il ne faisait aucun cas de la prière, et comme on
+lui représentait que Jésus-Christ avait prié sur la montagne des
+Oliviers, il répondait avec une brutale insolence: «Qui est-ce qui l'a
+ouï?» Comme il était incorrigible, il fut condamné à avoir la tête
+tranchée.—Cet impie fanatique me fait souvenir d'un autre de nos
+jours, qui a séduit certaines personnes de notre voisinage, il y a
+quelques années, en leur persuadant qu'il ne fallait user ni de pain
+ni de vin. Et comme on lui objectait un jour à Genève, que le premier
+miracle de Jésus-Christ avait été de changer l'eau en vin, il répondit:
+«Que Jésus-Christ était encore jeune dans ce temps-là, et que c'était
+une petite faute qu'il fallait lui pardonner.» (Ruchat, _Réforme
+suisse_, t. III, p. 104.)
+
+La Réforme, née dans la Saxe, avait promptement gagné les bords du
+Rhin, et était allée, remontant le fleuve, s'associer dans la Suisse au
+rationalisme vaudois; elle osa même passer dans la catholique Italie.
+Mélanchton, qui entretenait correspondance habituelle avec Bembo et
+Sadolet, tous deux secrétaires apostoliques, fut d'abord beaucoup plus
+connu que Luther des érudits italiens. C'est à lui qu'on rapportait la
+gloire des premières attaques contre Rome. Mais la réputation de Luther
+grandissant avec l'importance de sa réforme, il apparut bientôt aux
+Italiens comme le chef du parti protestant. C'est à ce titre qu'Altieri
+lui écrit en 1542 au nom des églises protestantes du nord-est de
+l'Italie:
+
+«Au très excellent et très intègre docteur et maître dans les saintes
+Écritures, le seigneur Martin Luther, notre chef (princeps) et notre
+frère en Christ, les frères de l'église de Venise, Vicence et Trévise.
+
+»Nous avouons humblement notre faute et notre ingratitude, pour avoir
+tardé si long-temps à reconnaître ce que nous te devions à toi qui nous
+as ouvert la voie du salut... Nous sommes exposés à toute la rage de
+l'Antichrist, et sa cruauté augmente de jour en jour contre les élus
+de Dieu... Errans, dispersés, nous attendons que vienne le fort du
+Seigneur... Vous que Dieu a placé à la garde de son troupeau, jusqu'à
+sa venue, veillez, nous vous en supplions, chassez les loups qui nous
+dévorent... Sollicitez les sérénissimes princes de l'Allemagne qui
+suivent l'Évangile, d'écrire pour nous au sénat de Venise, afin de
+modérer et de suspendre les mesures violentes que l'on prend contre le
+troupeau du Seigneur, à la suggestion des ministres du pape.... Vous
+savez quel accroissement ont pris ici vos églises; combien est large
+la porte ouverte à l'Évangile... travaillez donc encore pour la cause
+commune.» (Seckendorf, lib. III, p. 401.)
+
+Charles-Quint contribua lui-même à répandre dans la péninsule le nom et
+les doctrines de Luther, en appelant sans cesse dans cette contrée de
+nouvelles bandes de landsknechts, parmi lesquels se trouvaient beaucoup
+de protestans. On sait que George Frundsberg, le chef des troupes
+allemandes du connétable de Bourbon, jurait d'étrangler le pape avec la
+chaîne d'or qu'il portait au cou.—L'auteur d'une histoire luthérienne
+rapporte qu'un de ces Allemands se vantait de manger bientôt un morceau
+du pape (_ut ex corpore papæ frustum devoret_). Il ajoute qu'après
+la prise de Rome plusieurs hommes d'armes changèrent une chapelle en
+écurie, et firent des bulles du pape une litière pour leurs chevaux,
+puis, se revêtant d'habits sacerdotaux, ils proclamèrent pape un
+landsknecht qui, dans son consistoire, déclara faire abandon de la
+papauté à Luther. (Cochlæus, p. 156).—Luther fut même solennellement
+proclamé. «Un certain nombre de soldats allemands s'assemblèrent un
+jour dans les rues de Rome, montés sur des chevaux et des mules. Un
+d'eux, nommé Grunwald, remarquable par sa taille, s'habilla comme le
+pape, se mit sur la tête une triple couronne, et monta sur une mule
+richement caparaçonnée; d'autres s'étaient habillés en cardinaux, avec
+une mitre sur la tête, et vêtus d'écarlate ou de blanc, suivant les
+personnages qu'ils représentaient. Ils se mirent ainsi en marche au
+bruit des tambours et des fifres, entourés d'une foule innombrable,
+et avec toute la pompe usitée dans les processions pontificales.
+Lorsqu'ils passaient devant quelques maisons où se trouvait un
+cardinal, Grunwald bénissait le peuple. Il descendit ensuite de sa
+mule, et les soldats, le plaçant sur un siége, le portèrent sur leurs
+épaules. Arrivé au château Saint-Ange, il prend alors une large coupe
+et boit à la santé de Clément, et ceux qui l'environnent suivent son
+exemple. Il prête ensuite serment à ses cardinaux, et ajoute qu'il les
+engage à rendre hommage à l'Empereur comme à leur légitime et unique
+souverain; il leur fait promettre qu'ils ne troubleront plus la paix
+de l'Empire par leurs intrigues, mais que, suivant les préceptes de
+l'Écriture et l'exemple de Jésus-Christ et des apôtres, ils demeureront
+soumis au pouvoir civil. Après une harangue dans laquelle il récapitula
+les guerres, les parricides et les sacriléges des papes, le prétendu
+pontife promit solennellement de transférer, par voie de testament,
+son autorité et sa puissance à Martin Luther. Lui seul, disait-il,
+pouvait abolir tous ces abus et réparer la barque de saint Pierre, de
+sorte qu'elle ne fût plus le jouet des vents et des flots. Élevant
+alors la voix, il dit aux assistans: «Que tous ceux qui sont de cet
+avis, le fassent connaître en levant la main.» Aussitôt la multitude
+des soldats leva la main en s'écriant: «_Vive le pape Luther!_» Toute
+cette scène se passait sous les yeux de Clément VII. (Macree, Réf. en
+Italie, p. 66-7.)
+
+Les ouvrages de Zwingli étant écrits en langue latine, circulaient plus
+facilement en Italie que ceux des réformateurs du nord de l'Allemagne,
+qui n'écrivaient point toujours dans la langue savante et universelle.
+Cette circonstance est sans doute une des causes du caractère que prit
+la réforme italienne, particulièrement dans l'académie de Vicence,
+où naquit le socinianisme. Cependant les livres de Luther passèrent
+de bonne heure les Alpes. Le 14 février 1519, le premier magistrat
+lui écrit: «Blaise Salmonius, libraire de Leipzig, m'a présenté
+quelques-uns de vos traités; comme ils ont eu l'approbation des
+savans, je les ai livrés à l'impression, et j'en ai envoyé six cents
+exemplaires en France et en Espagne. Ils se vendent à Paris, et mes
+amis m'assurent que même, dans la Sorbonne, il y a des gens qui les
+lisent et les approuvent. Des savans de ce pays désiraient aussi depuis
+long-temps voir traiter la théologie avec indépendance. Calvi, libraire
+de Pavie, s'est chargé de faire passer une grande partie de l'édition
+en Italie. Il nous promet même un envoi de toutes les épigrammes
+composées en votre honneur par les savans de son pays. Telle est la
+faveur que votre courage et votre habileté ont attirée sur vous et sur
+la cause de Christ.»
+
+Le 19 septembre 1520, Burchard Schenk écrit de Venise à Spalatin:
+«J'ai lu ce que vous me mandez du seigneur Martin Luther; il y a déjà
+long-temps que sa réputation est arrivée jusqu'à nous, mais on dit par
+la ville qu'il se garde du pape! Il y a deux mois, dix de ses livres
+furent apportés dans notre ville, et aussitôt vendus... Que Dieu le
+conduise dans la voie de la vérité et de la charité.» (Seckendorf, p.
+115.)
+
+Quelques ouvrages de Luther pénétrèrent même dans Rome, et jusque
+dans le Vatican, sous la sauve-garde de quelque pieux personnage
+dont le nom remplaçait en tête du livre celui de l'auteur hérétique.
+C'est ainsi que plusieurs cardinaux eurent à se repentir d'avoir loué
+hautement le _Commentaire sur l'Épître aux Romains_, et le _Traité sur
+la justification_ d'un certain cardinal Fregoso, qui n'était autre que
+Luther. Il en advint de même pour les _Lieux communs_ de Mélanchton.
+(Maccree, Réforme italienne, p. 39.)
+
+«Je m'occupe, dit Bucer dans une lettre à Zwingli, d'une interprétation
+des psaumes. Les instances de nos frères de la France et de l'Allemagne
+intérieure, me décident à les publier sous un nom étranger, afin
+que les libraires puissent les vendre. Car c'est un crime capital
+d'introduire dans ces deux pays des livres qui portent nos noms. Je me
+donnerai donc pour un Français, et je ferai paraître mon livre sous le
+nom d'Aretius Felinus.»—Il dédia ce livre au Dauphin. (Lugduni
+iii idus julii anno MDXXIX.)
+
+
+ [a30] Page 56, ligne 5.—_Les catholiques et les protestans
+ réunis un instant contre les anabaptistes..._
+
+Pour repousser les reproches des catholiques qui attribuaient aux
+prédicateurs protestans la révolte des anabaptistes, les Réformés
+de toutes les sectes cherchèrent encore une fois à se réunir. Une
+conférence eut lieu à Wittemberg (1536). Bucer, Capiton et plusieurs
+autres s'y rendirent au mois de mai, pour conférer avec les théologiens
+saxons. La conférence dura du 22 au 25, jour où fut signée la _Formule
+de concorde_ rédigée par Mélanchton. Le 28, Luther et Bucer prêchèrent
+à Wittemberg, et proclamèrent l'union qui venait de se conclure entre
+les deux partis. (Ukert, I, 307.)
+
+Avant de signer la formule de concorde, Luther voulut qu'elle fût
+approuvée explicitement par les réformés de la Suisse, «de peur,
+dit-il, que par des réticences, cette _Concorde_ ne donne lieu dans la
+suite à des discordes encore plus fâcheuses.» (janvier 1535.) Cette
+approbation fut donnée. «Les Suisses, écrit-il au duc Albert de Prusse,
+les Suisses, qui jusqu'ici n'étaient pas d'accord avec nous sur la
+question du saint Sacrement, sont en bon chemin; Dieu veuille ne pas
+nous abandonner! Bâle, Strasbourg, Augsbourg, Berne et plusieurs autres
+villes, se sont rangées de notre côté. Nous les recevons comme frères,
+et nous espérons que Dieu finira le scandale, non pas à cause de nous,
+car nous ne l'avons pas mérité, mais pour glorifier son nom et faire
+dépit à cet abominable pape. La nouvelle a beaucoup effrayé ceux de
+Rome. Ils sont dans la terreur et n'osent assembler un concile.» (6 mai
+1538.)
+
+Dans le même temps, des négociations étaient entamées avec Henri,
+duc de Brunswick, pour le rattacher aux doctrines luthériennes, mais
+elles restèrent sans résultat.—Le 23 octobre 1539, Luther écrivit
+à l'Électeur pour lui annoncer que les négociations avec les envoyés
+du roi d'Angleterre étaient également infructueuses. La lettre est
+signée de Luther, de Mélanchton, et de plusieurs autres théologiens de
+Wittemberg.
+
+
+ [a31] Page 57, ligne 25.—_Les armes seules pouvaient
+ décider..._
+
+«Le docteur Jean Pommer m'a dit une fois qu'à Lubeck, dans la maison
+de ville, on avait trouvé dans une vieille chronique, une prophétie
+d'après laquelle en l'an 1550, il s'élèverait dans l'Allemagne un grand
+tumulte à cause de la religion; et que, lorsque l'Empereur s'en serait
+mêlé, il perdrait tout ce qu'il avait. Mais je ne crois point que
+l'Empereur commence la guerre pour la cause du pape; la guerre coûte
+trop d'argent.»
+
+L'éditeur Aurifaber ajoute que Charles-Quint, dans sa retraite de
+Saint-Just, avait fait tendre les murs d'une vingtaine de tapisseries
+qui représentaient les principales actions de son règne; qu'il aimait
+à se promener en les regardant, et que, lorsqu'il s'arrêtait devant
+celle qui représentait la prise de l'électeur de Saxe à Muhlberg, il
+soupirait et disait: «Si je l'eusse laissé tel qu'il était, je serais
+resté tel que j'étais.» (Tischred., p. 6.)—Ce mot que l'éditeur a
+l'air de ne pas comprendre, peut-être à dessein, est fort raisonnable;
+car rien ne fut plus funeste à Charles-Quint que d'avoir donné
+l'électorat au jeune Maurice.
+
+
+ [a32] Page 58, ligne 7.—_Ratisbonne..._
+
+«Je veux devancer tes lettres et te prédire ce qui se passe à
+Ratisbonne même. Tu as été appelé par l'Empereur, il t'a dit de songer
+aux conditions de la paix. Toi, tu lui as répondu en latin, tu as
+fait tout ce que tu as pu, mais tu es resté au-dessous d'un si grand
+sujet. Eck, selon son habitude, a vociféré: «Très gracieux Empereur, je
+prétends prouver que nous avons raison et que le pape est la tête de
+l'Église.» Voilà votre histoire.» (25 juin 1541.)
+
+
+ [a33] Page 59, ligne 3.—_Notre prince... accourut avec
+ Pontanus et tous deux arrangèrent la réponse à leur façon..._
+
+La cour cherchait à exercer une sorte de contrôle, de haute
+surveillance sur les ouvrages même de Luther. En 1531, il avait écrit
+un livre intitulé: _Contre l'hypocrite de Dresde_, sans en avoir fait
+part à l'Électeur; il lui fallut s'en excuser auprès du chancelier
+Brück.
+
+«... Si mes petits ouvrages, dit-il, étaient envoyés à la cour, avant
+de paraître, ils y rencontreraient tant de critiques et de censures
+qu'ils ne paraîtraient jamais, et, s'ils paraissaient, nos ennemis
+soupçonneraient chaque fois une foule de gens d'y avoir pris part.
+De cette manière, l'on sait et l'on voit qu'ils sont tout uniment de
+Luther; et c'est à lui seul de s'en justifier.»
+
+Dans une autre circonstance plus sérieuse, il eut encore à lutter
+contre l'intervention de la cour. Albert, archevêque de Mayence, avait
+fait mettre à mort l'un de ses officiers, nommé Schanz, contrairement
+aux lois, et à en croire la voix publique, par haine personnelle.
+Luther lui adressa à cette occasion deux lettres pleines d'indignation.
+Il commençait ainsi la première (31 juillet 1535): «Je ne vous écris
+plus, cardinal, dans l'espoir de changer votre cœur profondément
+perverti. C'est une pensée à laquelle j'ai renoncé. Je vous écris
+pour satisfaire à ma conscience devant Dieu et les hommes, et ne
+pas approuver, par mon silence, l'acte horrible que vous venez de
+commettre.» Dans ce qui suit, il l'appelle cardinal d'enfer, et le
+menace du bourreau éternel qui viendra lui demander compte du sang
+versé. Dans la seconde lettre (mars 1536), il dit: «L'écrit ci-joint
+vous fera voir que le sang de Schanz ne se tait pas en Allemagne comme
+dans les appartemens de votre Grâce électorale, au milieu de vos
+courtisans. Abel vit en Dieu et son sang crie contre les meurtriers!...
+J'ai reconnu par la lettre de votre Grâce à Antoine Schanz que vous
+allez jusqu'à accuser sa famille d'être cause de sa mort. J'ai vu et
+entendu raconter mainte scélératesse de cardinal, mais je n'aurais
+jamais cru que vous fussiez une si cruelle et impudente vipère pour
+railler encore les malheureux, après cette abominable, cette infernale
+action!... J'ai recueilli les derniers cris de Schanz, au moment de sa
+détresse, ses dernières protestations contre la violence, lorsque votre
+Sainteté lui fit arracher les dents pour tirer de lui un faux aveu;
+je publierai ces paroles, et Dieu aidant, votre Sainteté dansera une
+danse qu'elle n'a jamais dansée!... Si Caïn sait dire: _Suis-je fait
+pour garder mon frère?_ Dieu sait aussi lui répondre: _Sois maudit sur
+la terre..._ Je vous recommande à Dieu, dit-il à la fin de la lettre,
+si toutefois le chapeau de sang (le chapeau rouge de cardinal) vous
+laisse désirer de lui être recommandé.»
+
+L'électeur de Saxe et le duc Albert de Prusse, parens du cardinal,
+trouvèrent trop violent l'écrit dont Luther parlait dans cette lettre.
+Ils lui firent dire qu'il attaquait l'honneur de la famille dans la
+personne de l'archevêque, et lui commandèrent d'user de ménagemens.
+Luther n'en publia pas moins son écrit quelque temps après.
+
+
+ [a34] Page 59, ligne 18.—_Ils regardent toute cette affaire
+ comme une comédie..._
+
+Dès le commencement des conférences, Luther avait prévu qu'elles ne
+mèneraient à rien. Il se défiait même de la fermeté de Bucer et du
+landgrave de Hesse. Il dit dans une lettre au chancelier Brück: «Je
+crains que le Landgrave ne se laisse entraîner trop loin par les
+papistes, et qu'il ne veuille nous entraîner avec lui. Mais il nous a
+déjà suffisamment tiraillés et je ne me laisserai plus mener par lui.
+Je reprendrais plutôt tout le fardeau sur mes épaules, et je marcherais
+seul, à mes risques et périls, comme dans le commencement. Nous savons
+que c'est la cause de Dieu; c'est lui qui nous a suscités, qui nous a
+conduits jusqu'ici, il saura bien faire triompher sa cause. Ceux qui ne
+voudront pas nous suivre, n'ont qu'à rester en arrière. Ni l'Empereur,
+ni le Turc, ni tous les Démons ensemble, ne pourront rien contre cette
+cause, quoi qu'il en puisse advenir de nous et de ce corps mortel.—Je
+m'indigne qu'ils traitent ces affaires comme des affaires mondaines,
+des affaires d'Empereur, de Turcs, de princes, dans lesquelles on
+puisse transiger à volonté, avancer ou reculer. C'est une cause dans
+laquelle Dieu et Satan combattent avec tous leurs anges. Ceux qui ne le
+croient pas, ne peuvent pas la défendre.» (avril 1541.)
+
+
+ [a35] Page 59, ligne 24.—_Je suis indigné qu'on se joue ainsi
+ de si grandes choses..._
+
+«Je vais à Haguenau; je verrai de près ce formidable Syrien, ce
+Behemoth dont se rit, au psaume II, l'habitant du ciel... Mais ils ne
+comprendront point ce rire, jusqu'au moment où finira ce chant funèbre:
+Vous périrez dans la route, quand se lèvera sa colère, parce qu'ils
+ont refusé un baiser au Fils (peribitis in viâ, cum exarserit
+ira ejus, quia Filium nolunt osculari).—Amen, amen, que cela
+arrive. Ils l'ont mérité, ils l'ont voulu.» (2 juillet 1540.)
+
+
+ [a36] Page 64, ligne 15.—_Fait à Wittemberg..._
+
+On trouve dans les _Propos de table_, p. 320:
+
+«Le mariage secret des princes et des grands seigneurs est un vrai
+mariage, devant Dieu; il n'est pas sans analogie avec le concubinat
+des patriarches.» (Ceci expliquerait la consultation en faveur du
+Landgrave.)
+
+
+ [a37] Page 65, ligne 19.—_Depuis cette époque, les lettres de
+ Luther, comme celles de Mélanchton, sont pleines de dégoût et
+ de tristesse._
+
+«L'ingratitude des hommes, c'est le cachet d'une bonne œuvre; si nos
+efforts plaisaient au monde, à coup sûr ils ne seraient point agréables
+à Dieu.» (6 août 1539.)
+
+«La tristesse et la mélancolie viennent de Satan; c'est pour moi une
+chose sûre. Dieu n'afflige, ni n'effraie, ni ne tue; il est le Dieu
+des vivans. Il a envoyé son fils unique, pour que nous vivions par
+lui, pour qu'il surmonte la mort. C'est pourquoi l'Écriture dit: Soyez
+contens et joyeux, etc.» (Tischreden, p. 205, verso.)
+
+_Sur la tristesse._—«Vous ne pouvez empêcher, disait un sage, que les
+oiseaux ne volent au-dessus de votre tête; mais vous empêcherez qu'ils
+ne fassent leurs nids dans vos cheveux.» (19 juin 1530.)
+
+Jean de Stockhausen avait demandé à Luther des remèdes contre les
+tentations spirituelles et la mélancolie. Luther lui conseilla dans
+une lettre d'éviter la solitude et de fortifier sa volonté par une vie
+active, laborieuse. Il lui recommanda, outre la prière, la lecture du
+livre de Gerson: _De cogitationibus blasphemiæ_. (27 novembre 1532.)
+
+Il donna des conseils semblables au jeune prince Joachim d'Anhalt,
+«La gaîté, dit-il, et le bon courage (en tout bien et tout honneur)
+sont la meilleure médecine des jeunes gens, disons mieux, de tous les
+hommes. Moi-même qui ai passé ma vie dans la tristesse et les pensées
+sombres, j'accepte aujourd'hui la joie partout où elle se présente,
+je la recherche même. La joie criminelle vient de Satan, il est vrai,
+mais la joie qu'on trouve dans le commerce d'hommes honnêtes et pieux,
+celle-là plaît au Seigneur..... Montez à cheval, allez à la chasse avec
+vos amis, amusez-vous avec eux. La solitude et la mélancolie sont un
+poison; c'est la mort des hommes, et surtout des hommes jeunes.» (26
+juin 1534.)
+
+Mélanchton raconta un jour à la table de Luther la fable suivante:
+«Un paysan traversant une forêt, rencontra une caverne où se trouvait
+un serpent. Une grande pierre roulée devant, empêchait l'animal d'en
+sortir. Il supplia le paysan d'enlever la pierre, lui promettant la
+plus belle récompense. Le paysan se laissa tenter, délivra le serpent,
+et lui demanda le prix de sa peine. A quoi le serpent répondit qu'il
+allait lui donner la récompense que le monde donne à ses bienfaiteurs,
+qu'il allait le tuer. Tout ce que le paysan put obtenir par ses
+supplications, fut qu'ils remettraient leur différend au jugement du
+premier animal qu'ils rencontreraient. Ce fut d'abord un vieux cheval
+qui n'avait plus que la peau et les os. Pour toute réponse, il dit:
+«J'ai consumé tout ce que j'avais de force au service de l'homme; pour
+récompense, il va me tuer, m'écorcher.» Ils rencontrèrent ensuite un
+vieux chien que son maître venait de rouer de coups; ce nouvel arbitre
+donna même décision. Le serpent voulait alors tuer son bienfaiteur.
+Celui-ci obtint qu'ils prendraient un nouveau juge, et que la sentence
+de ce dernier serait décisive. Après avoir marché quelques pas, ils
+virent venir à eux un renard. Dès que le paysan l'aperçut, il invoqua
+son secours, et lui promit tous ses poulets, s'il rendait une décision
+favorable. Le renard ayant entendu les parties, dit qu'avant de
+prononcer, il fallait remettre toutes choses dans leur premier état;
+que le serpent devait retourner dans la caverne pour entendre le
+jugement. Le serpent consentit, et, dès qu'il y fut, le paysan boucha
+le trou de son mieux. Le renard vint la nuit suivante prendre les
+poulets qui lui étaient promis; mais la femme et les valets du paysan
+le tuèrent.» Mélanchton ayant fini ce conte, le docteur dit: «Voilà
+bien l'image de ce qu'on voit dans le monde. Celui que vous avez sauvé
+de la potence vous fait pendre. Si je n'avais d'autre exemple, je
+n'aurais qu'à penser à Jésus-Christ qui, après avoir racheté le monde
+entier du péché, de la mort, du diable et de l'enfer, fut crucifié par
+les siens mêmes.» (Tischreden, p. 56.)
+
+Les plaisanteries, les jeux de mots qui se rencontrent si souvent
+dans les lettres des années précédentes, ont disparu dans celles-ci;
+la correspondance de Luther devient triste; c'est à peine si on le
+voit sourire une seule fois; le récit grotesque d'une expédition
+militaire de quelques bourgeois contre des brigands, peut tout au plus
+le dérider: «Voici encore une nouvelle victoire de Kohlhase (fameux
+brigand dont la vie est racontée dans un curieux roman historique); il
+a pris et enlevé un riche meunier. Sitôt que nous avons su la chose,
+nous nous sommes courageusement précipités à travers les campagnes,
+pas trop loin cependant de nos murailles, et comme il convient à des
+saints Christophes en peinture ou à des saints Georges de bois, nous
+avons effrayé les nuées de quelques coups de fusil... Nous avons fait
+transporter dans la ville nos bois, nos arbres, de peur que, la nuit,
+Kohlhase n'en fasse un pont pour passer nos petits fossés. Nous sommes
+tous des Hectors et des Achilles, ne craignant personne, bien que nous
+soyons seuls et sans ennemis.»
+
+
+ [a38] Page 67, ligne 25.—_Poison..._
+
+En 1541, un bourgeois de Wittemberg, nommé Clémann Schober, suivit
+Luther l'arquebuse à la main, dans l'intention probable de le tuer. Il
+fut arrêté et puni. (Ukert I, 323.)
+
+
+ [a39] Page 71, ligne 4.—_Famille..._
+
+_A Marc Cordel._ «Comme nous en sommes convenus, mon cher Marc, je
+t'envoie mon fils Jean, afin que tu l'emploies à exercer des enfans
+dans la grammaire et la musique, et en même temps, pour que tu
+surveilles et corriges ses mœurs... Si tes soins prospèrent pour ce
+fils, tu en auras, de mon vivant, deux autres... Je suis en travail
+de théologiens, mais je veux enfanter aussi des grammairiens et des
+musiciens.» (26 août 1542.)
+
+Le docteur Jonas avait dit un jour que la malédiction de Dieu sur les
+enfans désobéissans, s'était accomplie dans la famille de Luther; le
+jeune homme dont il parlait était toujours malade et souffrant. Le
+docteur Luther ajouta «C'est la punition due à sa désobéissance. Il
+m'a presque tué une fois, et, depuis ce temps, j'ai perdu toutes les
+forces de mon corps. Grâce à lui, j'ai compris le passage où saint Paul
+parle des enfans qui tuent leurs parens, non par l'épée, mais par la
+désobéissance. Ils ne vivent guère, et n'ont pas de bonheur... O mon
+Dieu! que le monde est impie, et dans quels temps nous vivons! Ce sont
+les temps dont Jésus-Christ a dit: «Quand le fils de l'homme viendra,
+croyez-vous qu'il trouvera de la foi et de la charité?» Heureux ceux
+qui meurent avant de voir des temps pareils.» (Tischreden, p. 48.)
+
+
+ [a40] Page 71, ligne 4.—_La femme..._
+
+«La femme est le plus précieux des trésors. Elle est pleine de grâces
+et de vertus; elle garde la foi.»
+
+—«Le premier amour est violent, il nous enivre et nous enlève la
+raison. L'ivresse passée, les âmes pieuses conservent l'amour honnête;
+les impies n'en conservent rien.»
+
+—«Mon doux Seigneur! si c'est ta volonté sainte que je vive sans
+femme, soutiens-moi contre les tentations; sinon, veuille m'accorder
+une bonne et pieuse jeune fille, avec laquelle je passe doucement
+ma vie, que j'aime et dont je sois aimé en retour.» (Tischreden, p.
+329-31.)
+
+
+ [a41] Page 71, ligne 8.—_Asseyons-nous à sa table..._
+
+Il y était toujours entouré de ses enfans et de ses amis, Mélanchton,
+Jonas, Aurifaber, etc., qui l'avaient soutenu dans ses travaux.
+Une place à cette table était chose enviée.—«J'aurais volontiers,
+écrit-il à Gaspard Muller, reçu Kégel au nombre de mes pensionnaires,
+pour différentes raisons; mais le jeune Porse de Jéna allant bientôt
+revenir, la table sera pleine, et je ne puis pourtant congédier mes
+anciens et fidèles compagnons. Si cependant il se trouve plus tard une
+place vacante, comme cela pourrait arriver après Pâques, je ferai avec
+plaisir ce que vous désirez, à moins que _le seigneur_ Catherine, ce
+que je ne pense pas, ne veuille nous refuser sa grâce.» (19 janvier
+1536.) _Dominus Ketha_, c'était le nom qu'il donnait souvent à sa
+femme. Il commence ainsi une lettre qu'il lui écrit le 26 juillet 1540:
+«A la riche et noble dame de Zeilsdorf[7], madame la _doctoresse_
+Catherine Luther, domiciliée à Wittemberg, quelquefois se promenant à
+Zeilsdorf, ma bien-aimée épouse.»
+
+ [7] Nom d'un village près duquel Luther possédait une petite
+ terre.
+
+
+ [a42] Page 77, ligne 8.—_Mariage..._
+
+«Le mariage, que l'autorité approuve et qui n'est point contre la
+parole de Dieu, est un bon mariage, quel que soit le degré de parenté.»
+(Tischreden, page 321.)
+
+Il blâmait fort les juristes qui, «contre leur propre conscience,
+contre le droit naturel, divin et impérial, maintenaient comme valables
+les promesses secrètes de mariage. On doit laisser chacun s'arranger
+avec sa conscience. On ne peut forcer personne à l'amour.
+
+«Les dots, présens de lendemain, biens, héritages, etc., ne regardent
+que l'autorité. Je veux les lui renvoyer, afin qu'elle en charge
+ses gens, ou qu'elle décide elle-même. Nous sommes pasteurs des
+consciences, non des corps ou des biens.» (Tischreden, p. 315)
+
+Consulté dans un cas d'adultère, il dit: «On doit les citer et ensuite
+les séparer. De tels cas regardent proprement l'autorité, car le
+mariage est une chose temporelle. Il n'intéresse l'Église qu'en ce qui
+touche la conscience.» (Tischreden, p. 322.)
+
+L'an 1539, 1er février, il disait: «Quoique les affaires relatives aux
+mariages nous obligent tous les jours d'étudier, de lire, de prêcher,
+d'écrire et de prier, je me réjouis que les consistoires soient
+établis, surtout pour ce genre d'affaires... On trouve beaucoup de
+parens, particulièrement des beaux-pères qui, sans raison, défendent
+le mariage à leurs enfans. L'autorité et les pasteurs doivent y voir,
+et favoriser les mariages, même contre la volonté des parens, selon
+les diverses occurrences... Les enfans doivent citer à leurs parens
+l'exemple de Samson. Nous ne sommes plus au temps de la papauté, où
+l'on suivait la loi contre l'équité.» (Tischreden, p. 322.)
+
+
+ [a43] Page 81, ligne 12.—_Ma femme et mes petits enfans..._
+
+Durant la diète d'Augsbourg, il écrivit à son fils Jean: «Grâce et paix
+à toi, en Jésus-Christ, mon cher petit enfant. Je vois avec plaisir
+que tu apprends bien et que tu pries sans distraction. Continue, mon
+enfant, et, quand je reviendrai à la maison, je te rapporterai quelque
+belle chose.
+
+»Je sais un beau et riant jardin, tout plein d'enfans en robes d'or,
+qui vont jouant sous les arbres avec de belles pommes, des poires,
+des cerises, des noisettes et des prunes; ils chantent, ils sautent,
+et sont tout joyeux; ils ont aussi de jolis petits chevaux avec des
+brides d'or et des selles d'argent. En passant devant ce jardin, je
+demandais à l'homme à qui il appartient, quels étaient ces enfans? Il
+me répondit: «Ce sont ceux qui aiment à prier, à apprendre, et qui sont
+pieux.» Je lui dis alors: «Cher ami, j'ai aussi un enfant, c'est le
+petit Jean Luther; ne pourrait-il pas aussi venir dans ce jardin manger
+de ces belles pommes et de ces belles poires, monter sur ces jolis
+petits chevaux, et jouer avec les autres enfans?» L'homme me répondit:
+«S'il est bien sage, s'il prie et apprend volontiers, il pourra aussi
+venir, le petit Philippe et le petit Jacques avec lui; ils trouveront
+ici des fifres, des timbales et autres beaux instrumens pour faire
+de la musique; ils danseront et tireront avec de petites arbalètes.»
+En parlant ainsi, l'homme me montra, au milieu du jardin, une belle
+prairie pour danser, où l'on voyait suspendus les fifres, les timbales,
+et les petites arbalètes. Mais il était encore matin, les enfans
+n'avaient pas dîné, et je ne pouvais attendre que la danse commençât.
+Je dis alors à l'homme: «Cher seigneur, je vais vite écrire à mon cher
+petit Jean, afin qu'il soit bien sage, qu'il prie et qu'il apprenne,
+pour venir aussi dans ce jardin; mais il a une tante Madeleine qu'il
+aime beaucoup, pourra-t-il l'amener avec lui?» L'homme me répondit:
+«Oui, ils pourront venir ensemble, faites-le-lui savoir.» Sois donc
+bien sage, mon cher enfant; dis à Philippe et à Jacques de l'être
+aussi, et vous viendrez tous ensemble jouer dans ce beau jardin.—Je
+te recommande à la protection de Dieu. Salue de ma part la tante
+Madeleine, et donne-lui un baiser pour moi. Ton père qui te chérit.
+Martin LUTHER.» (19 juin 1530.)
+
+
+ [a44] Page 84.—_Fin du chapitre..._
+
+«Dieu sait tous les métiers mieux que personne. Comme tailleur, il fait
+au cerf une robe qui lui sert neuf cents ans sans se déchirer. Comme
+cordonnier, il lui donne une chaussure qui dure encore plus long-temps
+que lui. Et ne s'entend-il pas à la cuisine, lui qui par le feu du
+soleil fait tout cuire et tout mûrir. Si notre Seigneur vendait les
+biens qu'il donne, il en ferait passablement d'argent; mais parce qu'il
+les donne gratis, on n'en tient pas compte.» (Tischr., p. 27.)
+
+Ce passage bizarre et un assez grand nombre d'autres, nous montrent
+dans Luther le modèle probable d'Abraham de Sancta Clara. Au
+dix-septième siècle, on n'imitait plus que les défauts de Luther.
+
+
+ [a45] Page 87, ligne 15.—_Le décalogue..._
+
+«Me voilà devenu disciple du décalogue. Je commence à comprendre que le
+décalogue est la dialectique de l'Évangile, et l'Évangile la rhétorique
+du décalogue; Christ a tout ce qui est de Moïse, mais Moïse n'a pas
+tout ce qui est de Christ.» (20 juin 1530.)
+
+
+ [a46] Page 88, ligne 9.—_Il y aura un nouveau ciel, une
+ nouvelle terre..._
+
+«Le grincement de _dents dont parle l'Évangile_, c'est la dernière
+peine qui suivra une mauvaise conscience, la désolante certitude d'être
+à jamais séparé de Dieu.» (Tischr., p. 366.) Ainsi Luther semble avoir
+une idée plus spirituelle de l'enfer que du paradis.
+
+
+ [a47] Page 89, ligne 10.—_Autrefois on faisait des
+ pélerinages..._
+
+A Jean de Sternberg, en lui dédiant la traduction du psaume CXVII: «...
+Si je vous ai nommé en tête de ce petit travail, ce n'a pas seulement
+été pour attirer l'attention des gens qui méprisent tout art et tout
+savoir, mais aussi pour témoigner qu'il y a encore des gens pieux parmi
+la noblesse. La plupart des nobles sont aujourd'hui si insolens et si
+dépravés, qu'ils excitent la colère du pauvre homme... S'ils voulaient
+être respectés, ils devraient avant tout respecter eux-mêmes Dieu
+et sa parole. Qu'ils continuent de vivre ainsi dans l'orgueil, dans
+l'insolence, dans le mépris de toute vertu, et ils ne seront bientôt
+plus que des paysans; ils le sont déjà, quoiqu'ils portent encore le
+nom de nobles et le chapeau à plumes... Ils devraient cependant se
+souvenir de Münzer...
+
+»... Je souhaite que ce petit livre, et d'autres qui lui ressemblent,
+touchent votre cœur, et que vous y fassiez un pélerinage plus utile au
+salut, que celui que vous avez fait autrefois à Jérusalem. Non que je
+méprise ces pélerinages; j'en ferais moi-même bien volontiers, si je
+pouvais, et j'aime toujours à en entendre parler; mais je veux dire
+que nous ne les faisions pas dans un bon esprit. Quand j'allai à Rome,
+je courus comme un fou à travers toutes les églises, tous les couvens;
+je crus tout ce que les imposteurs y avaient jamais inventé. J'y dis
+une dizaine de messes, et je regrettais presque que mon père et ma mère
+fussent encore en vie. J'aurais tant aimé à les tirer du purgatoire
+par ces messes et autres bonnes œuvres! On dit à Rome ce proverbe:
+Heureuse la mère dont le fils dit la messe la veille de la Saint-Jean!
+Que j'aurais été aise de sauver ma mère!
+
+»Nous faisions ainsi, ne sachant pas mieux; le pape tolère ces
+mensonges. Aujourd'hui, Dieu merci, nous avons les évangiles,
+les psaumes, et autres paroles de Dieu; nous pouvons y faire des
+pélerinages plus utiles, y visiter et contempler la véritable terre
+promise, la vraie Jérusalem, le vrai paradis. Nous n'y marchons pas sur
+les tombeaux des saints et sur leurs dépouilles mortelles, mais dans
+leurs cœurs, dans leurs pensées et leur esprit...» (Cobourg, 29 août
+1530.)
+
+
+ [a48] Page 89, ligne 13.—_Pour visiter les saints._
+
+«Les saints ont souvent péché, souvent erré. Quelle fureur de
+nous donner toujours leurs actes et leurs paroles pour des règles
+infaillibles! Qu'ils sachent, ces sophistes insensés, ces pontifes
+ignares, ces prêtres impies, ces moines sacriléges, et le pape avec
+toute sa sequelle.... que nous n'avons pas été baptisés au nom
+d'Augustin, de Bernard, de Grégoire, au nom de Pierre ni de Paul, au
+nom de la bienfaisante faculté théologique de la Sodome (Sorbonne) de
+Paris, de la Gomorrhe de Louvain, mais au nom du seul Jésus-Christ
+notre maître.» (_De abrogandâ missâ privatâ._ Op. lat. Lutheri, Witt.,
+II, 245.)
+
+«Les véritables saints, ce sont toutes les autorités, tous les
+serviteurs de l'Église, tous les parens, tous les enfans qui croient en
+Jésus-Christ, qui ne commettent point de péché, et qui accomplissent,
+chacun dans sa condition, les devoirs que Dieu leur impose.»
+(Tischreden, 134, verso.)
+
+Luther croit peu aux légendes des saints, et déteste surtout celles des
+anachorètes. «... Si l'on a fait quelque excès du côté du boire ou du
+manger, on peut l'expier avec le jeûne et la maladie...»
+
+«La légende de saint Christophe est une belle poésie chrétienne. Les
+Grecs qui étaient des gens doctes, sages et ingénieux, ont voulu
+montrer ce que doit être un chrétien (_christoforos_, qui porte le
+Christ). Il en est de même du chevalier saint George. La légende de
+sainte Catherine est contraire à toute l'histoire romaine, etc.»
+
+
+ [a49] Page 89, ligne 16.—_Les prophètes._
+
+«Je sue sang et eau pour donner les prophètes en langue vulgaire. Bon
+Dieu! quel travail! comme ces écrivains juifs ont de la peine à parler
+allemand. Ils ne veulent pas abandonner leur hébreu pour notre langue
+barbare. C'est comme si Philomèle, perdant sa gracieuse mélodie, était
+obligée de chanter toujours avec le coucou une même note monotone.»
+(14 juin 1528.)—Il dit ailleurs qu'en traduisant la Bible, il mettait
+souvent plusieurs semaines à chercher le sens d'un mot. (Ukert, II, p.
+337.)
+
+A Jean Frédéric, duc de Saxe, en lui envoyant sa traduction du prophète
+Daniel. «... Les historiens racontent avec éloge que le grand Alexandre
+portait toujours Homère sur lui et le mettait même la nuit sous sa
+tête: combien serait-il plus juste que le même honneur, ou un plus
+grand encore, fût rendu à Daniel par tous les rois et princes de la
+terre! Ils ne devraient pas le mettre sous leur tête, mais le déposer
+dans leur cœur, car il enseigne des choses bien plus hautes.» (février
+ou mars 1530.)
+
+
+ [a50] Page 92, ligne 10.—_Psaumes..._
+
+A l'abbé Frédéric, de Nuremberg, en lui dédiant la traduction du psaume
+CXVIII: «... C'est mon psaume à moi, mon psaume de prédilection. Je
+les aime bien tous; j'aime toute l'Écriture sainte, qui est toute ma
+consolation et ma vie; cependant je me suis attaché particulièrement
+à ce psaume, et j'ai en vérité le droit de l'appeler mien. Il a aussi
+bien mérité de moi; il m'a sauvé de mainte grande nécessité d'où ni
+Empereur, ni rois, ni sages, ni saints, n'eussent pu me tirer. C'est
+mon ami, qui m'est plus cher que tous les honneurs, toute la puissance
+de la terre. Je ne le donnerais pas en échange, si l'on m'offrait tout
+cela.
+
+»Mais, dira-t-on, ce psaume est commun à tous; personne n'a le droit
+de le dire sien. Oui, mais le Christ est bien aussi commun à tous, et
+pourtant le Christ est mien. Je ne suis pas jaloux de ma propriété; je
+voudrais la mettre en commun avec le monde entier... Et plût à Dieu que
+tous les hommes revendiquassent ce psaume comme étant à eux! Ce serait
+la querelle la plus touchante, la plus agréable à Dieu, une querelle
+d'union et de charité parfaite.» (Cobourg, 1er juillet 1530.)
+
+
+ [a51] Page 94, ligne 12.—_Des Pères..._
+
+Dès le commencement de l'année 1519, il écrivait à Jérôme Düngersheim
+une lettre remarquable sur l'importance et l'autorité des Pères de
+l'Église. «L'évêque de Rome est au-dessus de tous par sa dignité. C'est
+à lui qu'il faut s'adresser dans les cas difficiles et dans les grandes
+nécessités. J'avoue cependant que je ne saurais défendre contre les
+Grecs cette suprématie que je lui accorde.
+
+»Si je reconnaissais au pape le pouvoir de tout faire dans l'Église,
+je devrais, comme conséquence de cette doctrine, traiter d'hérétiques,
+Jérôme, Augustin, Athanase, Cyprien, Grégoire et tous les évêques
+d'Orient qui ne furent pas établis par lui ni sous lui. Le concile
+de Nicée ne fut pas réuni par son autorité; il n'y présida ni par
+lui-même, ni par un légat. Que dirai-je des décrets de ce concile? Les
+connaît-on bien? Sait-on lesquels d'entre eux il faut reconnaître?...
+C'est votre coutume à toi et à Eck, d'accepter les paroles de tout
+le monde, de modifier l'Écriture par les Pères, comme s'il fallait
+plutôt croire en eux. Pour moi, je fais tout autrement. Comme Augustin
+et saint Bernard, en respectant toutes les autorités, je remonte des
+ruisseaux jusqu'au fleuve qui leur donne naissance.»—Suivent plusieurs
+exemples des erreurs dans lesquelles les Pères sont tombés. Luther
+les critique en philologue, montrant qu'ils n'ont pas compris le
+texte hébreu. «De combien d'autorités Jérôme n'abuse-t-il pas contre
+Jovinien? Augustin contre Pélage?—Ainsi Augustin dit que ce verset de
+la Genèse: Faisons l'homme à notre image, est une preuve de la Trinité,
+mais il y a dans le texte hébreu: Je ferai l'homme, etc.—Le Maître
+des sentences a donné un bien funeste exemple en s'efforçant de faire
+accorder les paroles de tous les Pères. Il résulte de là que nous
+devenons la risée des hérétiques, quand nous nous présentons devant eux
+avec ces phrases obscures ou à double sens. Eck se fait le champion de
+toutes les opinions diverses et contraires. C'est là-dessus que roulera
+notre dispute.» (1519.)
+
+—«J'admire toujours comment après les apôtres, Jérôme a pu mériter le
+nom de Docteur de l'Église, Origène celui de Maître des Églises... On
+ne pourrait faire un seul chrétien avec leurs livres... tant ils sont
+séduits par la pompe des œuvres. Augustin lui-même ne vaudrait pas
+davantage, si les Pélagiens ne l'avaient rudement exercé, et contraint
+de défendre la foi.» (26 août 1530.)
+
+—«Celui qui a osé comparer le monachat au baptême était complètement
+fou; c'était plutôt une bûche qu'une bête. Eh! quoi, crois-tu donc
+Jérôme, lorsqu'il parle d'une manière si impie contre Dieu, lorsqu'il
+veut qu'immédiatement après soi-même, ce soient ses parens que l'on
+considère le plus? Écouteras-tu Jérôme, tant de fois dans l'erreur,
+tant de fois dans le péché? croiras-tu un homme enfin, plutôt que
+Dieu lui-même? Va donc, et crois avec Jérôme qu'il faut passer sur le
+corps à ses parens pour fuir au désert.» (Lettre à Severinus, moine
+autrichien; 6 octobre 1527.)
+
+
+ [a52] Page 97, ligne 19.—_Les Scolastiques..._
+
+Grégoire de Rimini a convaincu les scolastiques d'une doctrine pire
+que celle des pélagiens... Car bien que les pélagiens pensent que l'on
+peut faire une bonne œuvre sans la grâce, ils n'affirment pas qu'on
+puisse sans la grâce obtenir le ciel. Les scolastiques parlent comme
+Pélage, lorsqu'ils enseignent que sans la grâce on peut faire une
+bonne œuvre, et non une œuvre méritoire. Mais ils enchérissent sur
+les pélagiens, en ajoutant que l'homme a l'inspiration de la droite
+raison naturelle à laquelle la volonté peut se conformer naturellement,
+tandis que les pélagiens avouent que l'homme est aidé par la loi de
+Dieu. (1519.)
+
+
+ [a53] Page 102, ligne 14.—_Biens ecclésiastiques..._
+
+Luther écrivit au roi de Danemarck (2 décembre 1536), pour approuver la
+suppression de l'épiscopat, et pour engager ce prince à faire un bon
+usage des biens ecclésiastiques, c'est-à-dire (comme il l'écrivait le
+18 juillet 1529 au margrave George de Brandebourg), à les appliquer à
+des fondations d'écoles et d'universités.
+
+«L'Empereur dissimule, et cependant il prend, il dévore les évêchés,
+Utrecht, Liége, etc. Ceux de la noblesse devraient y prendre garde. Je
+me suis durement travaillé pour que les fondations ecclésiastiques et
+les possessions des princes abbés ne fussent point dispersées, mais
+conservées aux pauvres de la noblesse. Malheureusement cela n'aura pas
+lieu.» (Tischreden, p. 351.)
+
+
+ [a54] Page 104, ligne 7.—_Des cardinaux et évêques..._
+
+«Maître Philippe louait devant le docteur Luther la haute intelligence
+et l'esprit rapide du cardinal, évêque de Saltzbourg, Mathieu Lang. Il
+disait qu'en 1530, il s'était trouvé six heures avec lui à Augsbourg,
+et qu'ils avaient causé de la religion. Le cardinal lui avait dit à la
+fin: «Mon cher _domine Philippe_, nous autres prêtres, nous n'avons
+encore jamais rien valu. Nous savons bien que votre doctrine est bonne;
+mais ignorez-vous donc que jusqu'ici on n'a jamais rien pu gagner sur
+les prêtres? Ce n'est pas vous qui commencerez.» «Ce cardinal était
+fils d'un messager d'Augsbourg. Son père était d'une bonne et ancienne
+famille, mais réduit à l'état de serviteur par sa pauvreté.—Ce fut
+le premier cardinal qu'il y ait eu en Allemagne. Appuyé par sa sœur,
+il se fit connaître à la cour de Maximilien, fut ensuite envoyé à
+Rome auprès du pape, et plus tard nommé coadjuteur de l'évêché de
+Salzbourg.» (Tischreden, p. 272.)
+
+«J'ai, jusqu'ici, prié pour cet évêque, _categoricè, affirmativè,
+positivè_, de cœur, pour que Dieu voulût le convertir. J'ai essayé
+aussi par écrit de l'amener à la pénitence. Maintenant je prie pour
+lui _hypotheticè_ et _desperabundè_... Celui-là n'est point _frater
+ignorantiæ, sed malitiæ_.
+
+»Il m'a souvent écrit amicalement, et m'a fait espérer qu'il prendrait
+femme, comme je lui en avais donné le conseil par écrit.
+
+»Il s'est moqué de nous jusqu'à la diète d'Augsbourg. Là, j'ai appris à
+le connaître. Cependant il veut encore être mon ami au point qu'il me
+réclame pour arbitre dans l'affaire de...» (Tischreden, p. 274.)
+
+«A la diète d'Augsbourg, l'évêque de Saltzbourg disait: «Il y a quatre
+moyens pour réconcilier les deux partis: ou que nous cédions ou qu'ils
+cèdent; or, ni les uns ni les autres n'en veulent rien faire; ou bien
+encore, il faut que l'on oblige d'autorité un des partis à céder, et
+comme il en doit résulter un grand soulèvement, reste le quatrième
+moyen, savoir: qu'un parti extermine l'autre, et que le plus fort mette
+le plus faible dans le sac.» Voilà de beaux plans d'unité pour un
+évêque chrétien.» (Ibidem, p. 19.)
+
+
+ [a55] Page 105, ligne 8.—_Moines..._
+
+«Les seuls mendians sont divisés en sept partis ou ordres, et les
+mineurs à leur tour en sept espèces de mineurs. Toutes ces sectes, le
+très saint père les nourrit et les entretient lui-même, tant il a peur
+qu'elles ne viennent à s'unir.» (Lettre à la diète de Prague, 15 juillet
+1522.)
+
+
+ [a56] Page 107, ligne 22.—_Un seul coin de l'Allemagne,
+ celui où nous sommes, fleurit encore par la culture des arts
+ libéraux..._
+
+Luther écrivit à l'Électeur, le 20 mai 1530, pour relever son courage
+et le consoler des chagrins que lui causait la Réforme: «Voyez comme
+Dieu a fait éclater sa grâce et sa bonté dans les états de votre
+Altesse! n'est-ce pas là que son Évangile a le plus de ministres pieux
+et fidèles, ceux qui l'enseignent avec le plus de pureté, de zèle et de
+fruit? Vous voyez grandir autour de vous toute une jeunesse aimable, de
+bonnes mœurs et qui sera bientôt savante dans la sainte Écriture. Cela
+me ravit le cœur de voir nos jeunes enfans, garçons et petites filles,
+connaître mieux aujourd'hui Dieu et le Christ, avoir une foi plus pure
+et savoir mieux prier, qu'autrefois toutes les écoles épiscopales et
+les couvens les plus célèbres.
+
+»Cette jeunesse vous a été accordée comme un signe de faveur et de
+miséricorde divine. Dieu vous dit en quelque sorte: Cher duc Jean, je
+te confie mon plus précieux trésor; sois le père de ces enfans. Je veux
+que tu les gouvernes, que tu les protéges; sois le jardinier de mon
+paradis, etc.»
+
+Le duc ne paraît pas avoir tenu grand compte de cette recommandation,
+car Luther dit dans plusieurs de ses lettres qu'il y avait à Wittemberg
+grand nombre d'étudians qui ne vivaient guère que de pain et d'eau.
+
+
+ [a57] Page 112, ligne 4.—_Je regrette de n'avoir pas plus de
+ temps à donner à l'étude des poètes et des orateurs...._
+
+_A Wenceslas Link de Nuremberg._ «Si cela ne vous donne pas trop de
+peines, mon cher Wenceslas, je vous prie de faire rassembler pour moi
+tous les dessins, livres, cantiques, chants de Meistersanger et bouts
+rimés, qui auront été composés en allemand et imprimés cette année chez
+vous; envoyez-en autant que vous en pourrez trouver. Je désirerais
+vivement les avoir. Nous savons ici composer des ouvrages latins; mais
+pour les livres allemands, nous ne sommes que des apprentis. Toutefois,
+avec l'ardeur que nous y mettons, j'espère que nous réussirons bientôt
+de manière à vous satisfaire.» (20 mars 1536.)
+
+
+ [a58] Page 112, ligne 23.—_Ce n'est point un seul homme qui a
+ fait ces fables..._
+
+En 1530, Luther traduisit un choix des fables d'Ésope. Dans la préface
+il dit qu'il n'y a peut-être jamais eu d'homme de ce nom, et que ces
+fables ont vraisemblablement été recueillies de la bouche du peuple.
+(Luth. Werke IX, 455.)
+
+
+ [a59] Page 116, ligne 13.—_Chanter est le meilleur exercice..._
+
+Heine, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834: «Ce qui n'est pas moins
+curieux et significatif que ces écrits en prose, ce sont les poésies
+de Luther, ces chansons qui lui ont échappé dans le combat et dans la
+nécessité. On dirait une fleur qui a poussé entre les pierres, un rayon
+de la lune qui éclaire une mer irritée. Luther aimait la musique, il a
+même écrit un traité sur cet art, aussi ses chansons sont-elles très
+mélodieuses. Sous ce rapport, il a aussi mérité son surnom de Cygne
+d'Eisleben. Mais il n'était rien moins qu'un doux cygne dans certains
+chants où il ranime le courage des siens, et s'exalte lui-même jusqu'à
+la plus sauvage ardeur. Le chant avec lequel il entra à Worms, suivi
+de ses compagnons, était un véritable chant de guerre. La vieille
+cathédrale trembla à ces sons nouveaux, et les corbeaux furent
+effrayés dans leurs nids obscurs, à la cime des tours. Cet hymne, la
+Marseillaise de la réforme, a conservé jusqu'à ce jour sa puissance
+énergique, et peut-être entonnerons-nous bientôt dans des combats
+semblables ces vieilles paroles retentissantes et bardées de fer:»
+
+ Notre Dieu est une forteresse,
+ Une épée et une bonne armure;
+ Il nous délivrera de tous les dangers
+ Qui nous menacent à présent.
+ Le vieux méchant démon
+ Nous en veut aujourd'hui sérieusement,
+ Il est armé de pouvoir et de ruse,
+ Il n'a pas son pareil au monde.
+
+ Votre puissance ne fera rien,
+ Vous verrez bientôt votre perte;
+ L'homme de vérité combat pour nous,
+ Dieu lui-même l'a choisi.
+ Veux-tu savoir son nom?
+ C'est Jésus-Christ,
+ Le seigneur Sabaoth.
+ Il n'est pas d'autre Dieu que lui,
+ Il gardera le champ, il donnera la victoire.
+
+ Si le monde était plein de démons,
+ Et s'ils voulaient nous dévorer,
+ Ne nous mettons pas trop en peine,
+ Notre entreprise réussira cependant.
+ Le prince de ce monde,
+ Bien qu'il nous fasse la grimace,
+ Ne nous fera pas de mal.
+ Il est condamné,
+ Un seul mot le renverse.
+
+ Ils nous laisseront la parole,
+ Et nous ne dirons pas merci pour cela:
+ La parole est parmi nous
+ Avec son esprit et ses dons.
+ Qu'ils nous prennent notre corps,
+ Nos biens, l'honneur, nos enfans.
+ Laissez-les faire,
+ Ils ne gagneront rien à cela;
+ A nous restera l'empire.
+
+
+ [a60] Page 117, ligne 25.—_Peinture..._
+
+«Le docteur parla un jour de l'habileté et du talent des peintres
+italiens. «Ils savent imiter la nature si parfaitement, dit-il,
+qu'indépendamment de la couleur et de la forme convenables, ils
+expriment encore les gestes et les sentimens de manière à faire croire
+que leurs tableaux sont choses vivantes.—La Flandre suit la trace de
+l'Italie. Ceux des Pays-Bas, et surtout les Flamands ont l'esprit
+éveillé, ils ont aussi de la facilité pour apprendre les langues
+étrangères. C'est un proverbe que si l'on portait un Flamand dans un
+sac à travers l'Italie ou la France, il n'en apprendrait pas moins la
+langue du pays.» (Tischreden, p. 424 verso.)
+
+
+ [a61] Page 122, ligne 3.—_Banque..._
+
+Il dit dans son traité _de Usuris_: «J'appelle usuriers ceux qui
+prêtent à cinq et six pour cent. L'Écriture défend le prêt à intérêt;
+on doit prêter de l'argent comme on prête un vase à son voisin. Les
+lois civiles même défendent l'usure. Ce n'est pas faire acte de charité
+que d'échanger une chose avec quelqu'un en gagnant sur l'échange; c'est
+voler. Un usurier est un voleur digne de la potence. Aujourd'hui, à
+Leipsig, celui qui prête cent florins en reçoit au bout d'une seule
+année quarante pour l'intérêt de son argent.—On ne doit pas observer
+les promesses faites aux usuriers; ils ne peuvent être admis aux
+sacremens ni ensevelis en terre sainte.—Voici le dernier conseil que
+j'aie à donner aux usuriers; ils veulent de l'argent, de l'or; eh bien!
+qu'ils s'adressent à quelqu'un qui ne leur donnera pas dix ou vingt
+pour cent, mais cent pour dix. Celui-là a de quoi satisfaire à leur
+avidité; ses trésors sont inépuisables; il peut donner sans s'appauvrir
+(Oper. lat. Luth. Witt. t. VII, p. 419-37.)
+
+Le docteur Henning proposait cette question à Luther: «Si j'avais
+amassé de l'argent, que je ne voulusse pas en disposer, et qu'un homme
+vînt me prier de le lui prêter; pourrais-je en bonne conscience lui
+répondre: Je n'ai point d'argent?—Oui, dit Luther, on peut le faire
+en conscience. C'est comme si on disait: Je n'ai point d'argent dont
+je veuille disposer... Christ, en ordonnant de donner, ne dit pas de
+donner à tous les prodigues et dissipateurs... Dans cette ville, il
+n'y a personne de plus nécessiteux que les étudians. La pauvreté y est
+grande à la vérité, mais la paresse encore plus... Je ne veux point
+ôter le pain de la bouche à ma femme et à mes enfans pour donner à ceux
+à qui rien ne profite (Tischred. p. 64).
+
+
+ [a62] Page 122, à la fin du chapitre IV.
+
+On peut attacher à la fin de ce chapitre diverses paroles de Luther sur
+les papes, les rois, les princes.
+
+«Il n'y a jamais eu de plus rusé trompeur sur la terre que le pape
+Clément (Clément VII)[r185]. C'est qu'il était de Florence, etc.»
+
+ [r185] Tischreden, 243.
+
+«Le pape Jules, deuxième du nom, était un homme excellent pour le
+gouvernement et la guerre[r186]..... Lorsqu'il apprit que son armée
+avait été battue à Ravenne, il blasphéma Dieu dans le ciel; il lui
+disait: Au nom de mille diables, es-tu donc devenu si bon Français?
+est-ce ainsi que tu protéges ton Église? Il tourna les yeux vers la
+terre, et dit: Saints Suisses, priez pour nous! Et il envoya aussitôt
+le cardinal de Saltzbourg, Mathieu Lang, pour traiter avec l'empereur
+Maximilien.»
+
+ [r186] _Ibid._ 242.
+
+«Si j'avais été de ce temps-là, on m'aurait fait venir à Paris avec
+grand honneur, mais j'étais encore trop jeune et Dieu ne le voulait
+point, de crainte que l'on ne pensât que c'était la puissance du roi de
+France, etc.»[r187]
+
+ [r187] _Ibid._ 243.
+
+«Le pape Jules II, un homme plein d'audace et d'habileté, un
+vrai diable incarné, avait définitivement résolu de réformer les
+Franciscains[r188]. Mais ils recoururent aux rois et aux princes, les
+firent agir et envoyèrent au pape quatre-vingt mille couronnes. Le pape
+dit: Comment résister à des gens si bien cuirassés?»
+
+ [r188] _Ibid._ 269.
+
+«L'an 1532, l'astrologue Gauric raconta au margrave de Brandebourg,
+Joachim, que, comme on faisait à Clément VII le reproche d'être bâtard,
+il répondit: Et Jésus-Christ? Dès-lors le Margrave devint favorable à
+Luther.»[r189]
+
+ [r189] _Ibid._ 341.
+
+«Lorsque ceux de Bruges tenaient prisonnier l'empereur Maximilien, et
+voulaient lui couper la tête, ils écrivirent au sénat de Venise pour
+demander conseil[r190]. Les Vénitiens répondirent: _Homo mortuus
+non facit guerram_... Les Vénitiens firent faire une farce contre
+Maximilien. Le doge paraissait d'abord, puis venait le Français
+qui avait une poche au côté; il y prenait des couronnes (pièces de
+monnaie), et les couronnes débordaient la poche. Derrière venait
+l'Empereur, peint en habit gris, avec un petit cor de chasse. Il avait
+aussi une poche, mais quand il y mettait la main, les doigts passaient
+à travers.—Les Florentins en firent autant. Ils représentèrent le
+Français assis sur un siége percé, et.... de l'argent. L'empereur
+Maximilien ramassait. Mais ils ont eu depuis une bonne leçon. Le
+petit-fils de l'empereur Maximilien, l'empereur Charles, leur a bien
+appris à vivre. Dieu applique volontiers aux orgueilleux le verset que
+l'on chante au Magnificat: _Deposuit patentes de sede_.»
+
+ [r190] _Ibid._ 448.
+
+«L'empereur Maximilien disait[r191]: Si on mettait du sang des
+princes d'Autriche et de Bavière bouillir ensemble dans un pot, on le
+verrait en même temps sauter dehors.»
+
+ [r191] _Ibid._ 343.
+
+«On dit que l'empereur Maximilien partit un jour d'un éclat de rire;
+il en avoua la cause le lendemain[r192]. Je riais, dit-il, de voir
+que Dieu a confié le gouvernement spirituel à un ivrogne de prêtre,
+comme le pape Jules, et le gouvernement temporel à un chasseur de
+chamois, comme je suis.»
+
+ [r192] _Ibid._ 184, verso.
+
+«Dans le château de Prague l'on voit toute la suite des _portraits des
+rois_. Ferdinand est le dernier, et il n'y a plus de place. Il en est
+de même dans la salle ronde du château de Wittemberg. Cela ne signifie
+rien de bon.
+
+L'empereur Maximilien disait: «L'Empereur est bien le roi des rois, car
+les princes de l'Empire font tout ce qu'ils veulent; le roi de France
+est celui des ânes, les siens exécutent tout ce qu'il commande; le
+roi d'Angleterre est le roi des hommes, car ils lui obéissent et ils
+l'aiment.»
+
+«Maximilien demandait à un de ses secrétaires comment il fallait
+traiter un serviteur qui le volait; et comme l'autre répondait qu'il
+était juste de le pendre: Nous n'en ferons rien, dit l'Empereur en lui
+frappant sur l'épaule, nous avons encore besoin de vos services.»
+
+«Après l'élection de l'empereur Charles, l'électeur de Saxe demanda au
+seigneur Fabian de Feilitzsch, son conseiller, s'il lui plaisait qu'on
+eût élu empereur le roi d'Espagne[r193]. Cet homme sage répondit: «Il
+est bon que les corbeaux aient un vautour.»
+
+ [r193] _Ibid._ 53.
+
+On lisait dans un vieux livre cette prophétie: «L'empereur Charles
+soumettra toute l'Europe, réformera l'Église; sous lui, les ordres
+mendians et les sectes seront anéantis.»
+
+«La nouvelle vint qu'Antonio de Leyva et André Doria avaient conseillé
+à l'Empereur d'aller en personne contre le Turc et de ne point emmener
+son frère; car, disaient-ils, il n'a point de bonheur[r194]. En
+effet, Ferdinand est trop fin et trop réfléchi; il n'agit que par
+conseil et délibération, jamais par impulsion divine.»—L'Empereur
+devient malheureux; il ne sait pas profiter de l'occasion; il perd
+aujourd'hui Milan.
+
+ [r194] _Ibid._ 349.
+
+«Le roi de France aime les femmes[r195]... Au contraire, l'Empereur
+passant par la France en 1544, trouva après un grand festin une belle
+et noble vierge dans son lit, que le roi de France y avait fait
+conduire. L'Empereur la renvoya honorablement chez ses parens.
+
+ [r195] _Ibid._ 349, verso.
+
+»L'Empereur n'a appelé à son couronnement que des princes et seigneurs
+italiens et espagnols, qui ont porté devant lui les drapeaux et les
+armes des électeurs. J'avais touché cela dans un petit livre, mais
+l'Électeur en a fait acheter tous les exemplaires.
+
+»Le roi de France dépense autant d'argent en trahison que pour ses
+armées. Aussi, dans sa guerre contre le pape Jules et Venise, il a
+dissipé vingt mille hommes avec quatre mille.
+
+»Tant que le Français a eu des hommes de guerre allemands, il a obtenu
+la victoire. Ce sont en effet les meilleurs; ils se contentent de leur
+solde et protégent le peuple. Aussi Antonio de Leyva conseilla, en
+mourant, à l'Empereur de s'attacher ses soldats allemands; que s'il les
+perdait, ce serait fait de lui; car ils tenaient tous ensemble comme un
+seul homme.»
+
+Après la défaite de François Ier à Pavie, Luther écrivait: «Que le roi
+de France soit de chair ou autre chose, je ne me réjouis pas de le voir
+vaincu et pris. Vaincu, cela se peut souffrir, mais captif, c'est une
+monstruosité... Peut-être l'heure du royaume de France est-elle venue,
+comme cet autre le disait de Troie: _Venit summa dies et ineluctabile
+fatum....._ Ce sont, à ce qu'il me semble, des signes qui annoncent
+le dernier jour du monde. Ces signes sont plus graves qu'on ne serait
+tenté de le croire... Il n'y a qu'une chose qui me fait plaisir,
+c'est de voir frustrés les efforts de l'Anti-Christ, qui commençait à
+s'appuyer sur le roi de France.» (mars 1525.)
+
+(Février 1537). «Le roi de France est persuadé que chez nous autres
+luthériens, il n'y a plus ni mariage, ni autorité, ni église, ni rien
+de tout ce qu'on regarde comme sacré. Son envoyé, le docteur Gervais,
+nous l'a assuré positivement. Mais d'où vient cela? certainement de ce
+qu'on ne laisse pénétrer en ce pays, non plus qu'en Italie, aucun écrit
+des nôtres, et que le scélérat de Mayence, ainsi que ses pareils, y
+envoient toutes les calomnies qui se débitent contre nous.»
+
+«Nous avons ici un Français, François Lambert, qui était il y a deux
+ans prédicateur apostolique, comme on les appelle parmi les mineurs, et
+qui vient de prendre pour femme une des nôtres: il espère mieux vivre
+dans le voisinage de la France (à Strasbourg)... Il gagnera sa vie à
+traduire en français mes ouvrages allemands.» (4 décembre 1523.)
+
+«Les rois de France et d'Angleterre sont luthériens pour prendre, point
+pour donner. Ils ne cherchent point l'intérêt de Dieu, mais le leur.
+
+»Sept universités ont approuvé le divorce du roi d'Angleterre; mais
+nous autres de Wittemberg et ceux de Louvain, nous avons soutenu le
+contraire, eu égard aux circonstances particulières, à la longue
+cohabitation, à l'existence d'une fille, etc.[r196]
+
+ [r196] _Ibid._ 348.
+
+»Quelques-uns qui avaient reçu des écrits d'Angleterre annoncèrent
+comment le roi s'était séparé de l'Évangile[r197]. Je suis charmé,
+dit Luther, que nous soyons quitte de ce blasphémateur. J'ai seulement
+regret de voir que Mélanchton ait adressé ses plus belles préfaces aux
+plus méchantes gens.
+
+ [r197] _Ibid._ 348, verso.
+
+»Le duc George de Saxe disait qu'il ne forcerait personne à communier
+sous une espèce, mais que ceux qui voulaient le faire autrement,
+devaient sortir du pays[r198].
+
+ [r198] _Ibid._ 265.
+
+»Lorsque le duc George déclara au duc Henri de Saxe, son frère, qu'il
+ne lui laisserait ses états qu'à condition d'abandonner l'Évangile, il
+répondit: «Par la vierge Marie (c'était le mot ordinaire de sa Grâce),
+avant que je consente à renier mon Christ, j'irai avec ma Catherine,
+un petit bâton à la main, mendier par le pays[r199].» Je voudrais
+que l'Empereur fît pape le duc George; les évêques supporteraient sa
+réforme encore moins que la mienne. Il réduirait l'évêque de Mayence à
+quatorze chevaux, etc.
+
+ [r199] _Ibid._
+
+»Le duc George a sucé le sang bohémien avec le lait de sa mère, fille
+du roi de Bohême, Casimir[r200]. Il aurait fini par s'arranger avec
+l'électeur Frédéric pour frapper les évêques, les abbés, etc. Il est
+de sa nature ennemi du clergé. Mais les lettres et les flatteries
+de l'Empereur, du pape, des rois d'Angleterre et de France, l'ont
+tellement enflé, que, etc...
+
+ [r200] _Ibid._ 313, verso.
+
+»Lorsque le duc George voyait son fils Jean à l'agonie, il le consolait
+en lui rappelant l'article de la justification par la foi en Christ,
+et l'exhortait à ne regarder que le Sauveur, sans se reposer sur ses
+œuvres ni sur l'invocation des saints[r201]. Alors, l'épouse du duc
+Jean, sœur du landgrave Philippe de Hesse, dit au duc George: «Cher
+seigneur et père, pourquoi ne laisse-t-on pas prêcher publiquement
+cette doctrine dans le pays?»—«Ma chère fille, répondit-il, on la
+doit enseigner seulement aux mourans, mais point aux gens en santé.»
+(1537.)—Ce duc Jean avait été obligé par son père de jurer une haine
+éternelle à la doctrine luthérienne, et il l'avait fait connaître au
+docteur Luther par le vieux peintre Lucas Cranach.»
+
+ [r201] _Ibid._ 142, verso.
+
+Leipsig était la capitale et la résidence du duc George. Aussi les
+protestans, surveillés de près par le duc, n'y pouvaient faire de
+nombreux prosélytes, et Luther en marque souvent son dépit par sa
+colère contre cette ville.
+
+«Je hais, dit-il, ceux de Leipsig comme je ne hais rien sous le soleil,
+tant il y a là d'orgueil, d'arrogance, de rapacité et d'usure. (15 mai
+1540.)
+
+»Je hais cette Sodome (Leipsig), sentine des usures et de tous les
+maux. Je n'y entrerais qu'autant qu'il le faut pour arracher Loth.» (26
+octobre 1539.)
+
+»L'électorat de Saxe est pauvre et rapporte peu. Si l'Électeur n'avait
+pas la Misnie, il ne pourrait entretenir quarante chevaux; mais il
+a des tributs de princes et seigneurs, des droits de sauf-conduit,
+des douanes, des rentes, etc... Sa Grâce électorale a cédé, pour de
+l'argent, les régales, entre autres le droit de grâce.
+
+»L'électeur Frédéric était économe[r202]. Il savait bien remplir ses
+caves et ses greniers de grains et d'autres denrées. On compte neuf
+châteaux qu'il a fait bâtir, et cependant il lui restait toujours assez
+d'argent; c'est qu'il suivait le bon conseil que son fou lui avait
+donné. Un jour, qu'il se plaignait de manquer d'argent, le fou lui dit:
+Fais-toi percepteur. Il exigeait des comptes sévères de ses serviteurs.
+Quand il venait dans un de ses châteaux, il mangeait, buvait, se
+faisait donner du fourrage comme un hôte ordinaire, et payait tout
+comptant. Par là il ôtait à ses gens l'occasion de s'excuser, en
+disant: On a tant consommé de choses, quand le prince est venu!
+
+ [r202] _Ibid._ 451, verso.
+
+»L'électeur Frédéric-le-Sage disait à Worms, en 1521: «Je ne trouve
+point d'église romaine dans ma croyance; mais une commune église
+chrétienne, je l'y trouve.»
+
+«Ce même prince avait, dit Mélanchton, près de Wittemberg un cerf
+apprivoisé, qui, pendant bien des années, allait, au mois de septembre,
+dans la forêt voisine, et revenait exactement en octobre. Lorsque
+l'Électeur fut mort, le cerf partit et l'on ne le revit plus.
+
+»En 1525, l'électeur Jean de Saxe me demanda s'il devait accorder aux
+paysans leurs douze articles[r203]. Je le détournai entièrement d'en
+approuver un seul.
+
+ [r203] _Ibid._ 152.
+
+»Le duc Jean disait en 1525, en apprenant la révolte des paysans: «Si
+le Seigneur veut que je reste prince, que sa volonté soit faite, mais
+je puis aussi être un autre homme.»
+
+Luther blâme la patience de ce prince, qui avait appris des moines, ses
+confesseurs, à supporter la désobéissance de ses gens.
+
+Il disait à Luther: «Mon fils, le duc Ernest, m'a écrit une lettre
+latine pour me demander à courir un cerf. Je veux qu'il étudie; il sera
+toujours à même d'apprendre à laisser pendre deux jambes sur un cheval.»
+
+«Le même prince avait toujours pour sa garde six nobles jeunes garçons,
+qui restaient dans sa chambre et qui lui lisaient la Bible six heures
+par jour. Sa Grâce électorale s'endormait quelquefois, mais il n'en
+citait pas moins à son réveil quelques belles paroles qu'il avait
+remarquées et retenues.—Pendant la prédication il tenait près de lui
+des écrivains, et lui-même de sa propre main recueillait les paroles
+de la bouche du prédicateur.
+
+»Lorsque Ferdinand fut élu roi des Romains à Cologne, le jeune duc
+Jean-Frédéric y fut envoyé pour protester de la part de son seigneur et
+père. Dès qu'il eut exécuté ses ordres, il repartit au grand galop, et
+comme il avait à peine passé la porte, on envoya des gens pour courir
+après lui et le prendre. (1531.)
+
+»On dit que l'Empereur a fait entendre, après avoir lu notre
+_Confession et apologie_, qu'il voulait que l'on enseignât et que l'on
+prêchât dans le même sens par tout le monde[r204]. Le duc George
+aurait dit aussi qu'il savait très bien qu'il y avait beaucoup d'abus
+à réformer dans l'Église, mais qu'il ne voulait pas de cette réforme,
+quand elle venait d'un moine défroqué.
+
+ [r204] _Ibid._ 353.
+
+»La dernière fois que l'électeur Jean alla à la chasse, tout le gibier
+lui échappait. Les bêtes ne voulaient plus le reconnaître pour maître,
+c'était un présage de sa mort. (1532.)
+
+»Le duc Jean-Frédéric, qui a été si bien pillé et dépouillé par ceux de
+la noblesse, a appris à ses dépens à les connaître.
+
+»L'électeur Jean-Frédéric est naturellement colère, mais il sait à
+merveille dompter son courroux.—Il aime à bâtir et à boire; il est
+vrai qu'un si grand corps doit tenir plus qu'un petit.—Il donne par
+an mille florins pour l'université; pour le pasteur, deux cents, avec
+soixante boisseaux de froment; de plus soixante florins à cause des
+leçons publiques.» Il envoya une fois cinq cents florins à Luther sur
+les fonds d'une abbaye pour marier quelque pauvre religieuse.
+
+»Quoique le docteur Jonas l'y engageât, Luther refusa de demander
+à l'Électeur une nouvelle visitation des églises[r205]. «Il a
+soixante-dix conseillers qui crient à le rendre sourd. Ils lui disent:
+Quel bon conseil peut donner le scribe? contentons-nous de prier Dieu
+qu'il dirige le cœur du prince.»
+
+ [r205] _Ibid._ 354.
+
+_Du landgrave Philippe de Hesse._—«Le Landgrave est un pieux,
+intelligent et joyeux seigneur; il maintient une bonne paix dans
+sa terre, qui n'est que pierres et forêts; de sorte que les gens y
+peuvent voyager et commercer sans crainte... Le Landgrave est un
+guerrier, un Arminius, petit de sa personne, mais, etc. Il consulte
+et suit aisément les bons conseils; la résolution une fois prise, il
+exécute promptement.—L'Empereur lui a offert, pour lui faire quitter
+l'Évangile, la possession paisible du comté de Katzenellenbogen, et
+le duc George l'aurait fait à ce prix son héritier... Il a une tête
+hessoise; il ne peut se reposer, il faut qu'il ait quelque chose à
+faire... C'était une grande audace de vouloir, en 1528, envahir les
+possessions des évêques; et ç'a été un acte plus grand d'avoir rétabli
+le duc de Wurtemberg et chassé le roi Ferdinand de ce pays. Moi et
+Mélanchton, nous fûmes appelés à cette occasion à Weimar, et nous
+employâmes toute notre rhétorique à empêcher sa Grâce de rompre la paix
+de l'Empire... Il en devint tout rouge et s'emporta. Cependant c'est
+une âme tout-à-fait loyale.
+
+»Dans le colloque de Marbourg, en 1529, sa Grâce vint avec un petit
+habit, de sorte que personne ne l'aurait reconnu pour le Landgrave; et
+cependant, il était occupé de grandes pensées. Il consulta Mélanchton,
+et lui dit: «Cher maître Philippe, dois-je souffrir que l'évêque de
+Mayence me chasse par violence mes prédicateurs évangéliques?» Philippe
+répondit: «Si la juridiction du lieu appartient à l'évêque de Mayence,
+votre Grâce ne peut l'empêcher.» Permis à vous de conseiller, répondit
+le Landgrave, mais je n'agirai pas moins.»
+
+»A la diète d'Augsbourg, en 1530, le landgrave dit publiquement aux
+évêques: «Faites la paix, nous vous le demandons. Si vous ne la faites
+point et qu'il me faille descendre de mes montagnes, j'en saisirai au
+moins un ou deux.»
+
+»Dieu a jeté le Landgrave au milieu de l'Empire. Il a autour de lui
+quatre électeurs et le duc de Brunswick; et il les fait tous trembler.
+C'est que le commun peuple lui est attaché. Avant de rétablir le duc
+de Wurtemberg, il était allé en France, et le roi de France lui avait
+prêté beaucoup d'argent pour la guerre.
+
+»Si le Landgrave s'enflamme une fois...! C'est ce qui nous est arrivé,
+à moi et à maître Philippe, lorsque nous le détournions humblement et
+faiblement de la guerre; «Qu'arrivera-t-il si je souffre vos conseils
+et si je n'agis point?»—C'est un miracle de Dieu. Le Landgrave est
+un prince peu puissant, cependant on le redoute; c'est un héros. Il
+a renvoyé les évêques au chœur... Les Saxons et ceux de la Hesse,
+lorsqu'ils sont en selle, sont de vrais cavaliers. Les cavaliers des
+hautes terres (du midi de l'Allemagne) ne sont que des danseurs. Dieu
+nous conserve le Landgrave..... Dieu nous préserve de la guerre! les
+gens de guerre sont des diables incarnés. Je ne parle pas seulement des
+Espagnols, mais aussi des Allemands.
+
+»Après la diète de Francfort, en 1539, environ neuf mille soldats
+d'élite furent rassemblés autour de Brême et de Lunebourg pour être
+employés contre les états protestans[r206]. Mais l'électeur de Saxe
+et le landgrave de Hesse leur firent parler par le chevalier Bernard
+de Mila, leur donnèrent de l'argent comptant et les attirèrent à eux.
+Ensuite mourut subitement le duc George, etc.»
+
+ [r206] _Ibid._ 156.
+
+«Le _landgrave de Hesse_ et de Thuringe, Louis-le-Fameux, était un
+seigneur dur et colérique. Il était tenu prisonnier par l'évêque de
+Hall, il sauta par une fenêtre du haut du château et du rocher dans
+la Sals, nagea, s'aida d'un tronc d'arbre et échappa. Il sévissait
+toujours cruellement contre ses sujets. Sa femme s'avisa de lui servir
+de la viande un vendredi saint, et comme il n'en voulait pas manger;
+elle lui dit: «Cher seigneur, vous craignez ce péché, lorsque vous en
+faites tous les jours de plus grands et de plus horribles.» Mais elle
+fut obligée de s'enfuir et de quitter ses enfans. Au moment de son
+départ, à minuit, elle baisa son enfant qui était encore au berceau,
+le bénit, et, dans un transport d'amour maternel, elle le mordit à la
+joue[8]. Accompagnée d'une jeune fille, elle descendit par une corde
+du château de Wartbourg, tout le long du précipice. Son maître-d'hôtel
+l'attendait avec un chariot, et la conduisit secrètement à
+Francfort-sur-le-Mein.—Quand ce landgrave mourut, on l'affubla d'un
+habit de moine, ce qui faisait beaucoup rire tous ses chevaliers.
+
+ [8] Luther appelle _Louis_ ce landgrave, qui s'appelait
+ effectivement _Albert-le-Dénaturé_, et vivait en 1288. Sa
+ femme, Marguerite était fille de l'empereur Frédéric II; son
+ fils est Frédéric I, dit le _Mordu_.
+
+«En Italie, les hôpitaux sont bien pourvus, bien bâtis[r207]. On
+y donne une bonne nourriture; il y a des serviteurs attentifs et de
+savans médecins. Les lits et les habits sont très propres; l'intérieur
+des bâtimens orné de belles peintures. Aussitôt qu'un malade y est
+amené, on lui ôte ses habits en présence d'un notaire qui en dresse une
+note et une description exacte pour qu'ils lui soient bien gardés. On
+le revêt d'un sarreau blanc, on le met dans un lit bien fait et dans
+des draps blancs; on ne tarde pas à lui amener deux médecins, et les
+serviteurs viennent lui apporter à manger et à boire dans des verres
+bien propres, qu'ils touchent du bout du doigt. Il vient aussi des
+dames et matrones honorables qui se voilent pendant quelques jours pour
+servir les pauvres, de sorte qu'on ne sait point qui elles sont, et
+elles retournent ensuite chez elles.—J'ai vu aussi à Florence que les
+hôpitaux étaient servis avec tous ces soins; de même les maisons des
+enfans-trouvés, où les petits enfans sont nourris au mieux, élevés,
+enseignés et instruits. Ils les ornent tous d'un costume uniforme, et
+en prennent le plus grand soin.
+
+ [r207] _Ibid._ 145.
+
+»Je ne manque point de drap, mais je ne puis me décider à me faire
+faire des culottes[r208]. Les miennes ont été raccommodées quatre
+fois, et le seront encore. Les tailleurs ne font rien de bon et
+prennent trop cher. Cela va bien mieux en Italie; les tailleurs ont une
+corporation particulière qui ne fait que des culottes.
+
+ [r208] _Ibid._ 424.
+
+»En Espagne, pour les couches de l'impératrice, trente hommes se sont
+fouettés jusqu'au sang, afin de lui obtenir un heureux enfantement,
+deux même en sont morts, et cependant la mère ni le fœtus n'ont pu
+être délivrés. Qu'a-t-on fait de plus chez les païens? (14 août 1539.)
+
+»En Italie et en France, les curés sont généralement des ânes[r209].
+Si on leur demande: _Quot sunt sacramenta?_ ils répondent:
+_Tres_.—_Quæ?_ Réponse: Le goupillon, l'encensoir et la croix.
+
+ [r209] _Ibid._ 281, verso.
+
+»En France, il y a eu tant de superstition, que les serfs et serviteurs
+voulaient pour la plupart se faire moines[r210]. Il fallut que le roi
+défendît la moinerie. La France est abîmée dans la superstition. Les
+Italiens de même sont ou superstitieux ou épicuriens. C'est un propos
+commun en Italie, quand ils vont à l'église de dire: Allons au préjugé
+populaire.
+
+ [r210] _Ibid._ 271, verso.
+
+»Lorsque je vis Rome, je tombai à genoux, levai les mains au ciel et
+dis[r211]: Salut, sainte Rome, sanctifiée par les saints martyrs et
+par leur sang qui y a été versé...; mais elle est maintenant déchirée,
+_und der teufel hat den papst, seinen dreck, darauss geschissen_.—Cent
+ans avant Jésus-Christ, Rome avait quatre millions de citoyens; peu
+après, neuf millions; certes, cela devait faire un peuple, si toutefois
+la chose est vraie.—A Venise, trois cent mille feux; à Erfurt,
+dix-huit mille murs à feu (murs mitoyens); à Nuremberg, à peine la
+moitié.—Rome n'est plus qu'une charogne et un tas de cendres..... Les
+maisons sont aujourd'hui où étaient les toits de l'ancienne Rome; telle
+est l'épaisseur des décombres, qu'il y en a la hauteur de deux lances
+de landsknecht[9]. Rien n'y est à louer que le consistoire et la cour
+de Rote, où les affaires sont instruites et jugées avec beaucoup de
+justice.
+
+ [r211] _Ibid._ 442.
+
+ [9] Voyez le _Voyage de Montaigne_.
+
+Le docteur Staupitz avait entendu dire à Rome, en 1511, que d'après
+une vieille prophétie, un ermite s'élèverait sous le pape Léon X, et
+attaquerait la papauté; or, les augustins s'appellent aussi ermites.
+
+»Je ne voudrais pas, pour cent mille florins, ne pas avoir vu Rome;
+je me serais toujours inquiété si je ne faisais pas injustice au
+pape.»—Il répète trois fois ces paroles.
+
+«Il y avait en Italie un ordre particulier, qui s'appelait _les Frères
+de l'ignorance_[r212]. Ils devaient jurer de ne rien savoir et de ne
+vouloir rien apprendre. Tous les moines méritent le même nom.»
+
+ [r212] _Ibid._ 269, verso.
+
+Un soir, à la table de Luther, il se trouvait un vieux prêtre qui
+racontait beaucoup de choses de Rome[r213]. Il y était allé quatre
+fois et y avait officié pendant deux ans. Quand on lui demanda
+pourquoi il y était allé si souvent, il répondit: «La première fois
+j'y cherchais un filou, la seconde je le trouvais, la troisième je
+l'emportais avec moi, et la quatrième je l'y rapportais et le plaçais
+derrière l'autel de Saint-Pierre.»
+
+ [r213] _Ibid._ 442, verso.
+
+«Christoff Gross, qui avait été long-temps à Rome, trabant du pape,
+parla beaucoup des pays par où l'on va vers la Terre-Sainte, de
+l'Aragon et de la Biscaye[r214]. Ils ont pour signe du baptême une
+petite cicatrice au nez, juste sous les yeux.»
+
+ [r214] _Ibid._ 441, verso.
+
+«Les Écossais sont la nation la plus fière; beaucoup se sont réfugiés
+en Allemagne, à Erfurth et à Wurtzbourg; ils n'admettent personne
+comme moine dans leurs couvens. Les Écossais sont méprisés des autres
+nations, comme les Samaritains par les Juifs.»
+
+«Les Anglais ont été chassés de France après leur défaite à Montlhéri,
+entre Paris et Orléans[10].—Ils ne laissent personne à Calais, à moins
+qu'il ne parle anglais dans tant d'heures.»
+
+ [10] Il est inutile de relever les erreurs grossières dont
+ fourmille ce chapitre.
+
+«La peste règne toujours en Angleterre[r215].—L'Angleterre est un
+morceau de l'Allemagne.—Les langues danoise et anglaise sont du saxon,
+c'est-à-dire du véritable allemand, tandis que la langue de l'Allemagne
+supérieure n'est point la vraie langue allemande.—La Souabe et la
+Bavière sont hospitalières; au contraire la Saxe.—Luther préfère le
+dialecte de la Hesse à tous les autres de l'Allemagne, parce que les
+Hessois accentuent les mots comme s'ils chantaient.»
+
+ [r215] _Ibid._ 440, verso.
+
+
+_Diversité des langues._—«Supériorité de l'allemande: elle fait sentir
+que les Allemands sont gens plus simples et plus vrais. Au contraire,
+c'est un proverbe: les Français écrivent autrement qu'ils ne parlent,
+et parlent autrement qu'ils ne pensent.—L'allemand se rapporte au
+grec. Le latin est sec, il n'a pas de lettres doubles.—Finesse des
+Saxons et bas Allemands; ils sont pires que les Italiens, quand ils
+adoptent les idées de l'Italie.—Les habitations et l'aspect des
+pays changent ordinairement dans l'espace d'un siècle. Il y a peu
+d'années que la Hesse, la Franconie, la Westphalie, n'étaient qu'un
+désert. Au contraire, autour de Halle, d'Halberstadt, et chez nous,
+on fait jusqu'à trois milles sans trouver rien que bruyères, tandis
+qu'autrefois il y avait des terres cultivées. Dieu aura ôté la
+fertilité au pays, pour punir les habitans.»
+
+«Nous sommes de bons compagnons, nous autres Allemands, nous buvons,
+nous mangeons, nous cassons nos vitres, nous perdons en une soirée
+cent, mille florins ou plus, et nous oublions _le Turc_ qui, en trente
+jours, peut être avec sa cavalerie légère à Wittemberg.»
+
+
+«En France, chacun a son verre à table.—Les Français se préservent de
+l'air; s'ils suent, ils se couvrent, s'approchent du feu, se mettent
+au lit; sans cela ils auraient la fièvre. Deux personnes dansent à la
+fois, les autres regardent; au contraire en Allemagne.—Les prêtres
+d'Italie et de France ne savent pas même leur langue.»
+
+
+«Dans mon voyage sur le Rhin, je voulus dire la messe, mais un
+prêtre me dit[r216]: «Vous ne le pouvez: nous suivons ici le rit
+ambroisien.»
+
+ [r216] _Ibid._ 166.
+
+»George Fœgeler, chancelier du margrave, disait que dans la Bavière
+il y avait plus de cent vingt-cinq cures vacantes, parce qu'on ne
+pouvait trouver aucun ecclésiastique[r217].
+
+ [r217] _Ibid._ 184.
+
+»Dans la Bohême, il y a environ trois cents cures vacantes, de même
+chez le duc George.
+
+»La Thuringe avait autrefois un sol très fertile en grain,
+surtout autour d'Erfurt; mais maintenant elle est frappée de
+malédiction[r218]. Le blé y est plus cher qu'à Wittemberg. C'est ce
+que j'ai vu, il y a un an, lorsque j'étais à Smalkald; ils n'avaient
+qu'un mauvais pain noir... Ils ont de telles vendanges qu'on pourrait
+donner la pinte pour trois liards; si elles étaient moitié moins
+bonnes, ils seraient très riches; mais maintenant ils donnent le vin
+pour le tonneau.
+
+ [r218] _Ibid._ 62.
+
+»L'électorat de Saxe a eu douze couvens de moines déchaux, mineurs,
+cinq de prêcheurs, moines de saint Paul et carmélites, et quatre
+d'augustins[r219]. Voilà seulement pour les moines mendians qui,
+aujourd'hui se dissipent d'eux-mêmes.—Alors, un Anglais qui se
+trouvait à table chez le docteur, se mit à dire qu'en Angleterre,
+il n'y avait guère de milles carrés d'Allemagne, où l'on ne trouvât
+trente-deux cloîtres de moines mendians.
+
+ [r219] _Ibid._ 269.
+
+»Le vieil électeur de Brandebourg, Joachim, disait une fois au duc de
+Saxe Frédéric[r220]: Comment pouvez-vous, vous autres princes de
+Saxe, frapper de la monnaie si forte? Nous y avons gagné trois tonnes
+d'or (en renvoyant une monnaie inférieure dans la Saxe).
+
+ [r220] _Ibid._ 61, verso.
+
+La princesse de A. (Anhalt), venant à Wittemberg, se rendit chez
+Luther, et insista vivement pour discuter avec lui, quoiqu'il fût
+malade et que ce fût à une heure indue. Il s'excusa en lui disant:
+«Noble dame, je suis rarement bien portant dans toute l'année; je
+souffre presque toujours ou du corps ou de l'esprit.» Elle lui
+répondit: «Je le sais, mais nous, nous ne pouvons pas non plus vivre
+tous dans la piété.» Le docteur lui dit alors: «Vous autres de la
+noblesse, cependant, vous devriez tous être pieux et irréprochables,
+car vous êtes peu, vous formez un cercle étroit. Nous, gens du
+commun et des basses classes, nous nous corrompons par la multitude;
+nous sommes en grand nombre, il n'est donc pas étonnant qu'il y
+ait si peu de gens pieux parmi nous. C'est chez vous, personnes
+nobles et illustres, que nous devrions trouver des exemples de
+piété, d'honnêteté, etc.» Et il continua de lui parler sur ce ton.
+(Tischreden, p. 341, verso.)
+
+Luther avait dans sa maison et à sa table un Hongrois, nommé Mathias
+de Vai. De retour en Hongrie, il y prêcha, et fut accusé par un
+prédicateur papiste devant le moine George, frère du Vayvode, alors
+gouverneur et régent à Bude. Le moine George fit apporter deux tonneaux
+de poudre sur le marché, et dit: «Si l'un de vous deux prêche la bonne
+doctrine, asseyez-vous dessus, j'y mettrai le feu; nous verrons lequel
+des deux restera vivant.» Le papiste refusa, Mathias s'élança sur un
+des tonneaux. Le papiste et les siens furent condamnés à payer quatre
+cents florins de Hongrie, et à entretenir pendant un certain temps deux
+cents hommes d'armes. Mathias eut la permission de prêcher l'Évangile.
+(Tischr., p. 13.)
+
+Un seigneur hongrois, nommé Jean Huniade, se trouvant à Torgau, comme
+ambassadeur du roi Ferdinand auprès de l'électeur Jean-Frédéric, pria
+celui-ci de faire venir Luther pour qu'il pût le voir et lui parler.
+Luther y vint; à table, l'ambassadeur dit qu'en Hongrie les prêtres
+donnaient la communion tantôt sous une, tantôt sous deux espèces,
+et qu'ils prétendaient que la chose était indifférente. «Révérend
+père, ajouta-t-il, en s'adressant à Luther, me permettez-vous de vous
+demander ce que vous pensez de ces prêtres?» Le docteur répondit
+qu'il les regardait comme de méprisables hypocrites, «Car, dit-il,
+s'ils étaient bien convaincus que la communion sous deux espèces est
+d'institution divine, ils ne pourraient continuer de la donner sous une
+seule.»
+
+Luther cacha le dépit que la question de l'ambassadeur lui avait causé,
+et quelque temps après, il se tourna vers lui, en disant: «Seigneur,
+j'ai répondu à ce que votre Grâce me demandait. Me permettra-t-elle de
+lui faire une question à mon tour?» L'ambassadeur le lui permettant,
+il continua: «Je suis étonné que vos pareils, les conseillers des rois
+et des princes, qui savent bien que la doctrine de l'Évangile est la
+véritable, ne laissent pas de la persécuter de toutes leurs forces. Me
+pourriez-vous dire d'où cela vient?» A ces mots, André Pflug, l'un des
+convives, voyant l'embarras du seigneur hongrois, interrompit Luther et
+parla vivement d'autre chose, de sorte que le seigneur fut dispensé de
+répondre. (Tischr., p. 148.)
+
+
+Le chapitre des _Propos de table_ où se trouve réuni tout ce que Luther
+a dit sur les Turcs, est fort curieux comme peinture des alarmes
+qu'éprouvaient alors toutes les familles chrétiennes. Chaque mouvement
+des barbares est marqué par un cri de terreur. C'est la même scène que
+celle de Goetz de Berlichingen, où le chevalier ne pouvant agir, se
+fait rendre compte par les siens du combat qui a lieu dans la plaine,
+et qu'ils contemplent du haut d'une tour; c'est la même anxiété d'un
+péril toujours croissant, et qu'on est dans l'impuissance d'éviter ou
+de combattre.
+
+«Le Turc ira à Rome, et je n'en suis pas trop fâché, car il est écrit
+dans le prophète Daniel, etc.[r221] Une fois le Turc à Rome, le
+Jugement dernier n'est pas loin.
+
+ [r221] _Ibid._ 432.
+
+»Le Christ a sauvé nos âmes; il faudra qu'il sauve aussi nos corps; car
+le Turc va donner un bon coup à l'Allemagne[r222]. Je pense souvent à
+tous les maux qui vont suivre, et il m'en vient la sueur... La femme du
+docteur s'écria: Dieu nous préserve des Turcs! Non, reprit-il, il faut
+bien qu'ils viennent et qu'ils nous secouent comme il faut.
+
+ [r222] _Ibid._ 432.
+
+»Qui m'eût dit que je verrais en face l'un de l'autre les deux
+empereurs, les rois du Midi et du Septentrion[r223]?... Oh! priez,
+car nos gens de guerre sont trop présomptueux, ils comptent trop sur
+leur force et sur leur nombre. Cela ne peut pas bien finir. Et il
+ajoutait: Les chevaux allemands sont plus forts que ceux des Turcs; ils
+peuvent les renverser; ceux-ci sont plus légers, mais plus petits.
+
+ [r223] _Ibid._ 436.
+
+»Je ne compte point sur nos murs, ni sur nos arquebuses, mais sur le
+_Pater noster_[r224]. C'est là ce qui battra les Turcs; le décalogue
+n'y suffit pas.»
+
+ [r224] _Ibid._ 436, verso.
+
+Luther dit qu'après avoir depuis long-temps désiré de connaître
+l'Alcoran, il en trouva enfin une mauvaise version latine de 1300,
+et qu'il la traduisit en allemand, afin de mieux faire connaître
+l'imposture de Mahomet[r225]. Dans son «Instruction tirée de
+l'Alcoran,» il prouve que ce n'est point Mahomet qui est l'Anti-Christ
+(car l'imposture, dit-il, est trop visible en celui-ci), mais plutôt
+le pape avec son hypocrisie.—«Il y a trois ans qu'un moine du pays
+des Maures vint ici. Nous disputâmes avec lui par l'intermédiaire d'un
+interprète, et comme il fut confondu en tous points par la Parole de
+Dieu, il dit à la fin: «C'est là une bonne croyance.»
+
+ [r226] _Ibid._ t. II. 402.
+
+Les juifs, à titre de juifs et d'usuriers, étaient fort mal avec Luther.
+
+«Nous ne devons pas souffrir les juifs parmi nous. On ne doit ni boire
+ni manger avec eux.—Cependant, dit quelqu'un, il est écrit que les
+juifs seront convertis avant le Jugement...—Et il est écrit aussi, dit
+la femme de Luther, qu'il n'y aura qu'une bergerie et un berger.—Oui,
+chère Catherine, dit le docteur. Mais cela s'est déjà accompli, lorsque
+les païens ont embrassé l'Évangile.» (Tischr., p. 431.)
+
+«Si j'étais à la place des seigneurs de **, je ferais venir ensemble
+tous les juifs, et je leur demanderais pourquoi ils appellent Christ
+un fils de p..., et sainte Marie une coureuse. S'ils parvenaient à le
+prouver, je leur donnerais cent florins; sinon je leur arracherais la
+langue.» (Tischr., p. 431, verso.)
+
+
+ [a63] Page 127, ligne 24.—_Je ne puis nier que je ne sois
+ violent..._
+
+Érasme disait: «Luther est insatiable d'injures et de violences; c'est
+comme Oreste furieux.» (Erasm., Epist. non sobria Luther.)
+
+
+ [a64] Page 142, ligne 9.—_Le droit impérial ne tient plus qu'à
+ un fil..._
+
+Cependant Luther le préférait encore au droit saxon.
+
+«Le docteur Luther parlant de la grande barbarie et dureté du droit
+saxon, disait que les choses iraient au mieux si le droit impérial
+était suivi dans tout l'Empire. Mais l'opinion s'est établie à la cour,
+que le changement ne pouvait se faire sans grande confusion et grande
+dévastation.» (Tischreden, page 412.)
+
+
+ [a65] Page 143, ligne 17.—_Je te le conseille, juriste, laisse
+ dormir le vieux dogue..._
+
+Dans son avant-dernière lettre à Mélanchton (6 février 1546), il dit
+en parlant des légistes: «O sycophantes, ô sophistes, ô peste du genre
+humain!... Je t'écris en colère, mais je ne sais si, de sang froid, je
+pourrais mieux dire.»
+
+
+ [a66] Page 143, ligne 24.—_Juristes pieux..._
+
+Il souhaite qu'on améliore leur condition.
+
+«Les docteurs en droit gagnent trop peu et sont obligés de se faire
+procureurs. En Italie, on donne à un juriste quatre cents ducats ou
+plus par an; en Allemagne, ils n'en ont que cent. On devrait leur
+assurer des pensions honorables, ainsi qu'aux bons et pieux pasteurs
+et prédicateurs. Faute de cela, ils sont obligés pour nourrir leurs
+femmes et leurs enfans, de s'occuper de l'agriculture et des soins
+domestiques.» (Tischreden, page 414.)
+
+
+ [a67] Page 143.—_Fin du chapitre._
+
+Au comte Albrecht de Mansfeld, au sujet d'une affaire de mariage: «Les
+paysans, les gens grossiers qui ne recherchent que la liberté de la
+chair, les légistes qui décident toujours contre la foi, m'ont rendu
+si las, que j'ai rejeté décidément le fardeau des affaires de mariages,
+et que j'ai dit à plusieurs de faire, au nom de tous les diables, ce
+qu'il leur plaira: _Sinite mortuos sepelire mortuos_. Le monde veut le
+pape! qu'il l'ait, s'il n'en peut être autrement. Tous les légistes
+tiennent pour lui. Je ne sais vraiment si, moi mort, ils auront le
+courage d'adjuger, à mes enfans, le nom de Luther et mes guenilles! Ils
+jugent toujours d'après le droit papal. A qui la faute? A vous autres
+seigneurs, qui les rendez trop fiers, qui les soutenez dans tout ce qui
+leur plaît de décider, qui opprimez les pauvres théologiens, quelque
+raison qu'ils puissent avoir...» (5 octobre 1536.)
+
+«Il faudrait dans un pays deux cents pasteurs contre un juriste.
+Nous devrions, en attendant, changer en pasteurs les juristes et les
+médecins. Vous verrez que cela viendra.» (Tischreden, page 4, verso.)
+
+
+ [a68] Page 151, _fin du chapitre_.
+
+Discussion confidentielle entre Mélanchton et Luther. (1536.)
+
+MÉLANCHTON trouve probable l'opinion de saint Augustin, qui soutient
+«que nous sommes justifiés par la foi, par la rénovation,» et qui, sous
+le mot de rénovation, comprend tous les dons et les vertus que nous
+tenons de Dieu[11]. «Quelle est votre opinion? demanda-t-il à Luther.
+Tenez-vous, avec saint Augustin, que les hommes sont justifiés par la
+rénovation, ou bien par imputation divine?»—LUTHER répond: «Par la
+pure miséricorde de Dieu.»—MÉLANCHTON propose de dire que l'homme
+est justifié _principaliter_ par la foi, _et minùs principaliter_
+par les œuvres, en sorte que la foi rachète l'imperfection de
+celles-ci.—LUTHER. «La miséricorde de Dieu est seule la vraie
+justification. La justification par les œuvres n'est qu'extérieure;
+elle ne peut nous délivrer ni du péché ni de la mort.»—MÉLANCHTON. Je
+vous demande ce qui justifie saint Paul et le rend agréable à Dieu,
+après sa régénération par l'eau et l'esprit?—LUTHER. «C'est uniquement
+cette régénération même. Il est devenu juste et agréable à Dieu par
+la foi, et par la foi il reste tel à jamais.»—MÉLANCHTON. Est-il
+justifié par la seule miséricorde, ou bien l'est-il _principalement_
+par la miséricorde, et _moins principalement_ par ses vertus et
+ses œuvres?—LUTHER. «Non pas. Ses vertus et ses œuvres ne sont
+bonnes et pures que parce qu'elles sont de saint Paul, c'est-à-dire
+d'un juste. Une œuvre plaît ou déplaît, est bonne ou mauvaise, à
+cause de la personne qui la fait.»—MÉLANCHTON. Mais vous enseignez
+vous-même que les bonnes œuvres sont nécessaires, et saint Paul qui
+croit, et qui en même temps fait les œuvres, est agréable à Dieu
+pour cela. S'il faisait autrement il lui déplairait.—LUTHER. «Les
+œuvres sont nécessaires, il est vrai, mais c'est par une nécessité
+sans contrainte, et toute autre que celle de la Loi. Il faut que le
+soleil luise, c'est une nécessité également; cependant ce n'est pas
+par suite d'une loi qu'il luit, mais bien par nature, par une qualité
+inhérente et qui ne peut être changée: il est créé pour luire. De même
+le juste, après la régénération, fait les œuvres, non pour obéir à
+quelque loi ou contrainte, car il ne lui est pas donné de loi, mais
+par une nécessité immuable.—Ce que vous dites de saint Paul, qui,
+sans les œuvres, ne plairait pas à Dieu, est obscur et inexact, car
+il est impossible qu'un croyant, c'est-à-dire un juste, ne fasse ce
+qui est bien.»—MÉLANCHTON. Sadolet nous accuse de nous contredire
+en enseignant que la foi seule justifie, et en admettant néanmoins
+que les bonnes œuvres sont nécessaires.—LUTHER. «C'est que les faux
+frères et les hypocrites, faisant semblant de croire, on leur demande
+les œuvres pour confondre leur fourberie...»—MÉLANCHTON. Vous dites
+que saint Paul est justifié par la seule miséricorde de Dieu. A cela
+je réplique que si l'obéissance ne venait s'ajouter à la miséricorde
+divine, il ne serait point sauvé, conformément à la parole (I. Cor.
+IX): «Malheur à moi, si je ne prêchais pas l'Évangile!»—LUTHER. «Il
+n'est besoin de rien ajouter à la foi; si elle est véritable, elle est
+à elle seule efficace toujours et en tout point. Ce que les œuvres
+valent, elles ne le valent que par la puissance et la gloire de la foi,
+qui est, comme le soleil, resplendissante et rayonnante par nécessité
+de nature.»—MÉLANCHTON. Dans saint Augustin, les œuvres sont incluses
+en ces mots: _Solâ fide_.—LUTHER. «Quoi qu'il en soit, saint Augustin
+fait assez voir qu'il est des nôtres, quand il dit: «Je suis effrayé,
+il est vrai, mais je ne désespère pas, car je me souviens des plaies
+du Seigneur.» Et ailleurs, dans ses Confessions: «Malheur aux hommes,
+quelque bonne et louable que leur vie puisse être, s'ils ne sollicitent
+la miséricorde de Dieu...»—MÉLANCHTON. Est-elle vraie, cette parole:
+«La justice est nécessaire au salut?»—LUTHER. «Non pas dans ce sens,
+que les œuvres produisent le salut, mais qu'elles sont les compagnes
+inséparables de la foi qui justifie. C'est tout de même qu'il faudra
+que je sois là en personne lorsque je serai sauvé.»
+
+ [11] Mélanchton fait remarquer que saint Augustin n'exprime
+ pas cette opinion dans ses écrits de controverse.
+
+«J'en serai aussi,» dit l'autre qu'on menait pour être pendu, et qui
+voyait les gens courir à toutes jambes vers le gibet... La foi qui
+nous est donnée de Dieu régénère l'homme incessamment et lui fait
+faire des œuvres nouvelles, mais ce ne sont pas les œuvres nouvelles
+qui font que l'homme est régénéré... Les œuvres n'ont pas de justice
+par elles-mêmes aux yeux de Dieu, quoiqu'elles ornent et glorifient
+accidentellement l'homme qui les fait... En somme, les croyans sont
+une création nouvelle, un arbre nouveau. Toutes ces manières de dire
+usitées dans la Loi, telles que: «Le croyant _doit_ faire de bonnes
+œuvres, ne nous conviennent donc plus. On ne dit pas: Le soleil _doit
+luire_, un bon arbre _doit_ porter de bons fruits, trois et sept
+_doivent_ faire dix. Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui
+commande; le bon arbre porte de même ses bons fruits; trois et sept
+ont de tout temps fait dix; il n'est pas besoin de le commander pour
+l'avenir.
+
+Le passage suivant est plus exprès encore. «Je pense qu'il n'y a point
+de qualité qui s'appelle foi ou amour, comme le disent les rêveurs et
+les sophistes, mais je reporte cela entièrement au Christ, et je dis
+_mea formalis justitia_ (la justice certaine, permanente, parfaite,
+dans laquelle il n'y a ni manque, ni défaut; celle qui est comme elle
+doit être devant Dieu), cette justice c'est le Christ, mon seigneur.
+(Tischr., p. 133.)
+
+Ce passage est un de ceux qui font le plus fortement sentir le rapport
+intime de la doctrine de Luther avec le système d'identification
+absolue. On conçoit que la philosophie allemande ait abouti à Schelling
+et à Hegel.
+
+
+ [a69] Page 152.
+
+Les papistes se moquaient beaucoup des quatre nouveaux Évangiles. Celui
+de Luther, qui condamne les œuvres; celui de Kuntius, qui rebaptise
+les adultes; celui d'Othon de Brunfels, qui ne regarde l'Écriture
+que comme un pur récit cabalistique, _surda sine spiritu narratio_;
+enfin, celui des mystiques (Cochlæus, p. 165.) Ils auraient pu y
+joindre celui du docteur Paulus Ricius, médecin juif, qui fit paraître,
+pendant la diète de Ratisbonne, un petit livre où Moïse et saint Paul
+montraient, dans un dialogue, comment toutes les opinions religieuses
+qui excitaient tant de disputes pouvaient être conciliées.
+
+
+ [a70] Page 155, ligne 6.—_J'ai vu dans l'air un petit nuage de
+ feu... Dieu est irrité..._
+
+«La comète me donne à penser que quelque malheur menace l'Empereur et
+Ferdinand. Elle a tourné sa queue d'abord vers le nord, puis vers le
+sud, désignant ainsi les deux frères. (oct. 1531.)
+
+
+ [a71] Page 156, ligne 24.—_Michel Stiefel croit être le
+ septième ange..._
+
+«Michel Stiefel, avec sa septième trompette, nous prophétise le jour du
+jugement pour cette année, vers la Toussaint.» (26 août 1533.)
+
+
+ [a72] Page 162, _fin du chapitre_.
+
+Il se moque de l'importance donnée aux cérémonies extérieures dans
+une lettre à George Duchholzer, ecclésiastique de Berlin, qui lui
+avait demandé son avis sur la réforme récemment introduite dans le
+Brandebourg: «..... Pour ce qui est de la chasuble, des processions et
+autres choses extérieures que votre prince ne veut pas abolir, voici
+mon conseil: S'il vous accorde de prêcher l'Évangile de Jésus-Christ
+purement et sans additions humaines, d'administrer le baptême et la
+communion tels que Christ les a institués, de supprimer l'adoration
+des saints et les messes des morts, de renoncer à bénir l'eau, le
+sel et les herbes, de ne plus porter les saints-sacremens dans les
+processions, enfin s'il n'y fait chanter que des cantiques purs de
+toute doctrine humaine: faites les cérémonies qu'il demande, à la garde
+de Dieu, portez une croix d'or ou d'argent, une chape, une chasuble
+de velours, de soie, de toile et tout ce que vous voudrez. Si votre
+seigneur ne se contente pas d'une seule chape ou chasuble, mettez-en
+trois, comme le grand prêtre Aaron qui mettait trois robes l'une sur
+l'autre, toutes belles et magnifiques. Si sa Grâce électorale n'a pas
+assez d'une seule procession que vous ferez avec chant et tintamarre,
+faites-la sept fois, comme Josué et les enfans d'Israël allèrent sept
+fois autour de Jéricho en criant et sonnant des trompettes. Et pour
+peu que cela amuse sa Grâce électorale, elle n'a qu'à ouvrir elle-même
+la marche, et danser devant les autres, au son des harpes, des
+timbales et des sonnettes, comme fit David devant l'arche du Seigneur
+à Jérusalem; je ne m'y oppose point. Ces choses, quand l'abus ne s'y
+mêle point, n'ajoutent, n'ôtent rien à l'Évangile. Mais il faut se
+garder d'en faire des nécessités, des chaînes pour la conscience. Si
+seulement je pouvais en venir là avec le pape et ses adhérens, ah!
+que je remercierais Dieu! Vraiment, si le pape me cédait ce point, il
+pourrait me dire de porter je ne sais quoi, que je le porterais pour
+lui faire plaisir..... Pardonnez-moi, mon cher ami, de vous répondre
+si brièvement aujourd'hui; j'ai la tête si faible, qu'il m'en coûte
+d'écrire...» (4 décembre 1539.)
+
+
+ [a73] Page 177, ligne 18.—_Elle tomba raide..._
+
+«Une servante avait eu, pendant bien des années un invisible esprit
+familier qui s'asseyait près d'elle au foyer, où elle lui avait fait
+une petite place, s'entretenant avec lui pendant les longues nuits
+d'hiver. Un jour la servante pria Heinzchen (elle nommait ainsi
+l'esprit) de se laisser voir dans sa véritable forme. Mais Heinzchen
+refusa de le faire. Enfin, après de longues instances, il y consentit,
+et dit à la servante de descendre dans la cave, où il se montrerait.
+La servante prit un flambeau, descendit dans le caveau, et là, dans un
+tonneau ouvert, elle vit un enfant mort qui flottait au milieu de son
+sang. Or, longues années auparavant, la servante avait mis secrètement
+un enfant au monde, l'avait égorgé, et l'avait caché dans un tonneau.»
+(Tischreden, page 222, trad. d'Henri Heine. Voy. son bel article sur
+Luther, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834.)
+
+
+ [a74] Page 182, ligne 15.—_Ils saisissaient la tête..._
+
+«L'ennemi de tout bien et de toute santé (le diable), chevauche
+quelquefois à travers ma tête, de manière à me rendre incapable de lire
+ou d'écrire la moindre des choses.» (28 mars 1532.)
+
+
+ [a75] Page 183, ligne 9.—_Le diable n'est pas, à la vérité, un
+ docteur qui a pris ses grades..._
+
+«C'est une chose merveilleuse, dit Bossuet, de voir combien
+sérieusement et vivement il décrit son réveil, comme en sursaut, au
+milieu de la nuit, l'apparition manifeste du diable pour disputer
+contre lui. La frayeur dont il fut saisi, sa sueur, son tremblement
+et son horrible battement de cœur dans cette dispute; les pressans
+argumens du démon qui ne laisse aucun repos à l'esprit; le son de sa
+puissante voix; ses manières de disputer accablantes, où la question et
+la réponse se font sentir à la fois. Je sentis alors, dit-il, comment
+il arrive si souvent qu'on meure subitement vers le matin: c'est que le
+diable peut tuer et étrangler les hommes, et sans tout cela, les mettre
+si fort à l'étroit par ses disputes, qu'il y a de quoi en mourir, comme
+je l'ai plusieurs fois expérimenté.» (_De abrogandâ missâ privatâ_, t.
+VII, 222, trad. de Bossuet. Variations, II, p. 203.)
+
+
+ [a76] Page 201, ligne 8.—_Après avoir prêché à Smalkalde..._
+
+Il écrivit à sa femme sur cette maladie: «... J'ai été comme mort;
+je t'avais déjà recommandée, toi et nos enfans, à Dieu et à notre
+Seigneur, dans la pensée que je ne vous reverrais plus; j'étais bien
+ému en pensant à vous; je me voyais déjà dans la tombe. Les prières et
+les larmes de gens pieux qui m'aiment, ont trouvé grâce devant Dieu.
+Cette nuit a tué mon mal, me voilà comme rené...» (27 février 1537.)
+
+Luther éprouva une rechute dangereuse à Wittemberg. Obligé de rester
+à Gotha, il se croyait près de la mort. Il dicta à Bugenhagen, qui
+était avec lui, sa dernière volonté. Il déclara qu'il avait combattu la
+papauté selon sa conscience, et demanda pardon à Mélanchton, à Jonas et
+à Cruciger des offenses qu'il pouvait leur avoir faites. (Ukert, t. I,
+p. 325.)
+
+
+ [a77] Page 202, ligne 2.—_Ma véritable maladie..._
+
+Luther fut atteint de bonne heure de la pierre; cette maladie le
+faisait cruellement souffrir. Il fut opéré le 27 février 1537.
+
+«Je commence à entrer en convalescence, avec la grâce de Dieu, je
+rapprends à boire et à manger, quoique mes jambes, mes genoux, mes os
+tremblent, et que je me porte à peine. (21 mars 1537.)
+
+»Je ne suis, même sans parler des maladies et de la vieillesse, qu'un
+cadavre engourdi et froid.» (6 décembre 1537.)
+
+
+ [a78] Page 215, ligne 10.—_Les comtes de Mansfeld..._
+
+Il avait essayé en vain de réconcilier les comtes de Mansfeld. «Si l'on
+veut, dit-il, faire entrer dans une maison un arbre coupé, il ne faut
+pas le prendre par la tête; toutes les branches l'arrêteraient à la
+porte. Il faut le prendre par la racine, et les branches plieront pour
+entrer. (Tischreden, p. 355.)
+
+
+ [a79] Page 222.—_A la fin du chapitre._
+
+Nous réunissons ici plusieurs particularités relatives à Luther.
+
+Érasme dit de lui: «On loue unanimement les mœurs de cet homme; c'est
+un grand témoignage que ses ennemis même n'y trouvent pas matière à la
+calomnie.» (Ukert, t. II, page 5.)
+
+Luther aimait les plaisirs simples: il faisait souvent de la musique
+avec ses commensaux et jouait aux quilles avec eux.—Mélanchton dit
+de lui: «Quiconque l'aura connu et fréquenté familièrement, avouera
+que c'était un excellent homme, doux et aimable en société, nullement
+opiniâtre ni ami de la dispute. Joignez à cela la gravité qui convenait
+à son caractère.—S'il montrait de la dureté en combattant les ennemis
+de la vraie doctrine, ce n'était point malignité de nature, mais ardeur
+et passion pour la vérité.» (Ukert, t. II, p. 12.)
+
+
+«Bien qu'il ne fût ni d'une petite stature ni d'une complexion faible,
+il était d'une extrême tempérance dans le boire et le manger. Je l'ai
+vu étant en pleine santé, passer quatre jours entiers sans prendre
+aucun aliment, et souvent se contenter, dans une journée entière, d'un
+peu de pain et d'un hareng pour toute nourriture.» (_Vie de Luther_,
+par Mélanchton.)
+
+
+Mélanchton dit dans ses Œuvres posthumes: «Je l'ai souvent trouvé,
+moi-même, pleurant à chaudes larmes, et priant Dieu ardemment pour le
+salut de l'Église. Il consacrait, chaque jour, quelque temps à dire des
+psaumes et à invoquer Dieu de toute la ferveur de son âme.» (Ukert, t.
+II, p. 7.)
+
+
+Luther dit de lui-même: «Si j'étais aussi éloquent et aussi riche en
+paroles qu'Érasme, aussi bon helléniste que Joachim Camérarius, aussi
+savant en hébreu que Forscherius, et aussi un peu plus jeune, ah! quels
+travaux je ferais!» (Tischreden, p. 447.)
+
+
+«Le licencié Amsdorf est naturellement théologien. Les docteur
+Creuziger et Jonas le sont par art et réflexion. Mais moi et le docteur
+Pomer, nous donnons peu de prise dans la dispute.» (Tischreden, p. 425.)
+
+
+A Antoine Unruche, juge à Torgau «... Je vous remercie de tout mon
+cœur, cher Antoine, d'avoir pris en main la cause de Marguerite Dorst,
+et de n'avoir pas souffert que ces insolens hobereaux enlevassent à
+la pauvre femme le peu qu'elle a. Vous savez que le docteur Martin
+n'est pas seulement théologien et défenseur de la foi, mais aussi
+le soutien du droit des pauvres gens qui viennent de tous côtés lui
+demander ses conseils et son intercession auprès des autorités. Il sert
+volontiers les pauvres, comme vous faites vous-même, vous et ceux qui
+vous ressemblent. Tous les juges devraient être comme vous. Vous êtes
+pieux, vous craignez Dieu, vous aimez sa parole; aussi Jésus-Christ ne
+vous oubliera-t-il pas...» (12 juin 1538.)
+
+
+Luther écrit à sa femme au sujet d'un vieux domestique qui allait
+quitter sa maison: «Il faut congédier notre vieux Jean honorablement;
+tu sais qu'il nous a toujours servis loyalement, avec zèle, et comme
+il convenait à un serviteur chrétien. Combien n'avons-nous pas donné
+à des vauriens, à des étudians ingrats, qui ont fait un mauvais usage
+de notre argent? Il ne faut donc pas lésiner, dans cette occasion, à
+l'égard d'un si honnête serviteur, chez lequel notre argent sera placé
+d'une manière agréable à Dieu. Je sais bien que nous ne sommes pas
+riches; je lui donnerais volontiers dix florins si je les avais; en
+tous cas, ne lui en donne pas moins de cinq, car il n'est pas habillé.
+Ce que tu pourras faire de plus, fais-le, je t'en prie. Il est vrai
+que la caisse de la ville devrait bien aussi lui donner quelque chose,
+parce qu'il a fait toutes sortes de services dans l'église; qu'ils
+agissent comme ils voudront. Vois de quelle manière tu pourras avoir
+cet argent. Nous avons un gobelet d'argent à mettre en gage. Dieu ne
+nous abandonnera pas, j'en suis sûr. Adieu.» (17 février 1532.)
+
+
+«Le prince m'a donné un anneau d'or; mais afin que je visse bien que
+je n'étais pas né pour porter de l'or, l'anneau est aussitôt tombé de
+mon doigt (car il est un peu trop large). J'ai dit: Tu n'es qu'un ver
+de terre, et non un homme. Il fallait donner cet or à Faber, à Eckius;
+pour toi, du plomb, une corde au cou te conviendraient davantage.» (15
+septembre 1530.)
+
+
+L'Électeur, établissant une contribution pour la guerre des Turcs,
+en avait fait exempter Luther. Il lui répondit qu'il acceptait cette
+faveur pour ses deux maisons, dont l'une (l'ancien couvent) lui coûtait
+beaucoup d'entretien sans rien rapporter, et dont l'autre n'était pas
+payée encore. «Mais, continue-t-il, je prie votre Grâce électorale,
+en toute soumission, de permettre que je contribue pour mes autres
+biens. J'ai encore un jardin estimé à cinq cents florins, une terre à
+quatre-vingt-dix, et un petit jardin qui en vaut vingt. J'aimerais bien
+à faire comme les autres, à combattre le Turc de mes liards, à ne pas
+être exclu de l'armée qui doit nous sauver. Il y en a déjà assez qui ne
+donnent pas volontiers; je ne voudrais pas faire des envieux. Il vaut
+mieux qu'on ne puisse se plaindre, et que l'on dise: Le docteur Martin
+est aussi obligé de payer.» (26 mars 1542.)
+
+
+A l'électeur Jean. «Grâce et paix en Jésus-Christ. Sérénissime
+seigneur! j'ai long-temps différé de remercier votre Grâce des habits
+qu'elle a bien voulu m'envoyer; je le fais par la présente de tout mon
+cœur. Cependant je prie humblement votre Grâce de ne pas en croire
+ceux qui me présentent comme dans le dénûment. Je ne suis déjà que trop
+riche selon ma conscience; il ne me convient pas, à moi, prédicateur,
+d'être dans l'abondance, je ne le souhaite ni ne le demande.—Les
+faveurs répétées de votre Grâce commencent vraiment à m'effrayer. Je
+n'aimerais pas à être de ceux à qui Jésus-Christ dit: Malheur à vous,
+riches, parce que vous avez déjà reçu votre consolation! Je ne voudrais
+pas non plus être à charge à votre Grâce, dont la bourse doit s'ouvrir
+sans cesse pour tant d'objets importans. C'était donc déjà trop de
+l'étoffe brune qu'elle m'a envoyée; mais, pour ne pas être ingrat, je
+veux aussi porter en son honneur l'habit noir, quoique trop précieux
+pour moi; si ce n'était un présent de votre Grâce électorale, je
+n'aurais jamais voulu porter un pareil habit.
+
+»Je supplie en conséquence votre Grâce de vouloir bien dorénavant
+attendre que je prenne la liberté de demander quelque chose. Autrement
+cette prévenance de sa part m'ôterait le courage d'intercéder
+auprès d'elle pour d'autres qui sont bien plus dignes de sa faveur.
+Jésus-Christ récompensera votre âme généreuse: c'est la prière que je
+fais de tout mon cœur. Amen.» (17 août 1529.)
+
+
+Jean-le-Constant avait fait présent à Luther de l'ancien couvent
+des Augustins à Wittemberg.—L'électeur Auguste le racheta de ses
+héritiers, en 1564, pour le donner à l'université. (Ukert, t. I, p.
+347.)
+
+
+_Lieux habités par Luther et objets qu'on a conservés de lui._—La
+maison dans laquelle Luther naquit n'existe plus; elle fut brûlée
+en 1689.—A la Wartbourg, on montre encore sur le mur une tache
+d'encre que Luther aurait faite en jetant son écritoire à la tête du
+diable.—On a conservé aussi la cellule qu'il occupait au couvent de
+Wittemberg, avec différens meubles qui lui appartenaient. Les murs de
+cette cellule sont couverts de noms de visiteurs. On remarque celui de
+Pierre-le-Grand écrit sur la porte.—A Cobourg, l'on voit la chambre
+qu'il habitait pendant la diète d'Augsbourg (1530).
+
+
+Luther portait au doigt une bague d'or, émaillée, sur laquelle on
+voyait une petite tête de mort avec ces mots: _Mori sæpe cogita_;
+autour du chaton était écrit: _O mors, ero mors tua_. Cette bague est
+conservée à Dresde, ainsi qu'une médaille en argent dorée, que la femme
+de Luther portait au cou. Dans cette médaille, un serpent se dresse
+sur les corps des Israélites, avec ces mots: _Serpens exaltatus typus
+Christi crucifixi_. Le revers présente Jésus-Christ sur la croix avec
+cette légende: _Christus mortuus est pro peccatis nostris_. D'un côté
+on lit encore: _D. Mart. Luter Caterinæ suæ dono. D. H. F._; et de
+l'autre: _Quæ nata est anno 1499, 29 januarii_.
+
+
+Il avait lui-même un cachet dont il a donné la description dans une
+lettre à Lazare Spengler: «Grâce et paix en Jésus-Christ.—Cher
+seigneur et ami! vous me dites que je vous ferais plaisir en vous
+expliquant le sens de ce qu'on voit sur mon sceau. Je vais donc
+vous indiquer ce que j'ai voulu y faire graver, comme symbole de ma
+théologie. D'abord, il y a une croix noire avec un cœur au milieu.
+Cette croix doit me rappeler que la foi au Crucifié nous sauve: qui
+croit en lui de toute son âme est justifié. Cette croix est noire
+pour indiquer la mortification, la douleur par laquelle le chrétien
+doit passer. Le cœur néanmoins conserve sa couleur naturelle; car la
+croix n'altère pas la nature, elle ne tue pas, elle vivifie. _Justus
+fide vivit, sed fide crucifixi._ Le cœur est placé au milieu d'une
+rose blanche, qui indique que la foi donne la consolation, la joie et
+la paix; la rose est blanche et non rouge, parce que ce n'est point
+la joie et la paix du monde, mais celle des esprits: le blanc est la
+couleur des esprits, et de tous les anges. La rose est dans un champ
+d'azur, pour montrer que cette joie dans l'esprit et dans la foi est un
+commencement de la joie céleste qui nous attend; celle-ci y est déjà
+comprise, elle existe déjà en espoir, mais le moment de la consommation
+n'est pas encore venu. Dans ce champ vous voyez aussi un cercle
+d'or. Il indique que la félicité dans le ciel durera éternellement,
+et qu'elle est supérieure à toute autre joie, à tout autre bien,
+comme l'or est le plus précieux des métaux.—Que Jésus-Christ, notre
+seigneur, soit avec vous jusque dans la vie éternelle. Amen. De mon
+désert de Cobourg, 8 juillet 1530.»
+
+
+A Altenbourg, l'on a conservé long-temps un verre de table dans lequel
+Luther avait bu la dernière fois qu'il visita son ami Spalatin. (Ukert,
+t. I, page 245 et suiv.)
+
+
+
+
+RENVOIS DU TOME TROISIÈME.
+
+ Renvoi Page ligne
+ [r1] 3, 19. _Otto Pack._—Cochlæus, 171.
+ [r2] 4, 11. _Cette ligue._—Ukert, 216.
+ [r3] 5, 15. _Tu crains que._—Luther Werke, t. IX, 231.
+ [r4] 6, 24. _Mémoire de Luther._—_Ibid._ t. IX, 297.
+ [r5] 20, 23. _L'Espagnol disait._—_Ibid._ t. IX, 414.
+ [r6] 23, 14. _Luther écrit._—_Ibid._ t. IX, 459.
+ [r7] 29, 15. _Comment l'Évangile._—_Ibid._ t. II, 391, 199.
+ [r8] 35, 17. _Nouvelle sur les Anabaptistes._—_Ibid._
+ t. II, 328.
+ [r9] 40, 20. _Les anabaptistes soumis._—_Ibid._ t. II, 365.
+ [r10] 42, 4. _Entretien._—_Ibid._ t. II, 376.
+ [r11] 49, 11. _Le 19 janvier._—_Ibid._ t. II, 400.
+ [r12] 51, 3. _Préface de Luther._—_Ibid._ t. II, 332.
+ [r13] 60, 14. _Les instructions._—Bossuet en a donné le texte
+ dans son histoire des _Variations de l'Église
+ protestante_.—t. I, 328, 199.
+ [r14] 72, 3. _Celui qui insulte._—Tischr. 241.
+ [r15] 72, 8. _Le droit saxon._—_Ibid._ 315 _bis_.
+ [r16] 72, 14. _Il n'y a point de doute._—_Ibid._ 116.
+ [r17] 72, 22. _On disait à Luther._—_Ibid._ 312 _bis_.
+ [r18] 73, 11. _Lettre à un ami._—_Ibid._ 313 _bis_.
+ [r19] 73, 20. _Il n'est guère plus possible._—_Ibid._ 315 _bis_.
+ [r20] 74, 4. _La plus grande grâce._—_Ibid._ 313.
+ [r21] 74, 20. _Au jour de la._—_Ibid._ 316 _bis_.
+ [r22] 75, 6. _Le docteur M._—_Ibid._ 320.
+ [r23] 75, 18. _En 1541._—_Ibid._ 264 _bis_.
+ [r24] 76, 4. _La première année._—_Ibid._ 313 _bis_.
+ [r25] 76, 19. _Lucas Cranach._—_Ibid._ 314.
+ [r26] 77, 19. _On trouve l'image._—_Ibid._ 312 _bis_.
+ [r27] 78, 6. _Les petits enfans._—_Ibid._ 42 _bis_.
+ [r28] 78, 3. _On amena._—_Ibid._ 124.
+ [r29] 78, 20. _Servez._—_Ibid._ 10 _bis_.
+ [r30] 79, 3. _Au premier jour._—_Ibid._ 314 _bis_.
+ [r31] 79, 13. _Après qu'il eut._—_Ibid._ 47.
+ [r32] 79, 21. _Il disait à son._—_Ibid._ 49 _bis_.
+ [r33] 79, 25. _Les enfans sont les plus heureux._—_Ibid._ 134.
+ [r34] 80, 10. _Une autre fois._—_Ibid._ 134 _bis_.
+ [r35] 80, 19. _Comme maître._—_Ibid._ 45 _bis_.
+ [r36] 81, 1. _Quels ont dû être._—_Ibid._ 47.
+ [r37] 81, 17. _Il est touchant._—_Ibid._ 42-43 _passim_.
+ [r38] 81, 24. _Le 9 avril 1539._—_Ibid._ 363.
+ [r39] 82, 16. _Le 18 avril._—_Ibid._ 423.
+ [r40] 83, 13. _Supportons._—Lettre V, 726.
+ [r41] 83, 22. _Un soir._—Tischr. 43 _bis_.
+ [r42] 84, 1. _Vers le soir._—_Ibid._ 24 _bis_.
+ [r43] 85, 10. _Le petit enfant._—Tischred. 32, verso.
+ [r44] 86, 23. _Dans les choses divines._—_Ibid._ 69.
+ [r45] 87, 14. _Le décalogue._—_Ibid._ 112, verso.
+ [r46] 87, 18. _On demandait au docteur._—_Ibid._ 362.
+ [r47] 88, 1. _Cicéron._—_Ibid._ 425.
+ [r48] 88, 12. _On demandait à Luther._—_Ibid._ 106.
+ [r49] 88, 25. _Le docteur soupirait._—_Ibid._ 11, verso.
+ [r50] 89, 11. _Autrefois._—_Ibid._ 311.
+ [r51] 89, 21. _Que sont les saints._—Cochlæus, Vie de Luther,
+ 226.
+ [r52] 90, 10. _Nos adversaires._—Tischred. 447.
+ [r53] 90, 18. _Pourquoi enseigne-t-on?_—Luth. Werke, t. II, 16.
+ [r54] 92, 8. _Le Pater noster._—Tischreden, 153.
+ [r55] 93, 3. _L'évangile de saint Jean._—Ukert, 18.
+ [r56] 95, 28. _Ambroise._—Tischreden, 383.
+ [r57] 96, 7. _Saint Augustin._—_Ibid._ 98.
+ [r58] 97, 11. _Les nominaux._—_Ibid._ 384.
+ [r59] 98, 15. _Le D. Staupitz._—_Ibid._ 385.
+ [r60] 99, 11. _Jean Huss._—_Ibid._ 386.
+ [r61] 99, 26. _Jean Huss était._—_Ibid._ 127.
+ [r62] 100, 4. _La tête de l'antichrist._—_Ibid._ 241.
+ [r63] 100, 6. _C'est ma pauvre condition._—_Ibid._ 249.
+ [r64] 100, 18. _Les papistes._—_Ibid._ 255.
+ [r65] 100, 28. _Le pape le dit._—_Ibid._ 259.
+ [r66] 101, 6. _D'autres ont attaqué les mœurs._—_Ibid._ 192.
+ [r67] 101, 10. _Des conciles._—_Ibid._ 371-76.
+ [r68] 102, 14. _Des biens ecclésiastiques._—_Ibid._ 380.
+ [r69] 103, 17. _Le proverbe a raison._—_Ibid._ 60.
+ [r70] 104, 7. _En Italie._—_Ibid._ 275.
+ [r71] 104, 26. _Dans les disputes._—_Ibid._ 271.
+ [r72] 105, 3. _La moinerie._—_Ibid._ 272.
+ [r73] 123, 4. _Oh! combien je tremblais._—_Ibid._ 181.
+ [r74] 124, 9. _Je n'aime pas que Philippe._—_Ibid._ 197.
+ [r75] 124, 14. _Le docteur Jonas lui disait._—_Ibid._ 113.
+ [r76] 124, 24. _Je veux que l'on enseigne._—_Ibid._ 116.
+ [r77] 125, 4. _Le docteur Erasmus Alberus._—_Ibid._ 184.
+ [r78] 125, 16. _Albert Dürer._—_Ibid._ 425.
+ [r79] 125, 20. _Oh! que j'eusse été heureux._—Luth. Werke,
+ t. IX, 245.
+ [r80] 125, 27. _Rien n'est plus agréable._—Tischreden, 182.
+ [r81] 126, 3. _Parmi les qualités._—_Ibid._ 183.
+ [r82] 126, 7. _Dans le traité._—Seckendorf, livre I, 202.
+ [r83] 128, 4. _Le docteur Luther disait._—Tischreden, 105.
+ [r84] 128, 8. _Si je meurs._—_Ibid._ 356.
+ [r85] 128, 13. _Dans la colère._—_Ibid._ 145.
+ [r86] 131, 4. _Il n'est pas d'alliance._—_Ibid._ 331.
+ [r87] 132, 19. _La nouvelle étant venue._—_Ibid._ 274.
+ [r88] 134, 12. _La nuit qui précéda la mort._—_Ibid._ 360.
+ [r89] 138, 3. _Il vaut mieux._—_Ibid._ 347.
+ [r90] 139, 13. _Le droit est une belle fiancée._—_Ibid._ 273.
+ [r91] 139, 28. _Avant moi, il n'y a eu._—_Ibid._ 402.
+ [r92] 142, 22. _Voilà comme agissent._—_Ibid._ 403.
+ [r93] 143, 12. _Bon peuple, veuillez agréer._—_Ibid._ 407.
+ [r94] 145, 11. _Je suis maintenant._—_Ibid._ 102.
+ [r95] 146, 8. _La loi sans doute._—_Ibid._ 128.
+ [r96] 146, 17. _Pour me délivrer entièrement._—Tischreden, 133.
+ [r97] 147, 1. _Il n'est qu'un seul point._—_Ibid._ 140.
+ [r98] 147. _Luther en parlant._—_Ibid._ 147.
+ [r99] 147, 8. _Le diable veut seulement._—_Ibid._ 142.
+ [r100] 147, 15. _Un docteur anglais._—_Ibid._ 144.
+ [r101] 148, 1. _Pour résister._—_Ibid._ 124.
+ [r102] 149, 8. _Dieu dit à Moïse._—_Ibid._ 125.
+ [r103] 153, 6. _Le docteur Martin Luther disait au
+ sujet._—_Ibid._ 292.
+ [r104] 153, 11. _Quand je commençai à écrire._—_Ibid._ 193.
+ [r105] 153, 22. _En 1521, il vint chez moi._—_Ibid._ 282.
+ [r106] 155, 27. _Maître Stiefel._—_Ibid._ 367.
+ [r107] 156, 26. _Bileas._—_Ibid._ 192.
+ [r108] 157, 4. _Le docteur Jeckel._—_Ibid._ 287.
+ [r109] 158, 1. _Le docteur Luther faisant reproche._—_Ibid._ 290.
+ [r110] 158, 19. _Des antinomiens._—_Ibid._ 287.
+ [r111] 159, 15. _Qui aurait pensé._—_Ibid._ 288.
+ [r112] 160, 8. _J'ai eu tant de confiance._—_Ibid._ 291.
+ [r113] 161, 1. _En 1540, Luther._—_Ibid._ 129.
+ [r114] 161, 22. _Maître Jobst._—_Ibid._ 124.
+ [r115] 162, 12. _Si au commencement._—_Ibid._ 125.
+ [r116] 163, 4. _Maître Philippe dit._—_Ibid._ 445.
+ [r117] 164, 4. _Philippe me demandait._—_Ibid._ 29.
+ [r118] 164, 8. _Si Philippe n'eût pas été._—_Ibid._ 195.
+ [r119] 164, 11. _Le Paradis de Luther._—_Ibid._ 305.
+ [r120] 164, 21. _Les paysans ne sont pas dignes._—_Ibid._ 52.
+ [r121] 164, 28. _Le docteur Jonas._—_Ibid._ 137.
+ [r122] 165, 14. _Un méchant et horrible._—_Ibid._ 70.
+ [r123] 165, 22. _La femme du docteur._—_Ibid._ 150.
+ [r124] 166, 2. _Le docteur exhortait sa femme._—_Ibid._
+ [r125] 166, 22. _Le pater noster._—_Ibid._ 135.
+ [r126] 166, 25. _J'aime ma Catherine._—_Ibid._ 140.
+ [r127] 169, 3. _Une jeune fille._—_Ibid._ 92, verso.
+ [r128] 169, 9. _Un pasteur._—_Ibid._ 208.
+ [r129] 172, 5. _Il y a des lieux._—_Ibid._ 212.
+ [r130] 172, 18. _Un jour de grand orage._—_Ibid._ 219.
+ [r131] 173, 3. _Suivent deux histoires._—_Ibid._ 214.
+ [r132] 173, 11. _Le diable promène._—_Ibid._ 213.
+ [r133] 173, 18. _Aux Pays-Bas et en Saxe._—_Ibid._ 221.
+ [r134] 173, 21. _Les moines conduisaient._—_Ibid._ 222.
+ [r135] 173, 24. _On racontait à table._—_Ibid._ 205.
+ [r136] 174, 8. _Un vieux curé._—_Ibid._ 205.
+ [r137] 175, 14. _Une autre fois, Luther._—_Ibid._ 205.
+ [r138] 176, 23. _Il y avait à Erfurth._—_Ibid._ 215.
+ [r139] 177, 18. _Le docteur Luc Gauric._—_Ibid._ 216.
+ [r140] 177, 21. _Le diable peut se changer._—_Ibid._ 216.
+ [r141] 182, 9. _Le docteur Luther devenu plus âgé._—_Ibid._ 222.
+ [r142] 182, 16. _Cela m'est arrivé._—_Ibid._ 220.
+ [r143] 182, 23. _Je sais, grâce à Dieu._—_Ibid._ 224.
+ [r144] 183, 9. _Le Diable n'est pas._—_Ibid._ 202.
+ [r145] 183, 20. _Au mois de janvier 1532._—Ukert, t. I, 320.
+ [r146] 184, 8. _Ma maladie qui consiste._—Tischreden, 210.
+ [r147] 184, 13. _En 1536, il maria._—Ukert, t. I, 322.
+ [r148] 184, 20. _Pendant que le docteur Luther._—Tischreden, 229.
+ [r149] 185, 8. _Quand le diable me trouve._—_Ibid._ 8.
+ [r150] 186, 1. _La nuit, quand je me réveille._—_Ibid._ 218.
+ [r151] 186, 6. _Aujourd'hui comme je._—_Ibid._ 220.
+ [r152] 186, 15. _Un jour que l'on parlait à souper._—_Ibid._ 12.
+ [r153] 187, 1. _Le diable me fait regarder._—_Ibid._ 220.
+ [r154] 187, 4. _Le diable nous a juré._—_Ibid._ 362.
+ [r155] 187, 6. _La tentation de la chair._—_Ibid._ 318.
+ [r156] 187, 13. _Si je tombe._—_Ibid._ 226.
+ [r157] 187, 19. _Le grain d'orge a bien à souffrir._—_Ibid._ 216.
+ [r158] 188, 15. _Quand le diable vient._—_Ibid._ 227.
+ [r159] 189, 4. _On peut consoler._—_Ibid._ 231.
+ [r160] 189, 10. _La meilleure médecine._—_Ibid._ 238.
+ [r161] 189, 19. _Préface du docteur._—Luth. Werke, t. II, 1.
+ [r162] 200, 3. _Le mal de dents._—Tischreden, 356.
+ [r163] 200, 12. _Un homme se plaignait._—_Ibid._ 357.
+ [r164] 201, 8. _Après avoir prêché._—_Ibid._ 362.
+ [r165] 203, 3. _Si j'avais su._—_Ibid._ 6.
+ [r166] 203, 8. _On disait une fois._—_Ibid._ 5.
+ [r167] 203, 18. _On disait un jour._—_Ibid._ 5, verso.
+ [r168] 204, 13. _C'est vous qui._—_Ibid._ 195, verso.
+ [r169] 204, 15. _Il sortit un jour._—_Ibid._ 189, verso.
+ [r170] 204, 17. _Le 16 février._—_Ibid._ 414.
+ [r171] 204, 23. _Le chancelier du comte._—_Ibid._ 19.
+ [r172] 205, 16. _Dieu a un beau jeu._—_Ibid._ 32, verso.
+ [r173] 205, 22. _Le monde._—_Ibid._ 448, verso.
+ [r174] 205, 26. _Luther._—_Ibid._ 449.
+ [r175] 206, 15. _Un des convives._—_Ibid._ 295.
+ [r176] 206, 23. _Il sera si mauvais sujet._—_Ibid._ 15.
+ [r177] 207, 3. _On parlait à table._—_Ibid._ 304. verso.
+ [r178] 207, 23. _Pauvres gens._—_Ibid._ 46.
+ [r179] 210, 17. _Je l'ai dit d'avance._—_Ibid._ 416.
+ [r180] 211, 7. _La vieille électrice._—_Ibid._ 361-2.
+ [r181] 211, 15. _Je voudrais._—_Ibid._ 147.
+ [r182] 211, 18. _16 février 1546._—_Ibid._ 362.
+ [r183] 211, 25. _Impromptu de Luther sur la fragilité._—_Ibid._
+ 358.
+ [r184] 212, 19. _Prédiction du Révérend._—Opera latina, Iena,
+ 1612, Ier vol. après la table des matières.
+ [r185] 303, 23. _Il n'y a jamais eu._—Tischreden, 243.
+ [r186] 304, 1. _Le Pape Jules IIe du nom._—_Ibid._ 242.
+ [r187] 304, 12. _Si j'avais été._—_Ibid._ 243.
+ [r188] 304, 17. _Le Pape Jules II, un homme._—_Ibid._ 269.
+ [r189] 304, 23. _L'an 1532._—_Ibid._ 341.
+ [r190] 305, 1. _Lorsque ceux de Bruges._—_Ibid._ 448.
+ [r191] 305, 27. _L'empereur Maximilien._—_Ibid._ 343.
+ [r192] 305, 22. _On dit que._—_Ibid._ 184, verso.
+ [r193] 306, 22. _Après l'élection._—_Ibid._ 53.
+ [r194] 307, 5. _La nouvelle vint._—_Ibid._ 349.
+ [r195] 307, 14. _Les rois de France._—_Ibid._ 349, verso.
+ [r196] 309, 17. _Sept universités._—_Ibid._ 348.
+ [r197] 309, 23. _Quelques-uns qui avaient._—_Ibid._ 348, verso.
+ [r198] 310, 3. _Le duc Georges._—_Ibid._ 265.
+ [r199] 310, 7. _Lorsque le duc George déclara._—_Ibid._ 156.
+ [r200] 310, 17. _Le duc George a sucé._—_Ibid._ 313, verso.
+ [r201] 310, 25. _Lorsque le duc George voyait._—_Ibid._ 142,
+ verso.
+ [r202] 312, 6. _L'électeur Frédéric._—_Ibid._ 451, verso.
+ [r203] 313, 3. _En 1525._—_Ibid._ 152.
+ [r204] 314, 8. _On dit que l'empereur._—_Ibid._ 353.
+ [r205] 315, 6. _Quoique le docteur Jonas._—_Ibid._ 354.
+ [r206] 317, 21. _Après la diète._—_Ibid._ 156.
+ [r207] 319, 4. _En Italie les hôpitaux._—_Ibid._ 145.
+ [r208] 320, 1. _Je ne manque point._—_Ibid._ 424.
+ [r209] 320, 14. _En Italie et en France._—_Ibid._ 281, verso.
+ [r210] 320, 18. _En France._—_Ibid._ 271, verso.
+ [r211] 320, 25. _Lorsque je vis Rome._—_Ibid._ 442.
+ [r212] 322, 1. _Il y avait en Italie._—_Ibid._ 269, verso.
+ [r213] 322, 6. _Un soir à la table._—_Ibid._ 442, verso.
+ [r214] 322, 15. _Christoff Gross._—_Ibid._ 441, verso.
+ [r215] 323, 4. _La peste règne toujours._—_Ibid._ 440, verso.
+ [r216] 324, 21. _Dans mon voyage._—_Ibid._ 166.
+ [r217] 324, 25. _George Siegeler._—_Ibid._ 184.
+ [r218] 325, 5. _La Thuringe._—_Ibid._ 62.
+ [r219] 325, 14. _L'électorat de Saxe._—_Ibid._ 269.
+ [r220] 325, 24. _Le vieil électeur._—_Ibid._ 61, verso.
+ [r221] 329. _Le Turc ira à Rome._—_Ibid._ 432.
+ [r222] 329, 7. _Le Christ a sauvé._—_Ibid._ 432.
+ [r223] 329, 15. _Qui m'eût dit._—_Ibid._ 436.
+ [r224] 329, 23. _Je ne compte point._—_Ibid._ 436, verso.
+ [r225] 329, 27. _Luther dit qu'après._ Luth. Werke,.—_Ibid._
+ t. II. 402.
+
+
+FIN DU TOME TROISIÈME.
+
+
+
+
+TABLE DU TROISIÈME VOLUME.
+
+
+ LIVRE III.—1529-1546 1
+
+ CHAP. 1er. 1529-1532. Les Turcs.—Danger de
+ l'Allemagne.—Augsbourg, Smalkalde.—Danger
+ du protestantisme. 1
+
+ CHAP. II. 1534-1536. Anabaptistes de Münster. 28
+
+ CHAP. III. 1536-1545. Dernières années de la vie de
+ Luther.—Polygamie du landgrave de Hesse, etc. 56
+
+
+ LIVRE IV.—1530-1546 71
+
+ CHAP. 1er. Conversations de Luther.—La famille, la femme,
+ les enfans.—La nature. 71
+
+ CHAP. II. La Bible.—Les Pères.—Les scolastiques.—Le pape.
+ Les conciles. 85
+
+ CHAP. III. Des écoles et universités et des arts libéraux. 100
+
+ CHAP. IV. Drames.—Musique.—Astrologie.—Imprimerie.—Banque,
+ etc. 114
+
+ CHAP. V. De la prédication.—Style de Luther.—Il avoue la
+ violence de son caractère. 123
+
+
+ LIVRE V. 131
+
+ CHAP. 1er. Mort du père de Luther, de sa fille, etc. 131
+
+ CHAP. II. De l'équité, de la Loi.—Opposition du théologien
+ et du juriste. 138
+
+ CHAP. III. La foi; la loi. 144
+
+ CHAP. IV. Des novateurs.—Mystiques, etc. 152
+
+ CHAP. V. Tentations.—Regrets et doutes des amis, de la femme;
+ doutes de Luther lui-même. 163
+
+ CHAP. VI. Le diable.—Tentations. 168
+
+ CHAP. VII. Maladies.—Désir de la mort et du jugement.—Mort,
+ 1546. 200
+
+ Additions et Éclaircissemens. 223
+
+ Renvois. 353
+
+
+FIN DE LA TABLE DU TOME TROISIÈME.
+
+
+
+
+ERRATA.
+
+
+ Page 2, ligne 12, au lieu de _regardent_, lisez _regardant_.
+ Page 9, ligne 21, au lieu de _le mieux_, lisez _mieux_.
+ Page 58, ligne 28, au lieu de _théologien_, lisez _théologiens_.
+ Page 252, ligne 17, au lieu de _digamie_, lisez _bigamie_.
+ Page 282, ligne 15, au lieu de _occurences_, lisez _occurrences_.
+ Page 287, ligne 10, au lieu de _heureux la mère_, lisez _heureuse
+ la mère_.
+ Page 308, ligne 10, au lieu de _de Pavie_, lisez _à Pavie_.
+ Page 316, ligne 1, au lieu de _ça été_, lisez _ç'a été_.
+ Page 317, ligne 20, au lieu de _parle parle_, lisez _parle_.
+ Page 327, ligne 22, au lieu de _demandez_, lisez _demander_.
+ Page 328, ligne 13, au lieu de _ambarras_, lisez _embarras_.
+
+
+ * * * * *
+
+
+ Corrections:
+
+ Pages 3, 353, 355: «Cochlœus» remplacé par «Cochlæus».
+ Page 28: «compagnonage» remplacé par «compagnonnage» (Le
+ mystique compagnonnage allemand).
+ Page 36: «dor» par «d'or» (trente et un chevaux couverts de
+ draps d'or).
+ Page 37: «cent» par «cents» (près de quatre mille deux cents).
+ Page 75: «de de» par «de» (Ne vous scandalisez pas de me voir).
+ Page 139: «barette» par «barrette» (doit ôter sa barrette devant
+ la théologie).
+ Page 209: «rassassié» remplacé par «rassasié» (On est rassasié
+ de la parole de Dieu).
+ Page 222: «sufffire» par «suffire» (que nous ayons pu y suffire).
+ Page 258: «deux» par «d'eux» (Que l'un d'eux avait commis un
+ meurtre).
+ Page 315: «pomptement» par «promptement» (il exécute
+ promptement).
+ Page 339: «Brandbourg» par «Brandebourg» (récemment introduite
+ dans le Brandebourg).
+ Page 340: «tintamare» par «tintamarre» (avec chant et tintamarre).
+ Page 353 «RENVOIS DU TOME TROISIÈME»: il faut sans doute lire
+ «RENVOIS DU TOME DEUXIÈME».
+ Page 360 (renvoi nº 160): ajouté «_Ibid._»
+ Page 361 (renvoi nº 176): au lieu de «Il sera si mauvais» il faut
+ sans doute lire «Il fera si mauvais»; ajouté «_Ibid._»
+ Page 366 Table des matières: au lieu de «TROISIÈME VOLUME» et
+ «TOME TROISIÈME» il faut sans doute lire «DEUXIÈME
+ VOLUME» et «TOME DEUXIÈME».
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Mémoires De Luther Écrits Par Lui-Même, by
+Martin Luther and Jules Michelet
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44617 ***
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+<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44617 ***</div>
+
+<hr class="full" />
+
+<p class="noind sansrf"><a href="#au_lecteur">Au lecteur</a></p>
+
+<p class="noind sansrf"><a href="#toc">Table</a></p>
+
+<p class="sep2 t1 cent">MÉMOIRES<br />
+DE LUTHER</p>
+
+<p class="sep6 cent">IMPRIMERIE DE DUCESSOIS,<br />
+<span class="t4">Quai des Augustins, 55.</span></p>
+
+<h1 class="sep2">MÉMOIRES<br />
+DE LUTHER</h1>
+
+<p class="sep3 cent spac"><b>ÉCRITS PAR LUI-MÊME</b>,<br />
+<span class="t5">TRADUITS ET MIS EN ORDRE</span><br />
+<span class="t3">PAR M. MICHELET,</span><br />
+<span class="t5">PROFESSEUR A L'ÉCOLE NORMALE, CHEF DE LA SECTION HISTORIQUE
+AUX ARCHIVES DU ROYAUME,</span></p>
+
+<p class="sep2 cent spac">suivis d'un<br />
+<b>Essai sur l'Histoire de la Religion</b>,<br />
+ET DES BIOGRAPHIES</p>
+
+<p class="t5 cent spac sepb">DE WICLEFF, JEAN HUSS, ÉRASME, MÉLANCHTON, HUTTEN,<br />
+ET AUTRES<br />
+PRÉDÉCESSEURS ET CONTEMPORAINS<br />
+DE LUTHER.</p>
+
+<hr class="hr6" />
+
+<p class="cent">TOME DEUXIÈME.</p>
+
+<hr class="hr6" />
+
+<p class="sep2 cent t3">PARIS.</p>
+
+<p class="cent t4">CHEZ L. HACHETTE,<br />
+Libraire de l'Université de France,<br />
+RUE PIERRE-SARRAZIN, 12.</p>
+
+<hr class="hr6" />
+
+<p class="cent">1837</p>
+
+<div class="pagenum" id="Page_1"></div>
+
+<div class="npage">
+
+<p class="sep4 t1 cent">MÉMOIRES<br />
+DE LUTHER</p>
+
+<hr class="duo" />
+
+<h2>LIVRE III.<br />
+1529-1546.</h2>
+
+<hr class="hr7" />
+
+<h3>CHAPITRE PREMIER.<br />
+1529-1532.</h3>
+
+<p class="somm">Les Turcs. Danger de l'Allemagne.&mdash;Augsbourg,
+Smalkalde. Danger du protestantisme.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Luther fut tiré de son abattement et ramené
+à la vie active par les dangers qui menaçaient la
+Réforme et l'Allemagne. Lorsque ce <i>fléau de Dieu</i>,
+qu'il attendait avec résignation comme le signe
+du Jugement, fondit en effet sur l'Allemagne,
+lorsque les Turcs<a name="FNanchor_a1" id="FNanchor_a1" href="#Footnote_a1" class="fnanchor">[a1]</a> vinrent camper devant Vienne,
+<span class="pagenum" id="Page_2">2</span>
+Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, et
+fit un livre contre les Turcs, qu'il dédia au landgrave
+de Hesse. Le 9 octobre 1528 il écrivit à ce
+prince, pour lui exposer les motifs qui l'avaient
+décidé à composer ce livre. «Je ne puis me taire,
+dit-il; il est malheureusement parmi nous des
+prédicateurs qui font croire au peuple qu'on ne
+doit point s'occuper de la guerre des Turcs; il y
+en a même d'assez extravagans pour prétendre,
+qu'en toutes circonstances, il est défendu aux
+chrétiens d'avoir recours aux armes temporelles.
+D'autres encore, qui <ins id="err_1" title="original: regardent (Err.)">regardant</ins> le peuple allemand
+comme un peuple de brutes incorrigibles,
+vont jusqu'à désirer qu'il tombe au pouvoir des
+Turcs. Ces folies, ces horribles malices, sont
+imputées à Luther et à l'Évangile, comme, il y
+a trois ans, la révolte des paysans, et en général
+tout le mal qui arrive dans le monde. Il est donc
+urgent que j'écrive à ce sujet, tant pour confondre
+les calomniateurs, que pour éclairer les
+consciences innocentes sur ce qu'il faut faire
+contre le Turc...»</p>
+
+</div>
+
+<p>«Nous avons appris hier que le Turc est parti
+de Vienne pour la Hongrie, par un grand miracle
+de Dieu. Car après avoir livré inutilement le
+vingtième assaut, il a ouvert la brèche par une
+mine en trois endroits. Mais rien n'a pu ramener
+son armée à l'attaque, Dieu l'avait frappée de
+<span class="pagenum" id="Page_3">3</span>
+terreur; ils aimaient mieux se laisser égorger par
+leurs chefs que de tenter ce dernier assaut. On
+croit qu'il s'est retiré ainsi de peur des bombardes
+et de notre future armée; d'autres en jugent
+autrement. Dieu a manifestement combattu pour
+nous cette année. Le Turc a perdu vingt-six mille
+hommes, et il a péri trois mille des nôtres dans
+les sorties. J'ai voulu te communiquer ces nouvelles,
+afin que nous rendions grâces et que nous
+priions ensemble. Car le Turc, devenu notre
+voisin, ne nous laissera pas éternellement la
+paix.» (27 octobre 1529.)</p>
+
+<p>L'Allemagne était sauvée, mais le protestantisme
+allemand n'en était que plus en péril.
+L'irritation des deux partis avait été portée au
+comble par un événement antérieur à l'invasion
+de Soliman. Si l'on en croit le biographe catholique
+de Luther, <ins id="cor_01" title="original: Cochl&oelig;us">Cochlæus</ins>, que nous avons déjà
+cité, le chancelier du duc George, Otto Pack,
+supposa une ligue des princes catholiques contre
+l'électeur de Saxe et le landgrave de Hesse<a name="FNanchor_r1" id="FNanchor_r1" href="#Footnote_r1" class="fnanchor">[r1]</a>;
+il apposa à ce prétendu projet le sceau du duc
+George, puis livra ces fausses lettres au Landgrave
+qui, se croyant menacé, leva une armée
+et s'unit étroitement à l'Électeur<a name="FNanchor_a2" id="FNanchor_a2" href="#Footnote_a2" class="fnanchor">[a2]</a>.</p>
+
+<p>Les catholiques et surtout le duc George<a name="FNanchor_a3" id="FNanchor_a3" href="#Footnote_a3" class="fnanchor">[a3]</a> se
+défendirent vivement d'avoir jamais songé à menacer
+l'indépendance religieuse des princes luthériens;
+<span class="pagenum" id="Page_4">4</span>
+ils rejetèrent tout sur le chancelier qui
+n'avait fait peut-être que divulguer les secrets desseins
+de son maître. «Le docteur Pack<a name="FNanchor_a4" id="FNanchor_a4" href="#Footnote_a4" class="fnanchor">[a4]</a>, captif
+volontaire du Landgrave, à ce que je pense, est
+jusqu'à présent accusé d'avoir formé cette alliance
+des princes. Il prétend se tirer d'affaire à son
+honneur, et fasse Dieu que cette trame retombe
+sur la tête du rustre qui en est, je crois, l'auteur,
+sur celle de notre grand adversaire, tu sais de
+qui je parle (le duc George de Saxe).» (14 juillet
+1528.)</p>
+
+<p>«Cette ligue des princes impies, qu'ils nient
+cependant, tu vois quels troubles elle a excités;
+pour moi, je prends la froide excuse du duc
+George pour un aveu<a name="FNanchor_r2" id="FNanchor_r2" href="#Footnote_r2" class="fnanchor">[r2]</a>. Dieu confondra ce fou
+enragé, ce Moab qui dresse sa superbe au-dessus
+de ses forces. Nous prierons contre ces homicides;
+assez d'indulgence. S'ils ourdissent encore
+quelque projet, nous invoquerons Dieu,
+puis nous appellerons les princes pour qu'ils
+soient perdus sans miséricorde.»</p>
+
+<p>Bien que tous les princes eussent déclaré ces
+lettres fausses, les évêques de Mayence, Bamberg,
+etc., furent tenus de payer cent mille écus
+d'or, comme indemnité des armemens qu'avaient
+faits les princes luthériens. Ceux-ci ne demandaient
+pas mieux que de commencer la guerre. Ils
+se comptaient et sentaient leurs forces. Le grand-maître
+<span class="pagenum" id="Page_5">5</span>
+de l'ordre Teutonique avait sécularisé la
+Prusse<a name="FNanchor_a5" id="FNanchor_a5" href="#Footnote_a5" class="fnanchor">[a5]</a>, les ducs de Mecklembourg et de Brunswick,
+encouragés par ce grand événement,
+avaient appelé des prédicateurs luthériens (1525).
+La Réforme dominait dans le nord de l'Allemagne.
+En Suisse et sur le Rhin, les Zwingliens, chaque
+jour plus nombreux, cherchaient à se rapprocher
+de Luther. Enfin au sud et à l'est, les Turcs,
+maîtres de Bude et de la Hongrie, menaçaient
+toujours l'Autriche et tenaient en échec l'Empereur.
+A son défaut le duc George de Saxe, et
+les puissans évêques du nord, s'étaient constitués
+les adversaires de la Réforme. Une violente polémique
+s'était engagée depuis long-temps entre ce
+prince et Luther. Le duc écrivait à celui-ci<a name="FNanchor_r3" id="FNanchor_r3" href="#Footnote_r3" class="fnanchor">[r3]</a>: «Tu
+crains que nous n'ayons commerce avec les hypocrites,
+la présente te fera voir ce qui en est. Si
+nous dissimulons dans cette lettre, tu pourras dire
+de nous tout ce que tu voudras; sinon, il faudra
+chercher les hypocrites là où l'on t'appelle un
+prophète, un Daniel, l'apôtre de l'Allemagne,
+l'évangéliste... Tu t'imagines peut-être que tu es
+envoyé de Dieu vers nous, comme ces prophètes
+à qui Dieu donna mission de convertir les princes
+et les puissans. Moïse fut envoyé à Pharaon,
+Samuel à Saül, Nathan à David, Isaïe à Ezéchias,
+saint Jean-Baptiste à Hérode, nous le savons.
+Mais parmi tous ces prophètes nous ne trouvons
+<span class="pagenum" id="Page_6">6</span>
+pas un seul apostat. Ils ont tous été gens constans
+dans leur doctrine, hommes sincères et pieux,
+sans orgueil, sans avarice, amis de la chasteté...</p>
+
+<p>»Nous ne faisons pas non plus grand cas de
+tes prières ni de celles des tiens; nous savons
+que Dieu hait l'assemblée de tes apostats... Dieu
+a puni par nous Münzer de sa perversité; il
+pourra bien en faire autant de Luther, et nous
+ne refuserons pas d'être encore en ceci, son indigne
+instrument...</p>
+
+<p>»Non, reviens plutôt, Luther, ne te laisse
+pas mener plus long-temps par l'esprit qui séduisit
+l'apostat Sergius: l'Église chrétienne ne
+ferme pas son sein au pécheur repentant... Si
+c'est l'orgueil qui t'a perdu, regarde ce fier manichéen,
+saint Augustin, ton maître, dont tu as
+juré d'observer la règle: reviens comme lui, reviens
+à ta fidélité et à tes sermens, sois comme
+lui une lumière de la Chrétienté... Voilà les conseils
+que nous avons à te donner pour le nouvel
+an. Si tu t'y conformes, tu en seras éternellement
+récompensé de Dieu et nous ferons tout ce qui
+est en notre pouvoir pour obtenir ta grâce de
+l'Empereur.» (28 décembre 1525.)</p>
+
+<p><i>Mémoire</i> de Luther contre le duc George<a name="FNanchor_a6" id="FNanchor_a6" href="#Footnote_a6" class="fnanchor">[a6]</a> qui
+avait intercepté une de ses lettres, 1529<a name="FNanchor_r4" id="FNanchor_r4" href="#Footnote_r4" class="fnanchor">[r4]</a>... «Quant
+aux belles dénominations que le duc George me
+donne, misérable, scélérat, parjure et sans honneur,
+<span class="pagenum" id="Page_7">7</span>
+je n'ai qu'à l'en remercier; ce sont là les
+émeraudes, les rubis et les diamans dont les
+princes doivent m'orner en retour de l'honneur
+et de la puissance que l'autorité temporelle tire
+de la restauration de l'Évangile...»</p>
+
+<p>«... Ne dirait-on pas que le duc George ne
+connaît pas de supérieur? Moi, hobereau des
+hobereaux, dit-il, je suis seul maître et prince,
+je suis au-dessus de tous les princes de l'Allemagne,
+au-dessus de l'Empire, de ses lois et de ses
+usages. C'est moi que l'on doit craindre, à moi
+seul que l'on doit obéir; ma volonté doit faire
+loi en dépit de quiconque pensera et parlera autrement.&mdash;Amis,
+où s'arrêtera la superbe de ce
+Moab<a name="FNanchor_a7" id="FNanchor_a7" href="#Footnote_a7" class="fnanchor">[a7]</a>? Il ne lui reste plus qu'à escalader le
+ciel, à espionner, punir les lettres et les pensées
+jusque dans le sanctuaire de Dieu même. Voilà
+notre petit prince, et avec cela il veut être glorifié,
+respecté, adoré! à la bonne heure, grand
+merci!»</p>
+
+<p>En 1529, l'année même du traité de Cambrai
+et du siége de Vienne par Soliman, l'Empereur
+avait convoqué une diète à Spire<a name="FNanchor_a8" id="FNanchor_a8" href="#Footnote_a8" class="fnanchor">[a8]</a>. (15 mars.) On
+y décida que les états de l'Empire devaient continuer
+d'obéir au décret lancé contre Luther
+en 1524, et que toute innovation demeurerait
+interdite jusqu'à la convocation d'un concile général.
+<span>C'est alors</span> que le parti de la Réforme
+<span class="pagenum" id="Page_8">8</span>
+éclata<a name="FNanchor_a9" id="FNanchor_a9" href="#Footnote_a9" class="fnanchor">[a9]</a>. L'électeur de Saxe, le margrave de Brandebourg,
+le landgrave de Hesse, les ducs de
+Lunebourg, le prince d'Anhalt, et avec eux les
+députés de quatorze villes impériales, firent
+contre le décret de la diète une protestation solennelle,
+le déclarant injuste et impie. Ils en
+gardèrent le nom de <i>protestans</i>.</p>
+
+<p>Le landgrave de Hesse sentait la nécessité de
+réunir toutes les sectes dissidentes pour en former
+un parti redoutable aux catholiques de
+l'Allemagne; il essaya de réconcilier Luther avec
+les sacramentaires<a name="FNanchor_a10" id="FNanchor_a10" href="#Footnote_a10" class="fnanchor">[a10]</a>. Luther prévoyait bien l'inutilité
+de cette tentative.</p>
+
+<p>«Le landgrave de Hesse nous a convoqués à
+Marbourg pour la Saint-Michel, afin de tenter
+un accord entre nous et les sacramentaires... Je
+n'en attendais rien de bon; tout est plein d'embûches,
+je le vois bien. Je crains que la victoire
+ne leur reste, comme au siècle d'Arius. On a
+toujours vu de pareilles assemblées être plus nuisibles
+qu'utiles... Ce jeune homme de Hesse est
+inquiet et plein de pensées qui fermentent. Le
+Seigneur nous a sauvés, dans ces deux dernières
+années, de deux grands incendies qui auraient
+embrasé toute l'Allemagne.» (2 août 1529.)</p>
+
+<p>«Nous avons reçu du landgrave une magnifique
+et splendide hospitalité. Il y avait là &OElig;colampade,
+Zwingli, Bucer, etc. Tous demandaient
+<span class="pagenum" id="Page_9">9</span>
+la paix avec une humilité extraordinaire.
+La conférence a duré deux jours; j'ai répondu
+à &OElig;colampade et à Zwingli en leur opposant ce
+passage: <i lang="la" xml:lang="la">Hoc est corpus meum</i>; j'ai réfuté toutes
+leurs objections. En somme, ce sont des gens
+ignorans et incapables de soutenir une discussion.»
+(12 octobre 1529.)</p>
+
+<p>«Je me réjouis, mon cher Amsdorf, de te
+voir te réjouir de notre synode de Marbourg;
+la chose est petite en apparence, mais au fond
+très importante. Les prières des gens pieux ont
+fait que nous les voyons confondus, morfondus,
+humiliés.»</p>
+
+<p>«Toute l'argumentation de Zwingli se réduisait
+à ceci: que le corps ne peut être sans lieu ni
+dimension. &OElig;colampade soutenait que les Pères
+appelaient le pain un signe, que ce n'était donc
+pas le corps même... Ils nous suppliaient de leur
+donner le nom de frères. Zwingli le demandait
+au Landgrave en pleurant. Il n'y a aucun lieu sur
+la terre, disait-il, où j'aimerais <ins id="err_2" title="original: le mieux (Err.)">mieux</ins> passer
+ma vie qu'à Wittemberg... Nous ne leur avons pas
+accordé ce nom de frères, mais seulement ce que
+la charité nous oblige à donner même à nos ennemis...
+Ils se sont en tout point conduits avec
+une incroyable humilité et douceur. C'était,
+comme il est visible aujourd'hui, pour nous
+amener à une feinte concorde, pour nous faire
+<span class="pagenum" id="Page_10">10</span>
+les partisans, les patrons de leurs erreurs... O
+rusé Satan! mais Christ qui nous a sauvés est
+plus habile que toi. Je ne m'étonne plus maintenant
+de leurs impudens mensonges. Je vois
+qu'ils ne peuvent faire autrement, et je me glorifie
+de leur chute.» (1<sup>er</sup> juin 1530.)</p>
+
+<p>Cette guerre théologique de l'Allemagne remplit
+les intermèdes de la grande guerre européenne
+que Charles-Quint soutenait contre
+François I<sup>er</sup> et contre les Turcs. Mais dans les
+crises les plus violentes de celle-ci, l'autre se ralentit
+à peine. C'est un imposant spectacle que
+celui de l'Allemagne absorbée dans la pensée
+religieuse, et près d'oublier la ruine prochaine
+dont semblaient la menacer les plus formidables
+ennemis. Pendant que les Turcs franchissaient
+toutes les anciennes barrières et que Soliman répandait
+ses Tartares au-delà de Vienne, l'Allemagne
+disputait sur la transsubstantiation et sur
+le libre arbitre. Ses guerriers les plus illustres
+siégeaient dans les diètes et interrogeaient les
+docteurs. Tel était le flegme intrépide de cette
+grande nation, telle sa confiance dans sa force et
+dans sa masse.</p>
+
+<p>La guerre des Turcs et celle des Français, la
+prise de Rome et la défense de Vienne, occupaient
+tellement Charles-Quint et Ferdinand,
+que les protestans avaient obtenu la tolérance
+<span class="pagenum" id="Page_11">11</span>
+jusqu'au prochain concile. Mais en 1530, Charles-Quint,
+voyant la France abattue, l'Italie asservie,
+Soliman repoussé, entreprit de juger le
+grand procès de la Réforme. Les deux partis comparurent
+à Augsbourg. Les sectateurs de Luther,
+désignés par le nom général de <i>protestans</i>, voulurent
+se distinguer de tous les autres ennemis
+de Rome, dont les excès auraient calomnié leur
+cause, des zwingliens républicains de la Suisse,
+odieux aux princes et à la noblesse, des anabaptistes
+surtout, proscrits comme ennemis de l'ordre
+et de la société. Luther, sur qui pesait encore
+la sentence prononcée à Worms, qui le
+déclarait hérétique, ne put s'y rendre; il fut
+remplacé par le savant et pacifique Mélanchton,
+esprit doux et timide comme Érasme, dont il
+restait l'ami malgré Luther.</p>
+
+<p>L'Électeur amena du moins celui-ci le plus
+près possible d'Augsbourg, dans la forteresse de
+Cobourg.<a name="FNanchor_a11" id="FNanchor_a11" href="#Footnote_a11" class="fnanchor">[a11]</a><a name="FNanchor_a12" id="FNanchor_a12" href="#Footnote_a12" class="fnanchor">[a12]</a>
+De là Luther pouvait entretenir avec les ministres protestans,
+une active et facile correspondance. Le 22 avril il écrit à
+Mélanchton: «Je suis enfin arrivé à mon Sinaï, cher Philippe,
+mais de ce Sinaï je ferai une Sion, et j'y élèverai
+trois tabernacles, l'un au psalmiste, l'autre
+aux prophètes, l'autre enfin à Ésope (dont il
+traduisait alors les fables). Rien ne manque pour
+que ma solitude soit complète. J'ai une vaste
+<span class="pagenum" id="Page_12">12</span>
+maison, qui domine le château, et les clés de
+toutes les chambres. A peine y a-t-il trente personnes
+dans toute la forteresse, encore douze sont
+des veilleurs de nuit, et deux autres des sentinelles
+toujours postées sur les tours.» (22 avril.)</p>
+
+<p><i>A Spalatin</i> (9 mai): «Vous allez à Augsbourg,
+sans avoir pris les auspices, et ne sachant
+quand ils vous permettront de commencer. Moi,
+je suis déjà au milieu des comices, en présence
+de magnanimes souverains, devant des rois,
+des ducs, des grands, des nobles, qui confèrent
+avec gravité sur les affaires de l'état, et
+d'une voix infatigable remplissent l'air de leurs
+décrets et de leurs prédications. Ils ne siégent
+point enfermés dans ces antres et ces royales
+cavernes que vous appelez des palais, mais sous
+le soleil; ils ont le ciel pour tente, pour tapis
+riche et varié, la verdure des arbres sous lesquels
+ils sont en liberté, pour enceinte, la terre
+jusqu'à ses dernières limites. Ce luxe stupide de
+l'or et de la soie leur fait horreur; tous, ils ont
+mêmes couleurs, même visage. Ils sont tous
+également noirs, tous font la même musique,
+et dans ce chant sur une seule note, l'on n'entend
+que l'agréable dissonnance de la voix des
+jeunes se mêlant à celle des vieux. Nulle part
+je n'ai vu ni entendu parler de leur Empereur; ils
+méprisent souverainement ce quadrupède qui sert
+<span class="pagenum" id="Page_13">13</span>
+à nos chevaliers; ils ont quelque chose de meilleur,
+avec quoi ils peuvent se moquer de la furie
+des canons. Autant que j'ai pu comprendre leurs
+décrets, grâce à un interprète, ils ont décidé, à
+l'unanimité, de faire la guerre, pendant toute
+cette année, à l'orge, au blé et à la farine, enfin
+à ce qu'il y a de mieux parmi les fruits et les
+graines. Et il est à craindre qu'ils ne soient presque
+partout vainqueurs, car c'est une race de
+guerriers adroits et rusés, également habiles à
+butiner par force ou surprise. Moi, oisif spectateur,
+j'ai assisté avec grande satisfaction à leurs
+comices. L'espoir où je suis des victoires que leur
+courage leur donnera sur le blé et l'orge, ou
+sur tout autre ennemi, m'a rendu le fidèle et
+sincère ami de ces <i lang="la" xml:lang="la">patres patriæ</i>, de ces sauveurs
+de la république. Et si par des v&oelig;ux je puis les
+servir, je demande au ciel que délivrés de l'odieux
+nom de corbeaux, etc. Tout cela n'est
+qu'une plaisanterie, mais une plaisanterie sérieuse
+et nécessaire pour repousser les pensées qui m'accablent,
+si toutefois elle les repousse.» (9 mai.)</p>
+
+<p>«Les nobles seigneurs qui forment nos comices
+courent ou plutôt naviguent à travers les
+airs<a name="FNanchor_a13" id="FNanchor_a13" href="#Footnote_a13" class="fnanchor">[a13]</a>. Le matin, de bonne heure, ils s'en vont en
+guerre, armés de leurs becs invincibles, et tandis
+qu'ils pillent, ravagent et dévorent, je suis délivré
+pour quelque temps de leurs éternels chants de
+<span class="pagenum" id="Page_14">14</span>
+victoire. Le soir, ils reviennent triomphans; la
+fatigue ferme leurs yeux, mais leur sommeil est
+doux et léger comme celui d'un vainqueur. Il y
+a quelques jours j'ai pénétré dans leur palais pour
+voir la pompe de leur empire. Les malheureux
+eurent grand'peur; ils s'imaginaient que je venais
+détruire leur industrie. Ce fut un bruit, une
+frayeur, des visages consternés!!! Quand je vis
+que moi seul je faisais trembler tant d'Achilles
+et d'Hectors, je battis des mains, je jetai mon
+chapeau en l'air, pensant que j'étais bien assez
+vengé si je pouvais me moquer d'eux. Tout ceci
+n'est point un simple jeu, c'est une allégorie,
+un présage de ce qui arrivera. Ainsi devant la
+parole de Dieu l'on verra trembler toutes ces
+harpies qui sont maintenant à Augsbourg, criant
+et romanisant.» (19 juin.)</p>
+
+<p>Mélanchton transformé à Augsbourg en chef
+de parti, ayant à batailler chaque jour avec les légats,
+les princes, l'Empereur, se trouvait fort
+mal de cette vie active qu'on lui avait imposée.
+Plusieurs fois il fit part de ses peines à Luther,
+qui, pour toute consolation, le tançait rudement<a name="FNanchor_a14" id="FNanchor_a14" href="#Footnote_a14" class="fnanchor">[a14]</a>:</p>
+
+<p>«Vous me parlez de vos travaux, de vos périls,
+de vos larmes, et moi, suis-je donc assis
+sur des roses? est-ce que je ne porte pas une
+part de votre fardeau? Ah! plût au ciel que ma
+<span class="pagenum" id="Page_15">15</span>
+cause fût telle qu'elle permît les larmes!»
+(29 juin 1530.)</p>
+
+<p>«Dieu récompense selon ses &oelig;uvres le tyran
+de Salzbourg qui te fait tant de mal! Il méritait
+de toi une autre réponse, telle que je la lui aurais
+faite peut-être, telle qu'il n'en a jamais entendu
+de semblable. Il faudra qu'ils entendent, je le
+crains, cette parole de Jules César: <i>Ils l'ont
+voulu</i>...</p>
+
+<p>»Tout ce que j'écris est inutile, parce que tu
+veux, selon ta philosophie, gouverner toutes
+ces choses avec ta raison, c'est-à-dire déraisonner
+avec la raison. Va, continue de te tuer à
+cette chose, sans voir que ta main ni ton esprit
+ne peuvent la saisir, qu'elle ne veut pas de tes
+soins.» (30 juin 1530.)</p>
+
+<p>«Dieu a mis cette cause dans un certain lieu
+que ne connaissait point ta rhétorique ni ta philosophie.
+Ce lieu, on l'appelle la foi; là toutes
+choses sont inaccessibles à la vue; quiconque veut
+les rendre visibles, apparentes et compréhensibles,
+celui-là ne gagne pour prix de son travail
+que des peines et des larmes, comme tu en as gagné.
+Dieu a dit qu'il habitait dans les nues,
+qu'il était assis dans les ténèbres. Si Moïse avait
+cherché un moyen d'éviter l'armée de Pharaon,
+Israël serait peut-être encore en Égypte... Si
+nous n'avons pas la foi, pourquoi ne pas chercher
+<span class="pagenum" id="Page_16">16</span>
+consolation dans la foi d'autrui; car il y en a nécessairement
+qui croient, si nous ne croyons pas?
+Ou bien, faut-il dire que le Christ nous a abandonnés,
+avant la consommation des siècles? S'il
+n'est pas avec nous, où est-il en ce monde, je
+vous le demande? Si nous ne sommes point l'Église
+ou une partie de l'Église, où est l'Église?
+Est-ce Ferdinand, le duc de Bavière, le pape, le
+Turc et leurs semblables? Si nous n'avons la parole
+de Dieu, qui donc l'aura? Toi, tu ne comprends
+point toutes ces choses; car Satan te
+travaille et te rend faible. Puisse le Christ te
+guérir! c'est ma sincère et continuelle prière.»
+(29 juin.)</p>
+
+<p>«Ma santé est faible... Mais je méprise cet
+ange de Satan qui vient souffleter ma chair. Si
+je ne puis lire ni écrire, au moins je puis penser
+et prier, et même me quereller avec le diable;
+ensuite dormir, paresser, jouer et chanter.
+Quant à toi, mon cher Philippe, ne te macère
+point pour cette affaire qui n'est point en ta
+main, mais en celle d'Un plus puissant à qui
+personne ne pourra l'enlever.» (31 juillet.)</p>
+
+<p>Mélanchton croyait qu'il était possible de rapprocher
+les deux partis; Luther comprit de bonne
+heure qu'ils étaient irréconciliables. Dans le commencement
+de la Réforme, il avait souvent réclamé
+les conférences et les disputes publiques; il
+<span class="pagenum" id="Page_17">17</span>
+lui fallait alors tout tenter, avant d'abandonner
+l'espérance de conserver l'unité chrétienne; mais
+sur la fin de sa vie, dès le temps même de la diète
+d'Augsbourg, il se prononçait contre tous ces
+combats de parole, où le vaincu ne veut jamais
+avouer sa défaite.</p>
+
+<p>(26 août 1530.) «Je suis contre toute tentative
+faite pour accorder les deux doctrines; car c'est
+chose impossible, à moins que le pape ne veuille
+abolir sa papauté. C'est assez pour nous d'avoir
+rendu raison de notre croyance et de demander
+la paix. Pourquoi espérer de les convertir à la
+vérité?»</p>
+
+<p><i>A Spalatin.</i> (26 août 1530.) «J'apprends que
+vous avez entrepris une &oelig;uvre admirable, de
+mettre d'accord Luther et le pape. Mais le pape
+ne le veut pas, et Luther s'y refuse; prenez garde
+d'y perdre votre temps et vos peines. Si vous en
+venez à bout, pour suivre votre exemple, je
+vous promets de réconcilier Christ et Bélial.»</p>
+
+<p>Dans une lettre du 21 juillet il écrivait à Mélanchton:
+«Vous verrez si j'étais un vrai prophète
+quand je répétais sans cesse qu'il n'y avait
+point d'accord possible entre les deux doctrines,
+et que ce serait assez pour nous d'obtenir la paix
+publique.»</p>
+
+<p>Ces prophéties ne furent pas écoutées; les
+conférences eurent lieu, et l'on demanda aux
+<span class="pagenum" id="Page_18">18</span>
+protestans une profession de foi. Mélanchton la
+rédigea, en prenant l'avis de Luther sur les
+points les plus importans.</p>
+
+<p>A Mélanchton. «J'ai reçu votre apologie, et
+je m'étonne que vous me demandiez ce qu'il faut
+céder aux papistes. Pour ce qui est du prince,
+et de ce qu'il faut lui accorder si quelque danger
+le menace, c'est une autre question. Quant
+à moi, il a été fait dans cette apologie plus de
+concessions qu'il n'était convenable; et s'ils les
+rejettent, je ne vois pas que je puisse aller plus
+loin, à moins que leurs raisons et leurs livres
+ne me paraissent meilleurs qu'ils ne m'ont
+semblé jusqu'à cette heure. J'emploie les jours et
+les nuits à cette affaire, réfléchissant, interprétant,
+discutant, parcourant toute l'Écriture;
+chaque jour augmente ma certitude et me confirme
+dans ma doctrine.»</p>
+
+<p>(20 septembre 1530.) «Nos adversaires ne
+nous cèdent pas un poil; et nous, il ne faut pas
+seulement que nous leur cédions le canon, les
+messes, la communion sous une espèce, la juridiction
+accoutumée; mais encore il faudrait
+avouer que leurs doctrines, leurs persécutions,
+tout ce qu'ils ont fait ou pensé, a été juste et légitime,
+et que c'est à tort que nous les avons
+accusés. C'est-à-dire qu'ils veulent que notre
+propre témoignage les justifie et nous condamne.
+<span class="pagenum" id="Page_19">19</span>
+Ce n'est pas là simplement nous rétracter, mais
+nous maudire trois fois nous-mêmes.»</p>
+
+<p>«... Je n'aime pas que dans cette cause vous
+vous appuyiez de mes opinions. Je ne veux être
+ni paraître votre chef; quand même l'on interpréterait
+cela à bien, je ne veux pas de ce nom.
+Si ce n'est point votre propre cause, je ne veux
+pas qu'on dise que c'est la mienne, et que je vous
+l'ai imposée. Je la défendrai moi-même, s'il n'y
+a que moi qui la soutienne.»</p>
+
+<p>Deux jours avant, il avait écrit à Mélanchton:
+«Si j'apprends que les choses vont mal de votre
+côté, j'aurai peine à m'empêcher d'aller voir
+cette formidable rangée des dents de Satan.» Et
+quelque temps après: «J'aurais voulu être la
+victime sacrifiée par ce dernier concile, comme
+Jean Huss a été à Constance celle du dernier
+jour de la fortune papale.»<a name="FNanchor_a15" id="FNanchor_a15" href="#Footnote_a15" class="fnanchor">[a15]</a> (21 juillet 1530.)</p>
+
+<p>La profession de foi des protestans fut présentée
+à la diète<a name="FNanchor_a16" id="FNanchor_a16" href="#Footnote_a16" class="fnanchor">[a16]</a> et «lue par ordre de César devant
+tout l'Empire, c'est-à-dire devant tous les
+princes et les états de l'Empire. C'est une grande
+joie pour moi d'avoir vécu jusqu'à cette heure,
+que je voie Christ prêché par ses confesseurs
+devant une telle assemblée, et dans une si belle
+confession.» (6 juillet.)</p>
+
+<p>Cette confession était signée de cinq électeurs,
+trente princes ecclésiastiques, vingt-trois
+<span class="pagenum" id="Page_20">20</span>
+princes séculiers, vingt-deux abbés, trente-deux
+comtes et barons, trente-neuf villes libres
+et impériales. «Le prince électeur de Saxe, le
+margrave George de Brandebourg, Jean Frédéric-le-Jeune,
+landgrave de Hesse; Ernest et François,
+ducs de Lunebourg; le prince Wolfgang de
+Anhalt; les villes de Nuremberg et de Reutlingen,
+ont signé la confession..... Beaucoup d'évêques
+inclinent à la paix, sans s'inquiéter des sophismes
+d'Eck et de Faber. L'archevêque de Mayence est
+très porté pour la paix<a name="FNanchor_a17" id="FNanchor_a17" href="#Footnote_a17" class="fnanchor">[a17]</a>; de même le duc Henri
+de Brunswick, qui a invité familièrement Mélanchton
+à dîner, l'assurant qu'il ne pouvait nier
+les articles touchant les deux espèces, le mariage
+des prêtres, et l'inutilité d'établir des différences
+entre les choses qui servent à la nourriture. Les
+nôtres avouent que personne ne s'est montré plus
+conciliant dans toutes les conférences que l'Empereur.
+Il a reçu notre prince non-seulement
+avec bonté, mais avec respect.» (6 juillet.)</p>
+
+<p>L'évêque d'Augsbourg, le confesseur même de
+Charles-Quint, étaient favorablement disposés
+pour les luthériens. L'Espagnol disait à Mélanchton
+qu'il s'étonnait qu'en Allemagne on contestât
+la doctrine de Luther sur la foi<a name="FNanchor_r5" id="FNanchor_r5" href="#Footnote_r5" class="fnanchor">[r5]</a>, que lui il
+avait toujours pensé de même sur ce point (relation
+de Spalatin sur la diète d'Augsbourg).</p>
+
+<p>Quoi qu'en dise ici Luther des douces dispositions
+<span class="pagenum" id="Page_21">21</span>
+de Charles-Quint, il termina les discussions
+en sommant les réformés de renoncer à
+leurs erreurs sous peine d'être mis au ban de
+l'Empire. Il sembla même prêt à employer la violence
+et fit un instant fermer les portes d'Augsbourg.</p>
+
+<p>«Si l'Empereur veut faire un édit, qu'il le
+fasse; après Worms aussi il en fit un<a name="FNanchor_a18" id="FNanchor_a18" href="#Footnote_a18" class="fnanchor">[a18]</a>. Écoutons
+l'Empereur puisqu'il est l'Empereur, rien de plus.
+Que nous importe ce rustre qui veut se poser
+comme Empereur (il parle du duc George)?»
+(15 juillet 1530.)</p>
+
+<p>«Notre cause se défendra mieux de la violence
+et des menaces, que de ces ruses sataniques que
+j'ai craintes, surtout jusqu'à ce jour... Qu'ils nous
+rendent Léonard<a name="FNanchor_a19" id="FNanchor_a19" href="#Footnote_a19" class="fnanchor">[a19]</a>, Keiser et tant d'autres, qu'ils
+ont si injustement fait mourir<a name="FNanchor_a20" id="FNanchor_a20" href="#Footnote_a20" class="fnanchor">[a20]</a>. Qu'ils nous rendent
+tant d'âmes perdues par leur doctrine impie;
+qu'ils rendent toutes ces richesses qu'ils
+ont prises avec leurs trompeuses indulgences
+et leurs fraudes de toute espèce. Qu'ils rendent
+à Dieu sa gloire violée par tant de blasphèmes;
+qu'ils rétablissent dans les personnes et dans les
+m&oelig;urs, la pureté ecclésiastique, si honteusement
+souillée. Que dirais-je encore? Alors nous aussi
+nous pourrons parler <i lang="la" xml:lang="la">de possessorio</i>.» (13 juillet.)</p>
+
+<p>«L'Empereur va ordonner simplement que
+toutes choses soient rétablies en leur état, que
+<span class="pagenum" id="Page_22">22</span>
+le règne du pape recommence, ce qui excitera,
+je le crains, de grands troubles pour la ruine
+des prêtres et des clercs. Les villes les plus puissantes,
+Nuremberg, Ulm, Augsbourg, Francfort,
+Strasbourg et douze autres, rejettent ouvertement
+le décret impérial, et font cause commune
+avec nos princes. Tu as entendu parler de l'inondation
+de Rome, de celle de Flandre et de
+Brabant. Ce sont des signes envoyés de Dieu, mais
+les impies ne peuvent les comprendre. Tu sais encore
+la vision des moines de Spire. Brentius m'écrit
+qu'à Bade on a vu dans les airs une armée nombreuse,
+et sur le flanc de cette armée un soldat
+qui brandissait une lance d'un air triomphant,
+et qui passa la montagne voisine et le Rhin.»
+(5 décembre.)</p>
+
+<p>La diète fut à peine dissoute, que les princes
+protestans se rassemblèrent à Smalkalde et y
+conclurent une ligue défensive, par laquelle ils
+devaient former un même corps (31 décembre).
+Ils protestèrent contre l'élection de Ferdinand au
+titre de roi des Romains. On se prépara à combattre<a name="FNanchor_a21" id="FNanchor_a21" href="#Footnote_a21" class="fnanchor">[a21]</a>;
+les contingens furent fixés: on s'adressa
+aux rois de France, d'Angleterre et de Danemark.
+Luther fut accusé d'avoir poussé les protestans
+à prendre cette attitude hostile<a name="FNanchor_a22" id="FNanchor_a22" href="#Footnote_a22" class="fnanchor">[a22]</a>.</p>
+
+<p>«Je n'ai point conseillé, comme on l'a dit, la
+résistance à l'Empereur<a name="FNanchor_a23" id="FNanchor_a23" href="#Footnote_a23" class="fnanchor">[a23]</a>. Voici mon avis comme
+<span class="pagenum" id="Page_23">23</span>
+théologien<a name="FNanchor_a24" id="FNanchor_a24" href="#Footnote_a24" class="fnanchor">[a24]</a>: Si les juristes montrent par leurs
+lois que cela est permis, moi je leur permettrai
+de suivre leurs lois. Si l'Empereur a établi dans
+ses lois, qu'en pareil cas on peut lui résister,
+qu'il souffre de la loi que lui-même a faite... Le
+prince est une personne politique; s'il agit comme
+prince, il n'agit pas comme chrétien, car le chrétien
+n'est ni prince, ni homme, ni femme, ni
+aucune personne de ce monde. Si donc il est permis
+au prince, comme prince, de résister à César,
+qu'il le fasse selon son jugement et sa conscience.
+Quant au chrétien, rien ne lui est permis;
+il est mort au monde.» (15 janvier 1531.)</p>
+
+<p>En 1531, Luther écrit un mémoire contre un
+petit livre anonyme imprimé à Dresde, dans lequel
+on reprochait aux protestans de s'armer
+en secret et de vouloir surprendre les catholiques,
+pendant que ceux-ci ne songeaient, disait-on,
+qu'à la paix et à la concorde<a name="FNanchor_r6" id="FNanchor_r6" href="#Footnote_r6" class="fnanchor">[r6]</a>.</p>
+
+<p>«... On cache soigneusement d'où ce livre
+vient, personne ne doit le savoir. Eh bien! je le
+veux donc ignorer aussi. Je veux avoir le rhume
+pour cette fois et ne pas <i>sentir</i> le maladroit pédant.
+Cependant j'essaierai toujours mon savoir-faire
+et je frapperai hardiment sur le sac: si
+les coups tombent sur l'âne qui s'y trouve, ce ne
+sera pas ma faute; ce n'est pas à lui, c'est au
+sac, que j'en voulais.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_24">24</span>
+»Qu'il soit vrai ou non que les luthériens se
+préparent et se rassemblent, cela ne me regarde
+pas, ce n'est pas moi qui le leur ai ordonné ni
+conseillé; je ne sais pas ce qu'ils font ou ce qu'ils
+ne font pas; mais puisque les papistes annoncent
+par ce livre qu'ils croient à ces armemens, j'accueille
+ce bruit avec plaisir et je me réjouis de
+leurs illusions et de leurs alarmes; j'augmenterais
+même volontiers ces illusions, si je le pouvais,
+rien que pour les faire mourir de peur. Si Caïn
+tue Abel, si Anne et Caïphe persécutent Jésus,
+il est juste qu'ils en soient punis. Qu'ils vivent
+dans les transes, qu'ils tremblent au bruit d'une
+feuille, qu'ils voient partout le fantôme de l'insurrection
+et de la mort, rien de plus équitable.</p>
+
+<p>»... N'est-il pas vrai, imposteurs, que lorsqu'à
+Augsbourg les nôtres présentèrent leur confession
+de foi, un papiste a dit: Ils nous donnent
+là un livre écrit avec de l'encre; je voudrais,
+moi, qu'on leur répondît avec du sang?</p>
+
+<p>»N'est-il pas vrai que l'électeur de Brandebourg
+et le duc George de Saxe, ont promis à
+l'Empereur de fournir cinq mille chevaux contre
+les luthériens?</p>
+
+<p>»N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de
+prêtres et de seigneurs ont parié qu'avant la
+Saint-Michel, c'en serait fait de tous les luthériens?</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_25">25</span>
+»N'est-il pas vrai que l'électeur de Brandebourg
+a déclaré publiquement que l'Empereur et
+tout l'Empire s'emploieraient corps et biens pour
+arriver à ce but?...</p>
+
+<p>»Croyez-vous que l'on ne connaisse pas votre
+édit? que l'on ignore que par cet édit toutes les
+épées de l'Empire sont aiguisées et dégainées,
+toutes les arquebuses chargées, toute la cavalerie
+lancée, pour fondre sur l'électeur de Saxe et
+son parti, pour tout mettre à feu et à sang, tout
+remplir de pleurs et de désolation? voilà votre
+édit, voilà vos entreprises meurtrières scellées
+de votre sceau et de vos armes, et vous voulez
+que l'on appelle cela de la paix, vous osez accuser
+les luthériens de troubler le bon accord?
+O impudence, ô hypocrisie sans bornes!... Mais
+je vous entends: vous voudriez que les nôtres
+ne s'apprêtassent point à la guerre dont leurs
+ennemis mortels les menacent depuis si long-temps,
+mais qu'ils se laissassent égorger sans
+crier ni se défendre, comme des brebis à l'abattoir.
+Grand merci, mes bonnes gens! Moi,
+prédicateur, je dois endurer cela, je le sais
+bien, et ceux à qui cette grâce est donnée
+doivent l'endurer également. Mais que tous les
+autres en feront de même, je ne puis le garantir
+aux tyrans. Si je donnais publiquement
+ce conseil aux nôtres, les tyrans s'en prévaudraient,
+<span class="pagenum" id="Page_26">26</span>
+et je ne veux point leur ôter la peur
+qu'ils ont de notre résistance. Ont-ils envie de
+gagner leurs éperons en nous massacrant? qu'ils
+les gagnent donc avec péril comme il convient à
+de braves chevaliers. Égorgeurs de leur métier,
+qu'ils s'attendent du moins à être reçus comme
+des égorgeurs...</p>
+
+<p>».... Que l'on m'accuse, ou non, d'être trop
+violent, je ne m'en soucie plus<a name="FNanchor_a25" id="FNanchor_a25" href="#Footnote_a25" class="fnanchor">[a25]</a>. Je veux que
+ce soit ma gloire et mon honneur désormais,
+que l'on dise de moi comme je tempête et sévis
+contre les papistes. Voilà plus de dix ans que je
+m'humilie et que je donne de bonnes paroles.
+A quoi tant de supplications ont-elles servi? A
+empirer le mal. Ces rustres n'en sont que plus
+fiers.&mdash;Eh bien! puisqu'ils sont incorrigibles,
+puisqu'il n'y a plus espoir d'ébranler leurs infernales
+résolutions par la bonté, je romps avec
+eux, je les poursuivrai de mes imprécations,
+sans fin ni repos, jusqu'à ma tombe<a name="FNanchor_a26" id="FNanchor_a26" href="#Footnote_a26" class="fnanchor">[a26]</a>. Ils n'auront
+plus jamais une bonne parole de moi; je
+veux qu'on les enterre au bruit de mes foudres
+et de mes éclairs.</p>
+
+<p>»Je ne puis plus prier sans maudire. Si je dis,
+<i>Que ton nom soit sanctifié</i>, il faut que j'ajoute:
+Maudit soit le nom des papistes et de tous ceux
+qui te blasphèment! Si je dis, <i>Que ton royaume
+arrive</i>, je dois ajouter: Maudits soient la papauté
+<span class="pagenum" id="Page_27">27</span>
+et tous les royaumes qui sont opposés au tien!
+Si je dis, <i>Que ta volonté soit faite</i>, je dis encore:
+Maudits soient et périssent les desseins des papistes
+et de tous ceux qui te combattent!... Ainsi
+je prie ardemment tous les jours, et avec moi
+tous les vrais fidèles de Jésus-Christ... Cependant
+je garde encore à tout le monde un c&oelig;ur
+bon et aimant, et mes plus grands ennemis eux-mêmes
+le savent bien.</p>
+
+<p>»Souvent la nuit, quand je ne puis dormir,
+je cherche dans mon lit, avec douleur et anxiété,
+comment on pourrait encore déterminer les papistes
+à la pénitence avant le jugement terrible
+qui les menace. Mais il semble que cela ne doit
+pas être. Ils repoussent toute pénitence et demandent
+à grands cris notre sang. L'évêque de
+Saltzbourg a dit à maître Philippe, à la diète
+d'Augsbourg: «Pourquoi disputer si long-temps?
+Nous savons bien que vous avez raison.»
+Et un autre jour: «Vous ne voulez pas céder,
+nous non plus, il faut donc qu'un parti extermine
+l'autre. Vous êtes le petit et nous le grand:
+nous verrons qui aura le dessus.» Jamais je
+n'aurais cru qu'on pût dire de telles paroles.»</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<div class="pagenum" id="Page_28"></div>
+
+<h3>CHAPITRE II.<br />
+1534-1536.</h3>
+
+<p class="somm">Anabaptistes de Munster<a name="FNanchor_a27" id="FNanchor_a27" href="#Footnote_a27" class="fnanchor">[a27]</a>.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Pendant que les deux grandes ligues des princes
+sont en présence, et semblent se défier, un
+tiers s'élève entre deux, pour l'effroi commun
+des deux partis. Cette fois, c'est encore le peuple,
+comme dans la guerre des paysans, mais un
+peuple organisé, maître d'une riche cité. La <i>jacquerie</i>
+du Nord, plus systématique que celle du
+Midi, produit l'idéal de la démagogie allemande
+du seizième siècle, une royauté biblique, un
+David populaire, un messie artisan. Le mystique
+<ins id="cor_1" title="original: compagnonage">compagnonnage</ins> allemand intronise un tailleur.</p>
+
+</div>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_29">29</span>
+L'entreprise du tailleur fut hardie, mais non
+absurde. L'anabaptisme avait de grandes forces.
+Il n'éclata que dans Munster; mais il était répandu
+dans la Westphalie, dans le Brabant, la
+Gueldre, la Hollande, la Frise, et tout le littoral
+de la Baltique jusqu'en Livonie.</p>
+
+<p>Les Anabaptistes formulèrent la malédiction
+que les paysans vaincus avaient jetée sur Luther.
+Ils détestèrent en lui l'ami de la noblesse, le
+soutien de l'autorité civile, le <i>remora</i> de la Réforme.
+«Quatre prophètes, deux vrais et deux
+faux; les vrais sont David et Jean de Leyde; les
+faux, le pape et Luther, mais Luther est pire
+que le pape.»</p>
+
+<p class="sep2"><i>Comment l'Évangile a d'abord pris naissance à
+Munster, et comment il y a fini après la destruction
+des anabaptistes<a name="FNanchor_r7" id="FNanchor_r7" href="#Footnote_r7" class="fnanchor">[r7]</a>. Histoire véritable et bien
+digne d'être lue et conservée dans la mémoire (car
+l'esprit des anabaptistes de Munster vit encore),
+décrite par Henricus Dorpius de cette ville.</i> Nous
+nous contenterons de donner un extrait de ce
+prolixe récit:</p>
+
+<p>La réforme commença à Munster en 1532, par
+Rothmann, prédicateur luthérien ou zwinglien.
+Elle y eut un si grand succès, que l'évêque
+cédant à l'intercession du landgrave de Hesse,
+accorda aux évangéliques six de ses églises. Plus
+<span class="pagenum" id="Page_30">30</span>
+tard, un garçon tailleur, Jean de Leyde, y apporta
+la doctrine des anabaptistes, et la propagea
+dans quelques familles. Il fut aidé dans son
+&oelig;uvre par un prédicateur nommé Hermann Stapraeda,
+de Moersa, anabaptiste comme lui. Bientôt
+leurs assemblées secrètes devinrent si nombreuses,
+que les catholiques et les réformés en
+furent également alarmés, et chassèrent les anabaptistes
+de la ville. Mais ceux-ci revinrent plus
+hardis; ils intimidèrent le conseil, et l'obligèrent
+de fixer un jour où il y aurait discussion publique
+dans la maison commune, sur le baptême
+des enfans. Dans cette discussion, le pasteur
+Rothmann passa du côté des anabaptistes, et
+devint lui-même un de leurs chefs... Un jour,
+un autre de leurs prédicateurs se met à courir
+dans les rues, en criant: «Faites pénitence,
+faites pénitence, amendez-vous, faites-vous baptiser,
+ou Dieu va vous punir!» Soit crainte,
+soit zèle religieux, beaucoup de gens qui entendirent
+ces cris, se hâtèrent de demander le baptême.
+Alors les anabaptistes remplissent le marché
+en criant: «Sus aux païens qui ne veulent
+pas du baptême!» Ils s'emparent des canons,
+des munitions, de la maison de ville, et maltraitent
+les catholiques et les luthériens qu'ils rencontrent.
+Ceux-ci se forment en nombre et attaquent
+les anabaptistes à leur tour. Après divers
+<span class="pagenum" id="Page_31">31</span>
+combats sans résultat, les deux partis éprouvèrent
+le besoin de se rapprocher, et convinrent que chacun
+serait libre de professer sa croyance. Mais les
+anabaptistes n'observèrent point ce traité; ils
+écrivirent sous main à tous ceux de leur secte qui
+étaient dans les villes voisines pour les faire venir
+à Munster. «Quittez ce que vous avez, écrivaient-ils;
+maisons, femmes, enfans, laissez
+tout pour venir à nous. Tout ce que vous aurez
+abandonné, vous sera rendu au décuple...»
+Quand les riches s'aperçurent que la ville se
+remplissait d'étrangers, ils en sortirent comme
+ils purent, n'y laissant de leur parti que les
+gens du bas peuple. (carême de l'année 1534.)</p>
+
+<p>Les anabaptistes, enhardis par leur départ et
+par les renforts qui leur étaient arrivés, déposèrent
+aussitôt le conseil de ville qui était luthérien,
+et en composèrent un d'hommes de leur
+parti.</p>
+
+<p>Quelques jours plus tard, ils pillèrent les
+églises et les couvens, et coururent la ville en tumulte,
+armés de hallebardes, d'arquebuses et de
+bâtons, criant comme des furieux: «Faites pénitence,
+faites pénitence!» et après: «Hors la
+ville, impies! hors la ville, ou l'on vous assomme!»
+Ainsi ils chassèrent sans pitié tout ce
+qui n'était pas des leurs. Ni vieillard ni femme
+enceinte, ne fut excepté. Un grand nombre de
+<span class="pagenum" id="Page_32">32</span>
+ces pauvres fugitifs tombèrent entre les mains
+de l'évêque, qui se préparait à assiéger la ville.
+Sans avoir égard à ce qu'ils n'étaient point du
+parti des anabaptistes, il les fit emprisonner;
+beaucoup d'entre eux furent même cruellement
+mis à mort.</p>
+
+<p>Les anabaptistes étant maîtres de la ville, leur
+prophète suprême, Jean de Matthiesen, ordonna
+que tout le monde mît son avoir en commun,
+sans rien céler, sous peine de la vie. Le peuple
+eut peur et obéit. Les biens des fugitifs furent saisis
+de même. Ce prophète décida encore que l'on
+ne garderait aucun autre livre que la Bible et le
+Nouveau Testament. Tous les autres qu'on put
+trouver furent brûlés dans la cour de la cathédrale.
+Ainsi le voulait le Père du ciel, disait le
+prophète. On en brûla au moins pour vingt mille
+florins.</p>
+
+<p>Un maréchal ferrant ayant parlé injurieusement
+des prophètes, toute la commune est assemblée
+sur le marché, et Jean Matthiesen le tue
+d'un coup de feu. Peu après, ce prophète court
+tout seul hors la ville, une hallebarde à la main,
+criant que le Père lui a ordonné de repousser
+les ennemis. Il avait à peine passé la porte qu'il
+fut tué.</p>
+
+<p>Jean de Leyde lui succéda comme prophète
+suprême, et il épousa sa veuve. Il releva le courage
+<span class="pagenum" id="Page_33">33</span>
+du peuple abattu par la mort de son prédécesseur.
+A la Pentecôte, l'évêque fit donner
+l'assaut, mais il fut repoussé avec grande perte.
+Jean de Leyde nomma douze fidèles (parmi
+lesquels se trouvaient trois nobles) pour être
+les anciens dans Israël... Il déclara aussi que
+Dieu lui avait révélé des doctrines nouvelles
+sur le mariage; il discuta avec les prédicateurs,
+qui, enfin, se rangèrent à son avis et prêchèrent
+trois jours de suite sur la pluralité des femmes.
+Un assez grand nombre d'habitans se déclarèrent
+contre la nouvelle doctrine, et firent même prisonniers
+les prédicateurs avec l'un des prophètes;
+mais bientôt ils furent obligés de les
+relâcher, et quarante-neuf d'entre eux périrent.</p>
+
+<p>A la Saint-Jean de l'année 1534, un nouveau
+prophète, auparavant orfèvre à Warendorff, assembla
+le peuple, et lui annonça qu'il avait eu
+une révélation d'après laquelle Jean de Leyde
+devait régner sur toute la terre, et occuper le
+trône de David jusqu'au temps où Dieu le Père
+viendrait lui redemander le gouvernement... Les
+douze anciens furent déposés et Jean de Leyde
+proclamé roi.</p>
+
+<p>Plus les anabaptistes prenaient de femmes, plus
+l'esprit de libertinage augmentait parmi eux; ils
+commirent d'horribles excès sur des jeunes filles
+de dix, douze et quatorze ans. Ces violences
+<span class="pagenum" id="Page_34">34</span>
+barbares, et les maux du siége irritèrent une
+partie du peuple. Plusieurs soupçonnaient Jean
+de Leyde d'imposture et songeaient à le livrer à
+l'évêque. Le roi redoubla de vigilance et nomma
+douze ducs chargés de maintenir la ville dans la
+soumission (jour des Rois 1535). Il promit à ces
+douze chefs qu'ils régneraient à la place de tous
+les princes de la terre, et il leur distribua d'avance
+des électorats et des principautés. Le
+«noble landgrave de Hesse» est seul excepté de
+la proscription; ils espèrent, disent-ils, qu'il
+deviendra leur frère... Le roi désigna le jour
+de Pâques comme l'époque où la ville serait délivrée.</p>
+
+<p>... L'une des reines ayant dit à ses compagnes
+qu'elle ne croyait pas conforme à la volonté de
+Dieu qu'on laissât ainsi le pauvre peuple mourir
+de misère et de faim, le roi la conduisit au marché
+avec ses autres femmes, lui ordonna de s'agenouiller
+au milieu de ses compagnes prosternées
+comme elle, et lui trancha la tête. Les
+autres reines chantèrent: <i>Gloire à Dieu au haut
+des cieux!</i> et tout le peuple se mit à danser autour.
+Cependant il n'avait plus à manger que du
+pain et du sel! Vers la fin du siége, la famine
+fut si grande que l'on y distribuait régulièrement
+la chair des morts; on n'exceptait que ceux qui
+avaient eu des maladies contagieuses. A la
+<span class="pagenum" id="Page_35">35</span>
+Saint-Jean de l'année 1535, l'évêque apprit
+d'un transfuge, le moyen d'attaquer la ville
+avec avantage. Elle fut prise le jour même de la
+Saint-Jean, et, après une résistance opiniâtre, les
+anabaptistes furent massacrés. Le roi, ainsi que
+son vicaire et son lieutenant, fut emmené entre
+deux chevaux, une chaîne double au cou, la tête
+et les pieds nus... L'évêque l'interpella durement
+sur l'horrible désastre dont il était cause; il lui répondit:
+«François de Waldeck (c'était son nom),
+si les choses avaient été à mon gré, ils seraient
+tous morts de faim, avant que je t'eusse livré la
+ville.»</p>
+
+<p>Nous trouvons beaucoup d'autres détails intéressans
+dans une pièce insérée au second volume
+des &oelig;uvres allemandes de Luther (édition de
+Witt.) sous le titre suivant: <i>Nouvelle sur les anabaptistes
+de Munster</i><a name="FNanchor_r8" id="FNanchor_r8" href="#Footnote_r8" class="fnanchor">[r8]</a>.</p>
+
+<p>«... Huit jours après que l'assaut a été repoussé
+par les anabaptistes, le roi a commencé son règne
+en s'entourant d'une cour complète, à l'égal d'un
+prince séculier. Il a institué des maîtres de cérémonies,
+des maréchaux, des huissiers, des
+maîtres de cuisine, des fourriers, des chanceliers,
+des orateurs (<i lang="de" xml:lang="de">redner</i>), des serviteurs pour la
+table, des échansons, etc.</p>
+
+<p>»Une de ses femmes a été élevée au rang de
+reine, et elle a également sa cour à elle. C'est une
+<span class="pagenum" id="Page_36">36</span>
+belle et noble femme de Hollande, mariée auparavant
+à un autre prophète qui a été tué devant
+Munster et de qui elle est encore enceinte.</p>
+
+<p>»Le roi a en outre trente et un chevaux couverts
+de draps <ins id="cor_2" title="original: dor">d'or</ins>. Il s'est fait faire des habits
+précieux en or et en argent avec les ornemens de
+l'église. Son écuyer est paré comme lui de vêtemens
+superbes pris de ces ornemens, et il porte
+en outre des bagues d'or; de même la reine avec
+ses vierges et ses femmes.</p>
+
+<p>»Lorsque le roi, dans sa majesté, traverse la
+ville à cheval, des pages l'accompagnent: l'un
+porte à son côté droit la couronne et la Bible,
+l'autre une épée nue. L'un d'eux est le fils de
+l'évêque de Munster. Il est prisonnier et il sert
+le roi dans sa chambre.</p>
+
+<p>»Le roi a de même dans sa triple couronne surmontée
+d'une chaîne d'or et de pierreries, la figure
+du monde percée d'une épée d'or et d'une
+épée d'argent. Au milieu du pommeau des deux
+épées se trouve une petite croix sur laquelle est
+écrit: <i>Un roi de la justice sur le monde</i>. La reine
+porte les mêmes ornemens.</p>
+
+<p>»En cet appareil le roi se rend trois fois par semaine
+au marché, où il monte sur un siége élevé
+qu'on a fait exprès. Le lieutenant du roi, nommé
+Knipperdolling, se tient une marche plus bas,
+puis viennent les conseillers. Celui qui a affaire
+<span class="pagenum" id="Page_37">37</span>
+au roi s'incline deux fois, se laisse tomber à terre
+à la troisième, et expose ensuite ce qu'il a à
+dire.</p>
+
+<p>»Un mardi ils ont célébré la sainte Cène dans
+la <i>cour du dôme</i>; ils étaient à table au nombre de
+près de quatre mille deux <ins id="cor_3" title="original: cent">cents</ins>. Trois plats furent
+servis: à savoir du bouilli, du jambon et du rôti;
+le roi et ses femmes et tous leurs domestiques
+servirent les convives.</p>
+
+<p>»Après le repas, le roi et la reine prirent du gâteau
+de froment, le rompirent et en donnèrent
+aux autres, disant: «Prenez, mangez et annoncez
+la mort du Seigneur.» De même ils prirent
+une cruche de vin, disant: «Prenez, buvez-en
+tous et annoncez la mort du Seigneur.»</p>
+
+<p>»Les convives rompirent de même des gâteaux,
+et se les présentèrent les uns aux autres en prononçant
+ces paroles: «Frère et s&oelig;ur, prends et
+mange. De même que Jésus-Christ s'est dévoué
+pour moi, de même je veux me dévouer pour toi;
+et de même que dans ce gâteau les grains de froment
+sont joints, et que les raisins ont été unis
+pour former ce vin, de même nous aussi nous
+sommes unis.» Ils s'exhortaient en même
+temps à ne rien dire de frivole, ni qui fût
+contraire à la loi du Seigneur. Ensuite ils remercièrent
+Dieu, d'abord par des prières, et puis par
+des cantiques, surtout par le cantique: <i>Gloire
+<span class="pagenum" id="Page_38">38</span>
+à Dieu au haut des cieux!</i> Le roi et ses femmes,
+avec leurs serviteurs, se mirent à table également,
+ainsi que ceux qui revenaient de la garde.</p>
+
+<p>»Quand tout fut fini, le roi demanda à l'assemblée
+s'ils étaient tous disposés à faire et à
+souffrir la volonté du Père. Ils répondirent tous:
+<i>Oui</i>. Puis le prophète Jean de Warendorff se
+leva, et dit: «Que Dieu lui avait ordonné d'envoyer
+quelques-uns d'entre eux pour annoncer
+les miracles dont ils avaient été témoins.» Le
+même prophète ajouta que, selon l'ordre de
+Dieu, ceux qu'il nommerait devaient se rendre
+dans quatre villes de l'Empire, et y prêcher...
+On donna à chacun un fenin d'or de la valeur de
+neuf florins avec de la monnaie ordinaire pour
+le voyage, et ils partirent le soir même.</p>
+
+<p>»La veille de Saint-Gall, ils parurent dans les
+villes désignées, faisant grand bruit, et criant:
+«Convertissez-vous et faites pénitence, car la
+miséricorde du Père est à sa fin. La cognée
+frappe déjà la racine de l'arbre. Que votre ville
+accepte la paix, ou elle va périr.» Arrivés
+devant le conseil des quatre villes, ils étendirent
+leurs manteaux par terre, et y jetèrent les susdites
+pièces d'or, en disant: «Nous sommes envoyés
+par le Père pour vous annoncer la paix.
+Si vous l'acceptez, mettez tout votre bien en
+commun; si vous ne voulez pas faire cela,
+<span class="pagenum" id="Page_39">39</span>
+nous protesterons devant Dieu avec cette
+pièce d'or, et nous prouverons par elle que
+vous avez rejeté la paix qu'il vous envoyait.
+Il est arrivé maintenant, le temps annoncé
+par tous les prophètes, ce temps où Dieu ne
+voudra plus souffrir sur la terre que la justice;
+et quand le roi aura fait régner la justice sur
+toute la face de la terre, alors Jésus-Christ
+remettra le gouvernement entre les mains du
+Père.»</p>
+
+<p>»Alors ils furent mis en prison et questionnés
+sur leur croyance, leur vie, etc... (Suit l'interrogatoire.) ...
+Ils disaient qu'il y avait quatre prophètes,
+deux vrais, et deux faux; que les vrais,
+c'étaient David et Jean de Leyde, et les faux, le
+pape et Luther. «Luther, disaient-ils, est pire
+encore que le pape.» Ils tiennent aussi pour
+damnés tous les autres anabaptistes, quelque
+part qu'ils se trouvent.</p>
+
+<p>»... Dans Munster, disaient-ils, les hommes
+ont communément cinq, six, sept ou huit femmes,
+selon leur bon plaisir<a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>. Mais chacun est
+obligé d'habiter d'abord avec l'une d'entre elles,
+jusqu'à ce qu'elle soit enceinte. Ensuite, il peut
+<span class="pagenum" id="Page_40">40</span>
+faire comme il lui plaît. Toutes les jeunes filles
+qui ont passé douze ans doivent se marier...</p>
+
+<p>»... Ils détruisent les églises et toutes maisons
+consacrées à Dieu...</p>
+
+<p>»... Ils attendent à Munster des gens de Groningue
+et d'autres contrées de la Hollande. Eux
+venus, le roi se lèvera avec toutes ses forces, et
+subjuguera la terre entière.</p>
+
+<p>»Ils tiennent aussi qu'il est impossible de
+bien comprendre l'Écriture sans que des prophètes
+l'aient expliquée. Quand on discute
+avec eux et qu'ils en viennent à ne pouvoir justifier
+leur entreprise par l'Écriture, ils disent que
+le Père ne leur donne pas de s'expliquer là-dessus.
+D'autres répondent: Le prophète l'a dit
+par l'ordre de Dieu.</p>
+
+<p>»Il ne s'en trouva aucun qui voulût se rétracter,
+ni qui acceptât sa grâce à ce prix. Ils chantaient
+et remerciaient Dieu qui les avait jugés
+dignes de souffrir pour son nom.»</p>
+
+<p>Les anabaptistes sommés par le landgrave de
+Hesse de se justifier relativement au roi qu'ils
+s'étaient donné, lui répondirent (janvier 1535)<a name="FNanchor_r9" id="FNanchor_r9" href="#Footnote_r9" class="fnanchor">[r9]</a>:
+«Que les temps de la restitution annoncés par les
+livres saints étaient arrivés, que l'Évangile leur
+avait ouvert la prison de Babylone, et qu'il fallait
+à présent rendre aux Babyloniens selon leurs &oelig;uvres;
+qu'une lecture attentive des prophètes, de
+<span class="pagenum" id="Page_41">41</span>
+l'Apocalypse, etc., montrerait évidemment au
+Landgrave si c'était d'eux-mêmes qu'ils avaient
+institué un roi, ou bien par l'ordre de Dieu, etc.»</p>
+
+<p>Suit la convention qui fut arrêtée l'an 1533,
+entre l'évêque de Munster et cette ville par l'entremise
+des conseillers du Landgrave: ... Les anabaptistes
+envoyèrent au landgrave de Hesse leur
+livre <i lang="la" xml:lang="la">De restitutione</i>. Il le lut avec indignation et
+ordonna à ses théologiens d'y répondre et d'opposer
+particulièrement aux anabaptistes neuf articles
+qu'il désigna. Dans ces articles il leur reproche
+entre autres choses: 1<sup>o</sup> de faire consister la
+justice non pas dans la foi seule, mais dans la foi
+et les &oelig;uvres ensemble; 2<sup>o</sup> d'accuser injustement
+Luther de n'avoir jamais enseigné les bonnes
+&oelig;uvres; 3<sup>o</sup> de défendre le libre arbitre.</p>
+
+<p>Dans le livre <i lang="la" xml:lang="la">De restitutione</i>, les anabaptistes
+divisaient toute l'histoire du monde en trois parties
+principales. «Le premier monde, disent-ils,
+celui qui exista jusqu'à Noé, fut submergé par
+les eaux. Le second, celui dans lequel nous-mêmes
+nous vivons encore, sera fondu et purifié
+par le feu. Le troisième sera un nouveau
+ciel et une nouvelle terre, habités par la justice.
+C'est ce que Dieu a désigné par l'arche sainte
+dans laquelle il y avait le vestibule, le sanctuaire
+et le saint des saints... La venue du troisième
+monde sera précédée d'une restitution et d'un
+<span class="pagenum" id="Page_42">42</span>
+châtiment universels. Les méchans seront tués,
+le règne de la justice préparé, les ennemis du
+Christ jetés à bas, et toutes choses restituées.
+C'est ce temps qui commence maintenant.»</p>
+
+<p><i>Entretien ou discussion qu'Antoine Corvinus
+et Jean Kymeus ont eue à Béverger avec Jean de
+Leyde, le roi de Munster<a name="FNanchor_r10" id="FNanchor_r10" href="#Footnote_r10" class="fnanchor">[r10]</a>.</i>&mdash;«Quand le roi entra
+dans notre chambre avec l'escorte qui l'avait
+tiré de sa prison, nous le saluâmes d'une manière
+amicale et l'invitâmes à s'asseoir près du
+feu. Nous lui demandâmes comment il se portait
+et s'il souffrait dans sa prison. Il répondit qu'il
+souffrait du froid et se sentait mal au c&oelig;ur, mais
+qu'il devait tout endurer avec patience, puisque
+Dieu avait ainsi disposé de lui. Peu-à-peu, toujours
+en lui parlant amicalement, car on ne
+pouvait rien obtenir de lui d'une autre manière,
+nous arrivâmes à parler de son royaume et de sa
+doctrine, de la manière qu'il suit:</p>
+
+<p><span class="smcap">Premier point de l'interrogatoire.</span>&mdash;<i>Les ministres.</i>
+«Cher Jean, nous entendons dire de votre
+gouvernement des choses extraordinaires et
+horribles. Si elles sont telles qu'on le dit, et malheureusement
+cela n'est que trop vrai, nous ne
+pouvons concevoir comment il vous est possible
+de justifier une semblable entreprise par la
+sainte Écriture...»</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> «Ce que nous avons fait et enseigné,
+<span class="pagenum" id="Page_43">43</span>
+nous l'avons fait et enseigné avec bon droit, et
+nous pouvons justifier toute notre entreprise,
+nos actions et notre doctrine devant Dieu et à
+qui il appartient.»</p>
+
+<p><i>Les ministres</i> lui objectent que dans l'Écriture
+il n'était question que d'un règne spirituel de
+Jésus-Christ: «Mon royaume n'est pas de ce
+monde,» a-t-il dit lui-même.</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> «J'entends très bien ce que vous dites
+du royaume spirituel de Jésus-Christ et je n'attaque
+nullement les passages que vous citez.
+Mais vous devez savoir distinguer le royaume
+spirituel de Jésus-Christ, lequel se rapporte aux
+temps de la souffrance, et duquel après tout ni
+vous ni Luther vous n'avez une juste idée, et
+l'autre royaume, celui qui, après la résurrection,
+sera établi dans ce monde pendant mille
+ans. Tous les versets qui traitent du royaume
+spirituel de Jésus-Christ ont rapport au temps
+de la souffrance, mais ceux qui se trouvent dans
+les prophètes et dans l'Apocalypse et qui traitent
+du royaume temporel, doivent être rapportés au
+temps de la gloire et de la puissance que Jésus-Christ
+aura dans le monde avec les siens.</p>
+
+<p>»Notre royaume de Munster a été une image de
+ce royaume temporel du Christ; vous savez que
+Dieu annonce et désigne beaucoup de choses
+par des figures. Nous avions cru que notre
+<span class="pagenum" id="Page_44">44</span>
+royaume durerait jusqu'à la venue du Seigneur,
+mais nous voyons à présent qu'en ce point notre
+entendement a failli et que nos prophètes ne
+l'ont pas bien compris eux-mêmes. Dieu nous
+en a, dans la prison, ouvert et révélé la véritable
+intelligence...</p>
+
+<p>»Je n'ignore pas que vous rapportez communément
+au royaume spirituel du Christ ces passages
+et d'autres semblables, qui pourtant doivent, sans
+aucun doute, être entendus du royaume temporel.
+Mais qu'est-ce que ces interprétations spirituelles,
+et à quoi servent-elles, si rien ne doit se réaliser
+un jour?... Dieu a créé le monde principalement
+pour se complaire dans les hommes auxquels il
+a donné un reflet de sa force et de sa puissance.»</p>
+
+<p><i>Les ministres</i> «... Et comment vous justifierez-vous
+quand Dieu vous dira au jugement dernier:
+Qui t'a fait roi? Qui t'a ordonné de répandre
+dans le monde de si effroyables erreurs, au
+grand détriment de ma parole?»</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> «Je répondrai: Les prophètes de Munster
+me l'ont ordonné comme étant votre volonté
+divine, en preuve de quoi ils m'ont donné en
+gage leur corps et leur âme.»</p>
+
+<p><i>Les ministres</i> lui demandent ce qu'il en est
+des révélations divines qu'il aurait eues, dit-on,
+au sujet de son élévation à la royauté.</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> «Je n'ai pas eu de révélation à ce sujet,
+<span class="pagenum" id="Page_45">45</span>
+seulement il m'est venu des pensées, comme
+s'il devait y avoir un roi à Munster, et que moi
+je dusse être ce roi. Ces pensées m'ébranlèrent et
+m'affligèrent profondément. Je priais Dieu de
+vouloir bien prendre en considération mon inhabileté,
+et de ne point me charger d'un tel fardeau.
+Au cas où il ne voudrait pas m'épargner
+cette peine, je le priais de me faire désigner par
+des prophètes dignes de foi et en possession de
+sa parole. Je m'en tins là et n'en dis rien à personne.
+Mais quinze jours après un prophète se
+leva au milieu de la commune et s'écria que Dieu
+lui avait signifié que Jean de Leyde devait être
+roi. Il annonça la même chose au conseil, qui
+aussitôt se conforma à ce qu'il disait, se démit de
+son pouvoir et me proclama roi avec toute la commune.
+Il me remit aussi le glaive de la justice.
+C'est ainsi que je suis devenu roi.»</p>
+
+<p><span class="smcap">Deuxième article.</span>&mdash;<i>Le roi.</i> «... Nous ne nous
+sommes opposés à l'autorité que parce qu'elle
+voulait nous interdire notre baptême et la parole
+de Dieu. Nous avons résisté à la violence. Vous
+prétendez que nous avons agi injustement en
+cela, mais saint Pierre ne dit-il pas qu'on doit
+obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes?... Vous ne
+réprouveriez pas tout ce que nous avons fait, si
+vous saviez comment les choses se sont passées...»</p>
+
+<p><i>Les ministres.</i> «Parez et justifiez vos actes,
+<span class="pagenum" id="Page_46">46</span>
+comme vous voudrez, vous n'en serez pas moins
+éternellement des rebelles, coupables du crime
+de lèse-majesté. Le chrétien doit souffrir et ne
+point résister au méchant. Quand même tout le
+conseil se fût rangé de votre parti (ce qui n'a pas
+eu lieu), vous auriez dû supporter la violence
+plutôt que de commencer un schisme, une sédition,
+une tyrannie pareils, contrairement à la
+parole de Dieu, à la majesté de l'Empereur, à la
+dignité royale, à celle de l'électorat et des princes
+et états de l'Empire.»</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> «Nous savons ce que nous avons fait:
+Que Dieu soit notre juge.»</p>
+
+<p><i>Les ministres.</i> «Nous aussi, nous savons sur
+quoi est fondé ce que nous disons. Que Dieu soit
+notre juge aussi.»</p>
+
+<p><span class="smcap">Troisième article.</span>&mdash;<i>Le roi.</i> «... Nous avons
+été assiégés et détruits à cause de la parole divine;
+c'est pour elle que nous avons souffert la
+faim et tous les maux, que nous avons perdu les
+nôtres, et que nous sommes tombés dans une si
+lamentable calamité! Ceux d'entre nous qui sont
+encore en vie, mourront sans résistance et sans
+plainte, comme l'agneau qu'on immole...»</p>
+
+<p><span class="smcap">Cinquième article.</span>&mdash;Le roi dit qu'il a long-temps
+été de l'avis de Zwingli, mais qu'il est revenu
+à croire en la transsubstantiation. Seulement
+il n'accorde pas à ses interlocuteurs que
+<span class="pagenum" id="Page_47">47</span>
+celle-ci s'opère aussi dans celui qui n'a pas la foi.</p>
+
+<p><span class="smcap">Sixième article.</span>&mdash;<i>Les ministres.</i> «... Que
+voulez-vous donc faire de Jésus-Christ, s'il n'a
+pas reçu chair et sang de sa mère Marie? Voulez-vous
+qu'il soit un fantôme, un spectre? Il serait
+besoin que notre Urbanus Regius fît imprimer
+un second livre pour vous faire comprendre votre
+langue natale<a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>, sans cela vos têtes d'ânes résisteront
+toujours à l'instruction.»</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> «Si vous saviez quelle consolation infinie
+est renfermée dans cette connaissance que
+Jésus-Christ, Dieu et fils du Dieu vivant, s'est
+fait homme et a versé son sang, non pas celui
+de Marie, pour racheter nos péchés (lui qui est
+pur de toute faute), vous ne parleriez pas comme
+vous faites et vous ne trouveriez pas notre opinion
+si mauvaise.»</p>
+
+<p><span class="smcap">Septième article</span> sur la polygamie.&mdash;Le roi
+oppose aux ministres l'exemple des patriarches.
+Les ministres se retranchent derrière l'usage
+généralement établi dans les temps modernes, et
+déclarent que le mariage est <i lang="la" xml:lang="la">res politica</i>. Le roi
+dit qu'il vaut mieux avoir beaucoup d'épouses,
+que beaucoup de prostituées, et termine cet entretien,
+comme le second, par ces mots: «Que
+Dieu soit notre juge.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_48">48</span>
+Quoique rédigé par les prédicateurs, l'effet
+de cette discussion ne leur est pas favorable. On
+ne peut s'empêcher d'admirer la fermeté, le bon
+sens, et la modeste simplicité du roi de Munster,
+qui ressort encore par la dureté pédantesque
+de ses interlocuteurs.</p>
+
+<p>Corvinus et Kymeus au lecteur chrétien:&mdash;«Nous
+avons représenté notre entretien avec le
+roi à-peu-près mot pour mot, sans passer un seul
+de ses argumens; seulement nous les avons mis
+en notre langage et posés plus convenablement
+qu'il ne le faisait... Environ huit jours après, il
+envoya vers nous pour nous prier de venir encore
+une fois traiter avec lui... Nous discutâmes de
+nouveau pendant deux jours; il se trouva plus
+docile que la première fois, mais nous n'avons
+vu en cela que le désir de sauver sa vie. Il déclara
+de son propre mouvement que si on le
+prenait en grâce, il voulait avec le secours de
+Melchior Hoffmann et de ses reines, exhorter tous
+les anabaptistes, qui sont très nombreux, selon
+lui, dans la Hollande, le Brabant, l'Angleterre
+et la Frise, à se taire désormais, à obéir, et
+même à faire baptiser leurs enfans, jusqu'à ce
+que l'autorité s'arrangeât avec eux sur les affaires
+de religion.» ... Suit la nouvelle confession de
+foi de Jean de Leyde, par laquelle il modifie
+quelques points de la première. En exhortant les
+<span class="pagenum" id="Page_49">49</span>
+anabaptistes à l'obéissance, il n'entend qu'une
+obéissance extérieure. Il ne cède point sur le
+fond des doctrines, et veut qu'on laisse les consciences
+libres. Quant à l'eucharistie, il déclare
+que tous ses confrères sont zwingliens sur ce
+point, et que lui-même il l'avait toujours été,
+mais que dans sa prison Dieu lui a fait connaître
+ses erreurs. Cette confession est signée en hollandais:
+<i>Moi, Jean de Leyde, signé de ma propre
+main</i>.</p>
+
+<p>Le 19 janvier 1536, Jean de Leyde, ainsi que
+Knipperdolling et Krechting, son vicaire et son
+lieutenant, furent tirés de leurs cachots<a name="FNanchor_r11" id="FNanchor_r11" href="#Footnote_r11" class="fnanchor">[r11]</a>. Le lendemain,
+l'évêque leur envoya son chapelain pour
+conférer avec chacun d'eux séparément, sur leurs
+croyances et sur les actes qu'ils avaient commis.
+Le roi témoigna du repentir et se rétracta, mais
+les deux autres persistèrent et ne s'avouèrent coupables
+en rien... Le 22 au matin, toutes les portes
+de Munster furent fermées; on ne laissa plus
+entrer ni sortir, et vers les huit heures, le roi,
+dépouillé jusqu'à la ceinture, fut conduit sur un
+échafaud dressé dans le marché. Deux cents fantassins
+et trois cents cavaliers se tenaient auprès.
+L'affluence du peuple était extrême. Il fut attaché
+à un poteau, et deux bourreaux le déchirèrent
+tour-à-tour avec des tenailles ardentes. Enfin
+l'un d'eux lui plongea un couteau dans la poitrine,
+<span class="pagenum" id="Page_50">50</span>
+et termina ainsi l'exécution qui durait depuis
+une heure.</p>
+
+<p>«Aux trois premiers coups de tenailles le roi
+ne laissa entendre aucun cri, mais après il s'écria
+sans cesse, les yeux tournés au ciel: <i>O mon
+Père, ayez pitié de moi!</i> et il pria Dieu avec ardeur,
+pour la rémission de ses péchés. Quand il
+se sentit défaillir, il dit: <i>O mon Père, je remets
+mon esprit entre tes mains!</i> et il expira.»</p>
+
+<p>«Le cadavre fut jeté sur une claie et traîné
+devant la tour de Saint-Lambert, où étaient préparés
+trois paniers de fer. Arrivé là, on l'attacha
+avec des chaînes dans l'un de ces paniers, et les
+paysans le hissèrent au haut de la tour, où il fut
+suspendu à un crochet.»&mdash;Le supplice de Knipperdolling
+et de Krechting fut le même que celui
+du roi. Ils persistèrent jusqu'à la fin dans tout ce
+qu'ils avaient dit. «Pendant l'exécution ils n'invoquèrent
+que le Père, sans faire mention du
+Christ, comme c'était l'usage de leur secte. Ni
+l'un ni l'autre, ne dit rien de remarquable: peut-être
+leur silence était-il la suite des tourmens
+qu'ils avaient endurés dans la prison, car ils
+semblaient déjà plus morts que vifs. Leurs corps
+furent mis dans les deux autres paniers de fer,
+et hissés par les paysans, l'un à la droite, l'autre
+à la gauche du roi, mais plus bas de la hauteur
+d'un homme. Alors on rouvrit les portes de la
+<span class="pagenum" id="Page_51">51</span>
+ville, et il y entra une grande foule de gens
+venus trop tard pour voir l'exécution<a name="FNanchor_a28" id="FNanchor_a28" href="#Footnote_a28" class="fnanchor">[a28]</a>.»</p>
+
+<p><i>Préface de Luther aux Nouvelles, sur les affaires
+de Munster<a name="FNanchor_r12" id="FNanchor_r12" href="#Footnote_r12" class="fnanchor">[r12]</a>.</i> «Ah! que dois-je, et comment
+dois-je écrire contre ou sur ces pauvres
+gens de Munster! N'est-il pas visible que le
+diable y règne en personne, ou plutôt qu'il y a
+là toute une bande de diables?</p>
+
+<p>»Reconnaissons pourtant ici la grâce et la miséricorde
+infinies de Dieu. Après que l'Allemagne,
+par tant de blasphèmes, par le sang de tant
+d'innocens, a mérité une si rude férule, le père
+de toute miséricorde ne permet pas encore au
+diable de frapper son vrai coup, il nous avertit
+d'abord paternellement par ce jeu grossier que
+Satan fait à Munster. La puissance de Dieu contraint
+l'esprit aux cent ruses à s'y prendre d'abord
+avec gaucherie et maladresse, afin de nous
+laisser le temps d'échapper par la pénitence, aux
+coups mieux calculés qu'il nous réservait.</p>
+
+<p>»En effet, l'esprit qui veut tromper le monde
+ne doit pas commencer par prendre des femmes,
+par étendre la main vers les honneurs et le glaive
+royal, ou bien par égorger les gens; ceci est trop
+grossier. Chacun s'aperçoit que cet esprit ne
+veut autre chose que s'élever lui-même et opprimer
+les autres. Ce qu'il faut pour tromper, c'est
+de mettre un habit gris, de prendre un air triste
+<span class="pagenum" id="Page_52">52</span>
+et piteux, de pencher la tête, de refuser l'argent,
+de ne pas manger de viande; de fuir les femmes
+à l'égal du poison, de repousser comme damnable
+tout pouvoir temporel, de rejeter le glaive;
+puis de se baisser tout doucement vers la couronne,
+le glaive et les clés, pour les ramasser et
+s'en saisir furtivement. Voilà qui pourrait réussir,
+voilà qui tromperait même les sages, les hommes
+tournés au spirituel. Ce serait là un beau
+diable, à plumes plus belles que plumes de paon
+et de faisan.</p>
+
+<p>»Mais saisir la couronne si impudemment,
+prendre non-seulement une femme, mais autant
+de femmes que dit le caprice et le plaisir. Ah!
+c'est le fait d'un diablotin écolier, d'un diable
+à l'A B C; ou bien c'est le véritable Satan, le
+Satan docte et habile, mais garrotté par la main
+de Dieu de chaînes si puissantes qu'il n'a pu agir
+plus adroitement. C'est pour nous menacer tous
+et nous exhorter à craindre ses châtimens, avant
+qu'il ne laisse le champ libre à un diable savant
+qui nous attaquerait, non plus avec l'A B C,
+mais avec le véritable texte, le texte difficile.
+S'il fait de telles choses comme diablotin à l'école,
+que ne pourrait-il faire comme diable raisonnable,
+sage, savant, légiste, théologien?</p>
+
+<p>»... Lorsque Dieu est en colère et qu'il nous
+prive de sa parole, nulle tromperie du diable
+<span class="pagenum" id="Page_53">53</span>
+n'est trop grossière. Les commencemens de Mahomet
+aussi furent grossiers; cependant, Dieu
+n'y mettant obstacle, il en est sorti un empire
+damnable et infâme, comme tout le monde
+sait. Si Dieu ne nous eût pas été en aide contre
+Münzer, il se fût élevé par lui un empire turc,
+comme celui de Mahomet. En somme: nulle
+étincelle n'est si petite, que Dieu y laissant souffler
+le diable, il n'en puisse sortir un feu qui dévore
+le monde, et que personne n'éteigne. La
+meilleure arme contre le diable c'est le glaive
+de l'esprit, la parole de Dieu; le diable est un
+esprit et il se moque des cuirasses, des chevaux
+et des cavaliers.</p>
+
+<p>»Mais nos seigneurs évêques et princes, ne
+veulent pas souffrir que l'on prêche l'Évangile,
+et que, par la parole divine, l'on arrache les
+âmes au diable; ils pensent qu'il suffit d'égorger.
+De cette manière ils prennent au diable les
+corps, ils lui laissent les âmes; ils réussiront
+comme les Juifs, qui croyaient exterminer Christ
+en le crucifiant.....</p>
+
+<p>»..... Ceux de Munster, entre autres blasphèmes,
+parlent de la naissance de Jésus-Christ,
+comme s'il ne venait pas (c'est leur langage) de
+la semence de Marie et que cependant il fût de
+la semence de David. Mais ils ne s'expliquent pas
+clairement. Le diable garde la bouillie ardente
+<span class="pagenum" id="Page_54">54</span>
+dans la bouche et ne fait que grommeler: <i>mum,
+mum</i>, voulant probablement dire pis. Toutefois
+ce que l'on comprend, c'est que, d'après eux,
+la semence ou la chair de Marie ne pourrait pas
+nous racheter. Eh bien! diable, grommèle et
+crache tant que tu voudras, le seul petit mot: <i>né</i>,
+renverse tout cela. Dans toutes les langues, sur
+toute la terre, on appelle <i>né</i> l'enfant de chair et
+de sang qui sort des entrailles de la femme, et
+non autre chose. Or l'Écriture dit partout que
+Jésus-Christ est <i>né</i> de sa mère Marie, qu'il est
+son fils premier né: ainsi Isaïe, Gabriel, et ailleurs:
+«Tu seras enceinte en ton corps,» etc.
+Mon cher, <i>être enceinte</i> ne signifie pas: être un
+tuyau par lequel il coule de l'eau (selon les blasphèmes
+de Manichée); mais cela veut dire qu'un
+enfant est pris de la chair et du sang de sa mère,
+qu'il est nourri en elle, qu'il y prend croissance,
+qu'il est à la fin mis au monde.</p>
+
+<p>»L'autre proposition de ces gens, celle par
+laquelle ils condamnent le baptême des enfans
+et en font une chose païenne, est de même assez
+grossière. Ils regardent comme mauvais tout ce
+que les impies ont et donnent. Pourquoi donc
+alors ne tiennent-ils pas pour mauvais l'or, l'argent
+et les autres biens qu'ils ont pris aux impies
+dans Munster. Ils devraient faire de l'or et
+de l'argent tout neuf.....</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_55">55</span>
+»Leur méchant royaume est si visiblement
+un royaume de grossière imposture et de révolte
+qu'il n'est pas besoin d'en parler. J'en ai déjà
+trop dit: Je m'arrête.»<a name="FNanchor_a29" id="FNanchor_a29" href="#Footnote_a29" class="fnanchor">[a29]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<div class="pagenum" id="Page_56"></div>
+
+<h3>CHAPITRE III.<br />
+1536-1545.</h3>
+
+<p class="somm">Dernières années de la vie de Luther.&mdash;Polygamie
+du landgrave de Hesse, etc.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Les catholiques et les protestans réunis un
+instant contre les anabaptistes, n'en furent ensuite
+que plus ennemis<a name="FNanchor_a30" id="FNanchor_a30" href="#Footnote_a30" class="fnanchor">[a30]</a>. On parlait toujours d'un
+concile général; personne n'en voulait sérieusement.
+Le pape le redoutait, les protestans le
+récusaient d'avance.</p>
+
+</div>
+
+<p>«On m'écrit de la diète, que l'Empereur
+presse les nôtres de consentir à un concile, et
+qu'il se courrouce de leur refus. Je ne comprends
+pas ces monstruosités. Le pape nie que des hérétiques
+<span class="pagenum" id="Page_57">57</span>
+comme nous puissent avoir place à un
+concile: l'Empereur veut que nous consentions
+au concile et à ses décrets. C'est peut-être Dieu
+qui les rend fous... Mais voici sans doute leur
+folle combinaison. Comme jusqu'à présent ils
+n'ont pu, sous le nom du pape, de l'Église, de
+l'Empereur, des diètes, rendre redoutable leur
+mauvaise cause, ils pensent maintenant à se couvrir
+du nom de concile afin de pouvoir crier contre
+nous: que nous sommes des gens tellement
+perdus et désespérés que nous ne voulons écouter
+ni le pape, ni l'Église, ni l'Empereur, ni l'Empire,
+ni le concile même que nous avons tant de
+fois demandé. Voyez l'habileté de Satan contre
+ce pauvre sot de Dieu, qui aura sans doute de la
+peine à se tirer de piéges si bien dressés?... Non,
+c'est le Seigneur, qui se jouera de ceux qui se
+jouent de lui. S'il nous faut consentir à un concile
+ainsi disposé pour nous, pourquoi, il y a vingt-cinq
+ans, ne nous sommes-nous pas soumis au
+pape, seigneur des conciles, et à toutes ses bulles?»
+(9 juillet 1545.)</p>
+
+<p>Ce concile aurait pu resserrer l'unité de la
+hiérarchie catholique, mais non rétablir celle
+de l'Église. Les armes devaient seules décider<a name="FNanchor_a31" id="FNanchor_a31" href="#Footnote_a31" class="fnanchor">[a31]</a>.
+Déjà les protestans avaient chassé les Autrichiens
+du Wurtemberg. Ils dépouillaient Henri de
+Brunswick, qui exécutait à son profit les arrêts
+<span class="pagenum" id="Page_58">58</span>
+de la chambre impériale. Ils encourageaient l'archevêque
+de Cologne à imiter l'exemple d'Albert
+de Brandebourg, en sécularisant son archevêché,
+ce qui leur eût donné la majorité dans le conseil
+électoral. Cependant il y eut encore quelques tentatives
+de conciliation. Des conférences s'ouvrirent
+à Worms et à Ratisbonne (1540&mdash;1541)<a name="FNanchor_a32" id="FNanchor_a32" href="#Footnote_a32" class="fnanchor">[a32]</a>.
+Elles furent aussi inutiles que celles qui les
+avaient précédées. Luther ne s'y trouva point
+et donna même peu d'attention à ces disputes
+qui de jour en jour prenaient un caractère plus
+politique que religieux.</p>
+
+<p>«Il ne m'est rien venu de Worms, si ce n'est
+ce que m'écrit Mélanchton, qu'il s'y est réuni
+une telle multitude de doctes personnages de
+France, d'Italie, d'Espagne et d'Allemagne, que
+dans aucun synode pontifical on n'en pourra jamais
+voir un aussi grand nombre.» (27 novembre
+1540.)</p>
+
+<p>«J'ai reçu des nouvelles de Worms. Les nôtres
+procèdent avec force et sagesse, nos adversaires,
+comme gens sots et ineptes, n'usent que
+de ruses et de mensonges. On croirait voir Satan
+lui-même, quand se lève l'aurore, courir çà et là
+cherchant, sans pouvoir trouver, quelque sombre
+repaire pour échapper à cette lumière qui le
+poursuit.» (9 janvier 1541.)</p>
+
+<p>Après une nouvelle conférence de <ins id="err_3" title="original: théologien (Err.)">théologiens</ins>
+<span class="pagenum" id="Page_59">59</span>
+des deux partis, on voulut avoir l'opinion de
+Luther sur dix articles dont on était convenu.
+«Notre prince apprenant que l'on venait directement
+à moi sans s'adresser à lui, accourut avec
+Pontanus, et tous deux arrangèrent la réponse à
+leur façon<a name="FNanchor_a33" id="FNanchor_a33" href="#Footnote_a33" class="fnanchor">[a33]</a>.»</p>
+
+<p>Quelques années auparavant, cette intervention
+du prince aurait soulevé l'indignation de
+Luther. Ici il en parle sans colère, le dégoût et
+la lassitude commencent à s'emparer de lui. Il
+voit bien qu'en travaillant à rétablir l'Évangile
+dans sa pureté primitive, il n'a fait que fournir
+aux puissans du siècle les moyens de satisfaire
+leurs ambitions terrestres, et qu'ils font chaque
+jour bon marché de son Christ.</p>
+
+<p>«Notre excellent prince m'a donné à lire les
+conditions qu'il veut proposer pour avoir la paix
+avec l'Empereur et nos adversaires. Je vois qu'ils
+regardent toute cette affaire comme une comédie
+qui se joue entre eux, tandis que c'est une tragédie
+entre Dieu et Satan, où Satan triomphe et
+où Dieu est humilié<a name="FNanchor_a34" id="FNanchor_a34" href="#Footnote_a34" class="fnanchor">[a34]</a>. Mais viendra la catastrophe
+où le Tout-Puissant, auteur de cette tragédie,
+nous donnera la victoire. Je suis indigné qu'on
+se joue ainsi de si grandes choses<a name="FNanchor_a35" id="FNanchor_a35" href="#Footnote_a35" class="fnanchor">[a35]</a>.» (4 avril 1541.)</p>
+
+<p class="sep2">Nous avons vu de bonne heure dans quelle
+triste dépendance la Réforme s'était trouvée à l'égard
+<span class="pagenum" id="Page_60">60</span>
+des princes qui la protégeaient; Luther eut
+le temps de voir les conséquences où cette
+dépendance devait aboutir. Ces princes, c'étaient
+des hommes; il fallut les servir, non-seulement
+comme princes, mais comme hommes,
+dans leurs caprices, dans les besoins de leur humanité.
+De là, des concessions qui sans être contraires
+aux principes de la Réforme, semblèrent
+peu honorables aux réformateurs.</p>
+
+<p>Le chef le plus belliqueux du parti protestant,
+l'impétueux et colérique landgrave de Hesse, fit
+représenter à Luther et aux ministres que sa
+santé ne lui permettait pas de se contenter d'une
+femme. Les instructions qu'il donna à Bucer<a name="FNanchor_r13" id="FNanchor_r13" href="#Footnote_r13" class="fnanchor">[r13]</a>
+pour négocier cette affaire avec les théologiens de
+Wittemberg, sont un curieux mélange de sensualité,
+de craintes religieuses et de naïveté hardie.</p>
+
+<p>«Depuis mon mariage, écrit-il, je vis dans
+l'adultère et la fornication; et comme je ne veux
+point abandonner cette vie, je ne puis m'approcher
+de la Sainte-Table; car saint Paul a dit que
+l'adultère ne possèdera pas le royaume des cieux.»
+Il énumère ensuite les raisons qui le forcent à
+vivre ainsi. «Ma femme, dit-il, n'est ni belle,
+ni aimable; elle sent mauvais, elle boit, et mes
+chambellans savent bien comment elle se comporte
+alors, etc.»&mdash;Je suis d'une forte complexion,
+les médecins peuvent le témoigner,
+<span class="pagenum" id="Page_61">61</span>
+souvent je vais aux diètes impériales. «<i lang="la" xml:lang="la">Ubi lautè
+vivitur et corpus curatur; quomodo me ibi gerere
+queam absque uxore, cùm non semper magnum
+gynæceum mecum ducere possim?...</i>» Comment
+puis-je punir la fornication et les autres crimes,
+lorsque moi-même je m'en rends coupable, lorsque
+tous pourraient me dire: Maître, commence
+par toi... Si nous prenions les armes pour la
+cause de l'Évangile, je ne le ferais qu'avec une
+conscience troublée, car je me dirais: Si tu
+meurs en cette guerre, tu vas au démon... J'ai lu
+avec soin l'Ancien et le Nouveau Testament, et
+je n'y ai trouvé d'autre remède que de prendre
+une seconde femme, car je ne puis, ni ne veux
+changer la vie que je mène. Je l'atteste par-devant
+Dieu, ce qu'Abraham, Jacob, David, Lamech
+et Salomon ont fait, pourquoi ne le puis-je
+faire?» Cette question de la polygamie avait été
+agitée déjà dans les premières années du protestantisme;
+on la trouvait partout dans l'Écriture
+à laquelle la Réforme disait vouloir ramener
+le monde. Les réformateurs considéraient d'ailleurs
+le mariage <i>ut res politica</i>, et sujette aux
+réglemens du prince. En présence de cette question,
+Luther recula d'abord; la chose lui répugnait,
+mais il n'osait condamner l'Ancien Testament.
+D'ailleurs la doctrine que le Landgrave invoquait,
+était précisément celle que Luther avait
+<span class="pagenum" id="Page_62">62</span>
+adoptée en principe dès les commencemens de la
+Réforme, quoiqu'il ne conseillât pas de la pratiquer;
+il avait écrit en 1524: «Il faut que le mari
+soit certain par sa propre conscience et par la
+parole de Dieu, que la polygamie lui est permise. .....
+Pour moi, j'avoue que je ne puis
+mettre d'opposition à ce qu'on épouse plusieurs
+femmes, et que cela ne répugne pas à l'Écriture
+sainte. Cependant je ne voudrais pas que cet
+exemple s'introduisît parmi les chrétiens, à qui
+il convient de s'abstenir même de ce qui est permis,
+pour éviter le scandale et pour maintenir
+l'<i>honestas</i> que saint Paul exige en toute occasion.
+Il est tout-à-fait indigne d'un chrétien de courir
+avec tant d'ardeur pour son propre avantage jusqu'aux
+dernières limites de la liberté, et de négliger
+pourtant les choses les plus vulgaires et
+les plus nécessaires de la charité. Aussi je n'ai
+point voulu, dans mon sermon, ouvrir cette
+fenêtre.» (13 janvier 1524.)</p>
+
+<p>«La polygamie permise autrefois aux Juifs et
+aux gentils, ne peut, d'après la foi, exister chez
+les chrétiens si ce n'est dans un cas d'absolue
+nécessité, comme quand on est obligé de se séparer
+de sa femme lépreuse, etc. Tu diras donc
+à ces hommes de chair que s'ils veulent être
+chrétiens, il leur faut maîtriser la chair et ne
+point lui lâcher la bride. S'ils veulent être gentils,
+<span class="pagenum" id="Page_63">63</span>
+qu'ils le soient, mais à leurs risques et périls.»
+(21 mars 1527.)</p>
+
+<p>Un jour Luther demanda au docteur Basilius
+si, d'après les lois, le mari dont la femme aurait
+quelque maladie incurable, et serait, pour ainsi
+dire, plus morte que vivante, pourrait être autorisé
+à prendre une concubine. Le docteur Basilius
+ayant répondu que dans certains cas, cette
+permission serait probablement accordée, Luther
+dit: «C'est là une chose dangereuse, car si l'on
+admet les cas de maladie, l'on pourrait venir
+chaque jour inventer de nouvelles raisons de
+dissoudre les mariages.» (1539).</p>
+
+<p>Le message du Landgrave jeta Luther dans un
+grand embarras. Tout ce qu'il y avait de théologiens
+protestans à Wittemberg, se réunit pour
+dresser une réponse; on résolut de composer
+avec ce prince. On lui accorda le double mariage,
+mais à condition que sa seconde femme ne serait
+point reconnue publiquement. «Votre Altesse
+comprend assez d'elle-même la différence qu'il y
+a d'établir une loi universelle ou d'user de dispense
+en un cas particulier pour de pressantes
+raisons. Nous ne pouvons introduire publiquement
+et sanctionner comme par une loi la
+permission d'épouser plusieurs femmes... Nous
+prions Votre Altesse de considérer dans quel
+danger serait un homme convaincu d'avoir introduit
+<span class="pagenum" id="Page_64">64</span>
+en Allemagne une telle loi, qui diviserait
+les familles et les engagerait en des procès
+éternels..... Votre Altesse est d'une complexion
+faible, elle dort peu; de grands ménagemens lui
+sont nécessaires... Le grand Scanderbeg exhortait
+souvent ses soldats à la chasteté, disant qu'il
+n'y avait rien de si nuisible à leur profession que
+le plaisir de l'amour... Qu'il plaise donc à Votre
+Altesse d'examiner sérieusement les considérations
+du scandale, des travaux, des soins, des
+chagrins et des infirmités qui lui ont été représentées...
+Si cependant Votre Altesse est entièrement
+résolue d'épouser une seconde femme,
+nous jugeons qu'elle doit le faire secrètement...
+Fait à Wittemberg, après la fête de saint Nicolas,
+de l'an 1539<a name="FNanchor_a36" id="FNanchor_a36" href="#Footnote_a36" class="fnanchor">[a36]</a>. Martin <span class="smcap">Luther</span>, Philippe <span class="smcap">Melanchton</span>,
+Martin <span class="smcap">Bucer</span>, Antoine <span class="smcap">Corvin</span>, <span class="smcap">Adam</span>, Jean
+<span class="smcap">Lening</span>, Justin <span class="smcap">Wintfert</span>, Dyonisius <span class="smcap">Melanther</span>.»</p>
+
+<p>C'était une chose dure que de forcer Luther
+qui, comme théologien et père de famille, tenait
+à la sainteté du mariage, de déclarer qu'en vertu
+de l'Ancien Testament, deux femmes pouvaient
+s'asseoir avec leurs jalousies et leurs haines au
+même foyer domestique. Cette croix, il la sentit
+douloureusement. «Quant à l'affaire <i>macédonique</i>,
+ne t'en afflige pas trop, puisque les choses
+en sont venues au point que ni joie ni tristesse n'y
+peuvent rien. Pourquoi nous tuer nous-mêmes?
+<span class="pagenum" id="Page_65">65</span>
+pourquoi souffrir que la tristesse nous ôte la
+pensée de celui qui a vaincu toutes les morts et
+toutes les tristesses? Celui qui a vaincu le diable et
+jugé le prince de ce monde, n'a-t-il pas en même
+temps jugé et vaincu ce scandale?... A leurs yeux,
+nos vertus sont des vices quand nous n'adorons
+point Satan avec eux. Que Satan triomphe donc,
+et n'en concevons ni chagrin, ni tristesse; mais
+réjouissons-nous en Christ, qui brisera les efforts
+de tous nos ennemis.» (18 juin 1540).</p>
+
+<p>Il semble qu'il ait espéré, pour éviter ce scandale,
+l'intervention de l'Empereur.</p>
+
+<p>«Si César et l'Empire le voulaient, comme ils
+seront forcés de le vouloir, ils feraient bientôt
+cesser par un édit ce scandale, afin que cela ne
+puisse devenir pour l'avenir un droit ou un
+exemple.»</p>
+
+<p>Depuis cette époque, les lettres de Luther,
+comme celles de Mélanchton, sont pleines de
+dégoût et de tristesse<a name="FNanchor_a37" id="FNanchor_a37" href="#Footnote_a37" class="fnanchor">[a37]</a>.</p>
+
+<p>Quelqu'un demandant à Luther de l'appuyer
+par une lettre près de la cour de Dresde, Luther
+lui répond qu'il a perdu tout crédit, toute
+influence. Dans les lettres précédentes, il se
+trouve parfois des expressions amères contre
+cette cour. <i lang="la" xml:lang="la">Mundana illa caula.</i></p>
+
+<p>«J'assisterai à tes noces, mon cher Lauterbach,
+mais en esprit et par la prière. Car que
+<span class="pagenum" id="Page_66">66</span>
+j'y aille de corps, ce n'est pas seulement la multitude
+des affaires qui m'en empêche, mais le
+danger d'offenser ces mamelucks et la reine de
+ce royaume (la duchesse Catherine de Saxe?);
+car qui n'est offensé de la folie de Luther?»</p>
+
+<p>«Tu me demandes, mon cher Jonas, de t'écrire
+de temps à autre quelques mots de consolation.
+Mais c'est moi plus que personne qui ai
+besoin que tes lettres viennent rendre quelque
+vie à mon esprit, moi qui comme Loth ai tant à
+souffrir au milieu de cette infâme et satanique
+ingratitude, de cet horrible mépris de la parole
+du Seigneur. Il faut que je voie Satan posséder
+les c&oelig;urs de ceux qui croient qu'à eux seuls sont
+réservées les premières places dans le royaume
+de Christ!»</p>
+
+<p>Les protestans commençaient déjà à se relâcher
+de leur sévérité. On rouvrait les maisons
+de débauches. Il vaudrait mieux, dit Luther,
+ne pas avoir chassé Satan que de le ramener en
+plus grande force. (13 septembre 1540.)</p>
+
+<p>«Le pape, l'Empereur, le Français, Ferdinand,
+ont envoyé auprès du Turc, pour demander la paix,
+une ambassade magnifique chargée de riches présens.
+Et ce qu'il y a de plus beau, c'est que pour ne
+pas blesser les yeux des Turcs, ils ont tous quitté
+le costume de leur pays, et se sont parés de longues
+robes à la mode turque... J'espère que ce
+<span class="pagenum" id="Page_67">67</span>
+sont les signes bienheureux de la fin imminente
+de toutes choses.» (17 juillet 1745.)</p>
+
+<p><i>A Jonas.</i> «Je te dis à l'oreille que j'ai de
+grands soupçons qu'on nous enverra seuls,
+nous autres luthériens, à la guerre contre le
+Turc. Le roi Ferdinand a enlevé de Bohême l'argent
+de la guerre, et a défendu qu'on fît partir
+un seul soldat. L'Empereur ne fait rien. Et si c'était
+leur dessein que nous fussions exterminés
+par le Turc?» (29 décembre 1542.)</p>
+
+<p>«Rien de nouveau ici, sinon que le margrave
+de Brandebourg se fait une mauvaise réputation
+par tout le monde au sujet de la guerre de Hongrie.
+Ferdinand n'en a pas une meilleure. Je vois
+un concours de tant de motifs et de très vraisemblables,
+que je ne puis m'empêcher de croire
+que tout cela indique une horrible et funeste
+trahison.» (26 janvier 1542.)</p>
+
+<p>«Je le demande, qu'arrivera-t-il enfin de
+cette horrible trahison des princes et des rois?»
+(16 décembre 1543.)</p>
+
+<p>«Puisse Dieu nous venger des incendiaires
+(presque tous les mois il parle d'incendies qui ont
+lieu à Wittemberg)! Satan a trouvé un nouveau
+moyen de nous tuer. On jette du poison dans le
+vin, du plâtre dans le lait<a name="FNanchor_a38" id="FNanchor_a38" href="#Footnote_a38" class="fnanchor">[a38]</a>. A Iéna, douze personnes
+ont été empoisonnées dans du vin. Peut-être
+sont-elles mortes seulement pour avoir trop
+<span class="pagenum" id="Page_68">68</span>
+bu. Cependant on assure qu'à Magdebourg et à
+Northuse, on a trouvé des marchands vendant du
+lait empoisonné.» (avril 1541.) Dans une des
+lettres suivantes, il fait mention d'une histoire
+d'hosties empoisonnées.&mdash;A Amsdorf, à l'occasion
+de la peste de Magdebourg. «Ce que tu me
+mandes de la frayeur que l'on a aujourd'hui de la
+peste, j'en ai fait aussi l'épreuve il y a quelques
+années; et je m'étonne de voir que, plus se répand
+la prédication de la vie en Jésus-Christ, plus
+augmente dans le peuple la peur de la mort, soit
+qu'auparavant, sous le règne du pape, un faux
+espoir de vie diminuât pour eux la crainte de la
+mort, et que maintenant la véritable espérance
+de vie étant mise devant leurs yeux, ils sentent
+combien la nature est faible pour croire au vainqueur
+de la mort, soit que Dieu nous tente par
+ces faiblesses et laisse prendre à Satan, au milieu
+de cette frayeur, plus de hardiesse et de force.
+Tant que nous avons vécu dans la foi du pape,
+nous étions comme des gens ivres, endormis ou
+fous, prenant la mort pour la vie, c'est-à-dire
+ignorant ce que c'est que la mort et la colère de
+Dieu. Maintenant que la lumière a brillé et que
+la colère de Dieu nous est mieux connue, la nature
+est sortie du sommeil et de la folie. De là
+vient qu'ils ont plus de peur qu'autrefois... J'ajoute
+et j'applique ici ce passage du psaume LXXI:
+<span class="pagenum" id="Page_69">69</span>
+<i>Ne me rejetez pas dans le temps de ma vieillesse;
+lorsque ma force succombera, ne m'abandonnez
+pas</i>. Car je pense que ce temps suprême est la
+vieillesse du Christ et le temps de l'abattement,
+c'est-à-dire que c'est le grand et dernier assaut
+du diable, comme David, dans ses derniers
+jours, affaibli par l'âge, eût été tué par le géant,
+si Abisaï ne fût venu à son aide... J'ai appris
+presque toute cette année à chanter avec saint
+Paul: <i lang="la" xml:lang="la">Quasi mortui et ecce vivimus</i>. Et ailleurs:
+<i lang="la" xml:lang="la">Per gloriam vestram quotidiè morior</i>. Et quand il
+dit aux Corinthiens, <i lang="la" xml:lang="la">In mortibus frequenter</i>, ce
+n'a pas été chez lui spéculation ou méditation sur
+la mort, mais sentiment de la mort elle-même,
+comme s'il n'y avait plus d'espérance de vie.»
+(20 novembre 1538.)</p>
+
+<p>«J'espère qu'au milieu du déchirement du
+monde, le Christ va hâter son jour et fera écrouler
+l'univers, <i lang="la" xml:lang="la">Ut fractus illabatur orbis</i>.» (12 février
+1538.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h2 id="Page_71">LIVRE IV.<br />
+1530-1546.</h2>
+
+<hr class="hr7" />
+
+<h3>CHAPITRE PREMIER.</h3>
+
+<p class="somm">Conversations de Luther.&mdash;La famille<a name="FNanchor_a39" id="FNanchor_a39" href="#Footnote_a39" class="fnanchor">[a39]</a>, la femme<a name="FNanchor_a40" id="FNanchor_a40" href="#Footnote_a40" class="fnanchor">[a40]</a>, les enfans.
+La nature.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Arrêtons-nous dans cette triste histoire des
+dernières années de la vie publique. Réfugions-nous,
+comme Luther, dans la vie privée; asseyons-nous
+à sa table, à côté de sa femme, au
+<span class="pagenum" id="Page_72">72</span>
+milieu de ses enfans et de ses amis; écoutons les
+paroles graves du pieux et tendre père de famille<a name="FNanchor_a41" id="FNanchor_a41" href="#Footnote_a41" class="fnanchor">[a41]</a>.</p>
+
+<p class="sep2">«Celui qui insulte les prédicateurs et les femmes
+ne réussira pas bien<a name="FNanchor_r14" id="FNanchor_r14" href="#Footnote_r14" class="fnanchor">[r14]</a>. C'est des femmes que
+viennent les enfans par quoi se maintient le gouvernement
+de la famille et de l'état. Qui les méprise,
+méprise Dieu et les hommes.</p>
+
+<p>»Le droit saxon est trop dur, lorsqu'il donne
+seulement à la veuve un siége et une quenouille<a name="FNanchor_r15" id="FNanchor_r15" href="#Footnote_r15" class="fnanchor">[r15]</a>.
+Par le premier mot, il faut entendre la maison;
+par le second, l'entretien, la subsistance. On
+paie bien un valet. Que dis-je? on donne plus à
+un mendiant.</p>
+
+<p>»Il n'y a point de doute que les femmes en mal
+d'enfant, qui meurent dans la foi, sont sauvées,
+parce qu'elles meurent dans la charge et la fonction
+pour laquelle Dieu les a créées<a name="FNanchor_r16" id="FNanchor_r16" href="#Footnote_r16" class="fnanchor">[r16]</a>.</p>
+
+<p>»C'est l'usage dans les Pays-Bas, que chaque
+nouveau et jeune prêtre se choisisse une petite
+fille qu'il tient pour sa fiancée, et cela, pour honorer
+le saint état du mariage.»</p>
+
+<p>On disait à Luther<a name="FNanchor_r17" id="FNanchor_r17" href="#Footnote_r17" class="fnanchor">[r17]</a>: Si un prédicateur chrétien
+doit souffrir la prison et la persécution pour
+l'amour de la parole, ne doit-il pas, à plus forte
+raison, se passer du mariage? Il répondit à cela:
+«Il est plus facile de supporter la prison que de
+brûler: je l'ai éprouvé moi-même. Plus je macérais
+<span class="pagenum" id="Page_73">73</span>
+mon corps, plus je tâchais de le dompter,
+et plus je brûlais. Quand on aurait le don de
+rester chaste dans le célibat, on doit encore se
+marier pour faire dépit au pape... Si j'étais mort
+à l'improviste, j'aurais voulu pour honorer le
+mariage, faire venir à mon lit de mort une pieuse
+fille que j'aurais prise comme épouse, et à laquelle
+j'aurais donné deux gobelets d'argent
+pour don de noces et présent de lendemain
+(<span lang="de" xml:lang="de">morgengabe</span>).»</p>
+
+<p>Lettre à un ami qui lui demande conseil pour se
+marier<a name="FNanchor_r18" id="FNanchor_r18" href="#Footnote_r18" class="fnanchor">[r18]</a>: «Si tu brûles, il faut prendre femme...
+Tu voudrais bien en avoir une, belle, pieuse et
+riche. Très bien, mon cher; on t'en donnera une
+en peinture, avec des joues roses et des jambes
+blanches. Ce sont aussi les plus pieuses; mais
+elles ne valent rien pour la cuisine ni pour le
+lit... Se lever de bonne heure et se marier jeune,
+personne ne s'en repentira.</p>
+
+<p>»Il n'est guère plus possible de se passer de
+femme que de boire ou de manger<a name="FNanchor_r19" id="FNanchor_r19" href="#Footnote_r19" class="fnanchor">[r19]</a>. Conçu,
+nourri, porté dans le corps des femmes, notre
+chair est à elles dans sa plus grande partie, et il
+nous est impossible de nous en séparer tout-à-fait.</p>
+
+<p>»Si j'avais voulu faire l'amour, il y a treize
+ans, j'aurais pris Ave Schonfeldin, qui est aujourd'hui
+au docteur Basilius, le médecin de
+Prusse. Je n'aimais pas alors ma Catherine; je
+<span class="pagenum" id="Page_74">74</span>
+la soupçonnais d'être fière et hautaine; mais il a
+plu ainsi à Dieu; il a voulu que j'eusse pitié d'elle,
+et cela m'a fort bien tourné; Dieu soit loué!</p>
+
+<p>»La plus grande grâce de Dieu est d'avoir un
+bon et pieux époux, avec qui vous viviez en paix,
+à qui vous puissiez confier tout ce que vous avez,
+même votre corps et votre vie, et avec qui vous
+ayez de petits enfans<a name="FNanchor_r20" id="FNanchor_r20" href="#Footnote_r20" class="fnanchor">[r20]</a>. Catherine, tu as un homme
+pieux qui t'aime, tu es une impératrice. Grâce
+soit rendue à Dieu!»</p>
+
+<p>Quelqu'un excusait ceux qui courent après les
+filles, le docteur Luther répondit: «Qu'ils sachent
+que c'est mépriser le sexe féminin. Ils abusent
+des femmes qui n'ont pas été créées pour
+cela. C'est une grande chose qu'une jeune fille
+puisse toujours être aimée; le diable le permet
+rarement... Elle disait bien, mon hôtesse d'Eisenach,
+quand j'y étais aux écoles: <i>Il n'est sur
+terre chose plus douce que d'être aimé d'une femme</i>.»</p>
+
+<p>«Au jour de la Saint-Martin, anniversaire de
+la naissance du docteur Martin Luther, maître
+Ambrosius Brend vint lui demander sa nièce...<a name="FNanchor_r21" id="FNanchor_r21" href="#Footnote_r21" class="fnanchor">[r21]</a>
+Un jour qu'il les surprit dans un entretien secret,
+il se mit à rire, et dit: «Je ne m'étonne pas
+qu'un fiancé ait tant à dire à sa fiancée; pourraient-ils
+se lasser jamais? Mais on ne doit point
+les gêner; ils ont privilége par dessus Droit et
+Coutume.»&mdash;En la lui accordant, il dit ces paroles:
+<span class="pagenum" id="Page_75">75</span>
+«Monsieur et cher ami, je vous présente
+cette jeune fille telle que Dieu me l'a donnée
+dans sa bonté. Je la remets entre vos mains;
+Dieu vous bénisse, de sorte que votre union soit
+sainte et heureuse!»</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther était à la noce de
+la fille de Jean Luffte<a name="FNanchor_r22" id="FNanchor_r22" href="#Footnote_r22" class="fnanchor">[r22]</a>. Après le souper, il conduisit
+la mariée au lit, et dit à l'époux, que d'après
+le commun usage il devait être le maître
+dans la maison... quand la femme n'y était pas;
+et pour signe, il ôta un soulier à l'époux et le mit
+sur le ciel du lit, afin qu'il prît ainsi la domination
+et le gouvernement.</p>
+
+<p>«Fais comme moi, cher compagnon, quand
+je voulus prendre ma Catherine, je priai notre
+Seigneur, mais je priai sérieusement. Fais-en
+autant, tu n'as pas encore sérieusement prié.»</p>
+
+<p>En 1541, Luther fut un jour extrêmement gai
+et enjoué à table<a name="FNanchor_r23" id="FNanchor_r23" href="#Footnote_r23" class="fnanchor">[r23]</a>. «Ne vous scandalisez pas
+<ins id="cor_4" title="original: de de">de</ins> me voir de si bonne humeur, dit-il à ses
+amis, j'ai reçu aujourd'hui beaucoup de mauvaises
+nouvelles et je viens de lire une lettre très
+violente contre moi. Nos affaires vont bien,
+puisque le diable tempête si fort.»</p>
+
+<p>Il riait du bavardage de sa femme, et lui demandait
+si, avant de prêcher si bien, elle avait dit
+un <i>Pater</i>. Si elle l'eût fait, Dieu lui aurait sans
+doute défendu de prêcher.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_76">76</span>
+«Si je devais encore faire l'amour, je voudrais
+me tailler dans la pierre une femme obéissante;
+sans cela je désespère d'en trouver.</p>
+
+<p>»La première année du mariage, on a d'étranges
+pensées<a name="FNanchor_r24" id="FNanchor_r24" href="#Footnote_r24" class="fnanchor">[r24]</a>. Si on est à table, on se dit: Auparavant
+tu étais seul; aujourd'hui tu es à deux
+(<i lang="de" xml:lang="de">Selbander</i>). Au lit, si l'on s'éveille, on voit une
+autre tête à côté de soi. Dans la première année,
+ma Catherine se tenait assise à côté de moi
+quand j'étudiais, et comme elle ne savait que
+dire, elle me demandait: «Seigneur docteur, en
+Prusse, le maître-d'hôtel n'est-il pas frère du
+margrave?»</p>
+
+<p>»Il ne faut pas mettre d'intervalle entre les
+fiançailles et les noces... Les amis mettent des
+obstacles, comme il m'est arrivé avec maître
+Philippe et pour le mariage d'Eisleben (Agricola).
+Tous mes meilleurs amis criaient: Point celle-là,
+mais une autre.»</p>
+
+<p>Lucas Cranach l'aîné avait fait le portrait de
+la femme de Luther<a name="FNanchor_r25" id="FNanchor_r25" href="#Footnote_r25" class="fnanchor">[r25]</a>. Lorsque le tableau fut suspendu
+à la muraille et que le docteur le vit: «Je
+veux, dit-il, faire peindre aussi un homme,
+envoyer à Mantoue les deux portraits pour le
+concile, et demander aux saints pères s'ils n'aimeraient
+pas mieux l'état du mariage, que le célibat
+des ecclésiastiques.»</p>
+
+<p>«... Un signe certain que Dieu est ennemi de la
+<span class="pagenum" id="Page_77">77</span>
+papauté, c'est qu'il lui a refusé cette bénédiction
+du fruit corporel (la génération des enfans...).</p>
+
+<p>»Quand Ève fut amenée devant Adam, il devint
+plein du Saint-Esprit et lui donna le plus
+beau, le plus glorieux des noms; il l'appela <i>Eva</i>,
+c'est-à-dire la mère de tous les vivans; il ne
+l'appela point sa femme, mais la mère, la mère
+de tous les vivans. C'est là la gloire et l'ornement
+le plus précieux de la femme: elle est
+<i lang="la" xml:lang="la">Fons omnium viventium</i>, la source de toute vie
+humaine. Cette parole est brève, mais ni Démosthènes
+ni Cicéron n'aurait pu dire ainsi. C'est
+le Saint-Esprit lui-même qui parle ici par notre
+premier père, et comme il a fait un si noble
+éloge du mariage, il est juste que nous couvrions
+et cachions ce qu'il y a de fragile dans la femme<a name="FNanchor_a42" id="FNanchor_a42" href="#Footnote_a42" class="fnanchor">[a42]</a>.
+Jésus-Christ, le fils de Dieu, n'a pas non plus
+méprisé le mariage; il est lui-même né d'une
+femme, ce qui est un grand éloge du mariage.»</p>
+
+<p>«On trouve l'image du mariage dans toutes
+les créatures, non-seulement dans les animaux
+de la terre, de l'air et des eaux, mais encore
+dans les arbres et les pierres<a name="FNanchor_r26" id="FNanchor_r26" href="#Footnote_r26" class="fnanchor">[r26]</a>. Tout le monde sait
+qu'il est des arbres, tels que le pommier et le
+poirier, qui sont comme mari et femme, qui se
+demandent réciproquement, et qui prospèrent
+mieux quand ils sont plantés ensemble. Parmi
+les pierres on remarque la même chose, surtout
+<span class="pagenum" id="Page_78">78</span>
+dans les pierres précieuses, le corail, l'émeraude
+et autres. Le ciel est aussi le mari de la terre. Il
+la vivifie par la chaleur du soleil, la pluie et le
+vent, et lui fait ainsi porter toutes sortes de
+plantes et de fruits.»</p>
+
+<p>Les petits enfans du docteur se tenaient debout
+devant la table<a name="FNanchor_r27" id="FNanchor_r27" href="#Footnote_r27" class="fnanchor">[r27]</a>, en regardant avec bien de
+l'attention les pêches qui étaient servies; le docteur
+se mit à dire: «Qui veut voir l'image
+d'une âme qui jouit dans l'espérance, la trouvera
+bien ici. Ah! si nous pouvions attendre avec autant
+de joie la vie à venir!»</p>
+
+<p>On amena au docteur sa petite fille Magdalena<a name="FNanchor_r28" id="FNanchor_r28" href="#Footnote_r28" class="fnanchor">[r28]</a>,
+pour qu'elle chantât à son cousin le chant
+qui commence ainsi: <i>Le pape invoque l'Empereur
+et les rois, etc.</i> Mais elle ne le voulut point,
+quoique sa mère l'en priât fort. Le docteur dit à
+ce sujet: «Rien de bien par force. Sans la grâce,
+il ne résulte rien de bon des &oelig;uvres de la loi.»</p>
+
+<p>«<i>Servez le Seigneur avec crainte et réjouissez-vous
+avec tremblement<a name="FNanchor_r29" id="FNanchor_r29" href="#Footnote_r29" class="fnanchor">[r29]</a>.</i> Il n'y a pas là, pour moi,
+de contradiction. C'est ce que mon petit Jean fait
+à l'égard de son père. Mais je ne puis en faire
+autant à l'égard de Dieu. Si je suis à ma table,
+et que j'écrive ou que je fasse autre chose, Jean
+me chante une petite chanson; s'il chante trop
+haut et que je l'avertisse, il continue, mais en
+lui-même et avec quelque crainte. Dieu veut aussi
+<span class="pagenum" id="Page_79">79</span>
+que nous soyons toujours gais, mais d'une gaîté
+mêlée de crainte et de réserve.»</p>
+
+<p>Au premier jour de l'an<a name="FNanchor_r30" id="FNanchor_r30" href="#Footnote_r30" class="fnanchor">[r30]</a>, un petit enfant du
+docteur pleurait et criait, au point que personne
+ne pouvait le calmer: le docteur avec sa femme
+en fut triste et chagriné une grande heure, ensuite
+il dit: «Tels sont les désagrémens et les
+charges du mariage... C'est pour cela qu'aucun
+des Pères n'a rien écrit de remarquablement bon
+à ce sujet. Jérôme a parlé assez salement, je
+dirais presque anti-chrétiennement, du mariage,
+etc. Au contraire saint Augustin...»</p>
+
+<p>Après qu'il eut joué avec sa petite Magdalena<a name="FNanchor_r31" id="FNanchor_r31" href="#Footnote_r31" class="fnanchor">[r31]</a>,
+sa femme lui donna le plus jeune de ses
+enfans, et il dit: «Je voudrais être mort à l'âge
+de cet enfant; j'aurais bien renoncé à tout l'honneur
+que j'ai et que je puis obtenir encore en
+ce monde.» Et comme l'enfant l'eut sali, il dit:
+«Oh! combien notre Seigneur doit en souffrir de
+nous plus qu'une mère de son enfant!»</p>
+
+<p>Il disait à son petit enfant<a name="FNanchor_r32" id="FNanchor_r32" href="#Footnote_r32" class="fnanchor">[r32]</a>: «Tu es l'innocent
+petit fou de notre Seigneur, sous la grâce et non
+sous la loi. Tu es sans crainte, sans inquiétude;
+tout ce que tu fais est bien fait.»</p>
+
+<p>«Les enfans sont les plus heureux<a name="FNanchor_r33" id="FNanchor_r33" href="#Footnote_r33" class="fnanchor">[r33]</a>. Nous autres
+vieux fous nous nous tourmentons et nous affligeons
+par nos éternelles disputes sur la parole.
+«Est-ce vrai? Est-ce possible? Comment est-ce
+<span class="pagenum" id="Page_80">80</span>
+possible?» nous demandons-nous sans cesse...
+Les enfans, dans la simplicité et la pureté de
+leur foi, ont la certitude et ne doutent en rien
+de ce qui fait leur salut... Pour être sauvés, nous
+devons, à leur exemple, nous en remettre à la
+simple parole. Mais le diable, pour nous empêcher,
+nous jette sans cesse quelque chose en
+travers. C'est pourquoi le mieux c'est de mourir
+sans différer et de nous en aller vite sous terre.»</p>
+
+<p>Une autre fois que son petit enfant Martin
+prenait le sein de sa mère, le docteur dit<a name="FNanchor_r34" id="FNanchor_r34" href="#Footnote_r34" class="fnanchor">[r34]</a>: «Cet
+enfant, et tout ce qui m'appartient, est haï du
+pape et du duc George, haï de leurs partisans,
+haï des diables. Cependant tous ces ennemis
+n'inquiètent guère le cher enfant, il ne s'inquiète
+pas de ce que tant et de si puissans seigneurs
+lui en veulent, il suce gaîment la mamelle, regarde
+autour de lui en riant tout haut, et les
+laisse gronder tant qu'ils veulent.»</p>
+
+<p>Comme maître Spalatin et maître Lenhart Beier,
+pasteur de Zwickaw, étaient chez le docteur
+Martin Luther<a name="FNanchor_r35" id="FNanchor_r35" href="#Footnote_r35" class="fnanchor">[r35]</a>, il jouait bonnement avec son petit
+enfant Martin, qui babillait et caressait tendrement
+sa poupée. Le docteur dit: «Telles étaient
+nos pensées dans le Paradis, simples et naïves;
+innocentes, sans méchanceté ni hypocrisie; nous
+eussions été véritablement comme cet enfant
+quand il parle de Dieu et qu'il en est si sûr.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_81">81</span>
+«Quels ont dû être les sentimens d'Abraham,
+lorsqu'il a consenti à sacrifier et égorger son fils
+unique<a name="FNanchor_r36" id="FNanchor_r36" href="#Footnote_r36" class="fnanchor">[r36]</a>? Il n'en aura rien dit à Sara. La chose
+lui eût trop coûté. Vraiment, je disputerais avec
+Dieu, s'il m'imposait et m'ordonnait une telle
+chose.» Alors la femme du docteur prit la parole
+et dit: «Je ne puis croire que Dieu demande à
+personne qu'il égorge son enfant.»</p>
+
+<p>«Ah, combien mon c&oelig;ur soupirait après les
+miens, lorsque j'étais malade à la mort dans mon
+séjour à Smalkalde. Je croyais que je ne reverrais
+plus ma femme ni mes petits enfans<a name="FNanchor_a43" id="FNanchor_a43" href="#Footnote_a43" class="fnanchor">[a43]</a>; que
+cette séparation me faisait de mal!... Il n'est personne
+assez dégagé de la chair pour ne pas sentir
+ce penchant de la nature. C'est une grande chose
+que le lien et la société qui unissent l'homme et
+la femme!»</p>
+
+<p>Il est touchant de voir comme tout ramenait
+Luther à des réflexions pieuses sur la
+bonté de Dieu, sur l'état de l'homme avant sa
+chute, sur la vie à venir<a name="FNanchor_r37" id="FNanchor_r37" href="#Footnote_r37" class="fnanchor">[r37]</a>. Ainsi une belle branche
+chargée de cerises que le docteur Jonas met sur
+table, la joie de sa femme qui sert des poissons
+du petit étang de leur jardin, la simple vue d'une
+rose, etc. Le 9 avril 1539, le docteur se trouvait
+dans son jardin et regardait attentivement
+les arbres tout brillans de fleurs et de verdure<a name="FNanchor_r38" id="FNanchor_r38" href="#Footnote_r38" class="fnanchor">[r38]</a>.
+Il dit avec admiration: «Gloire à Dieu qui de
+<span class="pagenum" id="Page_82">82</span>
+la créature morte fait ainsi sortir la vie au printemps.
+Voyez ces rameaux, comme ils sont forts
+et gracieux; ils sont déjà tout gros de fruits.
+Voilà une belle image de la résurrection des
+hommes. L'hiver est la mort et l'été la résurrection.
+Alors tout revit, tout est verdoyant.»</p>
+
+<p>«Philippe et moi, nous sommes accablés
+d'affaires et d'embarras. Moi qui suis vieux et
+<i>emeritus</i>, j'aimerais mieux maintenant prendre
+un plaisir de vieillard dans les jardins, à contempler
+les merveilles de Dieu dans les arbres, les
+fleurs, les herbes, les oiseaux, etc.; c'est ce
+plaisir et ce loisir qui me reviendraient, si mes
+péchés ne m'avaient mérité d'en être privé par
+ces affaires importunes et souvent inutiles.»
+(8 avril 1538.)</p>
+
+<p>Le 18 avril 1539, sur le soir, il y eut un orage
+très fort, suivi d'une pluie bienfaisante qui rendit
+la verdure à la terre et aux arbres<a name="FNanchor_r39" id="FNanchor_r39" href="#Footnote_r39" class="fnanchor">[r39]</a>. Le docteur
+Martin dit en regardant le ciel: «Voilà un beau
+temps! Tu nous l'accordes, ô mon Dieu! à nous
+qui sommes si ingrats, si pleins de méchanceté
+et d'avarice. Tu es un Dieu de bonté. Ce n'est
+pas là une &oelig;uvre de Satan; non, c'est un tonnerre
+bienfaisant qui ébranle la terre et l'ouvre
+pour lui faire porter des fruits et répandre un
+parfum semblable à celui que répand la prière
+du chrétien pieux.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_83">83</span>
+Un autre jour, sur la route de Leipzig, le docteur
+voyant la plaine couverte de blés superbes,
+se mit à prier avec ferveur; il disait: «O Dieu
+de bonté, tu nous donnes une année heureuse!
+Ce n'est pas à cause de notre piété; c'est pour
+glorifier ton saint nom. Fais, ô mon Dieu, que
+nous nous amendions et que nous croissions dans
+ta parole! Tout en toi est miracle. Ta voix fait
+sortir de la terre, et même du sable aride, ces
+plantes et ces épis si beaux qui réjouissent la
+vue. O mon père, donne à tous tes enfans leur
+pain quotidien!»</p>
+
+<p>«Supportons les difficultés qui accompagnent
+nos fonctions, avec égalité d'âme, et attendons
+secours du Christ<a name="FNanchor_r40" id="FNanchor_r40" href="#Footnote_r40" class="fnanchor">[r40]</a>. Considère, dans ces violettes
+et ces pensées que tu foules en te promenant sur
+la lisière de nos jardins, un emblème de notre
+condition. Nous consolons le peuple (?) lorsque
+nous remplissons l'Église; il y a là la robe de
+pourpre, la couleur des afflictions, mais au fond
+la fleur d'or rappelle la foi qui ne se flétrit pas.»</p>
+
+<p>Un soir le docteur Martin Luther voyait un
+petit oiseau perché sur un arbre et s'y posant
+pour passer la nuit<a name="FNanchor_r41" id="FNanchor_r41" href="#Footnote_r41" class="fnanchor">[r41]</a>; il dit: «Ce petit oiseau a
+choisi son abri et va dormir bien paisiblement;
+il ne s'inquiète pas, il ne songe point au gîte
+du lendemain; il se tient bien tranquille sur sa
+petite branche, et laisse Dieu songer pour lui.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_84">84</span>
+Vers le soir, vinrent deux oiseaux qui faisaient
+un nid dans le jardin du docteur<a name="FNanchor_r42" id="FNanchor_r42" href="#Footnote_r42" class="fnanchor">[r42]</a>. Ils étaient souvent
+effrayés dans leur vol par ceux qui passaient.
+Il se mit à dire: «Ah! cher petit oiseau, ne fuis
+point, je te souhaite du bien de tout mon c&oelig;ur;
+si tu pouvais seulement me croire! C'est ainsi
+que nous refusons de nous confier en Dieu, qui
+bien loin de vouloir notre perte, a donné pour
+nous son propre fils.»<a name="FNanchor_a44" id="FNanchor_a44" href="#Footnote_a44" class="fnanchor">[a44]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_85">CHAPITRE II.</h3>
+
+<p class="somm">La Bible.&mdash;Les Pères.&mdash;Les Scolastiques.&mdash;Le Pape.&mdash;Les Conciles.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Le docteur Martin Luther avait écrit avec de
+la craie, sur le mur qui se trouvait derrière son
+poêle, les paroles suivantes (Luc, XVI): «Qui est
+fidèle dans la plus petite chose, sera fidèle dans
+la plus grande. Qui est infidèle dans le petit sera
+infidèle dans le grand.»</p>
+
+</div>
+
+<p>«Le petit enfant Jésus (il le montrait peint
+sur la muraille), dort encore dans les bras de
+Marie, sa mère<a name="FNanchor_r43" id="FNanchor_r43" href="#Footnote_r43" class="fnanchor">[r43]</a>. Il se réveillera un jour et nous
+demandera compte de ce que nous avons fait.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_86">86</span>
+Luther se faisant un jour couper les cheveux
+et faire la barbe en présence du docteur
+Jonas, dit à celui-ci: «Le péché originel est en
+nous comme la barbe. On la coupe aujourd'hui,
+nous avons le visage frais, et demain elle repousse
+et ne cesse de pousser jusqu'à ce que
+nous soyons sous terre. De même le péché originel
+ne peut être extirpé en nous; il remue tant que
+nous vivons. Néanmoins nous devons lui résister
+de toutes nos forces et le couper sans relâche.»</p>
+
+<p>«La nature humaine est si corrompue qu'elle
+n'éprouve pas même le désir des choses célestes.
+Elle est comme l'enfant nouveau-né à qui l'on
+aurait beau promettre tous les trésors et tous les
+plaisirs de la terre: il n'en a nul souci et ne
+connaît que le sein de sa mère. De même, quand
+l'Évangile nous parle de la vie éternelle que Jésus-Christ
+nous a promise, nous sommes sourds
+à ses paroles divines, nous nous engourdissons
+dans la chair, et nous n'avons que des pensées
+frivoles et périssables. La nature humaine n'a
+pas l'intelligence, pas même le sentiment, de ce
+mal mortel qui l'accable.»</p>
+
+<p>«Dans les choses divines, le Père est la
+<i>grammaire</i>, car il donne les mots, il est la source
+d'où coulent les bonnes, pures et belles paroles
+que l'on peut prononcer<a name="FNanchor_r44" id="FNanchor_r44" href="#Footnote_r44" class="fnanchor">[r44]</a>. Le Fils est la <i>dialectique</i>:
+il donne la disposition, la manière de placer
+<span class="pagenum" id="Page_87">87</span>
+les choses dans un bel ordre, de sorte qu'elles
+suivent et résultent les unes des autres. Le Saint-Esprit
+est la <i>rhétorique</i>: Il sait bien exposer,
+pousser les choses et les étendre, donner la vie
+et la force, de manière à faire impression et saisir
+les c&oelig;urs.</p>
+
+<p>»La Trinité se retrouve dans toute la création.
+Dans le soleil, il y a la substance, l'éclat
+et la chaleur; dans les fleuves, la substance, le
+cours et la puissance. De même dans les arts.
+Dans l'astronomie, le mouvement, la lumière et
+l'influence; dans la musique, les trois notes
+<i>re</i>, <i>mi</i>, <i>fa</i>, etc. Les scolastiques ont négligé ces
+signes importans, pour s'attacher à des niaiseries.</p>
+
+<p>»Le décalogue est la <i lang="la" xml:lang="la">doctrina doctrinarum</i><a name="FNanchor_a45" id="FNanchor_a45" href="#Footnote_a45" class="fnanchor">[a45]</a>, le
+symbole l'<i lang="la">historia historiarum</i>, le pater <i lang="la" xml:lang="la">historia historiarum</i>, le pater <i lang="la" xml:lang="la">oratio
+orationum</i>, les sacremens <i lang="la" xml:lang="la">ceremoniæ ceremoniarum</i><a name="FNanchor_r45" id="FNanchor_r45" href="#Footnote_r45" class="fnanchor">[r45]</a>.»</p>
+
+<p>On demandait au docteur Martin Luther si
+pendant la domination du pape, les gens qui
+n'ont pas connu cette doctrine de l'Évangile que
+nous avons aujourd'hui, grâce à Dieu, avaient
+pu être sauvés<a name="FNanchor_r46" id="FNanchor_r46" href="#Footnote_r46" class="fnanchor">[r46]</a>. Il répondit: «Je n'en sais rien;
+à moins que je ne pense que le baptême a pu produire
+cet effet. J'ai vu beaucoup de moines auxquels
+on a présenté la croix de Christ à leur lit
+de mort, comme c'était alors l'usage. Ils peuvent
+avoir été sauvés par leur foi en ses mérites
+et ses souffrances.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_88">88</span>
+»Cicéron est bien supérieur à Aristote dans
+sa morale<a name="FNanchor_r47" id="FNanchor_r47" href="#Footnote_r47" class="fnanchor">[r47]</a>. Cicéron était un homme sage et laborieux
+qui a beaucoup fait et beaucoup souffert.
+J'espère que notre Seigneur sera clément
+pour lui et pour ceux qui lui ressemblent, quoiqu'il
+ne nous appartienne pas d'en parler avec
+certitude. Que Dieu ne puisse faire des exceptions
+et établir une distinction entre les païens,
+c'est ce qu'on ne pourrait dire. Il y aura un nouveau
+ciel et une nouvelle terre bien plus larges et
+plus vastes que ceux d'aujourd'hui<a name="FNanchor_a46" id="FNanchor_a46" href="#Footnote_a46" class="fnanchor">[a46]</a>.»</p>
+
+<p>On demandait à Luther si l'offensé devait aller
+jusqu'à demander pardon à l'offenseur<a name="FNanchor_r48" id="FNanchor_r48" href="#Footnote_r48" class="fnanchor">[r48]</a>. Il répondit:
+«Non, Jésus-Christ ne l'a pas fait lui-même,
+il ne l'a pas commandé. Il suffit qu'on pardonne
+les offenses dans son c&oelig;ur, qu'on les pardonne,
+publiquement, s'il y a lieu, et qu'on prie pour
+celui qui les a commises. J'étais moi-même allé
+une fois demander pardon à deux personnes qui
+m'avaient offensé, M. E. et D. H. S. (maître Eisleben
+[Agricola] et le docteur Jérôme Schurf?);
+mais par hasard ni l'un ni l'autre ne fut chez lui,
+et depuis je n'y suis pas retourné. Je remercie
+Dieu maintenant qu'il ne m'ait point permis de
+faire comme je voulais.»</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther soupirait un jour
+en pensant aux perturbateurs et aux sectaires
+qui méprisaient la parole de Dieu<a name="FNanchor_r49" id="FNanchor_r49" href="#Footnote_r49" class="fnanchor">[r49]</a>. «Ah! disait-il,
+<span class="pagenum" id="Page_89">89</span>
+si j'étais un grand poète, je voudrais écrire un
+chant, un poème magnifique sur l'utilité et l'efficacité
+de la parole divine. Sans elle..... Pendant
+plusieurs années je lisais la Bible deux fois par
+an; c'est un grand et puissant arbre dont chaque
+parole est un rameau, je les ai secoués tous,
+tant j'étais curieux de savoir ce que chaque branche
+portait, ce qu'elle pouvait donner, et j'en
+faisais tomber chaque fois une couple de poires
+ou de pommes.</p>
+
+<p>»Autrefois sous la papauté, on faisait des pélerinages<a name="FNanchor_a47" id="FNanchor_a47" href="#Footnote_a47" class="fnanchor">[a47]</a>
+pour visiter les saints<a name="FNanchor_r50" id="FNanchor_r50" href="#Footnote_r50" class="fnanchor">[r50]</a><a name="FNanchor_a48" id="FNanchor_a48" href="#Footnote_a48" class="fnanchor">[a48]</a>. On allait à Rome,
+à Jérusalem, à Saint-Jacques de Compostelle,
+pour l'expiation de ses péchés. Aujourd'hui nous
+pouvons faire des pélerinages chrétiens dans la
+foi. Quand nous lisons avec soin les prophètes<a name="FNanchor_a49" id="FNanchor_a49" href="#Footnote_a49" class="fnanchor">[a49]</a>,
+les psaumes et les évangiles, nous allons, non
+pas par la ville sainte, mais par nos pensées et
+nos c&oelig;urs, jusqu'à Dieu. C'est là visiter la
+véritable terre promise et le paradis de la vie
+éternelle.»</p>
+
+<p>«Que sont les saints en comparaison du
+Christ<a name="FNanchor_r51" id="FNanchor_r51" href="#Footnote_r51" class="fnanchor">[r51]</a>? rien de plus que les petites gouttes de
+la rosée des nuits sur la tête de l'Époux et dans
+les boucles de sa chevelure.»</p>
+
+<p>Luther n'aimait pas qu'on insistât sur les miracles.
+Il regardait ce genre de preuves comme
+secondaire. «Les preuves convaincantes sont
+<span class="pagenum" id="Page_90">90</span>
+dans la parole de Dieu. Nos adversaires lisent la
+Bible traduite beaucoup plus que les nôtres. Je
+crois que le duc George l'a lue avec plus de soin
+que tous ceux de la noblesse qui tiennent pour
+nous. Il dit à quelqu'un: «Pourvu que le moine
+achève de traduire la Bible, il peut partir ensuite
+quand il voudra.»</p>
+
+<p>Le docteur Luther disait que Mélanchton l'avait
+forcé de traduire le Nouveau Testament.</p>
+
+<p>«Que nos adversaires s'emportent et fassent
+rage<a name="FNanchor_r52" id="FNanchor_r52" href="#Footnote_r52" class="fnanchor">[r52]</a>. Dieu n'a pas opposé un mur de pierre aux
+vagues de la mer, ni une montagne d'acier. Il a
+suffi d'un rivage, d'une digue de sable.</p>
+
+<p>»J'ai beaucoup lu la Bible dans ma jeunesse
+pendant que j'étais moine. Mais cela ne servait
+à rien, je faisais simplement du Christ un Moïse.
+Maintenant nous l'avons retrouvé, ce cher Christ.
+Rendons grâce et tenons-nous-y ferme, et souffrons
+pour lui ce que nous devons souffrir.</p>
+
+<p>»Pourquoi enseigne-t-on et observe-t-on les
+dix commandemens<a name="FNanchor_r53" id="FNanchor_r53" href="#Footnote_r53" class="fnanchor">[r53]</a>? C'est que les lois naturelles
+ne se trouvent nulle part si bien rangées et décrites
+que dans Moïse. Je voudrais même qu'on lui
+fît d'autres emprunts dans les choses temporelles,
+telles que les lois sur la <i>lettre de divorce</i>, le jubilé,
+l'année d'affranchissement, les dîmes, etc.
+Le monde en serait mieux gouverné... C'est
+ainsi que les Romains ont pris leurs Douze Tables
+<span class="pagenum" id="Page_91">91</span>
+chez les Grecs... Quant au sabbat ou dimanche,
+ce n'est pas une nécessité de l'observer, et
+si nous l'observons, nous devons le faire, non
+pas à cause du commandement de Moïse, mais
+parce que la nature aussi nous enseigne à nous
+donner de temps en temps un jour de repos, afin
+qu'hommes et animaux reprennent des forces,
+et que l'on aille entendre le sermon et la parole
+de Dieu.»</p>
+
+<p>«Puisque, dans ce siècle, on commence à restituer
+toutes choses, comme si déjà c'était le
+jour de la restauration universelle, il m'est venu
+dans l'esprit d'essayer si on ne pourrait pas aussi
+restituer Moïse et rappeler les rivières à leur
+source. J'ai eu soin d'abord de traiter toutes
+choses le plus simplement du monde, et de ne
+pas me laisser entraîner aux explications mystiques,
+comme on les appelle... Je ne vois pas
+d'autre raison pour que Dieu ait voulu former le
+peuple juif par ces cérémonies, sinon qu'il a vu
+le penchant du peuple à se laisser prendre à ces
+choses extérieures. Afin que ce ne fussent pas des
+fantômes vides et de purs simulacres, il a ajouté sa
+parole pour y mettre du poids et de la substance,
+de sorte qu'elles devinssent choses sérieuses et
+graves.</p>
+
+<p>»J'ai ajouté à chaque chapitre de courtes
+allégories, non que j'en tienne beaucoup de
+<span class="pagenum" id="Page_92">92</span>
+compte, mais afin de prévenir la manie de plusieurs
+à traiter l'allégorie. Ainsi, dans Jérôme,
+Origène et autres anciens écrivains, nous voyons
+une malheureuse et stérile habitude d'imaginer
+des allégories qui ramènent tout à la morale et
+aux &oelig;uvres, tandis qu'il faudrait tout ramener
+à la parole et à la foi.» (avril 1525.)</p>
+
+<p>«Le <i>Pater noster</i> est ma prière<a name="FNanchor_r54" id="FNanchor_r54" href="#Footnote_r54" class="fnanchor">[r54]</a>; c'est celle que
+je dis, et j'y mêle en même temps quelque chose
+des Psaumes pour que les faux docteurs soient
+confondus et couverts de honte<a name="FNanchor_a50" id="FNanchor_a50" href="#Footnote_a50" class="fnanchor">[a50]</a>. Le <i>Pater</i> n'a
+aucune prière qui lui soit comparable; je l'aime
+mieux qu'aucun psaume<a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>.»</p>
+
+<p>«J'avoue franchement que j'ignore si je possède
+ou non le sens légitime des psaumes, bien
+que je ne doute pas de la vérité de celui que je
+donne.&mdash;L'un se trompe en quelques endroits,
+l'autre en plusieurs; je vois des choses que n'a
+pas vues saint Augustin; et d'autres, je le sais,
+verront bien des choses que je ne vois pas.</p>
+
+<p>»Qui oserait prétendre que personne ait complètement
+entendu un seul psaume? Notre vie
+est un commencement et un progrès, et non
+une consommation; celui-là est le meilleur, qui
+approche le plus de l'esprit. Il y a des degrés
+dans la vie et l'action, pourquoi n'y en aurait-il
+<span class="pagenum" id="Page_93">93</span>
+pas dans l'intelligence? L'Apôtre dit que nous
+nous transformons de lumière en lumière.»</p>
+
+<p>Du <i>Nouveau Testament</i>. «L'Évangile de saint
+Jean est le vrai et pur Évangile, l'Évangile principal,
+parce qu'il renferme le plus de paroles de
+Jésus-Christ<a name="FNanchor_r55" id="FNanchor_r55" href="#Footnote_r55" class="fnanchor">[r55]</a>. De même, les épîtres de saint Paul
+et de saint Pierre sont bien au-dessus des évangiles
+de saint Mathieu, de saint Marc et de saint
+Luc. En somme, l'évangile de saint Jean et sa
+première épître, les épîtres de saint Paul, notamment
+celles aux Romains, aux Galates, aux
+Éphésiens, et la première de saint Pierre, voilà
+les livres qui te montrent Jésus-Christ, et qui
+t'enseignent tout ce qu'il t'est nécessaire et utile
+de savoir, quand même tu ne verrais jamais
+d'autre livre.»</p>
+
+<p>Il ne regardait comme apostoliques ni l'épître
+aux Hébreux, ni celle de saint Jacques. Il
+s'exprime de la manière suivante sur celle de
+saint Jude: «Personne ne peut nier que cette
+épître ne soit un extrait ou une copie de la seconde
+épître de saint Pierre; les mots sont presque
+les mêmes. Jude y parle des apôtres comme
+leur disciple, et comme après leur mort. Il cite
+des versets et des événemens qu'on ne trouve
+nulle part dans l'Écriture.»</p>
+
+<p>L'opinion de Luther sur l'Apocalypse est remarquable:
+«Que chacun, dit-il, juge de ce
+<span class="pagenum" id="Page_94">94</span>
+livre d'après ses lumières et son sens particulier.
+Je ne prétends imposer à personne mon opinion:
+je dis tout simplement ce que j'en pense. Je ne
+le regarde ni comme apostolique, ni comme
+prophétique...» Et ailleurs: «Beaucoup de
+Pères ont rejeté ce livre, et chacun peut en penser
+ce que son esprit lui inspirera. Pour moi,
+je ne puis me faire à cet ouvrage. Une seule raison
+suffirait pour m'en détourner: c'est que Jésus-Christ
+n'y est adoré ni enseigné tel que nous
+le connaissons.»</p>
+
+<p>Des <i>Pères</i><a name="FNanchor_a51" id="FNanchor_a51" href="#Footnote_a51" class="fnanchor">[a51]</a>. «On peut lire Jérôme pour l'étude
+de l'histoire: quant à la foi et à la bonne vraie
+religion et doctrine, il n'y en a pas un mot dans
+ses écrits. J'ai déjà proscrit Origène. Chrysostôme
+n'a point d'autorité chez moi. Basile n'est qu'un
+moine; je n'en donnerais pas un cheveu. L'apologie
+de Philippe Mélanchton est au-dessus des
+écrits de tous les docteurs de l'Église, sans excepter
+Augustin. Hilaire et Théophylacte sont
+bons. Ambroise aussi; il marche bien sur l'article
+le plus essentiel, le pardon des péchés<a name="FNanchor_r56" id="FNanchor_r56" href="#Footnote_r56" class="fnanchor">[r56]</a>.</p>
+
+<p>»Bernard est au-dessus de tous les docteurs
+dans ses prédications; mais, quand il dispute,
+il devient un tout autre homme; alors il accorde
+trop à la loi et au libre arbitre.</p>
+
+<p>»Bonaventure est le meilleur des théologiens
+scolastiques.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_95">95</span>
+»Parmi les Pères, Augustin a sans contredit
+la première place, Ambroise la seconde, Bernard
+la troisième. Tertullien est un vrai Carlostad.
+Cyrille a les meilleures sentences. Cyprien le
+martyr est un faible théologien. Théophylacte
+est le meilleur interprète de saint Paul.»</p>
+
+<p>(Pour prouver que l'antiquité n'ajoute pas à
+l'autorité): «Nous voyons combien saint Paul
+se plaint avec douleur des Corinthiens et des Galates.
+Parmi les apôtres mêmes, le Christ trouva
+un traître dans Judas.</p>
+
+<p>»Les livres que les Pères ont écrits sur la Bible
+n'ont jamais rien de concluant; ils laissent le
+lecteur suspendu entre le ciel et la terre. Lisez
+Chrysostôme, le meilleur rhéteur et parleur de
+tous.»</p>
+
+<p>Il remarque que les Pères ne disaient rien de
+la justification par la grâce pendant leur vie,
+mais y croyaient à leur mort. Cela était plus
+prudent pour ne point encourager le mysticisme,
+ni décourager les bonnes &oelig;uvres.</p>
+
+<p>«Les chers Pères ont mieux vécu qu'écrit.»</p>
+
+<p>Il fait l'éloge de l'histoire de saint Épiphane et
+des poésies de Prudence.</p>
+
+<p>«Augustin et Hilaire, entre tous, ont écrit
+avec le plus de clarté et de vérité; les autres doivent
+être lus <i lang="la" xml:lang="la">cum judicio</i>.</p>
+
+<p>»Ambroise a été mêlé aux affaires du monde,
+<span class="pagenum" id="Page_96">96</span>
+comme nous le sommes aujourd'hui. Nous sommes
+obligés de nous occuper au consistoire d'affaires
+de mariage plus que de la parole de Dieu...</p>
+
+<p>»On a nommé Bonaventure le séraphique,
+Thomas l'angélique, Scot le subtil; Martin Luther
+sera nommé l'archi-hérétique.»</p>
+
+<p>Saint Augustin était peint dans un livre avec
+un capuchon de moine. Luther dit, en voyant
+cette image<a name="FNanchor_r57" id="FNanchor_r57" href="#Footnote_r57" class="fnanchor">[r57]</a>: «Ils font tort au saint homme, car
+il a mené une vie commune, comme tout autre
+homme du pays; il se servait de cuillers et de
+tasses d'argent; il n'a pas mené une vie à part
+comme les moines.</p>
+
+<p>»Macaire, Antoine, Benoît, ont fait un grand
+et remarquable tort à l'Église avec leur moinerie;
+et je crois que dans le ciel ils seront placés bien
+plus bas qu'un citoyen, père de famille, pieux et
+craignant Dieu.</p>
+
+<p>»Saint Augustin me plaît plus que tous les autres.
+Il a enseigné une pure doctrine, et soumis
+ses livres, avec l'humilité chrétienne, à la sainte
+Écriture... Augustin est favorable au mariage; il
+parle bien des évêques qui étaient les pasteurs
+d'alors, mais le temps et les disputes des Pélagiens
+l'ont aigri et lui ont fait mal... S'il eût vu le scandale
+de la papauté, il ne l'eût certes pas souffert.</p>
+
+<p>»Saint Augustin est le premier père de l'Église
+qui ait traité du péché originel.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_97">97</span>
+Après avoir parlé de saint Augustin, Luther
+ajoute: «Mais depuis que j'ai compris Paul par la
+grâce de Dieu, je n'ai pu estimer aucun docteur;
+ils sont devenus tout-à-fait petits à mes yeux.</p>
+
+<p>»Je ne connais aucun des Pères dont je sois si
+ennemi que de saint Jérôme. Il n'écrit que sur le
+jeûne, les alimens, la virginité, etc. Il n'enseigne
+rien sur la foi, etc. Le docteur Staupitz avait
+coutume de dire: Je voudrais bien savoir comment
+Jérôme a pu être sauvé?»</p>
+
+<p class="sep2">«Les nominaux sont dans les hautes écoles une
+secte à laquelle j'ai aussi appartenu<a name="FNanchor_r58" id="FNanchor_r58" href="#Footnote_r58" class="fnanchor">[r58]</a>. Ils tiennent
+contre les thomistes, scotistes et albertistes. Ils
+s'appellent eux-mêmes occamistes. C'est la secte
+la plus nouvelle de toutes, et aujourd'hui la plus
+puissante, nommément à Paris.»</p>
+
+<p>Luther fait cas du <i>Maître des sentences</i> de
+Pierre Lombard; mais il trouve qu'en général les
+scolastiques donnaient trop peu à la grâce, trop
+au libre arbitre<a name="FNanchor_a52" id="FNanchor_a52" href="#Footnote_a52" class="fnanchor">[a52]</a>.</p>
+
+<p>«Gerson seul, entre tous les docteurs, a fait
+mention des tentations spirituelles. Tous les
+autres, Grégoire de Nazianze, Augustin, Scot,
+Thomas, Richard, Occam, n'ont senti que les
+tentations corporelles. Le seul Gerson a écrit sur
+le découragement. L'Église, à mesure qu'elle
+est plus ancienne, doit éprouver de telles tentations
+<span class="pagenum" id="Page_98">98</span>
+spirituelles. Nous sommes dans cet âge de
+l'église.</p>
+
+<p>»Guillaume de Paris a aussi éprouvé quelque
+chose de ces tentations spirituelles. Mais les scolastiques
+ne sont jamais parvenus à la connaissance
+du catéchisme. Le seul Gerson sert à rassurer
+et relever les consciences... Il a sauvé
+beaucoup de pauvres âmes du désespoir, en
+amoindrissant et exténuant la loi, de manière
+toutefois que la loi subsistât.&mdash;Mais Christ ne
+perce point le tonneau, il le défonce. Il dit: «Tu
+ne dois point te confier dans la loi ni te reposer
+sur elle, mais sur moi, sur le Christ. Si tu n'es
+pas bon, je le suis.»</p>
+
+<p>«Le docteur Staupitz nous parlait un jour d'André
+Zacharias qui, à ce qu'on prétend, a vaincu
+Jean Huss dans la dispute<a name="FNanchor_r59" id="FNanchor_r59" href="#Footnote_r59" class="fnanchor">[r59]</a>. Il nous racontait que le
+docteur Proles, de Gotha, voyant dans un couvent
+Zacharias peint avec une rose à son bonnet, dit à ce
+sujet: Dieu me garde de porter une telle rose, car
+il a vaincu Jean Huss injustement, et au moyen
+d'une bible falsifiée. Il y a dans le XXXIV<sup>e</sup> chapitre
+d'Ézéchiel: <i>C'est moi qui vais visiter et punir mes
+pasteurs</i>; mais on y avait ajouté ces mots: <i>et non
+point le peuple</i>; ceux du concile lui montrèrent ce
+texte dans sa propre bible falsifiée comme les autres,
+et conclurent ainsi: Tu vois que tu ne dois
+point punir le pape, que Dieu s'en charge lui-même.
+<span class="pagenum" id="Page_99">99</span>
+Ainsi le saint homme a été condamné et
+brûlé.</p>
+
+<p>»Maître Jean Agricola lisait un écrit de Jean
+Huss, plein d'esprit, de résignation et de ferveur,
+où l'on voyait comme dans sa prison il
+souffrait le martyre des douleurs de la pierre, et
+se voyait rebuté par l'empereur Sigismond. Le
+docteur Luther admirait tant d'esprit et de courage...
+C'est bien injustement, disait-il, que nous
+sommes appelés hérétiques, Jean Huss et moi...</p>
+
+<p>»Jean Huss est mort, non comme un anabaptiste,
+mais comme un chrétien<a name="FNanchor_r60" id="FNanchor_r60" href="#Footnote_r60" class="fnanchor">[r60]</a>. On voit en lui la
+faiblesse chrétienne; mais en même temps s'éveille
+dans son âme la force de Dieu qui le relève. Le
+combat de la chair et de l'esprit, dans le Christ
+et dans Huss, est doux et aimable à voir... Constance
+est aujourd'hui une pauvre misérable ville.
+Je crois que Dieu l'a punie... Jean Huss a été
+brûlé; et moi aussi, je pense que je serai tué,
+s'il plaît à Dieu. Il a arraché quelques épines de
+la vigne du Christ, en attaquant seulement les
+scandales de la papauté. Mais moi, docteur
+Martin Luther, je suis venu dans un champ déjà
+noir et bien labouré, j'ai attaqué la doctrine
+du pape, et l'ai terrassé.</p>
+
+<p>»Jean Huss était la semence qui doit mourir
+et être enfoncée dans la terre, pour sortir ensuite,
+et croître avec force<a name="FNanchor_r61" id="FNanchor_r61" href="#Footnote_r61" class="fnanchor">[r61]</a>.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_100">100</span>
+Luther improvisa un jour à table le vers suivant:</p>
+
+<div class="poem">
+<div class="verse">Pestis eram vivens, moriens ero mors tua, Papa.</div>
+</div>
+
+<p>«La tête de l'Anti-Christ, c'est à la fois le pape
+et le Turc<a name="FNanchor_r62" id="FNanchor_r62" href="#Footnote_r62" class="fnanchor">[r62]</a>. Le pape en est l'esprit, le Turc la chair.</p>
+
+<p>»C'est ma pauvre et infirme condition (pour
+ne point parler de la justice de ma cause) qui a
+fait le malheur du pape<a name="FNanchor_r63" id="FNanchor_r63" href="#Footnote_r63" class="fnanchor">[r63]</a>. «Si j'ai défendu ma
+doctrine contre tant de rois et d'empereurs, se
+disait-il, comment craindrais-je un simple
+moine?» S'il m'avait estimé un ennemi dangereux,
+il aurait pu m'étouffer dès l'origine.</p>
+
+<p>»J'avoue que j'ai souvent été trop violent,
+mais jamais à l'égard de la papauté. Il devrait y
+avoir contre celle-ci une langue à part dont tous
+les mots fussent des coups de foudre.</p>
+
+<p>»Les papistes sont confondus et vaincus par
+les témoignages de l'Écriture<a name="FNanchor_r64" id="FNanchor_r64" href="#Footnote_r64" class="fnanchor">[r64]</a>. Dieu merci, je
+connais leur erreur sous toutes ses faces, de l'<i>alpha</i>
+à l'<i>oméga</i>. Cependant aujourd'hui même
+qu'ils avouent que l'Écriture est contre eux,
+la splendeur et la majesté du pape m'éblouissent
+quelquefois et c'est avec tremblement que je
+l'attaque...</p>
+
+<p>»Le pape se dit: «Céderais-je à un moine
+<span class="pagenum" id="Page_101">101</span>
+qui veut me dépouiller de ma couronne et de
+ma majesté? Bien fou qui céderait<a name="FNanchor_r65" id="FNanchor_r65" href="#Footnote_r65" class="fnanchor">[r65]</a>.» Je donnerais
+mes deux mains pour croire en Jésus-Christ
+aussi fermement, aussi sûrement, que le pape
+croit que Jésus-Christ n'est rien.</p>
+
+<p>»D'autres ont attaqué les m&oelig;urs des papes,
+comme Érasme et Jean Huss<a name="FNanchor_r66" id="FNanchor_r66" href="#Footnote_r66" class="fnanchor">[r66]</a>. Mais moi, j'ai renversé
+les deux piliers sur lesquels reposait la
+papauté: les v&oelig;ux et les messes particulières.»</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des Conciles.</i>&mdash;«Les conciles ne doivent
+point ordonner de la foi, mais de la discipline<a name="FNanchor_r67" id="FNanchor_r67" href="#Footnote_r67" class="fnanchor">[r67]</a>.»</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther levait un jour les yeux
+vers le ciel; il soupira, et dit: «Ah! un concile
+général, libre, et vraiment chrétien! Dieu saura
+bien le faire; la chose est sienne; il connaît et il
+a dans sa main tous les conseils les plus secrets.»</p>
+
+<p>»Lorsque Pierre-Paul Vergerius, légat du
+pape, vint à Wittemberg, l'an 1533, et que je
+montai au château où il était, il nous cita, et
+nous somma d'aller au concile. J'irai, lui
+dis-je, et j'ajoutai: Vous autres papistes, vous
+travaillez inutilement. Si vous tenez un concile,
+vous n'y traitez point des sacremens, de
+la justification par la foi, des bonnes &oelig;uvres,
+mais seulement de babioles et d'enfantillage,
+comme de fixer la longueur des habits, ou la
+largeur des ceintures des prêtres, ou la dimension
+<span class="pagenum" id="Page_102">102</span>
+de la tonsure, etc. Il se détourna de moi,
+appuya sa tête sur sa main, et dit à son compagnon:
+«Celui-ci touche vraiment le fond des
+choses, etc.»</p>
+
+<p>On demandait quand le pape convoquerait
+le concile. «Il me semble, dit le docteur Martin
+Luther, qu'il n'en sera rien avant le jugement
+dernier. C'est alors que notre Seigneur Dieu
+tiendra lui-même un concile.»</p>
+
+<p>Luther conseillait de ne point refuser d'aller
+au concile, mais d'exiger qu'il fût libre; «si on
+le refuse, il n'y a pas de meilleure excuse
+pour nous.»</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des biens ecclésiastiques<a name="FNanchor_a53" id="FNanchor_a53" href="#Footnote_a53" class="fnanchor">[a53]</a>.</i> Luther voudrait qu'ils
+fussent appliqués à l'entretien des écoles et des
+pauvres théologiens<a name="FNanchor_r68" id="FNanchor_r68" href="#Footnote_r68" class="fnanchor">[r68]</a>. Il déplore la spoliation des
+églises. Il prédit que les princes vont bientôt se
+disputer les dépouilles des églises. «Le pape prodigue
+maintenant les biens ecclésiastiques aux
+princes catholiques pour se faire des amis et des
+alliés.</p>
+
+<p>»Ce ne sont point tant nos princes de la confession
+d'Augsbourg qui pillent les biens ecclésiastiques,
+c'est plutôt Ferdinand, l'Empereur,
+et l'archevêque de Mayence. Ferdinand a rançonné
+tous les monastères. Les Bavarois sont
+les plus grands voleurs des biens ecclésiastiques;
+<span class="pagenum" id="Page_103">103</span>
+ils ont de riches abbayes. Mon gracieux seigneur
+et le Landgrave n'ont que de pauvres monastères
+d'ordres mendians. On voulait à la diète, mettre
+les monastères à la disposition de l'Empereur,
+qui y aurait établi ses gouvernemens militaires.
+Je donnai le conseil suivant: <i>Il faut auparavant
+réunir tous les monastères en un même lieu. Qui
+voudrait souffrir dans sa terre les gens de l'Empereur?</i>
+Tout cela a été poussé par l'archevêque
+de Mayence.»</p>
+
+<p>Dans la réponse à la lettre où le roi de Danemarck
+lui demandait ses conseils, Luther désapprouve
+l'article de la réunion des biens ecclésiastiques
+à la couronne. «Voyez, dit-il, au contraire
+notre prince Jean Frédéric, comme il applique
+les biens de l'Église à l'entretien des pasteurs et
+des professeurs.»</p>
+
+<p>«Le proverbe a raison: <i>Biens de prêtres ne profitent
+pas</i> (<span lang="de" xml:lang="de">pfaffengut raffengut</span>)<a name="FNanchor_r69" id="FNanchor_r69" href="#Footnote_r69" class="fnanchor">[r69]</a>. Burchard Hund,
+conseiller de l'électeur de Saxe, Jean, avait
+coutume de dire: Nous autres de la noblesse,
+nous avons réuni les biens des cloîtres à nos
+biens nobles, et les biens des cloîtres ont dévoré
+les biens nobles, de sorte que nous n'avons plus
+ni les uns ni les autres.» Luther ajoute la fable
+du renard qui venge ses petits en brûlant l'arbre
+et les petits de l'aigle.</p>
+
+<p>Un ancien précepteur du fils de Ferdinand,
+<span class="pagenum" id="Page_104">104</span>
+roi des Romains, nommé Severus, contait à Luther
+l'histoire du chien qui défendait la viande
+et qui pourtant, quand les autres la lui arrachaient,
+en prenait sa part. C'est ce que fait maintenant
+l'Empereur, dit Luther, pour les biens
+ecclésiastiques (Utrecht et Liége).</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des cardinaux et des évêques<a name="FNanchor_a54" id="FNanchor_a54" href="#Footnote_a54" class="fnanchor">[a54]</a>.</i> «En Italie, en
+France, en Angleterre, en Espagne, les évêques
+sont ordinairement les conseillers des rois; c'est
+qu'ils sont pauvres<a name="FNanchor_r70" id="FNanchor_r70" href="#Footnote_r70" class="fnanchor">[r70]</a>. Mais en Allemagne où ils
+sont riches, puissans, et où ils ont une grande
+considération, les évêques gouvernent en leur
+propre nom.</p>
+
+<p>»Je veux mettre tous mes soins pour que les
+canonicats et les petits évêchés subsistent, de
+sorte qu'on puisse avec ce revenu établir des
+prédicateurs et des pasteurs dans les villes. Les
+grands évêchés seront sécularisés.»</p>
+
+<p>Le jour de l'Ascension le docteur Martin Luther
+dîna avec l'électeur de Saxe, et l'on résolut
+que les évêques conserveraient leur autorité, à
+condition qu'ils abjureraient le pape. «Nos gens
+les examineront, et les ordonneront, par l'imposition
+des mains. C'est ainsi que je suis évêque
+à présent.»</p>
+
+<p>Dans les disputes d'Heidelberg, on demandait
+d'où venaient les moines<a name="FNanchor_r71" id="FNanchor_r71" href="#Footnote_r71" class="fnanchor">[r71]</a>. Réponse: «Dieu ayant
+<span class="pagenum" id="Page_105">105</span>
+fait le prêtre, le diable voulut l'imiter; mais il fit
+la tonsure trop grande, de là les moines.</p>
+
+<p>»La moinerie ne se rétablira point aussi long-temps
+que l'article de la justification restera pur<a name="FNanchor_r72" id="FNanchor_r72" href="#Footnote_r72" class="fnanchor">[r72]</a>.</p>
+
+<p>»Autrefois les moines étaient en si grande
+considération que le pape les redoutait plus que
+les rois et les évêques. Car ils avaient le commun
+peuple dans leurs mains. Les moines étaient les
+meilleurs oiseleurs du pape<a name="FNanchor_a55" id="FNanchor_a55" href="#Footnote_a55" class="fnanchor">[a55]</a>. Le roi d'Angleterre
+a beau ne plus reconnaître le pape pour le chef
+suprême de la chrétienté. Il ne fait rien que tourmenter
+le corps, en fortifiant l'âme de la papauté.»
+(Henri VIII n'avait pas encore supprimé
+les monastères.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_106">CHAPITRE III.</h3>
+
+<p class="somm">Des écoles et universités, et des arts libéraux.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>«On doit tirer des écoles des pasteurs qui édifient
+et soutiennent l'Église. Des écoles et des
+pasteurs, cela vaut mieux que des conciles,
+comme je l'ai dit déjà.</p>
+
+</div>
+
+<p>»J'espère que si le monde dure encore, les
+universités d'Erfurth et de Leipzig se relèveront
+et prendront des forces, pourvu qu'elles adoptent
+la saine théologie, à quoi elles semblent
+déjà disposées. Mais il faut que quelques-uns s'endorment
+auparavant.&mdash;Je m'étonnais d'abord
+qu'une université eût été fondée ici, à Wittemberg.&mdash;Erfurth
+est situé au mieux pour cela: là
+<span class="pagenum" id="Page_107">107</span>
+il doit y avoir une ville, quand même celle qui
+existe serait brûlée, ce que Dieu veuille empêcher.
+L'université d'Erfurth était jadis si renommée,
+que toutes les autres en comparaison étaient
+considérées comme de petites écoles. Maintenant
+cette gloire et cette majesté ont disparu, et l'université
+d'Erfurth est tout-à-fait morte.</p>
+
+<p>»Autrefois, on avançait les maîtres, on les honorait;
+on portait devant eux des flambeaux. Je
+trouve qu'il n'y a jamais eu en ce monde de joie
+comparable à celle-là. C'était aussi une grande
+fête quand on faisait des docteurs. On allait à
+cheval autour de la ville; on s'habillait avec plus
+de soin, on se parait. Tout cela ne se fait plus,
+mais je voudrais bien que l'on fît revivre ces
+bonnes coutumes.</p>
+
+<p>»Malheur à l'Allemagne qui néglige les écoles,
+qui les méprise et les laisse tomber! Malheur à
+l'archevêque de Mayence et d'Erfurth qui pourrait
+d'un mot relever les universités de ces
+deux villes, et qui les laisse désolées et désertes!
+Un seul coin de l'Allemagne, celui où
+nous sommes, fleurit encore, grâce à Dieu, par
+la pureté de la doctrine et la culture des arts libéraux<a name="FNanchor_a56" id="FNanchor_a56" href="#Footnote_a56" class="fnanchor">[a56]</a>.
+Les papistes voudront rebâtir l'étable,
+lorsque le loup aura mangé les brebis.&mdash;La
+faute en est à l'évêque de Mayence, c'est un fléau
+pour les écoles et pour toute l'Allemagne. Aussi
+<span class="pagenum" id="Page_108">108</span>
+en est-il déjà justement puni. Il a sur son visage
+une couleur de mort, comme de la boue mêlée
+de sang.</p>
+
+<p>»C'est à Paris, en France, que se trouve la
+plus célèbre et la plus excellente école. Il y a
+une foule d'étudians, dans les vingt mille et
+au-delà. Les théologiens y ont à eux le lieu le
+plus agréable de la ville, une rue particulière
+fermée de portes aux deux bouts; on
+l'appelle la <i>Sorbonne</i>. Peut-être, à ce que j'imagine,
+tire-t-elle ce nom de ces fruits de cormiers
+(<i>sorbus</i>) qui viennent sur les bords de la
+mer Morte, et qui présentent au dehors une
+agréable apparence; ouvrez-les, ce n'est que
+cendres au-dedans. Telle est l'université de Paris,
+elle présente une grande foule, mais elle est
+la mère de bien des erreurs. S'ils disputent, ils
+crient comme des paysans ivres, en latin, en français.
+Enfin on frappe des pieds pour les faire
+taire. Ils ne font point de docteurs en théologie
+à moins qu'on n'étudie dix ans dans leur sophistique
+et futile dialectique. Le répondant doit siéger
+un jour entier et soutenir la dispute contre
+tout venant, de six heures du matin à six heures
+du soir.</p>
+
+<p>»A Bourges en France, dans les promotions
+publiques de docteurs en théologie qui se font
+dans l'église métropolitaine, on leur donne à
+<span class="pagenum" id="Page_109">109</span>
+chacun un filet, apparemment pour qu'ils s'en
+servent à prendre les gens.</p>
+
+<p>»Nous avons, grâce à Dieu, des universités
+qui ont embrassé la parole de Dieu. Il y a encore
+beaucoup de belles écoles particulières qui se disposent
+bien, telles que Zwickaw, Torgaw, Wittemberg,
+Gotha, Eisenach, Deventer, etc.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Extrait du traité de Luther sur l'éducation.</i>&mdash;L'éducation
+domestique est insuffisante.&mdash;Il faut
+que les magistrats veillent à l'instruction des enfans.
+Établir des écoles est un de leurs principaux
+soins. Les fonctions publiques ne doivent même
+être confiées qu'aux plus doctes.&mdash;Importance de
+l'étude des langues. Le diable redoute cette étude,
+et cherche à l'éteindre. N'est-ce pas par elle que
+nous avons retrouvé la vraie doctrine? La première
+chose que Christ ait donnée à ses apôtres,
+c'est le don des langues.&mdash;Luther se plaint de
+ce que, dans les monastères, on ne sait plus le
+latin, à peine l'allemand.</p>
+
+<p>«Pour moi, si j'ai jamais des enfans, et que
+ma fortune me le permette, je veux qu'ils deviennent
+habiles dans les langues et dans l'histoire;
+qu'ils apprennent même la musique et les
+mathématiques.» Suit un éloge des poètes et des
+historiens.</p>
+
+<p>Qu'on envoie au moins les enfans une heure
+<span class="pagenum" id="Page_110">110</span>
+ou deux par jour à l'école; qu'ils emploient le
+reste à soigner la maison et à apprendre quelque
+métier.</p>
+
+<p>Il doit aussi y avoir des écoles pour les filles.&mdash;On
+devrait fonder des bibliothèques publiques.
+D'abord des livres de théologie, latins,
+grecs, hébreux, allemands, puis des livres pour
+apprendre la langue, tels que les orateurs, les
+poètes, peu importe qu'ils soient chrétiens ou
+païens; les livres qui traitent des arts libéraux et
+des arts mécaniques; les livres de jurisprudence
+et de médecine; les annales, les chroniques, les
+histoires, dans la langue où elles ont été écrites,
+doivent tenir la première place dans une bibliothèque,
+etc.»</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des langues.</i>&mdash;«Les Grecs, comparés aux Hébreux,
+ont bien de bonnes et agréables paroles,
+mais n'ont point de <i>sentences</i>. La langue hébraïque
+est la plus riche; elle ne mendie point, comme le
+grec, le latin et l'allemand. Elle n'a pas besoin
+de recourir aux mots composés.</p>
+
+<p>»Les Hébreux boivent à la source, les Grecs au
+ruisseau, les Latins au bourbier.»</p>
+
+<p>«J'ai peu d'usage de la langue latine, élevé,
+comme je le fus, dans la barbarie des doctrines
+scolastiques.» (12 novembre 1544.)</p>
+
+<p>«Je ne suis point de dialecte particulier en
+<span class="pagenum" id="Page_111">111</span>
+allemand. J'emploie la langue commune, de manière
+à être entendu dans la haute et dans la
+basse Allemagne. Je parle d'après la chancellerie
+de Saxe, que tous suivent, en Allemagne, dans
+leurs actes publics, rois, princes, villes impériales.
+Aussi, est-ce le langage le plus commun.
+L'empereur Maximilien et l'électeur Frédéric de
+Saxe ont ainsi ramené les dialectes allemands à
+une langue certaine. La langue des Marches est
+encore plus douce que celle de Saxe.»</p>
+
+<p class="sep2"><i>De la grammaire.</i>&mdash;«Autre chose est la grammaire,
+autre chose est la langue hébraïque. La
+langue hébraïque, puis la grammaire positive, a
+péri en grande partie chez les Juifs; elle est
+tombée avec la chose même, et avec l'intelligence,
+comme dit Isaïe (XXIX). Il ne faut donc
+rien accorder aux rabbins dans les choses sacrées;
+ils torturent et violentent les étymologies et les
+constructions, parce qu'ils veulent forcer la chose
+par les mots, soumettre la chose aux mots, tandis
+que ce sont les choses qui doivent commander.</p>
+
+<p>»On voit de semblables débats entre les Cicéroniens
+et les autres Latinistes. Pour moi,
+je ne suis ni latin, ni grammairien, encore moins
+cicéronien; cependant, j'approuve ceux qui aiment
+mieux prétendre à ce dernier nom. De
+même, dans la littérature sacrée, j'aimerais à être
+<span class="pagenum" id="Page_112">112</span>
+simplement mosaïque, davidique ou isaïque, s'il
+se pouvait, plutôt qu'un Hébreu kumique, ou
+semblable à tout autre rabbin.» (1537.)</p>
+
+<p>«Je regrette de n'avoir pas plus de temps à
+donner à l'étude des poètes et des rhéteurs<a name="FNanchor_a57" id="FNanchor_a57" href="#Footnote_a57" class="fnanchor">[a57]</a>: j'avais
+acheté un Homère pour devenir Grec.»
+(29 mars 1523.)</p>
+
+<p>«Si je devais écrire sur la dialectique, j'exprimerais
+tout en allemand; je rejetterais tous
+ces mots étrangers: <i lang="la" xml:lang="la">propositio, syllogismus,
+enthymema, exemplum</i>...</p>
+
+<p>»Ceux qui introduisent de nouveaux mots,
+doivent aussi introduire de nouvelles choses,
+comme Scot avec sa <i>réalité</i>, son <i>hiccité</i>; comme
+les anabaptistes et les prédicateurs de troubles,
+avec leurs <i lang="de" xml:lang="de">besprengung, entgrobung, gelassenheit</i>.
+Qu'on se garde donc de tous ceux qui s'étudient
+à trouver des mots nouveaux et inusités.»</p>
+
+<p>Luther citait la fable de la cour du lion, et
+disait, «qu'après la Bible, il ne connaissait pas
+de meilleur livre que les <i>Fables d'Ésope</i> et les
+écrits de Caton; de même que Donat lui semblait
+le meilleur grammairien. Ce n'est point un
+seul homme qui a fait ces fables; beaucoup de
+grands esprits y ont travaillé à chaque époque
+du monde<a name="FNanchor_a58" id="FNanchor_a58" href="#Footnote_a58" class="fnanchor">[a58]</a>.»</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des savans.</i>&mdash;«Avant peu d'années, on manquera
+<span class="pagenum" id="Page_113">113</span>
+entièrement de savans. On aurait beau
+creuser pour en déterrer, rien ne servira; on pèche
+trop contre Dieu.»</p>
+
+<p><i>A un ami</i>: «Ne te laisse pas aller à la crainte
+que l'Allemagne ne devienne plus barbare qu'elle
+ne l'a jamais été, par la chute des lettres que
+causerait notre théologie.» (29 mars 1523.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_114">CHAPITRE IV.</h3>
+
+<p class="somm">Drames.&mdash;Musique.&mdash;Astrologie.&mdash;Imprimerie.&mdash;Banque,
+etc.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p><i>Des représentations théâtrales.</i>&mdash;Luther ne
+désapprouve point un maître d'école qui jouait
+les comédies de Térence. Il énumère les diverses
+utilités de la comédie. Si on s'abstenait de la comédie,
+parce qu'il s'agit souvent d'amour, on
+n'oserait non plus lire la Bible.</p>
+
+</div>
+
+<p>«&mdash;Notre cher Joachim m'a demandé mon jugement
+sur ces représentations d'histoires saintes,
+que blâment plusieurs de vos ministres. Voici,
+en peu de mots, mon opinion. Il a été commandé
+à tous les hommes de répandre et de propager le
+Verbe de Dieu, par tous les moyens, non pas
+<span class="pagenum" id="Page_115">115</span>
+seulement par la parole, mais par écritures,
+peintures, sculptures, psaumes, chansons, instrumens
+de musique, comme dit le psaume:
+<i lang="la" xml:lang="la">Laudate eum in tympano et choro, laudate eum
+chordis et organo</i>. Et Moïse dit: <i lang="la" xml:lang="la">Ligabis ea quasi
+signum in manu tuâ, eruntque et movebuntur inter
+oculos tuos, scribesque ea in limine et ostiis domûs
+tuæ</i>. Moïse veut que la parole se meuve devant
+les yeux, et comment cela se pourrait-il faire
+mieux et plus clairement que par des représentations
+semblables, mais graves et modestes, et
+non par des farces, comme autrefois sous la papauté?
+De tels spectacles frappent les yeux du
+peuple, et l'émeuvent souvent bien plus que des
+prédications publiques. Je sais que dans la basse
+Allemagne, où l'on a interdit la profession publique
+de l'Évangile, des drames, tirés de la Loi et
+de l'Évangile, en ont converti un grand nombre.»
+(5 avril 1543.)</p>
+
+<p><i>De la musique.</i>&mdash;«La musique est un des plus
+beaux et des plus magnifiques présens de Dieu.
+Satan en est l'ennemi. Par elle on repousse bien
+des tentations et de mauvaises pensées. Le diable
+ne tient pas contre.</p>
+
+<p>»Quelques-uns de la noblesse, et des courtisans,
+pensent que mon gracieux seigneur pourrait
+épargner en musique trois mille florins par an;
+<span class="pagenum" id="Page_116">116</span>
+et l'on dépense, en choses inutiles, trente mille
+florins.</p>
+
+<p>»Le duc George, le landgrave de Hesse, et
+l'électeur de Saxe, Jean-Frédéric, entretenaient
+des chanteurs et des musiciens. Aujourd'hui,
+c'est le duc de Bavière, l'empereur Ferdinand et
+l'empereur Charles.»</p>
+
+<p>En 1538, 17 décembre, Luther ayant des
+musiciens pour hôtes, et les ayant entendus, dit
+avec admiration: «Si notre Seigneur nous accorde
+de si nobles dons dans cette vie même, qui n'est
+qu'ordure et misère, que sera-ce donc dans la
+vie éternelle? En voici un commencement.</p>
+
+<p>»Chanter est le meilleur exercice<a name="FNanchor_a59" id="FNanchor_a59" href="#Footnote_a59" class="fnanchor">[a59]</a>. Il n'a rien
+à voir avec le monde... Aussi je me réjouis de ce
+que Dieu a refusé aux paysans (<i>sans doute aux
+paysans révoltés</i>), un don et une consolation si
+grande; ils n'entendent point la musique, et
+n'écoutent point la parole.»</p>
+
+<p>Il disait un jour à un joueur de harpe: «Mon
+ami, joue-moi un air, comme faisait David. Je
+crois que, s'il revenait aujourd'hui, il serait bien
+étonné de trouver les gens si habiles.</p>
+
+<p>»Comment se fait-il pourtant que nous ayons
+tant de belles choses dans le genre mondain, et
+que, dans le spirituel, nous n'ayons rien que de
+froid et de mauvais (et il répétait quelques chansons
+allemandes). Pour ceux qui méprisent la musique,
+<span class="pagenum" id="Page_117">117</span>
+comme font tous les rêveurs et les mystiques;
+je ne puis m'accorder avec eux.</p>
+
+<p>»... Je demanderai au prince qu'avec cet argent
+il établisse une musique.» (avril 1541.)</p>
+
+<p>Le 4 octobre 1530, il écrit à Ludovic Senfel,
+musicien de la cour de Bavière, pour lui demander
+de lui mettre en musique le: <i lang="la" xml:lang="la">In pace in
+id ipsum</i>. «L'amour de la musique m'a fait
+surmonter la crainte d'être repoussé, lorsque
+vous verrez un nom qui vous est sans doute
+odieux. Ce même amour me donne aussi l'espérance
+que mes lettres ne vous attireront aucun
+désagrément. Qui pourrait, fût-il le Turc, vous
+en faire un sujet de reproches?... Après la théologie,
+il n'y a aucun art que l'on puisse mettre
+à côté de la musique.»</p>
+
+<p>Luther recommande à son ami Amsdorf, un
+peintre nommé Sébastien, et ajoute: «Je ne
+sais si vous aurez besoin de lui. Je désirerais cependant
+que ton habitation fût plus ornée et plus
+élégante, à cause de la chair à qui reviennent
+aussi quelques soins et quelques recréations,
+lorsqu'elles sont sans péché et sans faute.» (6 février
+1542.)</p>
+
+<p class="sep2"><i>Peinture<a name="FNanchor_a60" id="FNanchor_a60" href="#Footnote_a60" class="fnanchor">[a60]</a>.</i>&mdash;Les pamphlets de Luther contre le
+pape, étaient presque toujours accompagnés de
+gravures symboliques.&mdash;«Quant à ces trois furies,
+<span class="pagenum" id="Page_118">118</span>
+dit-il, dans l'explication d'une de ces gravures
+satiriques, je n'avais autre chose dans
+l'esprit, lorsque j'en faisais l'application au pape,
+que d'exprimer l'atrocité de l'abomination papale
+par ces expressions les plus énergiques, les plus
+atroces de la langue latine; car les Latins ignorent
+ce que c'est que Satan ou le diable, comme l'ignorent
+aussi les Grecs et toutes les nations.»
+(8 mai 1545.)</p>
+
+<p>C'était Lucas Cranach qui en avait fait les figures.&mdash;Luther
+écrit: «Maître Lucas est un peintre
+peu délicat. Il pouvait épargner le sexe féminin en
+considération de nos mères et de l'&oelig;uvre de Dieu.
+Il pouvait peindre d'autres formes plus dignes du
+pape, je veux dire plus diaboliques.» (3 juin 1545.)</p>
+
+<p>«Je ferai tous mes efforts, si je vis, pour
+que le peintre Lucas substitue à cette peinture
+obscène une image plus honnête.» (15 juin.)</p>
+
+<p>Luther professait pour Albert Dürer une grande
+admiration. Lorsqu'il apprit sa mort, il écrivit:
+«Il est douloureux sans doute de l'avoir perdu.
+Rejouissons-nous cependant de ce que Christ,
+par une fin si heureuse, l'a tiré de cette terre de
+misères et de troubles, qui, peut-être bientôt,
+sera déchirée par des troubles plus grands encore.
+Dieu n'a pas voulu que celui qui était né
+pour un siècle heureux, vît de si tristes choses;
+qu'il repose en paix avec ses pères.» (avril 1528.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_119">119</span>
+<i>De l'astronomie et de l'astrologie.</i>&mdash;«Il est
+vrai que les astrologues peuvent prédire l'avenir
+aux impies, et leur annoncer la mort qui les attend,
+car le diable sait les pensées des impies, et
+il les a en sa puissance.»</p>
+
+<p>On fit mention d'un nouvel astronome, qui
+voulait prouver que c'est la terre qui tourne,
+et non point le firmament, le soleil et la lune;
+il en est de même, disait-il, pour les habitans
+de la terre que pour ceux qui sont dans un chariot
+ou dans un vaisseau, et qui croient voir le
+rivage ou les arbres fuir derrière eux<a name="FNanchor_4" id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>. «Ainsi va
+le monde aujourd'hui; quiconque veut être habile,
+ne doit pas se contenter de ce que font et
+savent les autres. Le sot veut changer tout l'art
+de l'astronomie; mais, comme le dit la sainte
+Écriture, Josué commanda au soleil de s'arrêter,
+et non à la terre.»</p>
+
+<p>«Les astrologues ont tort d'attribuer aux étoiles
+la mauvaise influence qui appartient en effet aux
+comètes.</p>
+
+<p>»Maître Philippe tient fort à cela, mais il n'a
+jamais pu me persuader. Il prétend que l'art est
+<span class="pagenum" id="Page_120">120</span>
+réel, mais qu'il n'y a point de maître qui s'y entende.»</p>
+
+<p>Comme on montrait un horoscope au docteur
+Luther, il dit: «C'est une belle et agréable
+imagination, et qui plaît à la raison. On va bien
+régulièrement d'une ligne à l'autre... Il en est de
+l'astrologie comme de l'art des sophistes, <i lang="la" xml:lang="la">de
+decem prædicamentis realiter distinctis</i>; tout est
+faux et artificiel; mais dans cette &oelig;uvre vaine et
+fictive, il y a un admirable ensemble; dans tant
+de siècles et parmi tant de sectes, thomistes, albertistes,
+scotistes, ils sont restés fidèles aux
+mêmes règles.</p>
+
+<p>»La science, qui a pour objet la matière, est
+incertaine. Car la matière est sans forme, et dépourvue
+de qualités et propriétés. Or, l'astrologie
+a pour objet la matière, etc.</p>
+
+<p>»Ils avaient dit qu'il y aurait un déluge en
+1524, et la chose n'arriva qu'en 1525, époque
+du soulèvement des paysans. Déjà le bourgmestre
+Hendorf avait fait monter au haut de sa
+maison un quart de bière pour y attendre le déluge.»</p>
+
+<p>Maître Philippe disait que l'empereur Charles
+devait vivre jusqu'à quatre-vingt-quatre ans; le
+docteur Luther répondit: «Le monde ne durera
+pas si long-temps. Ézéchiel y est contraire. Si
+nous chassons le Turc, la prophétie de Daniel
+<span class="pagenum" id="Page_121">121</span>
+est accomplie, et certainement le jour du jugement
+est à la porte.»</p>
+
+<p>Une grande étoile rouge, qui avait paru dans
+le ciel, et qui forma ensuite une croix en 1516,
+reparut plus tard; «mais alors, dit Luther, la
+croix parut brisée; car l'Évangile était obscurci
+par les sectes et les révoltes. Je ne trouve rien de
+certain dans de tels signes; ce sont communément
+des signes diaboliques et trompeurs. Nous en
+avons vu beaucoup ces quinze dernières années.»</p>
+
+<p class="sep2"><i>Imprimerie.</i>&mdash;«L'imprimerie est le dernier
+et suprême don, le <i lang="la" xml:lang="la">summum et postremum donum</i>,
+par lequel Dieu avance les choses de l'Évangile.
+C'est la dernière flamme qui luit avant l'extinction
+du monde. Grâce à Dieu, elle est venue à la
+fin. <i lang="la" xml:lang="la">Sancti patres dormientes desiderârunt videre
+hunc diem revelati Evangelii.</i>»</p>
+
+<p>Comme on lui montrait un écrit des Fugger,
+orné de lettres d'une forme bizarre, que
+personne ne pouvait le lire, il dit: «C'est une
+invention d'hommes habiles et prévoyans. Mais
+c'est la marque d'une époque bien corrompue.
+Nous lisons que Jules César employait
+de pareilles lettres. On dit que l'Empereur, se
+défiant de ses secrétaires, les fait écrire, dans
+les affaires les plus importantes, de deux manières
+qui se contredisent; et ils ne savent point
+<span class="pagenum" id="Page_122">122</span>
+auxquels des deux écrits il doit mettre son
+sceau.»</p>
+
+<p class="sep2"><i>Banque<a name="FNanchor_a61" id="FNanchor_a61" href="#Footnote_a61" class="fnanchor">[a61]</a>.</i>&mdash;«Un cardinal, évêque de Brixen,
+étant mort fort riche à Rome, on ne trouva point
+d'argent chez lui, mais seulement un petit billet
+dans sa manche. Le pape Jules II se douta bien
+que c'était une lettre de change; il envoya sur-le-champ
+chercher le facteur des Fugger, à Rome,
+et lui demanda s'il ne connaissait point cet écrit?
+Oui, répondit-il, c'est la reconnaissance de ce
+que Fugger et compagnie doivent au cardinal;
+cela fait trois cent mille florins. Le pape demanda
+s'il pouvait lui payer tout cet argent. A toute
+heure, répondit l'autre. Le pape fit venir ensuite
+les cardinaux de France et d'Angleterre, et leur
+demanda si leurs rois pourraient trouver en une
+heure trois tonnes d'or? Ils répondirent que non.
+Eh bien! dit-il, un bourgeois d'Augsbourg peut
+le faire.</p>
+
+<p>»Fugger devant un jour donner au conseil
+d'Augsbourg l'estimation de ses biens, il répondit
+qu'il ne savait pas ce qu'il avait, car son argent
+était dans tout le monde, en Turquie, en
+Grèce, à Alexandrie, en France, en Portugal,
+en Angleterre, en Pologne, etc., mais qu'il pouvait
+bien donner l'estimation de ce qu'il avait à
+Augsbourg.»<a name="FNanchor_a62" id="FNanchor_a62" href="#Footnote_a62" class="fnanchor">[a62]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_123">CHAPITRE V.</h3>
+
+<p class="somm">De la prédication.&mdash;Style de Luther.&mdash;Il avoue la violence
+de son caractère.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>«Oh combien je tremblais lorsque, pour la
+première fois, il me fallut monter en chaire<a name="FNanchor_r73" id="FNanchor_r73" href="#Footnote_r73" class="fnanchor">[r73]</a>!
+mais on me forçait de prêcher. Il fallait d'abord
+prêcher les frères...»</p>
+
+</div>
+
+<p>«J'ai bien, sous ce même poirier où nous
+sommes, opposé au docteur Staupitz quinze argumens
+contre ma vocation à la prédication. Je
+lui dis enfin: «Seigneur docteur Staupitz,
+vous voulez me tuer; je ne vivrai pas trois mois.»
+Il me répondit: «Eh bien! notre Seigneur a de
+<span class="pagenum" id="Page_124">124</span>
+grandes affaires; on a besoin de gens habiles
+là-haut.»</p>
+
+<p>»Je n'apporte guère de zèle et d'ardeur à la
+distribution de mes &oelig;uvres en tomes; j'ai une
+faim de Saturne, je les voudrais tous dévorer.
+Car il n'y a pas un de mes livres dont je sois satisfait,
+si ce n'est peut-être le <i>Traité du serf
+arbitre</i> et le <i>Catéchisme</i>.» (9 juillet 1537.)</p>
+
+<p>«Je n'aime pas que Philippe assiste à mes
+leçons ou prédications, mais je mets la croix
+devant moi, et je me dis: Philippe, Jonas, Pomer,
+tous les autres, ne font rien à la chose; et
+je m'imagine alors qu'il ne s'est assis dans la
+chaire personne de plus habile que moi<a name="FNanchor_r74" id="FNanchor_r74" href="#Footnote_r74" class="fnanchor">[r74]</a>.»</p>
+
+<p>Le docteur Jonas lui disait: «Seigneur docteur,
+je ne puis du tout vous suivre dans la prédication<a name="FNanchor_r75" id="FNanchor_r75" href="#Footnote_r75" class="fnanchor">[r75]</a>.»&mdash;Le
+docteur Luther répondit: «Je
+ne le puis moi-même, car souvent c'est ma propre
+personne ou quelque chose de particulier
+qui me donne l'occasion d'un sermon, selon
+le temps, les circonstances, les auditeurs. Si
+j'étais plus jeune, je voudrais retrancher beaucoup
+dans mes prédications, car j'y ai mis trop
+de paroles.»</p>
+
+<p>«Je veux que l'on enseigne bien au peuple le
+Catéchisme; je me fonde sur lui dans tous mes
+sermons, et je prêche aussi simplement que possible<a name="FNanchor_r76" id="FNanchor_r76" href="#Footnote_r76" class="fnanchor">[r76]</a>.
+Je veux que les hommes du commun, les
+<span class="pagenum" id="Page_125">125</span>
+enfans, les domestiques, me comprennent. Ce
+n'est point pour les savans que l'on monte en
+chaire; ils ont les livres.»</p>
+
+<p>Le docteur Erasmus Alberus, prêt à partir
+pour la Marche, demandait au docteur Luther
+comment il fallait prêcher devant le prince<a name="FNanchor_r77" id="FNanchor_r77" href="#Footnote_r77" class="fnanchor">[r77]</a>. «Tes
+prédications, dit-il, doivent s'adresser, non aux
+princes, mais au simple et grossier peuple. Si,
+dans les miennes, je songeais à Mélanchton et
+aux autres docteurs, je ne ferais rien de bon;
+mais je prêche tout simplement pour les ignorans,
+et cela plaît à tous. Si je sais du grec, de
+l'hébreu, du latin, je le réserve pour nos réunions
+de savans. Alors nous en disons de si subtiles
+que Dieu même en est étonné.»</p>
+
+<p>«Albert Dürer, le fameux peintre de Nuremberg,
+avait coutume de dire qu'il ne prenait
+aucun plaisir aux peintures chargées de couleurs,
+mais à celles qui étaient faites avec le plus de
+simplicité. J'en dis autant des prédications<a name="FNanchor_r78" id="FNanchor_r78" href="#Footnote_r78" class="fnanchor">[r78]</a>.»</p>
+
+<p>«Oh que j'eusse été heureux, lorsque j'étais
+au cloître d'Erfurt, si j'avais pu une fois, une
+seule fois, entendre prêcher un pauvre petit
+mot sur l'Évangile ou sur le moindre des psaumes<a name="FNanchor_r79" id="FNanchor_r79" href="#Footnote_r79" class="fnanchor">[r79]</a>!»</p>
+
+<p>«Rien n'est plus agréable et plus utile au commun
+des auditeurs, que de prêcher la loi et les
+exemples<a name="FNanchor_r80" id="FNanchor_r80" href="#Footnote_r80" class="fnanchor">[r80]</a>. Les prédications sur la Grâce et sur
+<span class="pagenum" id="Page_126">126</span>
+l'article de la justification sont froides pour leurs
+oreilles.»</p>
+
+<p>Parmi les qualités que Luther exige d'un prédicateur,
+il veut qu'il soit beau de sa personne,
+et tel que les bonnes femmes et les petites filles
+puissent l'aimer<a name="FNanchor_r81" id="FNanchor_r81" href="#Footnote_r81" class="fnanchor">[r81]</a>.</p>
+
+<p>Dans le <i>Traité sur les v&oelig;ux monastiques</i>, Luther
+demande pardon au lecteur de dire bien des
+choses qu'on a coutume de taire<a name="FNanchor_r82" id="FNanchor_r82" href="#Footnote_r82" class="fnanchor">[r82]</a>.&mdash;«Pourquoi
+n'oser dire ce que le Saint-Esprit, pour instruire
+les hommes, a dicté à Moïse? Mais nous voulons
+que nos oreilles soient plus pures que la bouche
+du Saint-Esprit.»</p>
+
+<p><i>A J. Brentius.</i> «Je ne veux point te flatter,
+je ne te trompe pas, je ne me trompe pas moi-même,
+quand je dis que je préfère tes écrits aux
+miens. Ce n'est point Brentius que je loue, mais
+l'Esprit saint, qui en toi est plus doux, plus
+tranquille; tes paroles coulent plus pures, plus
+limpides. Mon style, à moi, inhabile et inculte,
+vomit un déluge, un chaos de paroles; turbulent
+et impétueux comme un lutteur toujours aux
+prises avec mille monstres qui se succèdent; et
+si j'ose comparer de petites choses aux grandes,
+il me semble qu'il m'a été donné quelque chose
+de ce quadruple esprit d'Élie, rapide comme le
+vent, dévorant comme le feu, qui renverse les
+montagnes et brise les pierres; à toi, au contraire,
+<span class="pagenum" id="Page_127">127</span>
+le doux murmure de la brise légère et rafraîchissante.
+Une chose me console, c'est que le
+divin père de famille a besoin, dans cette famille
+immense, de l'un et de l'autre serviteur, du dur
+contre les durs, de l'âpre contre les âpres, comme
+d'un mauvais coin contre de mauvais n&oelig;uds. Pour
+purger l'air et rendre la terre plus fertile, ce
+n'est point assez de la pluie qui arrose et pénètre,
+il faut encore les éclats de la foudre.»
+(20 août 1530.)</p>
+
+<p>«Je suis loin de me croire sans défaut; mais je
+puis au moins me glorifier avec saint Paul, de
+ne pouvoir être accusé d'hypocrisie et d'avoir toujours
+dit la vérité, peut-être, il est vrai, un peu
+trop rudement. Mais j'aime mieux pécher par
+la dureté de mes paroles, en jetant la vérité dans
+le monde, que de la retenir honteusement captive.
+Si les grands seigneurs s'en trouvent blessés,
+qu'ils se mêlent de leurs affaires sans plus se
+soucier des miennes et de nos doctrines. Est-ce
+que je leur ai fait quelque tort, quelque injustice?
+Si je pèche, ce sera à Dieu de me pardonner.»
+(5 février 1522.)</p>
+
+<p><i>A Spalatin.</i> «Je ne puis nier que je ne sois
+plus violent qu'il ne faudrait<a name="FNanchor_a63" id="FNanchor_a63" href="#Footnote_a63" class="fnanchor">[a63]</a>; mais ils le savaient,
+c'était à eux de ne pas irriter le dogue. Tu peux
+savoir par toi-même combien c'est une chose
+difficile que de modérer son feu et de contenir sa
+<span class="pagenum" id="Page_128">128</span>
+plume. Et voilà pourquoi j'ai toujours haï de paraître
+en public; mais plus je le hais, plus j'y
+suis forcé malgré moi.» (février 1520.)</p>
+
+<p>Le docteur Luther disait souvent<a name="FNanchor_r83" id="FNanchor_r83" href="#Footnote_r83" class="fnanchor">[r83]</a>: «J'ai trois
+mauvais chiens, <i lang="la" xml:lang="la">ingratitudinem, superbiam et invidiam</i>
+(l'ingratitude, l'orgueil et l'envie). Celui
+qu'ils mordent est bien mordu.»</p>
+
+<p>«Si je meurs, les papistes verront quel adversaire
+ils ont eu en moi<a name="FNanchor_r84" id="FNanchor_r84" href="#Footnote_r84" class="fnanchor">[r84]</a>. D'autres prédicateurs
+n'auront pas la même mesure, la même modération.
+On l'a déjà éprouvé avec Münzer, avec Carlostad,
+Zwingli et les anabaptistes.»</p>
+
+<p>«Dans la colère mon tempérament se retrempe,
+mon esprit s'aiguise, et toutes les tentations,
+tous les ennuis se dissipent. Je n'écris
+et ne parle jamais mieux qu'en colère<a name="FNanchor_r85" id="FNanchor_r85" href="#Footnote_r85" class="fnanchor">[r85]</a>.»</p>
+
+<p><i>A Michel Marx.</i> «Tu ne saurais croire combien
+j'aime à voir mes adversaires s'élever chaque
+jour davantage contre moi. Je ne suis jamais
+plus superbe et plus audacieux que lorsque j'apprends
+que je leur déplais. Docteurs, évêques,
+princes, que m'importe? Il est écrit: <i lang="la" xml:lang="la">Tremuerunt
+gentes et populi meditati sunt inania. Adstiterunt
+reges terræ, et principes convenerunt in unum
+adversùs Deum et adversùs Christum ejus.</i></p>
+
+<p>»J'ai un tel dédain pour ces satans, que si je
+n'étais retenu ici, j'irais tout droit à Rome, en
+haine du diable et de toutes ces furies.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_129">129</span>
+«Il faut que j'aie de la patience avec le pape,
+avec mes disciples, avec mes domestiques, avec
+Catherine de Bora, avec tout le monde, et ma
+vie n'est autre chose que de la patience.»</p>
+
+<div class="pagenum" id="Page_130"></div>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h2 id="Page_131">LIVRE V.</h2>
+
+<hr class="hr7" />
+
+<h3>CHAPITRE PREMIER.</h3>
+
+<p class="somm">Mort du père de Luther, de sa fille, etc.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>«Il n'est pas d'alliance ni de société plus belle,
+plus douce et plus heureuse, qu'un bon mariage<a name="FNanchor_r86" id="FNanchor_r86" href="#Footnote_r86" class="fnanchor">[r86]</a>.
+C'est une joie de voir deux époux vivre unis
+et en paix. Mais aussi, rien n'est plus amer et
+plus douloureux que quand ce lien se déchire.
+Après cela vient la mort des enfans. Cette dernière
+douleur je la connais, hélas!»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_132">132</span>
+&mdash;«Je suis triste en t'écrivant, car j'ai reçu
+la nouvelle de la mort de mon père, ce vieux
+Luther, si bon et si aimé. Et bien que par moi
+il ait eu un si facile et si pieux passage en
+Christ, et que, délivré des monstres d'ici-bas,
+il repose dans la paix éternelle, cependant
+mes entrailles se sont émues, car c'est par lui
+que Dieu m'a fait naître et m'a élevé.»&mdash;Dans une
+lettre du même jour à Mélanchton: «... Je succède
+à son nom; voici maintenant que je suis pour ma
+famille le vieux Luther. C'est mon tour, c'est
+mon droit de le suivre par la mort dans ce
+royaume que Christ nous a promis à nous tous
+qui, à cause de lui, sommes les plus misérables
+des hommes, et l'opprobre du monde... Je me
+réjouis cependant qu'il ait vécu dans ce temps,
+et qu'il ait pu voir la lumière de la vérité. Dieu
+soit béni dans tous ses actes, dans tous ses desseins!»
+(5 juin 1530.)</p>
+
+<p>«La nouvelle étant venue de Freyberg que
+maître Hausman était mort, nous la cachâmes au
+docteur Luther, et lui dîmes d'abord qu'il était
+malade, puis qu'il était au lit, puis qu'il s'était
+bien doucement endormi dans le Christ<a name="FNanchor_r87" id="FNanchor_r87" href="#Footnote_r87" class="fnanchor">[r87]</a>. Le docteur
+se mit à pleurer bien fort, et dit: «Voici des
+temps bien périlleux; Dieu balaie son aire et sa
+grange. Je le prie de ne pas laisser vivre long-temps
+après ma mort ma femme et mes enfans.»
+<span class="pagenum" id="Page_133">133</span>
+Il resta assis tout le jour; il pleurait et s'affligeait.
+Il était avec le docteur Jonas, maître Philippe
+(Mélanchton), maître Joachim Camerarius, et
+Gaspard de Keckeritz, et, au milieu d'eux, il
+était assis, tout affligé et en larmes.» (1538.)</p>
+
+<p>«Lorsqu'il perdit sa fille Magdalena, âgée de
+quatorze ans, la femme du docteur pleurait et se
+lamentait. Il lui dit: «Chère Catherine, songe
+pourtant où elle est allée. Elle a certes fait un heureux
+voyage. La chair saigne, sans doute, c'est sa
+nature; mais l'esprit vit et se trouve selon ses souhaits.
+Les enfans ne disputent point; comme on
+leur dit, ils croient. Chez les enfans tout est simple.
+Ils meurent sans chagrin ni angoisses, sans disputes,
+sans tentations de la mort, sans douleur
+corporelle, tout comme s'ils s'endormaient.»</p>
+
+<p>»Comme sa fille était fort malade, il disait:
+«Je l'aime bien! Mais, ô mon Dieu! si c'est ta
+volonté de la prendre d'ici, je veux la savoir sans
+regret auprès de toi.» Et comme elle était au lit,
+il lui disait: «Ma chère petite fille, ma petite
+Madeleine, tu resterais volontiers ici auprès de ton
+père, et tu irais pourtant volontiers aussi à ton autre
+père.» Elle répondit: «Oui, mon cher père, comme
+Dieu voudra.» «Chère petite fille! ajouta-t-il, l'esprit
+veut, mais la chair est faible.» Il se promena en
+long et en large et dit: «Oui, je l'ai aimée bien fort.
+Si la chair est si forte, que sera-ce donc de l'esprit.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_134">134</span>
+»Il disait entre autres choses: «Dieu n'a pas
+donné depuis mille ans à aucun évêque d'aussi
+grands dons qu'à moi; car on doit se glorifier
+des dons de Dieu. Eh! bien, je suis en colère contre
+moi-même de ce que je ne puis m'en réjouir
+de c&oelig;ur, ni rendre grâce; je chante bien de
+temps en temps à notre Seigneur un petit cantique,
+et le remercie un peu.</p>
+
+<p>»Eh bien! que nous vivions ou que nous
+mourions, <i lang="la" xml:lang="la">Domini sumus</i> au génitif ou au nominatif.
+Allons, seigneur docteur, tenez ferme.»</p>
+
+<p>»La nuit qui précéda la mort de Magdalena,
+la femme du docteur avait eu un songe; il lui
+semblait voir deux beaux jeunes garçons bien
+parés, qui voulaient prendre sa fille et la mener
+à la noce<a name="FNanchor_r88" id="FNanchor_r88" href="#Footnote_r88" class="fnanchor">[r88]</a>. Lorsque Philippe Mélanchton vint le
+matin dans le cloître, et demanda à la dame:
+«Que faites-vous de votre fille?» elle lui raconta
+son rêve. Il en fut bien effrayé, et dit aux autres:
+«Les jeunes garçons sont les saints anges qui vont
+venir pour mener la vierge à la véritable noce du
+royaume céleste.» Et en effet le même jour elle
+mourut.</p>
+
+<p>»Lorsque la petite Magdalena était à l'agonie
+et allait mourir, le père tomba à genoux devant
+son lit, pleura amèrement, et pria Dieu qu'il
+voulût bien la sauver. Elle expira et s'endormit
+dans les bras de son père. La mère était bien
+<span class="pagenum" id="Page_135">135</span>
+dans la même chambre, mais plus loin du lit, à
+cause de son affliction. Le docteur répétait souvent:
+«Que la volonté de Dieu soit faite! ma fille
+a encore un père dans le ciel.» Alors maître Philippe
+se mit à dire: «L'amour des parens est une
+image de la divinité imprimée au c&oelig;ur des
+hommes. Dieu n'aime pas moins le genre humain
+que les parens leurs enfans.» Lorsqu'on la mit
+dans la bière, le père dit: «Pauvre chère petite
+Madeleine, te voilà bien maintenant?» Il la regarda
+ainsi étendue, et dit: «O cher enfant, tu ressusciteras,
+tu brilleras comme une étoile! Oui,
+comme le soleil!... Je suis joyeux en esprit, mais
+dans la chair je suis bien triste. C'est une chose
+merveilleuse de savoir qu'elle est certainement
+en paix, qu'elle est bien, et cependant d'être si
+triste.»</p>
+
+<p>»Et lorsque le peuple vint pour aider à emporter
+le corps, et que, selon le commun usage,
+ils lui disaient qu'ils prenaient part à son malheur,
+il leur dit: «Ne vous chagrinez pas, j'ai envoyé
+une sainte au ciel. Oh! puissions-nous
+avoir une telle mort! Une telle mort, je l'accepterais
+sur l'heure!»&mdash;Lorsque l'on chanta:
+Seigneur, qu'il ne vous souvienne pas de nos
+anciens péchés! il ajouta: «Non-seulement
+des anciens, mais de ceux d'aujourd'hui. Car
+nous sommes avides, usuriers, etc.; le scandale
+<span class="pagenum" id="Page_136">136</span>
+de la messe existe encore dans le monde!»</p>
+
+<p>»Au retour, il disait entre autres choses: «On
+doit s'inquiéter du sort de ses enfans, et surtout
+des pauvres filles. Je ne plains pas les garçons;
+un garçon vit partout pourvu qu'il sache travailler.
+Mais le pauvre petit peuple des filles doit
+chercher sa vie un bâton à la main. Un garçon
+peut aller aux écoles, et devenir un habile
+garçon (<span lang="de" xml:lang="de">ein feiner man</span>). Une petite fille ne
+peut en faire autant. Elle tourne facilement au
+scandale et devient grosse. Aussi je donne bien
+volontiers celle-ci à notre Seigneur.»</p>
+
+<p><i>A Jonas.</i> «La renommée t'aura, je pense, informé
+de la renaissance de ma fille Madeleine au
+royaume du Christ; et bien que moi et ma femme
+nous dussions ne songer qu'à rendre de joyeuses
+actions de grâces pour un si heureux passage et
+une fin si désirable, par où elle a échappé à la
+puissance de la chair, du monde, du Turc et du
+Diable, cependant la force <ins title="grec: tês storgês">&#964;&#8134;&#962;
+&#963;&#964;&#959;&#961;&#947;&#8134;&#962;</ins>
+est si grande que je ne puis le supporter sans
+sanglots, sans gémissement, disons mieux, sans
+une véritable mort du c&oelig;ur. Dans le plus profond
+de mon c&oelig;ur sont encore gravés ses traits,
+ses paroles, ses gestes, pendant sa vie et sur son
+lit de mort; mon obéissante et respectueuse
+fille! La mort même du Christ (et que sont toutes
+les morts en comparaison?) ne peut me l'arracher
+<span class="pagenum" id="Page_137">137</span>
+de la pensée, comme elle le devrait....
+Elle était, comme tu sais, douce de caractère,
+aimable et pleine de tendresse.» (23 septembre
+1542.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_138">CHAPITRE II.</h3>
+
+<p class="somm">De l'équité, de la Loi.&mdash;Opposition du théologien et du juriste.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>«Il vaut mieux se gouverner <i>d'après la raison
+naturelle que d'après la loi écrite</i>, car la raison est
+l'âme et la reine de la loi<a name="FNanchor_r89" id="FNanchor_r89" href="#Footnote_r89" class="fnanchor">[r89]</a>. Mais où sont les gens
+qui ont une telle intelligence? on en peut à peine
+trouver un par siècle. Notre gracieux seigneur,
+l'électeur Frédéric, était un tel homme. Il y a eu
+encore son conseiller le seigneur Fabian de Feilitsch,
+un laïc, qui n'avait point étudié et qui répondait
+sur <i lang="la" xml:lang="la">apices et medullam juris</i> mieux que
+les juristes d'après leurs livres.&mdash;Maître Philippe
+Mélanchton enseigne les arts libéraux, de manière
+qu'il en tire moins de lumière qu'il ne leur en
+<span class="pagenum" id="Page_139">139</span>
+prête lui-même. Moi aussi, je porte mon art dans
+les livres, je ne l'en tire point. Celui qui voudrait
+imiter les quatre hommes dont je viens de
+parler, ferait aussi bien d'y renoncer; il faut
+plutôt qu'il apprenne et qu'il écoute. De tels
+prodiges sont rares. La loi écrite est pour le
+peuple et l'homme du commun. La raison naturelle
+et la haute intelligence sont pour les hommes
+dont j'ai parlé.»</p>
+
+</div>
+
+<p>«Il y a un éternel combat entre les juristes et
+les théologiens; c'est la même opposition qu'entre
+la loi et la grâce.»</p>
+
+<p>«Le droit est une belle fiancée, pourvu qu'elle
+reste dans son lit nuptial<a name="FNanchor_r90" id="FNanchor_r90" href="#Footnote_r90" class="fnanchor">[r90]</a>. Si elle monte dans un
+autre lit et veut gouverner la théologie, c'est une
+grande p...... Le droit doit ôter sa <ins id="cor_5" title="original: barette">barrette</ins> devant
+la théologie.»</p>
+
+<p><i>A Mélanchton.</i> «Je pense comme autrefois sur
+le droit du glaive; je pense avec toi que l'Évangile
+n'a rien enseigné ni conseillé sur ce droit,
+et que cela ne devait être en aucune façon, parce
+que l'Évangile est la loi des volontés et des libertés,
+qui n'ont rien à faire avec le glaive ou le
+droit du glaive. Mais ce droit n'y est pas aboli,
+il y est même confirmé et recommandé; ce qui
+n'a lieu pour aucune des choses simplement permises.»</p>
+
+<p>«Avant moi, il n'y a aucun juriste qui ait su ce
+<span class="pagenum" id="Page_140">140</span>
+qu'est le droit, relativement à Dieu<a name="FNanchor_r91" id="FNanchor_r91" href="#Footnote_r91" class="fnanchor">[r91]</a>. Ce qu'ils
+ont, ils l'ont de moi. Il n'est point mis dans l'Évangile
+que l'on doive adorer les juristes. Si notre
+Seigneur Dieu veut juger, que lui importent
+les juristes? Pour ce qui regarde le monde, je les
+laisse maîtres. Mais dans les choses de Dieu ils
+doivent être sous moi. Mon psaume à moi,
+c'est celui-ci: <i>Rois soyez châtiés</i>, etc. S'il faut
+qu'un des deux périsse, périsse le droit, règne
+le Christ!</p>
+
+<p>»<i lang="la" xml:lang="la">Principes convenerunt in unum.</i> David le dit
+lui-même, <i>contre son fils se dresseront la puissance,
+la sagesse, la multitude du monde, et il
+doit être seul contre beaucoup, insensé contre les
+sages, impuissant contre les puissans</i>. Certes,
+c'est là une merveilleuse conduite des choses.
+Notre Seigneur Dieu ne manque de rien que de
+gens sages, mais derrière sonne le terrible
+<i lang="la" xml:lang="la">Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui judicatis
+terram</i> (Comprenez maintenant, ô rois;
+instruisez-vous, juges de la terre).</p>
+
+<p>»Si les juristes ne prient point pour le pardon
+de leurs péchés et n'acceptent point l'Évangile,
+je veux les confondre, de sorte qu'ils ne sachent
+plus comment se tirer d'affaire. Je n'entends
+rien au droit, mais je suis seigneur du droit dans
+les choses qui touchent la conscience.</p>
+
+<p>»Nous sommes redevables aux juristes d'avoir
+<span class="pagenum" id="Page_141">141</span>
+enseigné et d'enseigner au monde tant d'équivoques,
+de chicanes, de calomnies, que le langage
+est devenu plus confus que dans une Babel.
+Ici, nul ne peut comprendre l'autre, là, nul ne
+veut comprendre. O sycophantes, ô sophistes,
+pestes du genre humain. Je t'écris tout en colère,
+et je ne sais si, de sang-froid, j'enseignerais
+mieux.» (6 février 1546.)</p>
+
+<p>La veille d'un jour où on allait faire un docteur
+en droit, Luther disait: «Demain on fera une
+nouvelle vipère contre les théologiens.»</p>
+
+<p>«On a raison de dire: <i>un bon juriste est un
+mauvais chrétien</i>. En effet, le juriste estime et
+vante la justice des &oelig;uvres, comme si c'était par
+là qu'on est juste devant Dieu. S'il devient chrétien,
+il est considéré parmi les juristes comme
+un animal monstrueux, il faut qu'il mendie son
+pain, les autres le regardent comme séditieux.</p>
+
+<p>»Qu'on frappe la conscience des juristes, ils
+ne savent ce qu'ils doivent faire. Münzer les attaquait
+avec l'épée; c'était un fou.</p>
+
+<p>»Si j'étudiais seulement deux ans en droit, je
+voudrais devenir plus savant que le docteur C.;
+car je parlerais des choses, selon qu'elle sont véritablement
+justes ou injustes. Mais lui, il chicane
+sur les mots.</p>
+
+<p>»La doctrine des juristes n'est rien qu'un <i>nisi</i>,
+<span class="pagenum" id="Page_142">142</span>
+un <i>excepté</i>. La théologie ne procède pas ainsi,
+elle a un ferme fondement.</p>
+
+<p>»L'autorité des théologiens consiste en ce
+qu'ils peuvent obscurcir les universaux, et tout
+ce qui s'y rapporte. Ils peuvent élever et abaisser.
+Si la Parole se fait entendre, Moïse et l'Empereur
+doivent céder.</p>
+
+<p>»Le droit et les lois des Perses et des Grecs
+sont tombés en désuétude et abolis. Le droit
+romain ou impérial ne tient plus qu'à un fil<a name="FNanchor_a64" id="FNanchor_a64" href="#Footnote_a64" class="fnanchor">[a64]</a>.
+Car si un empire ou un royaume tombe, ses lois
+et ordonnances doivent tomber aussi.</p>
+
+<p>»Je laisse le cordonnier, le tailleur, le juriste
+pour ce qu'ils sont. Mais qu'ils n'attaquent point
+ma chaire!...</p>
+
+<p>»Beaucoup de gens croient que la théologie
+qui est révélée aujourd'hui, n'est rien. Si cela a
+lieu de notre vivant, que sera-ce après notre
+mort? En récompense beaucoup d'entre nous sont
+gros de cette pensée dont ils accoucheront plus
+tard, que le droit n'est rien.</p>
+
+<p><i>Sermon contre les juristes, prêché le jour des
+Rois.</i> «Voilà comme agissent nos fiers juristes et
+chevaliers ès-lois de Wittemberg... Ils ne lisent
+point nos livres, les appellent catoniques (pour
+canoniques), ne s'inquiètent pas de notre Seigneur,
+et ne visitent point nos églises<a name="FNanchor_r92" id="FNanchor_r92" href="#Footnote_r92" class="fnanchor">[r92]</a>. Eh bien!
+puisqu'ils ne reconnaissent point le docteur Pomer
+<span class="pagenum" id="Page_143">143</span>
+pour évêque de Wittemberg, ni moi pour
+prédicateur de cette église, je ne les compte
+plus dans mon troupeau.</p>
+
+<p>»Mais, disent-ils, vous allez contre le droit
+impérial. J'emm...e ce droit qui fait tort au pauvre
+homme.»</p>
+
+<p>Suit un dialogue du juriste avec le plaideur
+à qui il promet pour dix thalers de faire traîner
+une affaire dix ans... «Bonnes et pieuses gens
+comme Reinicke Fuchs, dans le poème du Renard...»</p>
+
+<p>«Bon peuple, veuillez agréer les motifs pour
+lesquels je veux être impitoyable envers les juristes<a name="FNanchor_r93" id="FNanchor_r93" href="#Footnote_r93" class="fnanchor">[r93]</a>...
+Ils vantent le droit canonique, la m...e
+du pape, et le représentent comme une chose
+magnifique, lorsque nous l'avons, avec tant de
+peine, repoussé et chassé de nos églises... Je te
+le conseille, juriste, laisse dormir le vieux dogue<a name="FNanchor_a65" id="FNanchor_a65" href="#Footnote_a65" class="fnanchor">[a65]</a>.
+Une fois éveillé, tu ne le ramènerais pas aisément
+à la loge.</p>
+
+<p>»Les juristes se plaignent fort, et m'en veulent.
+Qu'y puis-je faire? Si je ne devais pas rendre
+compte de leurs âmes, je ne les châtierais
+point.» Il déclare pourtant ensuite<a name="FNanchor_a66" id="FNanchor_a66" href="#Footnote_a66" class="fnanchor">[a66]</a> qu'il n'a
+point parlé des juristes pieux.<a name="FNanchor_a67" id="FNanchor_a67" href="#Footnote_a67" class="fnanchor">[a67]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_144">CHAPITRE III.</h3>
+
+<p class="somm">La Foi, la Loi.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p><i>A Gerbellius</i>: «Dans cette cohue de scandales,
+ne te démens pas toi-même. Je te la rends
+pour te soutenir, l'épouse (la foi) que tu m'as montrée
+jadis; je te la rends vierge et sans tache. Mais
+ce qu'il y a en elle d'admirable et d'inouï, c'est
+qu'elle désire et attire une infinité de rivaux, et
+qu'elle est d'autant plus chaste qu'elle est l'épouse
+d'un plus grand nombre.</p>
+
+<hr class="light" />
+
+</div>
+
+<p>»Notre rival, Philippe Mélanchton, te salue.
+Adieu, sois heureux avec la fiancée de ta jeunesse.»
+(23 janvier 1523).</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_145">145</span>
+<i>A Mélanchton.</i> «Sois pécheur, et pèche fortement,
+mais aie encore plus forte confiance, et
+réjouis-toi en Christ, qui est le vainqueur du
+péché, de la mort et du monde. Il faut pécher,
+tant que nous sommes ici. Cette vie n'est point
+le séjour de la justice; non, nous attendons,
+comme dit Pierre, les cieux nouveaux et la terre
+nouvelle où la justice habite.....»</p>
+
+<p>«Prie grandement; car tu es un grand pécheur.»</p>
+
+<p>«Je suis maintenant tout-à-fait dans la doctrine
+de la rémission des péchés<a name="FNanchor_r94" id="FNanchor_r94" href="#Footnote_r94" class="fnanchor">[r94]</a>. Je n'accorde
+rien à la Loi ni à tous les Diables. Celui qui peut
+croire en son c&oelig;ur à la rémission des péchés,
+celui-là est sauvé.»</p>
+
+<p>«De même qu'il est impossible de rencontrer
+dans la nature le point <i>mathématique</i>, <i>indivisible</i>,
+de même l'on ne trouve nulle part la justice telle
+que la Loi la demande. Personne ne peut satisfaire
+à la Loi entièrement, et les juristes eux-mêmes,
+malgré tout leur art, sont bien souvent obligés de
+recourir à la rémission des péchés, car ils n'atteignent
+pas toujours le but, et quand ils ont
+rendu un faux jugement, et que le Diable leur
+tourmente la conscience, ni Barthole, ni Baldus,
+ni tous leurs autres docteurs ne leur servent de
+rien. Pour résister, ils sont forcés de se couvrir
+de l'<ins title="grec: epieikeia">&#7952;&#960;&#953;&#949;&#8055;&#954;&#949;&#953;&#945;</ins>,
+c'est-à-dire de la rémission des
+<span class="pagenum" id="Page_146">146</span>
+péchés. Ils font leur possible pour bien juger, et
+après cela il ne leur reste plus qu'à dire: «Si j'ai
+mal jugé, ô mon Dieu, pardonne-le-moi.»&mdash;C'est
+la théologie seule qui possède le point mathématique,
+elle ne tâtonne pas, elle a le Verbe
+même de Dieu. Elle dit: «Il n'est qu'une justice,
+Jésus-Christ. Qui vit en lui, celui-là est juste.»</p>
+
+<p>»La Loi sans doute est nécessaire, mais non
+pour la béatitude, car personne ne peut l'accomplir;
+mais le pardon des péchés la consomme
+et l'accomplit<a name="FNanchor_r95" id="FNanchor_r95" href="#Footnote_r95" class="fnanchor">[r95]</a>.</p>
+
+<p>»La Loi est un vrai labyrinthe qui ne peut que
+brouiller les consciences, et la justice de la Loi est
+un minotaure, c'est-à-dire une pure fiction qui
+ne nous conduit point à la béatitude, mais nous
+attire en enfer.»</p>
+
+<p><i>Addition de Luther à une lettre de Mélanchton
+sur la Grâce et la Loi...</i>&mdash;«Pour me délivrer
+entièrement de la vue de la loi et des &oelig;uvres,
+je ne me contente pas même de voir en Jésus-Christ
+mon maître, mon docteur et mon donateur,
+je veux qu'il soit lui-même ma doctrine et
+mon don, de telle sorte, qu'en lui je possède
+toute chose<a name="FNanchor_r96" id="FNanchor_r96" href="#Footnote_r96" class="fnanchor">[r96]</a>. Il dit: «Je suis le chemin, la vérité
+et la vie,» non pas: «Je te montre ou je
+te donne le chemin, la vérité et la vie,» comme
+s'il opérait seulement ceci en moi, et que lui-même
+il fût néanmoins en dehors de moi...»&mdash;«Il
+<span class="pagenum" id="Page_147">147</span>
+n'est qu'un seul point dans toute la théologie:
+vraie foi et confiance en Jésus-Christ<a name="FNanchor_r97" id="FNanchor_r97" href="#Footnote_r97" class="fnanchor">[r97]</a>. Cet
+article contient tous les autres.&mdash;«Notre foi est
+un soupir inexprimable.» Et ailleurs: «Nous
+sommes nos propres geôliers. (C'est-à-dire que
+nous nous enfermons dans nos &oelig;uvres, au lieu
+de nous élancer dans la foi<a name="FNanchor_r98" id="FNanchor_r98" href="#Footnote_r98" class="fnanchor">[r98]</a>.)</p>
+
+<p>»Le diable veut seulement une justice <i>active</i>,
+une justice que nous fassions nous-mêmes en
+nous, tandis que nous n'en avons qu'une <i>passive</i>
+et étrangère qu'il ne veut point nous laisser<a name="FNanchor_r99" id="FNanchor_r99" href="#Footnote_r99" class="fnanchor">[r99]</a>.
+Si nous étions bornés à l'<i>active</i>, nous serions
+perdus, car elle est défectueuse dans tous les
+hommes.»</p>
+
+<p>Un docteur anglais, Antonius Barns, demandait
+au docteur Luther si les chrétiens, justifiés
+par la foi en Christ, méritaient quelque chose
+pour les &oelig;uvres qui venaient ensuite<a name="FNanchor_r100" id="FNanchor_r100" href="#Footnote_r100" class="fnanchor">[r100]</a>. Car cette
+question était souvent agitée en Angleterre.
+Réponse: 1<sup>o</sup> Nous sommes encore pécheurs
+après la justification; 2<sup>o</sup> Dieu promet récompense
+à ceux qui font bien. Les &oelig;uvres ne méritent
+point le ciel, mais elles ornent la foi qui
+nous justifie. Dieu ne couronne que les dons
+mêmes qu'il nous a faits.</p>
+
+<p><span class="smcap" lang="la" xml:lang="la">Fidelis animæ vox ad Christum.</span> <i lang="la" xml:lang="la">Ego sum
+tuum peccatum, tu mea justitia; triumpho igitur securus</i>, etc.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_148">148</span>
+«Pour résister au désespoir, il ne suffit pas
+d'avoir de vains mots sur la langue, ni une vaine
+et faible opinion; mais il faut qu'on relève la
+tête, que l'on prenne une âme ferme et que l'on
+se confie en Christ contre le péché, la mort,
+l'enfer, la Loi et la mauvaise conscience<a name="FNanchor_r101" id="FNanchor_r101" href="#Footnote_r101" class="fnanchor">[r101]</a>.»</p>
+
+<p>«Quand la Loi t'accuse et te reproche tes
+fautes, ta conscience te dit: Oui, Dieu a donné
+la Loi et commandé de l'observer sous peine de
+damnation éternelle; il faut donc que tu sois
+damné. A cela tu répondras: Je sais bien que
+Dieu a donné la Loi, mais il a aussi donné par
+son fils l'Évangile qui dit: Celui qui aura reçu le
+baptême et qui croira, sera sauvé. Cet Évangile
+est plus grand que toute la Loi, car la Loi est
+terrestre et nous a été transmise par un homme;
+l'Évangile est céleste et nous a été apporté par le
+Fils de Dieu.&mdash;N'importe, dit la conscience, tu
+as péché et transgressé le commandement de
+Dieu; donc tu seras damné.&mdash;<i>Réponse</i>: Je sais
+fort bien que j'ai péché, mais l'Évangile m'affranchit
+de mes péchés, parce que je crois en
+Jésus, et cet Évangile est élevé au-dessus de la
+Loi autant que le ciel l'est au-dessus de la terre.
+C'est pourquoi le corps doit rester sur la terre et
+porter le fardeau de la Loi, mais la conscience
+monter, avec Isaac, sur la montagne, et s'attacher
+à l'Évangile, qui promet la vie éternelle à
+<span class="pagenum" id="Page_149">149</span>
+ceux qui croient en Jésus-Christ.&mdash;N'importe,
+dit encore la conscience, tu iras en enfer; tu n'as
+pas observé la Loi.&mdash;<i>Réponse</i>: Oui, si le ciel
+ne venait à mon secours; mais il est venu à mon
+secours, il s'est ouvert pour moi; le Seigneur a
+dit: Celui qui sera baptisé et qui croira, sera
+sauvé.»</p>
+
+<p>«Dieu dit à Moïse: Tu verras mon dos, mais
+non point mon visage<a name="FNanchor_r102" id="FNanchor_r102" href="#Footnote_r102" class="fnanchor">[r102]</a>. Le dos c'est la Loi, le
+visage c'est l'Évangile.»</p>
+
+<p>«La Loi ne souffre pas la Grâce, et à son tour
+la Grâce ne souffre pas la Loi. La Loi est donnée
+seulement aux orgueilleux, aux arrogans, à la
+noblesse, aux paysans, aux hypocrites et à ceux
+qui ont mis leur amour et leur plaisir dans la
+multitude des lois. Mais la Grâce est promise aux
+pauvres c&oelig;urs souffrans, aux humbles, aux affligés;
+c'est eux que regarde le pardon des péchés.
+A la Grâce appartiennent maître Nicolas
+Hausmann, Cordatus, Philippe (Mélanchton) et
+moi.»</p>
+
+<p>«Il n'y a point d'auteur, excepté saint Paul,
+qui ait écrit d'une manière complète et parfaite
+sur la Loi, car c'est la mort de toute raison de
+juger la Loi: l'esprit en est le seul juge.»
+(15 août 1530.)</p>
+
+<p>«La bonne et véritable théologie consiste dans
+la pratique, l'usage et l'exercice. Sa base et son
+<span class="pagenum" id="Page_150">150</span>
+fondement, c'est le Christ, dont on comprend
+avec la foi, la passion, la mort et la résurrection.
+Ils se font aujourd'hui, pour eux, une <i>théologie
+spéculative</i> d'après la raison. Cette <i>théologie spéculative</i>
+appartient au diable dans l'enfer. Ainsi
+Zwingle et les sacramentaires <i>spéculent</i> que le
+corps du Christ est dans le pain, mais seulement
+dans le sens spirituel. C'est aussi la théologie
+d'Origène. David n'agit pas ainsi, mais il reconnaît
+ses péchés et dit: <i lang="la" xml:lang="la">Miserere mei Domine!</i>»</p>
+
+<p>«J'ai vu naguère deux signes au ciel. Je regardais
+par la fenêtre au milieu de la nuit, et je vis
+les étoiles et toute la voûte majestueuse de Dieu
+se soutenir sans que je pusse apercevoir les colonnes
+sur lesquelles le Maître avait appuyé cette
+voûte. Cependant elle ne s'écroulait pas. Il y en
+a maintenant qui cherchent ces colonnes et qui
+voudraient les toucher de leurs mains. Mais
+comme ils n'y peuvent arriver, ils tremblent,
+se lamentent, et craignent que le ciel ne tombe.
+Ils pourraient les toucher que le ciel n'en bougerait
+pas.</p>
+
+<p>»Plus tard je vis de gros nuages, tout chargés,
+qui flottaient sur ma tête comme un océan. Je
+n'apercevais nul appui qui les pût soutenir.
+Néanmoins, ils ne tombaient pas, mais nous saluaient
+tristement et passaient. Et comme ils
+passaient, je distinguai dessous la courbe qui les
+<span class="pagenum" id="Page_151">151</span>
+avait soutenus, un délicieux arc-en-ciel. Mince
+il était sans doute, bien délicat, et l'on devait
+trembler pour lui en voyant la masse des nuages.
+Cependant cette ligne aérienne suffisait pour porter
+cette charge et nous protéger. Nous en voyons
+toutefois qui craignent le poids du nuage, et ne
+se fient pas au léger soutien; ils voudraient bien
+en éprouver la force, et, ne le pouvant, ils
+craignent que les nuages ne fondent et ne nous
+abîment de leurs flots..... Notre arc-en-ciel est
+faible, leurs nuages sont lourds. Mais la fin jugera
+de la force de l'arc. <i lang="la" xml:lang="la">Sed in fine videbitur
+cujus toni.</i>»<a name="FNanchor_a68" id="FNanchor_a68" href="#Footnote_a68" class="fnanchor">[a68]</a> (août 1530.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_152">CHAPITRE IV.</h3>
+
+<p class="somm">Des novateurs: Mystiques, etc.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>«Le comment nous réussit mal, c'est la cause
+de la ruine d'Adam.</p>
+
+<p>»Je crains deux choses: l'épicuréisme et l'enthousiasme,
+deux sectes qui doivent régner encore.</p>
+
+</div>
+
+<p>»Otez le décalogue, il n'y a plus d'hérésie.
+L'Écriture sainte est le livre de tous les hérétiques<a name="FNanchor_a69" id="FNanchor_a69" href="#Footnote_a69" class="fnanchor">[a69]</a>.»</p>
+
+<p>Luther nommait les esprits séditieux et présomptueux,
+«des saints précoces qui, avant la maturité,
+étaient piqués des vers et au moindre vent
+tombaient de l'arbre. Les rêveurs (schwermer)
+<span class="pagenum" id="Page_153">153</span>
+sont comme les papillons. D'abord c'est une chenille
+qui se pend à un mur, s'y fait une petite
+maison, éclot à la chaleur du soleil, et s'envole
+en papillon. Le papillon meurt sur un arbre et
+laisse une longue traînée d'&oelig;ufs.»</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther disait au sujet des
+faux frères et hérétiques qui se séparent de nous,
+qu'il fallait les laisser faire et ne pas s'en inquiéter;
+s'ils ne nous écoutent point, nous les enverrons
+avec tous leurs beaux semblans en enfer<a name="FNanchor_r103" id="FNanchor_r103" href="#Footnote_r103" class="fnanchor">[r103]</a>.</p>
+
+<p>«Quand je commençai à écrire contre les indulgences,
+je fus pendant trois ans tout seul, et
+personne ne me tendait la main<a name="FNanchor_r104" id="FNanchor_r104" href="#Footnote_r104" class="fnanchor">[r104]</a>. Aujourd'hui ils
+veulent tous triompher. J'aurais bien assez de
+mal avec mes ennemis sans celui que me font mes
+bons petits frères. Mais qui peut résister à tous?
+ce sont des jeunes gens tout frais, qui n'ont
+rien fait jusqu'ici; moi je suis vieux maintenant,
+et j'ai eu de grandes peines, de grands travaux.
+Osiander peut faire le fier; il a du bon temps; il
+a deux prédications à faire par semaine et quatre
+cents florins par an.»</p>
+
+<p>«En 1521, il vint chez moi l'un de ceux de
+Zwickau, du nom de Marcus, assez affable dans
+ses manières, mais frivole dans ses opinions et
+dans sa vie<a name="FNanchor_r105" id="FNanchor_r105" href="#Footnote_r105" class="fnanchor">[r105]</a>. Il voulait conférer avec moi au sujet
+de sa doctrine. Comme il ne parlait que de choses
+étrangères à l'Écriture, je lui dis que je ne reconnaissais
+<span class="pagenum" id="Page_154">154</span>
+que la parole de Dieu, et que, s'il
+voulait établir autre chose, il devait au moins
+prouver sa mission par des miracles. Il me répondit:
+«Des miracles? ah! vous en verrez dans
+sept ans. Dieu même ne pourrait m'enlever ma
+foi.» Il dit aussi: «Je vois de suite si quelqu'un
+est élu ou non.»&mdash;Après qu'il m'eut beaucoup
+parlé du <i>talent</i> qu'il ne fallait pas enfouir, du
+<i>dégrossissement</i>, de l'<i>ennui</i>, de l'<i>attente</i>, je lui
+demandai qui comprenait cette langue. Il me répondit
+qu'il ne prêchait que devant les disciples
+croyans et habiles. Comment vois-tu qu'ils sont
+habiles? lui dis-je.&mdash;Je n'ai qu'à les regarder,
+répondit-il, pour voir leur <i>talent</i>.&mdash;Quel <i>talent</i>,
+mon ami, trouves-tu en moi par exemple?&mdash;Vous
+êtes encore au premier degré de la mobilité,
+me répondit-il, mais il viendra un temps
+où vous serez au premier de l'immobilité comme
+moi.&mdash;Sur ce, je lui citai plusieurs textes de
+l'Écriture et nous nous séparâmes. Quelque
+temps après, il m'écrivit une lettre très amicale,
+pleine d'exhortations; mais je lui répondis:
+Adieu, cher Marcus.</p>
+
+<p>»Plus tard, il vint chez moi un tourneur qui
+se disait aussi prophète. Il me rencontra au moment
+où je sortais de ma maison, et me dit d'un
+ton hardi: «Monsieur le docteur, je vous apporte
+un message de mon Père.&mdash;Qui est donc ton
+<span class="pagenum" id="Page_155">155</span>
+père? lui dis-je.&mdash;Jésus-Christ, répondit-il.&mdash;C'est
+notre père commun, lui dis-je; que t'a-t-il
+ordonné de m'annoncer?&mdash;Je dois vous annoncer,
+de la part de mon père, que Dieu est irrité
+contre le monde.&mdash;Qui te l'a dit?&mdash;Hier, en
+sortant par la porte de Koswick, j'ai vu dans l'air
+un petit nuage de feu; cela prouve évidemment
+que Dieu est irrité<a name="FNanchor_a70" id="FNanchor_a70" href="#Footnote_a70" class="fnanchor">[a70]</a>.» Il me parla encore d'un
+autre signe. «Au milieu d'un sommeil profond,
+dit-il, j'ai vu des ivrognes assis à table, qui disaient:
+Buvons, buvons; et la main de Dieu
+était au-dessus d'eux. Soudain l'un d'eux me versa
+de la bière sur la tête et je m'éveillai.»&mdash;Écoute,
+mon ami, lui dis-je alors, ne plaisante pas ainsi
+avec le nom et les ordres de Dieu; et je le réprimandai
+vivement. Quand il vit dans quelles dispositions
+j'étais à son égard, il s'en alla tout en
+colère et murmurant: «Sans doute quiconque
+ne pense pas comme Luther est un fou.»</p>
+
+<p>»Une autre fois encore, j'eus affaire à un
+homme des Pays-Bas. Il voulait disputer avec moi
+<i>jusqu'au feu inclusivement</i>, disait-il. Quand je
+vis son ignorance, je lui dis: «Ne vaudrait-il
+pas mieux que nous disputassions sur quelques
+canettes de bière?» Ce mot le fâcha, et il s'en
+alla. Le diable est un esprit orgueilleux; il ne
+saurait souffrir qu'on le méprise.»</p>
+
+<p>Maître Stiefel vint à Wittemberg, parla secrètement
+<span class="pagenum" id="Page_156">156</span>
+avec le docteur Luther, et lui montra son
+opinion en vingt articles, sur le jugement dernier<a name="FNanchor_r106" id="FNanchor_r106" href="#Footnote_r106" class="fnanchor">[r106]</a>.
+Il pensait que le jugement aurait lieu le
+jour de saint Luc. On lui dit de se tenir tranquille
+et de n'en point parler; ce qui le chagrina
+fort. «Cher seigneur docteur, dit-il, je m'étonne
+que vous me défendiez de prêcher ceci, et que
+vous ne vouliez pas me croire. Il est cependant
+sûr que je dois en parler, quoique je ne le fasse
+point volontiers.» Le docteur Luther lui répliqua:
+«Cher maître, vous avez bien pu vous taire dix
+ans sur ce sujet, pendant le règne de la papauté;
+tenez-vous encore tranquille pour le peu de temps
+qui reste.&mdash;Mais ce matin même, comme je me
+mettais en marche de bonne heure, j'ai vu un
+arc-en-ciel très beau, et j'ai pensé à la venue du
+Christ.&mdash;Non, il n'y aura point alors d'arc-en-ciel;
+d'un même coup le feu du tonnerre consumera
+toute créature. Un fort et puissant son
+de trompette nous réveillera tous. Ce n'est pas
+avec le son du chalumeau que l'on se fera entendre
+sur-le-champ à ceux qui sont dans la
+tombe.» (1533.)</p>
+
+<p>«Michel Stiefel croit être le septième ange qui
+annonce le dernier jour<a name="FNanchor_a71" id="FNanchor_a71" href="#Footnote_a71" class="fnanchor">[a71]</a>; il donne ses livres et
+ses meubles, comme s'il n'en avait plus besoin.</p>
+
+<p>»Bileas est certainement damné, quoiqu'il ait
+eu de bien grandes révélations, pas moindres
+<span class="pagenum" id="Page_157">157</span>
+que celles de Daniel; car il embrasse aussi les
+quatre empires<a name="FNanchor_r107" id="FNanchor_r107" href="#Footnote_r107" class="fnanchor">[r107]</a>. C'est un terrible exemple pour
+les orgueilleux. Oh! humilions-nous.»</p>
+
+<p>»Le docteur Jeckel est un compagnon de
+l'espèce de Eisleben (Agricola)<a name="FNanchor_r108" id="FNanchor_r108" href="#Footnote_r108" class="fnanchor">[r108]</a>. Il faisait la cour à
+ma nièce Anna; mais je lui dis: «Cela ne doit
+point se faire, dans toute l'éternité!» Et à la petite
+fille: «Si tu veux l'avoir, ôte-toi pour toujours
+de devant mes yeux; je ne veux plus te
+voir ni t'entendre.»</p>
+
+<p>Le duc Henri de Saxe étant venu à Wittemberg,
+le docteur Martin Luther lui parla deux
+fois contre le docteur Jeckel, et exhorta le prince
+à songer aux maux de l'Église. Jeckel avait prêché
+la doctrine suivante: «Fais ce que tu veux, crois
+seulement, tu seras sauvé.&mdash;Il faudrait dire:
+Quand tu seras <i>rené</i>, et devenu un nouvel
+homme, fais alors ce qui se présente à toi. Les
+sots ne savent point ce que c'est que la foi...»
+Un pasteur de Torgau vint se plaindre au docteur
+Luther de l'insolence et de l'hypocrisie du
+docteur Jeckel, qui, par ses ruses, avait attiré
+à lui tous ceux de la noblesse, du conseil, et le
+prince même. Le docteur l'ayant entendu, frémit,
+soupira, se tut, et se mit en prière; et le
+même jour, il ordonna qu'on exigeât d'Eisleben
+(Agricola), qu'il fît une rétractation publique,
+ou qu'il fût publiquement confondu.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_158">158</span>
+«Le docteur Luther faisant reproche à Jeckel
+de ce qu'ayant si peu d'expérience, étant si peu
+exercé dans la dialectique et la rhétorique, il
+osait entreprendre de telles choses contre ses
+maîtres et précepteurs, il répondit<a name="FNanchor_r109" id="FNanchor_r109" href="#Footnote_r109" class="fnanchor">[r109]</a>: «Je dois
+craindre Dieu plus que mes précepteurs; j'ai un
+Dieu aussi bien que vous...» Le docteur Jeckel
+se mit ensuite à table pour souper; il avait l'air
+sombre; et le docteur Luther se curait les dents,
+ainsi que les convives venus de Freyberg. Alors
+Luther se mit à dire: «Si j'avais rendu la cour
+aussi pieuse que vous le monde, j'aurais bien
+travaillé, etc.» Et Jeckel se tenait toujours avec
+un air sombre, les yeux baissés, montrant, par
+cette contenance, ce qu'il avait en esprit. Enfin
+Luther se leva, et voulut sortir; Jeckel aurait
+encore bien voulu s'expliquer et discuter
+avec lui; mais le docteur ne voulut plus lui
+parler.»</p>
+
+<p><i>Des Antinomiens, et particulièrement d'Eisleben
+(Agricola)<a name="FNanchor_r110" id="FNanchor_r110" href="#Footnote_r110" class="fnanchor">[r110]</a>.</i>&mdash;«Ah! combien cela fait mal,
+quand on perd un bon ami qu'on aimait beaucoup!
+J'ai eu cet homme-là à ma table; il a été
+mon bon compagnon, il riait avec moi, il était
+gai... et voilà qu'il se met contre moi!... Cela
+n'est point à souffrir. Rejeter la loi sans laquelle
+il n'y a ni église, ni gouvernement, cela ne s'appelle
+pas percer le tonneau, mais le défoncer....
+<span class="pagenum" id="Page_159">159</span>
+C'est le moment de combattre... Puis-je le voir
+s'enorgueillir pendant ma vie, et vouloir gouverner?...
+Il ne suffit pas qu'il dise, pour s'excuser,
+qu'il n'a parlé que du docteur Creuziger et de
+maître Roerer. Le Catéchisme, l'Explication du
+décalogue et la Confession d'Augsbourg, sont
+miens, et non point à Creuziger ou à Roerer... Il
+veut enseigner la pénitence par l'amour de la justice.
+Ainsi, il ne prêche qu'aux hommes justes et
+pieux la révélation du courroux divin. Il ne prêche
+pas pour les impies. Cependant saint Paul dit:
+<i>La Loi est donnée aux injustes</i>. En somme, en
+ôtant la Loi, il ôte aussi l'Évangile; il tire notre
+croyance du ferme appui de la conscience, pour
+la soumettre aux caprices de la chair.</p>
+
+<p>»Qui aurait pensé à la secte des antinomiens<a name="FNanchor_r111" id="FNanchor_r111" href="#Footnote_r111" class="fnanchor">[r111]</a>?...
+J'ai surmonté trois cruels orages: Münzer, les
+sacramentaires et les anabaptistes. Il faudra donc
+écrire sans fin! Je ne désire pas vivre long-temps,
+car il n'y a plus de paix à espérer.» (1538.)</p>
+
+<p>Le docteur Luther ordonna à maître Ambroise
+Bernd d'apprendre aux professeurs de l'université
+à ne point être factieux, à ne point préparer
+de schisme, et il défendit que maître Eisleben fût
+élu doyen... «Dites cela à vos facultistes, et s'ils
+n'en font rien, je prêcherai contre eux.» (1539.)</p>
+
+<p>Le dernier jour de novembre, Luther était
+en joie et en gaîté avec ses cousins, son frère, sa
+<span class="pagenum" id="Page_160">160</span>
+s&oelig;ur, et quelques bons amis de Mansfeld. On
+fit mention de maître Grickel, et ils le priaient
+pour lui. Le docteur répondit: «J'ai tenu cet
+homme-là pour mon plus fidèle ami; mais il m'a
+trompé par ses ruses, j'écrirai bientôt contre lui;
+qu'il y prenne garde; il n'y a en lui aucune pénitence.»
+(1538.)</p>
+
+<p>«J'ai eu tant de confiance en cet homme-là
+(Eisleben), que, lorsque j'allai à Smalkalde,
+en 1537, je lui recommandai ma chaire, mon
+Église, ma femme, mes enfans, ma maison,
+tout ce que j'avais de secret<a name="FNanchor_r112" id="FNanchor_r112" href="#Footnote_r112" class="fnanchor">[r112]</a>.»</p>
+
+<p>Le dernier jour de janvier, 1539, au soir, le
+docteur Luther lut les propositions qu'Eisleben
+allait soutenir contre lui; il y avait mis je ne sais
+quelles absurdités de Saül et de Jonathas (J'ai
+mangé un peu de miel et c'est pour cela que je
+meurs). «Jonathas, dit Luther, c'est maître Eisleben
+qui mange le miel et prêche l'Évangile; Saül,
+c'est Luther... Ah! Eisleben, es-tu donc un tel...
+Oh! Dieu te pardonne ton amertume!»</p>
+
+<p>«Si la Loi est ainsi renvoyée de l'Église au conseil,
+à l'autorité civile, celle-ci dira à son tour:
+Nous sommes aussi de fidèles chrétiens, la Loi ne
+nous regarde point. Le bourreau finira par en dire
+autant. Il n'y aura plus que grâce, douceur, et
+bientôt caprices effrénés et scélératesse. Ainsi
+commença Münzer.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_161">161</span>
+En 1540, Luther donna un repas auquel assistèrent
+les principaux membres de l'Université<a name="FNanchor_r113" id="FNanchor_r113" href="#Footnote_r113" class="fnanchor">[r113]</a>.
+Vers la fin du repas, quand tout le monde fut
+en belle humeur, un verre à cercles de couleurs
+fut apporté. Luther y versa du vin et le vida
+à la santé des convives. Ceux-ci lui rendirent
+son salut en vidant le verre chacun à son tour, à
+la santé de leur hôte. Quand ce fut le tour de
+maître Eisleben, Luther lui présenta le verre en
+disant: «Mon cher, ce qui, dans ce verre, est
+au-dessus du premier cercle, ce sont les dix commandemens;
+de là jusqu'au second, c'est le <i>credo</i>;
+jusqu'au troisième c'est le <i>pater noster</i>; le catéchisme
+est au fond.» Puis il le vida lui-même,
+le fit remplir de nouveau et le donna à maître
+Eisleben. Celui-ci n'alla point au-delà du premier
+cercle, il remit le verre sur la table et ne le
+put regarder sans une espèce d'horreur. Luther
+le vit, et il dit aux convives: «Je savais bien
+que maître Eisleben ne boirait qu'aux Commandemens,
+et qu'il laisserait le <i>credo</i>, le <i>pater noster</i>
+et le catéchisme.»</p>
+
+<p>Maître Jobst étant à la table de Luther, lui
+montra des propositions d'après lesquelles on
+ne devait point prêcher la Loi, puisque ce n'est
+pas elle qui nous justifie<a name="FNanchor_r114" id="FNanchor_r114" href="#Footnote_r114" class="fnanchor">[r114]</a>. Luther s'emporta et
+dit: «Faut-il que les nôtres commencent de
+telles choses, même de notre vivant. Ah! combien
+<span class="pagenum" id="Page_162">162</span>
+nous devons honorer maître Philippe (Mélanchton),
+qui enseigne avec clarté et vérité
+l'usage et l'utilité de la Loi. Elle se vérifie, la
+prophétie du comte Albert de Mansfeld qui m'écrivait:
+<i>Il y a derrière cette doctrine un Münzer</i>.
+En effet celui qui détruit la doctrine de la Loi,
+détruit en même temps <i lang="la" xml:lang="la">politicam et &oelig;conomiam</i>. Si
+l'on met la Loi en dehors de l'Église, il n'y aura
+plus de péché reconnu dans le monde: car l'Évangile
+ne définit et ne punit le péché qu'en recourant
+à la Loi.» (1541.)</p>
+
+<p>«Si, au commencement, j'ai dans ma doctrine
+parlé et écrit si durement contre la Loi, cela est
+venu de ce que l'Église chrétienne était chargée
+de superstitions, sous lesquelles Christ était
+tout-à-fait obscurci et enterré<a name="FNanchor_r115" id="FNanchor_r115" href="#Footnote_r115" class="fnanchor">[r115]</a>. Je voulais sauver
+et affranchir de cette tyrannie de la conscience
+les âmes pieuses et craignant Dieu. Mais je n'ai
+jamais rejeté la Loi...»<a name="FNanchor_a72" id="FNanchor_a72" href="#Footnote_a72" class="fnanchor">[a72]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_163">CHAPITRE V.</h3>
+
+<p class="somm">Tentations: Regrets et doutes des amis, de la femme; Doutes
+de Luther lui-même.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Maître Philippe Mélanchton dit un jour la
+fable suivante à la table du docteur Martin Luther<a name="FNanchor_r116" id="FNanchor_r116" href="#Footnote_r116" class="fnanchor">[r116]</a>:
+«Un homme avait pris un petit oiseau, et
+le petit oiseau aurait bien voulu être libre, et il
+disait à l'homme: O mon bon ami, lâche-moi,
+je te montrerai une belle perle qui vaut bien des
+milliers de florins! Tu me trompes, dit l'homme.
+Oh non! aie confiance, viens avec moi, je vais
+te la montrer. L'homme lâche l'oiseau, qui se
+perche sur un arbre et lui chante: <i lang="la" xml:lang="la">Crede parùm,
+tua serva, et quæ periêre, relinque</i> (ne te confie
+<span class="pagenum" id="Page_164">164</span>
+pas trop, garde bien le tien, laisse ce qui est
+perdu sans retour). C'était en effet une belle
+perle qu'il lui laissait.»</p>
+
+</div>
+
+<p>«Philippe me demandait une fois que je voulusse
+lui tirer de la Bible une devise, mais telle
+qu'il ne s'en lassât point<a name="FNanchor_r117" id="FNanchor_r117" href="#Footnote_r117" class="fnanchor">[r117]</a>. On ne peut rien donner
+à l'homme dont il ne se lasse.»</p>
+
+<p>«Si Philippe n'eût pas été si affligé par les
+tentations, il aurait des idées et des opinions
+singulières<a name="FNanchor_r118" id="FNanchor_r118" href="#Footnote_r118" class="fnanchor">[r118]</a>.»</p>
+
+<p>Le paradis de Luther est très grossier. Il croit
+que, dans le nouveau ciel et la nouvelle terre, il
+y aura aussi des animaux utiles<a name="FNanchor_r119" id="FNanchor_r119" href="#Footnote_r119" class="fnanchor">[r119]</a>. «Je pense souvent
+à la vie éternelle et aux joies que l'on doit y
+trouver, mais je ne puis comprendre à quoi nous
+y passerons le temps, car il n'y aura aucun changement,
+aucun travail, ni boire, ni manger, ni
+affaire; mais je pense que nous aurons assez
+d'objets à contempler. Sur cela, Philippe Mélanchton
+dit très bien: Maître, montrez-nous le
+Père; cela nous suffit.»</p>
+
+<p>«Les paysans ne sont pas dignes de tant de
+fruits que porte la terre<a name="FNanchor_r120" id="FNanchor_r120" href="#Footnote_r120" class="fnanchor">[r120]</a>. Je remercie plus notre
+Seigneur pour un arbre que tous les paysans
+pour tous leurs champs. Ah! <i lang="la" xml:lang="la">domine doctor</i>, dit
+Mélanchton, exceptez-en quelques-uns, tels
+qu'Adam, Noë, Abraham, Isaac.»</p>
+
+<p>«Le docteur Jonas disait à souper: Ah!
+<span class="pagenum" id="Page_165">165</span>
+comme saint Paul parle magnifiquement de sa
+mort. Je ne puis pourtant le croire<a name="FNanchor_r121" id="FNanchor_r121" href="#Footnote_r121" class="fnanchor">[r121]</a>.&mdash;Il me semble
+aussi, dit le docteur Luther, que saint Paul lui-même
+ne pouvait penser sur cette matière avec
+autant de force qu'il parlait; moi-même, malheureusement,
+je ne puis sur cet article croire aussi
+fortement que prêcher, parler et écrire, aussi
+fortement que d'autres gens s'imaginent que je
+crois. Et il ne serait peut-être pas bon que nous
+fissions tout ce que Dieu commande, car c'en
+serait fait de sa divinité; il se trouverait menteur,
+et ne pourrait rester véridique dans ses
+paroles.»</p>
+
+<p>«Un méchant et horrible livre contre la sainte
+Trinité ayant été publié par l'impression, en 1532,
+le docteur Martin Luther dit<a name="FNanchor_r122" id="FNanchor_r122" href="#Footnote_r122" class="fnanchor">[r122]</a>: «Ces esprits chimériques
+ne croient pas que d'autres gens aient
+eu aussi des tentations sur cet article. Mais pourquoi
+opposer ma pensée à la parole de Dieu et
+au Saint-Esprit (<i lang="la" xml:lang="la">opponere meam cogitationem verbo
+Dei, et spiritui sancto</i>)? Cette opposition ne soutient
+pas l'examen.»</p>
+
+<p>La femme du docteur lui disait<a name="FNanchor_r123" id="FNanchor_r123" href="#Footnote_r123" class="fnanchor">[r123]</a>: «Seigneur
+docteur, d'où vient que sous la papauté nous
+priions si souvent et avec tant de ferveur, tandis
+qu'aujourd'hui notre prière est tout-à-fait
+froide, et nous prions rarement?» Le docteur
+répondit: «Le diable pousse sans cesse ses
+<span class="pagenum" id="Page_166">166</span>
+serviteurs à pratiquer diligemment son culte.»</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther exhortait sa femme
+à lire et écouter avec soin la parole de Dieu, particulièrement
+le psautier<a name="FNanchor_r124" id="FNanchor_r124" href="#Footnote_r124" class="fnanchor">[r124]</a>. Elle répondit qu'elle
+l'écoutait suffisamment, et en lisait chaque jour;
+qu'elle pourrait même, s'il plaisait à Dieu, en
+répéter beaucoup de choses. Le docteur soupira
+et dit: «Ainsi commence le dégoût de la parole
+de Dieu. C'est le signe d'un mal futur. Il viendra
+de nouveaux livres, et la sainte Écriture sera
+méprisée, jetée dans un coin, et comme on dit:
+sous la table.»</p>
+
+<p>Luther demandait à sa femme si elle aussi
+croyait qu'elle fût sainte? Elle s'en étonna, et
+dit: «Comment puis-je être sainte, je suis une
+grande pécheresse.» Il dit alors: «Voyez pourtant
+l'horreur de la doctrine papale, comme elle
+a blessé les c&oelig;urs et préoccupé tout l'homme
+intérieur. Ils ne sont plus capables de rien voir,
+hors la piété et la sainteté personnelle et extérieure
+des &oelig;uvres que l'homme même fait pour
+soi.»</p>
+
+<p>«Le <i>Pater noster</i> et la foi, me rassurent contre
+le diable<a name="FNanchor_r125" id="FNanchor_r125" href="#Footnote_r125" class="fnanchor">[r125]</a>. Ma petite Madeleine et mon petit Jean
+prient en outre pour moi, ainsi que beaucoup
+d'autres chrétiens... J'aime ma Catherine, je
+l'aime plus que moi-même, car je voudrais mourir
+plutôt que de lui voir arriver du mal à elle
+<span class="pagenum" id="Page_167">167</span>
+et à ses enfans; j'aime aussi mon Seigneur Jésus-Christ
+qui, par pure miséricorde, a versé son
+sang pour moi; mais ma foi devrait être beaucoup
+plus grande et plus vive. O mon Dieu! ne
+juge point ton serviteur<a name="FNanchor_r126" id="FNanchor_r126" href="#Footnote_r126" class="fnanchor">[r126]</a>!»</p>
+
+<p>«Ce qui ne contribue pas peu à affliger et
+tenter les c&oelig;urs, c'est que Dieu semble capricieux
+et changeant. Il a donné à Adam des promesses
+et des cérémonies, et cela a fini avec
+l'arc-en-ciel et l'arche de Noé. Il a donné à
+Abraham la circoncision, à Moïse des signes miraculeux,
+à son peuple la Loi; mais au Christ, et
+par le Christ, l'Évangile, qui est considéré comme
+annulant tout cela. Et voilà que les Turcs effacent
+cette voix divine, et disent: Votre loi durera
+bien quelque temps, mais elle finira par être
+changée.» (Luther n'ajoute aucune réflexion.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_168">CHAPITRE VI.</h3>
+
+<p class="somm">Le diable.&mdash;Tentations.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>«Une fois, dans notre cloître à Wittemberg,
+j'ai entendu distinctement le bruit que faisait
+le diable. Comme je commençais à lire le psautier,
+après avoir chanté matines, que j'étais assis,
+que j'étudiais et que j'écrivais pour ma leçon,
+le diable vint et fit trois fois du bruit
+derrière mon poêle, comme s'il en eût traîné un
+boisseau. Enfin, comme il ne voulait point finir,
+je rassemblai mes petits livres et allai me mettre
+au lit... Je l'entendis encore une nuit au-dessus
+de ma chambre dans le cloître; mais comme je
+<span class="pagenum" id="Page_169">169</span>
+remarquai que c'était le diable, je n'y fis pas
+attention et me rendormis.»</p>
+
+</div>
+
+<p>«Une jeune fille qui était l'amie du vieil économe
+à Wittemberg, se trouvant malade, il se
+présenta à elle une vision comme si c'eût été le
+Christ sous une forme belle et magnifique; elle y
+crut et se mit à prier cette figure<a name="FNanchor_r127" id="FNanchor_r127" href="#Footnote_r127" class="fnanchor">[r127]</a>. On envoya en
+hâte au cloître chercher le docteur Luther. Lorsqu'il
+eût vu la figure, qui n'était qu'un jeu et
+une singerie du diable, il exhorta la fille à ne pas
+se laisser duper ainsi. En effet, dès qu'elle eut
+craché au visage du fantôme, le diable disparut,
+la figure se changea en un grand serpent qui courut
+à la fille et la mordit à l'oreille, de sorte que
+le sang coula. Le serpent s'évanouit bientôt. Le
+docteur Luther vit la chose de ses propres yeux,
+avec beaucoup d'autres personnes.» (L'éditeur des
+Conversations ne dit point tenir cette histoire de
+Luther.)</p>
+
+<p>Un pasteur des environs de Torgau se plaignait
+à Luther que le diable faisait la nuit, un bruit,
+un tumulte et un renversement extraordinaires
+dans sa maison, qu'il lui cassait ses pots et sa
+vaisselle de bois, lui jetait les morceaux à la tête,
+et riait ensuite. Il faisait ce manége depuis un
+an, et ni sa femme, ni ses enfans ne voulaient
+plus rester dans la maison<a name="FNanchor_r128" id="FNanchor_r128" href="#Footnote_r128" class="fnanchor">[r128]</a>. Luther dit au pasteur:
+«Cher frère, sois fort dans le Seigneur,
+<span class="pagenum" id="Page_170">170</span>
+ne cède point à ce meurtrier de diable. Si l'on
+n'a point invité et attiré cet hôte chez soi par ses
+péchés, on peut lui dire: <i lang="la" xml:lang="la">Ego auctoritate divinâ
+hic sum pater familias et vocatione c&oelig;lesti pastor
+ecclesiæ</i>; mais toi, diable, tu te glisses dans
+cette maison comme un voleur et un meurtrier.
+Pourquoi ne restes-tu pas dans le ciel? Qui t'a
+invité ici?»</p>
+
+<p><i>Sur une possédée.</i> «Puisque ce diable est un
+esprit jovial, et qu'il se moque de nous tout à
+son aise, il nous faut d'abord prier sérieusement
+pour la jeune fille qui souffre ainsi à cause de nos
+péchés. Ensuite il faut mépriser cet esprit et s'en
+rire, mais ne pas aller l'éprouver par des exorcismes
+et autres choses sérieuses, parce que la
+superbe diabolique se rit de tout cela. Persévérons
+dans la prière pour la jeune fille et
+dans le mépris pour le diable, et enfin, avec la
+grâce du Christ, il se retirera. Il serait bon aussi
+que les princes voulussent réformer leurs vices,
+dans lesquels cet esprit malin nous montre qu'il
+triomphe. Je te prie, puisque c'est une chose digne
+d'être publiée, de t'informer exactement de
+toutes les circonstances; pour écarter toute
+fraude, assure-toi si les pièces d'or que cette fille
+avale sont de vraies pièces d'or, et de bon aloi.
+Car j'ai été jusqu'à présent obsédé de tant de
+fourberies, de ruses, de machinations, de mensonges,
+<span class="pagenum" id="Page_171">171</span>
+d'artifices, que je ne me prête plus aisément
+à rien croire que je n'aie vu faire et dire.»
+(5 août 1536.)</p>
+
+<p>«Que ce pasteur n'ait pas la conscience troublée
+de ce qu'il a enseveli cette femme qui s'était
+tuée elle-même, si toutefois elle s'est tuée.
+Je connais beaucoup d'exemples semblables,
+mais je juge ordinairement que les gens ont été
+tués simplement et immédiatement par le diable,
+comme un voyageur est tué par un brigand. Car,
+lorsqu'il est évident que le suicide n'a pu avoir
+lieu naturellement, quand il s'agit d'une corde,
+d'une ceinture ou (comme dans le cas dont tu me
+parles) d'un voile pendant et sans n&oelig;ud, qui ne
+tuerait pas même une mouche, il faut croire, selon
+moi, que c'est le diable qui fascine les hommes
+et leur fait croire qu'ils font toute autre chose, par
+exemple une prière; et cependant le diable les tue.
+Néanmoins le magistrat fait bien de punir avec la
+même sévérité, de peur que Satan ne prenne
+courage pour s'introduire. Le monde mérite bien
+de tels avertissemens, puisqu'il épicurise et pense
+que le démon n'est rien.» (1<sup>er</sup> décembre 1544.)</p>
+
+<p>«Satan a voulu tuer notre prieur, en jetant sur
+lui un pan de mur. Mais Dieu l'a miraculeusement
+sauvé.» (4 juillet 1524.)</p>
+
+<p>«Les fous, les boiteux, les aveugles, les
+muets sont des hommes chez qui les démons se
+<span class="pagenum" id="Page_172">172</span>
+sont établis. Les médecins qui traitent ces infirmités,
+comme ayant des causes naturelles, sont
+des ignorans qui ne connaissent point toute la
+puissance du démon.» (14 juillet 1528.)</p>
+
+<p>»Il y a des lieux dans beaucoup de pays, où
+habitent les diables<a name="FNanchor_r129" id="FNanchor_r129" href="#Footnote_r129" class="fnanchor">[r129]</a>. La Prusse a grand nombre
+de mauvais esprits. En Suisse, non loin de Lucerne,
+sur une haute montagne, il y a un lac
+qu'on appelle l'étang de Pilate; le diable y est
+établi d'une manière terrible. Dans mon pays,
+il y a un étang situé de même. Si l'on y jette une
+pierre, il s'élève un grand orage, et tout le pays
+tremble à l'entour. C'est une habitation de diables
+qui y sont prisonniers.</p>
+
+<p>»Le diable a emporté à Sussen, le jour du
+vendredi saint, trois écuyers qui s'étaient voués
+à lui.»(1538.)</p>
+
+<p>Un jour de grand orage, Luther disait: «C'est
+le diable qui fait ce temps-là; les vents ne sont
+autre chose que de bons ou de mauvais esprits.
+Le diable respire et souffle<a name="FNanchor_r130" id="FNanchor_r130" href="#Footnote_r130" class="fnanchor">[r130]</a>.»</p>
+
+<p>Deux nobles avaient juré de se tuer l'un
+l'autre (du temps de Maximilien). Le diable ayant
+tué l'un d'eux dans son lit avec l'épée de l'autre,
+le survivant fut amené sur la place publique. On
+enleva la terre couverte par son ombre, et on le
+bannit du pays. C'est ce qui s'appelle <i lang="la" xml:lang="la">mors civilis</i>.
+<span class="pagenum" id="Page_173">173</span>
+Le docteur Grégoire Bruck, chancelier de Saxe,
+fit ce récit à Luther.</p>
+
+<p>Suivent deux histoires de gens avertis d'avance
+qu'ils seraient emportés par le diable, et qui, <i>quoiqu'ils
+eussent reçu le saint sacrement, et qu'ils fussent
+gardés avec des cierges par leurs amis</i> en prières,
+n'en furent pas moins emportés au jour et à
+l'heure marqués<a name="FNanchor_r131" id="FNanchor_r131" href="#Footnote_r131" class="fnanchor">[r131]</a>. «Il a bien crucifié notre Seigneur
+lui-même. Mais, pourvu qu'il n'emporte
+pas l'âme, tout va bien.»</p>
+
+<p>«Le diable promène les gens dans leur sommeil
+de côté et d'autre, de sorte qu'ils font toute
+chose comme s'ils veillaient<a name="FNanchor_r132" id="FNanchor_r132" href="#Footnote_r132" class="fnanchor">[r132]</a>. Autrefois les papistes,
+comme gens superstitieux, disaient que
+de tels hommes devaient ne pas avoir été bien
+baptisés, ou qu'ils l'avaient peut-être été par un
+prêtre ivre.»</p>
+
+<p>«Aux Pays-Bas et en Saxe, un chien monstrueux
+sent les gens qui doivent mourir, et rôde
+autour<a name="FNanchor_r133" id="FNanchor_r133" href="#Footnote_r133" class="fnanchor">[r133]</a>...</p>
+
+<p>»Les moines conduisaient chez eux un possédé<a name="FNanchor_r134" id="FNanchor_r134" href="#Footnote_r134" class="fnanchor">[r134]</a>.
+Le diable qui était en lui, dit aux moines:
+«O mon peuple, que t'ai-je fait!» <i lang="la" xml:lang="la">Popule meus,
+quid feci tibi?</i>»</p>
+
+<p>On racontait à la table de Luther qu'un jour,
+dans une cavalcade de gentilshommes, l'un d'eux
+s'était écrié en piquant des deux: «Au diable le
+dernier!» Comme il avait deux chevaux, il en
+<span class="pagenum" id="Page_174">174</span>
+lâcha un; et celui-ci, restant le dernier, le
+diable l'emporta avec lui dans les airs<a name="FNanchor_r135" id="FNanchor_r135" href="#Footnote_r135" class="fnanchor">[r135]</a>. Luther
+dit à cette occasion: «Il ne faut pas convier
+Satan à notre table. Il vient sans avoir été prié.
+Tout est plein de diables autour de nous; nous-mêmes,
+qui veillons et qui prions journellement,
+nous avons assez affaire à lui.»</p>
+
+<p>«Un vieux curé, faisant un jour sa prière,
+entendit derrière lui le diable qui voulait l'en
+empêcher, et qui grognait comme aurait fait tout
+un troupeau de porcs<a name="FNanchor_r136" id="FNanchor_r136" href="#Footnote_r136" class="fnanchor">[r136]</a>. Le vieux curé, sans se
+laisser effrayer, se retourna et lui dit: «Maître
+diable, il t'est bien advenu ce que tu méritais;
+tu étais un bel ange, et te voilà maintenant un
+vilain porc.» Aussitôt les grognemens cessèrent,
+car le diable ne peut souffrir qu'on le méprise...
+La foi le rend faible comme un enfant.»</p>
+
+<p>«Le diable redoute la parole de Dieu. Il ne la
+peut mordre; il s'y ébrèche les dents.»</p>
+
+<p>«Un jeune vaurien, sauvage et emporté, buvait
+un jour avec quelques compagnons dans un
+cabaret. Quand il n'eut plus d'argent, il dit que
+s'il se trouvait quelqu'un qui lui payât un bon
+écot, il lui vendrait son âme. Peu après, un
+homme entra dans le cabaret, se mit à boire avec
+le vaurien, et lui demanda s'il était véritablement
+prêt à vendre son âme. Celui-ci répondit hardiment
+oui, et l'homme lui paya à boire toute la
+<span class="pagenum" id="Page_175">175</span>
+journée. Sur le soir, quand le garçon fut ivre,
+l'inconnu dit aux autres qui étaient dans le cabaret:
+«Messieurs, qu'en pensez-vous? si
+quelqu'un achète un cheval, la selle et la bride
+ne lui appartiennent-elles pas aussi?» Les assistans
+s'effrayèrent beaucoup à ces mots, et ne
+voulurent d'abord pas répondre, mais, comme
+l'étranger les pressait, ils dirent à la fin:
+«Oui, la selle et la bride sont aussi à lui.» Aussitôt
+le diable (car c'était lui), saisit le mauvais
+sujet et l'emporta avec lui à travers le plafond,
+de sorte que l'on n'a jamais su ce qu'il est devenu.»</p>
+
+<p>Une autre fois, Luther raconta l'histoire d'un
+soldat, qui avait déposé de l'argent chez son
+hôte, dans le Brandebourg<a name="FNanchor_r137" id="FNanchor_r137" href="#Footnote_r137" class="fnanchor">[r137]</a>. Cet hôte, quand le
+soldat lui redemanda son argent, nia d'avoir rien
+reçu. Le soldat furieux se jeta sur lui, et le maltraita,
+mais le fourbe le fit arrêter par la justice
+et l'accusa d'avoir violé la <i>paix domestique</i> (<i lang="de" xml:lang="de">hausfriede</i>).
+Pendant que le soldat était en prison,
+le diable vint chez lui et lui dit: «Demain tu
+seras condamné à mort et exécuté. Si tu me vends
+ton corps et ton âme, je te délivre.» Le soldat
+n'y consentit point. Alors le diable lui dit: «Si
+tu ne veux pas, écoute au moins le conseil que
+je te donne. Demain, quand tu seras devant les
+juges, je me tiendrai près de toi, en bonnet bleu
+<span class="pagenum" id="Page_176">176</span>
+avec une plume blanche. Demande alors aux juges
+qu'ils me laissent plaider ta cause, et je te tirerai
+de là. Le lendemain, le soldat suivit le conseil
+du diable, et comme l'hôte persistait à nier, l'avocat
+en bonnet bleu lui dit: «Mon ami, comment
+peux-tu ainsi te parjurer? L'argent du
+soldat se trouve dans ton lit, sous le traversin.
+Seigneurs échevins, envoyez-y et vous verrez que
+je dis vrai.» Quand l'hôte entendit cela, il s'écria
+avec un gros jurement: «Si j'ai reçu l'argent, je
+veux que le diable m'enlève sur l'heure.» Mais
+les sergens envoyés à l'auberge trouvèrent l'argent
+à la place indiquée, et l'apportèrent devant
+le tribunal. Alors l'homme au bonnet bleu dit
+en ricanant: «Je savais bien que j'aurais l'un
+des deux, le soldat ou l'aubergiste.» Il tordit le
+cou à celui-ci et l'emporta dans les airs.&mdash;Luther,
+ayant conté l'histoire, ajouta qu'il n'aimait
+pas qu'on jurât par le diable, comme
+faisaient beaucoup de gens, «car, disait-il, le
+mauvais drôle n'est pas loin; l'on n'a pas besoin
+de le peindre sur les murs pour qu'il soit présent.»</p>
+
+<p>«Il y avait à Erfurth deux étudians, dont l'un
+aimait si fort une jeune fille, qu'il en serait devenu
+bientôt fou<a name="FNanchor_r138" id="FNanchor_r138" href="#Footnote_r138" class="fnanchor">[r138]</a>. L'autre, qui était sorcier,
+sans que son camarade en sût rien, lui dit: «Si
+tu promets de ne point lui donner un baiser et
+<span class="pagenum" id="Page_177">177</span>
+de ne point la prendre dans tes bras, je ferai
+en sorte qu'elle vienne te trouver. Il la fit venir
+en effet. L'amant, qui était un beau jeune
+homme, la reçut avec tant d'amour, et il lui parlait
+si vivement, que le sorcier craignait toujours
+qu'il ne l'embrassât; enfin il ne put se contenir.
+A l'instant même elle tomba et mourut. Quand
+ils la virent morte, ils eurent grand'peur, et le
+sorcier dit: «Employons notre dernière ressource.»
+Il fit si bien, que le diable la reporta
+chez elle, et qu'elle continua de faire tout ce
+qu'elle faisait auparavant dans la maison; mais
+elle était fort pâle et ne parlait point. Au bout
+de trois jours, les parens allèrent trouver les
+théologiens, et leur demandèrent ce qu'il fallait
+faire. A peine ceux-ci eurent-ils parlé fortement
+à la fille, que le diable se retira d'elle; le cadavre
+tomba raide avec une grande puanteur<a name="FNanchor_a73" id="FNanchor_a73" href="#Footnote_a73" class="fnanchor">[a73]</a>.»</p>
+
+<p>«Le docteur Luc Gauric, le sorcier que vous
+avez fait venir d'Italie, m'a souvent avoué que
+son maître conversait avec le diable<a name="FNanchor_r139" id="FNanchor_r139" href="#Footnote_r139" class="fnanchor">[r139]</a>.»</p>
+
+<p>«Le diable peut se changer en homme ou
+en femme pour tromper, de telle manière qu'on
+croit être couché avec une femme en chair et
+en os, et qu'il n'en est rien; car, suivant le
+mot de saint Paul, le diable est bien fort avec
+les fils de l'impiété<a name="FNanchor_r140" id="FNanchor_r140" href="#Footnote_r140" class="fnanchor">[r140]</a>. Comme il en résulte souvent
+des enfans ou des diables, ces exemples
+<span class="pagenum" id="Page_178">178</span>
+sont effrayans et horribles. C'est ainsi que ce
+qu'on appelle le <i>nix</i>, attire dans l'eau les vierges
+ou les femmes pour créer des diablotins. Le
+diable peut aussi dérober des enfans; quelquefois
+dans les six premières semaines de leur
+naissance, il enlève à leur mère ces pauvres créatures
+pour en substituer à leur place d'autres,
+nommés <i>supposititii</i>, et par les Saxons, <i>kilkropff</i>.</p>
+
+<p>«Il y a huit ans, j'ai vu et touché moi-même
+à Dessau un enfant qui n'avait pas de parens, et
+qui venait du diable. Il avait douze ans, et était
+tout-à-fait conformé comme un enfant ordinaire.
+Il ne faisait que manger, et mangeait autant que
+quatre paysans ou batteurs en grange. Il faisait
+aussi tous ses besoins. Mais quand on le touchait,
+il criait comme un possédé; s'il arrivait quelque
+accident malheureux dans la maison, il s'en
+réjouissait et riait; si, au contraire tout allait
+bien, il pleurait continuellement. Je dis aux
+princes d'Anhalt avec qui j'étais: Si j'avais à
+commander ici, je ferais jeter cet enfant dans
+la Moldau, au risque de m'en faire le meurtrier.
+Mais l'électeur de Saxe et les princes n'étaient
+pas de mon opinion. Je leur dis alors de faire
+prier Dieu dans l'église pour qu'il enlevât le démon.
+On répéta ces prières tous les jours pendant
+une année, et après ce temps l'enfant mourut.»
+<span class="pagenum" id="Page_179">179</span>
+Quand le docteur eut raconté cette histoire,
+quelqu'un lui demanda pourquoi il aurait voulu
+jeter cet enfant à l'eau. C'est, répondit-il, que
+les enfans de cette espèce ne sont autre chose,
+à mon sens, qu'une masse de chair, sans âme.
+Le diable est bien capable de produire de ces
+choses; tout ainsi qu'il anéantit les facultés des
+hommes, quand il les possède corporellement,
+de manière à leur enlever la raison et à les rendre
+sourds et aveugles pour quelque temps, de
+même il habite dans ces masses de chair et est
+lui-même leur âme.&mdash;Il faut que le diable soit
+bien puissant pour tenir ainsi nos esprits prisonniers.
+Origène, ce me semble, n'a pas assez
+compris cette puissance; autrement il n'aurait
+point pensé que le diable pourra obtenir grâce
+au Jugement dernier. Quel horrible péché de se
+révolter ainsi sciemment contre son Dieu, son
+créateur!</p>
+
+<p>»En Saxe, près de Halberstadt, il y avait un
+homme qui avait un <i>kilkropff</i>. Cet enfant pouvait
+épuiser sa mère et cinq autres femmes en les
+tétant, et il dévorait outre cela tout ce qu'on lui
+présentait. On donna à l'homme le conseil de
+faire un pélerinage à Holckelstadt, de vouer son
+<i>kilkropff</i> à la Vierge Marie, et de le faire bercer
+en cet endroit. L'homme suivit cet avis, et il emporta
+son enfant dans un panier; mais, en passant
+<span class="pagenum" id="Page_180">180</span>
+sur un pont, un autre diable, qui était dans
+la rivière, se mit à crier: <i>Kilkropff! kilkropff!</i>
+L'enfant, qui était dans le panier, et qui n'avait
+jamais encore prononcé un seul mot, répondit:
+Oh! oh! oh! Le diable de la rivière lui demanda
+ensuite: Où vas-tu? L'enfant du panier répondit:
+Je m'en vais à Holckelstadt, à notre Mère
+bien-aimée, pour me faire bercer. Le paysan,
+très effrayé, jeta l'enfant et le panier dans la rivière;
+sur quoi les deux diables se mirent à
+s'envoler ensemble. Ils crièrent: Oh! oh! oh!
+firent quelques cabrioles l'un par-dessus l'autre
+et s'évanouirent.»</p>
+
+<p>Luther, en sortant un dimanche de l'église
+du château où il avait prêché, rencontra un
+landsknecht qui s'adressa à lui, se plaignant des
+tentations continuelles qu'il avait à essuyer de la
+part du diable, disant qu'il venait souvent à lui
+et le menaçait de l'enlever dans les airs. Pendant
+qu'il parlait ainsi, le docteur Pomer, qui passait
+par ce chemin, s'approcha aussi de lui et
+aida Luther à le consoler. «Ne désespérez pas,
+lui disaient-ils, car malgré ces tentations du
+diable, vous n'êtes point à lui. Notre Seigneur
+Jésus-Christ a aussi été tenté par lui, mais
+il l'a surmonté par la parole de Dieu. Défendez-vous
+de même par la parole de Dieu et par la
+prière.» Luther ajouta: «Si le diable te tourmente
+<span class="pagenum" id="Page_181">181</span>
+et te menace de t'emmener, réponds-lui:
+«Je suis à Jésus-Christ, qui est mon
+Seigneur; c'est en lui que je crois, et c'est auprès
+de lui que je serai un jour. Il a dit lui-même
+qu'aucune puissance ne pourra enlever les
+chrétiens de sa main.» Pense plutôt à Dieu qui
+est au ciel qu'au diable, et cesse de t'effrayer de
+ses ruses. Je sais bien qu'il serait fort aise de
+t'enlever, mais il ne le peut. Il est comme le
+voleur qui voudrait bien mettre la main sur le
+coffre-fort du riche; la volonté ne lui manque
+pas, mais le pouvoir. De même Dieu ne permettra
+pas au diable de te faire du mal. Écoute
+fidèlement la parole divine, prie avec ferveur,
+travaille, ne sois pas trop souvent seul, et tu
+verras que Dieu te délivrera de Satan et te conservera
+dans son troupeau.»</p>
+
+<p>Un jeune ouvrier, maréchal ferrant de son
+état, prétendait être poursuivi par un spectre à
+travers toutes les rues de la ville. Luther le fit
+venir chez lui et l'interrogea en présence de plusieurs
+personnes doctes. Le jeune homme disait
+que le spectre qui le poursuivait lui avait reproché
+comme un sacrilége d'avoir communié sous les
+deux espèces, et qu'il lui avait dit: «Si tu retournes
+dans la maison de ton maître, je te tords le
+cou.» C'est pourquoi il n'était pas rentré depuis
+plusieurs jours. Le docteur, après l'avoir beaucoup
+<span class="pagenum" id="Page_182">182</span>
+interrogé, lui dit: «Prends garde, mon ami,
+de ne pas mentir. Crains Dieu, écoute sa parole
+avec attention; retourne chez ton maître, fais
+ton travail, et si Satan revient, dis-lui: «Je ne
+veux pas t'obéir. Je n'obéirai qu'à Dieu qui m'a
+appelé à ce métier: je resterai ici à mon travail,
+et un ange même viendrait, que je ne m'en
+laisserais pas détourner.»</p>
+
+<p>Le docteur Luther, devenu plus âgé, éprouva
+peu de tentations de la part des hommes; mais
+le diable, comme il le reconnaît lui-même, allait
+promener avec lui dans le dortoir du cloître; il
+le vexait et le tentait. Il avait un ou deux diables
+qui l'épiaient, et s'ils ne pouvaient parvenir au
+c&oelig;ur, ils saisissaient la tête et la tourmentaient<a name="FNanchor_r141" id="FNanchor_r141" href="#Footnote_r141" class="fnanchor">[r141]</a><a name="FNanchor_a74" id="FNanchor_a74" href="#Footnote_a74" class="fnanchor">[a74]</a>.</p>
+
+<p>«... Cela m'est arrivé souvent<a name="FNanchor_r142" id="FNanchor_r142" href="#Footnote_r142" class="fnanchor">[r142]</a>. Quand je tenais
+un couteau dans les mains, il me venait de
+mauvaises pensées; souvent je ne pouvais prier,
+et le diable me chassait de la chambre. Car nous
+autres nous avons affaire aux grands diables qui
+sont docteurs en théologie. Les Turcs et les papistes
+ont de petits diablotins qui ne sont point
+théologiens, mais seulement juristes.</p>
+
+<p>»Je sais, grâce à Dieu, que ma cause est
+bonne et divine; si Christ n'est point dans le ciel
+et Seigneur du monde, alors mon affaire est mauvaise<a name="FNanchor_r143" id="FNanchor_r143" href="#Footnote_r143" class="fnanchor">[r143]</a>.
+Cependant le diable me serre souvent de
+si près dans la dispute, qu'il m'en vient la sueur.
+<span class="pagenum" id="Page_183">183</span>
+Il est éternellement irrité, je le sens bien, je le
+comprends. Il couche avec moi plus près que ma
+Catherine. Il me donne plus de trouble qu'elle de
+joie... Il me pousse quelquefois: La Loi, dit-il,
+est aussi la parole de Dieu; pourquoi l'opposer
+toujours à l'Évangile?&mdash;«Oui, dis-je à mon
+tour; mais elle est aussi loin de l'Évangile que le
+ciel l'est de la terre, etc.»</p>
+
+<p>»Le diable n'est pas, à la vérité, un docteur
+qui a pris ses grades<a name="FNanchor_a75" id="FNanchor_a75" href="#Footnote_a75" class="fnanchor">[a75]</a>, mais du reste il est bien
+savant, bien expérimenté<a name="FNanchor_r144" id="FNanchor_r144" href="#Footnote_r144" class="fnanchor">[r144]</a>. Il n'a pourtant fait
+son métier que depuis six mille ans. Si le diable
+est sorti quelquefois des possédés, lorsqu'il
+était conjuré par les moines et les prêtres papistes,
+en laissant après lui quelque signe,
+un carreau cassé, une fenêtre brisée, un pan
+de mur ouvert, c'était pour faire croire aux gens
+qu'il avait quitté le corps, mais en effet pour
+posséder l'esprit, pour les confirmer dans leurs
+superstitions.»</p>
+
+<p>Au mois de janvier 1532, Luther tomba
+dangereusement malade. Le médecin le crut menacé
+d'une attaque d'apoplexie<a name="FNanchor_r145" id="FNanchor_r145" href="#Footnote_r145" class="fnanchor">[r145]</a>. Mélanchton et
+Rorer, assis près de son lit, ayant parlé de la
+joie que la nouvelle de sa mort causerait sans
+doute aux papistes, il leur dit avec assurance:
+«Je ne mourrai pas encore, je le sais certainement.
+Dieu ne confirmera point à présent l'abominable
+<span class="pagenum" id="Page_184">184</span>
+papisme par ma mort. Il ne voudra point
+après celle de Zwingli et d'&OElig;colampade, accorder
+aux papistes un nouveau sujet de triomphe.
+Satan, il est vrai, ne songe qu'à me tuer;
+il ne me quitte d'un pas. Mais ce n'est pas sa
+volonté qui s'accomplira: ce sera celle du Seigneur.»</p>
+
+<p>«Ma maladie, qui consiste dans des vertiges
+et autres choses, n'est point naturelle; ce que
+je puis prendre ou faire ne me sert à rien, quoique
+j'observe avec soin les conseils de mon médecin<a name="FNanchor_r146" id="FNanchor_r146" href="#Footnote_r146" class="fnanchor">[r146]</a>.»</p>
+
+<p>En 1536, il maria à Torgau le duc Philippe
+de Poméranie à la s&oelig;ur de l'Électeur<a name="FNanchor_r147" id="FNanchor_r147" href="#Footnote_r147" class="fnanchor">[r147]</a>. Au milieu
+de la cérémonie, l'anneau nuptial échappa de sa
+main et roula par terre. Il eut un mouvement de
+terreur, mais se rassura aussitôt en disant:
+«Écoute, diable, cela ne te regarde pas, c'est
+peine perdue,» et il continua de prononcer les
+paroles de la bénédiction.</p>
+
+<p>Pendant que le docteur Luther causait à
+table avec quelques-uns, sa femme sortit et
+tomba en défaillance<a name="FNanchor_r148" id="FNanchor_r148" href="#Footnote_r148" class="fnanchor">[r148]</a>. Lorsqu'elle revint à elle,
+le docteur lui demanda quelles pensées elle avait
+eues. Elle raconta comme elle avait éprouvé des
+tentations toutes particulières qui sont les signes
+certains de la mort, et qui frappent au c&oelig;ur plus
+sûrement qu'une balle ou une flèche... «Celui qui
+<span class="pagenum" id="Page_185">185</span>
+éprouve de telles tentations, dit-il, je lui donnerai
+un bon conseil, c'est de penser à quelque
+chose de gai, de boire un bon coup, de jouer et
+de prendre quelque passe-temps, ou bien de
+s'attacher à quelque occupation honorable. Mais
+le meilleur remède, c'est de croire en Jésus-Christ.»</p>
+
+<p>«Quand le diable me trouve oisif et que je ne
+pense point à la parole de Dieu, alors il me fait
+venir un scrupule, comme si je n'avais pas bien
+enseigné, comme si c'était moi qui eusse renversé
+et détruit les autorités, et causé par ma doctrine
+tant de scandales et de troubles<a name="FNanchor_r149" id="FNanchor_r149" href="#Footnote_r149" class="fnanchor">[r149]</a>. Mais quand je
+ressaisis la parole de Dieu, alors j'ai gagné la
+partie. Je me défends contre le diable et je dis:
+Qu'importe à Dieu tout le monde, quelque
+grand qu'il puisse être? Il en a établi son Fils
+seigneur et roi. Si le monde veut le renverser du
+trône, Dieu le bouleversera et le mettra en cendre;
+car il dit lui-même: «C'est mon fils, vous
+devez l'écouter.» Maintenant, ô rois, apprenez;
+disciplinez-vous, juges de la terre (l'<i lang="la" xml:lang="la">erudimini</i> de
+la Vulgate est moins fort).</p>
+
+<p>»Le diable s'efforce surtout de nous arracher
+du c&oelig;ur l'article de la rémission des péchés.
+<i>Quoi!</i> dit-il, <i>vous prêchez ce qu'aucun homme n'a
+enseigné dans tant de siècles! si cela déplaisait à
+Dieu?</i>...</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_186">186</span>
+»La nuit, quand je me réveille, le diable vient
+bientôt, dispute avec moi et me donne d'étranges
+pensées, jusqu'à ce que je m'anime et que je lui
+dise: Baise mon c..! Dieu n'est pas irrité comme
+tu le dis<a name="FNanchor_r150" id="FNanchor_r150" href="#Footnote_r150" class="fnanchor">[r150]</a>.</p>
+
+<p>»Aujourd'hui, comme je m'éveillai, le diable
+vint, voulut disputer, et il me disait: «Tu es un
+pécheur<a name="FNanchor_r151" id="FNanchor_r151" href="#Footnote_r151" class="fnanchor">[r151]</a>.»&mdash;Je répliquai: Dis-moi quelque chose
+de nouveau, démon; je savais déjà cela... J'ai
+assez de péchés réels, sans ceux que tu inventes...&mdash;Il
+insistait encore: «Qu'as-tu fait des
+cloîtres dans ce monde?»&mdash;A quoi je répondis:
+Que t'importe? Tu vois bien que ton culte sacrilége
+subsiste toujours.»</p>
+
+<p>Un jour que l'on parlait à souper du sorcier
+Faust, Luther dit sérieusement<a name="FNanchor_r152" id="FNanchor_r152" href="#Footnote_r152" class="fnanchor">[r152]</a>: «Le diable
+n'emploie pas contre moi le secours des enchanteurs.
+S'il pouvait me nuire par là, il l'aurait
+fait depuis long-temps. Il m'a déjà souvent
+tenu par la tête; mais il a pourtant fallu
+qu'il me laissât aller. J'ai bien éprouvé quel
+compagnon c'est que le diable; il m'a souvent
+serré de si près que je ne savais si j'étais mort
+ou vivant. Quelquefois il m'a jeté dans le désespoir
+au point que j'ignorais même s'il y avait
+un Dieu, et que je doutais complètement de
+notre cher Seigneur. Mais avec la parole de
+Dieu, etc.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_187">187</span>
+»Le diable me fait regarder la loi, le péché
+et la mort. Il me présente cette trinité, et s'en
+sert pour me tourmenter<a name="FNanchor_r153" id="FNanchor_r153" href="#Footnote_r153" class="fnanchor">[r153]</a>.</p>
+
+<p>»Le diable nous a juré la mort, mais il mordra
+dans une noix creuse<a name="FNanchor_r154" id="FNanchor_r154" href="#Footnote_r154" class="fnanchor">[r154]</a>.</p>
+
+<p>»La tentation de la chair est petite chose; la
+moindre femme dans la maison peut guérir cette
+maladie<a name="FNanchor_r155" id="FNanchor_r155" href="#Footnote_r155" class="fnanchor">[r155]</a>. Eustochia aurait guéri saint Jérôme.
+Mais Dieu nous garde des grandes tentations qui
+touchent l'éternité! Alors on ne sait point si
+Dieu est le diable, ou si le diable est Dieu. Ces
+tentations ne sont point passagères.</p>
+
+<p>»Si je tombe en pensées qui ne touchent que
+le monde ou la maison, je prends un psaume ou
+quelques mots de Saint-Paul, et je dors par-dessus;
+mais celles qui viennent du diable me coûtent
+davantage; je ne puis m'en tirer qu'avec
+quelque bonne farce<a name="FNanchor_r156" id="FNanchor_r156" href="#Footnote_r156" class="fnanchor">[r156]</a>.</p>
+
+<p>»Le grain d'orge a beaucoup à souffrir des
+hommes<a name="FNanchor_5" id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>. D'abord on le jette dans la terre pour
+qu'il y pourrisse; ensuite, quand il est mûr, on
+le coupe, on le bat en grange et on le sèche,
+on le fait cuire pour en tirer de la bière, et le
+faire avaler aux ivrognes<a name="FNanchor_r157" id="FNanchor_r157" href="#Footnote_r157" class="fnanchor">[r157]</a>. Le lin est aussi martyr
+à sa manière. Quand il est mûr, on l'arrache,
+<span class="pagenum" id="Page_188">188</span>
+on le rouit, on le sèche, on le bat, on le
+teille, on le sérance, on le file, on le tisse, on
+en fabrique de la toile pour en faire des chemises,
+des souquenilles, etc. Quand celles-ci sont déchirées,
+l'on en fait des torchons, ou l'on y met des
+emplâtres pour être appliquées sur les plaies, les
+abcès; l'on en fait des mèches, ou bien on les
+vend au papetier qui les broie, les dissout, et en
+fait du papier. Ce papier sert à écrire, à imprimer,
+à faire des jeux de cartes; enfin il est déchiré
+et employé aux plus vils usages. Ces plantes,
+ainsi que d'autres créatures qui nous sont
+très utiles, ont beaucoup à souffrir; les chrétiens
+bons et pieux ont de même beaucoup à endurer
+des méchans et des impies.»</p>
+
+<p>«Quand le diable vient me trouver la nuit, je
+lui tiens ce discours<a name="FNanchor_r158" id="FNanchor_r158" href="#Footnote_r158" class="fnanchor">[r158]</a>: Diable, je dois dormir
+maintenant; car c'est le commandement et l'ordre
+de Dieu que nous travaillions le jour, et que
+nous dormions la nuit. S'il m'accuse d'être un
+pécheur, je lui dis pour lui faire dépit: <i lang="la" xml:lang="la">Sancte
+Satane, ora pro me!</i> ou bien: <i lang="la" xml:lang="la">Medice, cura te
+ipsum</i>.»</p>
+
+<p>«Si vous prêchez celui qui est tenté, il vous
+faut tuer Moïse et le lapider. Si au contraire il revient
+à lui et oublie la tentation, qu'on lui prêche
+la loi. <i lang="la" xml:lang="la">Alioqui afflicto non est addenda afflictio.</i></p>
+
+<p>»... La meilleure manière de chasser le diable,
+<span class="pagenum" id="Page_189">189</span>
+si on ne peut le faire avec les paroles de la sainte
+Écriture, c'est de lui adresser des mots piquans
+et pleins de moquerie.»</p>
+
+<p>«On peut consoler les gens affligés de tentations
+en leur donnant à manger et à boire; mais
+le remède ne réussirait pas pour tous, surtout
+pour les jeunes gens<a name="FNanchor_r159" id="FNanchor_r159" href="#Footnote_r159" class="fnanchor">[r159]</a>. Pour moi qui suis vieux,
+un bon coup pourrait chasser les tentations et
+me faire dormir un somme.»</p>
+
+<p>«La meilleure médecine contre les tentations,
+c'est de parler d'autre chose, de Marcolphe,
+d'Eulenspiegel, et d'autres farces de ce genre, etc.&mdash;Le
+diable est un esprit triste, la musique le fait
+fuir bien loin<a name="FNanchor_r160" id="FNanchor_r160" href="#Footnote_r160" class="fnanchor">[r160]</a>.»</p>
+
+<p class="sep2">Le morceau important qu'on va lire est en
+quelque sorte le récit de la guerre opiniâtre
+que Satan aurait faite à Luther pendant toute
+sa vie.</p>
+
+<p><i>Préface du docteur Martin Luther, écrite par lui
+avant sa mort<a name="FNanchor_r161" id="FNanchor_r161" href="#Footnote_r161" class="fnanchor">[r161]</a>.</i>&mdash;«Quiconque lira avec attention
+l'histoire ecclésiastique, les livres des saints
+Pères, et particulièrement la Bible, verra clairement
+que depuis le commencement de l'Église
+les choses se sont toujours passées de la même
+manière. Toutes les fois que la Parole s'était fait
+entendre et que Dieu s'était rassemblé un petit
+troupeau, le diable s'est bien vite aperçu de
+<span class="pagenum" id="Page_190">190</span>
+la lumière divine, et s'est mis à siffler, souffler,
+tempêter de tous les coins, essayant de toutes
+ses forces s'il pourrait l'éteindre. On avait beau
+boucher un ou deux trous, il en trouvait un
+autre, soufflait toujours et faisait rage. Il n'y a
+encore eu aucune fin à cela, et il n'y en n'aura
+pas jusqu'au jour du Jugement.</p>
+
+<p>»Je tiens qu'à moi seul (pour ne point parler
+des anciens) j'ai essuyé plus de vingt ouragans,
+vingt assauts du diable. D'abord j'ai eu
+contre moi les papistes. Tout le monde, je crois,
+sait à peu près combien de tempêtes, de bulles
+et de livres le diable a lâchés par eux contre moi,
+de quelle façon lamentable ils m'ont déchiré,
+dévoré, mis à rien. Il est vrai que moi-même
+je soufflais quelque peu contre eux; mais cela
+ne servait de rien; les enragés soufflaient encore
+plus, et vomissaient feu et flammes. Il en
+a été ainsi jusqu'à ce jour sans interruption.</p>
+
+<p>»J'avais un instant cessé de craindre cette
+tempête du diable, lorsqu'il se fit jour par un
+nouveau trou, par Münzer et sa révolte qui
+faillit m'éteindre la lumière. Le Christ bouche
+encore ce trou-là, et le voilà qui par Carlostad
+casse des carreaux à ma fenêtre, le voilà
+qui mugit et tourbillonne, au point de me faire
+croire qu'il allait emporter lumière, cire et
+mèche à la fois. Mais Dieu fut en aide à sa
+<span class="pagenum" id="Page_191">191</span>
+pauvre lumière; il ne permit point qu'elle
+fût éteinte. Alors vinrent les sacramentaires et
+les anabaptistes, qui brisèrent portes et fenêtres
+pour en finir de cette lumière, et qui la
+mirent de nouveau dans le plus grand danger.
+Dieu merci, leur volonté fut trompée également.</p>
+
+<p>»D'autres encore ont tempêté contre les anciens
+maîtres, contre le pape et contre Luther à
+la fois, tels que Servet, Campanus..... Quant à
+ceux enfin qui ne m'ont point assailli publiquement
+par des livres imprimés, mais dont il m'a
+fallu essuyer en particulier les écrits et discours
+remplis de venin, je ne les mettrai pas ici
+en ligne de compte. Il me suffit de montrer que
+j'ai dû apprendre par expérience (je n'en voulais
+pas croire les histoires) que l'Église, pour
+l'amour de sa chère Parole, de sa bienheureuse
+lumière, ne peut avoir de repos, mais qu'elle
+doit attendre incessamment de nouvelles tempêtes
+du diable, comme cela s'est vu depuis le
+commencement.</p>
+
+<p>»Et quand je devrais vivre encore cent ans,
+quand j'aurais apaisé les tempêtes d'autrefois et
+d'aujourd'hui, quand je pourrais encore apaiser
+celles qui viendront, je vois clairement que
+cela ne donnerait pas le repos à nos descendans,
+aussi long-temps que le diable vivra et
+<span class="pagenum" id="Page_192">192</span>
+régnera. C'est pourquoi je prie Dieu de m'accorder
+une petite heure d'état de grâce; je ne
+demande pas de rester en vie plus long-temps.</p>
+
+<p>»Vous qui viendrez après nous, priez Dieu
+aussi avec ferveur, pratiquez assidument sa parole,
+conservez bien la pauvre chandelle de Dieu;
+car le diable ne dort ni ne chôme, et il ne
+mourra pas non plus avant le jugement dernier.
+Toi et moi, nous mourrons, et quand nous serons
+morts, lui il n'en restera pas moins tel qu'il a
+toujours été, toujours tempêtant contre l'Évangile...</p>
+
+<p>»Je le vois de loin qui gonfle ses joues à en
+devenir tout rouge, qui souffle et qui fait fureur;
+mais notre Seigneur Jésus-Christ, qui, dès
+le commencement, lui a donné un coup de poing
+sur cette joue gonflée, le combat maintenant encore,
+et le combattra toujours. Il ne peut pas en
+avoir menti, quand il dit: «Je serai auprès de
+vous jusqu'à la fin du monde,» et «Les portes
+de l'enfer ne prévaudront pas contre mon
+Église;» et dans saint Jean: «Mes brebis ne périront
+jamais; personne ne les arrachera de ma
+main»; et dans saint Mathieu, X: «Tous les
+cheveux de votre tête sont comptés; c'est pourquoi
+ne craignez pas ceux qui tuent le corps.»</p>
+
+<p>«Néanmoins, il nous est commandé de veiller
+et de garder sa lumière tant qu'il est en nous. Il
+<span class="pagenum" id="Page_193">193</span>
+est dit: «<i lang="la" xml:lang="la">Vigilate</i>; le diable est un lion rugissant
+qui tourne autour et qui veut nous dévorer.» Tel
+il était quand saint Pierre disait cela, et tel il
+sera encore jusqu'à la fin du monde.....»</p>
+
+<p>(Luther revient ensuite à parler du secours de
+Dieu sans lequel tous nos efforts seraient vains,
+et il continue ainsi:) «Toi et moi nous n'étions
+rien il y a mille ans, et cependant l'Église a été
+sauvée sans nous: elle l'a été par celui de qui il
+est dit: <i lang="la" xml:lang="la">Heri et hodiè</i>. De même à présent ce
+n'est pas nous qui conservons l'Église, car nous
+ne pouvons atteindre le diable qui est dans le
+pape, les séditieux et les mauvaises gens; elle
+périrait sous nos yeux, et nous-mêmes avec elle,
+n'était quelqu'autre qui conserve tout. Il nous
+faut laisser faire celui de qui nous lisons: <i lang="la" xml:lang="la">Qui
+erit, ut hodiè</i>.....</p>
+
+<p>»C'est une chose lamentable de voir notre
+orgueil et notre audace après les terribles et
+honteux exemples de ceux qui, dans leur vanité,
+avaient cru que l'Église était bâtie sur eux.
+Comment a fini ce Münzer (pour ne parler que
+de ce temps), lui qui pensait que l'Église ne
+pouvait exister s'il n'était là pour la porter et
+la gouverner? Et tout récemment encore, les
+anabaptistes n'ont-ils pas été pour nous un avertissement
+assez terrible pour nous rappeler combien
+un diable plus subtil encore est près de nous,
+<span class="pagenum" id="Page_194">194</span>
+combien nos belles pensées sont dangereuses, et
+comme il est nécessaire (selon le conseil d'Isaïe)
+que nous regardions dans nos mains quand nous
+ramassons quelque chose, pour voir si c'est Dieu
+ou une idole, si c'est de l'or ou de l'argile?</p>
+
+<p>»Mais tous ces avertissemens sont perdus;
+nous vivons en pleine sécurité. Oui, sans doute
+le diable est loin de nous; nous n'avons rien de
+cette chair, qui était même en saint Paul, et
+dont il ne pouvait se défendre malgré tous ses efforts
+(Rom. VII). Nous, nous sommes des héros,
+nous n'avons pas à nous mettre en peine de la
+chair et de la pensée; nous sommes de purs esprits,
+nous tenons captifs la chair et le diable à la
+fois, et tout ce qui nous vient dans la tête, c'est
+immanquablement inspiration du Saint-Esprit;
+aussi cela tourne-t-il si bien à la fin que le cheval
+et le cavalier se cassent le cou.</p>
+
+<p>»Les papistes, je le sais, me diront ici: «Eh
+bien! tu le vois; c'est toi-même qui te plains des
+troubles et des séditions? Qui en est cause, si
+ce n'est toi et ta doctrine?» Voilà le bel artifice
+par lequel ils pensent renverser de fond en comble
+la doctrine de Luther. Il n'importe! Qu'ils
+calomnient, qu'ils mentent tant qu'ils voudront;
+il faudra bien qu'ils se taisent. D'après ce grand
+argument, tous les prophètes auraient été également
+des hérétiques et des séditieux, car ils
+<span class="pagenum" id="Page_195">195</span>
+furent tenus pour tels par leur propre peuple;
+comme tels ils furent persécutés, et la plupart
+mis à mort.</p>
+
+<p>»Jésus-Christ lui-même, notre Seigneur, fut
+obligé de s'entendre dire par les Juifs, et en particulier
+par les pontifes, les pharisiens, les scribes,
+etc., par ceux qui étaient les plus hauts
+en pouvoir, qu'il avait le diable en lui, qu'il
+chassait les diables par d'autres diables, qu'il
+était un samaritain, le compagnon des publicains
+et des pécheurs. Il fut même à la fin condamné
+à mourir sur la croix comme blasphémateur
+et séditieux. «Lequel d'entre les prophètes,
+disait saint Étienne aux Juifs qui allaient le lapider,
+lequel vos pères n'ont-ils pas persécuté
+et tué? Et vous, leurs descendans, vous avez
+vendu et tué le juste dont ces prophètes avaient
+annoncé la venue.»</p>
+
+<p>»Les apôtres et les disciples n'ont pas été plus
+heureux que leur maître; les prédictions qu'il
+leur avait faites se sont accomplies...</p>
+
+<p>»S'il en est ainsi, et l'Écriture en fait foi,
+pourquoi donc nous étonner de ce que nous aussi
+qui, dans ces temps terribles, prêchons Jésus-Christ
+et nous reconnaissons pour ses fidèles,
+nous soyons, à son exemple, persécutés et condamnés
+comme hérétiques, comme séditieux?
+Que sommes-nous à côté de ces génies sublimes,
+<span class="pagenum" id="Page_196">196</span>
+éclairés par le Saint-Esprit, ornés de tant de dons
+admirables, et doués d'une foi si forte?</p>
+
+<p>»N'ayons donc pas honte des calomnies et des
+outrages dont nos adversaires nous poursuivent.
+Que tout cela ne nous effraie point. Mais regardons
+comme notre plus grande gloire de recevoir
+du monde le même salaire que dès le commencement
+tous les saints en ont reçu pour leurs
+fidèles services. Réjouissons-nous en Dieu de ce
+que nous aussi, pauvres pécheurs et gens méprisés,
+nous avons été jugés dignes de souffrir
+l'ignominie pour le nom du Christ...</p>
+
+<p>»Les papistes, avec leur grand argument, ressemblent
+à un homme qui dirait que si Dieu
+n'avait pas créé de bons anges, il n'y aurait pas
+eu de diables; car c'est des bons anges que
+ceux-ci sont venus. De même, Adam accusa
+Dieu de lui avoir donné une femme, car si Dieu
+n'avait pas créé Adam et Ève, ils n'auraient pas
+péché. Il résulterait de ce beau raisonnement que
+Dieu seul fût pécheur, et qu'Adam et ses enfans
+fussent tous purs, pieux et saints.»</p>
+
+<p>«Il est sorti de la doctrine de Luther beaucoup
+d'esprits de trouble et de révolte, disent-ils.
+Donc la doctrine de Luther vient du diable.»
+Mais saint Jean dit aussi (I, 2.): «Ils sont sortis
+d'entre nous, mais ils n'étaient point des nôtres.»
+Judas était parmi les disciples de Jésus-Christ;
+<span class="pagenum" id="Page_197">197</span>
+donc (d'après leur argument), Jésus-Christ est
+un diable. Jamais hérétique n'est sorti d'entre
+les païens; ils sont tous venus de la sainte Église
+chrétienne; l'Église serait donc l'ouvrage du
+diable.</p>
+
+<p>»Il en fut de même de la Bible sous le pape;
+on l'appelait publiquement un livre d'hérétiques,
+et on l'accusait de prêter appui aux opinions les
+plus condamnables. Encore aujourd'hui ils crient:
+«L'Église, l'Église, contre et par-dessus la
+Bible!» Emser, l'homme sage, ne sut même
+trop dire s'il était bon que la Bible fût traduite
+en allemand; peut-être ne savait-il pas non plus
+s'il était bon qu'elle eût été jamais écrite en hébreu,
+en grec ou en latin; elle et l'Église ne sont
+pas en trop bon accord.</p>
+
+<p>»Si donc la Bible, le livre et la parole du
+Saint-Esprit, a de telles choses à endurer d'eux,
+pourquoi nous, ne supporterions-nous pas à plus
+forte raison qu'ils nous imputent toutes les hérésies
+et les séditions qui éclatent? L'araignée
+tire son poison de la belle et aimable rose où
+l'abeille ne trouve que miel; est-ce la faute de la
+fleur, si son miel devient du poison dans l'araignée?</p>
+
+<p>»C'est, comme dit le proverbe: «Chien qu'on
+veut battre a mangé du cuir», ou, comme dit
+finement Ésope: «La brebis que le loup veut
+<span class="pagenum" id="Page_198">198</span>
+manger a troublé l'eau, quoiqu'elle soit au bas
+du courant.» Eux, qui ont rempli l'Église d'erreur
+et de sang, de mensonge et de meurtre, ce
+ne sont pas eux qui ont troublé l'eau. Nous, nous
+résistons aux séditions et aux erreurs des hérétiques,
+et c'est nous qui l'avons troublée. Eh
+bien! loup, mange, mange, mon ami, et qu'un
+os te reste au travers du gosier... Ils ne peuvent
+faire autrement; tel est le monde et son Dieu. S'ils
+ont appelé Belzébut le maître de la maison, traiteront-ils
+mieux les serviteurs? Et si la sainte
+Écriture est appelée un livre d'hérétiques, comment
+nos livres pourraient-ils être honorés? Le
+Dieu vivant est notre juge à nous tous; il mettra
+un jour tout cela au clair, si nous devons en
+croire ce livre d'hérétiques, qu'on appelle la sainte
+Écriture, qui tant de fois en a témoigné.</p>
+
+<p>»Veuille Jésus-Christ, notre Dieu bien-aimé et
+le gardien de nos âmes qu'il a rachetées par son
+sang précieux, conserver son petit troupeau
+fidèle à sa sainte parole, afin qu'il augmente et
+croisse en grâce, en lumière, en foi. Puisse-t-il
+daigner le soutenir contre les tentations de Satan
+et du monde, et prendre enfin en pitié ses
+gémissemens profonds et l'attente pleine d'angoisses
+dans laquelle il soupire vers l'heureux
+jour de la glorieuse venue de son Sauveur, en
+sorte que les fureurs et les morsures meurtrières
+<span class="pagenum" id="Page_199">199</span>
+des serpens cessent enfin, et que pour les enfans
+de Dieu commence la révélation de la liberté et
+béatitude qu'ils espèrent et qu'ils attendent en
+patience. Amen. Amen.»</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_200">CHAPITRE VII.</h3>
+
+<p class="somm">Maladies.&mdash;Désir de la mort et du jugement.&mdash;Mort, 1546.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>«Le mal de dents et le mal d'oreilles sont
+bien cruels; j'aimerais mieux la peste et le mal
+français<a name="FNanchor_r162" id="FNanchor_r162" href="#Footnote_r162" class="fnanchor">[r162]</a>. Lorsque j'étais à Cobourg, en 1530,
+je souffrais d'un bruit et d'un sifflement dans les
+oreilles: c'était comme du vent qui me sortait de
+la tête... Le diable est pour quelque chose là-dedans.</p>
+
+</div>
+
+<p>»Il faut manger et boire du vin quand on est
+malade.» Il se traita ainsi à Smalkalde, en 1537.</p>
+
+<p>Un homme se plaignait de la gale; Luther
+lui dit<a name="FNanchor_r163" id="FNanchor_r163" href="#Footnote_r163" class="fnanchor">[r163]</a>: «Je voudrais bien changer avec vous;
+je vous donnerais dix florins de retour. Vous ne
+<span class="pagenum" id="Page_201">201</span>
+savez pas combien c'est une chose pénible que le
+vertige. Aujourd'hui je ne puis lire de suite une
+lettre entière, pas même deux ou trois lignes
+du Psautier. Le bourdonnement recommence
+dans les oreilles, au point que souvent je suis
+près de tomber sur mon banc. La gale, au contraire,
+est chose utile, etc.»</p>
+
+<p>Après avoir prêché à Smalkalde, et dîné ensuite,
+il éprouva les douleurs de la pierre<a name="FNanchor_a76" id="FNanchor_a76" href="#Footnote_a76" class="fnanchor">[a76]</a>, et
+pria avec ardeur<a name="FNanchor_r164" id="FNanchor_r164" href="#Footnote_r164" class="fnanchor">[r164]</a>: «O mon Dieu, mon seigneur
+Jésus! tu sais avec quel zèle j'ai enseigné ta parole.
+<i lang="la" xml:lang="la">Si est pro gloriâ nominis tui</i>, viens à mon
+secours; sinon, ferme-moi les yeux. <i lang="la" xml:lang="la">Ego moriar
+inimicus inimicis tuis.</i> Je meurs dans la haine de
+ce scélérat de pape, qui s'est élevé au-dessus du
+Christ.» Et il composa à l'instant, sur ce sujet,
+quatre vers latins.</p>
+
+<p>«Ma tête est si variable et si faible que je ne
+puis rien écrire ni lire, surtout à jeun.» (9 février
+1543. Voyez aussi le <a href="#ref_1"><ins title="Il faut sans doute lire 18 août">16 août</ins></a>.)</p>
+
+<p>«Je suis faible et fatigué de vivre, et je songe
+à dire adieu au monde, qui est maintenant tout
+au malin. Que le Seigneur m'accorde une bonne
+heure et un heureux passage. Amen.» (14 mars.)</p>
+
+<p id="ref_1"><i>A Amsdorf.</i>&mdash;«Je t'écris après souper, car
+à jeun je ne puis sans danger jeter les yeux sur
+un livre; je m'étonne fort de cette maladie,
+et ne sais si c'est un soufflet de Satan ou si ce
+<span class="pagenum" id="Page_202">202</span>
+n'est que faiblesse de nature.» (18 août 1543.)</p>
+
+<p>«Je crois que ma véritable maladie, c'est la
+vieillesse, ensuite la violence des travaux et des
+pensées, mais surtout les coups de Satan; c'est
+ce dont toute la médecine du monde ne me guérira
+pas<a name="FNanchor_a77" id="FNanchor_a77" href="#Footnote_a77" class="fnanchor">[a77]</a>.» (7 novembre 1543.)</p>
+
+<p><i>A Spalatin.</i>&mdash;«Je t'avoue que, dans toute
+ma vie et dans toutes les affaires de l'Évangile, je
+n'ai jamais eu d'année plus troublée que celle
+qui vient de finir. J'ai une terrible affaire avec
+les juristes, au sujet des mariages clandestins;
+ceux que j'avais cru devoir être de fidèles amis de
+l'Évangile, je trouve en eux des ennemis cruels.
+Penses-tu que ce ne soit pas pour moi un supplice,
+je te le demande, mon cher Spalatin?»
+(30 janvier 1544.)</p>
+
+<p>«Je suis paresseux, fatigué, froid, c'est-à-dire
+vieux et inutile. J'ai achevé ma route; reste
+seulement que le Seigneur me réunisse à mes
+pères, et rende à la pourriture et aux vers ce qui
+leur appartient. Me voilà rassasié de vie, si cela
+peut s'appeler de la vie. Prie pour moi, afin que
+l'heure de mon passage soit agréable à Dieu, et
+à moi salutaire. Je ne m'occupe plus de l'Empereur
+et de l'Empire, que pour les recommander à
+Dieu dans mes prières. Le monde me semble être
+venu à sa dernière heure et avoir vieilli comme
+un vêtement, selon l'expression du psalmiste;
+<span class="pagenum" id="Page_203">203</span>
+voici l'heure qu'il en faut changer.» (5 décembre
+1544.)</p>
+
+<p>«Si j'avais su au commencement que les
+hommes fussent si ennemis de la parole de Dieu,
+je me serais tu certainement et tenu tranquille.
+J'imaginais qu'ils ne péchaient que par ignorance<a name="FNanchor_r165" id="FNanchor_r165" href="#Footnote_r165" class="fnanchor">[r165]</a>.»</p>
+
+<p>Il disait une fois<a name="FNanchor_r166" id="FNanchor_r166" href="#Footnote_r166" class="fnanchor">[r166]</a>: «La noblesse, les bourgeois,
+les paysans, je dirais presque tout homme,
+pense connaître beaucoup mieux l'Évangile que
+le docteur Luther ou que saint Paul même. Ils
+méprisent les pasteurs, ou plutôt le Seigneur et
+Maître des pasteurs...</p>
+
+<p>»Les nobles veulent gouverner, et cependant
+ils ne peuvent rien comprendre. Le pape sait et
+peut gouverner par le fait. Le plus petit papiste
+est plus capable de gouverner que dix des nobles
+qui sont à la cour, ne leur en déplaise.»</p>
+
+<p>On disait un jour à Luther que, dans l'évêché
+de Wurtzbourg, il y avait six cents riches
+cures qui étaient vacantes<a name="FNanchor_r167" id="FNanchor_r167" href="#Footnote_r167" class="fnanchor">[r167]</a>.&mdash;«Il ne résultera
+rien de bon de tout cela, dit-il. Il en sera de
+même chez nous, si nous continuons de mépriser
+la parole de Dieu et ses serviteurs... Si je
+voulais devenir riche, je n'aurais qu'à ne point
+prêcher... Les visiteurs ecclésiastiques demandaient
+aux paysans pourquoi ils ne voulaient
+point nourrir leurs pasteurs? eux qui pourtant
+<span class="pagenum" id="Page_204">204</span>
+entretenaient des gardeurs de vaches et de porcs.
+«Oh! répondirent-ils, nous avons besoin d'un
+berger; nous ne pourrions pas nous en passer.»
+Ils croyaient pouvoir se passer de pasteurs.»</p>
+
+<p>Luther prêcha dans sa maison, pour ses enfans
+et tous les siens, le dimanche, pendant six
+mois, mais il ne prêchait point dans l'église. «Je
+le fais, dit-il au docteur Jonas, pour acquitter
+ma conscience et remplir mon devoir de père de
+famille. Mais je sais et je vois bien que la parole
+de Dieu ne sera pas plus considérée ici que dans
+l'église.</p>
+
+<p>»C'est vous qui prêcherez après moi, docteur
+Jonas, songez-y et acquittez-vous-en bien<a name="FNanchor_r168" id="FNanchor_r168" href="#Footnote_r168" class="fnanchor">[r168]</a>.»</p>
+
+<p>Il sortit un jour de l'église, indigné de ce que
+l'on causait<a name="FNanchor_r169" id="FNanchor_r169" href="#Footnote_r169" class="fnanchor">[r169]</a>. (1545.)</p>
+
+<p>Le 16 février 1546, Luther disait qu'Aristote
+n'avait écrit aucun meilleur livre que le
+cinquième des <i>Ethica</i>; qu'il y donnait cette
+belle définition: <i lang="la" xml:lang="la">Quod justitia sit virtus consistens
+in mediocritate, pro ut sapiens eam determinat</i><a name="FNanchor_r170" id="FNanchor_r170" href="#Footnote_r170" class="fnanchor">[r170]</a>.
+[Cet éloge de la modération est très
+remarquable dans la dernière année de Luther.]</p>
+
+<p>Le chancelier du comte de Mansfeld qui revenait
+de la diète de Francfort, dit à la table de
+Luther, à Eisleben, que l'Empereur et le pape
+procédaient brusquement contre l'évêque de Cologne,
+Herman; et songeaient à le chasser de
+<span class="pagenum" id="Page_205">205</span>
+son électorat<a name="FNanchor_r171" id="FNanchor_r171" href="#Footnote_r171" class="fnanchor">[r171]</a>. Alors il parla ainsi: «Ils ont perdu
+la partie; ils ne peuvent rien faire contre nous
+avec la parole de Dieu et la sainte Écriture; <i lang="la" xml:lang="la">ergo
+volunt sapientiâ, violentiâ, astutiâ, practicâ, dolo,
+vi et armis pugnare</i>. Que dit à cela notre Seigneur?
+Il voit bien qu'il est un pauvre écolier, et il dit:
+Qu'allons-nous devenir mon fils et moi?... Pour
+moi, quand ils me tueraient, il faut auparavant
+qu'ils mangent ce que... J'ai un grand avantage;
+mon seigneur s'appelle <i>Schefflemini</i>; c'est lui qui
+dit: <i lang="la" xml:lang="la">Ego suscitabo vos in novissimo die</i>; et il dira
+alors: Docteur Martin, docteur Jonas, seigneur
+Michel C&oelig;lius, venez à moi; et il vous nommera
+tous par vos noms, comme le Seigneur Christ dit
+dans saint Jean: <i lang="la" xml:lang="la">Et vocat eos nominatim</i>. Eh bien!
+soyez donc sans peur.</p>
+
+<p>»Dieu a un beau jeu de cartes qui n'est composé
+que de rois, de princes, etc.<a name="FNanchor_r172" id="FNanchor_r172" href="#Footnote_r172" class="fnanchor">[r172]</a> Il bat les cartes,
+par exemple le pape avec Luther; et ensuite il
+fait comme les enfans, qui, après avoir tenu quelque
+temps les cartes en vain, se lassent du jeu,
+et les jettent sous la table.»</p>
+
+<p>«Le monde est comme un paysan ivre<a name="FNanchor_r173" id="FNanchor_r173" href="#Footnote_r173" class="fnanchor">[r173]</a>. Si on
+le remet en selle d'un côté, il tombe de l'autre.
+On ne peut le secourir de quelque façon qu'on
+s'y prenne. Le monde veut appartenir au diable.»</p>
+
+<p>Luther disait souvent que s'il mourait dans
+son lit, ce serait une grande honte pour le pape<a name="FNanchor_r174" id="FNanchor_r174" href="#Footnote_r174" class="fnanchor">[r174]</a>.
+<span class="pagenum" id="Page_206">206</span>
+«Vous tous, pape, diable, rois, princes et seigneurs,
+vous devez être ennemis de Luther, et
+cependant vous ne pouvez lui faire mal. Il n'en
+a pas été de même pour Jean Huss. Je tiens
+que depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme
+que le monde haït plus que moi. Je suis aussi
+ennemi du monde; je ne sais rien <i lang="la" xml:lang="la">in totâ vitâ</i>
+à quoi j'aie plaisir; je suis tout-à-fait fatigué de
+vivre. Que notre Seigneur vienne donc vite, et
+m'emmène. Qu'il vienne surtout avec son jugement
+dernier, je tendrai le cou; qu'il lance le
+tonnerre et que je repose...» Ensuite, il se
+console de l'ingratitude du monde, par l'exemple
+de Moïse, de Samuel, de saint Paul, du
+Christ.</p>
+
+<p>Un des convives dit que si le monde subsistait
+cinquante ans, il viendrait encore bien des
+choses<a name="FNanchor_r175" id="FNanchor_r175" href="#Footnote_r175" class="fnanchor">[r175]</a>. Luther répondit: «A Dieu ne plaise!
+ce serait pis que par le passé. Il s'élèverait encore
+bien des sectes qui sont aujourd'hui cachées
+dans le c&oelig;ur des hommes. Vienne donc le Seigneur!
+qu'il coupe court à tout cela avec le jugement
+dernier; car il n'y a plus d'amélioration.</p>
+
+<p>»Il fera si mauvais à vivre sur la terre, que
+l'on criera de tous les coins du monde<a name="FNanchor_r176" id="FNanchor_r176" href="#Footnote_r176" class="fnanchor">[r176]</a>: Bon
+Dieu! viens avec le jugement dernier.» Et comme
+il tenait en main un chapelet d'agates blanches,
+il ajouta: «O Dieu! veuille que ce jour vienne
+<span class="pagenum" id="Page_207">207</span>
+bientôt. Je mangerais aujourd'hui ce chapelet
+pour que ce fût demain.»</p>
+
+<p>On parlait à sa table, des éclipses et de leur
+peu d'influence sur la mort des rois et des grands<a name="FNanchor_r177" id="FNanchor_r177" href="#Footnote_r177" class="fnanchor">[r177]</a>.
+Le docteur répondit: «Il est vrai, les éclipses
+ne veulent plus produire d'effet; je pense que
+notre Seigneur en viendra bientôt aux effets véritables,
+et que le Jugement en finira bientôt
+avec tout cela. C'est ce que je rêvais l'autre jour,
+comme je m'étais mis à dormir après midi, et je
+disais déjà: <i lang="la" xml:lang="la">In pace in id ipsum requiescam seu
+dormiam</i>. Il faut bien que le Jugement arrive;
+car, que l'église papale se réforme, c'est chose
+impossible; le Turc et les juifs ne se corrigeront
+pas non plus. Il n'y a aucune amélioration dans
+l'Empire; voilà maintenant trente ans qu'on assemble
+toujours les diètes sans décider rien...
+Je pense souvent, quand je réfléchis en me promenant,
+à ce que je dois demander dans mes
+prières pour la diète. L'évêque de Mayence ne
+vaut rien, le pape est perdu. Je ne vois d'autre
+remède que de dire: Notre Père, que votre règne
+arrive!</p>
+
+<p>»Pauvres gens que nous sommes! nous ne
+gagnons notre pain que par nos péchés<a name="FNanchor_r178" id="FNanchor_r178" href="#Footnote_r178" class="fnanchor">[r178]</a>. Jusqu'à
+sept ans, nous ne faisons rien que manger, boire,
+jouer et dormir. De là jusqu'à vingt et un ans,
+nous allons aux écoles trois ou quatre heures
+<span class="pagenum" id="Page_208">208</span>
+par jour; nous suivons nos caprices, nous courons,
+nous allons boire. C'est alors seulement
+que nous commençons à travailler. Vers la cinquantaine,
+nous avons fini, nous redevenons
+enfans. Ajoutez que nous dormons la moitié de
+notre vie. Fi de nous! sur notre vie, nous ne
+donnons pas même la dîme à Dieu; et nous croirions
+avec nos bonnes &oelig;uvres mériter le ciel!
+Qu'ai-je fait, moi? J'ai babillé deux heures, mangé
+pendant trois, resté oisif pendant quatre. <i lang="la" xml:lang="la">Ah!
+Domine, ne intres in judicium cum servo tuo.</i>»</p>
+
+<p>Après avoir détaillé toutes ses souffrances à
+Mélanchton: «Plaise à Christ d'enlever mon
+âme dans la paix du Seigneur. Par la grâce de
+Dieu, je suis prêt et désireux de partir. J'ai vécu
+et achevé la course que Dieu m'avait marquée...
+Que mon âme fatiguée de si longue route, monte
+maintenant au ciel.» (18 avril 1541.)</p>
+
+<p>«Je n'ai pas le temps de beaucoup écrire,
+mon cher Probst, car je suis accablé par l'âge et
+les fatigues, <i lang="de" xml:lang="de">alt, kalt, ungestalt</i>, comme on dit;
+cependant le repos ne m'est pas encore permis,
+obsédé comme je le suis par tant de raisons, tant
+de nécessités d'écrire. J'en sais plus que toi sur
+les fatalités de ce siècle. Le monde menace ruine:
+cela est certain, tant le diable se déchaîne, tant
+le monde s'abrutit. Il ne reste qu'une seule consolation,
+c'est que ce jour est proche. On est
+<span class="pagenum" id="Page_209">209</span>
+<ins id="cor_6" title="original: rassassié">rassasié</ins> de la parole de Dieu, le monde en prend
+un singulier dégoût. Il s'élève moins de faux
+prophètes. Pourquoi susciterait-on de nouvelles
+hérésies, quand on a pour la parole un mépris
+épicurien? L'Allemagne a été, et elle ne sera jamais
+ce qu'elle a été. La noblesse ne pense qu'à
+demander, les villes ne songent qu'à elles-mêmes
+(et avec raison); voilà le royaume divisé avec soi-même,
+qui a dû tenir tête à cette armée de démons
+déchaînée dans l'armée turque. Nous ne
+nous soucions guère de savoir si Dieu est pour
+nous ou contre nous; nous devons triompher
+par notre propre force des Turcs et des démons,
+et de Dieu et de toutes choses. Tant est grande
+la confiance et la sécurité insensées de l'Allemagne
+expirante! Et cependant nous autres que
+ferons-nous ici? Les plaintes sont vaines, les
+pleurs sont vains. Il ne vous reste qu'à dire cette
+prière: Que ta volonté soit faite.» (26 mars 1542.<a name="FNanchor_6" id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a>)</p>
+
+<p>«Je vois chez tout le monde une cupidité indomptable,
+et c'est un des signes qui me persuade
+que le dernier jour est proche; il semble
+que le monde dans sa vieillesse et son dernier
+<span class="pagenum" id="Page_210">210</span>
+paroxisme, tombe en délire, comme il arrive
+quelquefois aux mourans.» (8 mars 1544.)</p>
+
+<p>«Je crois que nous sommes cette trompette
+suprême qui prépare et devance la venue du
+Christ. Ainsi, quelque faibles que nous soyons,
+quelque petit son que nous fassions entendre devant
+le monde, nous sonnons fort dans l'assemblée
+des anges du ciel, qui reprendront après nous
+et se chargeront d'achever. Amen.» (6 août 1545.)</p>
+
+<p>Dans les dernières années de sa vie, ses ennemis
+répandirent plusieurs fois le bruit de sa
+mort. Ils y ajoutèrent les circonstances les plus
+extraordinaires et les plus tragiques. Pour les
+réfuter, Luther fit imprimer en 1545, en allemand
+et en italien, un écrit intitulé: <i>Mensonges
+des Welches sur la mort du docteur Martin
+Luther</i>.</p>
+
+<p>«Je l'ai dit d'avance au docteur Pomer<a name="FNanchor_r179" id="FNanchor_r179" href="#Footnote_r179" class="fnanchor">[r179]</a>:
+celui qui après ma mort méprisera l'autorité de
+cette école et de cette église, celui-là sera un
+hérétique et un pervers. Car c'est d'abord ici que
+Dieu a purifié sa parole et l'a de nouveau révélée...
+Qui pouvait quelque chose, il y a vingt-cinq
+ans? Qui était de mon côté, il y a vingt et
+un ans?</p>
+
+<p>»Je compte souvent et j'approche de plus en
+plus des quarante années au bout desquelles, je
+pense, tout ceci doit prendre fin. Saint Paul n'a
+<span class="pagenum" id="Page_211">211</span>
+prêché que quarante ans. De même le prophète
+Jérémie et saint Augustin. Et lorsque furent
+écoulées les quarante années pendant lesquelles
+on avait prêché la parole de Dieu, elle a cessé
+de se faire entendre, et une grande calamité est
+venue ensuite.»</p>
+
+<p>La vieille Électrice, à la table de laquelle il
+se trouvait, lui souhaitait quarante ans de vie<a name="FNanchor_r180" id="FNanchor_r180" href="#Footnote_r180" class="fnanchor">[r180]</a>.
+«Je ne voudrais point du paradis, dit-il, à condition
+de vivre quarante ans.... Je ne consulte pas
+les médecins. Ils ont arrangé que je devais vivre
+encore un an; je ne veux point rendre ma vie
+triste, mais, au nom de Dieu, manger et boire
+ce qu'il me plaît.</p>
+
+<p>»Je voudrais que nos adversaires me tuassent,
+car ma mort serait plus utile à l'église que
+ma vie<a name="FNanchor_r181" id="FNanchor_r181" href="#Footnote_r181" class="fnanchor">[r181]</a>.»</p>
+
+<p>16 février 1546<a name="FNanchor_r182" id="FNanchor_r182" href="#Footnote_r182" class="fnanchor">[r182]</a>: Comme on parlait beaucoup
+de mort et de maladie à la table de Luther, pendant
+son dernier voyage à Eisleben, il dit: «Si
+je retourne à Wittemberg, je me mettrai dans
+la bière et je donnerai à manger aux vers un
+docteur bien gras.» Deux jours après il mourut
+à Eisleben.</p>
+
+<p>Impromptu de Luther sur la fragilité de la vie<a name="FNanchor_r183" id="FNanchor_r183" href="#Footnote_r183" class="fnanchor">[r183]</a>.</p>
+
+<div class="poem" lang="la" xml:lang="la">
+<div class="verse">Dat vitrum vitro Jonæ (vitrum ipse) Lutherus,</div>
+<div class="verse2">Se similem ut fragili noscat uterque vitro.</div>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_212">212</span>
+Nous laissons ces vers en latin, ils auraient
+perdu leur mérite dans une traduction.</p>
+
+<p>Billet écrit par Luther à Eisleben, deux jours
+avant sa mort: «Personne ne comprendra Virgile
+dans les <i>Bucoliques</i>, s'il n'a été cinq ans pasteur.</p>
+
+<p>»Personne ne comprendra Virgile dans les
+<i>Géorgiques</i>, s'il n'a été cinq ans laboureur.</p>
+
+<p>»Personne ne peut comprendre Cicéron dans
+ses <i>Lettres</i>, s'il n'a été durant vingt ans mêlé aux
+affaires d'un grand état.</p>
+
+<p>»Que personne ne croie avoir assez goûté des
+saintes Écritures, s'il n'a pendant cent années
+gouverné les églises, avec les prophètes Élie et
+Élisée, avec Jean-Baptiste, Christ et les apôtres.</p>
+
+<div class="poem">
+<div class="verse">»Hanc tu ne divinam Æneida tenta,</div>
+<div class="verse">»Sed vestigia pronus adora.</div>
+</div>
+
+<p>»Nous sommes de pauvres mendians. <span lang="la" xml:lang="la">Hoc
+est verum, 16 februarii, anno 1546.</span>»</p>
+
+<p>«Prédiction du révérend père le docteur Martin
+Luther, écrite de sa propre main, et trouvée
+après sa mort dans sa bibliothèque, par ceux que
+le très illustre électeur de Saxe, Jean Frédéric I<sup>er</sup>,
+avait chargé de la fouiller<a name="FNanchor_r184" id="FNanchor_r184" href="#Footnote_r184" class="fnanchor">[r184]</a>.</p>
+
+<p>«Le temps est arrivé auquel, selon l'ancienne
+prédiction, doivent venir après la révélation de
+l'Antichrist, des hommes qui vivraient sans Dieu,
+chacun selon ses désirs et ses illusions. Le pape
+<span class="pagenum" id="Page_213">213</span>
+était un dieu au-dessus de Dieu, et maintenant
+tous veulent se passer de Dieu, surtout les papistes.
+Les nôtres, maintenant qu'ils sont libres
+des lois du pape, veulent encore l'être de la loi
+de Dieu, ne suivre que des mobiles politiques,
+et ne les suivre encore que selon leurs caprices.&mdash;Nous
+nous figurons qu'ils sont bien loin ceux
+dont on a prédit de telles choses; ils ne sont
+autres que nous-mêmes.&mdash;Il y en a parmi
+ceux-ci, qui désirant le jour de l'homme, ont
+commencé à chasser de l'Église le décalogue et la
+Loi. Parmi eux se trouvent maître Eisleben
+(Agricola), contre lequel, etc.&mdash;Je ne suis pas
+inquiet des papistes; ils flattent le pape par haine
+pour nous, et pour devenir puissans, jusqu'à ce
+qu'ils soient formidables au pauvre pape.... Je
+sens une grande consolation, quand je vois les
+adulateurs du pape lui tendre des embûches plus
+terribles que moi-même, qui suis son ennemi
+déclaré. Il en est de même chez nous: les nôtres
+me donnent plus d'affaires et de périls que toute
+la papauté, qui désormais ne pourra rien contre
+nous. Tant il est vrai que si un empire doit se
+détruire, c'est plutôt par ses propres forces. Celui
+de Rome</p>
+
+<div class="poem" lang="la" xml:lang="la">
+<div class="verse">Mole ruit suâ....</div>
+<div class="verse">... Corpus magnum populumque potentem</div>
+<div class="verse">In sua victrici conversum viscera dextrâ.»</div>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_214">214</span>
+Vers la fin de sa vie, Luther prit en dégoût le
+séjour de Wittemberg. Il écrivit à sa femme,
+en juillet 1545, de Leipzig où il se trouvait:
+«Grâce et paix, chère Catherine! Notre Jean
+te racontera comment nous sommes arrivés.
+Ernst de Schonfeld nous a très bien reçus à Lobnitz,
+et notre ami Scherle encore mieux ici. Je
+voudrais bien m'arranger de manière à ne plus
+avoir besoin de retourner à Wittemberg. Mon
+c&oelig;ur s'est refroidi pour cette ville, et je n'aime
+plus à y rester. Je voudrais que tu vendisses la
+petite maison, avec la cour et le jardin; je rendrais
+à mon gracieux seigneur la grande maison
+dont il m'a fait présent, et nous nous établirions
+à Zeilsdorf. Avec ce que je reçois pour salaire,
+nous pourrions mettre notre terre en bon état,
+car je pense bien que mon seigneur ne refusera
+pas de me le continuer, du moins pour cette
+année, que je crois fermement devoir être la
+dernière de ma vie. Wittemberg est devenu une
+véritable Sodome, et je ne veux pas y retourner.
+Après-demain je me rendrai à Mersebourg, où le
+comte George m'a vivement prié de venir. J'aimerais
+mieux passer ainsi ma vie sur les grandes
+routes, ou à mendier mon pain, que de tourmenter
+mes pauvres derniers jours par la vue des
+scandales de Wittemberg, où toutes mes peines
+et toutes mes sueurs sont perdues. Tu peux faire
+<span class="pagenum" id="Page_215">215</span>
+savoir ceci à Philippe et à Pomer, que je prie de
+bénir la ville en mon nom. Pour moi, je ne peux
+plus y vivre.»</p>
+
+<p>Il ne fallut rien moins que les instantes prières
+de ses amis, de toute l'académie et de l'Électeur,
+pour le faire renoncer à cette résolution. Il revint
+à Wittemberg le 18 août.</p>
+
+<p>Luther ne put mourir tranquille; ses derniers
+jours furent employés à la tâche pénible de réconcilier
+les comtes de Mansfeld, dont il était né
+le sujet<a name="FNanchor_a78" id="FNanchor_a78" href="#Footnote_a78" class="fnanchor">[a78]</a>. «Huit jours de plus ou de moins, écrit-il
+au comte Albrecht, en lui promettant de se rendre
+à Eisleben, huit jours de plus ou de moins, ne
+m'arrêteront pas, quoique je sois bien occupé
+d'ailleurs. Je pourrai me coucher dans le cercueil
+avec joie, quand j'aurai vu auparavant mes chers
+seigneurs se réconcilier et redevenir amis.»
+(6 décembre 1545.)</p>
+
+<p>(De Eisleben.) «<i>A la très savante et très profonde
+dame Catherine Luther, ma gracieuse épouse.</i>
+Chère Catherine! nous sommes bien tourmentés
+ici, et nous ne serions pas fâchés de pouvoir
+retourner chez nous. Cependant il nous faudra,
+je pense, rester encore une huitaine de jours.
+Tu peux dire à maître Philippe qu'il ne fera pas
+mal de corriger sa <i>postille</i> sur l'Évangile, car, en
+l'écrivant, il ne savait guère pourquoi le Seigneur,
+dans l'Évangile, appelle les richesses des épines.
+<span class="pagenum" id="Page_216">216</span>
+C'est ici l'école où l'on apprend ces choses. La
+sainte Écriture menace partout les épines du feu
+éternel, cela m'effraie et me rend de la patience,
+car je dois faire tous mes efforts, Dieu aidant,
+pour mener la chose à bonne fin...» (6 février
+1546.)</p>
+
+<p>«<i>A la gracieuse dame Catherine Luther, ma
+chère épouse, qui se tourmente beaucoup trop.</i> Grâce
+et paix dans le Seigneur. Chère Catherine! tu devrais
+lire saint Jean et ce que le Catéchisme dit de
+la confiance que nous devons avoir en Dieu. Tu
+te tourmentes vraiment comme si Dieu n'était
+pas tout-puissant, et qu'il ne pût produire de
+nouveaux docteurs Martin par dixaines, si l'ancien
+se noyait dans la Saale ou périssait d'une
+autre manière. J'ai Quelqu'un qui a soin de moi,
+mieux que toi et les anges vous ne pourriez jamais
+faire. Il est assis à la droite du Père tout-puissant.
+Tranquillise-toi donc. Amen... J'avais
+aujourd'hui l'intention de partir <i lang="la" xml:lang="la">in irâ meâ</i>; mais
+le malheur où je vois mon pays natal, m'a encore
+retenu. Le croirais-tu? je suis devenu légiste? Cependant
+cela ne servira pas à grand'chose. Il vaudrait
+mieux qu'ils me laissassent théologien. Il
+serait grand besoin pour eux d'humilier leur superbe.
+Ils parlent et agissent comme s'ils étaient
+des dieux, mais je crains bien qu'ils ne deviennent
+des diables, s'ils continuent ainsi. Lucifer
+<span class="pagenum" id="Page_217">217</span>
+aussi a été précipité par son orgueil, etc...
+Fais voir cette lettre à Philippe, je n'ai pas
+eu le temps de lui écrire séparément.» (7 février
+1546.)</p>
+
+<p>«<i>A ma douce et chère épouse, Catherine Luther
+de Bora.</i> Grâce et paix dans le Seigneur. Chère
+Catherine! Nous espérons retourner chez vous
+cette semaine, si Dieu le veut. Il a montré la
+puissance de sa grâce dans cette affaire. Les seigneurs
+se sont accordés sur tous les points, à
+l'exception de deux ou trois, entre autres sur la
+réconciliation des deux frères, les comtes Gebhard
+et Albrecht. Je dînerai aujourd'hui avec eux,
+et je tâcherai de les faire redevenir frères. Ils ont
+écrit l'un contre l'autre avec beaucoup d'amertume,
+et ne se sont encore rien dit pendant les
+conférences.&mdash;Du reste, nos jeunes seigneurs
+sont pleins de gaîté; ils vont en traîneaux avec
+les dames, et font sonner les clochettes de leurs
+chevaux. Dieu a exaucé nos prières.</p>
+
+<p>»Je t'envoie des truites, dont la comtesse Albrecht
+m'a fait présent. Cette dame est bien
+heureuse de voir renaître la paix dans sa famille...
+Le bruit court ici que l'Empereur s'avance vers
+la Westphalie, et que le Français enrôle des
+landsknechts, de même que le Landgrave, etc.
+Laissons-les dire et forger des nouvelles: nous
+attendrons ce que Dieu voudra faire. Je te recommande
+<span class="pagenum" id="Page_218">218</span>
+à sa protection.&mdash;Martin <span class="smcap">Luther</span>.»
+(14 février 1546.)</p>
+
+<p>Luther était arrivé le 28 janvier à Eisleben, et
+quoique déjà malade, il assista aux conférences
+jusqu'au 17 février. Il prêcha aussi quatre fois,
+et révisa le réglement ecclésiastique du comté de
+Mansfeld. Le 17, il fut si malade que les comtes
+le prièrent de ne pas sortir. Au souper, il parla
+beaucoup de sa mort prochaine, et quelqu'un
+lui ayant demandé si nous nous reconnaîtrions
+les uns les autres dans l'autre monde, il répondit
+qu'il le pensait. En rentrant dans sa chambre
+avec maître C&oelig;lius et ses deux fils, il s'approcha
+de la croisée et y resta long-temps en
+prières. Ensuite il dit à Aurifaber qui venait
+d'arriver: «Je me sens bien faible, et mes
+douleurs augmentent.» On lui donna un médicament,
+et on tâcha de le réchauffer par des
+frictions. Il adressa quelques mots au comte Albrecht,
+qui était venu aussi, et se mit sur un lit
+de repos en disant: «Si je pouvais seulement
+sommeiller une petite demi-heure, je crois que
+cela me soulagerait.» Il s'endormit en effet, et
+ne se réveilla qu'une heure et demie après, vers
+onze heures. En se réveillant, il dit aux assistans:
+«Vous voilà encore assis à côté de moi, ne voulez-vous
+pas aller reposer vous-mêmes?» Il se
+remit alors à prier, et dit avec ferveur: <i lang="la" xml:lang="la">In manus
+<span class="pagenum" id="Page_219">219</span>
+tuas commendo spiritum meum; redemisti me, Domine,
+Deus veritatis</i>. Il dit aussi aux assistans:
+«Priez tous, mes amis, pour l'Évangile de notre
+Seigneur, pour que son règne s'étende, car le
+concile de Trente et le pape le menacent grandement.»
+Il dormit ensuite jusque vers une heure,
+et quand il se réveilla, le docteur Jonas lui demanda
+comment il se trouvait. «O mon Dieu!
+répondit-il, je me sens bien mal. Mon cher Jonas,
+je pense que je resterai ici, à Eisleben, où je suis
+né.» Il marcha pourtant un peu dans la chambre
+et se remit sur son lit de repos, où on le couvrit
+de coussins. Deux médecins et le comte avec sa
+femme arrivèrent ensuite. Luther leur dit: «Je
+meurs, je resterai ici, à Eisleben;» et le docteur
+Jonas lui ayant exprimé l'espoir que la transpiration
+le soulagerait peut-être, il répondit:
+«Non, cher Jonas, c'est une sueur froide et
+sèche, le mal augmente.» Il se remit alors à prier,
+et dit: «O mon père! Dieu de notre Seigneur
+Jésus-Christ, toi le père de toute consolation,
+je te remercie de m'avoir révélé ton fils bien-aimé,
+en qui je crois, que j'ai prêché et reconnu,
+que j'ai aimé et célébré, et que le pape et les
+impies persécutent. Je te recommande mon âme,
+ô mon Seigneur Jésus-Christ! Je quitterai ce
+corps terrestre, je vais être enlevé de cette vie,
+mais je sais que je resterai éternellement auprès
+<span class="pagenum" id="Page_220">220</span>
+de toi.» Il répéta encore trois fois: <i lang="la" xml:lang="la">In manus tuas
+commendo spiritum meum; redemisti me, Domine
+veritatis</i>. Soudain il ferma les yeux, et tomba
+évanoui. Le comte Albrecht et sa femme, ainsi
+que les médecins, lui prodiguèrent leurs secours
+pour le rendre à la vie. Ils n'y parvinrent qu'avec
+peine. Le docteur Jonas lui dit alors: «Révérend
+père, mourez-vous avec constance dans la foi
+que vous avez enseignée?» Il répondit par un
+oui distinct, et se rendormit. Bientôt il pâlit,
+devint froid, respira encore une fois profondément,
+et mourut.</p>
+
+<p>Son corps fut transféré dans un cercueil d'étain,
+à Wittemberg, où il fut inhumé le 22 février avec
+les plus grands honneurs. Il repose dans l'église
+du château, au pied de la chaire. (Ukert I, p. 327,
+sqq. <i>Extrait de la relation de Jonas et de C&oelig;lius.</i>)</p>
+
+<p><i>Testament de Luther, daté du 6 janvier 1542.</i>&mdash;Je
+soussigné, Martin Luther, docteur, reconnais
+avoir, par les présentes, donné comme
+douaire à ma chère et fidèle épouse Catherine,
+pour qu'elle en jouisse toute sa vie, comme bon
+lui semblera: la terre de Zeilsdorf, telle que
+je l'ai achetée et fait disposer depuis; la maison
+<i>Brun</i> que j'ai achetée sous le nom de
+Wolf; les gobelets et autres choses précieuses,
+telles que bagues, chaînes, médailles en or et en
+<span class="pagenum" id="Page_221">221</span>
+argent, de la valeur de mille florins environ.</p>
+
+<p>»J'ai fait ceci, premièrement parce qu'elle a
+toujours été ma pieuse et fidèle épouse, qui m'a
+aimé tendrement, et qui, par la bénédiction du
+ciel, m'a donné et élevé cinq enfans heureusement
+encore en vie. Secondement, pour qu'elle
+se charge de mes dettes, montant à quatre cent
+cinquante florins environ, au cas où je ne pourrais
+les acquitter avant ma mort. Troisièmement,
+et surtout, parce que je ne veux pas qu'elle soit
+dans la dépendance de ses enfans, mais plutôt
+que les enfans dépendent d'elle, l'honorent et
+lui soient soumis, comme Dieu l'a commandé;
+car j'ai vu bien souvent comme le Diable excite
+les enfans, même les enfans pieux, à désobéir à
+ce commandement, surtout quand les mères sont
+veuves, que les fils ont des épouses, et les filles
+des maris. Je pense, au reste, que la mère sera
+la meilleure tutrice de ses enfans, et qu'elle ne
+fera pas usage de ce douaire au détriment de ceux
+qui sont sa chair et son sang, de ceux qu'elle
+a portés sous son c&oelig;ur.</p>
+
+<p>»Quoi qu'il puisse advenir d'elle après ma mort
+(car je ne puis limiter les desseins de Dieu),
+j'ai cette confiance qu'elle se conduira toujours
+comme une bonne mère envers ses enfans, et
+qu'elle partagera consciencieusement avec eux ce
+qu'elle possèdera.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_222">222</span>
+»En même temps, je prie tous mes amis d'être
+témoins de la vérité et de défendre ma chère Catherine,
+s'il allait arriver, comme il serait possible,
+que de mauvaises langues l'accusassent de
+garder pour elle quelque somme d'argent cachée,
+et de ne pas en faire part aux enfans. Je certifie
+que nous n'avons ni argent comptant, ni trésor
+d'aucune espèce. En cela rien d'étonnant,
+si l'on veut considérer que nous n'avons eu
+d'autre revenu que mon salaire et quelques présens,
+et que cependant nous avons bâti, et porté
+les charges d'un grand ménage. Je regarde même
+comme une grâce particulière de Dieu, et je l'en
+remercie sans cesse, que nous ayons pu y <ins id="cor_7" title="original: sufffire">suffire</ins>,
+et que nos dettes ne soient pas plus considérables........</p>
+
+<p>»Je prie aussi mon gracieux seigneur, le duc
+Jean-Frédéric, électeur, de vouloir bien confirmer
+et maintenir le présent acte, quoiqu'il ne
+soit pas fait dans la forme demandée par les gens
+de loi. Martin <span class="smcap">Luther</span>. <i>Signé</i> <span class="smcap">Mélanchton</span>, <span class="smcap">Cruciger</span>
+et <span class="smcap">Bugenhagen</span>, comme témoins.»<a name="FNanchor_a79" id="FNanchor_a79" href="#Footnote_a79" class="fnanchor">[a79]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h2 id="Page_223">ADDITIONS<br />
+ET<br /><br />
+ÉCLAIRCISSEMENS.</h2>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="addnotes">
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a1" id="Footnote_a1" href="#FNanchor_a1">[a1]</a>&nbsp;</span>Page 1, ligne 7.&mdash;<i>Les Turcs...</i></p>
+
+<p>Luther crut voir d'abord dans les Turcs un
+secours que Dieu lui envoyait. «Ce sont, dit-il,
+les ministres de la colère divine, 1526. (<i lang="la" xml:lang="la">Pr&oelig;liari
+adversus Turcas, est repugnare Deo, visitanti iniquitates
+nostras per illos.)</i>»&mdash;Il ne voulait point
+que les protestans s'armassent contre eux pour
+défendre les papistes, «car ceux-ci ne valent
+pas mieux que les Turcs.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_224">224</span>
+Il dit dans la préface qu'il mit à un livre du
+docteur Jonas, que les Turcs égalent les papistes,
+ou les surpassent plutôt, dans les choses que
+ceux-ci regardent comme essentielles au salut,
+tels que les aumônes, les jeûnes, les macérations,
+les pélerinages, la vie monastique, les cérémonies
+et les autres &oelig;uvres extérieures, et que c'est
+pour cette raison que les papistes ne parlent pas
+du culte des mahométans. Il prend occasion de
+ceci pour élever au-dessus de ces pratiques mahométanes
+ou «romanistes, la religion pure du
+c&oelig;ur et de l'esprit, enseignée par l'Évangile.»</p>
+
+<p class="sep2">Ailleurs, il fait un parallèle entre le pape et
+le Turc, et conclut ainsi: «S'il faut combattre le
+Turc, il faut aussi combattre le pape.»&mdash;Cependant
+quand il vit les Turcs menacer sérieusement
+l'indépendance de l'Allemagne, il exprima plusieurs
+fois le désir qu'on entretînt une armée permanente
+sur les frontières de la Turquie, et répéta
+souvent que tout ce qui portait le nom de
+chrétien devait implorer Dieu pour le succès des
+armes de l'Empereur contre les infidèles.</p>
+
+<p>Luther exhorta l'Électeur, dans une lettre du
+29 mai 1538, à prendre part à la guerre qui se
+préparait contre les Turcs. Il l'engagea à oublier
+les querelles intestines de l'Allemagne, pour tourner
+ses armes contre l'ennemi commun.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_225">225</span>
+Un homme digne de foi, qui avait été en ambassade
+chez les Turcs, dit un jour à Luther que
+le sultan lui avait demandé quel homme était
+Luther, et de quel âge, et qu'ayant appris qu'il
+avait environ quarante-huit ans, il disait: Je
+voudrais qu'il ne fût pas si âgé; il a en moi un
+gracieux seigneur, dites-le-lui bien. «Que Dieu
+me préserve de ce gracieux seigneur, s'écria
+Luther, en faisant le signe de la croix.» (Tischreden,
+p. 432, verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a2" id="Footnote_a2" href="#FNanchor_a2">[a2]</a>&nbsp;</span>Page 3, ligne 25.&mdash;<i>Le Landgrave... se croyant menacé, leva
+une armée...</i></p>
+
+<p>Luther, dans une lettre au chancelier Brück,
+dit, en parlant des préparatifs de guerre du Landgrave:
+«Une pareille agression de la part des
+nôtres, serait la plus grande honte pour l'Évangile.
+Ce ne serait point une révolte de paysans,
+mais une révolte de princes, qui préparerait
+à l'Allemagne les maux les plus terribles. Satan
+ne désire rien autant.» (mai 1528.) Il
+écrivit plusieurs lettres dans le même sens à
+l'Électeur.&mdash;Cependant il est quelquefois tenté
+de lâcher lui-même la bride au Landgrave. Ayant
+lu une lettre de Mélanchton, qui était au <i>Colloque</i>,
+il dit: «Ce que Philippe écrit, cela a
+<span class="pagenum" id="Page_226">226</span>
+des pieds et des mains, de l'autorité et de la gravité.
+Il dit des choses importantes en peu de
+mots; je conclus de sa lettre que nous avons la
+guerre....... Le lâche de Mayence fait tout le mal.
+Ils devraient nous donner une prompte réponse.
+Si j'étais le Landgrave, je tomberais dessus, je
+périrais ou je les exterminerais, puisque dans une
+affaire si juste, ils ne veulent pas nous donner
+la paix.» (Tischreden, p. 151.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a3" id="Footnote_a3" href="#FNanchor_a3">[a3]</a>&nbsp;</span><ins title="Il faut sans doute lire Page 3, ligne 26">Page 26, ligne 3</ins>.&mdash;<i>Le duc George...</i></p>
+
+<p>Ce prince se montra de bonne heure opposé
+à la Réforme. Dès l'année 1525 (22 décembre),
+Luther avait écrit au duc pour le prier instamment
+de renoncer à ses persécutions contre la
+nouvelle doctrine. «... Je me jette à vos pieds
+pour vous supplier de cesser enfin vos entreprises
+impies. Non que je craigne le préjudice qui en
+pourrait résulter pour moi, car je n'ai plus qu'à
+perdre ce misérable corps de chair que dans tous
+les cas la terre va bientôt recevoir. Si je recherchais
+mon avantage, je ne devrais rien tant désirer
+que la persécution. On a vu comme elle m'a
+servi jusqu'ici au-delà de toute attente. Si je
+prenais plaisir à rendre votre Grâce malheureuse,
+je l'exciterais de toutes mes forces à continuer
+<span class="pagenum" id="Page_227">227</span>
+ses violences; mais c'est mon devoir de songer
+au salut de votre Grâce et de la supplier à genoux
+de cesser ses criminelles offenses envers
+Dieu et sa parole...»</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a4" id="Footnote_a4" href="#FNanchor_a4">[a4]</a>&nbsp;</span>Page 4, ligne 3.&mdash;<i>Le docteur Pack...</i></p>
+
+<p>«Mon cher Amsdorf, voici Otton Pack, pauvre
+exilé que j'offre à ta miséricorde; il sera plus
+en sûreté à Magdebourg que chez moi; je craindrais
+que le duc George ne me forçât de le remettre
+entre ses mains.» (29 juillet 1529.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a5" id="Footnote_a5" href="#FNanchor_a5">[a5]</a>&nbsp;</span>Page 5, ligne 1.&mdash;<i>Le grand-maître de l'ordre Teutonique
+avait sécularisé la Prusse...</i></p>
+
+<p>«Lorsque je parlai la première fois au prince
+Albert, comme il me consultait sur la règle de
+son ordre, je lui conseillai de mépriser cette
+règle stupide et confuse, de prendre femme
+et de réduire la Prusse à une forme politique,
+en principauté ou en duché. Philippe, partageait
+cette opinion, et donnait le même conseil...
+Cela pourrait s'exécuter aisément, si le peuple
+de Prusse et les grands unissaient leurs prières
+<span class="pagenum" id="Page_228">228</span>
+pour qu'il osât l'entreprendre; il aurait ainsi
+un motif nécessaire et puissant de faire ce
+qu'il désire.... C'est à toi avec Speratus, Amandus
+et les autres ministres, d'y amener le peuple,
+de l'enflammer, de l'animer pour qu'il
+invoque la main de Dieu, afin qu'au lieu de
+cette abominable principauté hermaphrodite,
+qui n'est ni laïque ni ecclésiastique, il désire et
+réclame une principauté véritable.&mdash;Je voudrais
+persuader la même chose à l'évêque ***; lui
+aussi, il cèderait à nos raisons, si le peuple le
+pressait de ses prières.» (4 juillet 1524.)</p>
+
+<p>Il y avait six mois alors que cet évêque prêchait
+ouvertement la réforme. «Ainsi, écrivait
+Luther en avril 1525, pendant le fort de la guerre
+des paysans, l'Évangile court à pleine course et à
+pleines voiles en Prusse, où il n'était pas appelé,
+tandis que dans la haute et basse Allemagne, où
+il est venu et entré de lui-même, on le blasphème
+avec fureur.» (T. II, p. 649.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a6" id="Footnote_a6" href="#FNanchor_a6">[a6]</a>&nbsp;</span>Page 6, ligne 25.&mdash;<i>Le duc George...</i></p>
+
+<p>«Prie avec moi le Dieu de miséricorde, pour
+qu'il convertisse le duc George à son Évangile,
+ou que, s'il n'en est pas digne, il soit tiré de ce
+monde.» (27 mars 1526.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_229">229</span>
+Luther écrivit à l'Électeur, au sujet de ses querelles
+avec le duc George (31 décembre 1528):
+«... Je prie votre Grâce électorale de m'abandonner
+entièrement à la décision des juges, au cas
+où le duc George le demanderait, car il est de
+mon devoir d'exposer ma tête plutôt que de faire
+éprouver le moindre préjudice à votre Grâce.
+Jésus-Christ, je l'espère, me donnera les forces
+nécessaires pour résister tout seul à Satan.»</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a7" id="Footnote_a7" href="#FNanchor_a7">[a7]</a>&nbsp;</span>Page 7, ligne 14.&mdash;<i>Où s'arrêtera la superbe de ce Moab...</i></p>
+
+<p>Le duc George était, après tout, un persécuteur
+assez débonnaire. Ayant chassé de Leipzig
+quatre-vingts luthériens, il leur accorda la permission
+de garder leurs maisons, d'y laisser leurs
+femmes et leurs enfans, et même d'y venir trois
+fois par an au temps des foires.&mdash;Dans une autre
+circonstance, Luther ayant conseillé aux protestans
+de Leipzig de résister aux ordres de leur
+duc, celui-ci se contenta de prier l'électeur de
+Saxe d'interdire à Luther toute communication
+avec ses sujets. (Cochlæus, p. 230.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a8" id="Footnote_a8" href="#FNanchor_a8">[a8]</a>&nbsp;</span>Page 7, ligne 23.&mdash;<i>Diète à Spire...</i></p>
+
+<p>Quelque temps après cette diète, Luther écrivit
+<span class="pagenum" id="Page_230">230</span>
+la consultation suivante: «D'abord il serait
+bon que notre parti, à l'exclusion des zwingliens,
+parlât pour lui seul.</p>
+
+<p>»En second lieu, qu'on écrivît à l'Empereur,
+et que les bienfaits du prince (l'électeur de Saxe),
+envers l'Église et l'État, fussent amplifiés, célébrés,
+etc. Il faudrait rappeler: 1<sup>o</sup> Qu'il a fait
+enseigner, de la manière la plus pure, le Christ
+et sa foi, comme on ne l'a jamais enseigné depuis
+mille ans; qu'il a aboli une foule d'abus et
+de monstruosités nuisibles à l'Église et à l'État,
+comme les marchés de messes, les abus des indulgences,
+les violences de l'excommunication,
+et tant d'autres choses qui leur ont paru à eux-mêmes
+intolérables, et dont la noblesse a exigé
+l'abolition à Worms.</p>
+
+<p>»2<sup>o</sup> Qu'il a résisté aux séditieux, à ceux qui
+violaient les images et les églises.</p>
+
+<p>»3<sup>o</sup> Que la dignité impériale a été par lui
+honorée, glorifiée, réformée, plus qu'on ne l'avait
+fait en plusieurs siècles.</p>
+
+<p>»4<sup>o</sup> Que nous avons fait et supporté les plus
+grandes choses contre les partisans de Münzer,
+pour sauver la majesté et la paix publique.</p>
+
+<p>»5<sup>o</sup> Que c'est nous, et non d'autres, qui
+avons réprimé les sacramentaires; que sans nous
+les papistes eussent été écrasés.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_231">231</span>
+»6<sup>o</sup> Que nous avons de même réprimé les
+anabaptistes.</p>
+
+<p>»7<sup>o</sup> Qu'en outre, nous avons étouffé les mauvais
+germes que de méchantes gens avaient répandus
+en divers endroits sur la sainte Trinité,
+sur la foi du Christ, etc. Je parle d'Érasme,
+d'Egranus et de leurs pareils.» (mai 1529.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a9" id="Footnote_a9" href="#FNanchor_a9">[a9]</a>&nbsp;</span>Page 7, ligne 28.&mdash;<i>Le parti de la Réforme éclata...</i></p>
+
+<p>Luther essaya encore de retenir les siens; le
+22 mai 1529, il écrivit à l'Électeur pour le dissuader
+d'entrer dans aucune ligue contre l'Empereur,
+et l'exhorter à s'en remettre à la protection
+divine. Dans une lettre à Agricola, il
+approuva la conduite prudente de l'Électeur à
+l'égard de l'Empereur: «Notre prince a bien fait
+de reconnaître un seigneur dans une ville étrangère,
+et de n'avoir point cherché à être le maître,
+comme il aurait pu le faire. Christ a dit: <i>Si vous
+êtes persécuté dans une ville, fuyez dans une autre</i>;
+et encore: <i>Sortez de cette maison</i>. Ainsi je
+pense que notre prince, comme un membre qui
+ne peut se séparer du corps, ne devait point
+rompre avec César. Mais par son silence il a
+comme fui dans une autre ville, il est sorti de
+cette maison.» (30 juin 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_232">232</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a10" id="Footnote_a10" href="#FNanchor_a10">[a10]</a>&nbsp;</span>Page 8, ligne 11.&mdash;<i>Le Landgrave essaya de réconcilier
+Luther et les sacramentaires...</i></p>
+
+<p>Au landgrave de Hesse. «Grâce et paix en
+Jésus-Christ. Sérénissime seigneur! j'ai reçu la
+lettre par laquelle votre Altesse veut bien m'engager
+à me rendre à Marbourg, pour conférer
+avec &OElig;colampade et les siens, au sujet de nos
+opinions sur le saint Sacrement. Je ne saurais
+cacher à votre Altesse que je mets peu d'espoir
+dans une pareille conférence, et que je doute
+qu'on en voie sortir la paix et l'union. Néanmoins
+il faut rendre grâce à votre Altesse, de la sollicitude
+qu'elle montre en cette affaire, et je suis
+disposé, pour ma part, à me rendre au lieu désigné,
+bien que je regarde cette démarche comme
+inutile. Je ne veux pas laisser non plus à nos adversaires
+la gloire de pouvoir dire qu'ils aiment
+plus que nous la paix et la concorde. Mais je vous
+prie humblement, gracieux prince et seigneur,
+de vouloir bien, avant que nous nous réunissions,
+vous informer s'ils sont disposés à céder
+quelque point de leurs doctrines, autrement je
+craindrais fort que le mal ne fît qu'empirer par
+cette conférence, et que le résultat ne fût précisément
+le contraire de ce que votre Altesse recherche
+<span class="pagenum" id="Page_233">233</span>
+si loyalement et si sérieusement. A quoi
+servirait-il de se réunir et de discuter, si les deux
+parties arrivaient avec la résolution de ne céder
+en quoi que ce fût?...» (23 juin 1529.)</p>
+
+<p>Dans une consultation qui nous reste sur le
+même sujet, et que l'on attribue généralement à
+Luther, il exprime le désir que quelques papistes,
+«hommes graves et instruits,» assistent à
+la conférence comme témoins.</p>
+
+<p>A sa femme. «Grâce et paix en Jésus-Christ.
+Cher seigneur Catherine! Apprenez que notre
+conférence amicale de Marbourg est finie, et que
+nous sommes d'accord en tout point, si ce n'est
+que nos adversaires persistent à ne voir que du
+pain dans l'Eucharistie, et à n'admettre qu'une
+présence spirituelle de Jésus-Christ. Aujourd'hui
+le Landgrave nous parlera encore une fois, pour
+tâcher de nous unir ou de nous porter du moins
+à nous reconnaître pour frères et membres du
+même corps. Il y travaille avec ardeur. Nous leur
+accordons la paix et la charité, mais nous ne
+voulons pas de ce nom de frères. Demain ou
+après-demain, je pense, nous partirons pour
+nous rendre au Voigtland, où l'Électeur nous a
+appelés.</p>
+
+<p>»Dis à Pommer que les meilleurs argumens
+de Zwingli ont été: <i>Que le corps ne peut exister
+sans espace, et que, par conséquent, le corps du
+<span class="pagenum" id="Page_234">234</span>
+Christ n'est pas dans le pain</i>, et le meilleur d'&OElig;colampade:
+<i>Que le saint Sacrement est un signe
+du corps du Christ</i>. Dieu les a vraiment aveuglés;
+ils n'ont su que nous répondre.&mdash;Adieu. Le
+messager me presse. Priez pour nous. Nous sommes
+bien portans et vivons comme les princes.
+Embrasse pour moi Leinette (Madeleine) et le
+petit Jean. Le jour de saint François. Votre
+dévoué serviteur, Martin <span class="smcap">Luther</span>.» (4 octobre
+1529.)</p>
+
+<p>Luther écrivit au landgrave de Hesse dans
+une autre lettre (20 mai 1530), au sujet de ses
+tentatives de conciliation: «... J'ai supporté
+de si grands dangers et de si longs tourmens pour
+ma doctrine, que certes j'ai lieu de désirer de
+n'avoir pas travaillé en vain. Ce n'est donc point
+par haine ou par orgueil que je leur résiste; il y
+a bien long-temps que j'aurais adopté leur doctrine,
+Dieu, mon Seigneur, le sait, s'ils avaient
+pu m'en montrer la vérité; mais les raisons
+qu'ils donnent sont trop faibles pour que j'y
+puisse engager ma conscience...»</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a11" id="Footnote_a11" href="#FNanchor_a11">[a11]</a>&nbsp;</span>Page 11, ligne 18.&mdash;<i>L'Électeur amena...</i></p>
+
+<p>Il partit de Torgaw le 3 avril, et arriva à Augsbourg
+le 2 mai. Sa suite se composait de cent
+<span class="pagenum" id="Page_235">235</span>
+soixante chevaux. Les théologiens qu'il avait avec
+lui furent Luther, Mélanchton, Jonas, Agricola,
+Spalatin et Osiander. Luther, excommunié
+et mis au ban de l'Empire, resta à Cobourg.
+(Ukert, t. I, p. 232.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a12" id="Footnote_a12" href="#FNanchor_a12">[a12]</a>&nbsp;</span>Page 11, ligne 19.&mdash;<i>L'Électeur amena Luther le plus
+près possible d'Augsbourg.</i></p>
+
+<p>«Je suis sur les confins de la Saxe, à moitié
+chemin entre Wittemberg et Augsbourg. Il y aurait
+eu trop de danger pour moi dans cette dernière
+ville.» (juin 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a13" id="Footnote_a13" href="#FNanchor_a13">[a13]</a>&nbsp;</span>Page 13, ligne 22.&mdash;<i>Les nobles seigneurs qui forment nos
+comices...</i></p>
+
+<p>«Ma résidence est maintenant au milieu des
+nuages, dans l'empire des oiseaux. Sans parler
+de la foule des autres oiseaux, dont les chants
+confus feraient taire une tempête, il y a près
+d'ici un certain bois tout peuplé, de la première
+à la dernière branche, de corbeaux et de
+corneilles. Du matin au soir, et quelquefois pendant
+toute la nuit, il y a là une crierie si infatigable,
+si incessante, que je doute qu'en aucun
+<span class="pagenum" id="Page_236">236</span>
+lieu du monde tant d'oiseaux se soient jamais
+réunis. Pas un qui se repose un instant; bon
+gré mal gré, il faut les entendre, vieux et jeunes,
+mères et filles, glorifier à qui mieux mieux, par
+leurs croassemens, le nom de corbeaux. Peut-être,
+par ces chants si harmonieux, veulent-ils
+faire descendre doucement le sommeil sur mes
+paupières; avec la grâce de Dieu, j'en ferai cette
+nuit l'expérience. C'est une noble race d'oiseaux,
+et, comme tu le sais, fort utiles au monde. Il
+me semble, en les voyant, que j'ai sous les yeux
+toute l'armée des sophistes et des Cochleistes,
+réunis de toutes les parties du monde, afin
+que j'apprécie mieux leur sagesse et leur doux
+langage, et que je voie à mon aise ce qu'ils sont
+et ce qu'ils peuvent pour le monde de l'esprit
+et pour le monde de la chair. Jusqu'à ce jour,
+personne n'a entendu philomèle, et cependant
+le coucou, qui annonce et accompagne son
+chant, s'enorgueillit magnifiquement dans la
+gloire de sa voix. De la résidence des corbeaux.»
+(22 avril 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a14" id="Footnote_a14" href="#FNanchor_a14">[a14]</a>&nbsp;</span>Page 14, ligne 23.&mdash;<i>Luther le tançait rudement...</i></p>
+
+<p>Quelquefois cependant il compâtit à ses douleurs.
+«Vous avez confessé Christ, offert la paix,
+<span class="pagenum" id="Page_237">237</span>
+obéi à César, souffert les injures, épuisé les
+blasphèmes. Vous n'avez point rendu le mal pour
+le mal; enfin vous avez dignement travaillé à la
+sainte &oelig;uvre de Dieu, comme il convient à des
+saints; réjouissez-vous donc dans le Seigneur.
+Assez long-temps vous avez été contristés par le
+monde. Regardez et levez la tête, votre rédemption
+approche. Je vous canoniserai comme de
+fidèles membres de Christ; que faut-il de plus à
+votre gloire?» (15 septembre 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a15" id="Footnote_a15" href="#FNanchor_a15">[a15]</a>&nbsp;</span>Page 19, ligne 15.&mdash;<i>J'aurais voulu être la victime sacrifiée
+par ce dernier concile, comme Jean Huss...</i></p>
+
+<p>«Plaise à Dieu que nous soyons dignes d'être
+brûlés ou égorgés par lui (par le pape.) Cependant
+si nous ne méritons pas de rendre témoignage
+par notre sang, implorons du moins Dieu
+pour qu'il nous accorde cette grâce de témoigner
+par notre vie et nos paroles que Jésus-Christ
+est seul notre Seigneur, et que nous l'adorerons
+dans tous les siècles des siècles. Amen.»
+(T. II des &oelig;uvres latines, p. 270.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a16" id="Footnote_a16" href="#FNanchor_a16">[a16]</a>&nbsp;</span>Page 19, ligne 19.&mdash;<i>La profession de foi des protestans...</i></p>
+
+<p>«A la diète d'Augsbourg, le duc Guillaume de
+<span class="pagenum" id="Page_238">238</span>
+Bavière, qui était fort opposé à la doctrine évangélique,
+ayant dit au docteur Eck: «Peut-on
+renverser cette opinion par l'Écriture sainte?»
+«Non, dit-il, mais par les Pères.» L'évêque de
+Mayence se mit à dire: «Voyez! nos théologiens
+nous défendent joliment! Les luthériens
+montrent leur opinion dans l'Écriture, et nous
+la nôtre hors de l'Écriture.» Le même évêque
+disait alors: «Les luthériens ont un article
+auquel on ne peut contredire, quand même
+tous les autres ne vaudraient rien; c'est celui
+du mariage.» (Tischreden, p. 99.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a17" id="Footnote_a17" href="#FNanchor_a17">[a17]</a>&nbsp;</span>Page 20, ligne 10.&mdash;<i>L'archevêque de Mayence est très
+porté pour la paix...</i></p>
+
+<p>Luther, pour l'exhorter à montrer des sentimens
+pacifiques, lui avait écrit une lettre qui se
+terminait ainsi: «Je ne puis cesser de penser à
+la pauvre Allemagne, si malheureuse, si abandonnée,
+si méprisée, vendue à tant de traîtres
+en même temps. C'est ma chère patrie; je désirerais
+tant la voir heureuse!» (6 juillet 1530,
+de Cobourg.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_239">239</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a18" id="Footnote_a18" href="#FNanchor_a18">[a18]</a>&nbsp;</span>Page 21, ligne 7.&mdash;<i>Si l'Empereur veut faire un édit, qu'il
+le fasse; après Worms aussi il en fit un...</i></p>
+
+<p>Luther a conscience de sa force. «Si j'étais
+tué par les papistes, ma mort protégerait nos
+descendans, et ces bêtes féroces en seraient peut-être
+plus cruellement punies que je ne voudrais
+moi-même. Car, il y a quelqu'un qui dira un jour:
+<i>Où est ton frère Abel?</i> Et celui-là les marquera
+au front, et ils erreront fugitifs par toute la terre...
+Notre race est maintenant sous la protection du
+Seigneur, puisqu'il est écrit: Je ferai miséricorde
+jusqu'à la millième génération à ceux qui m'ont
+aimé. Et moi je crois à ces paroles.» (30 juin 1530.)</p>
+
+<p>«Si j'étais tué dans une émeute papiste,
+j'emmènerais à ma suite un grand nombre d'évêques,
+de prêtres, de moines, si bien que tous
+diraient: «Le docteur Martin Luther est conduit
+au sépulcre avec une grande procession;
+certes, c'est un grand docteur, au-dessus de
+tous évêques, prêtres, moines; aussi faut-il qu'à
+son enterrement, ils aillent avec lui, étendus
+sur le dos.» C'est ainsi que nous ferions ensemble
+notre dernier voyage.» (1531. Cochlæus,
+p. 211. Extrait du livre de Luther intitulé: <i>Avis
+aux Allemands</i>.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_240">240</span>
+Les catholiques, lui disait-on, vous reprochent
+plusieurs fausses interprétations dans votre traduction
+de l'Écriture. Il répondit: «Ils ont encore
+de trop longues oreilles, et leur <i>hihan! hihan!</i>
+est trop faible pour juger une traduction
+du latin en allemand... Dis-leur que le docteur
+Martin Luther veut qu'il en soit ainsi, et qu'un
+papiste et un âne c'est la même chose.</p>
+
+<div class="poem">
+<div class="poem"><i lang="la" xml:lang="la">Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas.</i></div>
+</div>
+
+<p class="noind">(Passage cité par Cochlæus, 201, verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a19" id="Footnote_a19" href="#FNanchor_a19">[a19]</a>&nbsp;</span>Page 21, ligne 15.&mdash;<i>Qu'ils nous rendent Léonard Keiser...</i></p>
+
+<p>«Non-seulement le titre de roi, mais celui de
+César lui est bien mérité, puisqu'il a vaincu celui
+dont le pouvoir ne trouve point d'égal sur la
+terre. Ce n'est pas seulement un prêtre, c'est un
+souverain pontife et un véritable pape, celui
+qui a offert ainsi son corps en sacrifice à Dieu.
+Avec juste raison l'appelait-on Léonhard, c'est-à-dire
+force du lion; c'était un lion fort et intrépide.»
+(22 octobre 1527.)</p>
+
+<p><i>A Hausmann.</i> «Je pense que tu auras vu l'histoire
+de Gaspard Tauber, le nouveau martyr de
+<span class="pagenum" id="Page_241">241</span>
+Vienne, qui a été décapité et brûlé dans cette ville
+pour la parole de Dieu. Il en est arrivé autant
+à un libraire de Bude, en Hongrie, qu'on a brûlé
+au milieu de ses livres.» (12 novembre 1524.)</p>
+
+<p>Il y avait à Vienne des partisans de la nouvelle
+doctrine. «Lorsqu'après la diète d'Augsbourg
+le cardinal Campeggio entra dans la ville avec le
+roi Ferdinand, on habilla un petit homme de
+bois en cardinal, on lui attacha au cou des indulgences
+et le sceau du pape, et on le mit sur un
+chien qui avait à la queue une vessie de porc
+pleine de pois. On fit courir ce chien à travers
+toutes les rues.» (Tischr., p. 251.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a20" id="Footnote_a20" href="#FNanchor_a20">[a20]</a>&nbsp;</span>Page 21, ligne 16.&mdash;<i>Qu'ils nous rendent Keiser et tant
+d'autres qu'ils ont fait injustement mourir...</i></p>
+
+<p>Si l'on en croyait Cochlæus, Luther se serait
+montré persécuteur à son tour. En 1532, un
+luthérien s'étant éloigné de ses opinions, Luther
+le fit enlever et conduire à Wittemberg, où il fut
+emprisonné; un procès fut commencé. Comme
+on ne trouva pas de charges suffisantes, il fallut
+le relâcher. Mais il fut toujours depuis sourdement
+persécuté par les luthériens. (Cochlæus,
+p. 218.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_242">242</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a21" id="Footnote_a21" href="#FNanchor_a21">[a21]</a>&nbsp;</span>Page 22, ligne 22.&mdash;<i>On se prépare à combattre...</i></p>
+
+<p>Cependant on craignait tant de part et d'autre
+l'issue de la lutte, que, contre toute probabilité,
+la paix se maintint. «J'admire ce miracle
+de Dieu, que tant de menaces soient allées en
+fumée. Tout le monde en effet croyait qu'au
+printemps éclaterait en Allemagne une guerre
+atroce.» (juin 1531.)</p>
+
+<p>La crainte d'un nouveau soulèvement des
+paysans contribuait à entretenir les intentions
+pacifiques des princes. «Les paysans, écrit Luther,
+recommencent à s'assembler. Une soixantaine
+d'entre eux ont cherché à surprendre la nuit
+le château de Hohenstein. Tu vois que malgré la
+présence de l'Empereur, il faut prendre des
+précautions contre cette révolte; que serait-ce
+si les papistes commençaient la guerre?» (19 juillet
+1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a22" id="Footnote_a22" href="#FNanchor_a22">[a22]</a>&nbsp;</span>Page 22, ligne 25.&mdash;<i>Luther fut accusé d'avoir poussé les
+protestans à prendre cette attitude hostile...</i></p>
+
+<p>Bien loin de là, il avait dès 1529 dissuadé l'Électeur
+d'entrer dans aucune ligue dirigée contre
+<span class="pagenum" id="Page_243">243</span>
+l'Empereur... «Nous ne saurions approuver une
+pareille alliance; s'il en résultait quelque malheur,
+peut-être même la guerre ouverte, tout retomberait
+sur notre conscience, et nous aimerions
+mieux être dix fois morts que d'avoir à
+nous reprocher du sang versé pour l'Évangile.
+Nous sommes ceux qui devons souffrir, comme
+dit le prophète, ceux qui ne doivent pas se venger
+eux-mêmes, mais tout remettre entre les
+mains de Dieu... Je supplie donc humblement
+votre Grâce électorale de ne pas se laisser abattre
+par ce danger. Nous allons élever nos prières à
+Dieu; mais nos mains doivent rester pures de
+sang et de crime. S'il arrivait (contre mon opinion)
+que l'Empereur allât jusqu'à me réclamer
+moi ou mes amis, nous irions, sous la protection
+de Dieu, comparaître devant lui, plutôt que de
+causer préjudice à votre Grâce électorale, comme
+je l'ai plusieurs fois déclaré à votre auguste
+frère, feu l'électeur Frédéric....» (18 novembre
+1529.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a23" id="Footnote_a23" href="#FNanchor_a23">[a23]</a>&nbsp;</span>Page 22, ligne 28.&mdash;<i>Résistance à l'Empereur...</i></p>
+
+<p>Dans le livre des <i>Propos de table</i> (p. 397, verso
+et suiv.) Luther parle plus explicitement: «Ce
+n'est point pour la religion que l'on combattra.
+<span class="pagenum" id="Page_244">244</span>
+L'Empereur a pris les évêchés d'Utrecht et de
+Liége; il a offert au duc de Brunswick de lui
+laisser prendre Hildesheim. Il est affamé et altéré
+des biens ecclésiastiques; il les dévore. Nos princes
+ne le souffriront pas; ils voudront manger
+avec lui. Alors on en viendra à se prendre aux
+bonnets.» (1530.)</p>
+
+<p>«J'ai souvent été interrogé par mon gracieux
+seigneur, sur la question de savoir ce que je ferais
+si un voleur de grand chemin, un meurtrier,
+venait m'attaquer. Je résisterais, dans l'intérêt
+du prince dont je suis sujet et serviteur; je
+puis tuer le voleur, mettre le couteau sur lui, et
+même ensuite recevoir les sacremens. Mais si
+c'est pour la parole de Dieu, et comme prédicateur,
+que l'on m'attaque, je dois souffrir et recommander
+la vengeance à Dieu. Aussi je ne
+prends point de couteau en chaire, mais sur la
+route. Les anabaptistes sont des coquins désespérés,
+ils ne portent aucune arme et se vantent
+d'une grande patience.»</p>
+
+<p>(1536.) «Comme je parlais pour la paix, le
+landgrave de Hesse me disait: Seigneur docteur,
+vous conseillez très bien; mais quoi? Si nous ne
+suivons pas vos conseils?»</p>
+
+<p>(1539.) Luther répond sur la question du
+droit de résistance «que, selon le droit public,
+le droit naturel et la raison, la résistance à l'autorité
+<span class="pagenum" id="Page_245">245</span>
+injuste est permise. Il n'y a de difficulté
+que dans le domaine de la théologie.</p>
+
+<p>»La question n'eût pas été difficile à résoudre
+au temps des apôtres, car toutes les autorités
+étaient alors païennes et non chrétiennes. Mais
+maintenant que tous les princes sont chrétiens
+ou prétendent l'être, il est difficile de conclure,
+car un prince et un chrétien sont les plus proches
+parens.&mdash;Qu'un chrétien puisse se défendre
+contre l'autorité, il y a là matière à de grandes
+réflexions.&mdash;... Au fond, c'est au pape que
+j'arrache l'épée, et non à l'Empereur.»</p>
+
+<p>Il résume ainsi lui-même les argumens qu'il
+eût pu adresser aux Allemands, s'il eût fait une
+exhortation à la résistance:</p>
+
+<p>«1. L'Empereur n'a ni droit ni puissance pour
+ordonner cela; c'est chose certaine, s'il l'ordonne,
+on ne doit point lui obéir. 2. Ce n'est
+pas moi qui excite le trouble, je l'empêche et je
+m'y oppose. Qu'ils voient s'ils n'en sont pas les
+auteurs, lorsqu'ils ordonnent ce qui est contre
+Dieu. 3. Ne badinez pas tant. Si vous faites boire
+le fou (narren Luprian), prenez garde qu'il ne vous
+crache au visage. Il est, d'ailleurs, assez altéré, et
+ne demande pas mieux que de boire son soûl. 4. Eh
+bien! vous voulez combattre; courbez vos têtes
+pour recevoir la bénédiction. Ayez bon succès!
+Dieu vous donne joyeuse victoire! Moi, docteur
+<span class="pagenum" id="Page_246">246</span>
+Martin Luther, votre apôtre, je vous ai parlé,
+je vous ai avertis, comme c'était mon devoir!»</p>
+
+<p>Il dit encore ailleurs: «Vous méprisez ma doctrine.
+Vous voulez prendre le Luther dans ses
+paroles, comme faisaient les Pharisiens au Christ.
+Mais si je voulais (je ne le veux point), j'aurais
+une glose pour vous embarrasser; je dirais que
+cette résistance n'est point contre l'Empereur,
+mais contre Dieu. D'un autre côté: qu'un politique,
+un citoyen, un sujet, n'est pas un chrétien,
+que ce n'a pas été la pensée de Christ de
+détruire les droits, la police et le gouvernement
+du monde. Rends à Dieu ce qui est à Dieu, et à
+César ce qui est à César. N'obéis point dans ce
+qui est contre Dieu et sa parole.</p>
+
+<p>»Je condamne la révolte au péril de mon
+corps, de ma vie, de mon honneur et de mes
+biens. Je voudrais bien vous arrêter et vous retenir.
+Si vous commencez, je me tairai et périrai
+avec vous. Vous irez en enfer au nom de tous les
+diables, et moi au ciel au nom du Christ. Ils
+veulent abuser de notre doctrine, mais ils verront
+du moins qu'elle n'est point erronée en soi.</p>
+
+<p>»... Tuer un tyran n'est pas chose permise à
+l'homme qui n'est dans aucune fonction publique,
+car le cinquième commandement dit: Tu
+ne dois pas tuer. Mais si je surprends un homme
+près de ma femme ou de ma fille, quoiqu'il
+<span class="pagenum" id="Page_247">247</span>
+ne soit point un tyran, je pourrai fort bien le
+tuer. <i>Item</i>, s'il prend par force à celui-ci sa
+femme, à l'autre sa fille, au troisième ses terres
+et ses biens, que les bourgeois et sujets s'assemblent,
+ne sachant plus comment supporter sa violence
+et sa tyrannie, ils pourront le tuer, comme
+tout autre meurtrier ou voleur de grand chemin.»
+(Tischr., p. 397, verso, sqq.)</p>
+
+<p>»Le bon et vraiment noble seigneur Gaspard
+de Kokritz m'a demandé, mon cher Jean, que je
+t'écrivisse mon jugement sur le cas où César voudrait
+faire la guerre à nos princes, au sujet de
+l'Évangile. Serait-il alors permis aux nôtres de
+résister et de se défendre? J'avais déjà écrit mon
+opinion sur ce sujet, du vivant du duc Jean.
+Aujourd'hui il est un peu tard pour me demander
+mon avis, puisqu'il a été décidé parmi les princes
+qu'ils peuvent et veulent résister et se défendre,
+et qu'on ne s'en tiendra pas à mon dire... Ne
+fortifie pas le bras des impies contre nos princes;
+laisse le champ libre à la colère et au jugement
+de Dieu; ils l'ont cherché jusqu'à ce jour
+avec fureur, avec rire et avec joie. Cependant intimide
+les nôtres par cet exemple, que les Machabées
+ne suivirent pas ceux qui voulaient se
+défendre contre Antiochus, mais que dans la
+simplicité de leur c&oelig;ur ils se laissèrent plutôt
+tuer.» (8 février 1539.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_248">248</span>
+Dans son livre <i lang="la" xml:lang="la">De seculari potestate</i>, dédié au
+duc de Saxe, il dit: «En Misnie, en Bavière et
+en d'autres lieux, les tyrans ont promulgué un
+édit pour qu'on ait à livrer partout aux magistrats
+les Nouveaux Testamens. Si les sujets obéissent
+à l'édit, ce n'est pas un livre, qu'ils remettent
+au péril de leur salut, c'est Christ lui-même
+qu'ils livrent aux mains d'Hérode. Cependant,
+si on veut les enlever par la violence, il faut le
+souffrir; on ne doit point résister à la témérité.&mdash;Les
+princes sont du monde, et le monde est
+ennemi de Dieu.»</p>
+
+<p>«On ne doit pas obéir à César s'il veut faire
+la guerre à notre parti. Le Turc n'attaque pas
+son Alcoran, l'Empereur ne doit pas davantage
+attaquer son Évangile.» (Cochlæus, p. 210.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a24" id="Footnote_a24" href="#FNanchor_a24">[a24]</a>&nbsp;</span>Page 22, ligne 30.&mdash;<i>Voici mon avis...</i></p>
+
+<p>L'Électeur avait demandé à Luther s'il serait
+permis de résister à l'Empereur les armes à la
+main. Luther répondit négativement, en ajoutant
+seulement: «Si cependant l'Empereur, non
+content d'être le maître des états des princes,
+allait jusqu'à exiger d'eux de persécuter, de
+mettre à mort, ou de chasser leurs sujets pour
+la cause de l'Évangile, les princes convaincus
+<span class="pagenum" id="Page_249">249</span>
+que ce serait agir contre la volonté de Dieu,
+devront lui refuser l'obéissance; autrement ils
+violeraient leur foi et se rendraient complices
+du crime. Il suffit qu'ils laissent faire l'Empereur,
+qui aura à en rendre compte, et qu'ils ne
+défendent pas leurs sujets contre lui.» Plus
+loin il dit, en parlant de la guerre civile: «Quel
+carnage et quelles lamentations couvriraient alors
+la terre allemande! Un prince devrait mieux
+aimer perdre trois fois ses états, ou mourir trois
+fois, que d'être la cause de si horribles bouleversemens,
+ou seulement d'y consentir. Quelle
+conscience pourrait le supporter! Le diable verrait
+cela avec plaisir; Dieu veuille nous en préserver
+à jamais!» (6 mars 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a25" id="Footnote_a25" href="#FNanchor_a25">[a25]</a>&nbsp;</span>Page 26, ligne 8.&mdash;<i>Que l'on m'accuse ou non d'être trop
+violent...</i></p>
+
+<p>L'Électeur avait réprimandé Luther au sujet
+de deux écrits (<i>Avertissement à ses chers Allemands</i>,
+et <i>Gloses sur le prétendu édit impérial</i>)
+qu'il trouvait trop violens. Luther lui répondit
+(16 avril 1531) qu'il n'avait fait que repousser
+les attaques plus violentes encore de ses ennemis,
+et qu'il serait injuste de lui imposer silence
+lorsqu'on laissait tout dire à ses adversaires...
+<span class="pagenum" id="Page_250">250</span>
+«Il m'a été impossible de me taire plus long-temps
+dans cette affaire qui me concerne plus
+que tout autre. Si je gardais le silence devant
+une telle condamnation publique de ma doctrine,
+ne serait-ce pas l'abandonner, la renier?
+Plutôt que de le souffrir, je braverais la colère
+de tous les diables, celle du monde entier, sans
+parler de celle des conseillers impériaux.&mdash;On
+dit que mes deux écrits sont tranchans et bien affilés;
+l'on a raison: je ne les ai pas non plus faits
+pour être doux; le seul regret que j'aie c'est qu'ils
+ne soient pas plus tranchans encore. Si l'on considère
+la violence de mes adversaires, l'on sera
+forcé d'avouer que j'ai été trop bénin... Tout le
+monde crie contre nous; l'on vocifère les calomnies
+les plus odieuses; et moi, pauvre homme,
+j'élève la voix à mon tour, et voilà que personne
+n'aura crié que Luther... En somme, tout
+ce que nous disons et faisons est injuste, quand
+même nous ressusciterions les morts; tout ce
+qu'ils font, eux, est juste, quand même ils
+noieraient l'Allemagne dans les larmes et dans
+le sang.»</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a26" id="Footnote_a26" href="#FNanchor_a26">[a26]</a>&nbsp;</span>Page 26, ligne 16.&mdash;<i>Eh bien! puisqu'ils sont incorrigibles.....
+je romps avec eux.</i> ...</p>
+
+<p>«Toujours jusqu'à présent (1534), particulièrement
+<span class="pagenum" id="Page_251">251</span>
+à la diète d'Augsbourg, nous avons humblement
+offert au pape et aux évêques de recevoir
+d'eux la consécration et l'autorité spirituelle, et
+de les aider à conserver ce droit; ils nous ont
+toujours repoussés. Et s'il arrive un jour, pour
+la consécration sacerdotale, ce qui est arrivé
+pour les indulgences, à qui sera la faute. J'ai
+offert aussi de me taire sur les indulgences si l'on
+voulait se taire sur ce que j'avais écrit; ils n'ont
+pas voulu, et aujourd'hui il n'y a plus assez de
+mépris par tout le monde pour les indulgences;
+indulgences, lettres papales, sceaux brisés gisent
+à terre. Ainsi disparaîtra le pouvoir de consacrer
+et le chrême et les tonsures, de sorte qu'on ne
+reconnaîtra plus où est l'évêque, où est le prêtre.»
+(Cochlæus, p. 245, extrait du <i lang="la" xml:lang="la">De angulari
+missâ</i>, Luth., op. lat., VII, p. 220.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a27" id="Footnote_a27" href="#FNanchor_a27">[a27]</a>&nbsp;</span>Page 28, ligne 3.&mdash;<i>Anabaptistes.</i></p>
+
+<p>Il y avait déjà long-temps qu'ils remuaient en
+Allemagne. «Nous avons ici une nouvelle espèce
+de prophètes, venus d'Anvers, qui prétendent
+que l'Esprit saint n'est autre chose que le génie
+et la raison naturelle. (27 mars 1525.)</p>
+
+<p>»Il n'y a rien de nouveau, sinon que l'on dit
+que les anabaptistes augmentent et se répandent
+de tous côtés. (28 décembre 1527.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_252">252</span>
+»La nouvelle secte des anabaptistes fait d'étonnans
+progrès; ce sont des gens qui mènent
+une vie d'excellente apparence, et qui meurent
+avec grande audace par l'eau ou par le feu.
+(31 décembre 1527.)</p>
+
+<p>»Il y a beaucoup de troubles en Bavière.... il
+ne me semble pas à propos que tu les livres
+aux magistrats; ils se livreront eux-mêmes, et
+alors le conseil les bannira de la ville. Je vois
+partout la tradition de Münzer, sur la perdition
+future des impies et le règne des justes sur la
+terre. C'est ce que prophétise Cellarius dans un
+livre qu'il vient de publier; cet esprit est un
+esprit de révolte. (27 janvier 1528.)»</p>
+
+<p>Le 12 mai 1528 il écrit à Link: «Tu as vu,
+je pense, mon <i lang="de" xml:lang="de">Antischwermerum</i> et ma dissertation
+sur la <ins id="err_4" title="original: digamie (Err.)">bigamie</ins> des évêques. Le courage des
+anabaptistes mourans, ressemble à celui des donatistes
+dont parle Augustin, ou à la fureur des
+juifs dans Jérusalem dévastée. Les saints martyrs,
+comme notre Léonard Keiser, meurent
+avec crainte, humilité, et en priant pour leurs
+bourreaux; l'opiniâtreté de ceux-ci au contraire,
+lorsqu'ils vont à la mort, semble augmenter avec
+l'indignation de leurs ennemis.»</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_253">253</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a28" id="Footnote_a28" href="#FNanchor_a28">[a28]</a>&nbsp;</span>Page 51, ligne 2.&mdash;<i>Exécution...</i></p>
+
+<p><i>Extrait d'un ancien livre de chant des anabaptistes.</i>
+«Les paroles d'Algérius sont des miracles:
+«Ici, dit-il, les autres gémissent et pleurent, et
+moi j'y ressens de la joie. Dans ma prison, l'armée
+du ciel m'apparaît; je ne sais combien de
+martyrs habitent avec moi tous les jours. Dans
+la joie, dans les délices, dans l'extase de la grâce,
+je vois le Seigneur sur son trône.»</p>
+
+<p>»Mais ta patrie, lui disaient-ils, tes amis,
+tes parens, ta profession, peux-tu les quitter
+volontiers? Il dit aux envoyés: «Nul homme ne
+me bannit de ma patrie; elle est aux pieds du
+trône céleste, là où mes ennemis deviendront
+mes amis pour chanter le même cantique.</p>
+
+<p>»Médecins, artistes, ouvriers, ne peuvent
+ici-bas réussir; qui ne reconnaît la force de Dieu,
+n'a qu'une force aveugle.» Les juges furieux le
+menacèrent du feu. «Dans la puissance des
+flammes, dit Algérius, vous reconnaîtrez la
+mienne.» (Wunderhorn, t. I.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a29" id="Footnote_a29" href="#FNanchor_a29">[a29]</a>&nbsp;</span>Page 55.&mdash;<i>Fin du chapitre...</i></p>
+
+<p>Les passages suivans de Ruchat (Réformation
+de la Suisse), font bien connaître le bizarre enthousiasme
+<span class="pagenum" id="Page_254">254</span>
+des anabaptistes. «L'an 1529, neuf
+anabaptistes furent saisis à Bâle, et mis en prison.
+On les fit venir devant le sénat, et on appela
+aussi les ministres pour conférer avec eux. D'abord
+&OElig;colampade leur expliqua en deux mots
+le symbole des apôtres et celui de saint <i>Athanase</i>,
+et leur représenta que c'était là la véritable
+et indubitable foi chrétienne, que Jésus-Christ et
+ses apôtres avaient prêchée. Ensuite le bourgmeistre,
+Adelbert Meyer, dit aux anabaptistes,
+qu'ils venaient d'entendre une bonne explication
+de la foi chrétienne, et que, «puisqu'ils se
+plaignaient des ministres, ils devaient présentement
+parler à c&oelig;ur ouvert et exposer hardiment
+ce qui leur faisait de la peine.» Mais il
+n'y en eut pas un seul qui lui répondît un
+mot, ils se contentèrent de se regarder les uns
+les autres. Alors le premier huissier de la chambre
+dit à l'un d'eux, qui était tourneur de sa profession:
+«D'où vient que tu ne parles pas présentement,
+après avoir tant jasé ailleurs, dans
+la rue, dans les boutiques, et dans la prison?»
+Comme ils gardaient encore le silence, Marc
+Hedelin, chef des tribus, s'adressa au principal
+de ces gens-là, et lui dit: «Que réponds-tu,
+frère, à ce qui t'a été proposé?» L'anabaptiste
+lui répondit: «Je ne vous reconnais point pour
+frère.» «Comment?» lui dit ce seigneur. «Parce,
+<span class="pagenum" id="Page_255">255</span>
+dit l'autre, que vous n'êtes point chrétien. Amendez-vous
+premièrement, corrigez-vous, et quittez
+la magistrature.» «En quoi penses-tu donc,
+lui dit Hedelin, que je pèche tant?» «Vous le
+savez bien,» lui répondit l'anabaptiste.</p>
+
+<p>»Le bourgmeistre prit la parole, lui ordonna
+de répondre avec modestie et avec douceur, et
+le pressa vivement de parler sur la question dont
+il s'agissait. Sur quoi il répondit: «Qu'il ne
+croyait pas qu'un chrétien pût être dans une magistrature
+mondaine, parce que celui qui combat
+avec l'épée, périra par l'épée: Que le baptême
+des enfans est du diable, et une invention
+du pape; on doit baptiser les adultes, et non les
+petits enfans, selon l'ordre de Jésus-Christ.»</p>
+
+<p>»&OElig;colampade entreprit de le réfuter, avec
+toute la douceur possible, et de lui faire voir, que
+les passages qu'il avait cités, avaient un autre
+sens, comme tous les anciens docteurs en faisaient
+foi. «Mes chers amis, dit-il, vous n'entendez
+pas l'Écriture sainte et vous la maniez fort
+grossièrement.» Et comme il allait leur montrer
+le véritable sens de ces passages, l'un d'entre
+eux, qui était meunier, l'interrompit, le
+traitant de séducteur, qui caquetait beaucoup,
+et dit: «Que ce qu'il avait là allégué contre
+eux, ne faisait rien au sujet. Qu'ils avaient entre
+les mains la pure et propre parole de Dieu,
+<span class="pagenum" id="Page_256">256</span>
+et qu'ils voulaient s'y attacher toute leur vie,
+que le Saint-Esprit parlait maintenant par lui. Il
+s'excusait en même temps de ne pas parler éloquemment,
+disant qu'il n'avait pas étudié, qu'il
+n'avait été dans aucune université, et que dès sa
+jeunesse il avait haï la sagesse humaine, qui est
+pleine de tromperies. Qu'il connaissait bien la
+ruse des scribes, qui cherchaient perpétuellement
+à offusquer les yeux des simples.» Après
+quoi il se mit à crier et à pleurer, disant:
+«Qu'après avoir ouï la parole de Dieu, il avait
+renoncé à sa vie déréglée; et que maintenant
+que par le baptême il avait reçu le pardon de ses
+péchés, il était persécuté de chacun, au lieu que
+dans le temps qu'il était plongé dans toutes sortes
+de vices, personne ne l'avait châtié, ni mis en
+prison, comme on faisait présentement. Qu'on
+l'avait enfermé dans la tour, comme un meurtrier;
+quel était donc son crime? etc. La conférence
+ayant duré jusqu'à l'heure du dîner, le sénat
+se leva.</p>
+
+<p>»Après dîner, le sénat s'étant rassemblé, les
+ministres entrèrent en conférence avec les anabaptistes,
+au sujet de la magistrature. Et comme
+l'un d'eux eut donné des réponses assez satisfaisantes
+sur les questions qu'on lui avait proposées,
+cela fit chagrin aux autres, de ce qu'il
+n'était pas ferme dans leur doctrine. C'est pourquoi
+<span class="pagenum" id="Page_257">257</span>
+ils l'interrompirent. «Laisse-nous parler,
+lui dirent-ils, nous qui entendons mieux l'Écriture;
+nous pourrons mieux répondre sur ces
+articles, que toi, qui es encore un novice, et
+qui n'es pas capable de défendre notre foi contre
+les renards.» Alors le tourneur entrant en
+dispute, soutint que saint Paul (<i>Rom. XIII</i>) parlant
+des puissances supérieures, n'entend point
+les magistrats, mais les supérieurs ecclésiastiques.
+&OElig;colampade lui nia cela, et lui demanda en
+quel endroit de la Bible il le trouvait, et comment
+il le prouverait? L'autre lui dit: «Feuilletez
+aussi tout l'Ancien et le Nouveau Testament, et
+vous y trouverez que vous devez recevoir une
+pension; vous avez meilleur temps que moi, qui
+suis obligé de me nourrir du travail de mes
+mains, pour n'être à charge à personne.» Cette
+saillie fit un peu rire les assistans. &OElig;colampade
+leur dit: «Messieurs, il n'est pas temps maintenant
+de rire: si je reçois de l'Église mon entretien
+et ma nourriture, je puis prouver par
+l'Écriture, que cela est raisonnable: ainsi ce sont
+là des discours séditieux. Priez plutôt pour la
+gloire du Seigneur, afin que Dieu amollisse leurs
+c&oelig;urs endurcis et les éclaire.»</p>
+
+<p>«Après plusieurs autres discours, comme le
+temps de se lever approchait, il y en eut un,
+qui n'avait rien dit de tout le jour, qui se mit à
+<span class="pagenum" id="Page_258">258</span>
+hurler et à pleurer. «Le dernier jour est à la
+porte, disait-il, amendez-vous, la cognée est déjà
+mise à l'arbre; ne noircissez donc pas notre doctrine
+sur le baptême. Je vous en prie, pour
+l'amour de Jésus-Christ, ne persécutez pas les
+gens de bien. Certainement le juste juge viendra
+bientôt, et fera périr tous les méchans.»</p>
+
+<p>«Le bourgmeistre l'interrompit pour lui dire
+qu'on n'avait pas besoin de cette lamentation;
+qu'il devait raisonner sur les articles dont il
+était question. Il voulut continuer sur le même
+ton, mais on ne le lui permit pas. Enfin le bourgmeistre
+justifia la conduite du sénat, à l'égard
+des anabaptistes: il représenta qu'on les avait
+arrêtés, non pas à cause de l'Évangile, ni à cause
+de leur bonne conduite, mais à cause de leurs
+déréglemens, de leur parjure et de leur sédition.
+Que l'un <ins id="cor_8" title="original: deux">d'eux</ins> avait commis un meurtre; un autre
+avait enseigné qu'on ne doit point payer les
+dîmes: un troisième avait excité des troubles, etc.
+Que c'était pour ces crimes qu'on les avait saisis,
+jusqu'à ce qu'on eût décidé quel traitement on
+leur ferait, etc.</p>
+
+<p>»Dans ce moment, l'un d'entre eux se mit à
+crier: «Mes frères, ne résistez point au méchant.
+Quand même l'ennemi serait devant votre porte,
+ne la fermez pas. Laissez-les venir, ils ne peuvent
+rien faire contre nous, sans la volonté du
+<span class="pagenum" id="Page_259">259</span>
+Père, puisque nos cheveux sont comptés. Je dis
+bien plus: il ne faut pas même résister à un brigand
+dans un bois. Ne croyez-vous pas que Dieu
+ait soin de vous?» On lui imposa silence. (Ruchat,
+<i>Réforme suisse</i>, II, p. 498.)</p>
+
+<p><i>Autre dispute.</i>&mdash;«Le ministre zwinglien leur
+parla amiablement et avec douceur, leur remontrant
+que, s'ils enseignaient la vérité, ils avaient
+tort de se séparer de l'Église, et de prêcher dans
+les bois, et dans d'autres lieux écartés. Ensuite
+il leur exposa en peu de mots la doctrine de l'Église.
+Un des anabaptistes l'interrompit, pour lui
+dire: «Nous avons reçu le Saint-Esprit par le
+baptême, nous n'avons pas besoin d'instruction.»
+Un des seigneurs députés leur dit: «Nous
+avons ordre de vous dire, qu'on veut bien vous
+laisser aller sans autre châtiment, pourvu que
+vous quittiez le pays et que vous promettiez de
+n'y plus revenir, à moins que vous ne vous amendiez.»
+L'un des anabaptistes lui répondit: «Quel
+ordre est-ce-là? le magistrat n'est point maître de
+la terre pour nous ordonner de sortir ou d'aller
+ailleurs. Dieu a dit: Habite le pays. Je veux obéir
+à ce commandement, et demeurer dans le pays
+où je suis né, où j'ai été élevé, et personne n'a
+le droit de s'y opposer.» Mais on lui fit bientôt
+éprouver le contraire. (Ruchat, t. III, p. 102.)</p>
+
+<p>«On vit à Bâle un anabaptiste nommé <i>Conrad
+<span class="pagenum" id="Page_260">260</span>
+in Gassen</i>, qui proférait des blasphèmes étranges,
+par exemple: «Que Jésus-Christ n'était point
+notre Rédempteur; qu'il n'était point Dieu, et
+qu'il n'était point né d'une Vierge.» Il ne faisait
+aucun cas de la prière, et comme on lui représentait
+que Jésus-Christ avait prié sur la montagne
+des Oliviers, il répondait avec une brutale
+insolence: «Qui est-ce qui l'a ouï?» Comme il
+était incorrigible, il fut condamné à avoir la tête
+tranchée.&mdash;Cet impie fanatique me fait souvenir
+d'un autre de nos jours, qui a séduit certaines
+personnes de notre voisinage, il y a quelques
+années, en leur persuadant qu'il ne fallait user
+ni de pain ni de vin. Et comme on lui objectait
+un jour à Genève, que le premier miracle de Jésus-Christ
+avait été de changer l'eau en vin, il
+répondit: «Que Jésus-Christ était encore jeune
+dans ce temps-là, et que c'était une petite faute
+qu'il fallait lui pardonner.» (Ruchat, <i>Réforme
+suisse</i>, t. III, p. 104.)</p>
+
+<p>La Réforme, née dans la Saxe, avait promptement
+gagné les bords du Rhin, et était allée,
+remontant le fleuve, s'associer dans la Suisse au
+rationalisme vaudois; elle osa même passer dans
+la catholique Italie. Mélanchton, qui entretenait
+correspondance habituelle avec Bembo et Sadolet,
+tous deux secrétaires apostoliques, fut d'abord
+beaucoup plus connu que Luther des érudits
+<span class="pagenum" id="Page_261">261</span>
+italiens. C'est à lui qu'on rapportait la gloire
+des premières attaques contre Rome. Mais la
+réputation de Luther grandissant avec l'importance
+de sa réforme, il apparut bientôt aux Italiens
+comme le chef du parti protestant. C'est à
+ce titre qu'Altieri lui écrit en 1542 au nom des
+églises protestantes du nord-est de l'Italie:</p>
+
+<p>«Au très excellent et très intègre docteur et
+maître dans les saintes Écritures, le seigneur
+Martin Luther, notre chef (princeps) et notre
+frère en Christ, les frères de l'église de Venise,
+Vicence et Trévise.</p>
+
+<p>»Nous avouons humblement notre faute et
+notre ingratitude, pour avoir tardé si long-temps à
+reconnaître ce que nous te devions à toi qui nous
+as ouvert la voie du salut... Nous sommes exposés
+à toute la rage de l'Antichrist, et sa cruauté augmente
+de jour en jour contre les élus de Dieu...
+Errans, dispersés, nous attendons que vienne
+le fort du Seigneur... Vous que Dieu a placé à
+la garde de son troupeau, jusqu'à sa venue,
+veillez, nous vous en supplions, chassez les
+loups qui nous dévorent... Sollicitez les sérénissimes
+princes de l'Allemagne qui suivent l'Évangile,
+d'écrire pour nous au sénat de Venise, afin de
+modérer et de suspendre les mesures violentes
+que l'on prend contre le troupeau du Seigneur,
+à la suggestion des ministres du pape.... Vous
+<span class="pagenum" id="Page_262">262</span>
+savez quel accroissement ont pris ici vos églises;
+combien est large la porte ouverte à l'Évangile...
+travaillez donc encore pour la cause commune.»
+(Seckendorf, lib. III, p. 401.)</p>
+
+<p>Charles-Quint contribua lui-même à répandre
+dans la péninsule le nom et les doctrines de Luther,
+en appelant sans cesse dans cette contrée de
+nouvelles bandes de landsknechts, parmi lesquels
+se trouvaient beaucoup de protestans. On
+sait que George Frundsberg, le chef des troupes
+allemandes du connétable de Bourbon, jurait
+d'étrangler le pape avec la chaîne d'or qu'il portait
+au cou.&mdash;L'auteur d'une histoire luthérienne
+rapporte qu'un de ces Allemands se vantait
+de manger bientôt un morceau du pape (<i lang="la" xml:lang="la">ut
+ex corpore papæ frustum devoret</i>). Il ajoute qu'après
+la prise de Rome plusieurs hommes d'armes
+changèrent une chapelle en écurie, et firent
+des bulles du pape une litière pour leurs chevaux,
+puis, se revêtant d'habits sacerdotaux,
+ils proclamèrent pape un landsknecht qui, dans
+son consistoire, déclara faire abandon de la papauté
+à Luther. (Cochlæus, p. 156).&mdash;Luther
+fut même solennellement proclamé. «Un certain
+nombre de soldats allemands s'assemblèrent un
+jour dans les rues de Rome, montés sur des
+chevaux et des mules. Un d'eux, nommé Grunwald,
+remarquable par sa taille, s'habilla comme
+<span class="pagenum" id="Page_263">263</span>
+le pape, se mit sur la tête une triple couronne,
+et monta sur une mule richement caparaçonnée;
+d'autres s'étaient habillés en cardinaux, avec une
+mitre sur la tête, et vêtus d'écarlate ou de blanc,
+suivant les personnages qu'ils représentaient. Ils
+se mirent ainsi en marche au bruit des tambours
+et des fifres, entourés d'une foule innombrable,
+et avec toute la pompe usitée dans les processions
+pontificales. Lorsqu'ils passaient devant quelques
+maisons où se trouvait un cardinal, Grunwald
+bénissait le peuple. Il descendit ensuite de sa
+mule, et les soldats, le plaçant sur un siége, le
+portèrent sur leurs épaules. Arrivé au château
+Saint-Ange, il prend alors une large coupe et
+boit à la santé de Clément, et ceux qui l'environnent
+suivent son exemple. Il prête ensuite
+serment à ses cardinaux, et ajoute qu'il les engage
+à rendre hommage à l'Empereur comme à
+leur légitime et unique souverain; il leur fait
+promettre qu'ils ne troubleront plus la paix de
+l'Empire par leurs intrigues, mais que, suivant
+les préceptes de l'Écriture et l'exemple de Jésus-Christ
+et des apôtres, ils demeureront soumis au
+pouvoir civil. Après une harangue dans laquelle
+il récapitula les guerres, les parricides et les
+sacriléges des papes, le prétendu pontife promit
+solennellement de transférer, par voie de testament,
+son autorité et sa puissance à Martin Luther.
+<span class="pagenum" id="Page_264">264</span>
+Lui seul, disait-il, pouvait abolir tous ces
+abus et réparer la barque de saint Pierre, de
+sorte qu'elle ne fût plus le jouet des vents et des
+flots. Élevant alors la voix, il dit aux assistans:
+«Que tous ceux qui sont de cet avis, le fassent
+connaître en levant la main.» Aussitôt la multitude
+des soldats leva la main en s'écriant: «<i>Vive
+le pape Luther!</i>» Toute cette scène se passait
+sous les yeux de Clément VII. (Macree, Réf. en
+Italie, p. 66-7.)</p>
+
+<p>Les ouvrages de Zwingli étant écrits en langue
+latine, circulaient plus facilement en Italie que
+ceux des réformateurs du nord de l'Allemagne,
+qui n'écrivaient point toujours dans la langue
+savante et universelle. Cette circonstance est
+sans doute une des causes du caractère que prit
+la réforme italienne, particulièrement dans l'académie
+de Vicence, où naquit le socinianisme.
+Cependant les livres de Luther passèrent de
+bonne heure les Alpes. Le 14 février 1519, le
+premier magistrat lui écrit: «Blaise Salmonius,
+libraire de Leipzig, m'a présenté quelques-uns
+de vos traités; comme ils ont eu l'approbation
+des savans, je les ai livrés à l'impression, et j'en
+ai envoyé six cents exemplaires en France et en
+Espagne. Ils se vendent à Paris, et mes amis
+m'assurent que même, dans la Sorbonne, il y a
+des gens qui les lisent et les approuvent. Des savans
+<span class="pagenum" id="Page_265">265</span>
+de ce pays désiraient aussi depuis long-temps
+voir traiter la théologie avec indépendance.
+Calvi, libraire de Pavie, s'est chargé de faire
+passer une grande partie de l'édition en Italie. Il
+nous promet même un envoi de toutes les épigrammes
+composées en votre honneur par les
+savans de son pays. Telle est la faveur que votre
+courage et votre habileté ont attirée sur vous et
+sur la cause de Christ.»</p>
+
+<p>Le 19 septembre 1520, Burchard Schenk
+écrit de Venise à Spalatin: «J'ai lu ce que vous
+me mandez du seigneur Martin Luther; il y a
+déjà long-temps que sa réputation est arrivée
+jusqu'à nous, mais on dit par la ville qu'il se
+garde du pape! Il y a deux mois, dix de ses
+livres furent apportés dans notre ville, et aussitôt
+vendus... Que Dieu le conduise dans la voie de
+la vérité et de la charité.» (Seckendorf, p. 115.)</p>
+
+<p>Quelques ouvrages de Luther pénétrèrent
+même dans Rome, et jusque dans le Vatican, sous
+la sauve-garde de quelque pieux personnage dont
+le nom remplaçait en tête du livre celui de l'auteur
+hérétique. C'est ainsi que plusieurs cardinaux
+eurent à se repentir d'avoir loué hautement
+le <i>Commentaire sur l'Épître aux Romains</i>, et le
+<i>Traité sur la justification</i> d'un certain cardinal
+Fregoso, qui n'était autre que Luther. Il en advint
+de même pour les <i>Lieux communs</i> de Mélanchton.
+<span class="pagenum" id="Page_266">266</span>
+(Maccree, Réforme italienne, p. 39.)</p>
+
+<p>«Je m'occupe, dit Bucer dans une lettre à
+Zwingli, d'une interprétation des psaumes. Les
+instances de nos frères de la France et de l'Allemagne
+intérieure, me décident à les publier sous
+un nom étranger, afin que les libraires puissent
+les vendre. Car c'est un crime capital d'introduire
+dans ces deux pays des livres qui portent nos
+noms. Je me donnerai donc pour un Français,
+et je ferai paraître mon livre sous le nom d'Aretius
+Felinus.»&mdash;Il dédia ce livre au Dauphin.
+(<span lang="la" xml:lang="la">Lugduni iii idus julii anno MDXXIX.</span>)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a30" id="Footnote_a30" href="#FNanchor_a30">[a30]</a>&nbsp;</span>Page 56, ligne 5.&mdash;<i>Les catholiques et les protestans réunis
+un instant contre les anabaptistes...</i></p>
+
+<p>Pour repousser les reproches des catholiques
+qui attribuaient aux prédicateurs protestans la
+révolte des anabaptistes, les Réformés de toutes
+les sectes cherchèrent encore une fois à se réunir.
+Une conférence eut lieu à Wittemberg (1536).
+Bucer, Capiton et plusieurs autres s'y rendirent
+au mois de mai, pour conférer avec les théologiens
+saxons. La conférence dura du 22 au 25,
+jour où fut signée la <i>Formule de concorde</i> rédigée
+par Mélanchton. Le 28, Luther et Bucer prêchèrent
+<span class="pagenum" id="Page_267">267</span>
+à Wittemberg, et proclamèrent l'union
+qui venait de se conclure entre les deux partis.
+(Ukert, I, 307.)</p>
+
+<p>Avant de signer la formule de concorde,
+Luther voulut qu'elle fût approuvée explicitement
+par les réformés de la Suisse, «de peur,
+dit-il, que par des réticences, cette <i>Concorde</i> ne
+donne lieu dans la suite à des discordes encore
+plus fâcheuses.» (janvier 1535.) Cette approbation
+fut donnée. «Les Suisses, écrit-il au duc
+Albert de Prusse, les Suisses, qui jusqu'ici n'étaient
+pas d'accord avec nous sur la question du
+saint Sacrement, sont en bon chemin; Dieu
+veuille ne pas nous abandonner! Bâle, Strasbourg,
+Augsbourg, Berne et plusieurs autres
+villes, se sont rangées de notre côté. Nous les
+recevons comme frères, et nous espérons que
+Dieu finira le scandale, non pas à cause de nous,
+car nous ne l'avons pas mérité, mais pour glorifier
+son nom et faire dépit à cet abominable
+pape. La nouvelle a beaucoup effrayé ceux de
+Rome. Ils sont dans la terreur et n'osent assembler
+un concile.» (6 mai 1538.)</p>
+
+<p>Dans le même temps, des négociations étaient
+entamées avec Henri, duc de Brunswick, pour
+le rattacher aux doctrines luthériennes, mais elles
+restèrent sans résultat.&mdash;Le 23 octobre 1539,
+Luther écrivit à l'Électeur pour lui annoncer
+<span class="pagenum" id="Page_268">268</span>
+que les négociations avec les envoyés du roi d'Angleterre
+étaient également infructueuses. La lettre
+est signée de Luther, de Mélanchton, et de
+plusieurs autres théologiens de Wittemberg.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a31" id="Footnote_a31" href="#FNanchor_a31">[a31]</a>&nbsp;</span>Page 57, ligne 25.&mdash;<i>Les armes seules pouvaient décider...</i></p>
+
+<p>«Le docteur Jean Pommer m'a dit une fois qu'à
+Lubeck, dans la maison de ville, on avait trouvé
+dans une vieille chronique, une prophétie d'après
+laquelle en l'an 1550, il s'élèverait dans
+l'Allemagne un grand tumulte à cause de la religion;
+et que, lorsque l'Empereur s'en serait
+mêlé, il perdrait tout ce qu'il avait. Mais je ne
+crois point que l'Empereur commence la guerre
+pour la cause du pape; la guerre coûte trop d'argent.»</p>
+
+<p>L'éditeur Aurifaber ajoute que Charles-Quint,
+dans sa retraite de Saint-Just, avait fait tendre
+les murs d'une vingtaine de tapisseries qui représentaient
+les principales actions de son règne;
+qu'il aimait à se promener en les regardant,
+et que, lorsqu'il s'arrêtait devant celle qui représentait
+la prise de l'électeur de Saxe à Muhlberg,
+il soupirait et disait: «Si je l'eusse laissé
+tel qu'il était, je serais resté tel que j'étais.»
+<span class="pagenum" id="Page_269">269</span>
+(Tischred., p. 6.)&mdash;Ce mot que l'éditeur a l'air
+de ne pas comprendre, peut-être à dessein, est
+fort raisonnable; car rien ne fut plus funeste à
+Charles-Quint que d'avoir donné l'électorat au
+jeune Maurice.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a32" id="Footnote_a32" href="#FNanchor_a32">[a32]</a>&nbsp;</span>Page 58, ligne 7.&mdash;<i>Ratisbonne...</i></p>
+
+<p>«Je veux devancer tes lettres et te prédire ce
+qui se passe à Ratisbonne même. Tu as été appelé
+par l'Empereur, il t'a dit de songer aux conditions
+de la paix. Toi, tu lui as répondu en latin,
+tu as fait tout ce que tu as pu, mais tu es resté
+au-dessous d'un si grand sujet. Eck, selon son habitude,
+a vociféré: «Très gracieux Empereur, je
+prétends prouver que nous avons raison et que
+le pape est la tête de l'Église.» Voilà votre histoire.»
+(25 juin 1541.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a33" id="Footnote_a33" href="#FNanchor_a33">[a33]</a>&nbsp;</span>Page 59, ligne 3.&mdash;<i>Notre prince... accourut avec Pontanus
+et tous deux arrangèrent la réponse à leur façon...</i></p>
+
+<p>La cour cherchait à exercer une sorte de contrôle,
+de haute surveillance sur les ouvrages
+<span class="pagenum" id="Page_270">270</span>
+même de Luther. En 1531, il avait écrit un livre
+intitulé: <i>Contre l'hypocrite de Dresde</i>, sans en
+avoir fait part à l'Électeur; il lui fallut s'en excuser
+auprès du chancelier Brück.</p>
+
+<p>«... Si mes petits ouvrages, dit-il, étaient
+envoyés à la cour, avant de paraître, ils y rencontreraient
+tant de critiques et de censures
+qu'ils ne paraîtraient jamais, et, s'ils paraissaient,
+nos ennemis soupçonneraient chaque fois une
+foule de gens d'y avoir pris part. De cette manière,
+l'on sait et l'on voit qu'ils sont tout uniment
+de Luther; et c'est à lui seul de s'en justifier.»</p>
+
+<p>Dans une autre circonstance plus sérieuse, il
+eut encore à lutter contre l'intervention de la
+cour. Albert, archevêque de Mayence, avait
+fait mettre à mort l'un de ses officiers, nommé
+Schanz, contrairement aux lois, et à en croire la
+voix publique, par haine personnelle. Luther lui
+adressa à cette occasion deux lettres pleines
+d'indignation. Il commençait ainsi la première
+(31 juillet 1535): «Je ne vous écris plus, cardinal,
+dans l'espoir de changer votre c&oelig;ur profondément
+perverti. C'est une pensée à laquelle j'ai
+renoncé. Je vous écris pour satisfaire à ma conscience
+devant Dieu et les hommes, et ne
+pas approuver, par mon silence, l'acte horrible
+que vous venez de commettre.» Dans ce qui suit,
+<span class="pagenum" id="Page_271">271</span>
+il l'appelle cardinal d'enfer, et le menace du bourreau
+éternel qui viendra lui demander compte
+du sang versé. Dans la seconde lettre (mars 1536),
+il dit: «L'écrit ci-joint vous fera voir que le sang
+de Schanz ne se tait pas en Allemagne comme
+dans les appartemens de votre Grâce électorale,
+au milieu de vos courtisans. Abel vit en Dieu et
+son sang crie contre les meurtriers!... J'ai reconnu
+par la lettre de votre Grâce à Antoine
+Schanz que vous allez jusqu'à accuser sa famille
+d'être cause de sa mort. J'ai vu et entendu raconter
+mainte scélératesse de cardinal, mais
+je n'aurais jamais cru que vous fussiez une si
+cruelle et impudente vipère pour railler encore
+les malheureux, après cette abominable, cette
+infernale action!... J'ai recueilli les derniers
+cris de Schanz, au moment de sa détresse, ses
+dernières protestations contre la violence, lorsque
+votre Sainteté lui fit arracher les dents pour
+tirer de lui un faux aveu; je publierai ces paroles,
+et Dieu aidant, votre Sainteté dansera une danse
+qu'elle n'a jamais dansée!... Si Caïn sait dire:
+<i>Suis-je fait pour garder mon frère?</i> Dieu sait aussi
+lui répondre: <i>Sois maudit sur la terre...</i> Je vous
+recommande à Dieu, dit-il à la fin de la lettre,
+si toutefois le chapeau de sang (le chapeau rouge
+de cardinal) vous laisse désirer de lui être recommandé.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_272">272</span>
+L'électeur de Saxe et le duc Albert de Prusse,
+parens du cardinal, trouvèrent trop violent l'écrit
+dont Luther parlait dans cette lettre. Ils lui
+firent dire qu'il attaquait l'honneur de la famille
+dans la personne de l'archevêque, et lui commandèrent
+d'user de ménagemens. Luther n'en
+publia pas moins son écrit quelque temps après.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a34" id="Footnote_a34" href="#FNanchor_a34">[a34]</a>&nbsp;</span>Page 59, ligne 18.&mdash;<i>Ils regardent toute cette affaire comme
+une comédie...</i></p>
+
+<p>Dès le commencement des conférences, Luther
+avait prévu qu'elles ne mèneraient à rien.
+Il se défiait même de la fermeté de Bucer et du
+landgrave de Hesse. Il dit dans une lettre au
+chancelier Brück: «Je crains que le Landgrave
+ne se laisse entraîner trop loin par les papistes,
+et qu'il ne veuille nous entraîner avec lui. Mais il
+nous a déjà suffisamment tiraillés et je ne me laisserai
+plus mener par lui. Je reprendrais plutôt
+tout le fardeau sur mes épaules, et je marcherais
+seul, à mes risques et périls, comme dans le commencement.
+Nous savons que c'est la cause de
+Dieu; c'est lui qui nous a suscités, qui nous a
+conduits jusqu'ici, il saura bien faire triompher
+sa cause. Ceux qui ne voudront pas nous suivre,
+n'ont qu'à rester en arrière. Ni l'Empereur, ni le
+<span class="pagenum" id="Page_273">273</span>
+Turc, ni tous les Démons ensemble, ne pourront
+rien contre cette cause, quoi qu'il en puisse advenir
+de nous et de ce corps mortel.&mdash;Je m'indigne
+qu'ils traitent ces affaires comme des affaires
+mondaines, des affaires d'Empereur, de
+Turcs, de princes, dans lesquelles on puisse transiger
+à volonté, avancer ou reculer. C'est une
+cause dans laquelle Dieu et Satan combattent
+avec tous leurs anges. Ceux qui ne le croient pas,
+ne peuvent pas la défendre.» (avril 1541.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a35" id="Footnote_a35" href="#FNanchor_a35">[a35]</a>&nbsp;</span>Page 59, ligne 24.&mdash;<i>Je suis indigné qu'on se joue ainsi de
+si grandes choses...</i></p>
+
+<p>«Je vais à Haguenau; je verrai de près ce
+formidable Syrien, ce Behemoth dont se rit, au
+psaume II, l'habitant du ciel... Mais ils ne comprendront
+point ce rire, jusqu'au moment où
+finira ce chant funèbre: Vous périrez dans la
+route, quand se lèvera sa colère, parce qu'ils
+ont refusé un baiser au Fils (<span lang="la" xml:lang="la">peribitis in viâ, cum
+exarserit ira ejus, quia Filium nolunt osculari</span>).&mdash;Amen,
+amen, que cela arrive. Ils l'ont mérité,
+ils l'ont voulu.» (2 juillet 1540.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a36" id="Footnote_a36" href="#FNanchor_a36">[a36]</a>&nbsp;</span>Page 64, ligne 15.&mdash;<i>Fait à Wittemberg...</i></p>
+
+<p>On trouve dans les <i>Propos de table</i>, p. 320:</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_274">274</span>
+«Le mariage secret des princes et des grands seigneurs
+est un vrai mariage, devant Dieu; il n'est
+pas sans analogie avec le concubinat des patriarches.»
+(Ceci expliquerait la consultation en faveur
+du Landgrave.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a37" id="Footnote_a37" href="#FNanchor_a37">[a37]</a>&nbsp;</span>Page 65, ligne 19.&mdash;<i>Depuis cette époque, les lettres de Luther,
+comme celles de Mélanchton, sont pleines de dégoût
+et de tristesse.</i></p>
+
+<p>«L'ingratitude des hommes, c'est le cachet
+d'une bonne &oelig;uvre; si nos efforts plaisaient au
+monde, à coup sûr ils ne seraient point agréables
+à Dieu.» (6 août 1539.)</p>
+
+<p>«La tristesse et la mélancolie viennent de Satan;
+c'est pour moi une chose sûre. Dieu n'afflige,
+ni n'effraie, ni ne tue; il est le Dieu des
+vivans. Il a envoyé son fils unique, pour que
+nous vivions par lui, pour qu'il surmonte la
+mort. C'est pourquoi l'Écriture dit: Soyez contens
+et joyeux, etc.» (Tischreden, p. 205, verso.)</p>
+
+<p><i>Sur la tristesse.</i>&mdash;«Vous ne pouvez empêcher,
+disait un sage, que les oiseaux ne volent
+au-dessus de votre tête; mais vous empêcherez
+qu'ils ne fassent leurs nids dans vos cheveux.»
+(19 juin 1530.)</p>
+
+<p>Jean de Stockhausen avait demandé à Luther
+<span class="pagenum" id="Page_275">275</span>
+des remèdes contre les tentations spirituelles et
+la mélancolie. Luther lui conseilla dans une lettre
+d'éviter la solitude et de fortifier sa volonté
+par une vie active, laborieuse. Il lui recommanda,
+outre la prière, la lecture du livre de
+Gerson: <i lang="la" xml:lang="la">De cogitationibus blasphemiæ</i>. (27 novembre
+1532.)</p>
+
+<p>Il donna des conseils semblables au jeune
+prince Joachim d'Anhalt, «La gaîté, dit-il, et le
+bon courage (en tout bien et tout honneur) sont
+la meilleure médecine des jeunes gens, disons
+mieux, de tous les hommes. Moi-même qui ai
+passé ma vie dans la tristesse et les pensées sombres,
+j'accepte aujourd'hui la joie partout où elle
+se présente, je la recherche même. La joie criminelle
+vient de Satan, il est vrai, mais la joie qu'on
+trouve dans le commerce d'hommes honnêtes et
+pieux, celle-là plaît au Seigneur..... Montez à
+cheval, allez à la chasse avec vos amis, amusez-vous
+avec eux. La solitude et la mélancolie sont
+un poison; c'est la mort des hommes, et surtout
+des hommes jeunes.» (26 juin 1534.)</p>
+
+<p>Mélanchton raconta un jour à la table de
+Luther la fable suivante: «Un paysan traversant
+une forêt, rencontra une caverne où se trouvait
+un serpent. Une grande pierre roulée devant,
+empêchait l'animal d'en sortir. Il supplia le paysan
+d'enlever la pierre, lui promettant la plus belle
+<span class="pagenum" id="Page_276">276</span>
+récompense. Le paysan se laissa tenter, délivra
+le serpent, et lui demanda le prix de sa peine.
+A quoi le serpent répondit qu'il allait lui donner
+la récompense que le monde donne à ses bienfaiteurs,
+qu'il allait le tuer. Tout ce que le paysan
+put obtenir par ses supplications, fut qu'ils remettraient
+leur différend au jugement du premier
+animal qu'ils rencontreraient. Ce fut d'abord un
+vieux cheval qui n'avait plus que la peau et les
+os. Pour toute réponse, il dit: «J'ai consumé
+tout ce que j'avais de force au service de l'homme;
+pour récompense, il va me tuer, m'écorcher.»
+Ils rencontrèrent ensuite un vieux chien que son
+maître venait de rouer de coups; ce nouvel arbitre
+donna même décision. Le serpent voulait
+alors tuer son bienfaiteur. Celui-ci obtint qu'ils
+prendraient un nouveau juge, et que la sentence
+de ce dernier serait décisive. Après avoir marché
+quelques pas, ils virent venir à eux un renard.
+Dès que le paysan l'aperçut, il invoqua son secours,
+et lui promit tous ses poulets, s'il rendait
+une décision favorable. Le renard ayant entendu
+les parties, dit qu'avant de prononcer, il fallait
+remettre toutes choses dans leur premier état;
+que le serpent devait retourner dans la caverne
+pour entendre le jugement. Le serpent consentit,
+et, dès qu'il y fut, le paysan boucha le trou
+de son mieux. Le renard vint la nuit suivante
+<span class="pagenum" id="Page_277">277</span>
+prendre les poulets qui lui étaient promis; mais
+la femme et les valets du paysan le tuèrent.»
+Mélanchton ayant fini ce conte, le docteur dit:
+«Voilà bien l'image de ce qu'on voit dans le
+monde. Celui que vous avez sauvé de la potence
+vous fait pendre. Si je n'avais d'autre exemple,
+je n'aurais qu'à penser à Jésus-Christ qui, après
+avoir racheté le monde entier du péché, de la
+mort, du diable et de l'enfer, fut crucifié par les
+siens mêmes.» (Tischreden, p. 56.)</p>
+
+<p>Les plaisanteries, les jeux de mots qui se rencontrent
+si souvent dans les lettres des années
+précédentes, ont disparu dans celles-ci; la correspondance
+de Luther devient triste; c'est à
+peine si on le voit sourire une seule fois; le
+récit grotesque d'une expédition militaire de
+quelques bourgeois contre des brigands, peut
+tout au plus le dérider: «Voici encore une nouvelle
+victoire de Kohlhase (fameux brigand dont
+la vie est racontée dans un curieux roman historique);
+il a pris et enlevé un riche meunier. Sitôt
+que nous avons su la chose, nous nous
+sommes courageusement précipités à travers les
+campagnes, pas trop loin cependant de nos murailles,
+et comme il convient à des saints Christophes
+en peinture ou à des saints Georges de
+bois, nous avons effrayé les nuées de quelques
+coups de fusil... Nous avons fait transporter dans
+<span class="pagenum" id="Page_278">278</span>
+la ville nos bois, nos arbres, de peur que, la
+nuit, Kohlhase n'en fasse un pont pour passer
+nos petits fossés. Nous sommes tous des Hectors
+et des Achilles, ne craignant personne, bien que
+nous soyons seuls et sans ennemis.»</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a38" id="Footnote_a38" href="#FNanchor_a38">[a38]</a>&nbsp;</span>Page 67, ligne 25.&mdash;<i>Poison...</i></p>
+
+<p>En 1541, un bourgeois de Wittemberg,
+nommé Clémann Schober, suivit Luther l'arquebuse
+à la main, dans l'intention probable de le
+tuer. Il fut arrêté et puni. (Ukert <span class="t5">I</span>, 323.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a39" id="Footnote_a39" href="#FNanchor_a39">[a39]</a>&nbsp;</span>Page 71, ligne 4.&mdash;<i>Famille...</i></p>
+
+<p><i>A Marc Cordel.</i> «Comme nous en sommes convenus,
+mon cher Marc, je t'envoie mon fils
+Jean, afin que tu l'emploies à exercer des enfans
+dans la grammaire et la musique, et en même
+temps, pour que tu surveilles et corriges ses
+m&oelig;urs... Si tes soins prospèrent pour ce fils, tu
+en auras, de mon vivant, deux autres... Je suis
+en travail de théologiens, mais je veux enfanter
+aussi des grammairiens et des musiciens.»
+(26 août 1542.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_279">279</span>
+Le docteur Jonas avait dit un jour que la malédiction
+de Dieu sur les enfans désobéissans,
+s'était accomplie dans la famille de Luther; le
+jeune homme dont il parlait était toujours malade
+et souffrant. Le docteur Luther ajouta
+«C'est la punition due à sa désobéissance. Il
+m'a presque tué une fois, et, depuis ce temps,
+j'ai perdu toutes les forces de mon corps. Grâce
+à lui, j'ai compris le passage où saint Paul parle
+des enfans qui tuent leurs parens, non par l'épée,
+mais par la désobéissance. Ils ne vivent guère,
+et n'ont pas de bonheur... O mon Dieu! que le
+monde est impie, et dans quels temps nous vivons!
+Ce sont les temps dont Jésus-Christ a dit:
+«Quand le fils de l'homme viendra, croyez-vous
+qu'il trouvera de la foi et de la charité?» Heureux
+ceux qui meurent avant de voir des temps
+pareils.» (Tischreden, p. 48.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a40" id="Footnote_a40" href="#FNanchor_a40">[a40]</a>&nbsp;</span>Page 71, ligne 4.&mdash;<i>La femme...</i></p>
+
+<p>«La femme est le plus précieux des trésors.
+Elle est pleine de grâces et de vertus; elle garde
+la foi.»</p>
+
+<p>&mdash;«Le premier amour est violent, il nous
+enivre et nous enlève la raison. L'ivresse passée,
+<span class="pagenum" id="Page_280">280</span>
+les âmes pieuses conservent l'amour honnête; les
+impies n'en conservent rien.»</p>
+
+<p>&mdash;«Mon doux Seigneur! si c'est ta volonté
+sainte que je vive sans femme, soutiens-moi
+contre les tentations; sinon, veuille m'accorder
+une bonne et pieuse jeune fille, avec laquelle je
+passe doucement ma vie, que j'aime et dont je
+sois aimé en retour.» (Tischreden, p. 329-31.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a41" id="Footnote_a41" href="#FNanchor_a41">[a41]</a>&nbsp;</span>Page 71, ligne 8.&mdash;<i>Asseyons-nous à sa table...</i></p>
+
+<p>Il y était toujours entouré de ses enfans et de
+ses amis, Mélanchton, Jonas, Aurifaber, etc.,
+qui l'avaient soutenu dans ses travaux. Une place
+à cette table était chose enviée.&mdash;«J'aurais volontiers,
+écrit-il à Gaspard Muller, reçu Kégel au
+nombre de mes pensionnaires, pour différentes
+raisons; mais le jeune Porse de Jéna allant
+bientôt revenir, la table sera pleine, et je ne puis
+pourtant congédier mes anciens et fidèles compagnons.
+Si cependant il se trouve plus tard une
+place vacante, comme cela pourrait arriver après
+Pâques, je ferai avec plaisir ce que vous désirez,
+à moins que <i>le seigneur</i> Catherine, ce que je ne
+pense pas, ne veuille nous refuser sa grâce.»
+(19 janvier 1536.) <i>Dominus Ketha</i>, c'était le
+nom qu'il donnait souvent à sa femme. Il commence
+<span class="pagenum" id="Page_281">281</span>
+ainsi une lettre qu'il lui écrit le 26 juillet
+1540: «A la riche et noble dame de Zeilsdorf<a name="FNanchor_7" id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>,
+madame la <i>doctoresse</i> Catherine Luther,
+domiciliée à Wittemberg, quelquefois se promenant
+à Zeilsdorf, ma bien-aimée épouse.»</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a42" id="Footnote_a42" href="#FNanchor_a42">[a42]</a>&nbsp;</span>Page 77, ligne 8.&mdash;<i>Mariage...</i></p>
+
+<p>«Le mariage, que l'autorité approuve et qui
+n'est point contre la parole de Dieu, est un bon
+mariage, quel que soit le degré de parenté.»
+(Tischreden, page 321.)</p>
+
+<p>Il blâmait fort les juristes qui, «contre leur
+propre conscience, contre le droit naturel, divin
+et impérial, maintenaient comme valables les
+promesses secrètes de mariage. On doit laisser
+chacun s'arranger avec sa conscience. On ne peut
+forcer personne à l'amour.</p>
+
+<p>«Les dots, présens de lendemain, biens,
+héritages, etc., ne regardent que l'autorité. Je
+veux les lui renvoyer, afin qu'elle en charge ses
+gens, ou qu'elle décide elle-même. Nous sommes
+pasteurs des consciences, non des corps ou des
+biens.» (Tischreden, p. 315)</p>
+
+<p>Consulté dans un cas d'adultère, il dit: «On
+doit les citer et ensuite les séparer. De tels cas
+<span class="pagenum" id="Page_282">282</span>
+regardent proprement l'autorité, car le mariage
+est une chose temporelle. Il n'intéresse l'Église
+qu'en ce qui touche la conscience.» (Tischreden,
+p. 322.)</p>
+
+<p>L'an 1539, 1<sup>er</sup> février, il disait: «Quoique
+les affaires relatives aux mariages nous obligent
+tous les jours d'étudier, de lire, de prêcher,
+d'écrire et de prier, je me réjouis que
+les consistoires soient établis, surtout pour ce
+genre d'affaires... On trouve beaucoup de parens,
+particulièrement des beaux-pères qui, sans raison,
+défendent le mariage à leurs enfans. L'autorité
+et les pasteurs doivent y voir, et favoriser
+les mariages, même contre la volonté des parens,
+selon les diverses <ins id="err_5" title="original: occurences (Err.)">occurrences</ins>... Les enfans doivent
+citer à leurs parens l'exemple de Samson.
+Nous ne sommes plus au temps de la papauté,
+où l'on suivait la loi contre l'équité.» (Tischreden,
+p. 322.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a43" id="Footnote_a43" href="#FNanchor_a43">[a43]</a>&nbsp;</span>Page 81, ligne 12.&mdash;<i>Ma femme et mes petits enfans...</i></p>
+
+<p>Durant la diète d'Augsbourg, il écrivit à son fils
+Jean: «Grâce et paix à toi, en Jésus-Christ,
+mon cher petit enfant. Je vois avec plaisir que
+tu apprends bien et que tu pries sans distraction.
+Continue, mon enfant, et, quand je reviendrai
+<span class="pagenum" id="Page_283">283</span>
+à la maison, je te rapporterai quelque belle
+chose.</p>
+
+<p>»Je sais un beau et riant jardin, tout plein
+d'enfans en robes d'or, qui vont jouant sous les
+arbres avec de belles pommes, des poires, des
+cerises, des noisettes et des prunes; ils chantent,
+ils sautent, et sont tout joyeux; ils ont aussi de
+jolis petits chevaux avec des brides d'or et des
+selles d'argent. En passant devant ce jardin, je
+demandais à l'homme à qui il appartient, quels
+étaient ces enfans? Il me répondit: «Ce sont
+ceux qui aiment à prier, à apprendre, et qui
+sont pieux.» Je lui dis alors: «Cher ami, j'ai
+aussi un enfant, c'est le petit Jean Luther; ne
+pourrait-il pas aussi venir dans ce jardin manger
+de ces belles pommes et de ces belles poires,
+monter sur ces jolis petits chevaux, et jouer avec
+les autres enfans?» L'homme me répondit: «S'il
+est bien sage, s'il prie et apprend volontiers, il
+pourra aussi venir, le petit Philippe et le petit
+Jacques avec lui; ils trouveront ici des fifres,
+des timbales et autres beaux instrumens pour
+faire de la musique; ils danseront et tireront
+avec de petites arbalètes.» En parlant ainsi,
+l'homme me montra, au milieu du jardin, une
+belle prairie pour danser, où l'on voyait suspendus
+les fifres, les timbales, et les petites arbalètes.
+Mais il était encore matin, les enfans
+<span class="pagenum" id="Page_284">284</span>
+n'avaient pas dîné, et je ne pouvais attendre que
+la danse commençât. Je dis alors à l'homme:
+«Cher seigneur, je vais vite écrire à mon cher
+petit Jean, afin qu'il soit bien sage, qu'il prie et
+qu'il apprenne, pour venir aussi dans ce jardin;
+mais il a une tante Madeleine qu'il aime beaucoup,
+pourra-t-il l'amener avec lui?» L'homme
+me répondit: «Oui, ils pourront venir ensemble,
+faites-le-lui savoir.» Sois donc bien
+sage, mon cher enfant; dis à Philippe et à Jacques
+de l'être aussi, et vous viendrez tous ensemble
+jouer dans ce beau jardin.&mdash;Je te recommande
+à la protection de Dieu. Salue de ma part la tante
+Madeleine, et donne-lui un baiser pour moi.
+Ton père qui te chérit. Martin <span class="smcap">Luther</span>.»
+(19 juin 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a44" id="Footnote_a44" href="#FNanchor_a44">[a44]</a>&nbsp;</span>Page 84.&mdash;<i>Fin du chapitre...</i></p>
+
+<p>«Dieu sait tous les métiers mieux que personne.
+Comme tailleur, il fait au cerf une robe
+qui lui sert neuf cents ans sans se déchirer.
+Comme cordonnier, il lui donne une chaussure
+qui dure encore plus long-temps que lui. Et ne
+s'entend-il pas à la cuisine, lui qui par le feu du
+soleil fait tout cuire et tout mûrir. Si notre Seigneur
+vendait les biens qu'il donne, il en ferait
+<span class="pagenum" id="Page_285">285</span>
+passablement d'argent; mais parce qu'il les donne
+gratis, on n'en tient pas compte.» (Tischr., p. 27.)</p>
+
+<p>Ce passage bizarre et un assez grand nombre
+d'autres, nous montrent dans Luther le modèle
+probable d'Abraham de Sancta Clara. Au dix-septième
+siècle, on n'imitait plus que les défauts
+de Luther.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a45" id="Footnote_a45" href="#FNanchor_a45">[a45]</a>&nbsp;</span>Page 87, ligne 15.&mdash;<i>Le décalogue...</i></p>
+
+<p>«Me voilà devenu disciple du décalogue. Je
+commence à comprendre que le décalogue est la
+dialectique de l'Évangile, et l'Évangile la rhétorique
+du décalogue; Christ a tout ce qui est de
+Moïse, mais Moïse n'a pas tout ce qui est de
+Christ.» (20 juin 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a46" id="Footnote_a46" href="#FNanchor_a46">[a46]</a>&nbsp;</span>Page 88, ligne 9.&mdash;<i>Il y aura un nouveau ciel, une
+nouvelle terre...</i></p>
+
+<p>«Le grincement de <i>dents dont parle l'Évangile</i>,
+c'est la dernière peine qui suivra une mauvaise
+conscience, la désolante certitude d'être à
+jamais séparé de Dieu.» (Tischr., p. 366.) Ainsi
+Luther semble avoir une idée plus spirituelle de
+l'enfer que du paradis.</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_286">286</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a47" id="Footnote_a47" href="#FNanchor_a47">[a47]</a>&nbsp;</span>Page 89, ligne 10.&mdash;<i>Autrefois on faisait des pélerinages...</i></p>
+
+<p>A Jean de Sternberg, en lui dédiant la traduction
+du psaume CXVII: «... Si je vous ai nommé
+en tête de ce petit travail, ce n'a pas seulement
+été pour attirer l'attention des gens qui méprisent
+tout art et tout savoir, mais aussi pour
+témoigner qu'il y a encore des gens pieux parmi
+la noblesse. La plupart des nobles sont aujourd'hui
+si insolens et si dépravés, qu'ils excitent
+la colère du pauvre homme... S'ils voulaient être
+respectés, ils devraient avant tout respecter eux-mêmes
+Dieu et sa parole. Qu'ils continuent de
+vivre ainsi dans l'orgueil, dans l'insolence, dans
+le mépris de toute vertu, et ils ne seront
+bientôt plus que des paysans; ils le sont déjà,
+quoiqu'ils portent encore le nom de nobles et le
+chapeau à plumes... Ils devraient cependant se
+souvenir de Münzer...</p>
+
+<p>»... Je souhaite que ce petit livre, et d'autres
+qui lui ressemblent, touchent votre c&oelig;ur,
+et que vous y fassiez un pélerinage plus utile au
+salut, que celui que vous avez fait autrefois à
+Jérusalem. Non que je méprise ces pélerinages;
+j'en ferais moi-même bien volontiers, si je pouvais,
+et j'aime toujours à en entendre parler;
+<span class="pagenum" id="Page_287">287</span>
+mais je veux dire que nous ne les faisions pas
+dans un bon esprit. Quand j'allai à Rome, je courus
+comme un fou à travers toutes les églises,
+tous les couvens; je crus tout ce que les imposteurs
+y avaient jamais inventé. J'y dis une dizaine
+de messes, et je regrettais presque que mon père
+et ma mère fussent encore en vie. J'aurais tant
+aimé à les tirer du purgatoire par ces messes et
+autres bonnes &oelig;uvres! On dit à Rome ce proverbe:
+<ins id="err_6" title="original: heureux (Err.)">Heureuse</ins> la mère dont le fils dit la messe
+la veille de la Saint-Jean! Que j'aurais été aise
+de sauver ma mère!</p>
+
+<p>»Nous faisions ainsi, ne sachant pas mieux;
+le pape tolère ces mensonges. Aujourd'hui, Dieu
+merci, nous avons les évangiles, les psaumes,
+et autres paroles de Dieu; nous pouvons y faire
+des pélerinages plus utiles, y visiter et contempler
+la véritable terre promise, la vraie Jérusalem,
+le vrai paradis. Nous n'y marchons pas sur
+les tombeaux des saints et sur leurs dépouilles
+mortelles, mais dans leurs c&oelig;urs, dans leurs
+pensées et leur esprit...» (Cobourg, 29 août 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a48" id="Footnote_a48" href="#FNanchor_a48">[a48]</a>&nbsp;</span>Page 89, ligne 13.&mdash;<i>Pour visiter les saints.</i></p>
+
+<p>«Les saints ont souvent péché, souvent erré.
+Quelle fureur de nous donner toujours leurs
+<span class="pagenum" id="Page_288">288</span>
+actes et leurs paroles pour des règles infaillibles!
+Qu'ils sachent, ces sophistes insensés, ces pontifes
+ignares, ces prêtres impies, ces moines sacriléges,
+et le pape avec toute sa sequelle....
+que nous n'avons pas été baptisés au nom d'Augustin,
+de Bernard, de Grégoire, au nom de
+Pierre ni de Paul, au nom de la bienfaisante
+faculté théologique de la Sodome (Sorbonne) de
+Paris, de la Gomorrhe de Louvain, mais au nom
+du seul Jésus-Christ notre maître.» (<i lang="la" xml:lang="la">De abrogandâ
+missâ privatâ.</i> Op. lat. Lutheri, Witt.,
+II, 245.)</p>
+
+<p>«Les véritables saints, ce sont toutes les autorités,
+tous les serviteurs de l'Église, tous les
+parens, tous les enfans qui croient en Jésus-Christ,
+qui ne commettent point de péché, et
+qui accomplissent, chacun dans sa condition,
+les devoirs que Dieu leur impose.» (Tischreden,
+134, verso.)</p>
+
+<p>Luther croit peu aux légendes des saints, et
+déteste surtout celles des anachorètes. «... Si
+l'on a fait quelque excès du côté du boire ou du
+manger, on peut l'expier avec le jeûne et la maladie...»</p>
+
+<p>«La légende de saint Christophe est une belle
+poésie chrétienne. Les Grecs qui étaient des gens
+doctes, sages et ingénieux, ont voulu montrer
+ce que doit être un chrétien (<i>christoforos</i>, qui
+<span class="pagenum" id="Page_289">289</span>
+porte le Christ). Il en est de même du chevalier
+saint George. La légende de sainte Catherine
+est contraire à toute l'histoire romaine, etc.»</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a49" id="Footnote_a49" href="#FNanchor_a49">[a49]</a>&nbsp;</span>Page 89, ligne 16.&mdash;<i>Les prophètes.</i></p>
+
+<p>«Je sue sang et eau pour donner les prophètes
+en langue vulgaire. Bon Dieu! quel travail!
+comme ces écrivains juifs ont de la peine à
+parler allemand. Ils ne veulent pas abandonner
+leur hébreu pour notre langue barbare. C'est
+comme si Philomèle, perdant sa gracieuse mélodie,
+était obligée de chanter toujours avec
+le coucou une même note monotone.» (14
+juin 1528.)&mdash;Il dit ailleurs qu'en traduisant la
+Bible, il mettait souvent plusieurs semaines à
+chercher le sens d'un mot. (Ukert, II, p. 337.)</p>
+
+<p>A Jean Frédéric, duc de Saxe, en lui envoyant
+sa traduction du prophète Daniel. «... Les historiens
+racontent avec éloge que le grand Alexandre
+portait toujours Homère sur lui et le mettait
+même la nuit sous sa tête: combien serait-il
+plus juste que le même honneur, ou un plus
+grand encore, fût rendu à Daniel par tous les
+rois et princes de la terre! Ils ne devraient pas
+le mettre sous leur tête, mais le déposer dans
+<span class="pagenum" id="Page_290">290</span>
+leur c&oelig;ur, car il enseigne des choses bien plus
+hautes.» (février ou mars 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a50" id="Footnote_a50" href="#FNanchor_a50">[a50]</a>&nbsp;</span>Page 92, ligne 10.&mdash;<i>Psaumes...</i></p>
+
+<p>A l'abbé Frédéric, de Nuremberg, en lui dédiant
+la traduction du psaume CXVIII: «... C'est
+mon psaume à moi, mon psaume de prédilection.
+Je les aime bien tous; j'aime toute l'Écriture
+sainte, qui est toute ma consolation et ma
+vie; cependant je me suis attaché particulièrement
+à ce psaume, et j'ai en vérité le droit de
+l'appeler mien. Il a aussi bien mérité de moi;
+il m'a sauvé de mainte grande nécessité d'où ni
+Empereur, ni rois, ni sages, ni saints, n'eussent
+pu me tirer. C'est mon ami, qui m'est plus cher
+que tous les honneurs, toute la puissance de la
+terre. Je ne le donnerais pas en échange, si l'on
+m'offrait tout cela.</p>
+
+<p>»Mais, dira-t-on, ce psaume est commun à
+tous; personne n'a le droit de le dire sien. Oui,
+mais le Christ est bien aussi commun à tous, et
+pourtant le Christ est mien. Je ne suis pas jaloux
+de ma propriété; je voudrais la mettre en
+commun avec le monde entier... Et plût à Dieu
+que tous les hommes revendiquassent ce psaume
+comme étant à eux! Ce serait la querelle la plus
+<span class="pagenum" id="Page_291">291</span>
+touchante, la plus agréable à Dieu, une querelle
+d'union et de charité parfaite.» (Cobourg,
+1<sup>er</sup> juillet 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a51" id="Footnote_a51" href="#FNanchor_a51">[a51]</a>&nbsp;</span>Page 94, ligne 12.&mdash;<i>Des Pères...</i></p>
+
+<p>Dès le commencement de l'année 1519, il écrivait
+à Jérôme Düngersheim une lettre remarquable
+sur l'importance et l'autorité des Pères de l'Église.
+«L'évêque de Rome est au-dessus de tous
+par sa dignité. C'est à lui qu'il faut s'adresser
+dans les cas difficiles et dans les grandes nécessités.
+J'avoue cependant que je ne saurais défendre
+contre les Grecs cette suprématie que je
+lui accorde.</p>
+
+<p>»Si je reconnaissais au pape le pouvoir de
+tout faire dans l'Église, je devrais, comme conséquence
+de cette doctrine, traiter d'hérétiques,
+Jérôme, Augustin, Athanase, Cyprien, Grégoire
+et tous les évêques d'Orient qui ne furent
+pas établis par lui ni sous lui. Le concile de Nicée
+ne fut pas réuni par son autorité; il n'y présida
+ni par lui-même, ni par un légat. Que dirai-je
+des décrets de ce concile? Les connaît-on
+bien? Sait-on lesquels d'entre eux il faut reconnaître?...
+C'est votre coutume à toi et à Eck,
+d'accepter les paroles de tout le monde, de modifier
+<span class="pagenum" id="Page_292">292</span>
+l'Écriture par les Pères, comme s'il fallait
+plutôt croire en eux. Pour moi, je fais tout autrement.
+Comme Augustin et saint Bernard, en
+respectant toutes les autorités, je remonte des
+ruisseaux jusqu'au fleuve qui leur donne naissance.»&mdash;Suivent
+plusieurs exemples des erreurs
+dans lesquelles les Pères sont tombés. Luther
+les critique en philologue, montrant qu'ils
+n'ont pas compris le texte hébreu. «De combien
+d'autorités Jérôme n'abuse-t-il pas contre Jovinien?
+Augustin contre Pélage?&mdash;Ainsi Augustin
+dit que ce verset de la Genèse: Faisons l'homme
+à notre image, est une preuve de la Trinité,
+mais il y a dans le texte hébreu: Je ferai
+l'homme, etc.&mdash;Le Maître des sentences a donné
+un bien funeste exemple en s'efforçant de faire
+accorder les paroles de tous les Pères. Il résulte
+de là que nous devenons la risée des hérétiques,
+quand nous nous présentons devant
+eux avec ces phrases obscures ou à double sens.
+Eck se fait le champion de toutes les opinions
+diverses et contraires. C'est là-dessus que roulera
+notre dispute.» (1519.)</p>
+
+<p>&mdash;«J'admire toujours comment après les
+apôtres, Jérôme a pu mériter le nom de Docteur
+de l'Église, Origène celui de Maître des
+Églises... On ne pourrait faire un seul chrétien
+avec leurs livres... tant ils sont séduits par la
+<span class="pagenum" id="Page_293">293</span>
+pompe des &oelig;uvres. Augustin lui-même ne vaudrait
+pas davantage, si les Pélagiens ne l'avaient
+rudement exercé, et contraint de défendre la
+foi.» (26 août 1530.)</p>
+
+<p>&mdash;«Celui qui a osé comparer le monachat
+au baptême était complètement fou; c'était plutôt
+une bûche qu'une bête. Eh! quoi, crois-tu
+donc Jérôme, lorsqu'il parle d'une manière si
+impie contre Dieu, lorsqu'il veut qu'immédiatement
+après soi-même, ce soient ses parens
+que l'on considère le plus? Écouteras-tu Jérôme,
+tant de fois dans l'erreur, tant de fois
+dans le péché? croiras-tu un homme enfin,
+plutôt que Dieu lui-même? Va donc, et crois
+avec Jérôme qu'il faut passer sur le corps à ses
+parens pour fuir au désert.» (Lettre à Severinus,
+moine autrichien; 6 octobre 1527.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a52" id="Footnote_a52" href="#FNanchor_a52">[a52]</a>&nbsp;</span>Page 97, ligne 19.&mdash;<i>Les Scolastiques...</i></p>
+
+<p>Grégoire de Rimini a convaincu les scolastiques
+d'une doctrine pire que celle des pélagiens...
+Car bien que les pélagiens pensent que l'on peut
+faire une bonne &oelig;uvre sans la grâce, ils n'affirment
+pas qu'on puisse sans la grâce obtenir le
+ciel. Les scolastiques parlent comme Pélage,
+lorsqu'ils enseignent que sans la grâce on peut
+<span class="pagenum" id="Page_294">294</span>
+faire une bonne &oelig;uvre, et non une &oelig;uvre méritoire.
+Mais ils enchérissent sur les pélagiens, en
+ajoutant que l'homme a l'inspiration de la droite
+raison naturelle à laquelle la volonté peut se conformer
+naturellement, tandis que les pélagiens
+avouent que l'homme est aidé par la loi de Dieu.
+(1519.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a53" id="Footnote_a53" href="#FNanchor_a53">[a53]</a>&nbsp;</span>Page 102, ligne 14.&mdash;<i>Biens ecclésiastiques...</i></p>
+
+<p>Luther écrivit au roi de Danemarck (2 décembre
+1536), pour approuver la suppression
+de l'épiscopat, et pour engager ce prince à faire
+un bon usage des biens ecclésiastiques, c'est-à-dire
+(comme il l'écrivait le 18 juillet 1529 au
+margrave George de Brandebourg), à les appliquer
+à des fondations d'écoles et d'universités.</p>
+
+<p>«L'Empereur dissimule, et cependant il prend,
+il dévore les évêchés, Utrecht, Liége, etc. Ceux
+de la noblesse devraient y prendre garde. Je me
+suis durement travaillé pour que les fondations
+ecclésiastiques et les possessions des princes
+abbés ne fussent point dispersées, mais conservées
+aux pauvres de la noblesse. Malheureusement
+cela n'aura pas lieu.» (Tischreden,
+p. 351.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_295">295</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a54" id="Footnote_a54" href="#FNanchor_a54">[a54]</a>&nbsp;</span>Page 104, ligne 7.&mdash;<i>Des cardinaux et évêques...</i></p>
+
+<p>«Maître Philippe louait devant le docteur Luther
+la haute intelligence et l'esprit rapide du
+cardinal, évêque de Saltzbourg, Mathieu Lang.
+Il disait qu'en 1530, il s'était trouvé six heures
+avec lui à Augsbourg, et qu'ils avaient causé de
+la religion. Le cardinal lui avait dit à la fin:
+«Mon cher <i>domine Philippe</i>, nous autres prêtres,
+nous n'avons encore jamais rien valu. Nous savons
+bien que votre doctrine est bonne; mais
+ignorez-vous donc que jusqu'ici on n'a jamais
+rien pu gagner sur les prêtres? Ce n'est pas
+vous qui commencerez.» «Ce cardinal était fils
+d'un messager d'Augsbourg. Son père était d'une
+bonne et ancienne famille, mais réduit à l'état
+de serviteur par sa pauvreté.&mdash;Ce fut le premier
+cardinal qu'il y ait eu en Allemagne. Appuyé
+par sa s&oelig;ur, il se fit connaître à la cour de
+Maximilien, fut ensuite envoyé à Rome auprès
+du pape, et plus tard nommé coadjuteur de l'évêché
+de Salzbourg.» (Tischreden, p. 272.)</p>
+
+<p>«J'ai, jusqu'ici, prié pour cet évêque, <i lang="la" xml:lang="la">categoricè,
+affirmativè, positivè</i>, de c&oelig;ur, pour que
+Dieu voulût le convertir. J'ai essayé aussi par
+écrit de l'amener à la pénitence. Maintenant je
+<span class="pagenum" id="Page_296">296</span>
+prie pour lui <i lang="la" xml:lang="la">hypotheticè</i> et <i lang="la" xml:lang="la">desperabundè</i>... Celui-là
+n'est point <i lang="la" xml:lang="la">frater ignorantiæ, sed malitiæ</i>.</p>
+
+<p>»Il m'a souvent écrit amicalement, et m'a fait
+espérer qu'il prendrait femme, comme je lui en
+avais donné le conseil par écrit.</p>
+
+<p>»Il s'est moqué de nous jusqu'à la diète d'Augsbourg.
+Là, j'ai appris à le connaître. Cependant
+il veut encore être mon ami au point qu'il me réclame
+pour arbitre dans l'affaire de...» (Tischreden,
+p. 274.)</p>
+
+<p>«A la diète d'Augsbourg, l'évêque de Saltzbourg
+disait: «Il y a quatre moyens pour réconcilier
+les deux partis: ou que nous cédions ou
+qu'ils cèdent; or, ni les uns ni les autres n'en
+veulent rien faire; ou bien encore, il faut que
+l'on oblige d'autorité un des partis à céder, et
+comme il en doit résulter un grand soulèvement,
+reste le quatrième moyen, savoir: qu'un parti
+extermine l'autre, et que le plus fort mette le plus
+faible dans le sac.» Voilà de beaux plans d'unité
+pour un évêque chrétien.» (Ibidem, p. 19.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a55" id="Footnote_a55" href="#FNanchor_a55">[a55]</a>&nbsp;</span>Page 105, ligne 8.&mdash;<i>Moines...</i></p>
+
+<p>«Les seuls mendians sont divisés en sept partis
+ou ordres, et les mineurs à leur tour en sept
+espèces de mineurs. Toutes ces sectes, le très
+<span class="pagenum" id="Page_297">297</span>
+saint père les nourrit et les entretient lui-même,
+tant il a peur qu'elles ne viennent à s'unir.»
+(Lettre à la diète de Prague, 15 juillet 1522.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a56" id="Footnote_a56" href="#FNanchor_a56">[a56]</a>&nbsp;</span>Page 107, ligne 22.&mdash;<i>Un seul coin de l'Allemagne, celui où
+nous sommes, fleurit encore par la culture des arts libéraux...</i></p>
+
+<p>Luther écrivit à l'Électeur, le 20 mai 1530,
+pour relever son courage et le consoler des chagrins
+que lui causait la Réforme: «Voyez comme
+Dieu a fait éclater sa grâce et sa bonté dans les
+états de votre Altesse! n'est-ce pas là que son
+Évangile a le plus de ministres pieux et fidèles,
+ceux qui l'enseignent avec le plus de pureté, de
+zèle et de fruit? Vous voyez grandir autour de
+vous toute une jeunesse aimable, de bonnes
+m&oelig;urs et qui sera bientôt savante dans la sainte
+Écriture. Cela me ravit le c&oelig;ur de voir nos jeunes
+enfans, garçons et petites filles, connaître
+mieux aujourd'hui Dieu et le Christ, avoir une
+foi plus pure et savoir mieux prier, qu'autrefois
+toutes les écoles épiscopales et les couvens les
+plus célèbres.</p>
+
+<p>»Cette jeunesse vous a été accordée comme un
+signe de faveur et de miséricorde divine. Dieu
+vous dit en quelque sorte: Cher duc Jean, je te
+<span class="pagenum" id="Page_298">298</span>
+confie mon plus précieux trésor; sois le père de
+ces enfans. Je veux que tu les gouvernes, que tu
+les protéges; sois le jardinier de mon paradis, etc.»</p>
+
+<p>Le duc ne paraît pas avoir tenu grand compte
+de cette recommandation, car Luther dit dans
+plusieurs de ses lettres qu'il y avait à Wittemberg
+grand nombre d'étudians qui ne vivaient
+guère que de pain et d'eau.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a57" id="Footnote_a57" href="#FNanchor_a57">[a57]</a>&nbsp;</span>Page 112, ligne 4.&mdash;<i>Je regrette de n'avoir pas plus de
+temps à donner à l'étude des poètes et des orateurs....</i></p>
+
+<p><i>A Wenceslas Link de Nuremberg.</i> «Si cela ne
+vous donne pas trop de peines, mon cher Wenceslas,
+je vous prie de faire rassembler pour moi
+tous les dessins, livres, cantiques, chants de Meistersanger
+et bouts rimés, qui auront été composés
+en allemand et imprimés cette année chez
+vous; envoyez-en autant que vous en pourrez
+trouver. Je désirerais vivement les avoir. Nous
+savons ici composer des ouvrages latins; mais
+pour les livres allemands, nous ne sommes que
+des apprentis. Toutefois, avec l'ardeur que nous
+y mettons, j'espère que nous réussirons bientôt
+de manière à vous satisfaire.» (20 mars 1536.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_299">299</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a58" id="Footnote_a58" href="#FNanchor_a58">[a58]</a>&nbsp;</span>Page 112, ligne 23.&mdash;<i>Ce n'est point un seul homme qui a
+fait ces fables...</i></p>
+
+<p>En 1530, Luther traduisit un choix des fables
+d'Ésope. Dans la préface il dit qu'il n'y a peut-être
+jamais eu d'homme de ce nom, et que ces fables
+ont vraisemblablement été recueillies de la bouche
+du peuple. (Luth. Werke IX, 455.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a59" id="Footnote_a59" href="#FNanchor_a59">[a59]</a>&nbsp;</span>Page 116, ligne 13.&mdash;<i>Chanter est le meilleur exercice...</i></p>
+
+<p>Heine, <i>Revue des deux Mondes</i>, 1<sup>er</sup> mars 1834:
+«Ce qui n'est pas moins curieux et significatif
+que ces écrits en prose, ce sont les poésies de
+Luther, ces chansons qui lui ont échappé dans
+le combat et dans la nécessité. On dirait une fleur
+qui a poussé entre les pierres, un rayon de la
+lune qui éclaire une mer irritée. Luther aimait la
+musique, il a même écrit un traité sur cet art,
+aussi ses chansons sont-elles très mélodieuses.
+Sous ce rapport, il a aussi mérité son surnom de
+Cygne d'Eisleben. Mais il n'était rien moins qu'un
+doux cygne dans certains chants où il ranime le
+courage des siens, et s'exalte lui-même jusqu'à la
+<span class="pagenum" id="Page_300">300</span>
+plus sauvage ardeur. Le chant avec lequel il entra
+à Worms, suivi de ses compagnons, était un
+véritable chant de guerre. La vieille cathédrale
+trembla à ces sons nouveaux, et les corbeaux
+furent effrayés dans leurs nids obscurs, à la cime
+des tours. Cet hymne, la Marseillaise de la réforme,
+a conservé jusqu'à ce jour sa puissance
+énergique, et peut-être entonnerons-nous bientôt
+dans des combats semblables ces vieilles paroles
+retentissantes et bardées de fer:»</p>
+
+<div class="poem">
+<div class="stanza">
+<div class="verse">Notre Dieu est une forteresse,</div>
+<div class="verse">Une épée et une bonne armure;</div>
+<div class="verse">Il nous délivrera de tous les dangers</div>
+<div class="verse">Qui nous menacent à présent.</div>
+<div class="verse">Le vieux méchant démon</div>
+<div class="verse">Nous en veut aujourd'hui sérieusement,</div>
+<div class="verse">Il est armé de pouvoir et de ruse,</div>
+<div class="verse">Il n'a pas son pareil au monde.</div>
+</div>
+
+<div class="stanza">
+<div class="verse">Votre puissance ne fera rien,</div>
+<div class="verse">Vous verrez bientôt votre perte;</div>
+<div class="verse">L'homme de vérité combat pour nous,</div>
+<div class="verse">Dieu lui-même l'a choisi.</div>
+<div class="verse">Veux-tu savoir son nom?</div>
+<div class="verse">C'est Jésus-Christ,</div>
+<div class="verse">Le seigneur Sabaoth.</div>
+<div class="verse">Il n'est pas d'autre Dieu que lui,</div>
+<div class="verse">Il gardera le champ, il donnera la victoire.</div>
+</div>
+
+<div class="stanza">
+<span class="pagenum" id="Page_301">301</span>
+<div class="verse">Si le monde était plein de démons,</div>
+<div class="verse">Et s'ils voulaient nous dévorer,</div>
+<div class="verse">Ne nous mettons pas trop en peine,</div>
+<div class="verse">Notre entreprise réussira cependant.</div>
+<div class="verse">Le prince de ce monde,</div>
+<div class="verse">Bien qu'il nous fasse la grimace,</div>
+<div class="verse">Ne nous fera pas de mal.</div>
+<div class="verse">Il est condamné,</div>
+<div class="verse">Un seul mot le renverse.</div>
+</div>
+
+<div class="stanza">
+<div class="verse">Ils nous laisseront la parole,</div>
+<div class="verse">Et nous ne dirons pas merci pour cela:</div>
+<div class="verse">La parole est parmi nous</div>
+<div class="verse">Avec son esprit et ses dons.</div>
+<div class="verse">Qu'ils nous prennent notre corps,</div>
+<div class="verse">Nos biens, l'honneur, nos enfans.</div>
+<div class="verse">Laissez-les faire,</div>
+<div class="verse">Ils ne gagneront rien à cela;</div>
+<div class="verse">A nous restera l'empire.</div>
+</div></div>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a60" id="Footnote_a60" href="#FNanchor_a60">[a60]</a>&nbsp;</span>Page 117, ligne 25.&mdash;<i>Peinture...</i></p>
+
+<p>«Le docteur parla un jour de l'habileté et du
+talent des peintres italiens. «Ils savent imiter la
+nature si parfaitement, dit-il, qu'indépendamment
+de la couleur et de la forme convenables,
+ils expriment encore les gestes et les sentimens de
+manière à faire croire que leurs tableaux sont
+choses vivantes.&mdash;La Flandre suit la trace de l'Italie.
+Ceux des Pays-Bas, et surtout les Flamands
+<span class="pagenum" id="Page_302">302</span>
+ont l'esprit éveillé, ils ont aussi de la facilité pour
+apprendre les langues étrangères. C'est un proverbe
+que si l'on portait un Flamand dans un sac
+à travers l'Italie ou la France, il n'en apprendrait
+pas moins la langue du pays.» (Tischreden,
+p. 424 verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a61" id="Footnote_a61" href="#FNanchor_a61">[a61]</a>&nbsp;</span>Page 122, ligne 3.&mdash;<i>Banque...</i></p>
+
+<p>Il dit dans son traité <i>de Usuris</i>: «J'appelle usuriers
+ceux qui prêtent à cinq et six pour cent.
+L'Écriture défend le prêt à intérêt; on doit prêter
+de l'argent comme on prête un vase à son
+voisin. Les lois civiles même défendent l'usure.
+Ce n'est pas faire acte de charité que d'échanger
+une chose avec quelqu'un en gagnant sur l'échange;
+c'est voler. Un usurier est un voleur digne
+de la potence. Aujourd'hui, à Leipsig, celui
+qui prête cent florins en reçoit au bout d'une
+seule année quarante pour l'intérêt de son argent.&mdash;On
+ne doit pas observer les promesses faites
+aux usuriers; ils ne peuvent être admis aux sacremens
+ni ensevelis en terre sainte.&mdash;Voici le dernier
+conseil que j'aie à donner aux usuriers; ils
+veulent de l'argent, de l'or; eh bien! qu'ils s'adressent
+à quelqu'un qui ne leur donnera pas dix
+ou vingt pour cent, mais cent pour dix. Celui-là
+a de quoi satisfaire à leur avidité; ses trésors
+<span class="pagenum" id="Page_303">303</span>
+sont inépuisables; il peut donner sans s'appauvrir
+(Oper. lat. Luth. Witt. t. VII, p. 419-37.)</p>
+
+<p>Le docteur Henning proposait cette question
+à Luther: «Si j'avais amassé de l'argent, que je
+ne voulusse pas en disposer, et qu'un homme
+vînt me prier de le lui prêter; pourrais-je en
+bonne conscience lui répondre: Je n'ai point
+d'argent?&mdash;Oui, dit Luther, on peut le faire
+en conscience. C'est comme si on disait: Je n'ai
+point d'argent dont je veuille disposer... Christ,
+en ordonnant de donner, ne dit pas de donner
+à tous les prodigues et dissipateurs... Dans
+cette ville, il n'y a personne de plus nécessiteux
+que les étudians. La pauvreté y est grande à la
+vérité, mais la paresse encore plus... Je ne veux
+point ôter le pain de la bouche à ma femme et
+à mes enfans pour donner à ceux à qui rien ne
+profite (Tischred. p. 64).</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a62" id="Footnote_a62" href="#FNanchor_a62">[a62]</a>&nbsp;</span>Page 122, à la fin du chapitre IV.</p>
+
+<p>On peut attacher à la fin de ce chapitre diverses
+paroles de Luther sur les papes, les rois,
+les princes.</p>
+
+<p>«Il n'y a jamais eu de plus rusé trompeur sur
+la terre que le pape Clément (Clément VII)<a name="FNanchor_r185" id="FNanchor_r185" href="#Footnote_r185" class="fnanchor">[r185]</a>.
+C'est qu'il était de Florence, etc.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_304">304</span>
+«Le pape Jules, deuxième du nom, était un
+homme excellent pour le gouvernement et la
+guerre<a name="FNanchor_r186" id="FNanchor_r186" href="#Footnote_r186" class="fnanchor">[r186]</a>..... Lorsqu'il apprit que son armée avait
+été battue à Ravenne, il blasphéma Dieu dans le
+ciel; il lui disait: Au nom de mille diables, es-tu
+donc devenu si bon Français? est-ce ainsi que tu
+protéges ton Église? Il tourna les yeux vers la
+terre, et dit: Saints Suisses, priez pour nous! Et
+il envoya aussitôt le cardinal de Saltzbourg, Mathieu
+Lang, pour traiter avec l'empereur Maximilien.»</p>
+
+<p>«Si j'avais été de ce temps-là, on m'aurait
+fait venir à Paris avec grand honneur, mais j'étais
+encore trop jeune et Dieu ne le voulait point,
+de crainte que l'on ne pensât que c'était la puissance
+du roi de France, etc.»<a name="FNanchor_r187" id="FNanchor_r187" href="#Footnote_r187" class="fnanchor">[r187]</a></p>
+
+<p>«Le pape Jules II, un homme plein d'audace
+et d'habileté, un vrai diable incarné, avait définitivement
+résolu de réformer les Franciscains<a name="FNanchor_r188" id="FNanchor_r188" href="#Footnote_r188" class="fnanchor">[r188]</a>.
+Mais ils recoururent aux rois et aux princes, les
+firent agir et envoyèrent au pape quatre-vingt
+mille couronnes. Le pape dit: Comment résister
+à des gens si bien cuirassés?»</p>
+
+<p>«L'an 1532, l'astrologue Gauric raconta au
+margrave de Brandebourg, Joachim, que, comme
+on faisait à Clément VII le reproche d'être bâtard,
+il répondit: Et Jésus-Christ? Dès-lors le
+Margrave devint favorable à Luther.»<a name="FNanchor_r189" id="FNanchor_r189" href="#Footnote_r189" class="fnanchor">[r189]</a></p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_305">305</span>
+«Lorsque ceux de Bruges tenaient prisonnier
+l'empereur Maximilien, et voulaient lui
+couper la tête, ils écrivirent au sénat de Venise
+pour demander conseil<a name="FNanchor_r190" id="FNanchor_r190" href="#Footnote_r190" class="fnanchor">[r190]</a>. Les Vénitiens répondirent:
+<i lang="la" xml:lang="la">Homo mortuus non facit guerram</i>... Les
+Vénitiens firent faire une farce contre Maximilien.
+Le doge paraissait d'abord, puis venait
+le Français qui avait une poche au côté; il y
+prenait des couronnes (pièces de monnaie), et
+les couronnes débordaient la poche. Derrière venait
+l'Empereur, peint en habit gris, avec un
+petit cor de chasse. Il avait aussi une poche,
+mais quand il y mettait la main, les doigts passaient
+à travers.&mdash;Les Florentins en firent autant.
+Ils représentèrent le Français assis sur
+un siége percé, et.... de l'argent. L'empereur
+Maximilien ramassait. Mais ils ont eu depuis une
+bonne leçon. Le petit-fils de l'empereur Maximilien,
+l'empereur Charles, leur a bien appris à
+vivre. Dieu applique volontiers aux orgueilleux
+le verset que l'on chante au Magnificat: <i lang="la" xml:lang="la">Deposuit
+patentes de sede</i>.»</p>
+
+<p>«L'empereur Maximilien disait<a name="FNanchor_r191" id="FNanchor_r191" href="#Footnote_r191" class="fnanchor">[r191]</a>: Si on mettait
+du sang des princes d'Autriche et de Bavière
+bouillir ensemble dans un pot, on le verrait en
+même temps sauter dehors.»</p>
+
+<p>«On dit que l'empereur Maximilien partit un
+jour d'un éclat de rire; il en avoua la cause le
+<span class="pagenum" id="Page_306">306</span>
+lendemain<a name="FNanchor_r192" id="FNanchor_r192" href="#Footnote_r192" class="fnanchor">[r192]</a>. Je riais, dit-il, de voir que Dieu a
+confié le gouvernement spirituel à un ivrogne de
+prêtre, comme le pape Jules, et le gouvernement
+temporel à un chasseur de chamois, comme je
+suis.»</p>
+
+<p>«Dans le château de Prague l'on voit toute la
+suite des <i>portraits des rois</i>. Ferdinand est le dernier,
+et il n'y a plus de place. Il en est de même
+dans la salle ronde du château de Wittemberg.
+Cela ne signifie rien de bon.</p>
+
+<p>L'empereur Maximilien disait: «L'Empereur
+est bien le roi des rois, car les princes de l'Empire
+font tout ce qu'ils veulent; le roi de France est celui
+des ânes, les siens exécutent tout ce qu'il commande;
+le roi d'Angleterre est le roi des hommes,
+car ils lui obéissent et ils l'aiment.»</p>
+
+<p>«Maximilien demandait à un de ses secrétaires
+comment il fallait traiter un serviteur qui
+le volait; et comme l'autre répondait qu'il était
+juste de le pendre: Nous n'en ferons rien, dit
+l'Empereur en lui frappant sur l'épaule, nous
+avons encore besoin de vos services.»</p>
+
+<p>«Après l'élection de l'empereur Charles, l'électeur
+de Saxe demanda au seigneur Fabian de
+Feilitzsch, son conseiller, s'il lui plaisait qu'on
+eût élu empereur le roi d'Espagne<a name="FNanchor_r193" id="FNanchor_r193" href="#Footnote_r193" class="fnanchor">[r193]</a>. Cet homme
+sage répondit: «Il est bon que les corbeaux
+aient un vautour.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_307">307</span>
+On lisait dans un vieux livre cette prophétie:
+«L'empereur Charles soumettra toute l'Europe,
+réformera l'Église; sous lui, les ordres mendians
+et les sectes seront anéantis.»</p>
+
+<p>«La nouvelle vint qu'Antonio de Leyva et
+André Doria avaient conseillé à l'Empereur d'aller
+en personne contre le Turc et de ne point
+emmener son frère; car, disaient-ils, il n'a
+point de bonheur<a name="FNanchor_r194" id="FNanchor_r194" href="#Footnote_r194" class="fnanchor">[r194]</a>. En effet, Ferdinand est trop
+fin et trop réfléchi; il n'agit que par conseil et
+délibération, jamais par impulsion divine.»&mdash;L'Empereur
+devient malheureux; il ne sait pas
+profiter de l'occasion; il perd aujourd'hui Milan.</p>
+
+<p>«Le roi de France aime les femmes<a name="FNanchor_r195" id="FNanchor_r195" href="#Footnote_r195" class="fnanchor">[r195]</a>... Au contraire,
+l'Empereur passant par la France en 1544,
+trouva après un grand festin une belle et noble
+vierge dans son lit, que le roi de France
+y avait fait conduire. L'Empereur la renvoya
+honorablement chez ses parens.</p>
+
+<p>»L'Empereur n'a appelé à son couronnement
+que des princes et seigneurs italiens et espagnols,
+qui ont porté devant lui les drapeaux et
+les armes des électeurs. J'avais touché cela dans
+un petit livre, mais l'Électeur en a fait acheter
+tous les exemplaires.</p>
+
+<p>»Le roi de France dépense autant d'argent en
+trahison que pour ses armées. Aussi, dans sa guerre
+contre le pape Jules et Venise, il a dissipé
+<span class="pagenum" id="Page_308">308</span>
+vingt mille hommes avec quatre mille.</p>
+
+<p>»Tant que le Français a eu des hommes de
+guerre allemands, il a obtenu la victoire. Ce sont
+en effet les meilleurs; ils se contentent de leur
+solde et protégent le peuple. Aussi Antonio de
+Leyva conseilla, en mourant, à l'Empereur de
+s'attacher ses soldats allemands; que s'il les perdait,
+ce serait fait de lui; car ils tenaient tous
+ensemble comme un seul homme.»</p>
+
+<p>Après la défaite de François I<sup>er</sup> <ins id="err_7" title="original: de Pavie (Err.)">à Pavie</ins>, Luther
+écrivait: «Que le roi de France soit de chair
+ou autre chose, je ne me réjouis pas de le voir
+vaincu et pris. Vaincu, cela se peut souffrir,
+mais captif, c'est une monstruosité... Peut-être
+l'heure du royaume de France est-elle venue,
+comme cet autre le disait de Troie: <i lang="la" xml:lang="la">Venit summa
+dies et ineluctabile fatum.....</i> Ce sont, à ce qu'il me
+semble, des signes qui annoncent le dernier jour
+du monde. Ces signes sont plus graves qu'on ne
+serait tenté de le croire... Il n'y a qu'une chose
+qui me fait plaisir, c'est de voir frustrés les efforts
+de l'Anti-Christ, qui commençait à s'appuyer
+sur le roi de France.» (mars 1525.)</p>
+
+<p>(Février 1537). «Le roi de France est persuadé
+que chez nous autres luthériens, il n'y a plus ni
+mariage, ni autorité, ni église, ni rien de tout ce
+qu'on regarde comme sacré. Son envoyé, le docteur
+Gervais, nous l'a assuré positivement. Mais
+<span class="pagenum" id="Page_309">309</span>
+d'où vient cela? certainement de ce qu'on ne
+laisse pénétrer en ce pays, non plus qu'en Italie,
+aucun écrit des nôtres, et que le scélérat de
+Mayence, ainsi que ses pareils, y envoient toutes
+les calomnies qui se débitent contre nous.»</p>
+
+<p>«Nous avons ici un Français, François Lambert,
+qui était il y a deux ans prédicateur apostolique,
+comme on les appelle parmi les mineurs,
+et qui vient de prendre pour femme une
+des nôtres: il espère mieux vivre dans le voisinage
+de la France (à Strasbourg)... Il gagnera sa
+vie à traduire en français mes ouvrages allemands.»
+(4 décembre 1523.)</p>
+
+<p>«Les rois de France et d'Angleterre sont luthériens
+pour prendre, point pour donner. Ils
+ne cherchent point l'intérêt de Dieu, mais le
+leur.</p>
+
+<p>»Sept universités ont approuvé le divorce du
+roi d'Angleterre; mais nous autres de Wittemberg
+et ceux de Louvain, nous avons soutenu le
+contraire, eu égard aux circonstances particulières,
+à la longue cohabitation, à l'existence
+d'une fille, etc.<a name="FNanchor_r196" id="FNanchor_r196" href="#Footnote_r196" class="fnanchor">[r196]</a></p>
+
+<p>»Quelques-uns qui avaient reçu des écrits
+d'Angleterre annoncèrent comment le roi s'était
+séparé de l'Évangile<a name="FNanchor_r197" id="FNanchor_r197" href="#Footnote_r197" class="fnanchor">[r197]</a>. Je suis charmé, dit Luther,
+que nous soyons quitte de ce blasphémateur.
+J'ai seulement regret de voir que Mélanchton ait
+<span class="pagenum" id="Page_310">310</span>
+adressé ses plus belles préfaces aux plus méchantes
+gens.</p>
+
+<p>»Le duc George de Saxe disait qu'il ne forcerait
+personne à communier sous une espèce,
+mais que ceux qui voulaient le faire autrement,
+devaient sortir du pays<a name="FNanchor_r198" id="FNanchor_r198" href="#Footnote_r198" class="fnanchor">[r198]</a>.</p>
+
+<p>»Lorsque le duc George déclara au duc Henri
+de Saxe, son frère, qu'il ne lui laisserait ses états
+qu'à condition d'abandonner l'Évangile, il répondit:
+«Par la vierge Marie (c'était le mot ordinaire
+de sa Grâce), avant que je consente à
+renier mon Christ, j'irai avec ma Catherine, un
+petit bâton à la main, mendier par le pays<a name="FNanchor_r199" id="FNanchor_r199" href="#Footnote_r199" class="fnanchor">[r199]</a>.»
+Je voudrais que l'Empereur fît pape le duc
+George; les évêques supporteraient sa réforme
+encore moins que la mienne. Il réduirait l'évêque
+de Mayence à quatorze chevaux, etc.</p>
+
+<p>»Le duc George a sucé le sang bohémien avec
+le lait de sa mère, fille du roi de Bohême, Casimir<a name="FNanchor_r200" id="FNanchor_r200" href="#Footnote_r200" class="fnanchor">[r200]</a>.
+Il aurait fini par s'arranger avec l'électeur
+Frédéric pour frapper les évêques, les abbés, etc.
+Il est de sa nature ennemi du clergé. Mais les
+lettres et les flatteries de l'Empereur, du pape,
+des rois d'Angleterre et de France, l'ont tellement
+enflé, que, etc...</p>
+
+<p>»Lorsque le duc George voyait son fils Jean
+à l'agonie, il le consolait en lui rappelant l'article
+de la justification par la foi en Christ, et
+<span class="pagenum" id="Page_311">311</span>
+l'exhortait à ne regarder que le Sauveur, sans se
+reposer sur ses &oelig;uvres ni sur l'invocation des
+saints<a name="FNanchor_r201" id="FNanchor_r201" href="#Footnote_r201" class="fnanchor">[r201]</a>. Alors, l'épouse du duc Jean, s&oelig;ur du
+landgrave Philippe de Hesse, dit au duc George:
+«Cher seigneur et père, pourquoi ne laisse-t-on
+pas prêcher publiquement cette doctrine
+dans le pays?»&mdash;«Ma chère fille, répondit-il,
+on la doit enseigner seulement aux mourans,
+mais point aux gens en santé.» (1537.)&mdash;Ce duc
+Jean avait été obligé par son père de jurer une
+haine éternelle à la doctrine luthérienne, et il
+l'avait fait connaître au docteur Luther par le
+vieux peintre Lucas Cranach.»</p>
+
+<p>Leipsig était la capitale et la résidence du duc
+George. Aussi les protestans, surveillés de près
+par le duc, n'y pouvaient faire de nombreux
+prosélytes, et Luther en marque souvent son
+dépit par sa colère contre cette ville.</p>
+
+<p>«Je hais, dit-il, ceux de Leipsig comme
+je ne hais rien sous le soleil, tant il y a là
+d'orgueil, d'arrogance, de rapacité et d'usure.
+(15 mai 1540.)</p>
+
+<p>»Je hais cette Sodome (Leipsig), sentine des
+usures et de tous les maux. Je n'y entrerais
+qu'autant qu'il le faut pour arracher Loth.»
+(26 octobre 1539.)</p>
+
+<p>»L'électorat de Saxe est pauvre et rapporte
+peu. Si l'Électeur n'avait pas la Misnie, il ne pourrait
+<span class="pagenum" id="Page_312">312</span>
+entretenir quarante chevaux; mais il a des
+tributs de princes et seigneurs, des droits de sauf-conduit,
+des douanes, des rentes, etc... Sa
+Grâce électorale a cédé, pour de l'argent, les régales,
+entre autres le droit de grâce.</p>
+
+<p>»L'électeur Frédéric était économe<a name="FNanchor_r202" id="FNanchor_r202" href="#Footnote_r202" class="fnanchor">[r202]</a>. Il savait
+bien remplir ses caves et ses greniers de grains et
+d'autres denrées. On compte neuf châteaux qu'il
+a fait bâtir, et cependant il lui restait toujours
+assez d'argent; c'est qu'il suivait le bon conseil
+que son fou lui avait donné. Un jour, qu'il se plaignait
+de manquer d'argent, le fou lui dit: Fais-toi
+percepteur. Il exigeait des comptes sévères
+de ses serviteurs. Quand il venait dans un de ses
+châteaux, il mangeait, buvait, se faisait donner
+du fourrage comme un hôte ordinaire, et
+payait tout comptant. Par là il ôtait à ses gens
+l'occasion de s'excuser, en disant: On a tant
+consommé de choses, quand le prince est
+venu!</p>
+
+<p>»L'électeur Frédéric-le-Sage disait à Worms,
+en 1521: «Je ne trouve point d'église romaine
+dans ma croyance; mais une commune église
+chrétienne, je l'y trouve.»</p>
+
+<p>«Ce même prince avait, dit Mélanchton, près
+de Wittemberg un cerf apprivoisé, qui, pendant
+bien des années, allait, au mois de septembre,
+dans la forêt voisine, et revenait exactement en
+<span class="pagenum" id="Page_313">313</span>
+octobre. Lorsque l'Électeur fut mort, le cerf
+partit et l'on ne le revit plus.</p>
+
+<p>»En 1525, l'électeur Jean de Saxe me demanda
+s'il devait accorder aux paysans leurs
+douze articles<a name="FNanchor_r203" id="FNanchor_r203" href="#Footnote_r203" class="fnanchor">[r203]</a>. Je le détournai entièrement d'en
+approuver un seul.</p>
+
+<p>»Le duc Jean disait en 1525, en apprenant
+la révolte des paysans: «Si le Seigneur veut
+que je reste prince, que sa volonté soit faite,
+mais je puis aussi être un autre homme.»</p>
+
+<p>Luther blâme la patience de ce prince, qui
+avait appris des moines, ses confesseurs, à supporter
+la désobéissance de ses gens.</p>
+
+<p>Il disait à Luther: «Mon fils, le duc Ernest,
+m'a écrit une lettre latine pour me demander à
+courir un cerf. Je veux qu'il étudie; il sera toujours
+à même d'apprendre à laisser pendre deux
+jambes sur un cheval.»</p>
+
+<p>«Le même prince avait toujours pour sa garde
+six nobles jeunes garçons, qui restaient dans sa
+chambre et qui lui lisaient la Bible six heures par
+jour. Sa Grâce électorale s'endormait quelquefois,
+mais il n'en citait pas moins à son réveil quelques
+belles paroles qu'il avait remarquées et retenues.&mdash;Pendant
+la prédication il tenait près de lui
+des écrivains, et lui-même de sa propre main
+recueillait les paroles de la bouche du prédicateur.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_314">314</span>
+»Lorsque Ferdinand fut élu roi des Romains
+à Cologne, le jeune duc Jean-Frédéric y fut envoyé
+pour protester de la part de son seigneur
+et père. Dès qu'il eut exécuté ses ordres, il repartit
+au grand galop, et comme il avait à peine
+passé la porte, on envoya des gens pour courir
+après lui et le prendre. (1531.)</p>
+
+<p>»On dit que l'Empereur a fait entendre, après
+avoir lu notre <i>Confession et apologie</i>, qu'il voulait
+que l'on enseignât et que l'on prêchât dans le même
+sens par tout le monde<a name="FNanchor_r204" id="FNanchor_r204" href="#Footnote_r204" class="fnanchor">[r204]</a>. Le duc George aurait
+dit aussi qu'il savait très bien qu'il y avait beaucoup
+d'abus à réformer dans l'Église, mais qu'il
+ne voulait pas de cette réforme, quand elle
+venait d'un moine défroqué.</p>
+
+<p>»La dernière fois que l'électeur Jean alla à
+la chasse, tout le gibier lui échappait. Les bêtes
+ne voulaient plus le reconnaître pour maître,
+c'était un présage de sa mort. (1532.)</p>
+
+<p>»Le duc Jean-Frédéric, qui a été si bien pillé
+et dépouillé par ceux de la noblesse, a appris à
+ses dépens à les connaître.</p>
+
+<p>»L'électeur Jean-Frédéric est naturellement
+colère, mais il sait à merveille dompter son
+courroux.&mdash;Il aime à bâtir et à boire; il est
+vrai qu'un si grand corps doit tenir plus qu'un
+petit.&mdash;Il donne par an mille florins pour l'université;
+pour le pasteur, deux cents, avec
+<span class="pagenum" id="Page_315">315</span>
+soixante boisseaux de froment; de plus soixante
+florins à cause des leçons publiques.» Il envoya
+une fois cinq cents florins à Luther sur les fonds
+d'une abbaye pour marier quelque pauvre religieuse.</p>
+
+<p>»Quoique le docteur Jonas l'y engageât, Luther
+refusa de demander à l'Électeur une nouvelle
+visitation des églises<a name="FNanchor_r205" id="FNanchor_r205" href="#Footnote_r205" class="fnanchor">[r205]</a>. «Il a soixante-dix
+conseillers qui crient à le rendre sourd. Ils lui
+disent: Quel bon conseil peut donner le scribe?
+contentons-nous de prier Dieu qu'il dirige le
+c&oelig;ur du prince.»</p>
+
+<p><i>Du landgrave Philippe de Hesse.</i>&mdash;«Le Landgrave
+est un pieux, intelligent et joyeux seigneur;
+il maintient une bonne paix dans sa terre, qui
+n'est que pierres et forêts; de sorte que les gens
+y peuvent voyager et commercer sans crainte...
+Le Landgrave est un guerrier, un Arminius, petit
+de sa personne, mais, etc. Il consulte et suit
+aisément les bons conseils; la résolution une
+fois prise, il exécute <ins id="cor_9" title="original: pomptement">promptement</ins>.&mdash;L'Empereur
+lui a offert, pour lui faire quitter l'Évangile,
+la possession paisible du comté de Katzenellenbogen,
+et le duc George l'aurait fait à ce
+prix son héritier... Il a une tête hessoise; il ne
+peut se reposer, il faut qu'il ait quelque chose à
+faire... C'était une grande audace de vouloir,
+en 1528, envahir les possessions des évêques; et
+<span class="pagenum" id="Page_316">316</span>
+<ins id="err_8" title="original: ça (Err.)">ç'a</ins> été un acte plus grand d'avoir rétabli le duc
+de Wurtemberg et chassé le roi Ferdinand de ce
+pays. Moi et Mélanchton, nous fûmes appelés à
+cette occasion à Weimar, et nous employâmes
+toute notre rhétorique à empêcher sa Grâce de
+rompre la paix de l'Empire... Il en devint tout
+rouge et s'emporta. Cependant c'est une âme
+tout-à-fait loyale.</p>
+
+<p>»Dans le colloque de Marbourg, en 1529, sa
+Grâce vint avec un petit habit, de sorte que
+personne ne l'aurait reconnu pour le Landgrave;
+et cependant, il était occupé de grandes pensées.
+Il consulta Mélanchton, et lui dit: «Cher
+maître Philippe, dois-je souffrir que l'évêque
+de Mayence me chasse par violence mes prédicateurs
+évangéliques?» Philippe répondit: «Si
+la juridiction du lieu appartient à l'évêque de
+Mayence, votre Grâce ne peut l'empêcher.» Permis
+à vous de conseiller, répondit le Landgrave,
+mais je n'agirai pas moins.»</p>
+
+<p>»A la diète d'Augsbourg, en 1530, le landgrave
+dit publiquement aux évêques: «Faites
+la paix, nous vous le demandons. Si vous ne
+la faites point et qu'il me faille descendre de
+mes montagnes, j'en saisirai au moins un ou
+deux.»</p>
+
+<p>»Dieu a jeté le Landgrave au milieu de l'Empire.
+Il a autour de lui quatre électeurs et le duc
+<span class="pagenum" id="Page_317">317</span>
+de Brunswick; et il les fait tous trembler. C'est
+que le commun peuple lui est attaché. Avant de
+rétablir le duc de Wurtemberg, il était allé en
+France, et le roi de France lui avait prêté beaucoup
+d'argent pour la guerre.</p>
+
+<p>»Si le Landgrave s'enflamme une fois...! C'est
+ce qui nous est arrivé, à moi et à maître Philippe,
+lorsque nous le détournions humblement
+et faiblement de la guerre; «Qu'arrivera-t-il
+si je souffre vos conseils et si je n'agis point?»&mdash;C'est
+un miracle de Dieu. Le Landgrave est
+un prince peu puissant, cependant on le redoute;
+c'est un héros. Il a renvoyé les évêques
+au ch&oelig;ur... Les Saxons et ceux de la Hesse,
+lorsqu'ils sont en selle, sont de vrais cavaliers.
+Les cavaliers des hautes terres (du midi de l'Allemagne)
+ne sont que des danseurs. Dieu nous
+conserve le Landgrave..... Dieu nous préserve
+de la guerre! les gens de guerre sont des diables
+incarnés. Je ne <ins id="err_9" title="original: parle parle (Err.)">parle</ins> pas seulement des
+Espagnols, mais aussi des Allemands.</p>
+
+<p>»Après la diète de Francfort, en 1539, environ
+neuf mille soldats d'élite furent rassemblés
+autour de Brême et de Lunebourg pour être
+employés contre les états protestans<a name="FNanchor_r206" id="FNanchor_r206" href="#Footnote_r206" class="fnanchor">[r206]</a>. Mais l'électeur
+de Saxe et le landgrave de Hesse leur
+firent parler par le chevalier Bernard de Mila,
+leur donnèrent de l'argent comptant et les attirèrent
+<span class="pagenum" id="Page_318">318</span>
+à eux. Ensuite mourut subitement le duc
+George, etc.»</p>
+
+<p>«Le <i>landgrave de Hesse</i> et de Thuringe, Louis-le-Fameux,
+était un seigneur dur et colérique. Il
+était tenu prisonnier par l'évêque de Hall, il sauta
+par une fenêtre du haut du château et du rocher
+dans la Sals, nagea, s'aida d'un tronc d'arbre et
+échappa. Il sévissait toujours cruellement contre
+ses sujets. Sa femme s'avisa de lui servir de la
+viande un vendredi saint, et comme il n'en voulait
+pas manger; elle lui dit: «Cher seigneur, vous
+craignez ce péché, lorsque vous en faites tous les
+jours de plus grands et de plus horribles.» Mais
+elle fut obligée de s'enfuir et de quitter ses enfans.
+Au moment de son départ, à minuit, elle
+baisa son enfant qui était encore au berceau, le
+bénit, et, dans un transport d'amour maternel,
+elle le mordit à la joue<a name="FNanchor_8" id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a>. Accompagnée d'une jeune
+fille, elle descendit par une corde du château
+de Wartbourg, tout le long du précipice. Son
+maître-d'hôtel l'attendait avec un chariot, et la
+conduisit secrètement à Francfort-sur-le-Mein.&mdash;Quand
+<span class="pagenum" id="Page_319">319</span>
+ce landgrave mourut, on l'affubla d'un
+habit de moine, ce qui faisait beaucoup rire tous
+ses chevaliers.</p>
+
+<p class="sep2">«En Italie, les hôpitaux sont bien pourvus,
+bien bâtis<a name="FNanchor_r207" id="FNanchor_r207" href="#Footnote_r207" class="fnanchor">[r207]</a>. On y donne une bonne nourriture;
+il y a des serviteurs attentifs et de savans médecins.
+Les lits et les habits sont très propres;
+l'intérieur des bâtimens orné de belles peintures.
+Aussitôt qu'un malade y est amené, on lui
+ôte ses habits en présence d'un notaire qui en
+dresse une note et une description exacte pour
+qu'ils lui soient bien gardés. On le revêt d'un
+sarreau blanc, on le met dans un lit bien fait et
+dans des draps blancs; on ne tarde pas à lui
+amener deux médecins, et les serviteurs viennent
+lui apporter à manger et à boire dans des
+verres bien propres, qu'ils touchent du bout du
+doigt. Il vient aussi des dames et matrones honorables
+qui se voilent pendant quelques jours
+pour servir les pauvres, de sorte qu'on ne sait
+point qui elles sont, et elles retournent ensuite chez
+elles.&mdash;J'ai vu aussi à Florence que les hôpitaux
+étaient servis avec tous ces soins; de même les
+maisons des enfans-trouvés, où les petits enfans
+sont nourris au mieux, élevés, enseignés et
+instruits. Ils les ornent tous d'un costume uniforme,
+et en prennent le plus grand soin.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_320">320</span>
+»Je ne manque point de drap, mais je ne
+puis me décider à me faire faire des culottes<a name="FNanchor_r208" id="FNanchor_r208" href="#Footnote_r208" class="fnanchor">[r208]</a>.
+Les miennes ont été raccommodées quatre fois,
+et le seront encore. Les tailleurs ne font rien de
+bon et prennent trop cher. Cela va bien mieux
+en Italie; les tailleurs ont une corporation particulière
+qui ne fait que des culottes.</p>
+
+<p>»En Espagne, pour les couches de l'impératrice,
+trente hommes se sont fouettés jusqu'au
+sang, afin de lui obtenir un heureux enfantement,
+deux même en sont morts, et cependant la mère
+ni le f&oelig;tus n'ont pu être délivrés. Qu'a-t-on fait
+de plus chez les païens? (14 août 1539.)</p>
+
+<p>»En Italie et en France, les curés sont généralement
+des ânes<a name="FNanchor_r209" id="FNanchor_r209" href="#Footnote_r209" class="fnanchor">[r209]</a>. Si on leur demande: <i lang="la" xml:lang="la">Quot
+sunt sacramenta?</i> ils répondent: <i lang="la" xml:lang="la">Tres</i>.&mdash;<i lang="la" xml:lang="la">Quæ?</i>
+Réponse: Le goupillon, l'encensoir et la croix.</p>
+
+<p>»En France, il y a eu tant de superstition,
+que les serfs et serviteurs voulaient pour la
+plupart se faire moines<a name="FNanchor_r210" id="FNanchor_r210" href="#Footnote_r210" class="fnanchor">[r210]</a>. Il fallut que le roi défendît
+la moinerie. La France est abîmée dans la
+superstition. Les Italiens de même sont ou superstitieux
+ou épicuriens. C'est un propos commun
+en Italie, quand ils vont à l'église de dire:
+Allons au préjugé populaire.</p>
+
+<p>»Lorsque je vis Rome, je tombai à genoux,
+levai les mains au ciel et dis<a name="FNanchor_r211" id="FNanchor_r211" href="#Footnote_r211" class="fnanchor">[r211]</a>: Salut, sainte
+Rome, sanctifiée par les saints martyrs et par
+<span class="pagenum" id="Page_321">321</span>
+leur sang qui y a été versé...; mais elle est maintenant
+déchirée, <i lang="de" xml:lang="de">und der teufel hat den papst,
+seinen dreck, darauss geschissen</i>.&mdash;Cent ans
+avant Jésus-Christ, Rome avait quatre millions
+de citoyens; peu après, neuf millions; certes,
+cela devait faire un peuple, si toutefois la chose
+est vraie.&mdash;A Venise, trois cent mille feux; à
+Erfurt, dix-huit mille murs à feu (murs mitoyens);
+à Nuremberg, à peine la moitié.&mdash;Rome
+n'est plus qu'une charogne et un tas de
+cendres..... Les maisons sont aujourd'hui où
+étaient les toits de l'ancienne Rome; telle est
+l'épaisseur des décombres, qu'il y en a la hauteur
+de deux lances de landsknecht<a name="FNanchor_9" id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a>. Rien n'y est à
+louer que le consistoire et la cour de Rote, où les
+affaires sont instruites et jugées avec beaucoup
+de justice.</p>
+
+<p>Le docteur Staupitz avait entendu dire à Rome,
+en 1511, que d'après une vieille prophétie, un
+ermite s'élèverait sous le pape Léon X, et attaquerait
+la papauté; or, les augustins s'appellent
+aussi ermites.</p>
+
+<p>»Je ne voudrais pas, pour cent mille florins,
+ne pas avoir vu Rome; je me serais toujours inquiété
+si je ne faisais pas injustice au pape.»&mdash;Il
+répète trois fois ces paroles.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_322">322</span>
+«Il y avait en Italie un ordre particulier, qui
+s'appelait <i>les Frères de l'ignorance</i><a name="FNanchor_r212" id="FNanchor_r212" href="#Footnote_r212" class="fnanchor">[r212]</a>. Ils devaient
+jurer de ne rien savoir et de ne vouloir rien
+apprendre. Tous les moines méritent le même
+nom.»</p>
+
+<p>Un soir, à la table de Luther, il se trouvait
+un vieux prêtre qui racontait beaucoup
+de choses de Rome<a name="FNanchor_r213" id="FNanchor_r213" href="#Footnote_r213" class="fnanchor">[r213]</a>. Il y était allé quatre fois et
+y avait officié pendant deux ans. Quand on lui
+demanda pourquoi il y était allé si souvent, il
+répondit: «La première fois j'y cherchais un
+filou, la seconde je le trouvais, la troisième je
+l'emportais avec moi, et la quatrième je l'y rapportais
+et le plaçais derrière l'autel de Saint-Pierre.»</p>
+
+<p>«Christoff Gross, qui avait été long-temps à
+Rome, trabant du pape, parla beaucoup des pays
+par où l'on va vers la Terre-Sainte, de l'Aragon
+et de la Biscaye<a name="FNanchor_r214" id="FNanchor_r214" href="#Footnote_r214" class="fnanchor">[r214]</a>. Ils ont pour signe du baptême
+une petite cicatrice au nez, juste sous les
+yeux.»</p>
+
+<p>«Les Écossais sont la nation la plus fière;
+beaucoup se sont réfugiés en Allemagne, à Erfurth
+et à Wurtzbourg; ils n'admettent personne
+comme moine dans leurs couvens. Les Écossais
+sont méprisés des autres nations, comme les Samaritains
+par les Juifs.»</p>
+
+<p>«Les Anglais ont été chassés de France après
+<span class="pagenum" id="Page_323">323</span>
+leur défaite à Montlhéri, entre Paris et Orléans<a name="FNanchor_10" id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>.&mdash;Ils
+ne laissent personne à Calais, à moins qu'il
+ne parle anglais dans tant d'heures.»</p>
+
+<p>«La peste règne toujours en Angleterre<a name="FNanchor_r215" id="FNanchor_r215" href="#Footnote_r215" class="fnanchor">[r215]</a>.&mdash;L'Angleterre
+est un morceau de l'Allemagne.&mdash;Les
+langues danoise et anglaise sont du saxon,
+c'est-à-dire du véritable allemand, tandis que la
+langue de l'Allemagne supérieure n'est point la
+vraie langue allemande.&mdash;La Souabe et la Bavière
+sont hospitalières; au contraire la Saxe.&mdash;Luther
+préfère le dialecte de la Hesse à tous les
+autres de l'Allemagne, parce que les Hessois accentuent
+les mots comme s'ils chantaient.»</p>
+
+<p class="sep2"><i>Diversité des langues.</i>&mdash;«Supériorité de l'allemande:
+elle fait sentir que les Allemands sont
+gens plus simples et plus vrais. Au contraire,
+c'est un proverbe: les Français écrivent autrement
+qu'ils ne parlent, et parlent autrement
+qu'ils ne pensent.&mdash;L'allemand se rapporte au
+grec. Le latin est sec, il n'a pas de lettres doubles.&mdash;Finesse
+des Saxons et bas Allemands; ils sont
+pires que les Italiens, quand ils adoptent les idées
+de l'Italie.&mdash;Les habitations et l'aspect des pays
+changent ordinairement dans l'espace d'un siècle.
+<span class="pagenum" id="Page_324">324</span>
+Il y a peu d'années que la Hesse, la Franconie,
+la Westphalie, n'étaient qu'un désert. Au contraire,
+autour de Halle, d'Halberstadt, et chez
+nous, on fait jusqu'à trois milles sans trouver
+rien que bruyères, tandis qu'autrefois il y avait
+des terres cultivées. Dieu aura ôté la fertilité au
+pays, pour punir les habitans.»</p>
+
+<p>«Nous sommes de bons compagnons, nous
+autres Allemands, nous buvons, nous mangeons,
+nous cassons nos vitres, nous perdons en une
+soirée cent, mille florins ou plus, et nous oublions
+<i>le Turc</i> qui, en trente jours, peut être avec
+sa cavalerie légère à Wittemberg.»</p>
+
+<p class="sep2">«En France, chacun a son verre à table.&mdash;Les
+Français se préservent de l'air; s'ils suent,
+ils se couvrent, s'approchent du feu, se mettent
+au lit; sans cela ils auraient la fièvre. Deux personnes
+dansent à la fois, les autres regardent;
+au contraire en Allemagne.&mdash;Les prêtres d'Italie
+et de France ne savent pas même leur langue.»</p>
+
+<p class="sep2">«Dans mon voyage sur le Rhin, je voulus
+dire la messe, mais un prêtre me dit<a name="FNanchor_r216" id="FNanchor_r216" href="#Footnote_r216" class="fnanchor">[r216]</a>: «Vous
+ne le pouvez: nous suivons ici le rit ambroisien.»</p>
+
+<p>»George F&oelig;geler, chancelier du margrave,
+disait que dans la Bavière il y avait plus de cent
+<span class="pagenum" id="Page_325">325</span>
+vingt-cinq cures vacantes, parce qu'on ne pouvait
+trouver aucun ecclésiastique<a name="FNanchor_r217" id="FNanchor_r217" href="#Footnote_r217" class="fnanchor">[r217]</a>.</p>
+
+<p>»Dans la Bohême, il y a environ trois cents
+cures vacantes, de même chez le duc George.</p>
+
+<p>»La Thuringe avait autrefois un sol très fertile
+en grain, surtout autour d'Erfurt; mais
+maintenant elle est frappée de malédiction<a name="FNanchor_r218" id="FNanchor_r218" href="#Footnote_r218" class="fnanchor">[r218]</a>. Le
+blé y est plus cher qu'à Wittemberg. C'est ce que
+j'ai vu, il y a un an, lorsque j'étais à Smalkald;
+ils n'avaient qu'un mauvais pain noir... Ils ont
+de telles vendanges qu'on pourrait donner la
+pinte pour trois liards; si elles étaient moitié
+moins bonnes, ils seraient très riches; mais
+maintenant ils donnent le vin pour le tonneau.</p>
+
+<p>»L'électorat de Saxe a eu douze couvens de
+moines déchaux, mineurs, cinq de prêcheurs,
+moines de saint Paul et carmélites, et quatre
+d'augustins<a name="FNanchor_r219" id="FNanchor_r219" href="#Footnote_r219" class="fnanchor">[r219]</a>. Voilà seulement pour les moines
+mendians qui, aujourd'hui se dissipent d'eux-mêmes.&mdash;Alors,
+un Anglais qui se trouvait à
+table chez le docteur, se mit à dire qu'en Angleterre,
+il n'y avait guère de milles carrés d'Allemagne,
+où l'on ne trouvât trente-deux cloîtres
+de moines mendians.</p>
+
+<p>»Le vieil électeur de Brandebourg, Joachim,
+disait une fois au duc de Saxe Frédéric<a name="FNanchor_r220" id="FNanchor_r220" href="#Footnote_r220" class="fnanchor">[r220]</a>: Comment
+pouvez-vous, vous autres princes de Saxe,
+frapper de la monnaie si forte? Nous y avons gagné
+<span class="pagenum" id="Page_326">326</span>
+trois tonnes d'or (en renvoyant une monnaie
+inférieure dans la Saxe).</p>
+
+<p>La princesse de A. (Anhalt), venant à Wittemberg,
+se rendit chez Luther, et insista vivement
+pour discuter avec lui, quoiqu'il fût malade et
+que ce fût à une heure indue. Il s'excusa en
+lui disant: «Noble dame, je suis rarement bien
+portant dans toute l'année; je souffre presque
+toujours ou du corps ou de l'esprit.» Elle lui
+répondit: «Je le sais, mais nous, nous ne
+pouvons pas non plus vivre tous dans la piété.»
+Le docteur lui dit alors: «Vous autres de la noblesse,
+cependant, vous devriez tous être pieux
+et irréprochables, car vous êtes peu, vous formez
+un cercle étroit. Nous, gens du commun et
+des basses classes, nous nous corrompons par la
+multitude; nous sommes en grand nombre, il
+n'est donc pas étonnant qu'il y ait si peu de gens
+pieux parmi nous. C'est chez vous, personnes
+nobles et illustres, que nous devrions trouver
+des exemples de piété, d'honnêteté, etc.» Et il
+continua de lui parler sur ce ton. (Tischreden,
+p. 341, verso.)</p>
+
+<p>Luther avait dans sa maison et à sa table un
+Hongrois, nommé Mathias de Vai. De retour en
+Hongrie, il y prêcha, et fut accusé par un
+prédicateur papiste devant le moine George,
+frère du Vayvode, alors gouverneur et régent
+<span class="pagenum" id="Page_327">327</span>
+à Bude. Le moine George fit apporter deux
+tonneaux de poudre sur le marché, et dit: «Si
+l'un de vous deux prêche la bonne doctrine,
+asseyez-vous dessus, j'y mettrai le feu; nous verrons
+lequel des deux restera vivant.» Le papiste
+refusa, Mathias s'élança sur un des tonneaux.
+Le papiste et les siens furent condamnés à payer
+quatre cents florins de Hongrie, et à entretenir
+pendant un certain temps deux cents hommes
+d'armes. Mathias eut la permission de prêcher
+l'Évangile. (Tischr., p. 13.)</p>
+
+<p>Un seigneur hongrois, nommé Jean Huniade,
+se trouvant à Torgau, comme ambassadeur du
+roi Ferdinand auprès de l'électeur Jean-Frédéric,
+pria celui-ci de faire venir Luther pour qu'il
+pût le voir et lui parler. Luther y vint; à table,
+l'ambassadeur dit qu'en Hongrie les prêtres donnaient
+la communion tantôt sous une, tantôt sous
+deux espèces, et qu'ils prétendaient que la chose
+était indifférente. «Révérend père, ajouta-t-il,
+en s'adressant à Luther, me permettez-vous de
+vous <ins id="err_10" title="original: demandez (Err.)">demander</ins> ce que vous pensez de ces prêtres?»
+Le docteur répondit qu'il les regardait
+comme de méprisables hypocrites, «Car, dit-il,
+s'ils étaient bien convaincus que la communion
+sous deux espèces est d'institution divine, ils ne
+pourraient continuer de la donner sous une
+seule.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_328">328</span>
+Luther cacha le dépit que la question de l'ambassadeur
+lui avait causé, et quelque temps
+après, il se tourna vers lui, en disant: «Seigneur,
+j'ai répondu à ce que votre Grâce me demandait.
+Me permettra-t-elle de lui faire une
+question à mon tour?» L'ambassadeur le lui
+permettant, il continua: «Je suis étonné que
+vos pareils, les conseillers des rois et des princes,
+qui savent bien que la doctrine de l'Évangile est
+la véritable, ne laissent pas de la persécuter de
+toutes leurs forces. Me pourriez-vous dire d'où
+cela vient?» A ces mots, André Pflug, l'un des
+convives, voyant l'<ins id="err_11" title="original: ambarras (Err.)">embarras</ins> du seigneur hongrois,
+interrompit Luther et parla vivement
+d'autre chose, de sorte que le seigneur fut dispensé
+de répondre. (Tischr., p. 148.)</p>
+
+<p class="sep2">Le chapitre des <i>Propos de table</i> où se trouve
+réuni tout ce que Luther a dit sur les Turcs, est
+fort curieux comme peinture des alarmes qu'éprouvaient
+alors toutes les familles chrétiennes.
+Chaque mouvement des barbares est marqué par
+un cri de terreur. C'est la même scène que celle
+de Goetz de Berlichingen, où le chevalier ne
+pouvant agir, se fait rendre compte par les
+siens du combat qui a lieu dans la plaine, et
+qu'ils contemplent du haut d'une tour; c'est la
+même anxiété d'un péril toujours croissant, et
+<span class="pagenum" id="Page_329">329</span>
+qu'on est dans l'impuissance d'éviter ou de combattre.</p>
+
+<p>«Le Turc ira à Rome, et je n'en suis pas trop
+fâché, car il est écrit dans le prophète Daniel, etc.<a name="FNanchor_r221" id="FNanchor_r221" href="#Footnote_r221" class="fnanchor">[r221]</a>
+Une fois le Turc à Rome, le Jugement dernier
+n'est pas loin.</p>
+
+<p>»Le Christ a sauvé nos âmes; il faudra qu'il
+sauve aussi nos corps; car le Turc va donner un
+bon coup à l'Allemagne<a name="FNanchor_r222" id="FNanchor_r222" href="#Footnote_r222" class="fnanchor">[r222]</a>. Je pense souvent à tous
+les maux qui vont suivre, et il m'en vient la
+sueur... La femme du docteur s'écria: Dieu nous
+préserve des Turcs! Non, reprit-il, il faut bien
+qu'ils viennent et qu'ils nous secouent comme il
+faut.</p>
+
+<p>»Qui m'eût dit que je verrais en face l'un de
+l'autre les deux empereurs, les rois du Midi et
+du Septentrion<a name="FNanchor_r223" id="FNanchor_r223" href="#Footnote_r223" class="fnanchor">[r223]</a>?... Oh! priez, car nos gens de
+guerre sont trop présomptueux, ils comptent trop
+sur leur force et sur leur nombre. Cela ne peut
+pas bien finir. Et il ajoutait: Les chevaux allemands
+sont plus forts que ceux des Turcs; ils
+peuvent les renverser; ceux-ci sont plus légers,
+mais plus petits.</p>
+
+<p>»Je ne compte point sur nos murs, ni sur
+nos arquebuses, mais sur le <i>Pater noster</i><a name="FNanchor_r224" id="FNanchor_r224" href="#Footnote_r224" class="fnanchor">[r224]</a>. C'est
+là ce qui battra les Turcs; le décalogue n'y
+suffit pas.»</p>
+
+<p>Luther dit qu'après avoir depuis long-temps
+<span class="pagenum" id="Page_330">330</span>
+désiré de connaître l'Alcoran, il en trouva enfin
+une mauvaise version latine de 1300, et qu'il la
+traduisit en allemand, afin de mieux faire connaître
+l'imposture de Mahomet<a name="FNanchor_r225" id="FNanchor_r225" href="#Footnote_r225" class="fnanchor">[r225]</a>. Dans son «Instruction
+tirée de l'Alcoran,» il prouve que ce
+n'est point Mahomet qui est l'Anti-Christ (car
+l'imposture, dit-il, est trop visible en celui-ci),
+mais plutôt le pape avec son hypocrisie.&mdash;«Il y
+a trois ans qu'un moine du pays des Maures vint
+ici. Nous disputâmes avec lui par l'intermédiaire
+d'un interprète, et comme il fut confondu en
+tous points par la Parole de Dieu, il dit à la
+fin: «C'est là une bonne croyance.»</p>
+
+<p>Les juifs, à titre de juifs et d'usuriers, étaient
+fort mal avec Luther.</p>
+
+<p>«Nous ne devons pas souffrir les juifs parmi
+nous. On ne doit ni boire ni manger avec eux.&mdash;Cependant,
+dit quelqu'un, il est écrit que les
+juifs seront convertis avant le Jugement...&mdash;Et
+il est écrit aussi, dit la femme de Luther, qu'il n'y
+aura qu'une bergerie et un berger.&mdash;Oui, chère
+Catherine, dit le docteur. Mais cela s'est déjà accompli,
+lorsque les païens ont embrassé l'Évangile.»
+(Tischr., p. 431.)</p>
+
+<p>«Si j'étais à la place des seigneurs de **, je
+ferais venir ensemble tous les juifs, et je leur demanderais
+pourquoi ils appellent Christ un fils
+de p..., et sainte Marie une coureuse. S'ils parvenaient
+<span class="pagenum" id="Page_331">331</span>
+à le prouver, je leur donnerais cent
+florins; sinon je leur arracherais la langue.»
+(Tischr., p. 431, verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a63" id="Footnote_a63" href="#FNanchor_a63">[a63]</a>&nbsp;</span>Page 127, ligne 24.&mdash;<i>Je ne puis nier que je ne sois violent...</i></p>
+
+<p>Érasme disait: «Luther est insatiable d'injures
+et de violences; c'est comme Oreste furieux.»
+(Erasm., Epist. non sobria Luther.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a64" id="Footnote_a64" href="#FNanchor_a64">[a64]</a>&nbsp;</span>Page 142, ligne 9.&mdash;<i>Le droit impérial ne tient plus qu'à
+un fil...</i></p>
+
+<p>Cependant Luther le préférait encore au droit
+saxon.</p>
+
+<p>«Le docteur Luther parlant de la grande barbarie
+et dureté du droit saxon, disait que les
+choses iraient au mieux si le droit impérial était
+suivi dans tout l'Empire. Mais l'opinion s'est établie
+à la cour, que le changement ne pouvait se
+faire sans grande confusion et grande dévastation.»
+(Tischreden, page 412.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a65" id="Footnote_a65" href="#FNanchor_a65">[a65]</a>&nbsp;</span>Page 143, ligne 17.&mdash;<i>Je te le conseille, juriste, laisse dormir
+le vieux dogue...</i></p>
+
+<p>Dans son avant-dernière lettre à Mélanchton
+<span class="pagenum" id="Page_332">332</span>
+(6 février 1546), il dit en parlant des légistes: «O
+sycophantes, ô sophistes, ô peste du genre humain!...
+Je t'écris en colère, mais je ne sais si,
+de sang froid, je pourrais mieux dire.»</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a66" id="Footnote_a66" href="#FNanchor_a66">[a66]</a>&nbsp;</span>Page 143, ligne 24.&mdash;<i>Juristes pieux...</i></p>
+
+<p>Il souhaite qu'on améliore leur condition.</p>
+
+<p>«Les docteurs en droit gagnent trop peu et
+sont obligés de se faire procureurs. En Italie, on
+donne à un juriste quatre cents ducats ou plus
+par an; en Allemagne, ils n'en ont que cent. On
+devrait leur assurer des pensions honorables,
+ainsi qu'aux bons et pieux pasteurs et prédicateurs.
+Faute de cela, ils sont obligés pour nourrir
+leurs femmes et leurs enfans, de s'occuper de
+l'agriculture et des soins domestiques.» (Tischreden,
+page 414.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a67" id="Footnote_a67" href="#FNanchor_a67">[a67]</a>&nbsp;</span>Page 143.&mdash;<i>Fin du chapitre.</i></p>
+
+<p>Au comte Albrecht de Mansfeld, au sujet d'une
+affaire de mariage: «Les paysans, les gens grossiers
+qui ne recherchent que la liberté de la chair,
+les légistes qui décident toujours contre la foi,
+m'ont rendu si las, que j'ai rejeté décidément le
+<span class="pagenum" id="Page_333">333</span>
+fardeau des affaires de mariages, et que j'ai dit à
+plusieurs de faire, au nom de tous les diables, ce
+qu'il leur plaira: <i lang="la" xml:lang="la">Sinite mortuos sepelire mortuos</i>.
+Le monde veut le pape! qu'il l'ait, s'il n'en peut
+être autrement. Tous les légistes tiennent pour
+lui. Je ne sais vraiment si, moi mort, ils auront
+le courage d'adjuger, à mes enfans, le nom de
+Luther et mes guenilles! Ils jugent toujours d'après
+le droit papal. A qui la faute? A vous autres
+seigneurs, qui les rendez trop fiers, qui les soutenez
+dans tout ce qui leur plaît de décider, qui
+opprimez les pauvres théologiens, quelque raison
+qu'ils puissent avoir...» (5 octobre 1536.)</p>
+
+<p>«Il faudrait dans un pays deux cents pasteurs
+contre un juriste. Nous devrions, en attendant,
+changer en pasteurs les juristes et les médecins.
+Vous verrez que cela viendra.» (Tischreden,
+page 4, verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a68" id="Footnote_a68" href="#FNanchor_a68">[a68]</a>&nbsp;</span>Page 151, <i>fin du chapitre</i>.</p>
+
+<p>Discussion confidentielle entre Mélanchton et
+Luther. (1536.)</p>
+
+<p><span class="smcap">Mélanchton</span> trouve probable l'opinion de saint
+Augustin, qui soutient «que nous sommes justifiés
+par la foi, par la rénovation,» et qui, sous le
+mot de rénovation, comprend tous les dons et
+<span class="pagenum" id="Page_334">334</span>
+les vertus que nous tenons de Dieu<a name="FNanchor_11" id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>. «Quelle
+est votre opinion? demanda-t-il à Luther. Tenez-vous,
+avec saint Augustin, que les hommes
+sont justifiés par la rénovation, ou bien par imputation
+divine?»&mdash;<span class="smcap">Luther</span> répond: «Par la
+pure miséricorde de Dieu.»&mdash;<span class="smcap">Mélanchton</span> propose
+de dire que l'homme est justifié <i lang="la" xml:lang="la">principaliter</i>
+par la foi, <i lang="la" xml:lang="la">et minùs principaliter</i> par les
+&oelig;uvres, en sorte que la foi rachète l'imperfection
+de celles-ci.&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> «La miséricorde
+de Dieu est seule la vraie justification. La justification
+par les &oelig;uvres n'est qu'extérieure; elle
+ne peut nous délivrer ni du péché ni de la
+mort.»&mdash;<span class="smcap">Mélanchton.</span> Je vous demande ce
+qui justifie saint Paul et le rend agréable à
+Dieu, après sa régénération par l'eau et l'esprit?&mdash;<span class="smcap">Luther.</span>
+«C'est uniquement cette régénération
+même. Il est devenu juste et agréable
+à Dieu par la foi, et par la foi il reste tel à
+jamais.»&mdash;<span class="smcap">Mélanchton.</span> Est-il justifié par la
+seule miséricorde, ou bien l'est-il <i>principalement</i>
+par la miséricorde, et <i>moins principalement</i> par
+ses vertus et ses &oelig;uvres?&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> «Non pas.
+Ses vertus et ses &oelig;uvres ne sont bonnes et pures
+que parce qu'elles sont de saint Paul, c'est-à-dire
+<span class="pagenum" id="Page_335">335</span>
+d'un juste. Une &oelig;uvre plaît ou déplaît, est bonne
+ou mauvaise, à cause de la personne qui la fait.»&mdash;<span class="smcap">Mélanchton.</span>
+Mais vous enseignez vous-même
+que les bonnes &oelig;uvres sont nécessaires, et saint
+Paul qui croit, et qui en même temps fait les
+&oelig;uvres, est agréable à Dieu pour cela. S'il faisait
+autrement il lui déplairait.&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> «Les
+&oelig;uvres sont nécessaires, il est vrai, mais c'est
+par une nécessité sans contrainte, et toute autre
+que celle de la Loi. Il faut que le soleil luise, c'est
+une nécessité également; cependant ce n'est pas
+par suite d'une loi qu'il luit, mais bien par nature,
+par une qualité inhérente et qui ne peut
+être changée: il est créé pour luire. De même le
+juste, après la régénération, fait les &oelig;uvres, non
+pour obéir à quelque loi ou contrainte, car il ne
+lui est pas donné de loi, mais par une nécessité
+immuable.&mdash;Ce que vous dites de saint Paul,
+qui, sans les &oelig;uvres, ne plairait pas à Dieu, est
+obscur et inexact, car il est impossible qu'un
+croyant, c'est-à-dire un juste, ne fasse ce qui est
+bien.»&mdash;<span class="smcap">Mélanchton.</span> Sadolet nous accuse de
+nous contredire en enseignant que la foi seule
+justifie, et en admettant néanmoins que les bonnes
+&oelig;uvres sont nécessaires.&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> «C'est
+que les faux frères et les hypocrites, faisant semblant
+de croire, on leur demande les &oelig;uvres pour
+confondre leur fourberie...»&mdash;<span class="smcap">Mélanchton.</span>
+<span class="pagenum" id="Page_336">336</span>
+Vous dites que saint Paul est justifié par la seule
+miséricorde de Dieu. A cela je réplique que si
+l'obéissance ne venait s'ajouter à la miséricorde
+divine, il ne serait point sauvé, conformément à
+la parole (I. Cor. <span class="t5">IX</span>): «Malheur à moi, si je ne
+prêchais pas l'Évangile!»&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> «Il n'est
+besoin de rien ajouter à la foi; si elle est véritable,
+elle est à elle seule efficace toujours et en
+tout point. Ce que les &oelig;uvres valent, elles ne le
+valent que par la puissance et la gloire de la
+foi, qui est, comme le soleil, resplendissante et
+rayonnante par nécessité de nature.»&mdash;<span class="smcap">Mélanchton.</span>
+Dans saint Augustin, les &oelig;uvres sont
+incluses en ces mots: <i>Solâ fide</i>.&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> «Quoi
+qu'il en soit, saint Augustin fait assez voir qu'il
+est des nôtres, quand il dit: «Je suis effrayé, il
+est vrai, mais je ne désespère pas, car je me souviens
+des plaies du Seigneur.» Et ailleurs, dans
+ses Confessions: «Malheur aux hommes, quelque
+bonne et louable que leur vie puisse être,
+s'ils ne sollicitent la miséricorde de Dieu...»&mdash;<span class="smcap">Mélanchton.</span>
+Est-elle vraie, cette parole: «La
+justice est nécessaire au salut?»&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> «Non
+pas dans ce sens, que les &oelig;uvres produisent le
+salut, mais qu'elles sont les compagnes inséparables
+de la foi qui justifie. C'est tout de même
+qu'il faudra que je sois là en personne lorsque je
+serai sauvé.»</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_337">337</span>
+«J'en serai aussi,» dit l'autre qu'on menait
+pour être pendu, et qui voyait les gens courir à
+toutes jambes vers le gibet... La foi qui nous est
+donnée de Dieu régénère l'homme incessamment
+et lui fait faire des &oelig;uvres nouvelles, mais ce ne
+sont pas les &oelig;uvres nouvelles qui font que
+l'homme est régénéré... Les &oelig;uvres n'ont pas de
+justice par elles-mêmes aux yeux de Dieu, quoiqu'elles
+ornent et glorifient accidentellement
+l'homme qui les fait... En somme, les croyans
+sont une création nouvelle, un arbre nouveau.
+Toutes ces manières de dire usitées dans la Loi,
+telles que: «Le croyant <i>doit</i> faire de bonnes &oelig;uvres,
+ne nous conviennent donc plus. On ne dit
+pas: Le soleil <i>doit luire</i>, un bon arbre <i>doit</i> porter
+de bons fruits, trois et sept <i>doivent</i> faire dix.
+Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui commande;
+le bon arbre porte de même ses bons
+fruits; trois et sept ont de tout temps fait dix;
+il n'est pas besoin de le commander pour
+l'avenir.</p>
+
+<p>Le passage suivant est plus exprès encore. «Je
+pense qu'il n'y a point de qualité qui s'appelle
+foi ou amour, comme le disent les rêveurs et les
+sophistes, mais je reporte cela entièrement au
+Christ, et je dis <i lang="la" xml:lang="la">mea formalis justitia</i> (la justice
+certaine, permanente, parfaite, dans laquelle il
+n'y a ni manque, ni défaut; celle qui est comme
+<span class="pagenum" id="Page_338">338</span>
+elle doit être devant Dieu), cette justice c'est le
+Christ, mon seigneur. (Tischr., p. 133.)</p>
+
+<p>Ce passage est un de ceux qui font le plus
+fortement sentir le rapport intime de la doctrine
+de Luther avec le système d'identification absolue.
+On conçoit que la philosophie allemande ait
+abouti à Schelling et à Hegel.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a69" id="Footnote_a69" href="#FNanchor_a69">[a69]</a>&nbsp;</span>Page 152.</p>
+
+<p>Les papistes se moquaient beaucoup des quatre
+nouveaux Évangiles. Celui de Luther, qui
+condamne les &oelig;uvres; celui de Kuntius, qui rebaptise
+les adultes; celui d'Othon de Brunfels,
+qui ne regarde l'Écriture que comme un pur
+récit cabalistique, <i lang="la" xml:lang="la">surda sine spiritu narratio</i>;
+enfin, celui des mystiques (Cochlæus, p. 165.)
+Ils auraient pu y joindre celui du docteur Paulus
+Ricius, médecin juif, qui fit paraître, pendant la
+diète de Ratisbonne, un petit livre où Moïse et
+saint Paul montraient, dans un dialogue, comment
+toutes les opinions religieuses qui excitaient
+tant de disputes pouvaient être conciliées.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a70" id="Footnote_a70" href="#FNanchor_a70">[a70]</a>&nbsp;</span>Page 155, ligne 6.&mdash;<i>J'ai vu dans l'air un petit nuage
+de feu... Dieu est irrité...</i></p>
+
+<p>«La comète me donne à penser que quelque
+malheur menace l'Empereur et Ferdinand. Elle a
+<span class="pagenum" id="Page_339">339</span>
+tourné sa queue d'abord vers le nord, puis vers le
+sud, désignant ainsi les deux frères. (oct. 1531.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a71" id="Footnote_a71" href="#FNanchor_a71">[a71]</a>&nbsp;</span>Page 156, ligne 24.&mdash;<i>Michel Stiefel croit être le septième
+ange...</i></p>
+
+<p>«Michel Stiefel, avec sa septième trompette,
+nous prophétise le jour du jugement pour cette
+année, vers la Toussaint.» (26 août 1533.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a72" id="Footnote_a72" href="#FNanchor_a72">[a72]</a>&nbsp;</span>Page 162, <i>fin du chapitre</i>.</p>
+
+<p>Il se moque de l'importance donnée aux cérémonies
+extérieures dans une lettre à George
+Duchholzer, ecclésiastique de Berlin, qui lui avait
+demandé son avis sur la réforme récemment introduite
+dans le <ins id="cor_11" title="original: Brandbourg">Brandebourg</ins>: «..... Pour ce qui
+est de la chasuble, des processions et autres choses
+extérieures que votre prince ne veut pas abolir,
+voici mon conseil: S'il vous accorde de prêcher
+l'Évangile de Jésus-Christ purement et sans
+additions humaines, d'administrer le baptême et
+la communion tels que Christ les a institués, de
+supprimer l'adoration des saints et les messes des
+morts, de renoncer à bénir l'eau, le sel et les
+herbes, de ne plus porter les saints-sacremens
+dans les processions, enfin s'il n'y fait chanter
+<span class="pagenum" id="Page_340">340</span>
+que des cantiques purs de toute doctrine humaine:
+faites les cérémonies qu'il demande, à la
+garde de Dieu, portez une croix d'or ou d'argent,
+une chape, une chasuble de velours, de soie,
+de toile et tout ce que vous voudrez. Si votre seigneur
+ne se contente pas d'une seule chape ou
+chasuble, mettez-en trois, comme le grand prêtre
+Aaron qui mettait trois robes l'une sur l'autre,
+toutes belles et magnifiques. Si sa Grâce électorale
+n'a pas assez d'une seule procession que
+vous ferez avec chant et <ins id="cor_12" title="original: tintamare">tintamarre</ins>, faites-la sept
+fois, comme Josué et les enfans d'Israël allèrent
+sept fois autour de Jéricho en criant et sonnant
+des trompettes. Et pour peu que cela amuse sa
+Grâce électorale, elle n'a qu'à ouvrir elle-même
+la marche, et danser devant les autres, au son des
+harpes, des timbales et des sonnettes, comme fit
+David devant l'arche du Seigneur à Jérusalem; je
+ne m'y oppose point. Ces choses, quand l'abus ne
+s'y mêle point, n'ajoutent, n'ôtent rien à l'Évangile.
+Mais il faut se garder d'en faire des nécessités,
+des chaînes pour la conscience. Si seulement je
+pouvais en venir là avec le pape et ses adhérens,
+ah! que je remercierais Dieu! Vraiment, si le pape
+me cédait ce point, il pourrait me dire de porter
+je ne sais quoi, que je le porterais pour lui faire
+plaisir..... Pardonnez-moi, mon cher ami, de
+vous répondre si brièvement aujourd'hui; j'ai la
+<span class="pagenum" id="Page_341">341</span>
+tête si faible, qu'il m'en coûte d'écrire...» (4 décembre
+1539.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a73" id="Footnote_a73" href="#FNanchor_a73">[a73]</a>&nbsp;</span>Page 177, ligne 18.&mdash;<i>Elle tomba raide...</i></p>
+
+<p>«Une servante avait eu, pendant bien des années
+un invisible esprit familier qui s'asseyait près
+d'elle au foyer, où elle lui avait fait une petite
+place, s'entretenant avec lui pendant les longues
+nuits d'hiver. Un jour la servante pria Heinzchen
+(elle nommait ainsi l'esprit) de se laisser voir dans
+sa véritable forme. Mais Heinzchen refusa de le
+faire. Enfin, après de longues instances, il y consentit,
+et dit à la servante de descendre dans la
+cave, où il se montrerait. La servante prit un
+flambeau, descendit dans le caveau, et là, dans
+un tonneau ouvert, elle vit un enfant mort qui
+flottait au milieu de son sang. Or, longues années
+auparavant, la servante avait mis secrètement un
+enfant au monde, l'avait égorgé, et l'avait caché
+dans un tonneau.» (Tischreden, page 222, trad.
+d'Henri Heine. Voy. son bel article sur Luther,
+<i>Revue des deux Mondes</i>, 1<sup>er</sup> mars 1834.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a74" id="Footnote_a74" href="#FNanchor_a74">[a74]</a>&nbsp;</span>Page 182, ligne 15.&mdash;<i>Ils saisissaient la tête...</i></p>
+
+<p>«L'ennemi de tout bien et de toute santé (le
+diable), chevauche quelquefois à travers ma tête,
+<span class="pagenum" id="Page_342">342</span>
+de manière à me rendre incapable de lire ou d'écrire
+la moindre des choses.» (28 mars 1532.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a75" id="Footnote_a75" href="#FNanchor_a75">[a75]</a>&nbsp;</span>Page 183, ligne 9.&mdash;<i>Le diable n'est pas, à la vérité, un
+docteur qui a pris ses grades...</i></p>
+
+<p>«C'est une chose merveilleuse, dit Bossuet, de
+voir combien sérieusement et vivement il décrit
+son réveil, comme en sursaut, au milieu de la nuit,
+l'apparition manifeste du diable pour disputer
+contre lui. La frayeur dont il fut saisi, sa sueur,
+son tremblement et son horrible battement de
+c&oelig;ur dans cette dispute; les pressans argumens du
+démon qui ne laisse aucun repos à l'esprit; le son
+de sa puissante voix; ses manières de disputer accablantes,
+où la question et la réponse se font sentir
+à la fois. Je sentis alors, dit-il, comment il arrive
+si souvent qu'on meure subitement vers le
+matin: c'est que le diable peut tuer et étrangler
+les hommes, et sans tout cela, les mettre si fort à
+l'étroit par ses disputes, qu'il y a de quoi en
+mourir, comme je l'ai plusieurs fois expérimenté.»
+(<i lang="la" xml:lang="la">De abrogandâ missâ privatâ</i>, t. VII, 222,
+trad. de Bossuet. Variations, II, p. 203.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_343">343</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a76" id="Footnote_a76" href="#FNanchor_a76">[a76]</a>&nbsp;</span>Page 201, ligne 8.&mdash;<i>Après avoir prêché à Smalkalde...</i></p>
+
+<p>Il écrivit à sa femme sur cette maladie: «... J'ai
+été comme mort; je t'avais déjà recommandée, toi
+et nos enfans, à Dieu et à notre Seigneur, dans la
+pensée que je ne vous reverrais plus; j'étais bien
+ému en pensant à vous; je me voyais déjà dans
+la tombe. Les prières et les larmes de gens pieux
+qui m'aiment, ont trouvé grâce devant Dieu.
+Cette nuit a tué mon mal, me voilà comme
+rené...» (27 février 1537.)</p>
+
+<p>Luther éprouva une rechute dangereuse à
+Wittemberg. Obligé de rester à Gotha, il se
+croyait près de la mort. Il dicta à Bugenhagen,
+qui était avec lui, sa dernière volonté. Il déclara
+qu'il avait combattu la papauté selon sa conscience,
+et demanda pardon à Mélanchton, à Jonas
+et à Cruciger des offenses qu'il pouvait leur
+avoir faites. (Ukert, t. I, p. 325.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a77" id="Footnote_a77" href="#FNanchor_a77">[a77]</a>&nbsp;</span>Page 202, ligne 2.&mdash;<i>Ma véritable maladie...</i></p>
+
+<p>Luther fut atteint de bonne heure de la pierre;
+cette maladie le faisait cruellement souffrir. Il fut
+opéré le 27 février 1537.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_344">344</span>
+«Je commence à entrer en convalescence,
+avec la grâce de Dieu, je rapprends à boire et à
+manger, quoique mes jambes, mes genoux,
+mes os tremblent, et que je me porte à peine.
+(21 mars 1537.)</p>
+
+<p>»Je ne suis, même sans parler des maladies
+et de la vieillesse, qu'un cadavre engourdi et
+froid.» (6 décembre 1537.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a78" id="Footnote_a78" href="#FNanchor_a78">[a78]</a>&nbsp;</span>Page 215, ligne 10.&mdash;<i>Les comtes de Mansfeld...</i></p>
+
+<p>Il avait essayé en vain de réconcilier les comtes
+de Mansfeld. «Si l'on veut, dit-il, faire entrer
+dans une maison un arbre coupé, il ne faut pas
+le prendre par la tête; toutes les branches l'arrêteraient
+à la porte. Il faut le prendre par la racine,
+et les branches plieront pour entrer. (Tischreden,
+p. 355.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a79" id="Footnote_a79" href="#FNanchor_a79">[a79]</a>&nbsp;</span>Page 222.&mdash;<i>A la fin du chapitre.</i></p>
+
+<p>Nous réunissons ici plusieurs particularités relatives
+à Luther.</p>
+
+<p>Érasme dit de lui: «On loue unanimement les
+m&oelig;urs de cet homme; c'est un grand témoignage
+que ses ennemis même n'y trouvent pas matière
+à la calomnie.» (Ukert, t. II, page 5.)</p>
+
+<p>Luther aimait les plaisirs simples: il faisait
+<span class="pagenum" id="Page_345">345</span>
+souvent de la musique avec ses commensaux et
+jouait aux quilles avec eux.&mdash;Mélanchton dit de
+lui: «Quiconque l'aura connu et fréquenté familièrement,
+avouera que c'était un excellent
+homme, doux et aimable en société, nullement
+opiniâtre ni ami de la dispute. Joignez à cela la
+gravité qui convenait à son caractère.&mdash;S'il
+montrait de la dureté en combattant les ennemis
+de la vraie doctrine, ce n'était point malignité
+de nature, mais ardeur et passion pour la
+vérité.» (Ukert, t. II, p. 12.)</p>
+
+<p class="sep2">«Bien qu'il ne fût ni d'une petite stature ni
+d'une complexion faible, il était d'une extrême
+tempérance dans le boire et le manger. Je l'ai vu
+étant en pleine santé, passer quatre jours entiers
+sans prendre aucun aliment, et souvent se contenter,
+dans une journée entière, d'un peu de
+pain et d'un hareng pour toute nourriture.» (<i>Vie
+de Luther</i>, par Mélanchton.)</p>
+
+<p class="sep2">Mélanchton dit dans ses &OElig;uvres posthumes:
+«Je l'ai souvent trouvé, moi-même, pleurant à
+chaudes larmes, et priant Dieu ardemment pour
+le salut de l'Église. Il consacrait, chaque jour,
+quelque temps à dire des psaumes et à invoquer
+Dieu de toute la ferveur de son âme.» (Ukert,
+t. II, p. 7.)</p>
+
+<p class="sep2"><span class="pagenum" id="Page_346">346</span>
+Luther dit de lui-même: «Si j'étais aussi éloquent
+et aussi riche en paroles qu'Érasme, aussi
+bon helléniste que Joachim Camérarius, aussi
+savant en hébreu que Forscherius, et aussi un
+peu plus jeune, ah! quels travaux je ferais!»
+(Tischreden, p. 447.)</p>
+
+<p class="sep2">«Le licencié Amsdorf est naturellement théologien.
+Les docteur Creuziger et Jonas le sont
+par art et réflexion. Mais moi et le docteur Pomer,
+nous donnons peu de prise dans la dispute.»
+(Tischreden, p. 425.)</p>
+
+<p class="sep2">A Antoine Unruche, juge à Torgau «... Je vous
+remercie de tout mon c&oelig;ur, cher Antoine, d'avoir
+pris en main la cause de Marguerite Dorst,
+et de n'avoir pas souffert que ces insolens hobereaux
+enlevassent à la pauvre femme le peu
+qu'elle a. Vous savez que le docteur Martin n'est
+pas seulement théologien et défenseur de la foi,
+mais aussi le soutien du droit des pauvres gens
+qui viennent de tous côtés lui demander ses conseils
+et son intercession auprès des autorités. Il
+sert volontiers les pauvres, comme vous faites
+vous-même, vous et ceux qui vous ressemblent.
+Tous les juges devraient être comme vous. Vous
+êtes pieux, vous craignez Dieu, vous aimez sa parole;
+<span class="pagenum" id="Page_347">347</span>
+aussi Jésus-Christ ne vous oubliera-t-il
+pas...» (12 juin 1538.)</p>
+
+<p class="sep2">Luther écrit à sa femme au sujet d'un vieux
+domestique qui allait quitter sa maison: «Il faut
+congédier notre vieux Jean honorablement; tu
+sais qu'il nous a toujours servis loyalement, avec
+zèle, et comme il convenait à un serviteur chrétien.
+Combien n'avons-nous pas donné à des
+vauriens, à des étudians ingrats, qui ont fait un
+mauvais usage de notre argent? Il ne faut donc
+pas lésiner, dans cette occasion, à l'égard d'un si
+honnête serviteur, chez lequel notre argent sera
+placé d'une manière agréable à Dieu. Je sais bien
+que nous ne sommes pas riches; je lui donnerais
+volontiers dix florins si je les avais; en tous cas,
+ne lui en donne pas moins de cinq, car il n'est
+pas habillé. Ce que tu pourras faire de plus, fais-le,
+je t'en prie. Il est vrai que la caisse de la
+ville devrait bien aussi lui donner quelque chose,
+parce qu'il a fait toutes sortes de services dans
+l'église; qu'ils agissent comme ils voudront. Vois
+de quelle manière tu pourras avoir cet argent.
+Nous avons un gobelet d'argent à mettre en gage.
+Dieu ne nous abandonnera pas, j'en suis sûr.
+Adieu.» (17 février 1532.)</p>
+
+<p class="sep2">«Le prince m'a donné un anneau d'or; mais
+<span class="pagenum" id="Page_348">348</span>
+afin que je visse bien que je n'étais pas né pour
+porter de l'or, l'anneau est aussitôt tombé de
+mon doigt (car il est un peu trop large). J'ai dit:
+Tu n'es qu'un ver de terre, et non un homme.
+Il fallait donner cet or à Faber, à Eckius; pour
+toi, du plomb, une corde au cou te conviendraient
+davantage.» (15 septembre 1530.)</p>
+
+<p class="sep2">L'Électeur, établissant une contribution pour
+la guerre des Turcs, en avait fait exempter Luther.
+Il lui répondit qu'il acceptait cette faveur
+pour ses deux maisons, dont l'une (l'ancien couvent)
+lui coûtait beaucoup d'entretien sans rien
+rapporter, et dont l'autre n'était pas payée encore.
+«Mais, continue-t-il, je prie votre Grâce
+électorale, en toute soumission, de permettre
+que je contribue pour mes autres biens. J'ai encore
+un jardin estimé à cinq cents florins, une
+terre à quatre-vingt-dix, et un petit jardin qui
+en vaut vingt. J'aimerais bien à faire comme les
+autres, à combattre le Turc de mes liards, à ne
+pas être exclu de l'armée qui doit nous sauver.
+Il y en a déjà assez qui ne donnent pas volontiers;
+je ne voudrais pas faire des envieux. Il
+vaut mieux qu'on ne puisse se plaindre, et que
+l'on dise: Le docteur Martin est aussi obligé de
+payer.» (26 mars 1542.)</p>
+
+<p class="sep2"><span class="pagenum" id="Page_349">349</span>
+A l'électeur Jean. «Grâce et paix en Jésus-Christ.
+Sérénissime seigneur! j'ai long-temps différé
+de remercier votre Grâce des habits qu'elle
+a bien voulu m'envoyer; je le fais par la présente
+de tout mon c&oelig;ur. Cependant je prie humblement
+votre Grâce de ne pas en croire ceux qui
+me présentent comme dans le dénûment. Je ne
+suis déjà que trop riche selon ma conscience; il
+ne me convient pas, à moi, prédicateur, d'être
+dans l'abondance, je ne le souhaite ni ne le demande.&mdash;Les
+faveurs répétées de votre Grâce
+commencent vraiment à m'effrayer. Je n'aimerais
+pas à être de ceux à qui Jésus-Christ dit:
+Malheur à vous, riches, parce que vous avez
+déjà reçu votre consolation! Je ne voudrais pas
+non plus être à charge à votre Grâce, dont la
+bourse doit s'ouvrir sans cesse pour tant d'objets
+importans. C'était donc déjà trop de l'étoffe brune
+qu'elle m'a envoyée; mais, pour ne pas être ingrat,
+je veux aussi porter en son honneur l'habit
+noir, quoique trop précieux pour moi; si ce
+n'était un présent de votre Grâce électorale, je
+n'aurais jamais voulu porter un pareil habit.</p>
+
+<p>»Je supplie en conséquence votre Grâce de
+vouloir bien dorénavant attendre que je prenne
+la liberté de demander quelque chose. Autrement
+cette prévenance de sa part m'ôterait le courage
+d'intercéder auprès d'elle pour d'autres qui sont
+<span class="pagenum" id="Page_350">350</span>
+bien plus dignes de sa faveur. Jésus-Christ
+récompensera votre âme généreuse: c'est la
+prière que je fais de tout mon c&oelig;ur. Amen.»
+(17 août 1529.)</p>
+
+<p class="sep2">Jean-le-Constant avait fait présent à Luther de
+l'ancien couvent des Augustins à Wittemberg.&mdash;L'électeur
+Auguste le racheta de ses héritiers,
+en 1564, pour le donner à l'université. (Ukert,
+t. I, p. 347.)</p>
+
+<p class="sep2"><i>Lieux habités par Luther et objets qu'on a conservés
+de lui.</i>&mdash;La maison dans laquelle Luther
+naquit n'existe plus; elle fut brûlée en 1689.&mdash;A
+la Wartbourg, on montre encore sur le mur une
+tache d'encre que Luther aurait faite en jetant
+son écritoire à la tête du diable.&mdash;On a conservé
+aussi la cellule qu'il occupait au couvent
+de Wittemberg, avec différens meubles qui lui
+appartenaient. Les murs de cette cellule sont
+couverts de noms de visiteurs. On remarque celui
+de Pierre-le-Grand écrit sur la porte.&mdash;A
+Cobourg, l'on voit la chambre qu'il habitait pendant
+la diète d'Augsbourg (1530).</p>
+
+<p class="sep2">Luther portait au doigt une bague d'or, émaillée,
+sur laquelle on voyait une petite tête de
+mort avec ces mots: <i lang="la" xml:lang="la">Mori sæpe cogita</i>; autour
+<span class="pagenum" id="Page_351">351</span>
+du chaton était écrit: <i lang="la" xml:lang="la">O mors, ero mors tua</i>. Cette
+bague est conservée à Dresde, ainsi qu'une médaille
+en argent dorée, que la femme de Luther
+portait au cou. Dans cette médaille, un serpent
+se dresse sur les corps des Israélites, avec ces
+mots: <i lang="la" xml:lang="la">Serpens exaltatus typus Christi crucifixi</i>.
+Le revers présente Jésus-Christ sur la croix avec
+cette légende: <i lang="la" xml:lang="la">Christus mortuus est pro peccatis
+nostris</i>. D'un côté on lit encore: <i lang="la" xml:lang="la">D. Mart. Luter
+Caterinæ suæ dono. D. H. F.</i>; et de l'autre: <i lang="la" xml:lang="la">Quæ
+nata est anno 1499, 29 januarii</i>.</p>
+
+<p class="sep2">Il avait lui-même un cachet dont il a donné
+la description dans une lettre à Lazare Spengler:
+«Grâce et paix en Jésus-Christ.&mdash;Cher
+seigneur et ami! vous me dites que je vous ferais
+plaisir en vous expliquant le sens de ce
+qu'on voit sur mon sceau. Je vais donc vous indiquer
+ce que j'ai voulu y faire graver, comme
+symbole de ma théologie. D'abord, il y a une
+croix noire avec un c&oelig;ur au milieu. Cette croix
+doit me rappeler que la foi au Crucifié nous sauve:
+qui croit en lui de toute son âme est justifié.
+Cette croix est noire pour indiquer la mortification,
+la douleur par laquelle le chrétien doit
+passer. Le c&oelig;ur néanmoins conserve sa couleur
+naturelle; car la croix n'altère pas la nature, elle
+ne tue pas, elle vivifie. <i lang="la" xml:lang="la">Justus fide vivit, sed fide
+<span class="pagenum" id="Page_352">352</span>
+crucifixi.</i> Le c&oelig;ur est placé au milieu d'une rose
+blanche, qui indique que la foi donne la consolation,
+la joie et la paix; la rose est blanche et
+non rouge, parce que ce n'est point la joie et la
+paix du monde, mais celle des esprits: le blanc
+est la couleur des esprits, et de tous les anges.
+La rose est dans un champ d'azur, pour montrer
+que cette joie dans l'esprit et dans la foi est un
+commencement de la joie céleste qui nous attend;
+celle-ci y est déjà comprise, elle existe déjà en
+espoir, mais le moment de la consommation n'est
+pas encore venu. Dans ce champ vous voyez aussi
+un cercle d'or. Il indique que la félicité dans le
+ciel durera éternellement, et qu'elle est supérieure
+à toute autre joie, à tout autre bien,
+comme l'or est le plus précieux des métaux.&mdash;Que
+Jésus-Christ, notre seigneur, soit avec vous
+jusque dans la vie éternelle. Amen. De mon désert
+de Cobourg, 8 juillet 1530.»</p>
+
+<p class="sep2">A Altenbourg, l'on a conservé long-temps un
+verre de table dans lequel Luther avait bu la
+dernière fois qu'il visita son ami Spalatin. (Ukert,
+t. I, page 245 et suiv.)</p>
+</div>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p id="notes" class="sep3 cent t2">NOTES</p>
+
+<div class="footnotes">
+<p><span class="label"><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1">[1]</a>&nbsp;</span>L'un des interrogés dit que le roi en avait cinq. D'après
+une autre relation, le nombre en serait monté à la fin jusqu'à
+dix-sept.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_2" id="Footnote_2" href="#FNanchor_2">[2]</a>&nbsp;</span>Ceci se rapporte à l'interprétation du mot: né, <i lang="de" xml:lang="de">geboren</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3">[3]</a>&nbsp;</span>C'est aussi ce que dit Montaigne dans ses <i>Essais</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_4" id="Footnote_4" href="#FNanchor_4">[4]</a>&nbsp;</span>Sans doute Copernic qui termina vers 1530 son livre <i lang="la" xml:lang="la">De
+orbium c&oelig;lestium revolutionibus</i>, imprimé, en 1543, à Nuremberg,
+avec une dédicace au pape Paul III. Dès 1540, une
+lettre de son disciple Rheticus fit connaître le nouveau système.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_5" id="Footnote_5" href="#FNanchor_5">[5]</a>&nbsp;</span>Voyez la belle ballade anglaise sur le martyre de <i>Barleycorn</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_6" id="Footnote_6" href="#FNanchor_6">[6]</a>&nbsp;</span>Il semble qu'on retrouve ces tristes pensées dans le beau portrait
+de Luther mort, qui se trouve dans la collection du libraire
+Zimmer à Heidelberg; ce portrait exprime aussi la continuation
+d'un long effort.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_7" id="Footnote_7" href="#FNanchor_7">[7]</a>&nbsp;</span>Nom d'un village près duquel Luther possédait une petite
+terre.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_8" id="Footnote_8" href="#FNanchor_8">[8]</a>&nbsp;</span>Luther appelle <i>Louis</i> ce landgrave, qui s'appelait effectivement
+<i>Albert-le-Dénaturé</i>, et vivait en 1288. Sa femme,
+Marguerite était fille de l'empereur Frédéric II; son fils est
+Frédéric I, dit le <i>Mordu</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_9" id="Footnote_9" href="#FNanchor_9">[9]</a>&nbsp;</span>Voyez le <i>Voyage de Montaigne</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_10" id="Footnote_10" href="#FNanchor_10">[10]</a>&nbsp;</span>Il est inutile de relever les erreurs grossières dont fourmille
+ce chapitre.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_11" id="Footnote_11" href="#FNanchor_11">[11]</a>&nbsp;</span>Mélanchton fait remarquer que saint Augustin n'exprime
+pas cette opinion dans ses écrits de controverse.</p>
+</div>
+
+<hr class="duo" />
+
+<h2 id="Page_353">RENVOIS<br />
+DU TOME <ins id="cor_13" title="Il faut sans doute lire «DEUXIÈME»">TROISIÈME</ins>.</h2>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<table class="endnotes" summary="Renvois">
+<tr>
+ <td class="tdr">Renvoi</td>
+ <td class="tdr">Page</td>
+ <td class="tdr">Ligne</td>
+ <td class="tdl">&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r1" id="Footnote_r1" href="#FNanchor_r1">[r1]</a></span></td>
+ <td class="tdr">3,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Otto Pack.</i>&mdash;<ins id="cor_02" title="original: Cochl&oelig;us">Cochlæus</ins>, 171.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r2" id="Footnote_r2" href="#FNanchor_r2">[r2]</a></span></td>
+ <td class="tdr">4,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Cette ligue.</i>&mdash;Ukert, 216.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r3" id="Footnote_r3" href="#FNanchor_r3">[r3]</a></span></td>
+ <td class="tdr">5,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Tu crains que.</i>&mdash;Luther Werke, t. IX, 231.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r4" id="Footnote_r4" href="#FNanchor_r4">[r4]</a></span></td>
+ <td class="tdr">6,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>Mémoire de Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. IX, 297.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r5" id="Footnote_r5" href="#FNanchor_r5">[r5]</a></span></td>
+ <td class="tdr">20,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'Espagnol disait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. IX, 414.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r6" id="Footnote_r6" href="#FNanchor_r6">[r6]</a></span></td>
+ <td class="tdr">23,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Luther écrit.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. IX, 459.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r7" id="Footnote_r7" href="#FNanchor_r7">[r7]</a></span></td>
+ <td class="tdr">29,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Comment l'Évangile.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 391, 199.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r8" id="Footnote_r8" href="#FNanchor_r8">[r8]</a></span></td>
+ <td class="tdr">35,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Nouvelle sur les Anabaptistes.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 328.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_354">354</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r9" id="Footnote_r9" href="#FNanchor_r9">[r9]</a></span></td>
+ <td class="tdr">40,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les anabaptistes soumis.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 365.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r10" id="Footnote_r10" href="#FNanchor_r10">[r10]</a></span></td>
+ <td class="tdr">42,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Entretien.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 376.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r11" id="Footnote_r11" href="#FNanchor_r11">[r11]</a></span></td>
+ <td class="tdr">49,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le 19 janvier.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 400.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r12" id="Footnote_r12" href="#FNanchor_r12">[r12]</a></span></td>
+ <td class="tdr">51,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Préface de Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 332.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r13" id="Footnote_r13" href="#FNanchor_r13">[r13]</a></span></td>
+ <td class="tdr">60,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les instructions.</i>&mdash;Bossuet en a donné le texte dans son histoire des <i>Variations de l'Église protestante</i>.&mdash;t. I, 328, 199.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r14" id="Footnote_r14" href="#FNanchor_r14">[r14]</a></span></td>
+ <td class="tdr">72,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Celui qui insulte.</i>&mdash;Tischr. 241.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r15" id="Footnote_r15" href="#FNanchor_r15">[r15]</a></span></td>
+ <td class="tdr">72,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le droit saxon.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 315 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r16" id="Footnote_r16" href="#FNanchor_r16">[r16]</a></span></td>
+ <td class="tdr">72,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'y a point de doute.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 116.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r17" id="Footnote_r17" href="#FNanchor_r17">[r17]</a></span></td>
+ <td class="tdr">72,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>On disait à Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 312 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r18" id="Footnote_r18" href="#FNanchor_r18">[r18]</a></span></td>
+ <td class="tdr">73,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lettre à un ami.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 313 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r19" id="Footnote_r19" href="#FNanchor_r19">[r19]</a></span></td>
+ <td class="tdr">73,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'est guère plus possible.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 315 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r20" id="Footnote_r20" href="#FNanchor_r20">[r20]</a></span></td>
+ <td class="tdr">74,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>La plus grande grâce.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 313.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r21" id="Footnote_r21" href="#FNanchor_r21">[r21]</a></span></td>
+ <td class="tdr">74,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Au jour de la.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 316 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r22" id="Footnote_r22" href="#FNanchor_r22">[r22]</a></span></td>
+ <td class="tdr">75,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur M.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 320.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r23" id="Footnote_r23" href="#FNanchor_r23">[r23]</a></span></td>
+ <td class="tdr">75,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1541.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 264 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r24" id="Footnote_r24" href="#FNanchor_r24">[r24]</a></span></td>
+ <td class="tdr">76,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>La première année.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 313 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r25" id="Footnote_r25" href="#FNanchor_r25">[r25]</a></span></td>
+ <td class="tdr">76,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lucas Cranach.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 314.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r26" id="Footnote_r26" href="#FNanchor_r26">[r26]</a></span></td>
+ <td class="tdr">77,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>On trouve l'image.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 312 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r27" id="Footnote_r27" href="#FNanchor_r27">[r27]</a></span></td>
+ <td class="tdr">78,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les petits enfans.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 42 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r28" id="Footnote_r28" href="#FNanchor_r28">[r28]</a></span></td>
+ <td class="tdr">78,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>On amena.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 124.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r29" id="Footnote_r29" href="#FNanchor_r29">[r29]</a></span></td>
+ <td class="tdr">78,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Servez.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 10 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r30" id="Footnote_r30" href="#FNanchor_r30">[r30]</a></span></td>
+ <td class="tdr">79,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Au premier jour.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 314 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_355">355</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r31" id="Footnote_r31" href="#FNanchor_r31">[r31]</a></span></td>
+ <td class="tdr">79,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Après qu'il eut.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 47.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r32" id="Footnote_r32" href="#FNanchor_r32">[r32]</a></span></td>
+ <td class="tdr">79,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il disait à son.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 49 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r33" id="Footnote_r33" href="#FNanchor_r33">[r33]</a></span></td>
+ <td class="tdr">79,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les enfans sont les plus heureux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 134.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r34" id="Footnote_r34" href="#FNanchor_r34">[r34]</a></span></td>
+ <td class="tdr">80,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>Une autre fois.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 134 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r35" id="Footnote_r35" href="#FNanchor_r35">[r35]</a></span></td>
+ <td class="tdr">80,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Comme maître.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 45 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r36" id="Footnote_r36" href="#FNanchor_r36">[r36]</a></span></td>
+ <td class="tdr">81,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quels ont dû être.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 47.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r37" id="Footnote_r37" href="#FNanchor_r37">[r37]</a></span></td>
+ <td class="tdr">81,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il est touchant.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 42-43 <i>passim</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r38" id="Footnote_r38" href="#FNanchor_r38">[r38]</a></span></td>
+ <td class="tdr">81,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le 9 avril 1539.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 363.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r39" id="Footnote_r39" href="#FNanchor_r39">[r39]</a></span></td>
+ <td class="tdr">82,</td>
+ <td class="tdr">16.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le 18 avril.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 423.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r40" id="Footnote_r40" href="#FNanchor_r40">[r40]</a></span></td>
+ <td class="tdr">83,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Supportons.</i>&mdash;Lettre V, 726.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r41" id="Footnote_r41" href="#FNanchor_r41">[r41]</a></span></td>
+ <td class="tdr">83,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un soir.</i>&mdash;Tischr. 43 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r42" id="Footnote_r42" href="#FNanchor_r42">[r42]</a></span></td>
+ <td class="tdr">84,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Vers le soir.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 24 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r43" id="Footnote_r43" href="#FNanchor_r43">[r43]</a></span></td>
+ <td class="tdr">85,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le petit enfant.</i>&mdash;Tischred. 32, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r44" id="Footnote_r44" href="#FNanchor_r44">[r44]</a></span></td>
+ <td class="tdr">86,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans les choses divines.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 69.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r45" id="Footnote_r45" href="#FNanchor_r45">[r45]</a></span></td>
+ <td class="tdr">87,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le décalogue.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 112, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r46" id="Footnote_r46" href="#FNanchor_r46">[r46]</a></span></td>
+ <td class="tdr">87,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>On demandait au docteur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 362.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r47" id="Footnote_r47" href="#FNanchor_r47">[r47]</a></span></td>
+ <td class="tdr">88,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Cicéron.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 425.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r48" id="Footnote_r48" href="#FNanchor_r48">[r48]</a></span></td>
+ <td class="tdr">88,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>On demandait à Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 106.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r49" id="Footnote_r49" href="#FNanchor_r49">[r49]</a></span></td>
+ <td class="tdr">88,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur soupirait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 11, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r50" id="Footnote_r50" href="#FNanchor_r50">[r50]</a></span></td>
+ <td class="tdr">89,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Autrefois.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 311.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r51" id="Footnote_r51" href="#FNanchor_r51">[r51]</a></span></td>
+ <td class="tdr">89,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Que sont les saints.</i>&mdash;<ins id="cor_03" title="original: Cochl&oelig;us">Cochlæus</ins>, Vie de Luther, 226.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r52" id="Footnote_r52" href="#FNanchor_r52">[r52]</a></span></td>
+ <td class="tdr">90,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>Nos adversaires.</i>&mdash;Tischred. 447.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r53" id="Footnote_r53" href="#FNanchor_r53">[r53]</a></span></td>
+ <td class="tdr">90,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pourquoi enseigne-t-on?</i>&mdash;Luth. Werke, t. II, 16.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r54" id="Footnote_r54" href="#FNanchor_r54">[r54]</a></span></td>
+ <td class="tdr">92,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Pater noster.</i>&mdash;Tischreden, 153.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_356">356</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r55" id="Footnote_r55" href="#FNanchor_r55">[r55]</a></span></td>
+ <td class="tdr">93,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'évangile de saint Jean.</i>&mdash;Ukert, 18.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r56" id="Footnote_r56" href="#FNanchor_r56">[r56]</a></span></td>
+ <td class="tdr">95,</td>
+ <td class="tdr">28.</td>
+ <td class="tdl"><i>Ambroise.</i>&mdash;Tischreden, 383.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r57" id="Footnote_r57" href="#FNanchor_r57">[r57]</a></span></td>
+ <td class="tdr">96,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>Saint Augustin.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 98.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r58" id="Footnote_r58" href="#FNanchor_r58">[r58]</a></span></td>
+ <td class="tdr">97,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les nominaux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 384.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r59" id="Footnote_r59" href="#FNanchor_r59">[r59]</a></span></td>
+ <td class="tdr">98,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le D. Staupitz.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 385.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r60" id="Footnote_r60" href="#FNanchor_r60">[r60]</a></span></td>
+ <td class="tdr">99,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Jean Huss.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 386.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r61" id="Footnote_r61" href="#FNanchor_r61">[r61]</a></span></td>
+ <td class="tdr">99,</td>
+ <td class="tdr">26.</td>
+ <td class="tdl"><i>Jean Huss était.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 127.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r62" id="Footnote_r62" href="#FNanchor_r62">[r62]</a></span></td>
+ <td class="tdr">100,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>La tête de l'antichrist.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 241.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r63" id="Footnote_r63" href="#FNanchor_r63">[r63]</a></span></td>
+ <td class="tdr">100,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>C'est ma pauvre condition.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 249.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r64" id="Footnote_r64" href="#FNanchor_r64">[r64]</a></span></td>
+ <td class="tdr">100,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les papistes.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 255.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r65" id="Footnote_r65" href="#FNanchor_r65">[r65]</a></span></td>
+ <td class="tdr">100,</td>
+ <td class="tdr">28.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le pape le dit.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 259.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r66" id="Footnote_r66" href="#FNanchor_r66">[r66]</a></span></td>
+ <td class="tdr">101,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>D'autres ont attaqué les m&oelig;urs.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 192.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r67" id="Footnote_r67" href="#FNanchor_r67">[r67]</a></span></td>
+ <td class="tdr">101,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>Des conciles.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 371-76.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r68" id="Footnote_r68" href="#FNanchor_r68">[r68]</a></span></td>
+ <td class="tdr">102,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Des biens ecclésiastiques.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 380.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r69" id="Footnote_r69" href="#FNanchor_r69">[r69]</a></span></td>
+ <td class="tdr">103,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le proverbe a raison.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 60.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r70" id="Footnote_r70" href="#FNanchor_r70">[r70]</a></span></td>
+ <td class="tdr">104,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>En Italie.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 275.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r71" id="Footnote_r71" href="#FNanchor_r71">[r71]</a></span></td>
+ <td class="tdr">104,</td>
+ <td class="tdr">26.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans les disputes.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 271.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r72" id="Footnote_r72" href="#FNanchor_r72">[r72]</a></span></td>
+ <td class="tdr">105,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>La moinerie.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 272.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r73" id="Footnote_r73" href="#FNanchor_r73">[r73]</a></span></td>
+ <td class="tdr">123,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Oh! combien je tremblais.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 181.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r74" id="Footnote_r74" href="#FNanchor_r74">[r74]</a></span></td>
+ <td class="tdr">124,</td>
+ <td class="tdr">9.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je n'aime pas que Philippe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 197.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r75" id="Footnote_r75" href="#FNanchor_r75">[r75]</a></span></td>
+ <td class="tdr">124,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Jonas lui disait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 113.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r76" id="Footnote_r76" href="#FNanchor_r76">[r76]</a></span></td>
+ <td class="tdr">124,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je veux que l'on enseigne.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 116.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_357">357</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r77" id="Footnote_r77" href="#FNanchor_r77">[r77]</a></span></td>
+ <td class="tdr">125,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Erasmus Alberus.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 184.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r78" id="Footnote_r78" href="#FNanchor_r78">[r78]</a></span></td>
+ <td class="tdr">125,</td>
+ <td class="tdr">16.</td>
+ <td class="tdl"><i>Albert Dürer.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 425.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r79" id="Footnote_r79" href="#FNanchor_r79">[r79]</a></span></td>
+ <td class="tdr">125,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Oh! que j'eusse été heureux.</i>&mdash;Luth. Werke, t. IX, 245.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r80" id="Footnote_r80" href="#FNanchor_r80">[r80]</a></span></td>
+ <td class="tdr">125,</td>
+ <td class="tdr">27.</td>
+ <td class="tdl"><i>Rien n'est plus agréable.</i>&mdash;Tischreden, 182.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r81" id="Footnote_r81" href="#FNanchor_r81">[r81]</a></span></td>
+ <td class="tdr">126,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Parmi les qualités.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 183.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r82" id="Footnote_r82" href="#FNanchor_r82">[r82]</a></span></td>
+ <td class="tdr">126,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans le traité.</i>&mdash;Seckendorf, livre I, 202.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r83" id="Footnote_r83" href="#FNanchor_r83">[r83]</a></span></td>
+ <td class="tdr">128,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Luther disait.</i>&mdash;Tischreden, 105.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r84" id="Footnote_r84" href="#FNanchor_r84">[r84]</a></span></td>
+ <td class="tdr">128,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si je meurs.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 356.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r85" id="Footnote_r85" href="#FNanchor_r85">[r85]</a></span></td>
+ <td class="tdr">128,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans la colère.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 145.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r86" id="Footnote_r86" href="#FNanchor_r86">[r86]</a></span></td>
+ <td class="tdr">131,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'est pas d'alliance.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 331.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r87" id="Footnote_r87" href="#FNanchor_r87">[r87]</a></span></td>
+ <td class="tdr">132,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>La nouvelle étant venue.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 274.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r88" id="Footnote_r88" href="#FNanchor_r88">[r88]</a></span></td>
+ <td class="tdr">134,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>La nuit qui précéda la mort.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 360.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r89" id="Footnote_r89" href="#FNanchor_r89">[r89]</a></span></td>
+ <td class="tdr">138,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il vaut mieux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 347.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r90" id="Footnote_r90" href="#FNanchor_r90">[r90]</a></span></td>
+ <td class="tdr">139,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le droit est une belle fiancée.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 273.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r91" id="Footnote_r91" href="#FNanchor_r91">[r91]</a></span></td>
+ <td class="tdr">139,</td>
+ <td class="tdr">28.</td>
+ <td class="tdl"><i>Avant moi, il n'y a eu.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 402.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r92" id="Footnote_r92" href="#FNanchor_r92">[r92]</a></span></td>
+ <td class="tdr">142,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Voilà comme agissent.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 403.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r93" id="Footnote_r93" href="#FNanchor_r93">[r93]</a></span></td>
+ <td class="tdr">143,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>Bon peuple, veuillez agréer.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 407.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r94" id="Footnote_r94" href="#FNanchor_r94">[r94]</a></span></td>
+ <td class="tdr">145,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je suis maintenant.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 102.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r95" id="Footnote_r95" href="#FNanchor_r95">[r95]</a></span></td>
+ <td class="tdr">146,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>La loi sans doute.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 128.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_358">358</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r96" id="Footnote_r96" href="#FNanchor_r96">[r96]</a></span></td>
+ <td class="tdr">146,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pour me délivrer entièrement.</i>&mdash;Tischreden, 133.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r97" id="Footnote_r97" href="#FNanchor_r97">[r97]</a></span></td>
+ <td class="tdr">147,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'est qu'un seul point.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 140.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r98" id="Footnote_r98" href="#FNanchor_r98">[r98]</a></span></td>
+ <td class="tdr">147,</td>
+ <td class="tdr">&nbsp;</td>
+ <td class="tdl"><i>Luther en parlant.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 147.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r99" id="Footnote_r99" href="#FNanchor_r99">[r99]</a></span></td>
+ <td class="tdr">147,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable veut seulement.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 142.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r100" id="Footnote_r100" href="#FNanchor_r100">[r100]</a></span></td>
+ <td class="tdr">147,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un docteur anglais.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 144.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r101" id="Footnote_r101" href="#FNanchor_r101">[r101]</a></span></td>
+ <td class="tdr">148,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pour résister.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 124.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r102" id="Footnote_r102" href="#FNanchor_r102">[r102]</a></span></td>
+ <td class="tdr">149,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dieu dit à Moïse.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 125.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r103" id="Footnote_r103" href="#FNanchor_r103">[r103]</a></span></td>
+ <td class="tdr">153,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Martin Luther disait au sujet.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 292.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r104" id="Footnote_r104" href="#FNanchor_r104">[r104]</a></span></td>
+ <td class="tdr">153,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quand je commençai à écrire.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 193.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r105" id="Footnote_r105" href="#FNanchor_r105">[r105]</a></span></td>
+ <td class="tdr">153,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1521, il vint chez moi.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 282.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r106" id="Footnote_r106" href="#FNanchor_r106">[r106]</a></span></td>
+ <td class="tdr">155,</td>
+ <td class="tdr">27.</td>
+ <td class="tdl"><i>Maître Stiefel.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 367.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r107" id="Footnote_r107" href="#FNanchor_r107">[r107]</a></span></td>
+ <td class="tdr">156,</td>
+ <td class="tdr">26.</td>
+ <td class="tdl"><i>Bileas.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 192.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r108" id="Footnote_r108" href="#FNanchor_r108">[r108]</a></span></td>
+ <td class="tdr">157,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Jeckel.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 287.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r109" id="Footnote_r109" href="#FNanchor_r109">[r109]</a></span></td>
+ <td class="tdr">158,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Luther faisant reproche.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 290.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r110" id="Footnote_r110" href="#FNanchor_r110">[r110]</a></span></td>
+ <td class="tdr">158,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Des antinomiens.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 287.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r111" id="Footnote_r111" href="#FNanchor_r111">[r111]</a></span></td>
+ <td class="tdr">159,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Qui aurait pensé.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 288.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r112" id="Footnote_r112" href="#FNanchor_r112">[r112]</a></span></td>
+ <td class="tdr">160,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>J'ai eu tant de confiance.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 291.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r113" id="Footnote_r113" href="#FNanchor_r113">[r113]</a></span></td>
+ <td class="tdr">161,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1540, Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 129.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r114" id="Footnote_r114" href="#FNanchor_r114">[r114]</a></span></td>
+ <td class="tdr">161,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Maître Jobst.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 124.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r115" id="Footnote_r115" href="#FNanchor_r115">[r115]</a></span></td>
+ <td class="tdr">162,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si au commencement.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 125.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r116" id="Footnote_r116" href="#FNanchor_r116">[r116]</a></span></td>
+ <td class="tdr">163,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Maître Philippe dit.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 445.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r117" id="Footnote_r117" href="#FNanchor_r117">[r117]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Philippe me demandait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 29.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r118" id="Footnote_r118" href="#FNanchor_r118">[r118]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si Philippe n'eût pas été.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 195.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_359">359</span><span class="label"><a name="Footnote_r119" id="Footnote_r119" href="#FNanchor_r119">[r119]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Paradis de Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 305.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r120" id="Footnote_r120" href="#FNanchor_r120">[r120]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les paysans ne sont pas dignes.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 52.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r121" id="Footnote_r121" href="#FNanchor_r121">[r121]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">28.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Jonas.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 137.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r122" id="Footnote_r122" href="#FNanchor_r122">[r122]</a></span></td>
+ <td class="tdr">165,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un méchant et horrible.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 70.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r123" id="Footnote_r123" href="#FNanchor_r123">[r123]</a></span></td>
+ <td class="tdr">165,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>La femme du docteur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 150.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r124" id="Footnote_r124" href="#FNanchor_r124">[r124]</a></span></td>
+ <td class="tdr">166,</td>
+ <td class="tdr">2.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur exhortait sa femme.</i>&mdash;<i>Ibid.</i></td>
+
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r125" id="Footnote_r125" href="#FNanchor_r125">[r125]</a></span></td>
+ <td class="tdr">166,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le pater noster.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 135.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r126" id="Footnote_r126" href="#FNanchor_r126">[r126]</a></span></td>
+ <td class="tdr">166,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>J'aime ma Catherine.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 140.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r127" id="Footnote_r127" href="#FNanchor_r127">[r127]</a></span></td>
+ <td class="tdr">169,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Une jeune fille.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 92, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r128" id="Footnote_r128" href="#FNanchor_r128">[r128]</a></span></td>
+ <td class="tdr">169,</td>
+ <td class="tdr">9.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un pasteur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 208.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r129" id="Footnote_r129" href="#FNanchor_r129">[r129]</a></span></td>
+ <td class="tdr">172,</td>
+ <td class="tdr">5.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il y a des lieux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 212.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r130" id="Footnote_r130" href="#FNanchor_r130">[r130]</a></span></td>
+ <td class="tdr">172,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un jour de grand orage.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 219.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r131" id="Footnote_r131" href="#FNanchor_r131">[r131]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Suivent deux histoires.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 214.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r132" id="Footnote_r132" href="#FNanchor_r132">[r132]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable promène.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 213.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r133" id="Footnote_r133" href="#FNanchor_r133">[r133]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Aux Pays-Bas et en Saxe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 221.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r134" id="Footnote_r134" href="#FNanchor_r134">[r134]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les moines conduisaient.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 222.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r135" id="Footnote_r135" href="#FNanchor_r135">[r135]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>On racontait à table.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 205.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r136" id="Footnote_r136" href="#FNanchor_r136">[r136]</a></span></td>
+ <td class="tdr">174,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un vieux curé.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 205.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r137" id="Footnote_r137" href="#FNanchor_r137">[r137]</a></span></td>
+ <td class="tdr">175,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Une autre fois, Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 205.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r138" id="Footnote_r138" href="#FNanchor_r138">[r138]</a></span></td>
+ <td class="tdr">176,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il y avait à Erfurth.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 215.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r139" id="Footnote_r139" href="#FNanchor_r139">[r139]</a></span></td>
+ <td class="tdr">177,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Luc Gauric.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 216.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r140" id="Footnote_r140" href="#FNanchor_r140">[r140]</a></span></td>
+ <td class="tdr">177,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable peut se changer.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 216.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r141" id="Footnote_r141" href="#FNanchor_r141">[r141]</a></span></td>
+ <td class="tdr">182,</td>
+ <td class="tdr">9.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Luther devenu plus âgé.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 222.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r142" id="Footnote_r142" href="#FNanchor_r142">[r142]</a></span></td>
+ <td class="tdr">182,</td>
+ <td class="tdr">16.</td>
+ <td class="tdl"><i>Cela m'est arrivé.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 220.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_360">360</span><span class="label"><a name="Footnote_r143" id="Footnote_r143" href="#FNanchor_r143">[r143]</a></span></td>
+ <td class="tdr">182,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je sais, grâce à Dieu.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 224.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r144" id="Footnote_r144" href="#FNanchor_r144">[r144]</a></span></td>
+ <td class="tdr">183,</td>
+ <td class="tdr">9.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Diable n'est pas.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 202.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r145" id="Footnote_r145" href="#FNanchor_r145">[r145]</a></span></td>
+ <td class="tdr">183,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Au mois de janvier 1532.</i>&mdash;Ukert, t. I, 320.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r146" id="Footnote_r146" href="#FNanchor_r146">[r146]</a></span></td>
+ <td class="tdr">184,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Ma maladie qui consiste.</i>&mdash;Tischreden, 210.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r147" id="Footnote_r147" href="#FNanchor_r147">[r147]</a></span></td>
+ <td class="tdr">184,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1536, il maria.</i>&mdash;Ukert, t. I, 322.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r148" id="Footnote_r148" href="#FNanchor_r148">[r148]</a></span></td>
+ <td class="tdr">184,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pendant que le docteur Luther.</i>&mdash;Tischreden, 229.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r149" id="Footnote_r149" href="#FNanchor_r149">[r149]</a></span></td>
+ <td class="tdr">185,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quand le diable me trouve.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 8.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r150" id="Footnote_r150" href="#FNanchor_r150">[r150]</a></span></td>
+ <td class="tdr">186,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>La nuit, quand je me réveille.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 218.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r151" id="Footnote_r151" href="#FNanchor_r151">[r151]</a></span></td>
+ <td class="tdr">186,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Aujourd'hui comme je.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 220.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r152" id="Footnote_r152" href="#FNanchor_r152">[r152]</a></span></td>
+ <td class="tdr">186,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un jour que l'on parlait à souper.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 12.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r153" id="Footnote_r153" href="#FNanchor_r153">[r153]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable me fait regarder.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 220.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r154" id="Footnote_r154" href="#FNanchor_r154">[r154]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable nous a juré.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 362.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r155" id="Footnote_r155" href="#FNanchor_r155">[r155]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>La tentation de la chair.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 318.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r156" id="Footnote_r156" href="#FNanchor_r156">[r156]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si je tombe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 226.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r157" id="Footnote_r157" href="#FNanchor_r157">[r157]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le grain d'orge a bien à souffrir.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 216.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r158" id="Footnote_r158" href="#FNanchor_r158">[r158]</a></span></td>
+ <td class="tdr">188,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quand le diable vient.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 227.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r159" id="Footnote_r159" href="#FNanchor_r159">[r159]</a></span></td>
+ <td class="tdr">189,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>On peut consoler.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 231.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r160" id="Footnote_r160" href="#FNanchor_r160">[r160]</a></span></td>
+ <td class="tdr">189,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>La meilleure médecine.</i>&mdash;<ins id="cor_14" title="manque dans l'original"><i>Ibid.</i></ins> 238.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r161" id="Footnote_r161" href="#FNanchor_r161">[r161]</a></span></td>
+ <td class="tdr">189,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Préface du docteur.</i>&mdash;Luth. Werke, t. II, 1.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_361">361</span><span class="label"><a name="Footnote_r162" id="Footnote_r162" href="#FNanchor_r162">[r162]</a></span></td>
+ <td class="tdr">200,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le mal de dents.</i>&mdash;Tischreden, 356.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r163" id="Footnote_r163" href="#FNanchor_r163">[r163]</a></span></td>
+ <td class="tdr">200,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un homme se plaignait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 357.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r164" id="Footnote_r164" href="#FNanchor_r164">[r164]</a></span></td>
+ <td class="tdr">201,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Après avoir prêché.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 362.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r165" id="Footnote_r165" href="#FNanchor_r165">[r165]</a></span></td>
+ <td class="tdr">203,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si j'avais su.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 6.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r166" id="Footnote_r166" href="#FNanchor_r166">[r166]</a></span></td>
+ <td class="tdr">203,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>On disait une fois.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 5.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r167" id="Footnote_r167" href="#FNanchor_r167">[r167]</a></span></td>
+ <td class="tdr">203,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>On disait un jour.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 5, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r168" id="Footnote_r168" href="#FNanchor_r168">[r168]</a></span></td>
+ <td class="tdr">204,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>C'est vous qui.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 195, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r169" id="Footnote_r169" href="#FNanchor_r169">[r169]</a></span></td>
+ <td class="tdr">204,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il sortit un jour.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 189, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r170" id="Footnote_r170" href="#FNanchor_r170">[r170]</a></span></td>
+ <td class="tdr">204,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le 16 février.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 414.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r171" id="Footnote_r171" href="#FNanchor_r171">[r171]</a></span></td>
+ <td class="tdr">204,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le chancelier du comte.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 19.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r172" id="Footnote_r172" href="#FNanchor_r172">[r172]</a></span></td>
+ <td class="tdr">205,</td>
+ <td class="tdr">16.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dieu a un beau jeu.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 32, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r173" id="Footnote_r173" href="#FNanchor_r173">[r173]</a></span></td>
+ <td class="tdr">205,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le monde.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 448, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r174" id="Footnote_r174" href="#FNanchor_r174">[r174]</a></span></td>
+ <td class="tdr">205,</td>
+ <td class="tdr">26.</td>
+ <td class="tdl"><i>Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 449.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r175" id="Footnote_r175" href="#FNanchor_r175">[r175]</a></span></td>
+ <td class="tdr">206,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un des convives.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 295.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r176" id="Footnote_r176" href="#FNanchor_r176">[r176]</a></span></td>
+ <td class="tdr">206,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><ins title="Il faut sans doute lire «Il fera si mauvais»"><i>Il sera si mauvais sujet</i></ins>.&mdash;<ins id="cor_15" title="manque dans l'original"><i>Ibid.</i></ins> 15.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r177" id="Footnote_r177" href="#FNanchor_r177">[r177]</a></span></td>
+ <td class="tdr">207,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>On parlait à table.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 304. verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r178" id="Footnote_r178" href="#FNanchor_r178">[r178]</a></span></td>
+ <td class="tdr">207,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pauvres gens.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 46.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r179" id="Footnote_r179" href="#FNanchor_r179">[r179]</a></span></td>
+ <td class="tdr">210,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je l'ai dit d'avance.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 416.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r180" id="Footnote_r180" href="#FNanchor_r180">[r180]</a></span></td>
+ <td class="tdr">211,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>La vieille électrice.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 361-2.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r181" id="Footnote_r181" href="#FNanchor_r181">[r181]</a></span></td>
+ <td class="tdr">211,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je voudrais.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 147.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r182" id="Footnote_r182" href="#FNanchor_r182">[r182]</a></span></td>
+ <td class="tdr">211,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>16 février 1546.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 362.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r183" id="Footnote_r183" href="#FNanchor_r183">[r183]</a></span></td>
+ <td class="tdr">211,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Impromptu de Luther sur la fragilité.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 358.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r184" id="Footnote_r184" href="#FNanchor_r184">[r184]</a></span></td>
+ <td class="tdr">212,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Prédiction du Révérend.</i>&mdash;Opera latina, Iena, 1612, I<sup>er</sup>
+ vol. après la table des matières.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r185" id="Footnote_r185" href="#FNanchor_r185">[r185]</a></span></td>
+ <td class="tdr">303,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'y a jamais eu.</i>&mdash;Tischreden, 243.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_362">362</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r186" id="Footnote_r186" href="#FNanchor_r186">[r186]</a></span></td>
+ <td class="tdr">304,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Pape Jules II<sup>e</sup> du nom.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 242.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r187" id="Footnote_r187" href="#FNanchor_r187">[r187]</a></span></td>
+ <td class="tdr">304,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si j'avais été.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 243.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r188" id="Footnote_r188" href="#FNanchor_r188">[r188]</a></span></td>
+ <td class="tdr">304,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Pape Jules II, un homme.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 269.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r189" id="Footnote_r189" href="#FNanchor_r189">[r189]</a></span></td>
+ <td class="tdr">304,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'an 1532.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 341.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r190" id="Footnote_r190" href="#FNanchor_r190">[r190]</a></span></td>
+ <td class="tdr">305,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lorsque ceux de Bruges.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 448.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r191" id="Footnote_r191" href="#FNanchor_r191">[r191]</a></span></td>
+ <td class="tdr">305,</td>
+ <td class="tdr">27.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'empereur Maximilien.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 343.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r192" id="Footnote_r192" href="#FNanchor_r192">[r192]</a></span></td>
+ <td class="tdr">305,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>On dit que.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 184, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r193" id="Footnote_r193" href="#FNanchor_r193">[r193]</a></span></td>
+ <td class="tdr">306,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Après l'élection.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 53.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r194" id="Footnote_r194" href="#FNanchor_r194">[r194]</a></span></td>
+ <td class="tdr">307,</td>
+ <td class="tdr">5.</td>
+ <td class="tdl"><i>La nouvelle vint.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 349.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r195" id="Footnote_r195" href="#FNanchor_r195">[r195]</a></span></td>
+ <td class="tdr">307,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les rois de France.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 349, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r196" id="Footnote_r196" href="#FNanchor_r196">[r196]</a></span></td>
+ <td class="tdr">309,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Sept universités.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 348.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r197" id="Footnote_r197" href="#FNanchor_r197">[r197]</a></span></td>
+ <td class="tdr">309,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quelques-uns qui avaient.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 348, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r198" id="Footnote_r198" href="#FNanchor_r198">[r198]</a></span></td>
+ <td class="tdr">310,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le duc Georges.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 265.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r199" id="Footnote_r199" href="#FNanchor_r199">[r199]</a></span></td>
+ <td class="tdr">310,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lorsque le duc George déclara.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 156.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r200" id="Footnote_r200" href="#FNanchor_r200">[r200]</a></span></td>
+ <td class="tdr">310,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le duc George a sucé.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 313, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r201" id="Footnote_r201" href="#FNanchor_r201">[r201]</a></span></td>
+ <td class="tdr">310,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lorsque le duc George voyait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 142, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r202" id="Footnote_r202" href="#FNanchor_r202">[r202]</a></span></td>
+ <td class="tdr">312,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'électeur Frédéric.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 451, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r203" id="Footnote_r203" href="#FNanchor_r203">[r203]</a></span></td>
+ <td class="tdr">313,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1525.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 152.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r204" id="Footnote_r204" href="#FNanchor_r204">[r204]</a></span></td>
+ <td class="tdr">314,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>On dit que l'empereur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 353.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r205" id="Footnote_r205" href="#FNanchor_r205">[r205]</a></span></td>
+ <td class="tdr">315,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quoique le docteur Jonas.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 354.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_363">363</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r206" id="Footnote_r206" href="#FNanchor_r206">[r206]</a></span></td>
+ <td class="tdr">317,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Après la diète.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 156.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r207" id="Footnote_r207" href="#FNanchor_r207">[r207]</a></span></td>
+ <td class="tdr">319,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>En Italie les hôpitaux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 145.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r208" id="Footnote_r208" href="#FNanchor_r208">[r208]</a></span></td>
+ <td class="tdr">320,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je ne manque point.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 424.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r209" id="Footnote_r209" href="#FNanchor_r209">[r209]</a></span></td>
+ <td class="tdr">320,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>En Italie et en France.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 281, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r210" id="Footnote_r210" href="#FNanchor_r210">[r210]</a></span></td>
+ <td class="tdr">320,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>En France.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 271, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r211" id="Footnote_r211" href="#FNanchor_r211">[r211]</a></span></td>
+ <td class="tdr">320,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lorsque je vis Rome.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 442.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r212" id="Footnote_r212" href="#FNanchor_r212">[r212]</a></span></td>
+ <td class="tdr">322,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il y avait en Italie.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 269, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r213" id="Footnote_r213" href="#FNanchor_r213">[r213]</a></span></td>
+ <td class="tdr">322,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un soir à la table.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 442, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r214" id="Footnote_r214" href="#FNanchor_r214">[r214]</a></span></td>
+ <td class="tdr">322,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Christoff Gross.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 441, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r215" id="Footnote_r215" href="#FNanchor_r215">[r215]</a></span></td>
+ <td class="tdr">323,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>La peste règne toujours.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 440, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r216" id="Footnote_r216" href="#FNanchor_r216">[r216]</a></span></td>
+ <td class="tdr">324,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans mon voyage.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 166.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r217" id="Footnote_r217" href="#FNanchor_r217">[r217]</a></span></td>
+ <td class="tdr">324,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>George Siegeler.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 184.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r218" id="Footnote_r218" href="#FNanchor_r218">[r218]</a></span></td>
+ <td class="tdr">325,</td>
+ <td class="tdr">5.</td>
+ <td class="tdl"><i>La Thuringe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 62.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r219" id="Footnote_r219" href="#FNanchor_r219">[r219]</a></span></td>
+ <td class="tdr">325,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'électorat de Saxe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 269.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r220" id="Footnote_r220" href="#FNanchor_r220">[r220]</a></span></td>
+ <td class="tdr">325,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le vieil électeur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 61, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r221" id="Footnote_r221" href="#FNanchor_r221">[r221]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">&nbsp;</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Turc ira à Rome.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 432.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r222" id="Footnote_r222" href="#FNanchor_r222">[r222]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Christ a sauvé.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 432.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r223" id="Footnote_r223" href="#FNanchor_r223">[r223]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Qui m'eût dit.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 436.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r224" id="Footnote_r224" href="#FNanchor_r224">[r224]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je ne compte point.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 436, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r225" id="Footnote_r225" href="#FNanchor_r225">[r225]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">27.</td>
+ <td class="tdl"><i>Luther dit qu'après.</i> Luth. Werke,.&mdash;<i>Ibid.</i> t. II. 402.</td>
+</tr>
+</table>
+
+<p class="sep3 t4 cent">FIN DU TOME <ins id="cor_16" title="Il faut sans doute lire «DEUXIÈME»">TROISIÈME</ins>.</p>
+
+<hr class="duo" />
+
+<h2 id="toc">TABLE<br />
+DU <ins title="Il faut sans doute lire «DEUXIÈME»">TROISIÈME</ins> VOLUME.</h2>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<table class="tabmat" summary="Livre II">
+<tr>
+ <td class="tdc"><span class="smcap">Livre III.</span>&mdash;1529-1546</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_1">1</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> 1<sup>er</sup>. 1529-1532. Les Turcs.&mdash;Danger
+de l'Allemagne.&mdash;Augsbourg,
+Smalkalde.&mdash;Danger du protestantisme.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_1">1</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> II. 1534-1536. Anabaptistes de
+Münster.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_28">28</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> III. 1536-1545. Dernières années
+de la vie de Luther.&mdash;Polygamie du
+landgrave de Hesse, etc.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_56">56</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdc"><span class="smcap">Livre IV.</span>&mdash;1530-1546.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_71">71</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> 1<sup>er</sup>. Conversations de Luther.&mdash;La
+ famille, la femme, les enfans.&mdash;La nature.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_71">71</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> II. La Bible.&mdash;Les Pères.&mdash;Les
+ scolastiques.&mdash;Le pape. Les conciles.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_85">85</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> III. Des écoles et universités et des
+arts libéraux.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_100">100</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> IV. Drames.&mdash;Musique.&mdash;Astrologie.&mdash;Imprimerie.&mdash;Banque,
+etc.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_114">114</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="pagenum" id="Page_366">366</span>
+ <span class="smcap">Chap.</span> V. De la prédication.&mdash;Style de
+Luther.&mdash;Il avoue la violence de son
+caractère.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_123">123</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdc"><span class="smcap">Livre V.</span>&mdash;<span class="smcap">Chap.</span> 1<sup>er</sup>. Mort du père de Luther, de
+sa fille, etc.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_131">131</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> II. De l'équité, de la Loi.&mdash;Opposition
+du théologien et du juriste.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_138">138</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> III. La foi; la loi.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_144">144</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> IV. Des novateurs.&mdash;Mystiques, etc.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_152">152</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> V.
+ Tentations.&mdash;Regrets et doutes des amis, de la femme;
+ doutes de Luther lui-même.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_163">163</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> VI. Le diable.&mdash;Tentations.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_168">168</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> VII. Maladies.&mdash;Désir de la mort
+et du jugement.&mdash;Mort, 1546.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_200">200</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp">Additions et Éclaircissemens.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_223">223</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp">Notes.</td>
+ <td class="tds"><a href="#notes">352</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp">Renvois.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_353">353</a></td>
+</tr>
+</table>
+
+<p class="sep3 t4 cent">FIN DE LA TABLE DU TOME <ins title="Il faut sans doute lire «DEUXIÈME»">TROISIÈME</ins>.</p>
+
+<hr class="duo" />
+
+<h2 id="Page_367">ERRATA.</h2>
+
+<p class="hang"><a href="#err_1">Page 2</a>, ligne 12, au lieu de <i>regardent</i>, lisez <i>regardant</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_2">Page 9</a>, ligne 21, au lieu de <i>le mieux</i>, lisez <i>mieux</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_3">Page 58</a>, ligne 28, au lieu de <i>théologien</i>, lisez <i>théologiens</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_4">Page 252</a>, ligne 17, au lieu de <i>digamie</i>, lisez <i>bigamie</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_5">Page 282</a>, ligne 15, au lieu de <i>occurences</i>, lisez <i>occurrences</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_6">Page 287</a>, ligne 10, au lieu de <i>heureux la mère</i>, lisez <i>heureuse la mère</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_7">Page 308</a>, ligne 10, au lieu de <i>de Pavie</i>, lisez <i>à Pavie</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_8">Page 316</a>, ligne 1, au lieu de <i>ça été</i>, lisez <i>ç'a été</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_9">Page 317</a>, ligne 20, au lieu de <i>parle parle</i>, lisez <i>parle</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_10">Page 327</a>, ligne 22, au lieu de <i>demandez</i>, lisez <i>demander</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_11">Page 328</a>, ligne 13, au lieu de <i>ambarras</i>, lisez <i>embarras</i>.</p>
+
+<hr class="duo" />
+
+<div class="npage">
+
+<div class="box sep4">
+<p class="sansrf" id="au_lecteur">Au lecteur.</p>
+
+<p>Ce livre électronique reproduit intégralement le texte original. Les
+erreurs signalées par l'auteur (voir <a href="#Page_367">Errata</a>)
+ont été corrigées. Elles sont indiquées par (Err.) Quelques erreurs
+typographiques ont également été corrigées; la liste de ces
+corrections se trouve ci-dessous. La ponctuation a été tacitement
+corrigée par endroits.</p>
+
+<p>Les <a href="#notes">notes</a> de bas de page ont été
+renumérotées de 1 à 11 et regroupées à la fin du livre. Les
+«<a href="#Page_223">Additions et éclaircissemens</a>» ont été numérotés
+de a1 à a79. Les «<a href="#Page_353">Renvois</a>» ont été numérotés
+de r1 à r225. Additions et renvois ont été signalés dans le texte.</p>
+
+<p class="sansrf sep2">Corrections.</p>
+
+<p class="hang">Pages <a href="#cor_01">3</a>, <a href="#cor_02">353</a>, <a href="#cor_03">355</a>: «Cochl&oelig;us» remplacé par «Cochlæus».</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_1">Page 28</a>: «compagnonage» remplacé par
+«compagnonnage» (Le mystique compagnonnage allemand).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_2">Page 36</a>: «dor» par «d'or» (trente et un chevaux couverts de draps d'or).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_3">Page 37</a>: «cent» par «cents» (près de quatre mille deux cents).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_4">Page 75</a>: «de de» par «de» (Ne vous scandalisez pas de me voir).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_5">Page 139</a>: «barette» par «barrette»
+(doit ôter sa barrette devant la théologie).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_6">Page 209</a>: «rassassié» remplacé par «rassasié»
+(On est rassasié de la parole de Dieu).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_7">Page 222</a>: «sufffire» par «suffire» (que nous ayons pu y suffire).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_8">Page 258</a>: «deux» par «d'eux» (Que l'un d'eux avait commis un meurtre).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_9">Page 315</a>: «pomptement» par «promptement» (il exécute promptement).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_11">Page 339</a>: «Brandbourg» par «Brandebourg»
+(récemment introduite dans le Brandebourg).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_12">Page 340</a>: «tintamare» par «tintamarre» (avec chant et tintamarre).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_13">Page 353</a> «RENVOIS DU TOME TROISIÈME»: il faut
+sans doute lire «RENVOIS DU TOME DEUXIÈME».</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_14">Page 360</a> (renvoi nº 160): ajouté «_Ibid._»</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_15">Page 361</a> (renvoi nº 176): au lieu de
+«Il sera si mauvais» il faut sans doute lire «Il fera si mauvais»;
+ajouté «_Ibid._»</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_16">Page 366</a> Table des matières: au lieu de «TROISIÈME
+VOLUME» et «TOME TROISIÈME» il faut sans doute lire «DEUXIÈME VOLUME»
+et «TOME DEUXIÈME».</p>
+
+</div></div>
+
+<hr class="full" />
+
+<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44617 ***</div>
+</body>
+</html>
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+The Project Gutenberg EBook of Mémoires De Luther Écrits Par Lui-Même, by
+Martin Luther and Jules Michelet
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+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
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+
+Title: Mémoires De Luther Écrits Par Lui-Même
+ traduits et mis en ordre par M. Michelet
+
+Author: Martin Luther
+ Jules Michelet
+
+Release Date: January 7, 2014 [EBook #44617]
+
+Language: French
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+Character set encoding: UTF-8
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES DE LUTHER ***
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+Produced by Laurent Vogel, Pierre Timmermans, Hans Pieterse
+and the Online Distributed Proofreading Team at
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+ «Additions et éclaircissemens» ont été numérotés de a1 à a79.
+ Les «Renvois» qui dans l'original sont regroupés à la fin du
+ livre, ont ici été numérotés consécutivement de r1 à r225 et
+ copiés sous le paragraphe auquel ils se rapportent. Additions
+ et renvois ont été signalés dans le texte.
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+ MÉMOIRES
+ DE LUTHER
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+ IMPRIMERIE DE DUCESSOIS,
+ Quai des Augustins, 55.
+
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+ MÉMOIRES
+
+ DE LUTHER
+
+
+ ÉCRITS PAR LUI-MÊME,
+
+
+ TRADUITS ET MIS EN ORDRE
+ PAR M. MICHELET,
+ PROFESSEUR A L'ÉCOLE NORMALE, CHEF DE LA SECTION HISTORIQUE
+ AUX ARCHIVES DU ROYAUME,
+
+ suivis d'un
+ Essai sur l'Histoire de la Religion,
+ ET DES BIOGRAPHIES
+ DE WICLEFF, JEAN HUSS, ÉRASME, MÉLANCHTON, HUTTEN,
+ ET AUTRES
+ PRÉDÉCESSEURS ET CONTEMPORAINS
+ DE LUTHER.
+
+
+ TOME DEUXIÈME.
+
+
+ PARIS.
+
+ CHEZ L. HACHETTE,
+ Libraire de l'Université de France,
+ RUE PIERRE-SARRAZIN, 12.
+
+ 1837
+
+
+
+
+MÉMOIRES
+
+DE LUTHER
+
+
+LIVRE III.
+
+1529-1546.
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER.
+
+1529-1532.
+
+ Les Turcs. Danger de l'Allemagne.—Augsbourg, Smalkalde. Danger
+ du protestantisme.
+
+
+Luther fut tiré de son abattement et ramené à la vie active par les
+dangers qui menaçaient la Réforme et l'Allemagne. Lorsque ce _fléau de
+Dieu_, qu'il attendait avec résignation comme le signe du Jugement,
+fondit en effet sur l'Allemagne, lorsque les Turcs[a1] vinrent camper
+devant Vienne, Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, et fit
+un livre contre les Turcs, qu'il dédia au landgrave de Hesse. Le 9
+octobre 1528 il écrivit à ce prince, pour lui exposer les motifs qui
+l'avaient décidé à composer ce livre. «Je ne puis me taire, dit-il;
+il est malheureusement parmi nous des prédicateurs qui font croire au
+peuple qu'on ne doit point s'occuper de la guerre des Turcs; il y en a
+même d'assez extravagans pour prétendre, qu'en toutes circonstances,
+il est défendu aux chrétiens d'avoir recours aux armes temporelles.
+D'autres encore, qui regardant le peuple allemand comme un peuple de
+brutes incorrigibles, vont jusqu'à désirer qu'il tombe au pouvoir des
+Turcs. Ces folies, ces horribles malices, sont imputées à Luther et
+à l'Évangile, comme, il y a trois ans, la révolte des paysans, et en
+général tout le mal qui arrive dans le monde. Il est donc urgent que
+j'écrive à ce sujet, tant pour confondre les calomniateurs, que pour
+éclairer les consciences innocentes sur ce qu'il faut faire contre le
+Turc...»
+
+«Nous avons appris hier que le Turc est parti de Vienne pour la
+Hongrie, par un grand miracle de Dieu. Car après avoir livré
+inutilement le vingtième assaut, il a ouvert la brèche par une mine en
+trois endroits. Mais rien n'a pu ramener son armée à l'attaque, Dieu
+l'avait frappée de terreur; ils aimaient mieux se laisser égorger
+par leurs chefs que de tenter ce dernier assaut. On croit qu'il s'est
+retiré ainsi de peur des bombardes et de notre future armée; d'autres
+en jugent autrement. Dieu a manifestement combattu pour nous cette
+année. Le Turc a perdu vingt-six mille hommes, et il a péri trois mille
+des nôtres dans les sorties. J'ai voulu te communiquer ces nouvelles,
+afin que nous rendions grâces et que nous priions ensemble. Car le
+Turc, devenu notre voisin, ne nous laissera pas éternellement la paix.»
+(27 octobre 1529.)
+
+L'Allemagne était sauvée, mais le protestantisme allemand n'en était
+que plus en péril. L'irritation des deux partis avait été portée au
+comble par un événement antérieur à l'invasion de Soliman. Si l'on
+en croit le biographe catholique de Luther, Cochlæus, que nous avons
+déjà cité, le chancelier du duc George, Otto Pack, supposa une ligue
+des princes catholiques contre l'électeur de Saxe et le landgrave de
+Hesse[r1]; il apposa à ce prétendu projet le sceau du duc George, puis
+livra ces fausses lettres au Landgrave qui, se croyant menacé, leva
+une armée et s'unit étroitement à l'Électeur[a2].
+
+ [r1] Cochlæus, 171.
+
+Les catholiques et surtout le duc George[a3] se défendirent vivement
+d'avoir jamais songé à menacer l'indépendance religieuse des princes
+luthériens; ils rejetèrent tout sur le chancelier qui n'avait fait
+peut-être que divulguer les secrets desseins de son maître. «Le docteur
+Pack[a4], captif volontaire du Landgrave, à ce que je pense, est
+jusqu'à présent accusé d'avoir formé cette alliance des princes. Il
+prétend se tirer d'affaire à son honneur, et fasse Dieu que cette trame
+retombe sur la tête du rustre qui en est, je crois, l'auteur, sur celle
+de notre grand adversaire, tu sais de qui je parle (le duc George de
+Saxe).» (14 juillet 1528.)
+
+«Cette ligue des princes impies, qu'ils nient cependant, tu vois quels
+troubles elle a excités; pour moi, je prends la froide excuse du duc
+George pour un aveu[r2]. Dieu confondra ce fou enragé, ce Moab qui dresse
+sa superbe au-dessus de ses forces. Nous prierons contre ces homicides;
+assez d'indulgence. S'ils ourdissent encore quelque projet, nous
+invoquerons Dieu, puis nous appellerons les princes pour qu'ils soient
+perdus sans miséricorde.»
+
+ [r2] Ukert, 216.
+
+Bien que tous les princes eussent déclaré ces lettres fausses, les
+évêques de Mayence, Bamberg, etc., furent tenus de payer cent mille
+écus d'or, comme indemnité des armemens qu'avaient faits les princes
+luthériens. Ceux-ci ne demandaient pas mieux que de commencer la
+guerre. Ils se comptaient et sentaient leurs forces. Le grand-maître
+de l'ordre Teutonique avait sécularisé la Prusse[a5], les ducs de
+Mecklembourg et de Brunswick, encouragés par ce grand événement,
+avaient appelé des prédicateurs luthériens (1525). La Réforme dominait
+dans le nord de l'Allemagne. En Suisse et sur le Rhin, les Zwingliens,
+chaque jour plus nombreux, cherchaient à se rapprocher de Luther.
+Enfin au sud et à l'est, les Turcs, maîtres de Bude et de la Hongrie,
+menaçaient toujours l'Autriche et tenaient en échec l'Empereur. A
+son défaut le duc George de Saxe, et les puissans évêques du nord,
+s'étaient constitués les adversaires de la Réforme. Une violente
+polémique s'était engagée depuis long-temps entre ce prince et Luther.
+Le duc écrivait à celui-ci[r3]: «Tu crains que nous n'ayons commerce
+avec les hypocrites, la présente te fera voir ce qui en est. Si nous
+dissimulons dans cette lettre, tu pourras dire de nous tout ce que tu
+voudras; sinon, il faudra chercher les hypocrites là où l'on t'appelle
+un prophète, un Daniel, l'apôtre de l'Allemagne, l'évangéliste... Tu
+t'imagines peut-être que tu es envoyé de Dieu vers nous, comme ces
+prophètes à qui Dieu donna mission de convertir les princes et les
+puissans. Moïse fut envoyé à Pharaon, Samuel à Saül, Nathan à David,
+Isaïe à Ezéchias, saint Jean-Baptiste à Hérode, nous le savons. Mais
+parmi tous ces prophètes nous ne trouvons pas un seul apostat. Ils ont
+tous été gens constans dans leur doctrine, hommes sincères et pieux,
+sans orgueil, sans avarice, amis de la chasteté...
+
+ [r3] Luther Werke, t. IX, 231.
+
+»Nous ne faisons pas non plus grand cas de tes prières ni de celles des
+tiens; nous savons que Dieu hait l'assemblée de tes apostats... Dieu a
+puni par nous Münzer de sa perversité; il pourra bien en faire autant
+de Luther, et nous ne refuserons pas d'être encore en ceci, son indigne
+instrument...
+
+»Non, reviens plutôt, Luther, ne te laisse pas mener plus long-temps
+par l'esprit qui séduisit l'apostat Sergius: l'Église chrétienne ne
+ferme pas son sein au pécheur repentant... Si c'est l'orgueil qui t'a
+perdu, regarde ce fier manichéen, saint Augustin, ton maître, dont tu
+as juré d'observer la règle: reviens comme lui, reviens à ta fidélité
+et à tes sermens, sois comme lui une lumière de la Chrétienté... Voilà
+les conseils que nous avons à te donner pour le nouvel an. Si tu t'y
+conformes, tu en seras éternellement récompensé de Dieu et nous ferons
+tout ce qui est en notre pouvoir pour obtenir ta grâce de l'Empereur.»
+(28 décembre 1525.)
+
+_Mémoire_ de Luther contre le duc George[a6] qui avait intercepté
+une de ses lettres, 1529[r4]... «Quant aux belles dénominations que le duc
+George me donne, misérable, scélérat, parjure et sans honneur, je
+n'ai qu'à l'en remercier; ce sont là les émeraudes, les rubis et les
+diamans dont les princes doivent m'orner en retour de l'honneur et
+de la puissance que l'autorité temporelle tire de la restauration de
+l'Évangile...»
+
+ [r4] _Ibid._ t. IX, 297.
+
+«... Ne dirait-on pas que le duc George ne connaît pas de supérieur?
+Moi, hobereau des hobereaux, dit-il, je suis seul maître et prince,
+je suis au-dessus de tous les princes de l'Allemagne, au-dessus de
+l'Empire, de ses lois et de ses usages. C'est moi que l'on doit
+craindre, à moi seul que l'on doit obéir; ma volonté doit faire loi en
+dépit de quiconque pensera et parlera autrement.—Amis, où s'arrêtera
+la superbe de ce Moab[a7]? Il ne lui reste plus qu'à escalader le ciel, à
+espionner, punir les lettres et les pensées jusque dans le sanctuaire
+de Dieu même. Voilà notre petit prince, et avec cela il veut être
+glorifié, respecté, adoré! à la bonne heure, grand merci!»
+
+En 1529, l'année même du traité de Cambrai et du siége de Vienne par
+Soliman, l'Empereur avait convoqué une diète à Spire[a8]. (15 mars.) On y
+décida que les états de l'Empire devaient continuer d'obéir au décret
+lancé contre Luther en 1524, et que toute innovation demeurerait
+interdite jusqu'à la convocation d'un concile général. C'est alors que
+le parti de la Réforme éclata[a9]. L'électeur de Saxe, le margrave de
+Brandebourg, le landgrave de Hesse, les ducs de Lunebourg, le prince
+d'Anhalt, et avec eux les députés de quatorze villes impériales, firent
+contre le décret de la diète une protestation solennelle, le déclarant
+injuste et impie. Ils en gardèrent le nom de _protestans_.
+
+Le landgrave de Hesse sentait la nécessité de réunir toutes les sectes
+dissidentes pour en former un parti redoutable aux catholiques de
+l'Allemagne; il essaya de réconcilier Luther avec les sacramentaires[a10].
+Luther prévoyait bien l'inutilité de cette tentative.
+
+«Le landgrave de Hesse nous a convoqués à Marbourg pour la
+Saint-Michel, afin de tenter un accord entre nous et les
+sacramentaires... Je n'en attendais rien de bon; tout est plein
+d'embûches, je le vois bien. Je crains que la victoire ne leur reste,
+comme au siècle d'Arius. On a toujours vu de pareilles assemblées être
+plus nuisibles qu'utiles... Ce jeune homme de Hesse est inquiet et
+plein de pensées qui fermentent. Le Seigneur nous a sauvés, dans ces
+deux dernières années, de deux grands incendies qui auraient embrasé
+toute l'Allemagne.» (2 août 1529.)
+
+«Nous avons reçu du landgrave une magnifique et splendide hospitalité.
+Il y avait là Œcolampade, Zwingli, Bucer, etc. Tous demandaient la
+paix avec une humilité extraordinaire. La conférence a duré deux jours;
+j'ai répondu à Œcolampade et à Zwingli en leur opposant ce passage:
+_Hoc est corpus meum_; j'ai réfuté toutes leurs objections. En somme,
+ce sont des gens ignorans et incapables de soutenir une discussion.»
+(12 octobre 1529.)
+
+«Je me réjouis, mon cher Amsdorf, de te voir te réjouir de notre synode
+de Marbourg; la chose est petite en apparence, mais au fond très
+importante. Les prières des gens pieux ont fait que nous les voyons
+confondus, morfondus, humiliés.»
+
+«Toute l'argumentation de Zwingli se réduisait à ceci: que le corps ne
+peut être sans lieu ni dimension. Œcolampade soutenait que les Pères
+appelaient le pain un signe, que ce n'était donc pas le corps même...
+Ils nous suppliaient de leur donner le nom de frères. Zwingli le
+demandait au Landgrave en pleurant. Il n'y a aucun lieu sur la terre,
+disait-il, où j'aimerais mieux passer ma vie qu'à Wittemberg... Nous
+ne leur avons pas accordé ce nom de frères, mais seulement ce que la
+charité nous oblige à donner même à nos ennemis... Ils se sont en tout
+point conduits avec une incroyable humilité et douceur. C'était, comme
+il est visible aujourd'hui, pour nous amener à une feinte concorde,
+pour nous faire les partisans, les patrons de leurs erreurs... O rusé
+Satan! mais Christ qui nous a sauvés est plus habile que toi. Je ne
+m'étonne plus maintenant de leurs impudens mensonges. Je vois qu'ils ne
+peuvent faire autrement, et je me glorifie de leur chute.» (1er juin
+1530.)
+
+Cette guerre théologique de l'Allemagne remplit les intermèdes de la
+grande guerre européenne que Charles-Quint soutenait contre François
+Ier et contre les Turcs. Mais dans les crises les plus violentes de
+celle-ci, l'autre se ralentit à peine. C'est un imposant spectacle
+que celui de l'Allemagne absorbée dans la pensée religieuse, et près
+d'oublier la ruine prochaine dont semblaient la menacer les plus
+formidables ennemis. Pendant que les Turcs franchissaient toutes les
+anciennes barrières et que Soliman répandait ses Tartares au-delà de
+Vienne, l'Allemagne disputait sur la transsubstantiation et sur le
+libre arbitre. Ses guerriers les plus illustres siégeaient dans les
+diètes et interrogeaient les docteurs. Tel était le flegme intrépide de
+cette grande nation, telle sa confiance dans sa force et dans sa masse.
+
+La guerre des Turcs et celle des Français, la prise de Rome et la
+défense de Vienne, occupaient tellement Charles-Quint et Ferdinand, que
+les protestans avaient obtenu la tolérance jusqu'au prochain concile.
+Mais en 1530, Charles-Quint, voyant la France abattue, l'Italie
+asservie, Soliman repoussé, entreprit de juger le grand procès de la
+Réforme. Les deux partis comparurent à Augsbourg. Les sectateurs de
+Luther, désignés par le nom général de _protestans_, voulurent se
+distinguer de tous les autres ennemis de Rome, dont les excès auraient
+calomnié leur cause, des zwingliens républicains de la Suisse, odieux
+aux princes et à la noblesse, des anabaptistes surtout, proscrits comme
+ennemis de l'ordre et de la société. Luther, sur qui pesait encore la
+sentence prononcée à Worms, qui le déclarait hérétique, ne put s'y
+rendre; il fut remplacé par le savant et pacifique Mélanchton, esprit
+doux et timide comme Érasme, dont il restait l'ami malgré Luther.
+
+L'Électeur amena du moins celui-ci le plus près possible d'Augsbourg,
+dans la forteresse de Cobourg.[a11][a12] De là Luther pouvait
+entretenir avec les ministres protestans, une active et facile
+correspondance. Le 22 avril il écrit à Mélanchton: «Je suis enfin
+arrivé à mon Sinaï, cher Philippe, mais de ce Sinaï je ferai une Sion,
+et j'y élèverai trois tabernacles, l'un au psalmiste, l'autre aux
+prophètes, l'autre enfin à Ésope (dont il traduisait alors les fables).
+Rien ne manque pour que ma solitude soit complète. J'ai une vaste
+maison, qui domine le château, et les clés de toutes les chambres. A
+peine y a-t-il trente personnes dans toute la forteresse, encore douze
+sont des veilleurs de nuit, et deux autres des sentinelles toujours
+postées sur les tours.» (22 avril.)
+
+_A Spalatin_ (9 mai): «Vous allez à Augsbourg, sans avoir pris les
+auspices, et ne sachant quand ils vous permettront de commencer.
+Moi, je suis déjà au milieu des comices, en présence de magnanimes
+souverains, devant des rois, des ducs, des grands, des nobles,
+qui confèrent avec gravité sur les affaires de l'état, et d'une
+voix infatigable remplissent l'air de leurs décrets et de leurs
+prédications. Ils ne siégent point enfermés dans ces antres et ces
+royales cavernes que vous appelez des palais, mais sous le soleil;
+ils ont le ciel pour tente, pour tapis riche et varié, la verdure des
+arbres sous lesquels ils sont en liberté, pour enceinte, la terre
+jusqu'à ses dernières limites. Ce luxe stupide de l'or et de la soie
+leur fait horreur; tous, ils ont mêmes couleurs, même visage. Ils sont
+tous également noirs, tous font la même musique, et dans ce chant sur
+une seule note, l'on n'entend que l'agréable dissonnance de la voix des
+jeunes se mêlant à celle des vieux. Nulle part je n'ai vu ni entendu
+parler de leur Empereur; ils méprisent souverainement ce quadrupède
+qui sert à nos chevaliers; ils ont quelque chose de meilleur, avec
+quoi ils peuvent se moquer de la furie des canons. Autant que j'ai pu
+comprendre leurs décrets, grâce à un interprète, ils ont décidé, à
+l'unanimité, de faire la guerre, pendant toute cette année, à l'orge,
+au blé et à la farine, enfin à ce qu'il y a de mieux parmi les fruits
+et les graines. Et il est à craindre qu'ils ne soient presque partout
+vainqueurs, car c'est une race de guerriers adroits et rusés, également
+habiles à butiner par force ou surprise. Moi, oisif spectateur, j'ai
+assisté avec grande satisfaction à leurs comices. L'espoir où je suis
+des victoires que leur courage leur donnera sur le blé et l'orge,
+ou sur tout autre ennemi, m'a rendu le fidèle et sincère ami de ces
+_patres patriæ_, de ces sauveurs de la république. Et si par des
+vœux je puis les servir, je demande au ciel que délivrés de l'odieux
+nom de corbeaux, etc. Tout cela n'est qu'une plaisanterie, mais une
+plaisanterie sérieuse et nécessaire pour repousser les pensées qui
+m'accablent, si toutefois elle les repousse.» (9 mai.)
+
+«Les nobles seigneurs qui forment nos comices courent ou plutôt
+naviguent à travers les airs[a13]. Le matin, de bonne heure, ils s'en
+vont en guerre, armés de leurs becs invincibles, et tandis qu'ils
+pillent, ravagent et dévorent, je suis délivré pour quelque temps de
+leurs éternels chants de victoire. Le soir, ils reviennent triomphans;
+la fatigue ferme leurs yeux, mais leur sommeil est doux et léger
+comme celui d'un vainqueur. Il y a quelques jours j'ai pénétré dans
+leur palais pour voir la pompe de leur empire. Les malheureux eurent
+grand'peur; ils s'imaginaient que je venais détruire leur industrie. Ce
+fut un bruit, une frayeur, des visages consternés!!! Quand je vis que
+moi seul je faisais trembler tant d'Achilles et d'Hectors, je battis
+des mains, je jetai mon chapeau en l'air, pensant que j'étais bien
+assez vengé si je pouvais me moquer d'eux. Tout ceci n'est point un
+simple jeu, c'est une allégorie, un présage de ce qui arrivera. Ainsi
+devant la parole de Dieu l'on verra trembler toutes ces harpies qui
+sont maintenant à Augsbourg, criant et romanisant.» (19 juin.)
+
+Mélanchton transformé à Augsbourg en chef de parti, ayant à batailler
+chaque jour avec les légats, les princes, l'Empereur, se trouvait fort
+mal de cette vie active qu'on lui avait imposée. Plusieurs fois il fit
+part de ses peines à Luther, qui, pour toute consolation, le tançait
+rudement[a14]:
+
+«Vous me parlez de vos travaux, de vos périls, de vos larmes, et moi,
+suis-je donc assis sur des roses? est-ce que je ne porte pas une part
+de votre fardeau? Ah! plût au ciel que ma cause fût telle qu'elle
+permît les larmes!» (29 juin 1530.)
+
+«Dieu récompense selon ses œuvres le tyran de Salzbourg qui te fait
+tant de mal! Il méritait de toi une autre réponse, telle que je la lui
+aurais faite peut-être, telle qu'il n'en a jamais entendu de semblable.
+Il faudra qu'ils entendent, je le crains, cette parole de Jules César:
+_Ils l'ont voulu_...
+
+»Tout ce que j'écris est inutile, parce que tu veux, selon ta
+philosophie, gouverner toutes ces choses avec ta raison, c'est-à-dire
+déraisonner avec la raison. Va, continue de te tuer à cette chose, sans
+voir que ta main ni ton esprit ne peuvent la saisir, qu'elle ne veut
+pas de tes soins.» (30 juin 1530.)
+
+«Dieu a mis cette cause dans un certain lieu que ne connaissait point
+ta rhétorique ni ta philosophie. Ce lieu, on l'appelle la foi; là
+toutes choses sont inaccessibles à la vue; quiconque veut les rendre
+visibles, apparentes et compréhensibles, celui-là ne gagne pour prix
+de son travail que des peines et des larmes, comme tu en as gagné.
+Dieu a dit qu'il habitait dans les nues, qu'il était assis dans les
+ténèbres. Si Moïse avait cherché un moyen d'éviter l'armée de Pharaon,
+Israël serait peut-être encore en Égypte... Si nous n'avons pas la
+foi, pourquoi ne pas chercher consolation dans la foi d'autrui; car
+il y en a nécessairement qui croient, si nous ne croyons pas? Ou bien,
+faut-il dire que le Christ nous a abandonnés, avant la consommation des
+siècles? S'il n'est pas avec nous, où est-il en ce monde, je vous le
+demande? Si nous ne sommes point l'Église ou une partie de l'Église, où
+est l'Église? Est-ce Ferdinand, le duc de Bavière, le pape, le Turc et
+leurs semblables? Si nous n'avons la parole de Dieu, qui donc l'aura?
+Toi, tu ne comprends point toutes ces choses; car Satan te travaille
+et te rend faible. Puisse le Christ te guérir! c'est ma sincère et
+continuelle prière.» (29 juin.)
+
+«Ma santé est faible... Mais je méprise cet ange de Satan qui vient
+souffleter ma chair. Si je ne puis lire ni écrire, au moins je puis
+penser et prier, et même me quereller avec le diable; ensuite dormir,
+paresser, jouer et chanter. Quant à toi, mon cher Philippe, ne te
+macère point pour cette affaire qui n'est point en ta main, mais en
+celle d'Un plus puissant à qui personne ne pourra l'enlever.» (31
+juillet.)
+
+Mélanchton croyait qu'il était possible de rapprocher les deux partis;
+Luther comprit de bonne heure qu'ils étaient irréconciliables. Dans le
+commencement de la Réforme, il avait souvent réclamé les conférences
+et les disputes publiques; il lui fallait alors tout tenter, avant
+d'abandonner l'espérance de conserver l'unité chrétienne; mais sur
+la fin de sa vie, dès le temps même de la diète d'Augsbourg, il se
+prononçait contre tous ces combats de parole, où le vaincu ne veut
+jamais avouer sa défaite.
+
+(26 août 1530.) «Je suis contre toute tentative faite pour accorder
+les deux doctrines; car c'est chose impossible, à moins que le pape ne
+veuille abolir sa papauté. C'est assez pour nous d'avoir rendu raison
+de notre croyance et de demander la paix. Pourquoi espérer de les
+convertir à la vérité?»
+
+_A Spalatin._ (26 août 1530.) «J'apprends que vous avez entrepris une
+œuvre admirable, de mettre d'accord Luther et le pape. Mais le pape ne
+le veut pas, et Luther s'y refuse; prenez garde d'y perdre votre temps
+et vos peines. Si vous en venez à bout, pour suivre votre exemple, je
+vous promets de réconcilier Christ et Bélial.»
+
+Dans une lettre du 21 juillet il écrivait à Mélanchton: «Vous verrez si
+j'étais un vrai prophète quand je répétais sans cesse qu'il n'y avait
+point d'accord possible entre les deux doctrines, et que ce serait
+assez pour nous d'obtenir la paix publique.»
+
+Ces prophéties ne furent pas écoutées; les conférences eurent lieu,
+et l'on demanda aux protestans une profession de foi. Mélanchton la
+rédigea, en prenant l'avis de Luther sur les points les plus importans.
+
+A Mélanchton. «J'ai reçu votre apologie, et je m'étonne que vous me
+demandiez ce qu'il faut céder aux papistes. Pour ce qui est du prince,
+et de ce qu'il faut lui accorder si quelque danger le menace, c'est une
+autre question. Quant à moi, il a été fait dans cette apologie plus
+de concessions qu'il n'était convenable; et s'ils les rejettent, je
+ne vois pas que je puisse aller plus loin, à moins que leurs raisons
+et leurs livres ne me paraissent meilleurs qu'ils ne m'ont semblé
+jusqu'à cette heure. J'emploie les jours et les nuits à cette affaire,
+réfléchissant, interprétant, discutant, parcourant toute l'Écriture;
+chaque jour augmente ma certitude et me confirme dans ma doctrine.»
+
+(20 septembre 1530.) «Nos adversaires ne nous cèdent pas un poil; et
+nous, il ne faut pas seulement que nous leur cédions le canon, les
+messes, la communion sous une espèce, la juridiction accoutumée; mais
+encore il faudrait avouer que leurs doctrines, leurs persécutions, tout
+ce qu'ils ont fait ou pensé, a été juste et légitime, et que c'est à
+tort que nous les avons accusés. C'est-à-dire qu'ils veulent que notre
+propre témoignage les justifie et nous condamne. Ce n'est pas là
+simplement nous rétracter, mais nous maudire trois fois nous-mêmes.»
+
+«... Je n'aime pas que dans cette cause vous vous appuyiez de mes
+opinions. Je ne veux être ni paraître votre chef; quand même l'on
+interpréterait cela à bien, je ne veux pas de ce nom. Si ce n'est point
+votre propre cause, je ne veux pas qu'on dise que c'est la mienne, et
+que je vous l'ai imposée. Je la défendrai moi-même, s'il n'y a que moi
+qui la soutienne.»
+
+Deux jours avant, il avait écrit à Mélanchton: «Si j'apprends que les
+choses vont mal de votre côté, j'aurai peine à m'empêcher d'aller voir
+cette formidable rangée des dents de Satan.» Et quelque temps après:
+«J'aurais voulu être la victime sacrifiée par ce dernier concile,
+comme Jean Huss a été à Constance celle du dernier jour de la fortune
+papale.»[a15] (21 juillet 1530.)
+
+La profession de foi des protestans fut présentée à la diète[a16] et «lue
+par ordre de César devant tout l'Empire, c'est-à-dire devant tous
+les princes et les états de l'Empire. C'est une grande joie pour
+moi d'avoir vécu jusqu'à cette heure, que je voie Christ prêché par
+ses confesseurs devant une telle assemblée, et dans une si belle
+confession.» (6 juillet.)
+
+Cette confession était signée de cinq électeurs, trente princes
+ecclésiastiques, vingt-trois princes séculiers, vingt-deux abbés,
+trente-deux comtes et barons, trente-neuf villes libres et impériales.
+«Le prince électeur de Saxe, le margrave George de Brandebourg, Jean
+Frédéric-le-Jeune, landgrave de Hesse; Ernest et François, ducs de
+Lunebourg; le prince Wolfgang de Anhalt; les villes de Nuremberg et de
+Reutlingen, ont signé la confession..... Beaucoup d'évêques inclinent à
+la paix, sans s'inquiéter des sophismes d'Eck et de Faber. L'archevêque
+de Mayence est très porté pour la paix[a17]; de même le duc Henri de
+Brunswick, qui a invité familièrement Mélanchton à dîner, l'assurant
+qu'il ne pouvait nier les articles touchant les deux espèces, le
+mariage des prêtres, et l'inutilité d'établir des différences entre les
+choses qui servent à la nourriture. Les nôtres avouent que personne
+ne s'est montré plus conciliant dans toutes les conférences que
+l'Empereur. Il a reçu notre prince non-seulement avec bonté, mais avec
+respect.» (6 juillet.)
+
+L'évêque d'Augsbourg, le confesseur même de Charles-Quint, étaient
+favorablement disposés pour les luthériens. L'Espagnol disait à
+Mélanchton qu'il s'étonnait qu'en Allemagne on contestât la
+doctrine de Luther sur la foi, que lui il avait toujours pensé de même
+sur ce point (relation de Spalatin sur la diète d'Augsbourg)[r5].
+
+ [r5] _Ibid._ t. IX, 414.
+
+Quoi qu'en dise ici Luther des douces dispositions de Charles-Quint,
+il termina les discussions en sommant les réformés de renoncer à leurs
+erreurs sous peine d'être mis au ban de l'Empire. Il sembla même prêt à
+employer la violence et fit un instant fermer les portes d'Augsbourg.
+
+«Si l'Empereur veut faire un édit, qu'il le fasse; après Worms aussi il
+en fit un[a18]. Écoutons l'Empereur puisqu'il est l'Empereur, rien de plus.
+Que nous importe ce rustre qui veut se poser comme Empereur (il parle
+du duc George)?» (15 juillet 1530.)
+
+«Notre cause se défendra mieux de la violence et des menaces, que de
+ces ruses sataniques que j'ai craintes, surtout jusqu'à ce jour...
+Qu'ils nous rendent Léonard[a19], Keiser et tant d'autres, qu'ils ont si
+injustement fait mourir[a20]. Qu'ils nous rendent tant d'âmes perdues par
+leur doctrine impie; qu'ils rendent toutes ces richesses qu'ils ont
+prises avec leurs trompeuses indulgences et leurs fraudes de toute
+espèce. Qu'ils rendent à Dieu sa gloire violée par tant de blasphèmes;
+qu'ils rétablissent dans les personnes et dans les mœurs, la pureté
+ecclésiastique, si honteusement souillée. Que dirais-je encore? Alors
+nous aussi nous pourrons parler _de possessorio_.» (13 juillet.)
+
+«L'Empereur va ordonner simplement que toutes choses soient rétablies
+en leur état, que le règne du pape recommence, ce qui excitera, je le
+crains, de grands troubles pour la ruine des prêtres et des clercs.
+Les villes les plus puissantes, Nuremberg, Ulm, Augsbourg, Francfort,
+Strasbourg et douze autres, rejettent ouvertement le décret impérial,
+et font cause commune avec nos princes. Tu as entendu parler de
+l'inondation de Rome, de celle de Flandre et de Brabant. Ce sont des
+signes envoyés de Dieu, mais les impies ne peuvent les comprendre. Tu
+sais encore la vision des moines de Spire. Brentius m'écrit qu'à Bade
+on a vu dans les airs une armée nombreuse, et sur le flanc de cette
+armée un soldat qui brandissait une lance d'un air triomphant, et qui
+passa la montagne voisine et le Rhin.» (5 décembre.)
+
+La diète fut à peine dissoute, que les princes protestans se
+rassemblèrent à Smalkalde et y conclurent une ligue défensive,
+par laquelle ils devaient former un même corps (31 décembre). Ils
+protestèrent contre l'élection de Ferdinand au titre de roi des
+Romains. On se prépara à combattre[a21]; les contingens furent fixés:
+on s'adressa aux rois de France, d'Angleterre et de Danemark. Luther
+fut accusé d'avoir poussé les protestans à prendre cette attitude
+hostile[a22].
+
+«Je n'ai point conseillé, comme on l'a dit, la résistance à
+l'Empereur[a23]. Voici mon avis comme théologien[a24]: Si les juristes
+montrent par leurs lois que cela est permis, moi je leur permettrai
+de suivre leurs lois. Si l'Empereur a établi dans ses lois, qu'en
+pareil cas on peut lui résister, qu'il souffre de la loi que lui-même a
+faite... Le prince est une personne politique; s'il agit comme prince,
+il n'agit pas comme chrétien, car le chrétien n'est ni prince, ni
+homme, ni femme, ni aucune personne de ce monde. Si donc il est permis
+au prince, comme prince, de résister à César, qu'il le fasse selon son
+jugement et sa conscience. Quant au chrétien, rien ne lui est permis;
+il est mort au monde.» (15 janvier 1531.)
+
+En 1531, Luther écrit un mémoire contre un petit livre anonyme
+imprimé à Dresde, dans lequel on reprochait aux protestans de s'armer
+en secret et de vouloir surprendre les catholiques, pendant que ceux-ci
+ne songeaient, disait-on, qu'à la paix et à la concorde[r6].
+
+ [r6] _Ibid._ t. IX, 459.
+
+«... On cache soigneusement d'où ce livre vient, personne ne doit le
+savoir. Eh bien! je le veux donc ignorer aussi. Je veux avoir le rhume
+pour cette fois et ne pas _sentir_ le maladroit pédant. Cependant
+j'essaierai toujours mon savoir-faire et je frapperai hardiment sur le
+sac: si les coups tombent sur l'âne qui s'y trouve, ce ne sera pas ma
+faute; ce n'est pas à lui, c'est au sac, que j'en voulais.
+
+»Qu'il soit vrai ou non que les luthériens se préparent et se
+rassemblent, cela ne me regarde pas, ce n'est pas moi qui le leur ai
+ordonné ni conseillé; je ne sais pas ce qu'ils font ou ce qu'ils ne
+font pas; mais puisque les papistes annoncent par ce livre qu'ils
+croient à ces armemens, j'accueille ce bruit avec plaisir et je me
+réjouis de leurs illusions et de leurs alarmes; j'augmenterais même
+volontiers ces illusions, si je le pouvais, rien que pour les faire
+mourir de peur. Si Caïn tue Abel, si Anne et Caïphe persécutent Jésus,
+il est juste qu'ils en soient punis. Qu'ils vivent dans les transes,
+qu'ils tremblent au bruit d'une feuille, qu'ils voient partout le
+fantôme de l'insurrection et de la mort, rien de plus équitable.
+
+»... N'est-il pas vrai, imposteurs, que lorsqu'à Augsbourg les nôtres
+présentèrent leur confession de foi, un papiste a dit: Ils nous donnent
+là un livre écrit avec de l'encre; je voudrais, moi, qu'on leur
+répondît avec du sang?
+
+»N'est-il pas vrai que l'électeur de Brandebourg et le duc George de
+Saxe, ont promis à l'Empereur de fournir cinq mille chevaux contre les
+luthériens?
+
+»N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de prêtres et de seigneurs
+ont parié qu'avant la Saint-Michel, c'en serait fait de tous les
+luthériens?
+
+»N'est-il pas vrai que l'électeur de Brandebourg a déclaré publiquement
+que l'Empereur et tout l'Empire s'emploieraient corps et biens pour
+arriver à ce but?...
+
+»Croyez-vous que l'on ne connaisse pas votre édit? que l'on ignore
+que par cet édit toutes les épées de l'Empire sont aiguisées et
+dégainées, toutes les arquebuses chargées, toute la cavalerie lancée,
+pour fondre sur l'électeur de Saxe et son parti, pour tout mettre à
+feu et à sang, tout remplir de pleurs et de désolation? voilà votre
+édit, voilà vos entreprises meurtrières scellées de votre sceau et
+de vos armes, et vous voulez que l'on appelle cela de la paix, vous
+osez accuser les luthériens de troubler le bon accord? O impudence, ô
+hypocrisie sans bornes!... Mais je vous entends: vous voudriez que les
+nôtres ne s'apprêtassent point à la guerre dont leurs ennemis mortels
+les menacent depuis si long-temps, mais qu'ils se laissassent égorger
+sans crier ni se défendre, comme des brebis à l'abattoir. Grand merci,
+mes bonnes gens! Moi, prédicateur, je dois endurer cela, je le sais
+bien, et ceux à qui cette grâce est donnée doivent l'endurer également.
+Mais que tous les autres en feront de même, je ne puis le garantir aux
+tyrans. Si je donnais publiquement ce conseil aux nôtres, les tyrans
+s'en prévaudraient, et je ne veux point leur ôter la peur qu'ils ont
+de notre résistance. Ont-ils envie de gagner leurs éperons en nous
+massacrant? qu'ils les gagnent donc avec péril comme il convient à de
+braves chevaliers. Égorgeurs de leur métier, qu'ils s'attendent du
+moins à être reçus comme des égorgeurs...
+
+».... Que l'on m'accuse, ou non, d'être trop violent, je ne m'en soucie
+plus[a25]. Je veux que ce soit ma gloire et mon honneur désormais,
+que l'on dise de moi comme je tempête et sévis contre les papistes.
+Voilà plus de dix ans que je m'humilie et que je donne de bonnes
+paroles. A quoi tant de supplications ont-elles servi? A empirer le
+mal. Ces rustres n'en sont que plus fiers.—Eh bien! puisqu'ils sont
+incorrigibles, puisqu'il n'y a plus espoir d'ébranler leurs infernales
+résolutions par la bonté, je romps avec eux, je les poursuivrai de mes
+imprécations, sans fin ni repos, jusqu'à ma tombe[a26]. Ils n'auront
+plus jamais une bonne parole de moi; je veux qu'on les enterre au bruit
+de mes foudres et de mes éclairs.
+
+»Je ne puis plus prier sans maudire. Si je dis, _Que ton nom soit
+sanctifié_, il faut que j'ajoute: Maudit soit le nom des papistes et de
+tous ceux qui te blasphèment! Si je dis, _Que ton royaume arrive_, je
+dois ajouter: Maudits soient la papauté et tous les royaumes qui sont
+opposés au tien! Si je dis, _Que ta volonté soit faite_, je dis encore:
+Maudits soient et périssent les desseins des papistes et de tous ceux
+qui te combattent!... Ainsi je prie ardemment tous les jours, et avec
+moi tous les vrais fidèles de Jésus-Christ... Cependant je garde encore
+à tout le monde un cœur bon et aimant, et mes plus grands ennemis
+eux-mêmes le savent bien.
+
+»Souvent la nuit, quand je ne puis dormir, je cherche dans mon lit,
+avec douleur et anxiété, comment on pourrait encore déterminer les
+papistes à la pénitence avant le jugement terrible qui les menace. Mais
+il semble que cela ne doit pas être. Ils repoussent toute pénitence
+et demandent à grands cris notre sang. L'évêque de Saltzbourg a dit
+à maître Philippe, à la diète d'Augsbourg: «Pourquoi disputer si
+long-temps? Nous savons bien que vous avez raison.» Et un autre jour:
+«Vous ne voulez pas céder, nous non plus, il faut donc qu'un parti
+extermine l'autre. Vous êtes le petit et nous le grand: nous verrons
+qui aura le dessus.» Jamais je n'aurais cru qu'on pût dire de telles
+paroles.»
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+1534-1536.
+
+ Anabaptistes de Munster[a27].
+
+
+Pendant que les deux grandes ligues des princes sont en présence,
+et semblent se défier, un tiers s'élève entre deux, pour l'effroi
+commun des deux partis. Cette fois, c'est encore le peuple, comme dans
+la guerre des paysans, mais un peuple organisé, maître d'une riche
+cité. La _jacquerie_ du Nord, plus systématique que celle du Midi,
+produit l'idéal de la démagogie allemande du seizième siècle, une
+royauté biblique, un David populaire, un messie artisan. Le mystique
+compagnonnage allemand intronise un tailleur.
+
+L'entreprise du tailleur fut hardie, mais non absurde. L'anabaptisme
+avait de grandes forces. Il n'éclata que dans Munster; mais il était
+répandu dans la Westphalie, dans le Brabant, la Gueldre, la Hollande,
+la Frise, et tout le littoral de la Baltique jusqu'en Livonie.
+
+Les Anabaptistes formulèrent la malédiction que les paysans vaincus
+avaient jetée sur Luther. Ils détestèrent en lui l'ami de la noblesse,
+le soutien de l'autorité civile, le _remora_ de la Réforme. «Quatre
+prophètes, deux vrais et deux faux; les vrais sont David et Jean de
+Leyde; les faux, le pape et Luther, mais Luther est pire que le pape.»
+
+
+_Comment l'Évangile a d'abord pris naissance à Munster, et comment il y
+a fini après la destruction des anabaptistes[r7]. Histoire véritable
+et bien digne d'être lue et conservée dans la mémoire (car l'esprit des
+anabaptistes de Munster vit encore), décrite par Henricus Dorpius de
+cette ville._ Nous nous contenterons de donner un extrait de ce prolixe
+récit:
+
+ [r7] _Ibid._ t. II, 391, 199.
+
+La réforme commença à Munster en 1532, par Rothmann, prédicateur
+luthérien ou zwinglien. Elle y eut un si grand succès, que l'évêque
+cédant à l'intercession du landgrave de Hesse, accorda aux évangéliques
+six de ses églises. Plus tard, un garçon tailleur, Jean de Leyde, y
+apporta la doctrine des anabaptistes, et la propagea dans quelques
+familles. Il fut aidé dans son œuvre par un prédicateur nommé
+Hermann Stapraeda, de Moersa, anabaptiste comme lui. Bientôt leurs
+assemblées secrètes devinrent si nombreuses, que les catholiques et les
+réformés en furent également alarmés, et chassèrent les anabaptistes
+de la ville. Mais ceux-ci revinrent plus hardis; ils intimidèrent le
+conseil, et l'obligèrent de fixer un jour où il y aurait discussion
+publique dans la maison commune, sur le baptême des enfans. Dans
+cette discussion, le pasteur Rothmann passa du côté des anabaptistes,
+et devint lui-même un de leurs chefs... Un jour, un autre de leurs
+prédicateurs se met à courir dans les rues, en criant: «Faites
+pénitence, faites pénitence, amendez-vous, faites-vous baptiser, ou
+Dieu va vous punir!» Soit crainte, soit zèle religieux, beaucoup de
+gens qui entendirent ces cris, se hâtèrent de demander le baptême.
+Alors les anabaptistes remplissent le marché en criant: «Sus aux
+païens qui ne veulent pas du baptême!» Ils s'emparent des canons, des
+munitions, de la maison de ville, et maltraitent les catholiques et
+les luthériens qu'ils rencontrent. Ceux-ci se forment en nombre et
+attaquent les anabaptistes à leur tour. Après divers combats sans
+résultat, les deux partis éprouvèrent le besoin de se rapprocher, et
+convinrent que chacun serait libre de professer sa croyance. Mais les
+anabaptistes n'observèrent point ce traité; ils écrivirent sous main
+à tous ceux de leur secte qui étaient dans les villes voisines pour
+les faire venir à Munster. «Quittez ce que vous avez, écrivaient-ils;
+maisons, femmes, enfans, laissez tout pour venir à nous. Tout ce que
+vous aurez abandonné, vous sera rendu au décuple...» Quand les riches
+s'aperçurent que la ville se remplissait d'étrangers, ils en sortirent
+comme ils purent, n'y laissant de leur parti que les gens du bas
+peuple. (carême de l'année 1534.)
+
+Les anabaptistes, enhardis par leur départ et par les renforts qui leur
+étaient arrivés, déposèrent aussitôt le conseil de ville qui était
+luthérien, et en composèrent un d'hommes de leur parti.
+
+Quelques jours plus tard, ils pillèrent les églises et les couvens, et
+coururent la ville en tumulte, armés de hallebardes, d'arquebuses et de
+bâtons, criant comme des furieux: «Faites pénitence, faites pénitence!»
+et après: «Hors la ville, impies! hors la ville, ou l'on vous assomme!»
+Ainsi ils chassèrent sans pitié tout ce qui n'était pas des leurs.
+Ni vieillard ni femme enceinte, ne fut excepté. Un grand nombre de
+ces pauvres fugitifs tombèrent entre les mains de l'évêque, qui se
+préparait à assiéger la ville. Sans avoir égard à ce qu'ils n'étaient
+point du parti des anabaptistes, il les fit emprisonner; beaucoup
+d'entre eux furent même cruellement mis à mort.
+
+Les anabaptistes étant maîtres de la ville, leur prophète suprême, Jean
+de Matthiesen, ordonna que tout le monde mît son avoir en commun, sans
+rien céler, sous peine de la vie. Le peuple eut peur et obéit. Les
+biens des fugitifs furent saisis de même. Ce prophète décida encore
+que l'on ne garderait aucun autre livre que la Bible et le Nouveau
+Testament. Tous les autres qu'on put trouver furent brûlés dans la cour
+de la cathédrale. Ainsi le voulait le Père du ciel, disait le prophète.
+On en brûla au moins pour vingt mille florins.
+
+Un maréchal ferrant ayant parlé injurieusement des prophètes, toute la
+commune est assemblée sur le marché, et Jean Matthiesen le tue d'un
+coup de feu. Peu après, ce prophète court tout seul hors la ville, une
+hallebarde à la main, criant que le Père lui a ordonné de repousser les
+ennemis. Il avait à peine passé la porte qu'il fut tué.
+
+Jean de Leyde lui succéda comme prophète suprême, et il épousa sa
+veuve. Il releva le courage du peuple abattu par la mort de son
+prédécesseur. A la Pentecôte, l'évêque fit donner l'assaut, mais il
+fut repoussé avec grande perte. Jean de Leyde nomma douze fidèles
+(parmi lesquels se trouvaient trois nobles) pour être les anciens dans
+Israël... Il déclara aussi que Dieu lui avait révélé des doctrines
+nouvelles sur le mariage; il discuta avec les prédicateurs, qui,
+enfin, se rangèrent à son avis et prêchèrent trois jours de suite
+sur la pluralité des femmes. Un assez grand nombre d'habitans se
+déclarèrent contre la nouvelle doctrine, et firent même prisonniers les
+prédicateurs avec l'un des prophètes; mais bientôt ils furent obligés
+de les relâcher, et quarante-neuf d'entre eux périrent.
+
+A la Saint-Jean de l'année 1534, un nouveau prophète, auparavant
+orfèvre à Warendorff, assembla le peuple, et lui annonça qu'il avait eu
+une révélation d'après laquelle Jean de Leyde devait régner sur toute
+la terre, et occuper le trône de David jusqu'au temps où Dieu le Père
+viendrait lui redemander le gouvernement... Les douze anciens furent
+déposés et Jean de Leyde proclamé roi.
+
+Plus les anabaptistes prenaient de femmes, plus l'esprit de libertinage
+augmentait parmi eux; ils commirent d'horribles excès sur des jeunes
+filles de dix, douze et quatorze ans. Ces violences barbares, et les
+maux du siége irritèrent une partie du peuple. Plusieurs soupçonnaient
+Jean de Leyde d'imposture et songeaient à le livrer à l'évêque. Le roi
+redoubla de vigilance et nomma douze ducs chargés de maintenir la ville
+dans la soumission (jour des Rois 1535). Il promit à ces douze chefs
+qu'ils régneraient à la place de tous les princes de la terre, et il
+leur distribua d'avance des électorats et des principautés. Le «noble
+landgrave de Hesse» est seul excepté de la proscription; ils espèrent,
+disent-ils, qu'il deviendra leur frère... Le roi désigna le jour de
+Pâques comme l'époque où la ville serait délivrée.
+
+... L'une des reines ayant dit à ses compagnes qu'elle ne croyait pas
+conforme à la volonté de Dieu qu'on laissât ainsi le pauvre peuple
+mourir de misère et de faim, le roi la conduisit au marché avec ses
+autres femmes, lui ordonna de s'agenouiller au milieu de ses compagnes
+prosternées comme elle, et lui trancha la tête. Les autres reines
+chantèrent: _Gloire à Dieu au haut des cieux!_ et tout le peuple se
+mit à danser autour. Cependant il n'avait plus à manger que du pain
+et du sel! Vers la fin du siége, la famine fut si grande que l'on y
+distribuait régulièrement la chair des morts; on n'exceptait que ceux
+qui avaient eu des maladies contagieuses. A la Saint-Jean de l'année
+1535, l'évêque apprit d'un transfuge, le moyen d'attaquer la ville avec
+avantage. Elle fut prise le jour même de la Saint-Jean, et, après une
+résistance opiniâtre, les anabaptistes furent massacrés. Le roi, ainsi
+que son vicaire et son lieutenant, fut emmené entre deux chevaux, une
+chaîne double au cou, la tête et les pieds nus... L'évêque l'interpella
+durement sur l'horrible désastre dont il était cause; il lui répondit:
+«François de Waldeck (c'était son nom), si les choses avaient été à mon
+gré, ils seraient tous morts de faim, avant que je t'eusse livré la
+ville.»
+
+Nous trouvons beaucoup d'autres détails intéressans dans une pièce
+insérée au second volume des œuvres allemandes de Luther (édition
+de Witt.) sous le titre suivant: _Nouvelle sur les anabaptistes de
+Munster_[r8].
+
+ [r8] _Ibid._ t. II, 328.
+
+«... Huit jours après que l'assaut a été repoussé par les anabaptistes,
+le roi a commencé son règne en s'entourant d'une cour complète, à
+l'égal d'un prince séculier. Il a institué des maîtres de cérémonies,
+des maréchaux, des huissiers, des maîtres de cuisine, des fourriers,
+des chanceliers, des orateurs (_redner_), des serviteurs pour la table,
+des échansons, etc.
+
+»Une de ses femmes a été élevée au rang de reine, et elle a également
+sa cour à elle. C'est une belle et noble femme de Hollande, mariée
+auparavant à un autre prophète qui a été tué devant Munster et de qui
+elle est encore enceinte.
+
+»Le roi a en outre trente et un chevaux couverts de draps d'or. Il
+s'est fait faire des habits précieux en or et en argent avec les
+ornemens de l'église. Son écuyer est paré comme lui de vêtemens
+superbes pris de ces ornemens, et il porte en outre des bagues d'or; de
+même la reine avec ses vierges et ses femmes.
+
+»Lorsque le roi, dans sa majesté, traverse la ville à cheval, des pages
+l'accompagnent: l'un porte à son côté droit la couronne et la Bible,
+l'autre une épée nue. L'un d'eux est le fils de l'évêque de Munster. Il
+est prisonnier et il sert le roi dans sa chambre.
+
+»Le roi a de même dans sa triple couronne surmontée d'une chaîne d'or
+et de pierreries, la figure du monde percée d'une épée d'or et d'une
+épée d'argent. Au milieu du pommeau des deux épées se trouve une petite
+croix sur laquelle est écrit: _Un roi de la justice sur le monde_. La
+reine porte les mêmes ornemens.
+
+»En cet appareil le roi se rend trois fois par semaine au marché, où
+il monte sur un siége élevé qu'on a fait exprès. Le lieutenant du roi,
+nommé Knipperdolling, se tient une marche plus bas, puis viennent les
+conseillers. Celui qui a affaire au roi s'incline deux fois, se laisse
+tomber à terre à la troisième, et expose ensuite ce qu'il a à dire.
+
+»Un mardi ils ont célébré la sainte Cène dans la _cour du dôme_; ils
+étaient à table au nombre de près de quatre mille deux cents. Trois
+plats furent servis: à savoir du bouilli, du jambon et du rôti; le roi
+et ses femmes et tous leurs domestiques servirent les convives.
+
+»Après le repas, le roi et la reine prirent du gâteau de froment,
+le rompirent et en donnèrent aux autres, disant: «Prenez, mangez et
+annoncez la mort du Seigneur.» De même ils prirent une cruche de vin,
+disant: «Prenez, buvez-en tous et annoncez la mort du Seigneur.»
+
+»Les convives rompirent de même des gâteaux, et se les présentèrent
+les uns aux autres en prononçant ces paroles: «Frère et sœur, prends
+et mange. De même que Jésus-Christ s'est dévoué pour moi, de même je
+veux me dévouer pour toi; et de même que dans ce gâteau les grains de
+froment sont joints, et que les raisins ont été unis pour former ce
+vin, de même nous aussi nous sommes unis.» Ils s'exhortaient en même
+temps à ne rien dire de frivole, ni qui fût contraire à la loi du
+Seigneur. Ensuite ils remercièrent Dieu, d'abord par des prières, et
+puis par des cantiques, surtout par le cantique: _Gloire à Dieu au
+haut des cieux!_ Le roi et ses femmes, avec leurs serviteurs, se mirent
+à table également, ainsi que ceux qui revenaient de la garde.
+
+»Quand tout fut fini, le roi demanda à l'assemblée s'ils étaient tous
+disposés à faire et à souffrir la volonté du Père. Ils répondirent
+tous: _Oui_. Puis le prophète Jean de Warendorff se leva, et dit: «Que
+Dieu lui avait ordonné d'envoyer quelques-uns d'entre eux pour annoncer
+les miracles dont ils avaient été témoins.» Le même prophète ajouta
+que, selon l'ordre de Dieu, ceux qu'il nommerait devaient se rendre
+dans quatre villes de l'Empire, et y prêcher... On donna à chacun un
+fenin d'or de la valeur de neuf florins avec de la monnaie ordinaire
+pour le voyage, et ils partirent le soir même.
+
+»La veille de Saint-Gall, ils parurent dans les villes désignées,
+faisant grand bruit, et criant: «Convertissez-vous et faites pénitence,
+car la miséricorde du Père est à sa fin. La cognée frappe déjà la
+racine de l'arbre. Que votre ville accepte la paix, ou elle va périr.»
+Arrivés devant le conseil des quatre villes, ils étendirent leurs
+manteaux par terre, et y jetèrent les susdites pièces d'or, en disant:
+«Nous sommes envoyés par le Père pour vous annoncer la paix. Si vous
+l'acceptez, mettez tout votre bien en commun; si vous ne voulez pas
+faire cela, nous protesterons devant Dieu avec cette pièce d'or,
+et nous prouverons par elle que vous avez rejeté la paix qu'il vous
+envoyait. Il est arrivé maintenant, le temps annoncé par tous les
+prophètes, ce temps où Dieu ne voudra plus souffrir sur la terre que
+la justice; et quand le roi aura fait régner la justice sur toute la
+face de la terre, alors Jésus-Christ remettra le gouvernement entre les
+mains du Père.»
+
+»Alors ils furent mis en prison et questionnés sur leur croyance, leur
+vie, etc... (Suit l'interrogatoire.) ... Ils disaient qu'il y avait
+quatre prophètes, deux vrais, et deux faux; que les vrais, c'étaient
+David et Jean de Leyde, et les faux, le pape et Luther. «Luther,
+disaient-ils, est pire encore que le pape.» Ils tiennent aussi pour
+damnés tous les autres anabaptistes, quelque part qu'ils se trouvent.
+
+»... Dans Munster, disaient-ils, les hommes ont communément cinq, six,
+sept ou huit femmes, selon leur bon plaisir[1]. Mais chacun est obligé
+d'habiter d'abord avec l'une d'entre elles, jusqu'à ce qu'elle soit
+enceinte. Ensuite, il peut faire comme il lui plaît. Toutes les jeunes
+filles qui ont passé douze ans doivent se marier...
+
+ [1] L'un des interrogés dit que le roi en avait cinq. D'après
+ une autre relation, le nombre en serait monté à la fin jusqu'à
+ dix-sept.
+
+»... Ils détruisent les églises et toutes maisons consacrées à Dieu...
+
+»... Ils attendent à Munster des gens de Groningue et d'autres contrées
+de la Hollande. Eux venus, le roi se lèvera avec toutes ses forces, et
+subjuguera la terre entière.
+
+»Ils tiennent aussi qu'il est impossible de bien comprendre l'Écriture
+sans que des prophètes l'aient expliquée. Quand on discute avec eux
+et qu'ils en viennent à ne pouvoir justifier leur entreprise par
+l'Écriture, ils disent que le Père ne leur donne pas de s'expliquer
+là-dessus. D'autres répondent: Le prophète l'a dit par l'ordre de Dieu.
+
+»Il ne s'en trouva aucun qui voulût se rétracter, ni qui acceptât sa
+grâce à ce prix. Ils chantaient et remerciaient Dieu qui les avait
+jugés dignes de souffrir pour son nom.»
+
+Les anabaptistes sommés par le landgrave de Hesse de se justifier
+relativement au roi qu'ils s'étaient donné, lui répondirent (janvier
+1535)[r9]: «Que les temps de la restitution annoncés par les livres
+saints étaient arrivés, que l'Évangile leur avait ouvert la prison de
+Babylone, et qu'il fallait à présent rendre aux Babyloniens selon leurs
+œuvres; qu'une lecture attentive des prophètes, de l'Apocalypse,
+etc., montrerait évidemment au Landgrave si c'était d'eux-mêmes qu'ils
+avaient institué un roi, ou bien par l'ordre de Dieu, etc.»
+
+ [r9] _Ibid._ t. II, 365.
+
+Suit la convention qui fut arrêtée l'an 1533, entre l'évêque de
+Munster et cette ville par l'entremise des conseillers du Landgrave:
+... Les anabaptistes envoyèrent au landgrave de Hesse leur livre _De
+restitutione_. Il le lut avec indignation et ordonna à ses théologiens
+d'y répondre et d'opposer particulièrement aux anabaptistes neuf
+articles qu'il désigna. Dans ces articles il leur reproche entre autres
+choses: 1º de faire consister la justice non pas dans la foi seule,
+mais dans la foi et les œuvres ensemble; 2º d'accuser injustement
+Luther de n'avoir jamais enseigné les bonnes œuvres; 3º de défendre le
+libre arbitre.
+
+Dans le livre _De restitutione_, les anabaptistes divisaient toute
+l'histoire du monde en trois parties principales. «Le premier monde,
+disent-ils, celui qui exista jusqu'à Noé, fut submergé par les eaux. Le
+second, celui dans lequel nous-mêmes nous vivons encore, sera fondu et
+purifié par le feu. Le troisième sera un nouveau ciel et une nouvelle
+terre, habités par la justice. C'est ce que Dieu a désigné par l'arche
+sainte dans laquelle il y avait le vestibule, le sanctuaire et le
+saint des saints... La venue du troisième monde sera précédée d'une
+restitution et d'un châtiment universels. Les méchans seront tués,
+le règne de la justice préparé, les ennemis du Christ jetés à bas, et
+toutes choses restituées. C'est ce temps qui commence maintenant.»
+
+_Entretien ou discussion qu'Antoine Corvinus et Jean Kymeus ont eue à
+Béverger avec Jean de Leyde, le roi de Munster[r10]._—«Quand le roi
+entra dans notre chambre avec l'escorte qui l'avait tiré de sa prison,
+nous le saluâmes d'une manière amicale et l'invitâmes à s'asseoir près
+du feu. Nous lui demandâmes comment il se portait et s'il souffrait
+dans sa prison. Il répondit qu'il souffrait du froid et se sentait
+mal au cœur, mais qu'il devait tout endurer avec patience, puisque
+Dieu avait ainsi disposé de lui. Peu-à-peu, toujours en lui parlant
+amicalement, car on ne pouvait rien obtenir de lui d'une autre manière,
+nous arrivâmes à parler de son royaume et de sa doctrine, de la manière
+qu'il suit:
+
+ [r10] _Ibid._ t. II, 376.
+
+PREMIER POINT DE L'INTERROGATOIRE.—_Les ministres._ «Cher Jean,
+nous entendons dire de votre gouvernement des choses extraordinaires
+et horribles. Si elles sont telles qu'on le dit, et malheureusement
+cela n'est que trop vrai, nous ne pouvons concevoir comment il vous
+est possible de justifier une semblable entreprise par la sainte
+Écriture...»
+
+_Le roi._ «Ce que nous avons fait et enseigné, nous l'avons fait
+et enseigné avec bon droit, et nous pouvons justifier toute notre
+entreprise, nos actions et notre doctrine devant Dieu et à qui il
+appartient.»
+
+_Les ministres_ lui objectent que dans l'Écriture il n'était question
+que d'un règne spirituel de Jésus-Christ: «Mon royaume n'est pas de ce
+monde,» a-t-il dit lui-même.
+
+_Le roi._ «J'entends très bien ce que vous dites du royaume spirituel
+de Jésus-Christ et je n'attaque nullement les passages que vous citez.
+Mais vous devez savoir distinguer le royaume spirituel de Jésus-Christ,
+lequel se rapporte aux temps de la souffrance, et duquel après tout ni
+vous ni Luther vous n'avez une juste idée, et l'autre royaume, celui
+qui, après la résurrection, sera établi dans ce monde pendant mille
+ans. Tous les versets qui traitent du royaume spirituel de Jésus-Christ
+ont rapport au temps de la souffrance, mais ceux qui se trouvent dans
+les prophètes et dans l'Apocalypse et qui traitent du royaume temporel,
+doivent être rapportés au temps de la gloire et de la puissance que
+Jésus-Christ aura dans le monde avec les siens.
+
+»Notre royaume de Munster a été une image de ce royaume temporel du
+Christ; vous savez que Dieu annonce et désigne beaucoup de choses par
+des figures. Nous avions cru que notre royaume durerait jusqu'à la
+venue du Seigneur, mais nous voyons à présent qu'en ce point notre
+entendement a failli et que nos prophètes ne l'ont pas bien compris
+eux-mêmes. Dieu nous en a, dans la prison, ouvert et révélé la
+véritable intelligence...
+
+»Je n'ignore pas que vous rapportez communément au royaume spirituel du
+Christ ces passages et d'autres semblables, qui pourtant doivent, sans
+aucun doute, être entendus du royaume temporel. Mais qu'est-ce que ces
+interprétations spirituelles, et à quoi servent-elles, si rien ne doit
+se réaliser un jour?... Dieu a créé le monde principalement pour se
+complaire dans les hommes auxquels il a donné un reflet de sa force et
+de sa puissance.»
+
+_Les ministres_ «... Et comment vous justifierez-vous quand Dieu vous
+dira au jugement dernier: Qui t'a fait roi? Qui t'a ordonné de répandre
+dans le monde de si effroyables erreurs, au grand détriment de ma
+parole?»
+
+_Le roi._ «Je répondrai: Les prophètes de Munster me l'ont ordonné
+comme étant votre volonté divine, en preuve de quoi ils m'ont donné en
+gage leur corps et leur âme.»
+
+_Les ministres_ lui demandent ce qu'il en est des révélations divines
+qu'il aurait eues, dit-on, au sujet de son élévation à la royauté.
+
+_Le roi._ «Je n'ai pas eu de révélation à ce sujet, seulement il m'est
+venu des pensées, comme s'il devait y avoir un roi à Munster, et que
+moi je dusse être ce roi. Ces pensées m'ébranlèrent et m'affligèrent
+profondément. Je priais Dieu de vouloir bien prendre en considération
+mon inhabileté, et de ne point me charger d'un tel fardeau. Au cas où
+il ne voudrait pas m'épargner cette peine, je le priais de me faire
+désigner par des prophètes dignes de foi et en possession de sa parole.
+Je m'en tins là et n'en dis rien à personne. Mais quinze jours après un
+prophète se leva au milieu de la commune et s'écria que Dieu lui avait
+signifié que Jean de Leyde devait être roi. Il annonça la même chose au
+conseil, qui aussitôt se conforma à ce qu'il disait, se démit de son
+pouvoir et me proclama roi avec toute la commune. Il me remit aussi le
+glaive de la justice. C'est ainsi que je suis devenu roi.»
+
+DEUXIÈME ARTICLE.—_Le roi._ «... Nous ne nous sommes opposés à
+l'autorité que parce qu'elle voulait nous interdire notre baptême et la
+parole de Dieu. Nous avons résisté à la violence. Vous prétendez que
+nous avons agi injustement en cela, mais saint Pierre ne dit-il pas
+qu'on doit obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes?... Vous ne réprouveriez
+pas tout ce que nous avons fait, si vous saviez comment les choses se
+sont passées...»
+
+_Les ministres._ «Parez et justifiez vos actes, comme vous voudrez,
+vous n'en serez pas moins éternellement des rebelles, coupables du
+crime de lèse-majesté. Le chrétien doit souffrir et ne point résister
+au méchant. Quand même tout le conseil se fût rangé de votre parti
+(ce qui n'a pas eu lieu), vous auriez dû supporter la violence plutôt
+que de commencer un schisme, une sédition, une tyrannie pareils,
+contrairement à la parole de Dieu, à la majesté de l'Empereur, à la
+dignité royale, à celle de l'électorat et des princes et états de
+l'Empire.»
+
+_Le roi._ «Nous savons ce que nous avons fait: Que Dieu soit notre
+juge.»
+
+_Les ministres._ «Nous aussi, nous savons sur quoi est fondé ce que
+nous disons. Que Dieu soit notre juge aussi.»
+
+TROISIÈME ARTICLE.—_Le roi._ «... Nous avons été assiégés et détruits
+à cause de la parole divine; c'est pour elle que nous avons souffert
+la faim et tous les maux, que nous avons perdu les nôtres, et que nous
+sommes tombés dans une si lamentable calamité! Ceux d'entre nous qui
+sont encore en vie, mourront sans résistance et sans plainte, comme
+l'agneau qu'on immole...»
+
+CINQUIÈME ARTICLE.—Le roi dit qu'il a long-temps été de l'avis de
+Zwingli, mais qu'il est revenu à croire en la transsubstantiation.
+Seulement il n'accorde pas à ses interlocuteurs que celle-ci s'opère
+aussi dans celui qui n'a pas la foi.
+
+SIXIÈME ARTICLE.—_Les ministres._ «... Que voulez-vous donc faire
+de Jésus-Christ, s'il n'a pas reçu chair et sang de sa mère Marie?
+Voulez-vous qu'il soit un fantôme, un spectre? Il serait besoin
+que notre Urbanus Regius fît imprimer un second livre pour vous
+faire comprendre votre langue natale[2], sans cela vos têtes d'ânes
+résisteront toujours à l'instruction.»
+
+ [2] Ceci se rapporte à l'interprétation du mot: né, _geboren_.
+
+_Le roi._ «Si vous saviez quelle consolation infinie est renfermée dans
+cette connaissance que Jésus-Christ, Dieu et fils du Dieu vivant, s'est
+fait homme et a versé son sang, non pas celui de Marie, pour racheter
+nos péchés (lui qui est pur de toute faute), vous ne parleriez pas
+comme vous faites et vous ne trouveriez pas notre opinion si mauvaise.»
+
+SEPTIÈME ARTICLE sur la polygamie.—Le roi oppose aux ministres
+l'exemple des patriarches. Les ministres se retranchent derrière
+l'usage généralement établi dans les temps modernes, et déclarent
+que le mariage est _res politica_. Le roi dit qu'il vaut mieux avoir
+beaucoup d'épouses, que beaucoup de prostituées, et termine cet
+entretien, comme le second, par ces mots: «Que Dieu soit notre juge.»
+
+Quoique rédigé par les prédicateurs, l'effet de cette discussion ne
+leur est pas favorable. On ne peut s'empêcher d'admirer la fermeté,
+le bon sens, et la modeste simplicité du roi de Munster, qui ressort
+encore par la dureté pédantesque de ses interlocuteurs.
+
+Corvinus et Kymeus au lecteur chrétien:—«Nous avons représenté notre
+entretien avec le roi à-peu-près mot pour mot, sans passer un seul de
+ses argumens; seulement nous les avons mis en notre langage et posés
+plus convenablement qu'il ne le faisait... Environ huit jours après,
+il envoya vers nous pour nous prier de venir encore une fois traiter
+avec lui... Nous discutâmes de nouveau pendant deux jours; il se trouva
+plus docile que la première fois, mais nous n'avons vu en cela que le
+désir de sauver sa vie. Il déclara de son propre mouvement que si on le
+prenait en grâce, il voulait avec le secours de Melchior Hoffmann et
+de ses reines, exhorter tous les anabaptistes, qui sont très nombreux,
+selon lui, dans la Hollande, le Brabant, l'Angleterre et la Frise, à
+se taire désormais, à obéir, et même à faire baptiser leurs enfans,
+jusqu'à ce que l'autorité s'arrangeât avec eux sur les affaires de
+religion.» ... Suit la nouvelle confession de foi de Jean de Leyde, par
+laquelle il modifie quelques points de la première. En exhortant les
+anabaptistes à l'obéissance, il n'entend qu'une obéissance extérieure.
+Il ne cède point sur le fond des doctrines, et veut qu'on laisse les
+consciences libres. Quant à l'eucharistie, il déclare que tous ses
+confrères sont zwingliens sur ce point, et que lui-même il l'avait
+toujours été, mais que dans sa prison Dieu lui a fait connaître ses
+erreurs. Cette confession est signée en hollandais: _Moi, Jean de
+Leyde, signé de ma propre main_.
+
+Le 19 janvier 1536, Jean de Leyde, ainsi que Knipperdolling et
+Krechting, son vicaire et son lieutenant, furent tirés de leurs
+cachots[r11]. Le lendemain, l'évêque leur envoya son chapelain pour
+conférer avec chacun d'eux séparément, sur leurs croyances et sur
+les actes qu'ils avaient commis. Le roi témoigna du repentir et se
+rétracta, mais les deux autres persistèrent et ne s'avouèrent coupables
+en rien... Le 22 au matin, toutes les portes de Munster furent fermées;
+on ne laissa plus entrer ni sortir, et vers les huit heures, le roi,
+dépouillé jusqu'à la ceinture, fut conduit sur un échafaud dressé dans
+le marché. Deux cents fantassins et trois cents cavaliers se tenaient
+auprès. L'affluence du peuple était extrême. Il fut attaché à un
+poteau, et deux bourreaux le déchirèrent tour-à-tour avec des tenailles
+ardentes. Enfin l'un d'eux lui plongea un couteau dans la poitrine, et
+termina ainsi l'exécution qui durait depuis une heure.
+
+ [r11] _Ibid._ t. II, 400.
+
+«Aux trois premiers coups de tenailles le roi ne laissa entendre aucun
+cri, mais après il s'écria sans cesse, les yeux tournés au ciel: _O
+mon Père, ayez pitié de moi!_ et il pria Dieu avec ardeur, pour la
+rémission de ses péchés. Quand il se sentit défaillir, il dit: _O mon
+Père, je remets mon esprit entre tes mains!_ et il expira.»
+
+«Le cadavre fut jeté sur une claie et traîné devant la tour de
+Saint-Lambert, où étaient préparés trois paniers de fer. Arrivé là, on
+l'attacha avec des chaînes dans l'un de ces paniers, et les paysans le
+hissèrent au haut de la tour, où il fut suspendu à un crochet.»—Le
+supplice de Knipperdolling et de Krechting fut le même que celui du
+roi. Ils persistèrent jusqu'à la fin dans tout ce qu'ils avaient dit.
+«Pendant l'exécution ils n'invoquèrent que le Père, sans faire mention
+du Christ, comme c'était l'usage de leur secte. Ni l'un ni l'autre,
+ne dit rien de remarquable: peut-être leur silence était-il la suite
+des tourmens qu'ils avaient endurés dans la prison, car ils semblaient
+déjà plus morts que vifs. Leurs corps furent mis dans les deux autres
+paniers de fer, et hissés par les paysans, l'un à la droite, l'autre
+à la gauche du roi, mais plus bas de la hauteur d'un homme. Alors on
+rouvrit les portes de la ville, et il y entra une grande foule de gens
+venus trop tard pour voir l'exécution[a28].»
+
+_Préface de Luther aux Nouvelles, sur les affaires de Munster[r12]._
+«Ah! que dois-je, et comment dois-je écrire contre ou sur ces pauvres
+gens de Munster! N'est-il pas visible que le diable y règne en
+personne, ou plutôt qu'il y a là toute une bande de diables?
+
+ [r12] _Ibid._ t. II, 332.
+
+»Reconnaissons pourtant ici la grâce et la miséricorde infinies de
+Dieu. Après que l'Allemagne, par tant de blasphèmes, par le sang
+de tant d'innocens, a mérité une si rude férule, le père de toute
+miséricorde ne permet pas encore au diable de frapper son vrai coup, il
+nous avertit d'abord paternellement par ce jeu grossier que Satan fait
+à Munster. La puissance de Dieu contraint l'esprit aux cent ruses à s'y
+prendre d'abord avec gaucherie et maladresse, afin de nous laisser le
+temps d'échapper par la pénitence, aux coups mieux calculés qu'il nous
+réservait.
+
+»En effet, l'esprit qui veut tromper le monde ne doit pas commencer par
+prendre des femmes, par étendre la main vers les honneurs et le glaive
+royal, ou bien par égorger les gens; ceci est trop grossier. Chacun
+s'aperçoit que cet esprit ne veut autre chose que s'élever lui-même et
+opprimer les autres. Ce qu'il faut pour tromper, c'est de mettre un
+habit gris, de prendre un air triste et piteux, de pencher la tête,
+de refuser l'argent, de ne pas manger de viande; de fuir les femmes à
+l'égal du poison, de repousser comme damnable tout pouvoir temporel, de
+rejeter le glaive; puis de se baisser tout doucement vers la couronne,
+le glaive et les clés, pour les ramasser et s'en saisir furtivement.
+Voilà qui pourrait réussir, voilà qui tromperait même les sages, les
+hommes tournés au spirituel. Ce serait là un beau diable, à plumes plus
+belles que plumes de paon et de faisan.
+
+»Mais saisir la couronne si impudemment, prendre non-seulement une
+femme, mais autant de femmes que dit le caprice et le plaisir. Ah!
+c'est le fait d'un diablotin écolier, d'un diable à l'A B C; ou bien
+c'est le véritable Satan, le Satan docte et habile, mais garrotté
+par la main de Dieu de chaînes si puissantes qu'il n'a pu agir plus
+adroitement. C'est pour nous menacer tous et nous exhorter à craindre
+ses châtimens, avant qu'il ne laisse le champ libre à un diable savant
+qui nous attaquerait, non plus avec l'A B C, mais avec le véritable
+texte, le texte difficile. S'il fait de telles choses comme diablotin
+à l'école, que ne pourrait-il faire comme diable raisonnable, sage,
+savant, légiste, théologien?
+
+»... Lorsque Dieu est en colère et qu'il nous prive de sa parole, nulle
+tromperie du diable n'est trop grossière. Les commencemens de Mahomet
+aussi furent grossiers; cependant, Dieu n'y mettant obstacle, il en est
+sorti un empire damnable et infâme, comme tout le monde sait. Si Dieu
+ne nous eût pas été en aide contre Münzer, il se fût élevé par lui un
+empire turc, comme celui de Mahomet. En somme: nulle étincelle n'est si
+petite, que Dieu y laissant souffler le diable, il n'en puisse sortir
+un feu qui dévore le monde, et que personne n'éteigne. La meilleure
+arme contre le diable c'est le glaive de l'esprit, la parole de Dieu;
+le diable est un esprit et il se moque des cuirasses, des chevaux et
+des cavaliers.
+
+»Mais nos seigneurs évêques et princes, ne veulent pas souffrir que
+l'on prêche l'Évangile, et que, par la parole divine, l'on arrache
+les âmes au diable; ils pensent qu'il suffit d'égorger. De cette
+manière ils prennent au diable les corps, ils lui laissent les âmes;
+ils réussiront comme les Juifs, qui croyaient exterminer Christ en le
+crucifiant.....
+
+»..... Ceux de Munster, entre autres blasphèmes, parlent de la
+naissance de Jésus-Christ, comme s'il ne venait pas (c'est leur
+langage) de la semence de Marie et que cependant il fût de la semence
+de David. Mais ils ne s'expliquent pas clairement. Le diable garde la
+bouillie ardente dans la bouche et ne fait que grommeler: _mum, mum_,
+voulant probablement dire pis. Toutefois ce que l'on comprend, c'est
+que, d'après eux, la semence ou la chair de Marie ne pourrait pas nous
+racheter. Eh bien! diable, grommèle et crache tant que tu voudras, le
+seul petit mot: _né_, renverse tout cela. Dans toutes les langues,
+sur toute la terre, on appelle _né_ l'enfant de chair et de sang qui
+sort des entrailles de la femme, et non autre chose. Or l'Écriture dit
+partout que Jésus-Christ est _né_ de sa mère Marie, qu'il est son fils
+premier né: ainsi Isaïe, Gabriel, et ailleurs: «Tu seras enceinte en
+ton corps,» etc. Mon cher, _être enceinte_ ne signifie pas: être un
+tuyau par lequel il coule de l'eau (selon les blasphèmes de Manichée);
+mais cela veut dire qu'un enfant est pris de la chair et du sang de sa
+mère, qu'il est nourri en elle, qu'il y prend croissance, qu'il est à
+la fin mis au monde.
+
+»L'autre proposition de ces gens, celle par laquelle ils condamnent
+le baptême des enfans et en font une chose païenne, est de même assez
+grossière. Ils regardent comme mauvais tout ce que les impies ont et
+donnent. Pourquoi donc alors ne tiennent-ils pas pour mauvais l'or,
+l'argent et les autres biens qu'ils ont pris aux impies dans Munster.
+Ils devraient faire de l'or et de l'argent tout neuf.....
+
+»Leur méchant royaume est si visiblement un royaume de grossière
+imposture et de révolte qu'il n'est pas besoin d'en parler. J'en ai
+déjà trop dit: Je m'arrête.»[a29]
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+1536-1545.
+
+ Dernières années de la vie de Luther.—Polygamie du landgrave
+ de Hesse, etc.
+
+
+Les catholiques et les protestans réunis un instant contre les
+anabaptistes, n'en furent ensuite que plus ennemis[a30]. On parlait
+toujours d'un concile général; personne n'en voulait sérieusement. Le
+pape le redoutait, les protestans le récusaient d'avance.
+
+«On m'écrit de la diète, que l'Empereur presse les nôtres de consentir
+à un concile, et qu'il se courrouce de leur refus. Je ne comprends pas
+ces monstruosités. Le pape nie que des hérétiques comme nous puissent
+avoir place à un concile: l'Empereur veut que nous consentions au
+concile et à ses décrets. C'est peut-être Dieu qui les rend fous...
+Mais voici sans doute leur folle combinaison. Comme jusqu'à présent
+ils n'ont pu, sous le nom du pape, de l'Église, de l'Empereur, des
+diètes, rendre redoutable leur mauvaise cause, ils pensent maintenant
+à se couvrir du nom de concile afin de pouvoir crier contre nous: que
+nous sommes des gens tellement perdus et désespérés que nous ne voulons
+écouter ni le pape, ni l'Église, ni l'Empereur, ni l'Empire, ni le
+concile même que nous avons tant de fois demandé. Voyez l'habileté de
+Satan contre ce pauvre sot de Dieu, qui aura sans doute de la peine
+à se tirer de piéges si bien dressés?... Non, c'est le Seigneur, qui
+se jouera de ceux qui se jouent de lui. S'il nous faut consentir à un
+concile ainsi disposé pour nous, pourquoi, il y a vingt-cinq ans, ne
+nous sommes-nous pas soumis au pape, seigneur des conciles, et à toutes
+ses bulles?» (9 juillet 1545.)
+
+Ce concile aurait pu resserrer l'unité de la hiérarchie catholique,
+mais non rétablir celle de l'Église. Les armes devaient seules
+décider[a31]. Déjà les protestans avaient chassé les Autrichiens du
+Wurtemberg. Ils dépouillaient Henri de Brunswick, qui exécutait à
+son profit les arrêts de la chambre impériale. Ils encourageaient
+l'archevêque de Cologne à imiter l'exemple d'Albert de Brandebourg, en
+sécularisant son archevêché, ce qui leur eût donné la majorité dans
+le conseil électoral. Cependant il y eut encore quelques tentatives
+de conciliation. Des conférences s'ouvrirent à Worms et à Ratisbonne
+(1540—1541)[a32]. Elles furent aussi inutiles que celles qui les
+avaient précédées. Luther ne s'y trouva point et donna même peu
+d'attention à ces disputes qui de jour en jour prenaient un caractère
+plus politique que religieux.
+
+«Il ne m'est rien venu de Worms, si ce n'est ce que m'écrit Mélanchton,
+qu'il s'y est réuni une telle multitude de doctes personnages de
+France, d'Italie, d'Espagne et d'Allemagne, que dans aucun synode
+pontifical on n'en pourra jamais voir un aussi grand nombre.» (27
+novembre 1540.)
+
+«J'ai reçu des nouvelles de Worms. Les nôtres procèdent avec force et
+sagesse, nos adversaires, comme gens sots et ineptes, n'usent que de
+ruses et de mensonges. On croirait voir Satan lui-même, quand se lève
+l'aurore, courir çà et là cherchant, sans pouvoir trouver, quelque
+sombre repaire pour échapper à cette lumière qui le poursuit.» (9
+janvier 1541.)
+
+Après une nouvelle conférence de théologiens des deux partis, on
+voulut avoir l'opinion de Luther sur dix articles dont on était
+convenu. «Notre prince apprenant que l'on venait directement à moi sans
+s'adresser à lui, accourut avec Pontanus, et tous deux arrangèrent la
+réponse à leur façon[a33].»
+
+Quelques années auparavant, cette intervention du prince aurait soulevé
+l'indignation de Luther. Ici il en parle sans colère, le dégoût et la
+lassitude commencent à s'emparer de lui. Il voit bien qu'en travaillant
+à rétablir l'Évangile dans sa pureté primitive, il n'a fait que fournir
+aux puissans du siècle les moyens de satisfaire leurs ambitions
+terrestres, et qu'ils font chaque jour bon marché de son Christ.
+
+«Notre excellent prince m'a donné à lire les conditions qu'il veut
+proposer pour avoir la paix avec l'Empereur et nos adversaires. Je vois
+qu'ils regardent toute cette affaire comme une comédie qui se joue
+entre eux, tandis que c'est une tragédie entre Dieu et Satan, où Satan
+triomphe et où Dieu est humilié[a34]. Mais viendra la catastrophe où le
+Tout-Puissant, auteur de cette tragédie, nous donnera la victoire. Je
+suis indigné qu'on se joue ainsi de si grandes choses[a35].» (4 avril
+1541.)
+
+
+Nous avons vu de bonne heure dans quelle triste dépendance la Réforme
+s'était trouvée à l'égard des princes qui la protégeaient; Luther eut
+le temps de voir les conséquences où cette dépendance devait aboutir.
+Ces princes, c'étaient des hommes; il fallut les servir, non-seulement
+comme princes, mais comme hommes, dans leurs caprices, dans les besoins
+de leur humanité. De là, des concessions qui sans être contraires aux
+principes de la Réforme, semblèrent peu honorables aux réformateurs.
+
+Le chef le plus belliqueux du parti protestant, l'impétueux et
+colérique landgrave de Hesse, fit représenter à Luther et aux ministres
+que sa santé ne lui permettait pas de se contenter d'une femme. Les
+instructions qu'il donna à Bucer[r13] pour négocier cette affaire
+avec les théologiens de Wittemberg, sont un curieux mélange de
+sensualité, de craintes religieuses et de naïveté hardie.
+
+ [r13] Bossuet en a donné le texte dans son histoire des
+ _Variations de l'Église protestante_.—t. I, 328, 199.
+
+«Depuis mon mariage, écrit-il, je vis dans l'adultère et la
+fornication; et comme je ne veux point abandonner cette vie, je ne puis
+m'approcher de la Sainte-Table; car saint Paul a dit que l'adultère ne
+possèdera pas le royaume des cieux.» Il énumère ensuite les raisons
+qui le forcent à vivre ainsi. «Ma femme, dit-il, n'est ni belle, ni
+aimable; elle sent mauvais, elle boit, et mes chambellans savent bien
+comment elle se comporte alors, etc.»—Je suis d'une forte complexion,
+les médecins peuvent le témoigner, souvent je vais aux diètes
+impériales. «_Ubi lautè vivitur et corpus curatur; quomodo me ibi
+gerere queam absque uxore, cùm non semper magnum gynæceum mecum ducere
+possim?..._» Comment puis-je punir la fornication et les autres crimes,
+lorsque moi-même je m'en rends coupable, lorsque tous pourraient me
+dire: Maître, commence par toi... Si nous prenions les armes pour la
+cause de l'Évangile, je ne le ferais qu'avec une conscience troublée,
+car je me dirais: Si tu meurs en cette guerre, tu vas au démon... J'ai
+lu avec soin l'Ancien et le Nouveau Testament, et je n'y ai trouvé
+d'autre remède que de prendre une seconde femme, car je ne puis, ni
+ne veux changer la vie que je mène. Je l'atteste par-devant Dieu, ce
+qu'Abraham, Jacob, David, Lamech et Salomon ont fait, pourquoi ne le
+puis-je faire?» Cette question de la polygamie avait été agitée déjà
+dans les premières années du protestantisme; on la trouvait partout
+dans l'Écriture à laquelle la Réforme disait vouloir ramener le
+monde. Les réformateurs considéraient d'ailleurs le mariage _ut res
+politica_, et sujette aux réglemens du prince. En présence de cette
+question, Luther recula d'abord; la chose lui répugnait, mais il
+n'osait condamner l'Ancien Testament. D'ailleurs la doctrine que le
+Landgrave invoquait, était précisément celle que Luther avait adoptée
+en principe dès les commencemens de la Réforme, quoiqu'il ne conseillât
+pas de la pratiquer; il avait écrit en 1524: «Il faut que le mari
+soit certain par sa propre conscience et par la parole de Dieu, que
+la polygamie lui est permise. ..... Pour moi, j'avoue que je ne puis
+mettre d'opposition à ce qu'on épouse plusieurs femmes, et que cela
+ne répugne pas à l'Écriture sainte. Cependant je ne voudrais pas que
+cet exemple s'introduisît parmi les chrétiens, à qui il convient de
+s'abstenir même de ce qui est permis, pour éviter le scandale et pour
+maintenir l'_honestas_ que saint Paul exige en toute occasion. Il est
+tout-à-fait indigne d'un chrétien de courir avec tant d'ardeur pour
+son propre avantage jusqu'aux dernières limites de la liberté, et de
+négliger pourtant les choses les plus vulgaires et les plus nécessaires
+de la charité. Aussi je n'ai point voulu, dans mon sermon, ouvrir cette
+fenêtre.» (13 janvier 1524.)
+
+«La polygamie permise autrefois aux Juifs et aux gentils, ne peut,
+d'après la foi, exister chez les chrétiens si ce n'est dans un cas
+d'absolue nécessité, comme quand on est obligé de se séparer de sa
+femme lépreuse, etc. Tu diras donc à ces hommes de chair que s'ils
+veulent être chrétiens, il leur faut maîtriser la chair et ne point lui
+lâcher la bride. S'ils veulent être gentils, qu'ils le soient, mais à
+leurs risques et périls.» (21 mars 1527.)
+
+Un jour Luther demanda au docteur Basilius si, d'après les lois, le
+mari dont la femme aurait quelque maladie incurable, et serait, pour
+ainsi dire, plus morte que vivante, pourrait être autorisé à prendre
+une concubine. Le docteur Basilius ayant répondu que dans certains
+cas, cette permission serait probablement accordée, Luther dit: «C'est
+là une chose dangereuse, car si l'on admet les cas de maladie, l'on
+pourrait venir chaque jour inventer de nouvelles raisons de dissoudre
+les mariages.» (1539).
+
+Le message du Landgrave jeta Luther dans un grand embarras. Tout ce
+qu'il y avait de théologiens protestans à Wittemberg, se réunit pour
+dresser une réponse; on résolut de composer avec ce prince. On lui
+accorda le double mariage, mais à condition que sa seconde femme ne
+serait point reconnue publiquement. «Votre Altesse comprend assez
+d'elle-même la différence qu'il y a d'établir une loi universelle ou
+d'user de dispense en un cas particulier pour de pressantes raisons.
+Nous ne pouvons introduire publiquement et sanctionner comme par une
+loi la permission d'épouser plusieurs femmes... Nous prions Votre
+Altesse de considérer dans quel danger serait un homme convaincu
+d'avoir introduit en Allemagne une telle loi, qui diviserait les
+familles et les engagerait en des procès éternels..... Votre Altesse
+est d'une complexion faible, elle dort peu; de grands ménagemens lui
+sont nécessaires... Le grand Scanderbeg exhortait souvent ses soldats
+à la chasteté, disant qu'il n'y avait rien de si nuisible à leur
+profession que le plaisir de l'amour... Qu'il plaise donc à Votre
+Altesse d'examiner sérieusement les considérations du scandale, des
+travaux, des soins, des chagrins et des infirmités qui lui ont été
+représentées... Si cependant Votre Altesse est entièrement résolue
+d'épouser une seconde femme, nous jugeons qu'elle doit le faire
+secrètement... Fait à Wittemberg, après la fête de saint Nicolas, de
+l'an 1539[a36]. Martin LUTHER, Philippe MELANCHTON, Martin BUCER,
+Antoine CORVIN, ADAM, Jean LENING, Justin WINTFERT, Dyonisius
+MELANTHER.»
+
+C'était une chose dure que de forcer Luther qui, comme théologien et
+père de famille, tenait à la sainteté du mariage, de déclarer qu'en
+vertu de l'Ancien Testament, deux femmes pouvaient s'asseoir avec leurs
+jalousies et leurs haines au même foyer domestique. Cette croix, il
+la sentit douloureusement. «Quant à l'affaire _macédonique_, ne t'en
+afflige pas trop, puisque les choses en sont venues au point que ni
+joie ni tristesse n'y peuvent rien. Pourquoi nous tuer nous-mêmes?
+pourquoi souffrir que la tristesse nous ôte la pensée de celui qui a
+vaincu toutes les morts et toutes les tristesses? Celui qui a vaincu le
+diable et jugé le prince de ce monde, n'a-t-il pas en même temps jugé
+et vaincu ce scandale?... A leurs yeux, nos vertus sont des vices quand
+nous n'adorons point Satan avec eux. Que Satan triomphe donc, et n'en
+concevons ni chagrin, ni tristesse; mais réjouissons-nous en Christ,
+qui brisera les efforts de tous nos ennemis.» (18 juin 1540).
+
+Il semble qu'il ait espéré, pour éviter ce scandale, l'intervention de
+l'Empereur.
+
+«Si César et l'Empire le voulaient, comme ils seront forcés de le
+vouloir, ils feraient bientôt cesser par un édit ce scandale, afin que
+cela ne puisse devenir pour l'avenir un droit ou un exemple.»
+
+Depuis cette époque, les lettres de Luther, comme celles de Mélanchton,
+sont pleines de dégoût et de tristesse[a37].
+
+Quelqu'un demandant à Luther de l'appuyer par une lettre près de la
+cour de Dresde, Luther lui répond qu'il a perdu tout crédit, toute
+influence. Dans les lettres précédentes, il se trouve parfois des
+expressions amères contre cette cour. _Mundana illa caula._
+
+«J'assisterai à tes noces, mon cher Lauterbach, mais en esprit et par
+la prière. Car que j'y aille de corps, ce n'est pas seulement la
+multitude des affaires qui m'en empêche, mais le danger d'offenser ces
+mamelucks et la reine de ce royaume (la duchesse Catherine de Saxe?);
+car qui n'est offensé de la folie de Luther?»
+
+«Tu me demandes, mon cher Jonas, de t'écrire de temps à autre quelques
+mots de consolation. Mais c'est moi plus que personne qui ai besoin
+que tes lettres viennent rendre quelque vie à mon esprit, moi qui
+comme Loth ai tant à souffrir au milieu de cette infâme et satanique
+ingratitude, de cet horrible mépris de la parole du Seigneur. Il faut
+que je voie Satan posséder les cœurs de ceux qui croient qu'à eux
+seuls sont réservées les premières places dans le royaume de Christ!»
+
+Les protestans commençaient déjà à se relâcher de leur sévérité. On
+rouvrait les maisons de débauches. Il vaudrait mieux, dit Luther, ne
+pas avoir chassé Satan que de le ramener en plus grande force. (13
+septembre 1540.)
+
+«Le pape, l'Empereur, le Français, Ferdinand, ont envoyé auprès du
+Turc, pour demander la paix, une ambassade magnifique chargée de riches
+présens. Et ce qu'il y a de plus beau, c'est que pour ne pas blesser
+les yeux des Turcs, ils ont tous quitté le costume de leur pays, et se
+sont parés de longues robes à la mode turque... J'espère que ce sont
+les signes bienheureux de la fin imminente de toutes choses.» (17
+juillet 1745.)
+
+_A Jonas._ «Je te dis à l'oreille que j'ai de grands soupçons qu'on
+nous enverra seuls, nous autres luthériens, à la guerre contre le Turc.
+Le roi Ferdinand a enlevé de Bohême l'argent de la guerre, et a défendu
+qu'on fît partir un seul soldat. L'Empereur ne fait rien. Et si c'était
+leur dessein que nous fussions exterminés par le Turc?» (29 décembre
+1542.)
+
+«Rien de nouveau ici, sinon que le margrave de Brandebourg se fait une
+mauvaise réputation par tout le monde au sujet de la guerre de Hongrie.
+Ferdinand n'en a pas une meilleure. Je vois un concours de tant de
+motifs et de très vraisemblables, que je ne puis m'empêcher de croire
+que tout cela indique une horrible et funeste trahison.» (26 janvier
+1542.)
+
+«Je le demande, qu'arrivera-t-il enfin de cette horrible trahison des
+princes et des rois?» (16 décembre 1543.)
+
+«Puisse Dieu nous venger des incendiaires (presque tous les mois il
+parle d'incendies qui ont lieu à Wittemberg)! Satan a trouvé un nouveau
+moyen de nous tuer. On jette du poison dans le vin, du plâtre dans le
+lait[a38]. A Iéna, douze personnes ont été empoisonnées dans du vin.
+Peut-être sont-elles mortes seulement pour avoir trop bu. Cependant
+on assure qu'à Magdebourg et à Northuse, on a trouvé des marchands
+vendant du lait empoisonné.» (avril 1541.) Dans une des lettres
+suivantes, il fait mention d'une histoire d'hosties empoisonnées.—A
+Amsdorf, à l'occasion de la peste de Magdebourg. «Ce que tu me mandes
+de la frayeur que l'on a aujourd'hui de la peste, j'en ai fait aussi
+l'épreuve il y a quelques années; et je m'étonne de voir que, plus se
+répand la prédication de la vie en Jésus-Christ, plus augmente dans le
+peuple la peur de la mort, soit qu'auparavant, sous le règne du pape,
+un faux espoir de vie diminuât pour eux la crainte de la mort, et que
+maintenant la véritable espérance de vie étant mise devant leurs yeux,
+ils sentent combien la nature est faible pour croire au vainqueur de
+la mort, soit que Dieu nous tente par ces faiblesses et laisse prendre
+à Satan, au milieu de cette frayeur, plus de hardiesse et de force.
+Tant que nous avons vécu dans la foi du pape, nous étions comme des
+gens ivres, endormis ou fous, prenant la mort pour la vie, c'est-à-dire
+ignorant ce que c'est que la mort et la colère de Dieu. Maintenant que
+la lumière a brillé et que la colère de Dieu nous est mieux connue, la
+nature est sortie du sommeil et de la folie. De là vient qu'ils ont
+plus de peur qu'autrefois... J'ajoute et j'applique ici ce passage
+du psaume LXXI: _Ne me rejetez pas dans le temps de ma vieillesse;
+lorsque ma force succombera, ne m'abandonnez pas_. Car je pense que ce
+temps suprême est la vieillesse du Christ et le temps de l'abattement,
+c'est-à-dire que c'est le grand et dernier assaut du diable, comme
+David, dans ses derniers jours, affaibli par l'âge, eût été tué par
+le géant, si Abisaï ne fût venu à son aide... J'ai appris presque
+toute cette année à chanter avec saint Paul: _Quasi mortui et ecce
+vivimus_. Et ailleurs: _Per gloriam vestram quotidiè morior_. Et quand
+il dit aux Corinthiens, _In mortibus frequenter_, ce n'a pas été chez
+lui spéculation ou méditation sur la mort, mais sentiment de la mort
+elle-même, comme s'il n'y avait plus d'espérance de vie.» (20 novembre
+1538.)
+
+«J'espère qu'au milieu du déchirement du monde, le Christ va hâter son
+jour et fera écrouler l'univers, _Ut fractus illabatur orbis_.» (12
+février 1538.)
+
+
+
+
+LIVRE IV.
+
+1530-1546.
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER.
+
+ Conversations de Luther.—La famille[a39], la femme[a40],
+ les enfans. La nature.
+
+
+Arrêtons-nous dans cette triste histoire des dernières années de
+la vie publique. Réfugions-nous, comme Luther, dans la vie privée;
+asseyons-nous à sa table, à côté de sa femme, au milieu de ses enfans
+et de ses amis; écoutons les paroles graves du pieux et tendre père de
+famille[a41].
+
+
+«Celui qui insulte les prédicateurs et les femmes ne réussira pas
+bien[r14]. C'est des femmes que viennent les enfans par quoi se
+maintient le gouvernement de la famille et de l'état. Qui les méprise,
+méprise Dieu et les hommes.
+
+ [r14] Tischr. 241.
+
+»Le droit saxon est trop dur, lorsqu'il donne seulement à la veuve un
+siége et une quenouille[r15]. Par le premier mot, il faut entendre
+la maison; par le second, l'entretien, la subsistance. On paie bien un
+valet. Que dis-je? on donne plus à un mendiant.
+
+ [r15] _Ibid._ 315 _bis_.
+
+»Il n'y a point de doute que les femmes en mal d'enfant, qui meurent
+dans la foi, sont sauvées, parce qu'elles meurent dans la charge et la
+fonction pour laquelle Dieu les a créées[r16].
+
+ [r16] _Ibid._ 116.
+
+»C'est l'usage dans les Pays-Bas, que chaque nouveau et jeune prêtre se
+choisisse une petite fille qu'il tient pour sa fiancée, et cela, pour
+honorer le saint état du mariage.»
+
+On disait à Luther[r17]: Si un prédicateur chrétien doit souffrir la
+prison et la persécution pour l'amour de la parole, ne doit-il pas,
+à plus forte raison, se passer du mariage? Il répondit à cela: «Il
+est plus facile de supporter la prison que de brûler: je l'ai éprouvé
+moi-même. Plus je macérais mon corps, plus je tâchais de le dompter,
+et plus je brûlais. Quand on aurait le don de rester chaste dans le
+célibat, on doit encore se marier pour faire dépit au pape... Si
+j'étais mort à l'improviste, j'aurais voulu pour honorer le mariage,
+faire venir à mon lit de mort une pieuse fille que j'aurais prise comme
+épouse, et à laquelle j'aurais donné deux gobelets d'argent pour don de
+noces et présent de lendemain (morgengabe).»
+
+ [r17] _Ibid._ 312 _bis_.
+
+Lettre à un ami qui lui demande conseil pour se marier[r18]: «Si tu
+brûles, il faut prendre femme... Tu voudrais bien en avoir une, belle,
+pieuse et riche. Très bien, mon cher; on t'en donnera une en peinture,
+avec des joues roses et des jambes blanches. Ce sont aussi les plus
+pieuses; mais elles ne valent rien pour la cuisine ni pour le lit... Se
+lever de bonne heure et se marier jeune, personne ne s'en repentira.
+
+ [r18] _Ibid._ 313 _bis_.
+
+»Il n'est guère plus possible de se passer de femme que de boire ou de
+manger[r19]. Conçu, nourri, porté dans le corps des femmes, notre
+chair est à elles dans sa plus grande partie, et il nous est impossible
+de nous en séparer tout-à-fait.
+
+ [r19] _Ibid._ 315 _bis_.
+
+»Si j'avais voulu faire l'amour, il y a treize ans, j'aurais pris Ave
+Schonfeldin, qui est aujourd'hui au docteur Basilius, le médecin de
+Prusse. Je n'aimais pas alors ma Catherine; je la soupçonnais d'être
+fière et hautaine; mais il a plu ainsi à Dieu; il a voulu que j'eusse
+pitié d'elle, et cela m'a fort bien tourné; Dieu soit loué!
+
+»La plus grande grâce de Dieu est d'avoir un bon et pieux époux, avec
+qui vous viviez en paix, à qui vous puissiez confier tout ce que vous
+avez, même votre corps et votre vie, et avec qui vous ayez de petits
+enfans[r20]. Catherine, tu as un homme pieux qui t'aime, tu es une
+impératrice. Grâce soit rendue à Dieu!»
+
+ [r20] _Ibid._ 313.
+
+Quelqu'un excusait ceux qui courent après les filles, le docteur Luther
+répondit: «Qu'ils sachent que c'est mépriser le sexe féminin. Ils
+abusent des femmes qui n'ont pas été créées pour cela. C'est une grande
+chose qu'une jeune fille puisse toujours être aimée; le diable le
+permet rarement... Elle disait bien, mon hôtesse d'Eisenach, quand j'y
+étais aux écoles: _Il n'est sur terre chose plus douce que d'être aimé
+d'une femme_.»
+
+«Au jour de la Saint-Martin, anniversaire de la naissance du
+docteur Martin Luther, maître Ambrosius Brend vint lui demander sa
+nièce...[r21] Un jour qu'il les surprit dans un entretien secret, il
+se mit à rire, et dit: «Je ne m'étonne pas qu'un fiancé ait tant à dire
+à sa fiancée; pourraient-ils se lasser jamais? Mais on ne doit point
+les gêner; ils ont privilége par dessus Droit et Coutume.»—En la lui
+accordant, il dit ces paroles: «Monsieur et cher ami, je vous présente
+cette jeune fille telle que Dieu me l'a donnée dans sa bonté. Je la
+remets entre vos mains; Dieu vous bénisse, de sorte que votre union
+soit sainte et heureuse!»
+
+ [r21] _Ibid._ 316 _bis_.
+
+Le docteur Martin Luther était à la noce de la fille de Jean
+Luffte[r22]. Après le souper, il conduisit la mariée au lit, et dit
+à l'époux, que d'après le commun usage il devait être le maître dans
+la maison... quand la femme n'y était pas; et pour signe, il ôta un
+soulier à l'époux et le mit sur le ciel du lit, afin qu'il prît ainsi
+la domination et le gouvernement.
+
+ [r22] _Ibid._ 320.
+
+«Fais comme moi, cher compagnon, quand je voulus prendre ma Catherine,
+je priai notre Seigneur, mais je priai sérieusement. Fais-en autant, tu
+n'as pas encore sérieusement prié.»
+
+En 1541, Luther fut un jour extrêmement gai et enjoué à table[r23].
+«Ne vous scandalisez pas de me voir de si bonne humeur, dit-il à ses
+amis, j'ai reçu aujourd'hui beaucoup de mauvaises nouvelles et je viens
+de lire une lettre très violente contre moi. Nos affaires vont bien,
+puisque le diable tempête si fort.»
+
+ [r23] _Ibid._ 264 _bis_.
+
+Il riait du bavardage de sa femme, et lui demandait si, avant de
+prêcher si bien, elle avait dit un _Pater_. Si elle l'eût fait, Dieu
+lui aurait sans doute défendu de prêcher.
+
+«Si je devais encore faire l'amour, je voudrais me tailler dans la
+pierre une femme obéissante; sans cela je désespère d'en trouver.
+
+»La première année du mariage, on a d'étranges pensées[r24]. Si on
+est à table, on se dit: Auparavant tu étais seul; aujourd'hui tu es à
+deux (_Selbander_). Au lit, si l'on s'éveille, on voit une autre tête
+à côté de soi. Dans la première année, ma Catherine se tenait assise à
+côté de moi quand j'étudiais, et comme elle ne savait que dire, elle me
+demandait: «Seigneur docteur, en Prusse, le maître-d'hôtel n'est-il pas
+frère du margrave?»
+
+ [r24] _Ibid._ 313 _bis_.
+
+»Il ne faut pas mettre d'intervalle entre les fiançailles et les
+noces... Les amis mettent des obstacles, comme il m'est arrivé avec
+maître Philippe et pour le mariage d'Eisleben (Agricola). Tous mes
+meilleurs amis criaient: Point celle-là, mais une autre.»
+
+Lucas Cranach l'aîné avait fait le portrait de la femme de
+Luther[r25]. Lorsque le tableau fut suspendu à la muraille et que le
+docteur le vit: «Je veux, dit-il, faire peindre aussi un homme, envoyer
+à Mantoue les deux portraits pour le concile, et demander aux saints
+pères s'ils n'aimeraient pas mieux l'état du mariage, que le célibat
+des ecclésiastiques.»
+
+ [r25] _Ibid._ 314.
+
+«... Un signe certain que Dieu est ennemi de la papauté, c'est qu'il
+lui a refusé cette bénédiction du fruit corporel (la génération des
+enfans...).
+
+»Quand Ève fut amenée devant Adam, il devint plein du Saint-Esprit
+et lui donna le plus beau, le plus glorieux des noms; il l'appela
+_Eva_, c'est-à-dire la mère de tous les vivans; il ne l'appela point
+sa femme, mais la mère, la mère de tous les vivans. C'est là la gloire
+et l'ornement le plus précieux de la femme: elle est _Fons omnium
+viventium_, la source de toute vie humaine. Cette parole est brève,
+mais ni Démosthènes ni Cicéron n'aurait pu dire ainsi. C'est le
+Saint-Esprit lui-même qui parle ici par notre premier père, et comme il
+a fait un si noble éloge du mariage, il est juste que nous couvrions et
+cachions ce qu'il y a de fragile dans la femme[a42]. Jésus-Christ, le
+fils de Dieu, n'a pas non plus méprisé le mariage; il est lui-même né
+d'une femme, ce qui est un grand éloge du mariage.»
+
+«On trouve l'image du mariage dans toutes les créatures, non-seulement
+dans les animaux de la terre, de l'air et des eaux, mais encore dans
+les arbres et les pierres[r26]. Tout le monde sait qu'il est des
+arbres, tels que le pommier et le poirier, qui sont comme mari et
+femme, qui se demandent réciproquement, et qui prospèrent mieux quand
+ils sont plantés ensemble. Parmi les pierres on remarque la même chose,
+surtout dans les pierres précieuses, le corail, l'émeraude et autres.
+Le ciel est aussi le mari de la terre. Il la vivifie par la chaleur du
+soleil, la pluie et le vent, et lui fait ainsi porter toutes sortes de
+plantes et de fruits.»
+
+ [r26] _Ibid._ 312 _bis_.
+
+Les petits enfans du docteur se tenaient debout devant la table[r27],
+en regardant avec bien de l'attention les pêches qui étaient servies;
+le docteur se mit à dire: «Qui veut voir l'image d'une âme qui jouit
+dans l'espérance, la trouvera bien ici. Ah! si nous pouvions attendre
+avec autant de joie la vie à venir!»
+
+ [r27] _Ibid._ 42 _bis_.
+
+On amena au docteur sa petite fille Magdalena[r28], pour qu'elle
+chantât à son cousin le chant qui commence ainsi: _Le pape invoque
+l'Empereur et les rois, etc._ Mais elle ne le voulut point, quoique
+sa mère l'en priât fort. Le docteur dit à ce sujet: «Rien de bien par
+force. Sans la grâce, il ne résulte rien de bon des œuvres de la loi.»
+
+ [r28] _Ibid._ 124.
+
+«_Servez le Seigneur avec crainte et réjouissez-vous avec
+tremblement[r29]._ Il n'y a pas là, pour moi, de contradiction. C'est
+ce que mon petit Jean fait à l'égard de son père. Mais je ne puis en
+faire autant à l'égard de Dieu. Si je suis à ma table, et que j'écrive
+ou que je fasse autre chose, Jean me chante une petite chanson; s'il
+chante trop haut et que je l'avertisse, il continue, mais en lui-même
+et avec quelque crainte. Dieu veut aussi que nous soyons toujours
+gais, mais d'une gaîté mêlée de crainte et de réserve.»
+
+ [r29] _Ibid._ 10 _bis_.
+
+Au premier jour de l'an[r30], un petit enfant du docteur pleurait et
+criait, au point que personne ne pouvait le calmer: le docteur avec
+sa femme en fut triste et chagriné une grande heure, ensuite il dit:
+«Tels sont les désagrémens et les charges du mariage... C'est pour cela
+qu'aucun des Pères n'a rien écrit de remarquablement bon à ce sujet.
+Jérôme a parlé assez salement, je dirais presque anti-chrétiennement,
+du mariage, etc. Au contraire saint Augustin...»
+
+ [r30] _Ibid._ 314 _bis_.
+
+Après qu'il eut joué avec sa petite Magdalena[r31], sa femme lui
+donna le plus jeune de ses enfans, et il dit: «Je voudrais être mort à
+l'âge de cet enfant; j'aurais bien renoncé à tout l'honneur que j'ai
+et que je puis obtenir encore en ce monde.» Et comme l'enfant l'eut
+sali, il dit: «Oh! combien notre Seigneur doit en souffrir de nous plus
+qu'une mère de son enfant!»
+
+ [r31] _Ibid._ 47.
+
+Il disait à son petit enfant[r32]: «Tu es l'innocent petit fou de
+notre Seigneur, sous la grâce et non sous la loi. Tu es sans crainte,
+sans inquiétude; tout ce que tu fais est bien fait.»
+
+ [r32] _Ibid._ 49 _bis_.
+
+«Les enfans sont les plus heureux[r33]. Nous autres vieux fous nous
+nous tourmentons et nous affligeons par nos éternelles disputes sur
+la parole. «Est-ce vrai? Est-ce possible? Comment est-ce possible?»
+nous demandons-nous sans cesse... Les enfans, dans la simplicité et la
+pureté de leur foi, ont la certitude et ne doutent en rien de ce qui
+fait leur salut... Pour être sauvés, nous devons, à leur exemple, nous
+en remettre à la simple parole. Mais le diable, pour nous empêcher,
+nous jette sans cesse quelque chose en travers. C'est pourquoi le mieux
+c'est de mourir sans différer et de nous en aller vite sous terre.»
+
+ [r33] _Ibid._ 134.
+
+Une autre fois que son petit enfant Martin prenait le sein de sa mère,
+le docteur dit[r34]: «Cet enfant, et tout ce qui m'appartient, est
+haï du pape et du duc George, haï de leurs partisans, haï des diables.
+Cependant tous ces ennemis n'inquiètent guère le cher enfant, il ne
+s'inquiète pas de ce que tant et de si puissans seigneurs lui en
+veulent, il suce gaîment la mamelle, regarde autour de lui en riant
+tout haut, et les laisse gronder tant qu'ils veulent.»
+
+ [r34] _Ibid._ 134 _bis_.
+
+Comme maître Spalatin et maître Lenhart Beier, pasteur de Zwickaw,
+étaient chez le docteur Martin Luther[r35], il jouait bonnement avec
+son petit enfant Martin, qui babillait et caressait tendrement sa
+poupée. Le docteur dit: «Telles étaient nos pensées dans le Paradis,
+simples et naïves; innocentes, sans méchanceté ni hypocrisie; nous
+eussions été véritablement comme cet enfant quand il parle de Dieu et
+qu'il en est si sûr.»
+
+ [r35] _Ibid._ 45 _bis_.
+
+«Quels ont dû être les sentimens d'Abraham, lorsqu'il a consenti à
+sacrifier et égorger son fils unique[r36]? Il n'en aura rien dit à
+Sara. La chose lui eût trop coûté. Vraiment, je disputerais avec Dieu,
+s'il m'imposait et m'ordonnait une telle chose.» Alors la femme du
+docteur prit la parole et dit: «Je ne puis croire que Dieu demande à
+personne qu'il égorge son enfant.»
+
+ [r36] _Ibid._ 47.
+
+«Ah, combien mon cœur soupirait après les miens, lorsque j'étais
+malade à la mort dans mon séjour à Smalkalde. Je croyais que je ne
+reverrais plus ma femme ni mes petits enfans[a43]; que cette séparation
+me faisait de mal!... Il n'est personne assez dégagé de la chair pour
+ne pas sentir ce penchant de la nature. C'est une grande chose que le
+lien et la société qui unissent l'homme et la femme!»
+
+Il est touchant de voir comme tout ramenait Luther à des réflexions
+pieuses sur la bonté de Dieu, sur l'état de l'homme avant sa chute,
+sur la vie à venir[r37]. Ainsi une belle branche chargée de cerises
+que le docteur Jonas met sur table, la joie de sa femme qui sert des
+poissons du petit étang de leur jardin, la simple vue d'une rose, etc.
+Le 9 avril 1539, le docteur se trouvait dans son jardin et regardait
+attentivement les arbres tout brillans de fleurs et de verdure[r38].
+Il dit avec admiration: «Gloire à Dieu qui de la créature morte fait
+ainsi sortir la vie au printemps. Voyez ces rameaux, comme ils sont
+forts et gracieux; ils sont déjà tout gros de fruits. Voilà une belle
+image de la résurrection des hommes. L'hiver est la mort et l'été la
+résurrection. Alors tout revit, tout est verdoyant.»
+
+ [r37] _Ibid._ 42-43 _passim_.
+
+ [r38] _Ibid._ 363.
+
+«Philippe et moi, nous sommes accablés d'affaires et d'embarras. Moi
+qui suis vieux et _emeritus_, j'aimerais mieux maintenant prendre un
+plaisir de vieillard dans les jardins, à contempler les merveilles
+de Dieu dans les arbres, les fleurs, les herbes, les oiseaux, etc.;
+c'est ce plaisir et ce loisir qui me reviendraient, si mes péchés ne
+m'avaient mérité d'en être privé par ces affaires importunes et souvent
+inutiles.» (8 avril 1538.)
+
+Le 18 avril 1539, sur le soir, il y eut un orage très fort, suivi
+d'une pluie bienfaisante qui rendit la verdure à la terre et aux
+arbres[r39]. Le docteur Martin dit en regardant le ciel: «Voilà
+un beau temps! Tu nous l'accordes, ô mon Dieu! à nous qui sommes si
+ingrats, si pleins de méchanceté et d'avarice. Tu es un Dieu de bonté.
+Ce n'est pas là une œuvre de Satan; non, c'est un tonnerre bienfaisant
+qui ébranle la terre et l'ouvre pour lui faire porter des fruits et
+répandre un parfum semblable à celui que répand la prière du chrétien
+pieux.»
+
+ [r39] _Ibid._ 423.
+
+Un autre jour, sur la route de Leipzig, le docteur voyant la plaine
+couverte de blés superbes, se mit à prier avec ferveur; il disait: «O
+Dieu de bonté, tu nous donnes une année heureuse! Ce n'est pas à cause
+de notre piété; c'est pour glorifier ton saint nom. Fais, ô mon Dieu,
+que nous nous amendions et que nous croissions dans ta parole! Tout
+en toi est miracle. Ta voix fait sortir de la terre, et même du sable
+aride, ces plantes et ces épis si beaux qui réjouissent la vue. O mon
+père, donne à tous tes enfans leur pain quotidien!»
+
+«Supportons les difficultés qui accompagnent nos fonctions, avec
+égalité d'âme, et attendons secours du Christ[r40]. Considère, dans
+ces violettes et ces pensées que tu foules en te promenant sur la
+lisière de nos jardins, un emblème de notre condition. Nous consolons
+le peuple (?) lorsque nous remplissons l'Église; il y a là la robe
+de pourpre, la couleur des afflictions, mais au fond la fleur d'or
+rappelle la foi qui ne se flétrit pas.»
+
+ [r40] Lettre V, 726.
+
+Un soir le docteur Martin Luther voyait un petit oiseau perché sur
+un arbre et s'y posant pour passer la nuit[r41]; il dit: «Ce petit
+oiseau a choisi son abri et va dormir bien paisiblement; il ne
+s'inquiète pas, il ne songe point au gîte du lendemain; il se tient
+bien tranquille sur sa petite branche, et laisse Dieu songer pour lui.»
+
+ [r41] Tischr. 43 _bis_.
+
+Vers le soir, vinrent deux oiseaux qui faisaient un nid dans le jardin
+du docteur[r42]. Ils étaient souvent effrayés dans leur vol par ceux
+qui passaient. Il se mit à dire: «Ah! cher petit oiseau, ne fuis point,
+je te souhaite du bien de tout mon cœur; si tu pouvais seulement me
+croire! C'est ainsi que nous refusons de nous confier en Dieu, qui bien
+loin de vouloir notre perte, a donné pour nous son propre fils.»[a44]
+
+ [r42] _Ibid._ 24 _bis_.
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+ La Bible.—Les Pères.—Les Scolastiques.—Le Pape.—Les
+ Conciles.
+
+
+Le docteur Martin Luther avait écrit avec de la craie, sur le mur qui
+se trouvait derrière son poêle, les paroles suivantes (Luc, XVI): «Qui
+est fidèle dans la plus petite chose, sera fidèle dans la plus grande.
+Qui est infidèle dans le petit sera infidèle dans le grand.»
+
+«Le petit enfant Jésus (il le montrait peint sur la muraille), dort
+encore dans les bras de Marie, sa mère[r43]. Il se réveillera un jour
+et nous demandera compte de ce que nous avons fait.»
+
+ [r43] Tischred. 32, verso.
+
+Luther se faisant un jour couper les cheveux et faire la barbe en
+présence du docteur Jonas, dit à celui-ci: «Le péché originel est en
+nous comme la barbe. On la coupe aujourd'hui, nous avons le visage
+frais, et demain elle repousse et ne cesse de pousser jusqu'à ce que
+nous soyons sous terre. De même le péché originel ne peut être extirpé
+en nous; il remue tant que nous vivons. Néanmoins nous devons lui
+résister de toutes nos forces et le couper sans relâche.»
+
+«La nature humaine est si corrompue qu'elle n'éprouve pas même le
+désir des choses célestes. Elle est comme l'enfant nouveau-né à qui
+l'on aurait beau promettre tous les trésors et tous les plaisirs de la
+terre: il n'en a nul souci et ne connaît que le sein de sa mère. De
+même, quand l'Évangile nous parle de la vie éternelle que Jésus-Christ
+nous a promise, nous sommes sourds à ses paroles divines, nous nous
+engourdissons dans la chair, et nous n'avons que des pensées frivoles
+et périssables. La nature humaine n'a pas l'intelligence, pas même le
+sentiment, de ce mal mortel qui l'accable.»
+
+«Dans les choses divines, le Père est la _grammaire_, car il donne
+les mots, il est la source d'où coulent les bonnes, pures et belles
+paroles que l'on peut prononcer[r44]. Le Fils est la _dialectique_:
+il donne la disposition, la manière de placer les choses dans un bel
+ordre, de sorte qu'elles suivent et résultent les unes des autres. Le
+Saint-Esprit est la _rhétorique_: Il sait bien exposer, pousser les
+choses et les étendre, donner la vie et la force, de manière à faire
+impression et saisir les cœurs.
+
+ [r44] _Ibid._ 69.
+
+»La Trinité se retrouve dans toute la création. Dans le soleil, il y a
+la substance, l'éclat et la chaleur; dans les fleuves, la substance,
+le cours et la puissance. De même dans les arts. Dans l'astronomie,
+le mouvement, la lumière et l'influence; dans la musique, les trois
+notes _re_, _mi_, _fa_, etc. Les scolastiques ont négligé ces signes
+importans, pour s'attacher à des niaiseries.
+
+»Le décalogue est la _doctrina doctrinarum_[a45], le symbole
+l'_historia historiarum_, le pater _oratio orationum_, les sacremens
+_ceremoniæ ceremoniarum_[r45].»
+
+ [r45] _Ibid._ 112, verso.
+
+On demandait au docteur Martin Luther si pendant la domination du pape,
+les gens qui n'ont pas connu cette doctrine de l'Évangile que nous
+avons aujourd'hui, grâce à Dieu, avaient pu être sauvés[r46]. Il
+répondit: «Je n'en sais rien; à moins que je ne pense que le baptême
+a pu produire cet effet. J'ai vu beaucoup de moines auxquels on a
+présenté la croix de Christ à leur lit de mort, comme c'était alors
+l'usage. Ils peuvent avoir été sauvés par leur foi en ses mérites et
+ses souffrances.
+
+ [r46] _Ibid._ 362.
+
+»Cicéron est bien supérieur à Aristote dans sa morale[r47]. Cicéron
+était un homme sage et laborieux qui a beaucoup fait et beaucoup
+souffert. J'espère que notre Seigneur sera clément pour lui et pour
+ceux qui lui ressemblent, quoiqu'il ne nous appartienne pas d'en parler
+avec certitude. Que Dieu ne puisse faire des exceptions et établir une
+distinction entre les païens, c'est ce qu'on ne pourrait dire. Il y
+aura un nouveau ciel et une nouvelle terre bien plus larges et plus
+vastes que ceux d'aujourd'hui[a46].»
+
+ [r47] _Ibid._ 425.
+
+On demandait à Luther si l'offensé devait aller jusqu'à demander pardon
+à l'offenseur[r48]. Il répondit: «Non, Jésus-Christ ne l'a pas fait
+lui-même, il ne l'a pas commandé. Il suffit qu'on pardonne les offenses
+dans son cœur, qu'on les pardonne, publiquement, s'il y a lieu, et
+qu'on prie pour celui qui les a commises. J'étais moi-même allé une
+fois demander pardon à deux personnes qui m'avaient offensé, M. E. et
+D. H. S. (maître Eisleben [Agricola] et le docteur Jérôme Schurf?);
+mais par hasard ni l'un ni l'autre ne fut chez lui, et depuis je n'y
+suis pas retourné. Je remercie Dieu maintenant qu'il ne m'ait point
+permis de faire comme je voulais.»
+
+ [r48] _Ibid._ 106.
+
+Le docteur Martin Luther soupirait un jour en pensant aux perturbateurs
+et aux sectaires qui méprisaient la parole de Dieu[r49]. «Ah!
+disait-il, si j'étais un grand poète, je voudrais écrire un chant, un
+poème magnifique sur l'utilité et l'efficacité de la parole divine.
+Sans elle..... Pendant plusieurs années je lisais la Bible deux fois
+par an; c'est un grand et puissant arbre dont chaque parole est un
+rameau, je les ai secoués tous, tant j'étais curieux de savoir ce que
+chaque branche portait, ce qu'elle pouvait donner, et j'en faisais
+tomber chaque fois une couple de poires ou de pommes.
+
+ [r49] _Ibid._ 11, verso.
+
+»Autrefois sous la papauté, on faisait des pélerinages[a47] pour
+visiter les saints[r50][a48]. On allait à Rome, à Jérusalem, à
+Saint-Jacques de Compostelle, pour l'expiation de ses péchés.
+Aujourd'hui nous pouvons faire des pélerinages chrétiens dans la foi.
+Quand nous lisons avec soin les prophètes[a49], les psaumes et les
+évangiles, nous allons, non pas par la ville sainte, mais par nos
+pensées et nos cœurs, jusqu'à Dieu. C'est là visiter la véritable
+terre promise et le paradis de la vie éternelle.»
+
+ [r50] _Ibid._ 311.
+
+«Que sont les saints en comparaison du Christ[r51]? rien de plus que
+les petites gouttes de la rosée des nuits sur la tête de l'Époux et
+dans les boucles de sa chevelure.»
+
+ [r51] Cochlæus, Vie de Luther, 226.
+
+Luther n'aimait pas qu'on insistât sur les miracles. Il regardait ce
+genre de preuves comme secondaire. «Les preuves convaincantes sont
+dans la parole de Dieu. Nos adversaires lisent la Bible traduite
+beaucoup plus que les nôtres. Je crois que le duc George l'a lue avec
+plus de soin que tous ceux de la noblesse qui tiennent pour nous. Il
+dit à quelqu'un: «Pourvu que le moine achève de traduire la Bible, il
+peut partir ensuite quand il voudra.»
+
+Le docteur Luther disait que Mélanchton l'avait forcé de traduire le
+Nouveau Testament.
+
+«Que nos adversaires s'emportent et fassent rage[r52]. Dieu n'a pas
+opposé un mur de pierre aux vagues de la mer, ni une montagne d'acier.
+Il a suffi d'un rivage, d'une digue de sable.
+
+ [r52] Tischred. 447.
+
+»J'ai beaucoup lu la Bible dans ma jeunesse pendant que j'étais moine.
+Mais cela ne servait à rien, je faisais simplement du Christ un Moïse.
+Maintenant nous l'avons retrouvé, ce cher Christ. Rendons grâce et
+tenons-nous-y ferme, et souffrons pour lui ce que nous devons souffrir.
+
+»Pourquoi enseigne-t-on et observe-t-on les dix commandemens[r53]?
+C'est que les lois naturelles ne se trouvent nulle part si bien
+rangées et décrites que dans Moïse. Je voudrais même qu'on lui fît
+d'autres emprunts dans les choses temporelles, telles que les lois sur
+la _lettre de divorce_, le jubilé, l'année d'affranchissement, les
+dîmes, etc. Le monde en serait mieux gouverné... C'est ainsi que les
+Romains ont pris leurs Douze Tables chez les Grecs... Quant au sabbat
+ou dimanche, ce n'est pas une nécessité de l'observer, et si nous
+l'observons, nous devons le faire, non pas à cause du commandement de
+Moïse, mais parce que la nature aussi nous enseigne à nous donner de
+temps en temps un jour de repos, afin qu'hommes et animaux reprennent
+des forces, et que l'on aille entendre le sermon et la parole de Dieu.»
+
+ [r53] Luth. Werke, t. II, 16.
+
+«Puisque, dans ce siècle, on commence à restituer toutes choses, comme
+si déjà c'était le jour de la restauration universelle, il m'est venu
+dans l'esprit d'essayer si on ne pourrait pas aussi restituer Moïse et
+rappeler les rivières à leur source. J'ai eu soin d'abord de traiter
+toutes choses le plus simplement du monde, et de ne pas me laisser
+entraîner aux explications mystiques, comme on les appelle... Je ne
+vois pas d'autre raison pour que Dieu ait voulu former le peuple
+juif par ces cérémonies, sinon qu'il a vu le penchant du peuple à se
+laisser prendre à ces choses extérieures. Afin que ce ne fussent pas
+des fantômes vides et de purs simulacres, il a ajouté sa parole pour y
+mettre du poids et de la substance, de sorte qu'elles devinssent choses
+sérieuses et graves.
+
+»J'ai ajouté à chaque chapitre de courtes allégories, non que j'en
+tienne beaucoup de compte, mais afin de prévenir la manie de plusieurs
+à traiter l'allégorie. Ainsi, dans Jérôme, Origène et autres anciens
+écrivains, nous voyons une malheureuse et stérile habitude d'imaginer
+des allégories qui ramènent tout à la morale et aux œuvres, tandis
+qu'il faudrait tout ramener à la parole et à la foi.» (avril 1525.)
+
+«Le _Pater noster_ est ma prière[r54]; c'est celle que je dis, et j'y
+mêle en même temps quelque chose des Psaumes pour que les faux docteurs
+soient confondus et couverts de honte[a50]. Le _Pater_ n'a aucune
+prière qui lui soit comparable; je l'aime mieux qu'aucun psaume[3].»
+
+ [r54] Tischreden, 153.
+
+ [3] C'est aussi ce que dit Montaigne dans ses _Essais_.
+
+«J'avoue franchement que j'ignore si je possède ou non le sens légitime
+des psaumes, bien que je ne doute pas de la vérité de celui que je
+donne.—L'un se trompe en quelques endroits, l'autre en plusieurs; je
+vois des choses que n'a pas vues saint Augustin; et d'autres, je le
+sais, verront bien des choses que je ne vois pas.
+
+»Qui oserait prétendre que personne ait complètement entendu un
+seul psaume? Notre vie est un commencement et un progrès, et non
+une consommation; celui-là est le meilleur, qui approche le plus de
+l'esprit. Il y a des degrés dans la vie et l'action, pourquoi n'y
+en aurait-il pas dans l'intelligence? L'Apôtre dit que nous nous
+transformons de lumière en lumière.»
+
+Du _Nouveau Testament_. «L'Évangile de saint Jean est le vrai et pur
+Évangile, l'Évangile principal, parce qu'il renferme le plus de paroles
+de Jésus-Christ[r55]. De même, les épîtres de saint Paul et de saint
+Pierre sont bien au-dessus des évangiles de saint Mathieu, de saint
+Marc et de saint Luc. En somme, l'évangile de saint Jean et sa première
+épître, les épîtres de saint Paul, notamment celles aux Romains, aux
+Galates, aux Éphésiens, et la première de saint Pierre, voilà les
+livres qui te montrent Jésus-Christ, et qui t'enseignent tout ce qu'il
+t'est nécessaire et utile de savoir, quand même tu ne verrais jamais
+d'autre livre.»
+
+ [r55] Ukert, 18.
+
+Il ne regardait comme apostoliques ni l'épître aux Hébreux, ni celle de
+saint Jacques. Il s'exprime de la manière suivante sur celle de saint
+Jude: «Personne ne peut nier que cette épître ne soit un extrait ou une
+copie de la seconde épître de saint Pierre; les mots sont presque les
+mêmes. Jude y parle des apôtres comme leur disciple, et comme après
+leur mort. Il cite des versets et des événemens qu'on ne trouve nulle
+part dans l'Écriture.»
+
+L'opinion de Luther sur l'Apocalypse est remarquable: «Que chacun,
+dit-il, juge de ce livre d'après ses lumières et son sens particulier.
+Je ne prétends imposer à personne mon opinion: je dis tout simplement
+ce que j'en pense. Je ne le regarde ni comme apostolique, ni comme
+prophétique...» Et ailleurs: «Beaucoup de Pères ont rejeté ce livre,
+et chacun peut en penser ce que son esprit lui inspirera. Pour moi, je
+ne puis me faire à cet ouvrage. Une seule raison suffirait pour m'en
+détourner: c'est que Jésus-Christ n'y est adoré ni enseigné tel que
+nous le connaissons.»
+
+Des _Pères_[a51]. «On peut lire Jérôme pour l'étude de l'histoire:
+quant à la foi et à la bonne vraie religion et doctrine, il n'y en a
+pas un mot dans ses écrits. J'ai déjà proscrit Origène. Chrysostôme n'a
+point d'autorité chez moi. Basile n'est qu'un moine; je n'en donnerais
+pas un cheveu. L'apologie de Philippe Mélanchton est au-dessus des
+écrits de tous les docteurs de l'Église, sans excepter Augustin.
+Hilaire et Théophylacte sont bons. Ambroise aussi; il marche bien sur
+l'article le plus essentiel, le pardon des péchés[r56].
+
+ [r56] Tischreden, 383.
+
+»Bernard est au-dessus de tous les docteurs dans ses prédications;
+mais, quand il dispute, il devient un tout autre homme; alors il
+accorde trop à la loi et au libre arbitre.
+
+»Bonaventure est le meilleur des théologiens scolastiques.
+
+»Parmi les Pères, Augustin a sans contredit la première place, Ambroise
+la seconde, Bernard la troisième. Tertullien est un vrai Carlostad.
+Cyrille a les meilleures sentences. Cyprien le martyr est un faible
+théologien. Théophylacte est le meilleur interprète de saint Paul.»
+
+(Pour prouver que l'antiquité n'ajoute pas à l'autorité): «Nous voyons
+combien saint Paul se plaint avec douleur des Corinthiens et des
+Galates. Parmi les apôtres mêmes, le Christ trouva un traître dans
+Judas.
+
+»Les livres que les Pères ont écrits sur la Bible n'ont jamais rien de
+concluant; ils laissent le lecteur suspendu entre le ciel et la terre.
+Lisez Chrysostôme, le meilleur rhéteur et parleur de tous.»
+
+Il remarque que les Pères ne disaient rien de la justification par
+la grâce pendant leur vie, mais y croyaient à leur mort. Cela était
+plus prudent pour ne point encourager le mysticisme, ni décourager les
+bonnes œuvres.
+
+«Les chers Pères ont mieux vécu qu'écrit.»
+
+Il fait l'éloge de l'histoire de saint Épiphane et des poésies de
+Prudence.
+
+«Augustin et Hilaire, entre tous, ont écrit avec le plus de clarté et
+de vérité; les autres doivent être lus _cum judicio_.
+
+»Ambroise a été mêlé aux affaires du monde, comme nous le sommes
+aujourd'hui. Nous sommes obligés de nous occuper au consistoire
+d'affaires de mariage plus que de la parole de Dieu...
+
+»On a nommé Bonaventure le séraphique, Thomas l'angélique, Scot le
+subtil; Martin Luther sera nommé l'archi-hérétique.»
+
+Saint Augustin était peint dans un livre avec un capuchon de moine.
+Luther dit, en voyant cette image[r57]: «Ils font tort au saint
+homme, car il a mené une vie commune, comme tout autre homme du pays;
+il se servait de cuillers et de tasses d'argent; il n'a pas mené une
+vie à part comme les moines.
+
+ [r57] _Ibid._ 98.
+
+»Macaire, Antoine, Benoît, ont fait un grand et remarquable tort à
+l'Église avec leur moinerie; et je crois que dans le ciel ils seront
+placés bien plus bas qu'un citoyen, père de famille, pieux et craignant
+Dieu.
+
+»Saint Augustin me plaît plus que tous les autres. Il a enseigné une
+pure doctrine, et soumis ses livres, avec l'humilité chrétienne, à la
+sainte Écriture... Augustin est favorable au mariage; il parle bien
+des évêques qui étaient les pasteurs d'alors, mais le temps et les
+disputes des Pélagiens l'ont aigri et lui ont fait mal... S'il eût vu
+le scandale de la papauté, il ne l'eût certes pas souffert.
+
+»Saint Augustin est le premier père de l'Église qui ait traité du péché
+originel.»
+
+Après avoir parlé de saint Augustin, Luther ajoute: «Mais depuis que
+j'ai compris Paul par la grâce de Dieu, je n'ai pu estimer aucun
+docteur; ils sont devenus tout-à-fait petits à mes yeux.
+
+»Je ne connais aucun des Pères dont je sois si ennemi que de saint
+Jérôme. Il n'écrit que sur le jeûne, les alimens, la virginité, etc. Il
+n'enseigne rien sur la foi, etc. Le docteur Staupitz avait coutume de
+dire: Je voudrais bien savoir comment Jérôme a pu être sauvé?»
+
+
+«Les nominaux sont dans les hautes écoles une secte à laquelle j'ai
+aussi appartenu[r58]. Ils tiennent contre les thomistes, scotistes et
+albertistes. Ils s'appellent eux-mêmes occamistes. C'est la secte la
+plus nouvelle de toutes, et aujourd'hui la plus puissante, nommément à
+Paris.»
+
+ [r58] _Ibid._ 384.
+
+Luther fait cas du _Maître des sentences_ de Pierre Lombard; mais il
+trouve qu'en général les scolastiques donnaient trop peu à la grâce,
+trop au libre arbitre[a52].
+
+«Gerson seul, entre tous les docteurs, a fait mention des tentations
+spirituelles. Tous les autres, Grégoire de Nazianze, Augustin, Scot,
+Thomas, Richard, Occam, n'ont senti que les tentations corporelles. Le
+seul Gerson a écrit sur le découragement. L'Église, à mesure qu'elle
+est plus ancienne, doit éprouver de telles tentations spirituelles.
+Nous sommes dans cet âge de l'église.
+
+»Guillaume de Paris a aussi éprouvé quelque chose de ces tentations
+spirituelles. Mais les scolastiques ne sont jamais parvenus à la
+connaissance du catéchisme. Le seul Gerson sert à rassurer et relever
+les consciences... Il a sauvé beaucoup de pauvres âmes du désespoir,
+en amoindrissant et exténuant la loi, de manière toutefois que la loi
+subsistât.—Mais Christ ne perce point le tonneau, il le défonce. Il
+dit: «Tu ne dois point te confier dans la loi ni te reposer sur elle,
+mais sur moi, sur le Christ. Si tu n'es pas bon, je le suis.»
+
+«Le docteur Staupitz nous parlait un jour d'André Zacharias qui, à
+ce qu'on prétend, a vaincu Jean Huss dans la dispute[r59]. Il nous
+racontait que le docteur Proles, de Gotha, voyant dans un couvent
+Zacharias peint avec une rose à son bonnet, dit à ce sujet: Dieu me
+garde de porter une telle rose, car il a vaincu Jean Huss injustement,
+et au moyen d'une bible falsifiée. Il y a dans le XXXIVe chapitre
+d'Ézéchiel: _C'est moi qui vais visiter et punir mes pasteurs_; mais on
+y avait ajouté ces mots: _et non point le peuple_; ceux du concile lui
+montrèrent ce texte dans sa propre bible falsifiée comme les autres, et
+conclurent ainsi: Tu vois que tu ne dois point punir le pape, que Dieu
+s'en charge lui-même. Ainsi le saint homme a été condamné et brûlé.
+
+ [r59] _Ibid._ 385.
+
+»Maître Jean Agricola lisait un écrit de Jean Huss, plein d'esprit,
+de résignation et de ferveur, où l'on voyait comme dans sa prison il
+souffrait le martyre des douleurs de la pierre, et se voyait rebuté par
+l'empereur Sigismond. Le docteur Luther admirait tant d'esprit et de
+courage... C'est bien injustement, disait-il, que nous sommes appelés
+hérétiques, Jean Huss et moi...
+
+»Jean Huss est mort, non comme un anabaptiste, mais comme un
+chrétien[r60]. On voit en lui la faiblesse chrétienne; mais en même
+temps s'éveille dans son âme la force de Dieu qui le relève. Le combat
+de la chair et de l'esprit, dans le Christ et dans Huss, est doux et
+aimable à voir... Constance est aujourd'hui une pauvre misérable ville.
+Je crois que Dieu l'a punie... Jean Huss a été brûlé; et moi aussi,
+je pense que je serai tué, s'il plaît à Dieu. Il a arraché quelques
+épines de la vigne du Christ, en attaquant seulement les scandales de
+la papauté. Mais moi, docteur Martin Luther, je suis venu dans un champ
+déjà noir et bien labouré, j'ai attaqué la doctrine du pape, et l'ai
+terrassé.
+
+ [r60] _Ibid._ 386.
+
+»Jean Huss était la semence qui doit mourir et être enfoncée dans la
+terre, pour sortir ensuite, et croître avec force[r61].»
+
+ [r61] _Ibid._ 127.
+
+Luther improvisa un jour à table le vers suivant:
+
+ Pestis eram vivens, moriens ero mors tua, Papa.
+
+«La tête de l'Anti-Christ, c'est à la fois le pape et le Turc[r62].
+Le pape en est l'esprit, le Turc la chair.
+
+ [r62] _Ibid._ 241.
+
+»C'est ma pauvre et infirme condition (pour ne point parler de la
+justice de ma cause) qui a fait le malheur du pape[r63]. «Si j'ai
+défendu ma doctrine contre tant de rois et d'empereurs, se disait-il,
+comment craindrais-je un simple moine?» S'il m'avait estimé un ennemi
+dangereux, il aurait pu m'étouffer dès l'origine.
+
+ [r63] _Ibid._ 249.
+
+»J'avoue que j'ai souvent été trop violent, mais jamais à l'égard de la
+papauté. Il devrait y avoir contre celle-ci une langue à part dont tous
+les mots fussent des coups de foudre.
+
+»Les papistes sont confondus et vaincus par les témoignages de
+l'Écriture[r64]. Dieu merci, je connais leur erreur sous toutes ses
+faces, de l'_alpha_ à l'_oméga_. Cependant aujourd'hui même qu'ils
+avouent que l'Écriture est contre eux, la splendeur et la majesté
+du pape m'éblouissent quelquefois et c'est avec tremblement que je
+l'attaque...
+
+ [r64] _Ibid._ 255.
+
+»Le pape se dit: «Céderais-je à un moine qui veut me dépouiller de ma
+couronne et de ma majesté? Bien fou qui céderait[r65].» Je donnerais
+mes deux mains pour croire en Jésus-Christ aussi fermement, aussi
+sûrement, que le pape croit que Jésus-Christ n'est rien.
+
+ [r65] _Ibid._ 259.
+
+»D'autres ont attaqué les mœurs des papes, comme Érasme et Jean
+Huss[r66]. Mais moi, j'ai renversé les deux piliers sur lesquels
+reposait la papauté: les vœux et les messes particulières.»
+
+ [r66] _Ibid._ 192.
+
+
+_Des Conciles._—«Les conciles ne doivent point ordonner de la foi,
+mais de la discipline[r67].»
+
+ [r67] _Ibid._ 371-76.
+
+Le docteur Martin Luther levait un jour les yeux vers le ciel; il
+soupira, et dit: «Ah! un concile général, libre, et vraiment chrétien!
+Dieu saura bien le faire; la chose est sienne; il connaît et il a dans
+sa main tous les conseils les plus secrets.»
+
+»Lorsque Pierre-Paul Vergerius, légat du pape, vint à Wittemberg, l'an
+1533, et que je montai au château où il était, il nous cita, et nous
+somma d'aller au concile. J'irai, lui dis-je, et j'ajoutai: Vous autres
+papistes, vous travaillez inutilement. Si vous tenez un concile, vous
+n'y traitez point des sacremens, de la justification par la foi, des
+bonnes œuvres, mais seulement de babioles et d'enfantillage, comme de
+fixer la longueur des habits, ou la largeur des ceintures des prêtres,
+ou la dimension de la tonsure, etc. Il se détourna de moi, appuya sa
+tête sur sa main, et dit à son compagnon: «Celui-ci touche vraiment le
+fond des choses, etc.»
+
+On demandait quand le pape convoquerait le concile. «Il me semble,
+dit le docteur Martin Luther, qu'il n'en sera rien avant le jugement
+dernier. C'est alors que notre Seigneur Dieu tiendra lui-même un
+concile.»
+
+Luther conseillait de ne point refuser d'aller au concile, mais
+d'exiger qu'il fût libre; «si on le refuse, il n'y a pas de meilleure
+excuse pour nous.»
+
+
+_Des biens ecclésiastiques[a53]._ Luther voudrait qu'ils fussent
+appliqués à l'entretien des écoles et des pauvres théologiens[r68].
+Il déplore la spoliation des églises. Il prédit que les princes vont
+bientôt se disputer les dépouilles des églises. «Le pape prodigue
+maintenant les biens ecclésiastiques aux princes catholiques pour se
+faire des amis et des alliés.
+
+ [r68] _Ibid._ 380.
+
+»Ce ne sont point tant nos princes de la confession d'Augsbourg qui
+pillent les biens ecclésiastiques, c'est plutôt Ferdinand, l'Empereur,
+et l'archevêque de Mayence. Ferdinand a rançonné tous les monastères.
+Les Bavarois sont les plus grands voleurs des biens ecclésiastiques;
+ils ont de riches abbayes. Mon gracieux seigneur et le Landgrave n'ont
+que de pauvres monastères d'ordres mendians. On voulait à la diète,
+mettre les monastères à la disposition de l'Empereur, qui y aurait
+établi ses gouvernemens militaires. Je donnai le conseil suivant:
+_Il faut auparavant réunir tous les monastères en un même lieu. Qui
+voudrait souffrir dans sa terre les gens de l'Empereur?_ Tout cela a
+été poussé par l'archevêque de Mayence.»
+
+Dans la réponse à la lettre où le roi de Danemarck lui demandait
+ses conseils, Luther désapprouve l'article de la réunion des biens
+ecclésiastiques à la couronne. «Voyez, dit-il, au contraire notre
+prince Jean Frédéric, comme il applique les biens de l'Église à
+l'entretien des pasteurs et des professeurs.»
+
+«Le proverbe a raison: _Biens de prêtres ne profitent pas_ (pfaffengut
+raffengut)[r69]. Burchard Hund, conseiller de l'électeur de Saxe, Jean,
+avait coutume de dire: Nous autres de la noblesse, nous avons réuni les
+biens des cloîtres à nos biens nobles, et les biens des cloîtres ont
+dévoré les biens nobles, de sorte que nous n'avons plus ni les uns ni
+les autres.» Luther ajoute la fable du renard qui venge ses petits en
+brûlant l'arbre et les petits de l'aigle.
+
+ [r69] _Ibid._ 60.
+
+Un ancien précepteur du fils de Ferdinand, roi des Romains, nommé
+Severus, contait à Luther l'histoire du chien qui défendait la viande
+et qui pourtant, quand les autres la lui arrachaient, en prenait sa
+part. C'est ce que fait maintenant l'Empereur, dit Luther, pour les
+biens ecclésiastiques (Utrecht et Liége).
+
+
+_Des cardinaux et des évêques[a54]._ «En Italie, en France, en
+Angleterre, en Espagne, les évêques sont ordinairement les conseillers
+des rois; c'est qu'ils sont pauvres[r70]. Mais en Allemagne où ils sont
+riches, puissans, et où ils ont une grande considération, les évêques
+gouvernent en leur propre nom.
+
+ [r70] _Ibid._ 275.
+
+»Je veux mettre tous mes soins pour que les canonicats et les petits
+évêchés subsistent, de sorte qu'on puisse avec ce revenu établir des
+prédicateurs et des pasteurs dans les villes. Les grands évêchés seront
+sécularisés.»
+
+Le jour de l'Ascension le docteur Martin Luther dîna avec l'électeur
+de Saxe, et l'on résolut que les évêques conserveraient leur autorité,
+à condition qu'ils abjureraient le pape. «Nos gens les examineront, et
+les ordonneront, par l'imposition des mains. C'est ainsi que je suis
+évêque à présent.»
+
+Dans les disputes d'Heidelberg, on demandait d'où venaient les
+moines[r71]. Réponse: «Dieu ayant fait le prêtre, le diable voulut
+l'imiter; mais il fit la tonsure trop grande, de là les moines.
+
+ [r71] _Ibid._ 271.
+
+»La moinerie ne se rétablira point aussi long-temps que l'article de la
+justification restera pur[r72].
+
+ [r72] _Ibid._ 272.
+
+»Autrefois les moines étaient en si grande considération que le pape
+les redoutait plus que les rois et les évêques. Car ils avaient le
+commun peuple dans leurs mains. Les moines étaient les meilleurs
+oiseleurs du pape[a55]. Le roi d'Angleterre a beau ne plus reconnaître
+le pape pour le chef suprême de la chrétienté. Il ne fait rien que
+tourmenter le corps, en fortifiant l'âme de la papauté.» (Henri VIII
+n'avait pas encore supprimé les monastères.)
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+ Des écoles et universités, et des arts libéraux.
+
+
+«On doit tirer des écoles des pasteurs qui édifient et soutiennent
+l'Église. Des écoles et des pasteurs, cela vaut mieux que des conciles,
+comme je l'ai dit déjà.
+
+»J'espère que si le monde dure encore, les universités d'Erfurth et de
+Leipzig se relèveront et prendront des forces, pourvu qu'elles adoptent
+la saine théologie, à quoi elles semblent déjà disposées. Mais il
+faut que quelques-uns s'endorment auparavant.—Je m'étonnais d'abord
+qu'une université eût été fondée ici, à Wittemberg.—Erfurth est situé
+au mieux pour cela: là il doit y avoir une ville, quand même celle
+qui existe serait brûlée, ce que Dieu veuille empêcher. L'université
+d'Erfurth était jadis si renommée, que toutes les autres en comparaison
+étaient considérées comme de petites écoles. Maintenant cette gloire et
+cette majesté ont disparu, et l'université d'Erfurth est tout-à-fait
+morte.
+
+»Autrefois, on avançait les maîtres, on les honorait; on portait devant
+eux des flambeaux. Je trouve qu'il n'y a jamais eu en ce monde de joie
+comparable à celle-là. C'était aussi une grande fête quand on faisait
+des docteurs. On allait à cheval autour de la ville; on s'habillait
+avec plus de soin, on se parait. Tout cela ne se fait plus, mais je
+voudrais bien que l'on fît revivre ces bonnes coutumes.
+
+»Malheur à l'Allemagne qui néglige les écoles, qui les méprise et les
+laisse tomber! Malheur à l'archevêque de Mayence et d'Erfurth qui
+pourrait d'un mot relever les universités de ces deux villes, et qui
+les laisse désolées et désertes! Un seul coin de l'Allemagne, celui
+où nous sommes, fleurit encore, grâce à Dieu, par la pureté de la
+doctrine et la culture des arts libéraux[a56]. Les papistes voudront
+rebâtir l'étable, lorsque le loup aura mangé les brebis.—La faute en
+est à l'évêque de Mayence, c'est un fléau pour les écoles et pour toute
+l'Allemagne. Aussi en est-il déjà justement puni. Il a sur son visage
+une couleur de mort, comme de la boue mêlée de sang.
+
+»C'est à Paris, en France, que se trouve la plus célèbre et la plus
+excellente école. Il y a une foule d'étudians, dans les vingt mille
+et au-delà. Les théologiens y ont à eux le lieu le plus agréable de
+la ville, une rue particulière fermée de portes aux deux bouts; on
+l'appelle la _Sorbonne_. Peut-être, à ce que j'imagine, tire-t-elle ce
+nom de ces fruits de cormiers (_sorbus_) qui viennent sur les bords
+de la mer Morte, et qui présentent au dehors une agréable apparence;
+ouvrez-les, ce n'est que cendres au-dedans. Telle est l'université de
+Paris, elle présente une grande foule, mais elle est la mère de bien
+des erreurs. S'ils disputent, ils crient comme des paysans ivres, en
+latin, en français. Enfin on frappe des pieds pour les faire taire. Ils
+ne font point de docteurs en théologie à moins qu'on n'étudie dix ans
+dans leur sophistique et futile dialectique. Le répondant doit siéger
+un jour entier et soutenir la dispute contre tout venant, de six heures
+du matin à six heures du soir.
+
+»A Bourges en France, dans les promotions publiques de docteurs en
+théologie qui se font dans l'église métropolitaine, on leur donne à
+chacun un filet, apparemment pour qu'ils s'en servent à prendre les
+gens.
+
+»Nous avons, grâce à Dieu, des universités qui ont embrassé la parole
+de Dieu. Il y a encore beaucoup de belles écoles particulières qui
+se disposent bien, telles que Zwickaw, Torgaw, Wittemberg, Gotha,
+Eisenach, Deventer, etc.
+
+
+_Extrait du traité de Luther sur l'éducation._—L'éducation domestique
+est insuffisante.—Il faut que les magistrats veillent à l'instruction
+des enfans. Établir des écoles est un de leurs principaux soins.
+Les fonctions publiques ne doivent même être confiées qu'aux plus
+doctes.—Importance de l'étude des langues. Le diable redoute cette
+étude, et cherche à l'éteindre. N'est-ce pas par elle que nous avons
+retrouvé la vraie doctrine? La première chose que Christ ait donnée à
+ses apôtres, c'est le don des langues.—Luther se plaint de ce que,
+dans les monastères, on ne sait plus le latin, à peine l'allemand.
+
+«Pour moi, si j'ai jamais des enfans, et que ma fortune me le permette,
+je veux qu'ils deviennent habiles dans les langues et dans l'histoire;
+qu'ils apprennent même la musique et les mathématiques.» Suit un éloge
+des poètes et des historiens.
+
+Qu'on envoie au moins les enfans une heure ou deux par jour à l'école;
+qu'ils emploient le reste à soigner la maison et à apprendre quelque
+métier.
+
+Il doit aussi y avoir des écoles pour les filles.—On devrait fonder
+des bibliothèques publiques. D'abord des livres de théologie, latins,
+grecs, hébreux, allemands, puis des livres pour apprendre la langue,
+tels que les orateurs, les poètes, peu importe qu'ils soient chrétiens
+ou païens; les livres qui traitent des arts libéraux et des arts
+mécaniques; les livres de jurisprudence et de médecine; les annales,
+les chroniques, les histoires, dans la langue où elles ont été écrites,
+doivent tenir la première place dans une bibliothèque, etc.»
+
+
+_Des langues._—«Les Grecs, comparés aux Hébreux, ont bien de bonnes et
+agréables paroles, mais n'ont point de _sentences_. La langue hébraïque
+est la plus riche; elle ne mendie point, comme le grec, le latin et
+l'allemand. Elle n'a pas besoin de recourir aux mots composés.
+
+»Les Hébreux boivent à la source, les Grecs au ruisseau, les Latins au
+bourbier.»
+
+«J'ai peu d'usage de la langue latine, élevé, comme je le fus, dans la
+barbarie des doctrines scolastiques.» (12 novembre 1544.)
+
+«Je ne suis point de dialecte particulier en allemand. J'emploie
+la langue commune, de manière à être entendu dans la haute et dans
+la basse Allemagne. Je parle d'après la chancellerie de Saxe, que
+tous suivent, en Allemagne, dans leurs actes publics, rois, princes,
+villes impériales. Aussi, est-ce le langage le plus commun. L'empereur
+Maximilien et l'électeur Frédéric de Saxe ont ainsi ramené les
+dialectes allemands à une langue certaine. La langue des Marches est
+encore plus douce que celle de Saxe.»
+
+
+_De la grammaire._—«Autre chose est la grammaire, autre chose est la
+langue hébraïque. La langue hébraïque, puis la grammaire positive, a
+péri en grande partie chez les Juifs; elle est tombée avec la chose
+même, et avec l'intelligence, comme dit Isaïe (XXIX). Il ne faut donc
+rien accorder aux rabbins dans les choses sacrées; ils torturent et
+violentent les étymologies et les constructions, parce qu'ils veulent
+forcer la chose par les mots, soumettre la chose aux mots, tandis que
+ce sont les choses qui doivent commander.
+
+»On voit de semblables débats entre les Cicéroniens et les autres
+Latinistes. Pour moi, je ne suis ni latin, ni grammairien, encore moins
+cicéronien; cependant, j'approuve ceux qui aiment mieux prétendre à ce
+dernier nom. De même, dans la littérature sacrée, j'aimerais à être
+simplement mosaïque, davidique ou isaïque, s'il se pouvait, plutôt
+qu'un Hébreu kumique, ou semblable à tout autre rabbin.» (1537.)
+
+«Je regrette de n'avoir pas plus de temps à donner à l'étude des poètes
+et des rhéteurs[a57]: j'avais acheté un Homère pour devenir Grec.» (29 mars
+1523.)
+
+«Si je devais écrire sur la dialectique, j'exprimerais tout en
+allemand; je rejetterais tous ces mots étrangers: _propositio_,
+_syllogismus_, _enthymema_, _exemplum_...
+
+»Ceux qui introduisent de nouveaux mots, doivent aussi introduire
+de nouvelles choses, comme Scot avec sa _réalité_, son _hiccité_;
+comme les anabaptistes et les prédicateurs de troubles, avec leurs
+_besprengung_, _entgrobung_, _gelassenheit_. Qu'on se garde donc de
+tous ceux qui s'étudient à trouver des mots nouveaux et inusités.»
+
+Luther citait la fable de la cour du lion, et disait, «qu'après la
+Bible, il ne connaissait pas de meilleur livre que les _Fables d'Ésope_
+et les écrits de Caton; de même que Donat lui semblait le meilleur
+grammairien. Ce n'est point un seul homme qui a fait ces fables;
+beaucoup de grands esprits y ont travaillé à chaque époque du monde[a58].»
+
+
+_Des savans._—«Avant peu d'années, on manquera entièrement de savans.
+On aurait beau creuser pour en déterrer, rien ne servira; on pèche trop
+contre Dieu.»
+
+_A un ami_: «Ne te laisse pas aller à la crainte que l'Allemagne ne
+devienne plus barbare qu'elle ne l'a jamais été, par la chute des
+lettres que causerait notre théologie.» (29 mars 1523.)
+
+
+
+
+CHAPITRE IV.
+
+ Drames.—Musique.—Astrologie.—Imprimerie.—Banque, etc.
+
+
+_Des représentations théâtrales._—Luther ne désapprouve point un
+maître d'école qui jouait les comédies de Térence. Il énumère les
+diverses utilités de la comédie. Si on s'abstenait de la comédie, parce
+qu'il s'agit souvent d'amour, on n'oserait non plus lire la Bible.
+
+«—Notre cher Joachim m'a demandé mon jugement sur ces représentations
+d'histoires saintes, que blâment plusieurs de vos ministres. Voici,
+en peu de mots, mon opinion. Il a été commandé à tous les hommes de
+répandre et de propager le Verbe de Dieu, par tous les moyens, non pas
+seulement par la parole, mais par écritures, peintures, sculptures,
+psaumes, chansons, instrumens de musique, comme dit le psaume: _Laudate
+eum in tympano et choro, laudate eum chordis et organo_. Et Moïse dit:
+_Ligabis ea quasi signum in manu tuâ, eruntque et movebuntur inter
+oculos tuos, scribesque ea in limine et ostiis domûs tuæ_. Moïse veut
+que la parole se meuve devant les yeux, et comment cela se pourrait-il
+faire mieux et plus clairement que par des représentations semblables,
+mais graves et modestes, et non par des farces, comme autrefois
+sous la papauté? De tels spectacles frappent les yeux du peuple, et
+l'émeuvent souvent bien plus que des prédications publiques. Je sais
+que dans la basse Allemagne, où l'on a interdit la profession publique
+de l'Évangile, des drames, tirés de la Loi et de l'Évangile, en ont
+converti un grand nombre.» (5 avril 1543.)
+
+
+_De la musique._—«La musique est un des plus beaux et des plus
+magnifiques présens de Dieu. Satan en est l'ennemi. Par elle on
+repousse bien des tentations et de mauvaises pensées. Le diable ne
+tient pas contre.
+
+»Quelques-uns de la noblesse, et des courtisans, pensent que mon
+gracieux seigneur pourrait épargner en musique trois mille florins par
+an; et l'on dépense, en choses inutiles, trente mille florins.
+
+»Le duc George, le landgrave de Hesse, et l'électeur de Saxe,
+Jean-Frédéric, entretenaient des chanteurs et des musiciens.
+Aujourd'hui, c'est le duc de Bavière, l'empereur Ferdinand et
+l'empereur Charles.»
+
+En 1538, 17 décembre, Luther ayant des musiciens pour hôtes, et les
+ayant entendus, dit avec admiration: «Si notre Seigneur nous accorde de
+si nobles dons dans cette vie même, qui n'est qu'ordure et misère, que
+sera-ce donc dans la vie éternelle? En voici un commencement.
+
+»Chanter est le meilleur exercice[a59]. Il n'a rien à voir avec le
+monde... Aussi je me réjouis de ce que Dieu a refusé aux paysans (_sans
+doute aux paysans révoltés_), un don et une consolation si grande; ils
+n'entendent point la musique, et n'écoutent point la parole.»
+
+Il disait un jour à un joueur de harpe: «Mon ami, joue-moi un air,
+comme faisait David. Je crois que, s'il revenait aujourd'hui, il serait
+bien étonné de trouver les gens si habiles.
+
+»Comment se fait-il pourtant que nous ayons tant de belles choses dans
+le genre mondain, et que, dans le spirituel, nous n'ayons rien que de
+froid et de mauvais (et il répétait quelques chansons allemandes). Pour
+ceux qui méprisent la musique, comme font tous les rêveurs et les
+mystiques; je ne puis m'accorder avec eux.
+
+»... Je demanderai au prince qu'avec cet argent il établisse une
+musique.» (avril 1541.)
+
+Le 4 octobre 1530, il écrit à Ludovic Senfel, musicien de la cour de
+Bavière, pour lui demander de lui mettre en musique le: _In pace in id
+ipsum_. «L'amour de la musique m'a fait surmonter la crainte d'être
+repoussé, lorsque vous verrez un nom qui vous est sans doute odieux.
+Ce même amour me donne aussi l'espérance que mes lettres ne vous
+attireront aucun désagrément. Qui pourrait, fût-il le Turc, vous en
+faire un sujet de reproches?... Après la théologie, il n'y a aucun art
+que l'on puisse mettre à côté de la musique.»
+
+Luther recommande à son ami Amsdorf, un peintre nommé Sébastien,
+et ajoute: «Je ne sais si vous aurez besoin de lui. Je désirerais
+cependant que ton habitation fût plus ornée et plus élégante, à
+cause de la chair à qui reviennent aussi quelques soins et quelques
+recréations, lorsqu'elles sont sans péché et sans faute.» (6 février
+1542.)
+
+
+_Peinture[a60]._—Les pamphlets de Luther contre le pape, étaient
+presque toujours accompagnés de gravures symboliques.—«Quant à
+ces trois furies, dit-il, dans l'explication d'une de ces gravures
+satiriques, je n'avais autre chose dans l'esprit, lorsque j'en faisais
+l'application au pape, que d'exprimer l'atrocité de l'abomination
+papale par ces expressions les plus énergiques, les plus atroces de la
+langue latine; car les Latins ignorent ce que c'est que Satan ou le
+diable, comme l'ignorent aussi les Grecs et toutes les nations.» (8 mai
+1545.)
+
+C'était Lucas Cranach qui en avait fait les figures.—Luther écrit:
+«Maître Lucas est un peintre peu délicat. Il pouvait épargner le sexe
+féminin en considération de nos mères et de l'œuvre de Dieu. Il
+pouvait peindre d'autres formes plus dignes du pape, je veux dire plus
+diaboliques.» (3 juin 1545.)
+
+«Je ferai tous mes efforts, si je vis, pour que le peintre Lucas
+substitue à cette peinture obscène une image plus honnête.» (15 juin.)
+
+Luther professait pour Albert Dürer une grande admiration. Lorsqu'il
+apprit sa mort, il écrivit: «Il est douloureux sans doute de l'avoir
+perdu. Rejouissons-nous cependant de ce que Christ, par une fin si
+heureuse, l'a tiré de cette terre de misères et de troubles, qui,
+peut-être bientôt, sera déchirée par des troubles plus grands encore.
+Dieu n'a pas voulu que celui qui était né pour un siècle heureux, vît
+de si tristes choses; qu'il repose en paix avec ses pères.» (avril
+1528.)
+
+
+_De l'astronomie et de l'astrologie._—«Il est vrai que les astrologues
+peuvent prédire l'avenir aux impies, et leur annoncer la mort qui les
+attend, car le diable sait les pensées des impies, et il les a en sa
+puissance.»
+
+On fit mention d'un nouvel astronome, qui voulait prouver que c'est
+la terre qui tourne, et non point le firmament, le soleil et la lune;
+il en est de même, disait-il, pour les habitans de la terre que pour
+ceux qui sont dans un chariot ou dans un vaisseau, et qui croient
+voir le rivage ou les arbres fuir derrière eux[4]. «Ainsi va le monde
+aujourd'hui; quiconque veut être habile, ne doit pas se contenter de
+ce que font et savent les autres. Le sot veut changer tout l'art de
+l'astronomie; mais, comme le dit la sainte Écriture, Josué commanda au
+soleil de s'arrêter, et non à la terre.»
+
+ [4] Sans doute Copernic qui termina vers 1530 son livre
+ _De orbium cœlestium revolutionibus_, imprimé, en 1543, à
+ Nuremberg, avec une dédicace au pape Paul III. Dès 1540, une
+ lettre de son disciple Rheticus fit connaître le nouveau
+ système.
+
+«Les astrologues ont tort d'attribuer aux étoiles la mauvaise influence
+qui appartient en effet aux comètes.
+
+»Maître Philippe tient fort à cela, mais il n'a jamais pu me
+persuader. Il prétend que l'art est réel, mais qu'il n'y a point de
+maître qui s'y entende.»
+
+Comme on montrait un horoscope au docteur Luther, il dit: «C'est une
+belle et agréable imagination, et qui plaît à la raison. On va bien
+régulièrement d'une ligne à l'autre... Il en est de l'astrologie comme
+de l'art des sophistes, _de decem prædicamentis realiter distinctis_;
+tout est faux et artificiel; mais dans cette œuvre vaine et fictive,
+il y a un admirable ensemble; dans tant de siècles et parmi tant de
+sectes, thomistes, albertistes, scotistes, ils sont restés fidèles aux
+mêmes règles.
+
+»La science, qui a pour objet la matière, est incertaine. Car la
+matière est sans forme, et dépourvue de qualités et propriétés. Or,
+l'astrologie a pour objet la matière, etc.
+
+»Ils avaient dit qu'il y aurait un déluge en 1524, et la chose n'arriva
+qu'en 1525, époque du soulèvement des paysans. Déjà le bourgmestre
+Hendorf avait fait monter au haut de sa maison un quart de bière pour y
+attendre le déluge.»
+
+Maître Philippe disait que l'empereur Charles devait vivre jusqu'à
+quatre-vingt-quatre ans; le docteur Luther répondit: «Le monde ne
+durera pas si long-temps. Ézéchiel y est contraire. Si nous chassons
+le Turc, la prophétie de Daniel est accomplie, et certainement le jour
+du jugement est à la porte.»
+
+Une grande étoile rouge, qui avait paru dans le ciel, et qui forma
+ensuite une croix en 1516, reparut plus tard; «mais alors, dit Luther,
+la croix parut brisée; car l'Évangile était obscurci par les sectes
+et les révoltes. Je ne trouve rien de certain dans de tels signes; ce
+sont communément des signes diaboliques et trompeurs. Nous en avons vu
+beaucoup ces quinze dernières années.»
+
+
+_Imprimerie._—«L'imprimerie est le dernier et suprême don, le _summum
+et postremum donum_, par lequel Dieu avance les choses de l'Évangile.
+C'est la dernière flamme qui luit avant l'extinction du monde. Grâce à
+Dieu, elle est venue à la fin. _Sancti patres dormientes desiderârunt
+videre hunc diem revelati Evangelii._»
+
+Comme on lui montrait un écrit des Fugger, orné de lettres d'une forme
+bizarre, que personne ne pouvait le lire, il dit: «C'est une invention
+d'hommes habiles et prévoyans. Mais c'est la marque d'une époque bien
+corrompue. Nous lisons que Jules César employait de pareilles lettres.
+On dit que l'Empereur, se défiant de ses secrétaires, les fait écrire,
+dans les affaires les plus importantes, de deux manières qui se
+contredisent; et ils ne savent point auxquels des deux écrits il doit
+mettre son sceau.»
+
+
+_Banque[a61]._—«Un cardinal, évêque de Brixen, étant mort fort riche à
+Rome, on ne trouva point d'argent chez lui, mais seulement un petit
+billet dans sa manche. Le pape Jules II se douta bien que c'était
+une lettre de change; il envoya sur-le-champ chercher le facteur
+des Fugger, à Rome, et lui demanda s'il ne connaissait point cet
+écrit? Oui, répondit-il, c'est la reconnaissance de ce que Fugger et
+compagnie doivent au cardinal; cela fait trois cent mille florins. Le
+pape demanda s'il pouvait lui payer tout cet argent. A toute heure,
+répondit l'autre. Le pape fit venir ensuite les cardinaux de France et
+d'Angleterre, et leur demanda si leurs rois pourraient trouver en une
+heure trois tonnes d'or? Ils répondirent que non. Eh bien! dit-il, un
+bourgeois d'Augsbourg peut le faire.
+
+»Fugger devant un jour donner au conseil d'Augsbourg l'estimation de
+ses biens, il répondit qu'il ne savait pas ce qu'il avait, car son
+argent était dans tout le monde, en Turquie, en Grèce, à Alexandrie,
+en France, en Portugal, en Angleterre, en Pologne, etc., mais qu'il
+pouvait bien donner l'estimation de ce qu'il avait à Augsbourg.»[a62]
+
+
+
+
+CHAPITRE V.
+
+ De la prédication.—Style de Luther.—Il avoue la violence de
+ son caractère.
+
+
+«Oh combien je tremblais lorsque, pour la première fois, il me fallut
+monter en chaire[r73]! mais on me forçait de prêcher. Il fallait
+d'abord prêcher les frères...»
+
+ [r73] _Ibid._ 181.
+
+«J'ai bien, sous ce même poirier où nous sommes, opposé au docteur
+Staupitz quinze argumens contre ma vocation à la prédication. Je lui
+dis enfin: «Seigneur docteur Staupitz, vous voulez me tuer; je ne
+vivrai pas trois mois.» Il me répondit: «Eh bien! notre Seigneur a de
+grandes affaires; on a besoin de gens habiles là-haut.»
+
+»Je n'apporte guère de zèle et d'ardeur à la distribution de mes
+œuvres en tomes; j'ai une faim de Saturne, je les voudrais tous
+dévorer. Car il n'y a pas un de mes livres dont je sois satisfait, si
+ce n'est peut-être le _Traité du serf arbitre_ et le _Catéchisme_.» (9
+juillet 1537.)
+
+«Je n'aime pas que Philippe assiste à mes leçons ou prédications, mais
+je mets la croix devant moi, et je me dis: Philippe, Jonas, Pomer, tous
+les autres, ne font rien à la chose; et je m'imagine alors qu'il ne
+s'est assis dans la chaire personne de plus habile que moi[r74].»
+
+ [r74] _Ibid._ 197.
+
+Le docteur Jonas lui disait: «Seigneur docteur, je ne puis du tout vous
+suivre dans la prédication[r75].»—Le docteur Luther répondit: «Je ne
+le puis moi-même, car souvent c'est ma propre personne ou quelque chose
+de particulier qui me donne l'occasion d'un sermon, selon le temps,
+les circonstances, les auditeurs. Si j'étais plus jeune, je voudrais
+retrancher beaucoup dans mes prédications, car j'y ai mis trop de
+paroles.»
+
+ [r75] _Ibid._ 113.
+
+«Je veux que l'on enseigne bien au peuple le Catéchisme; je me fonde
+sur lui dans tous mes sermons, et je prêche aussi simplement que
+possible[r76]. Je veux que les hommes du commun, les enfans, les
+domestiques, me comprennent. Ce n'est point pour les savans que l'on
+monte en chaire; ils ont les livres.»
+
+ [r76] _Ibid._ 116.
+
+Le docteur Erasmus Alberus, prêt à partir pour la Marche, demandait
+au docteur Luther comment il fallait prêcher devant le prince[r77].
+«Tes prédications, dit-il, doivent s'adresser, non aux princes, mais
+au simple et grossier peuple. Si, dans les miennes, je songeais à
+Mélanchton et aux autres docteurs, je ne ferais rien de bon; mais je
+prêche tout simplement pour les ignorans, et cela plaît à tous. Si je
+sais du grec, de l'hébreu, du latin, je le réserve pour nos réunions
+de savans. Alors nous en disons de si subtiles que Dieu même en est
+étonné.»
+
+ [r77] _Ibid._ 184.
+
+«Albert Dürer, le fameux peintre de Nuremberg, avait coutume de dire
+qu'il ne prenait aucun plaisir aux peintures chargées de couleurs, mais
+à celles qui étaient faites avec le plus de simplicité. J'en dis autant
+des prédications[r78].»
+
+ [r78] _Ibid._ 425.
+
+«Oh que j'eusse été heureux, lorsque j'étais au cloître d'Erfurt, si
+j'avais pu une fois, une seule fois, entendre prêcher un pauvre petit
+mot sur l'Évangile ou sur le moindre des psaumes[r79]!»
+
+ [r79] Luth. Werke, t. IX, 245.
+
+«Rien n'est plus agréable et plus utile au commun des auditeurs, que de
+prêcher la loi et les exemples[r80]. Les prédications sur la Grâce
+et sur l'article de la justification sont froides pour leurs oreilles.»
+
+ [r80] Tischreden, 182.
+
+Parmi les qualités que Luther exige d'un prédicateur, il veut qu'il
+soit beau de sa personne, et tel que les bonnes femmes et les petites
+filles puissent l'aimer[r81].
+
+ [r81] _Ibid._ 183.
+
+Dans le _Traité sur les vœux monastiques_, Luther demande
+pardon au lecteur de dire bien des choses qu'on a coutume de
+taire[r82].—«Pourquoi n'oser dire ce que le Saint-Esprit, pour
+instruire les hommes, a dicté à Moïse? Mais nous voulons que nos
+oreilles soient plus pures que la bouche du Saint-Esprit.»
+
+ [r82] Seckendorf, livre I, 202.
+
+_A J. Brentius._ «Je ne veux point te flatter, je ne te trompe pas, je
+ne me trompe pas moi-même, quand je dis que je préfère tes écrits aux
+miens. Ce n'est point Brentius que je loue, mais l'Esprit saint, qui
+en toi est plus doux, plus tranquille; tes paroles coulent plus pures,
+plus limpides. Mon style, à moi, inhabile et inculte, vomit un déluge,
+un chaos de paroles; turbulent et impétueux comme un lutteur toujours
+aux prises avec mille monstres qui se succèdent; et si j'ose comparer
+de petites choses aux grandes, il me semble qu'il m'a été donné quelque
+chose de ce quadruple esprit d'Élie, rapide comme le vent, dévorant
+comme le feu, qui renverse les montagnes et brise les pierres; à toi,
+au contraire, le doux murmure de la brise légère et rafraîchissante.
+Une chose me console, c'est que le divin père de famille a besoin, dans
+cette famille immense, de l'un et de l'autre serviteur, du dur contre
+les durs, de l'âpre contre les âpres, comme d'un mauvais coin contre de
+mauvais nœuds. Pour purger l'air et rendre la terre plus fertile, ce
+n'est point assez de la pluie qui arrose et pénètre, il faut encore les
+éclats de la foudre.» (20 août 1530.)
+
+«Je suis loin de me croire sans défaut; mais je puis au moins me
+glorifier avec saint Paul, de ne pouvoir être accusé d'hypocrisie et
+d'avoir toujours dit la vérité, peut-être, il est vrai, un peu trop
+rudement. Mais j'aime mieux pécher par la dureté de mes paroles, en
+jetant la vérité dans le monde, que de la retenir honteusement captive.
+Si les grands seigneurs s'en trouvent blessés, qu'ils se mêlent de
+leurs affaires sans plus se soucier des miennes et de nos doctrines.
+Est-ce que je leur ai fait quelque tort, quelque injustice? Si je
+pèche, ce sera à Dieu de me pardonner.» (5 février 1522.)
+
+_A Spalatin._ «Je ne puis nier que je ne sois plus violent qu'il ne
+faudrait[a63]; mais ils le savaient, c'était à eux de ne pas irriter le
+dogue. Tu peux savoir par toi-même combien c'est une chose difficile
+que de modérer son feu et de contenir sa plume. Et voilà pourquoi j'ai
+toujours haï de paraître en public; mais plus je le hais, plus j'y suis
+forcé malgré moi.» (février 1520.)
+
+Le docteur Luther disait souvent[r83]: «J'ai trois mauvais chiens,
+_ingratitudinem, superbiam et invidiam_ (l'ingratitude, l'orgueil et
+l'envie). Celui qu'ils mordent est bien mordu.»
+
+ [r83] Tischreden, 105.
+
+«Si je meurs, les papistes verront quel adversaire ils ont eu en
+moi[r84]. D'autres prédicateurs n'auront pas la même mesure, la même
+modération. On l'a déjà éprouvé avec Münzer, avec Carlostad, Zwingli et
+les anabaptistes.»
+
+ [r84] _Ibid._ 356.
+
+«Dans la colère mon tempérament se retrempe, mon esprit s'aiguise, et
+toutes les tentations, tous les ennuis se dissipent. Je n'écris et ne
+parle jamais mieux qu'en colère[r85].»
+
+ [r85] _Ibid._ 145.
+
+_A Michel Marx._ «Tu ne saurais croire combien j'aime à voir mes
+adversaires s'élever chaque jour davantage contre moi. Je ne suis
+jamais plus superbe et plus audacieux que lorsque j'apprends que je
+leur déplais. Docteurs, évêques, princes, que m'importe? Il est écrit:
+_Tremuerunt gentes et populi meditati sunt inania. Adstiterunt reges
+terræ, et principes convenerunt in unum adversùs Deum et adversùs
+Christum ejus._
+
+»J'ai un tel dédain pour ces satans, que si je n'étais retenu ici,
+j'irais tout droit à Rome, en haine du diable et de toutes ces furies.»
+
+«Il faut que j'aie de la patience avec le pape, avec mes disciples,
+avec mes domestiques, avec Catherine de Bora, avec tout le monde, et ma
+vie n'est autre chose que de la patience.»
+
+
+
+
+LIVRE V.
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER.
+
+ Mort du père de Luther, de sa fille, etc.
+
+
+«Il n'est pas d'alliance ni de société plus belle, plus douce et
+plus heureuse, qu'un bon mariage[r86]. C'est une joie de voir deux
+époux vivre unis et en paix. Mais aussi, rien n'est plus amer et plus
+douloureux que quand ce lien se déchire. Après cela vient la mort des
+enfans. Cette dernière douleur je la connais, hélas!»
+
+ [r86] _Ibid._ 331.
+
+—«Je suis triste en t'écrivant, car j'ai reçu la nouvelle de la mort
+de mon père, ce vieux Luther, si bon et si aimé. Et bien que par moi
+il ait eu un si facile et si pieux passage en Christ, et que, délivré
+des monstres d'ici-bas, il repose dans la paix éternelle, cependant mes
+entrailles se sont émues, car c'est par lui que Dieu m'a fait naître et
+m'a élevé.»—Dans une lettre du même jour à Mélanchton: «... Je succède
+à son nom; voici maintenant que je suis pour ma famille le vieux
+Luther. C'est mon tour, c'est mon droit de le suivre par la mort dans
+ce royaume que Christ nous a promis à nous tous qui, à cause de lui,
+sommes les plus misérables des hommes, et l'opprobre du monde... Je me
+réjouis cependant qu'il ait vécu dans ce temps, et qu'il ait pu voir la
+lumière de la vérité. Dieu soit béni dans tous ses actes, dans tous ses
+desseins!» (5 juin 1530.)
+
+«La nouvelle étant venue de Freyberg que maître Hausman était mort,
+nous la cachâmes au docteur Luther, et lui dîmes d'abord qu'il était
+malade, puis qu'il était au lit, puis qu'il s'était bien doucement
+endormi dans le Christ[r87]. Le docteur se mit à pleurer bien fort,
+et dit: «Voici des temps bien périlleux; Dieu balaie son aire et sa
+grange. Je le prie de ne pas laisser vivre long-temps après ma mort
+ma femme et mes enfans.» Il resta assis tout le jour; il pleurait
+et s'affligeait. Il était avec le docteur Jonas, maître Philippe
+(Mélanchton), maître Joachim Camerarius, et Gaspard de Keckeritz, et,
+au milieu d'eux, il était assis, tout affligé et en larmes.» (1538.)
+
+ [r87] _Ibid._ 274.
+
+«Lorsqu'il perdit sa fille Magdalena, âgée de quatorze ans, la femme du
+docteur pleurait et se lamentait. Il lui dit: «Chère Catherine, songe
+pourtant où elle est allée. Elle a certes fait un heureux voyage. La
+chair saigne, sans doute, c'est sa nature; mais l'esprit vit et se
+trouve selon ses souhaits. Les enfans ne disputent point; comme on leur
+dit, ils croient. Chez les enfans tout est simple. Ils meurent sans
+chagrin ni angoisses, sans disputes, sans tentations de la mort, sans
+douleur corporelle, tout comme s'ils s'endormaient.»
+
+»Comme sa fille était fort malade, il disait: «Je l'aime bien! Mais, ô
+mon Dieu! si c'est ta volonté de la prendre d'ici, je veux la savoir
+sans regret auprès de toi.» Et comme elle était au lit, il lui disait:
+«Ma chère petite fille, ma petite Madeleine, tu resterais volontiers
+ici auprès de ton père, et tu irais pourtant volontiers aussi à ton
+autre père.» Elle répondit: «Oui, mon cher père, comme Dieu voudra.»
+«Chère petite fille! ajouta-t-il, l'esprit veut, mais la chair est
+faible.» Il se promena en long et en large et dit: «Oui, je l'ai aimée
+bien fort. Si la chair est si forte, que sera-ce donc de l'esprit.»
+
+»Il disait entre autres choses: «Dieu n'a pas donné depuis mille ans à
+aucun évêque d'aussi grands dons qu'à moi; car on doit se glorifier des
+dons de Dieu. Eh! bien, je suis en colère contre moi-même de ce que je
+ne puis m'en réjouir de cœur, ni rendre grâce; je chante bien de temps
+en temps à notre Seigneur un petit cantique, et le remercie un peu.
+
+»Eh bien! que nous vivions ou que nous mourions, _Domini sumus_ au
+génitif ou au nominatif. Allons, seigneur docteur, tenez ferme.»
+
+»La nuit qui précéda la mort de Magdalena, la femme du docteur avait eu
+un songe; il lui semblait voir deux beaux jeunes garçons bien parés,
+qui voulaient prendre sa fille et la mener à la noce[r88]. Lorsque
+Philippe Mélanchton vint le matin dans le cloître, et demanda à la
+dame: «Que faites-vous de votre fille?» elle lui raconta son rêve. Il
+en fut bien effrayé, et dit aux autres: «Les jeunes garçons sont les
+saints anges qui vont venir pour mener la vierge à la véritable noce du
+royaume céleste.» Et en effet le même jour elle mourut.
+
+ [r88] _Ibid._ 360.
+
+»Lorsque la petite Magdalena était à l'agonie et allait mourir, le père
+tomba à genoux devant son lit, pleura amèrement, et pria Dieu qu'il
+voulût bien la sauver. Elle expira et s'endormit dans les bras de son
+père. La mère était bien dans la même chambre, mais plus loin du lit, à
+cause de son affliction. Le docteur répétait souvent: «Que la volonté
+de Dieu soit faite! ma fille a encore un père dans le ciel.» Alors
+maître Philippe se mit à dire: «L'amour des parens est une image de la
+divinité imprimée au cœur des hommes. Dieu n'aime pas moins le genre
+humain que les parens leurs enfans.» Lorsqu'on la mit dans la bière, le
+père dit: «Pauvre chère petite Madeleine, te voilà bien maintenant?»
+Il la regarda ainsi étendue, et dit: «O cher enfant, tu ressusciteras,
+tu brilleras comme une étoile! Oui, comme le soleil!... Je suis joyeux
+en esprit, mais dans la chair je suis bien triste. C'est une chose
+merveilleuse de savoir qu'elle est certainement en paix, qu'elle est
+bien, et cependant d'être si triste.»
+
+»Et lorsque le peuple vint pour aider à emporter le corps, et que,
+selon le commun usage, ils lui disaient qu'ils prenaient part à son
+malheur, il leur dit: «Ne vous chagrinez pas, j'ai envoyé une sainte
+au ciel. Oh! puissions-nous avoir une telle mort! Une telle mort, je
+l'accepterais sur l'heure!»—Lorsque l'on chanta: Seigneur, qu'il ne
+vous souvienne pas de nos anciens péchés! il ajouta: «Non-seulement des
+anciens, mais de ceux d'aujourd'hui. Car nous sommes avides, usuriers,
+etc.; le scandale de la messe existe encore dans le monde!»
+
+»Au retour, il disait entre autres choses: «On doit s'inquiéter du sort
+de ses enfans, et surtout des pauvres filles. Je ne plains pas les
+garçons; un garçon vit partout pourvu qu'il sache travailler. Mais le
+pauvre petit peuple des filles doit chercher sa vie un bâton à la main.
+Un garçon peut aller aux écoles, et devenir un habile garçon (ein
+feiner man). Une petite fille ne peut en faire autant. Elle
+tourne facilement au scandale et devient grosse. Aussi je donne bien
+volontiers celle-ci à notre Seigneur.»
+
+_A Jonas._ «La renommée t'aura, je pense, informé de la renaissance de
+ma fille Madeleine au royaume du Christ; et bien que moi et ma femme
+nous dussions ne songer qu'à rendre de joyeuses actions de grâces pour
+un si heureux passage et une fin si désirable, par où elle a échappé
+à la puissance de la chair, du monde, du Turc et du Diable, cependant
+la force τῆς στοργῆς est si grande que je ne puis le supporter sans
+sanglots, sans gémissement, disons mieux, sans une véritable mort du
+cœur. Dans le plus profond de mon cœur sont encore gravés ses traits,
+ses paroles, ses gestes, pendant sa vie et sur son lit de mort; mon
+obéissante et respectueuse fille! La mort même du Christ (et que
+sont toutes les morts en comparaison?) ne peut me l'arracher de la
+pensée, comme elle le devrait.... Elle était, comme tu sais, douce de
+caractère, aimable et pleine de tendresse.» (23 septembre 1542.)
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+ De l'équité, de la Loi.—Opposition du théologien et du juriste.
+
+
+«Il vaut mieux se gouverner _d'après la raison naturelle que d'après
+la loi écrite_, car la raison est l'âme et la reine de la loi[r89].
+Mais où sont les gens qui ont une telle intelligence? on en peut à
+peine trouver un par siècle. Notre gracieux seigneur, l'électeur
+Frédéric, était un tel homme. Il y a eu encore son conseiller le
+seigneur Fabian de Feilitsch, un laïc, qui n'avait point étudié et
+qui répondait sur _apices et medullam juris_ mieux que les juristes
+d'après leurs livres.—Maître Philippe Mélanchton enseigne les arts
+libéraux, de manière qu'il en tire moins de lumière qu'il ne leur en
+prête lui-même. Moi aussi, je porte mon art dans les livres, je ne
+l'en tire point. Celui qui voudrait imiter les quatre hommes dont je
+viens de parler, ferait aussi bien d'y renoncer; il faut plutôt qu'il
+apprenne et qu'il écoute. De tels prodiges sont rares. La loi écrite
+est pour le peuple et l'homme du commun. La raison naturelle et la
+haute intelligence sont pour les hommes dont j'ai parlé.»
+
+ [r89] _Ibid._ 347.
+
+«Il y a un éternel combat entre les juristes et les théologiens; c'est
+la même opposition qu'entre la loi et la grâce.»
+
+«Le droit est une belle fiancée, pourvu qu'elle reste dans son lit
+nuptial[r90]. Si elle monte dans un autre lit et veut gouverner la
+théologie, c'est une grande p...... Le droit doit ôter sa barrette
+devant la théologie.»
+
+ [r90] _Ibid._
+
+_A Mélanchton._ «Je pense comme autrefois sur le droit du glaive; je
+pense avec toi que l'Évangile n'a rien enseigné ni conseillé sur ce
+droit, et que cela ne devait être en aucune façon, parce que l'Évangile
+est la loi des volontés et des libertés, qui n'ont rien à faire avec
+le glaive ou le droit du glaive. Mais ce droit n'y est pas aboli, il y
+est même confirmé et recommandé; ce qui n'a lieu pour aucune des choses
+simplement permises.»
+
+«Avant moi, il n'y a aucun juriste qui ait su ce qu'est le droit,
+relativement à Dieu[r91]. Ce qu'ils ont, ils l'ont de moi. Il n'est
+point mis dans l'Évangile que l'on doive adorer les juristes. Si notre
+Seigneur Dieu veut juger, que lui importent les juristes? Pour ce qui
+regarde le monde, je les laisse maîtres. Mais dans les choses de Dieu
+ils doivent être sous moi. Mon psaume à moi, c'est celui-ci: _Rois
+soyez châtiés_, etc. S'il faut qu'un des deux périsse, périsse le
+droit, règne le Christ!
+
+ [r91] _Ibid._ 402.
+
+»_Principes convenerunt in unum._ David le dit lui-même, _contre son
+fils se dresseront la puissance, la sagesse, la multitude du monde, et
+il doit être seul contre beaucoup, insensé contre les sages, impuissant
+contre les puissans_. Certes, c'est là une merveilleuse conduite des
+choses. Notre Seigneur Dieu ne manque de rien que de gens sages, mais
+derrière sonne le terrible _Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui
+judicatis terram_ (Comprenez maintenant, ô rois; instruisez-vous, juges
+de la terre).
+
+»Si les juristes ne prient point pour le pardon de leurs péchés et
+n'acceptent point l'Évangile, je veux les confondre, de sorte qu'ils
+ne sachent plus comment se tirer d'affaire. Je n'entends rien au
+droit, mais je suis seigneur du droit dans les choses qui touchent la
+conscience.
+
+»Nous sommes redevables aux juristes d'avoir enseigné et d'enseigner
+au monde tant d'équivoques, de chicanes, de calomnies, que le langage
+est devenu plus confus que dans une Babel. Ici, nul ne peut comprendre
+l'autre, là, nul ne veut comprendre. O sycophantes, ô sophistes, pestes
+du genre humain. Je t'écris tout en colère, et je ne sais si, de
+sang-froid, j'enseignerais mieux.» (6 février 1546.)
+
+La veille d'un jour où on allait faire un docteur en droit, Luther
+disait: «Demain on fera une nouvelle vipère contre les théologiens.»
+
+«On a raison de dire: _un bon juriste est un mauvais chrétien_. En
+effet, le juriste estime et vante la justice des œuvres, comme si
+c'était par là qu'on est juste devant Dieu. S'il devient chrétien, il
+est considéré parmi les juristes comme un animal monstrueux, il faut
+qu'il mendie son pain, les autres le regardent comme séditieux.
+
+»Qu'on frappe la conscience des juristes, ils ne savent ce qu'ils
+doivent faire. Münzer les attaquait avec l'épée; c'était un fou.
+
+»Si j'étudiais seulement deux ans en droit, je voudrais devenir plus
+savant que le docteur C.; car je parlerais des choses, selon qu'elle
+sont véritablement justes ou injustes. Mais lui, il chicane sur les
+mots.
+
+»La doctrine des juristes n'est rien qu'un _nisi_, un _excepté_. La
+théologie ne procède pas ainsi, elle a un ferme fondement.
+
+»L'autorité des théologiens consiste en ce qu'ils peuvent obscurcir
+les universaux, et tout ce qui s'y rapporte. Ils peuvent élever et
+abaisser. Si la Parole se fait entendre, Moïse et l'Empereur doivent
+céder.
+
+»Le droit et les lois des Perses et des Grecs sont tombés en désuétude
+et abolis. Le droit romain ou impérial ne tient plus qu'à un fil[a64].
+Car si un empire ou un royaume tombe, ses lois et ordonnances doivent
+tomber aussi.
+
+»Je laisse le cordonnier, le tailleur, le juriste pour ce qu'ils sont.
+Mais qu'ils n'attaquent point ma chaire!...
+
+»Beaucoup de gens croient que la théologie qui est révélée aujourd'hui,
+n'est rien. Si cela a lieu de notre vivant, que sera-ce après notre
+mort? En récompense beaucoup d'entre nous sont gros de cette pensée
+dont ils accoucheront plus tard, que le droit n'est rien.
+
+_Sermon contre les juristes, prêché le jour des Rois._ «Voilà comme
+agissent nos fiers juristes et chevaliers ès-lois de Wittemberg... Ils
+ne lisent point nos livres, les appellent catoniques (pour canoniques),
+ne s'inquiètent pas de notre Seigneur, et ne visitent point nos
+églises[r92]. Eh bien! puisqu'ils ne reconnaissent point le docteur
+Pomer pour évêque de Wittemberg, ni moi pour prédicateur de cette
+église, je ne les compte plus dans mon troupeau.
+
+ [r92] _Ibid._ 403.
+
+»Mais, disent-ils, vous allez contre le droit impérial. J'emm...e ce
+droit qui fait tort au pauvre homme.»
+
+Suit un dialogue du juriste avec le plaideur à qui il promet pour dix
+thalers de faire traîner une affaire dix ans... «Bonnes et pieuses gens
+comme Reinicke Fuchs, dans le poème du Renard...»
+
+«Bon peuple, veuillez agréer les motifs pour lesquels je veux être
+impitoyable envers les juristes[r93]... Ils vantent le droit
+canonique, la m...e du pape, et le représentent comme une chose
+magnifique, lorsque nous l'avons, avec tant de peine, repoussé et
+chassé de nos églises... Je te le conseille, juriste, laisse dormir le
+vieux dogue[a65]. Une fois éveillé, tu ne le ramènerais pas aisément à
+la loge.
+
+ [r93] _Ibid._ 407.
+
+»Les juristes se plaignent fort, et m'en veulent. Qu'y puis-je faire?
+Si je ne devais pas rendre compte de leurs âmes, je ne les châtierais
+point.» Il déclare pourtant ensuite[a66] qu'il n'a point parlé des
+juristes pieux.[a67]
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+ La Foi, la Loi.
+
+
+_A Gerbellius_: «Dans cette cohue de scandales, ne te démens pas
+toi-même. Je te la rends pour te soutenir, l'épouse (la foi) que tu
+m'as montrée jadis; je te la rends vierge et sans tache. Mais ce qu'il
+y a en elle d'admirable et d'inouï, c'est qu'elle désire et attire une
+infinité de rivaux, et qu'elle est d'autant plus chaste qu'elle est
+l'épouse d'un plus grand nombre.
+
+ * * * * *
+
+»Notre rival, Philippe Mélanchton, te salue. Adieu, sois heureux avec
+la fiancée de ta jeunesse.» (23 janvier 1523).
+
+_A Mélanchton._ «Sois pécheur, et pèche fortement, mais aie encore
+plus forte confiance, et réjouis-toi en Christ, qui est le vainqueur
+du péché, de la mort et du monde. Il faut pécher, tant que nous
+sommes ici. Cette vie n'est point le séjour de la justice; non, nous
+attendons, comme dit Pierre, les cieux nouveaux et la terre nouvelle où
+la justice habite.....»
+
+«Prie grandement; car tu es un grand pécheur.»
+
+«Je suis maintenant tout-à-fait dans la doctrine de la rémission des
+péchés[r94]. Je n'accorde rien à la Loi ni à tous les Diables. Celui
+qui peut croire en son cœur à la rémission des péchés, celui-là est
+sauvé.»
+
+ [r94] _Ibid._ 102.
+
+«De même qu'il est impossible de rencontrer dans la nature le point
+_mathématique_, _indivisible_, de même l'on ne trouve nulle part la
+justice telle que la Loi la demande. Personne ne peut satisfaire à
+la Loi entièrement, et les juristes eux-mêmes, malgré tout leur art,
+sont bien souvent obligés de recourir à la rémission des péchés, car
+ils n'atteignent pas toujours le but, et quand ils ont rendu un faux
+jugement, et que le Diable leur tourmente la conscience, ni Barthole,
+ni Baldus, ni tous leurs autres docteurs ne leur servent de rien. Pour
+résister, ils sont forcés de se couvrir de l'ἐπιείκεια,
+c'est-à-dire de la rémission des péchés. Ils font leur possible pour
+bien juger, et après cela il ne leur reste plus qu'à dire: «Si j'ai
+mal jugé, ô mon Dieu, pardonne-le-moi.»—C'est la théologie seule qui
+possède le point mathématique, elle ne tâtonne pas, elle a le Verbe
+même de Dieu. Elle dit: «Il n'est qu'une justice, Jésus-Christ. Qui vit
+en lui, celui-là est juste.»
+
+»La Loi sans doute est nécessaire, mais non pour la béatitude, car
+personne ne peut l'accomplir; mais le pardon des péchés la consomme et
+l'accomplit[r95].
+
+ [r95] _Ibid._ 128.
+
+»La Loi est un vrai labyrinthe qui ne peut que brouiller les
+consciences, et la justice de la Loi est un minotaure, c'est-à-dire une
+pure fiction qui ne nous conduit point à la béatitude, mais nous attire
+en enfer.»
+
+_Addition de Luther à une lettre de Mélanchton sur la Grâce et la
+Loi..._—«Pour me délivrer entièrement de la vue de la loi et des
+œuvres, je ne me contente pas même de voir en Jésus-Christ mon maître,
+mon docteur et mon donateur, je veux qu'il soit lui-même ma doctrine et
+mon don, de telle sorte, qu'en lui je possède toute chose[r96]. Il
+dit: «Je suis le chemin, la vérité et la vie,» non pas: «Je te montre
+ou je te donne le chemin, la vérité et la vie,» comme s'il opérait
+seulement ceci en moi, et que lui-même il fût néanmoins en dehors de
+moi...»—«Il n'est qu'un seul point dans toute la théologie: vraie foi
+et confiance en Jésus-Christ[r97]. Cet article contient tous les
+autres.—«Notre foi est un soupir inexprimable.» Et ailleurs: «Nous
+sommes nos propres geôliers. (C'est-à-dire que nous nous enfermons dans
+nos œuvres, au lieu de nous élancer dans la foi[r98].)
+
+ [r96] Tischreden, 133.
+
+ [r97] _Ibid._ 140.
+
+ [r98] _Ibid._ 147.
+
+»Le diable veut seulement une justice _active_, une justice que
+nous fassions nous-mêmes en nous, tandis que nous n'en avons qu'une
+_passive_ et étrangère qu'il ne veut point nous laisser[r99]. Si
+nous étions bornés à l'_active_, nous serions perdus, car elle est
+défectueuse dans tous les hommes.»
+
+ [r99] _Ibid._ 142.
+
+Un docteur anglais, Antonius Barns, demandait au docteur Luther si les
+chrétiens, justifiés par la foi en Christ, méritaient quelque chose
+pour les œuvres qui venaient ensuite[r100]. Car cette question était
+souvent agitée en Angleterre. Réponse: 1º Nous sommes encore pécheurs
+après la justification; 2º Dieu promet récompense à ceux qui font bien.
+Les œuvres ne méritent point le ciel, mais elles ornent la foi qui
+nous justifie. Dieu ne couronne que les dons mêmes qu'il nous a faits.
+
+ [r100] _Ibid._ 144.
+
+FIDELIS ANIMÆ VOX AD CHRISTUM. _Ego sum tuum peccatum, tu mea justitia;
+triumpho igitur securus_, etc.
+
+«Pour résister au désespoir, il ne suffit pas d'avoir de vains mots
+sur la langue, ni une vaine et faible opinion; mais il faut qu'on
+relève la tête, que l'on prenne une âme ferme et que l'on se confie
+en Christ contre le péché, la mort, l'enfer, la Loi et la mauvaise
+conscience[r101].»
+
+ [r101] _Ibid._ 124.
+
+«Quand la Loi t'accuse et te reproche tes fautes, ta conscience te
+dit: Oui, Dieu a donné la Loi et commandé de l'observer sous peine
+de damnation éternelle; il faut donc que tu sois damné. A cela tu
+répondras: Je sais bien que Dieu a donné la Loi, mais il a aussi donné
+par son fils l'Évangile qui dit: Celui qui aura reçu le baptême et qui
+croira, sera sauvé. Cet Évangile est plus grand que toute la Loi, car
+la Loi est terrestre et nous a été transmise par un homme; l'Évangile
+est céleste et nous a été apporté par le Fils de Dieu.—N'importe, dit
+la conscience, tu as péché et transgressé le commandement de Dieu; donc
+tu seras damné.—_Réponse_: Je sais fort bien que j'ai péché, mais
+l'Évangile m'affranchit de mes péchés, parce que je crois en Jésus, et
+cet Évangile est élevé au-dessus de la Loi autant que le ciel l'est
+au-dessus de la terre. C'est pourquoi le corps doit rester sur la
+terre et porter le fardeau de la Loi, mais la conscience monter, avec
+Isaac, sur la montagne, et s'attacher à l'Évangile, qui promet la vie
+éternelle à ceux qui croient en Jésus-Christ.—N'importe, dit encore la
+conscience, tu iras en enfer; tu n'as pas observé la Loi.—_Réponse_:
+Oui, si le ciel ne venait à mon secours; mais il est venu à mon
+secours, il s'est ouvert pour moi; le Seigneur a dit: Celui qui sera
+baptisé et qui croira, sera sauvé.»
+
+«Dieu dit à Moïse: Tu verras mon dos, mais non point mon
+visage[r102]. Le dos c'est la Loi, le visage c'est l'Évangile.»
+
+ [r102] _Ibid._ 125.
+
+«La Loi ne souffre pas la Grâce, et à son tour la Grâce ne souffre pas
+la Loi. La Loi est donnée seulement aux orgueilleux, aux arrogans, à la
+noblesse, aux paysans, aux hypocrites et à ceux qui ont mis leur amour
+et leur plaisir dans la multitude des lois. Mais la Grâce est promise
+aux pauvres cœurs souffrans, aux humbles, aux affligés; c'est eux que
+regarde le pardon des péchés. A la Grâce appartiennent maître Nicolas
+Hausmann, Cordatus, Philippe (Mélanchton) et moi.»
+
+«Il n'y a point d'auteur, excepté saint Paul, qui ait écrit d'une
+manière complète et parfaite sur la Loi, car c'est la mort de toute
+raison de juger la Loi: l'esprit en est le seul juge.» (15 août 1530.)
+
+«La bonne et véritable théologie consiste dans la pratique, l'usage et
+l'exercice. Sa base et son fondement, c'est le Christ, dont on comprend
+avec la foi, la passion, la mort et la résurrection. Ils se font
+aujourd'hui, pour eux, une _théologie spéculative_ d'après la raison.
+Cette _théologie spéculative_ appartient au diable dans l'enfer. Ainsi
+Zwingle et les sacramentaires _spéculent_ que le corps du Christ est
+dans le pain, mais seulement dans le sens spirituel. C'est aussi la
+théologie d'Origène. David n'agit pas ainsi, mais il reconnaît ses
+péchés et dit: _Miserere mei Domine!_»
+
+«J'ai vu naguère deux signes au ciel. Je regardais par la fenêtre au
+milieu de la nuit, et je vis les étoiles et toute la voûte majestueuse
+de Dieu se soutenir sans que je pusse apercevoir les colonnes sur
+lesquelles le Maître avait appuyé cette voûte. Cependant elle ne
+s'écroulait pas. Il y en a maintenant qui cherchent ces colonnes et
+qui voudraient les toucher de leurs mains. Mais comme ils n'y peuvent
+arriver, ils tremblent, se lamentent, et craignent que le ciel ne
+tombe. Ils pourraient les toucher que le ciel n'en bougerait pas.
+
+»Plus tard je vis de gros nuages, tout chargés, qui flottaient sur ma
+tête comme un océan. Je n'apercevais nul appui qui les pût soutenir.
+Néanmoins, ils ne tombaient pas, mais nous saluaient tristement et
+passaient. Et comme ils passaient, je distinguai dessous la courbe
+qui les avait soutenus, un délicieux arc-en-ciel. Mince il était
+sans doute, bien délicat, et l'on devait trembler pour lui en voyant
+la masse des nuages. Cependant cette ligne aérienne suffisait pour
+porter cette charge et nous protéger. Nous en voyons toutefois qui
+craignent le poids du nuage, et ne se fient pas au léger soutien; ils
+voudraient bien en éprouver la force, et, ne le pouvant, ils craignent
+que les nuages ne fondent et ne nous abîment de leurs flots..... Notre
+arc-en-ciel est faible, leurs nuages sont lourds. Mais la fin jugera de
+la force de l'arc. _Sed in fine videbitur cujus toni._»[a68] (août 1530.)
+
+
+
+
+CHAPITRE IV.
+
+ Des novateurs: Mystiques, etc.
+
+
+«Le comment nous réussit mal, c'est la cause de la ruine d'Adam.
+
+»Je crains deux choses: l'épicuréisme et l'enthousiasme, deux sectes
+qui doivent régner encore.
+
+»Otez le décalogue, il n'y a plus d'hérésie. L'Écriture sainte est le
+livre de tous les hérétiques[a69].»
+
+Luther nommait les esprits séditieux et présomptueux, «des saints
+précoces qui, avant la maturité, étaient piqués des vers et au moindre
+vent tombaient de l'arbre. Les rêveurs (schwermer) sont comme les
+papillons. D'abord c'est une chenille qui se pend à un mur, s'y fait
+une petite maison, éclot à la chaleur du soleil, et s'envole en
+papillon. Le papillon meurt sur un arbre et laisse une longue traînée
+d'œufs.»
+
+Le docteur Martin Luther disait au sujet des faux frères et hérétiques
+qui se séparent de nous, qu'il fallait les laisser faire et ne pas s'en
+inquiéter; s'ils ne nous écoutent point, nous les enverrons avec tous
+leurs beaux semblans en enfer[r103].
+
+ [r103] _Ibid._ 292.
+
+«Quand je commençai à écrire contre les indulgences, je fus pendant
+trois ans tout seul, et personne ne me tendait la main[r104].
+Aujourd'hui ils veulent tous triompher. J'aurais bien assez de mal
+avec mes ennemis sans celui que me font mes bons petits frères. Mais
+qui peut résister à tous? ce sont des jeunes gens tout frais, qui
+n'ont rien fait jusqu'ici; moi je suis vieux maintenant, et j'ai eu de
+grandes peines, de grands travaux. Osiander peut faire le fier; il a du
+bon temps; il a deux prédications à faire par semaine et quatre cents
+florins par an.»
+
+ [r104] _Ibid._ 193.
+
+«En 1521, il vint chez moi l'un de ceux de Zwickau, du nom de Marcus,
+assez affable dans ses manières, mais frivole dans ses opinions et dans
+sa vie[r105]. Il voulait conférer avec moi au sujet de sa doctrine.
+Comme il ne parlait que de choses étrangères à l'Écriture, je lui dis
+que je ne reconnaissais que la parole de Dieu, et que, s'il voulait
+établir autre chose, il devait au moins prouver sa mission par des
+miracles. Il me répondit: «Des miracles? ah! vous en verrez dans sept
+ans. Dieu même ne pourrait m'enlever ma foi.» Il dit aussi: «Je vois de
+suite si quelqu'un est élu ou non.»—Après qu'il m'eut beaucoup parlé
+du _talent_ qu'il ne fallait pas enfouir, du _dégrossissement_, de
+l'_ennui_, de l'_attente_, je lui demandai qui comprenait cette langue.
+Il me répondit qu'il ne prêchait que devant les disciples croyans et
+habiles. Comment vois-tu qu'ils sont habiles? lui dis-je.—Je n'ai qu'à
+les regarder, répondit-il, pour voir leur _talent_.—Quel _talent_, mon
+ami, trouves-tu en moi par exemple?—Vous êtes encore au premier degré
+de la mobilité, me répondit-il, mais il viendra un temps où vous serez
+au premier de l'immobilité comme moi.—Sur ce, je lui citai plusieurs
+textes de l'Écriture et nous nous séparâmes. Quelque temps après, il
+m'écrivit une lettre très amicale, pleine d'exhortations; mais je lui
+répondis: Adieu, cher Marcus.
+
+ [r105] _Ibid._ 282.
+
+»Plus tard, il vint chez moi un tourneur qui se disait aussi prophète.
+Il me rencontra au moment où je sortais de ma maison, et me dit
+d'un ton hardi: «Monsieur le docteur, je vous apporte un message
+de mon Père.—Qui est donc ton père? lui dis-je.—Jésus-Christ,
+répondit-il.—C'est notre père commun, lui dis-je; que t'a-t-il ordonné
+de m'annoncer?—Je dois vous annoncer, de la part de mon père, que Dieu
+est irrité contre le monde.—Qui te l'a dit?—Hier, en sortant par la
+porte de Koswick, j'ai vu dans l'air un petit nuage de feu; cela prouve
+évidemment que Dieu est irrité[a70].» Il me parla encore d'un autre
+signe. «Au milieu d'un sommeil profond, dit-il, j'ai vu des ivrognes
+assis à table, qui disaient: Buvons, buvons; et la main de Dieu était
+au-dessus d'eux. Soudain l'un d'eux me versa de la bière sur la tête et
+je m'éveillai.»—Écoute, mon ami, lui dis-je alors, ne plaisante pas
+ainsi avec le nom et les ordres de Dieu; et je le réprimandai vivement.
+Quand il vit dans quelles dispositions j'étais à son égard, il s'en
+alla tout en colère et murmurant: «Sans doute quiconque ne pense pas
+comme Luther est un fou.»
+
+»Une autre fois encore, j'eus affaire à un homme des Pays-Bas. Il
+voulait disputer avec moi _jusqu'au feu inclusivement_, disait-il.
+Quand je vis son ignorance, je lui dis: «Ne vaudrait-il pas mieux que
+nous disputassions sur quelques canettes de bière?» Ce mot le fâcha,
+et il s'en alla. Le diable est un esprit orgueilleux; il ne saurait
+souffrir qu'on le méprise.»
+
+Maître Stiefel vint à Wittemberg, parla secrètement avec le docteur
+Luther, et lui montra son opinion en vingt articles, sur le jugement
+dernier[r106]. Il pensait que le jugement aurait lieu le jour de
+saint Luc. On lui dit de se tenir tranquille et de n'en point parler;
+ce qui le chagrina fort. «Cher seigneur docteur, dit-il, je m'étonne
+que vous me défendiez de prêcher ceci, et que vous ne vouliez pas me
+croire. Il est cependant sûr que je dois en parler, quoique je ne le
+fasse point volontiers.» Le docteur Luther lui répliqua: «Cher maître,
+vous avez bien pu vous taire dix ans sur ce sujet, pendant le règne
+de la papauté; tenez-vous encore tranquille pour le peu de temps qui
+reste.—Mais ce matin même, comme je me mettais en marche de bonne
+heure, j'ai vu un arc-en-ciel très beau, et j'ai pensé à la venue du
+Christ.—Non, il n'y aura point alors d'arc-en-ciel; d'un même coup le
+feu du tonnerre consumera toute créature. Un fort et puissant son de
+trompette nous réveillera tous. Ce n'est pas avec le son du chalumeau
+que l'on se fera entendre sur-le-champ à ceux qui sont dans la tombe.»
+(1533.)
+
+ [r106] _Ibid._ 367.
+
+«Michel Stiefel croit être le septième ange qui annonce le dernier
+jour[a71]; il donne ses livres et ses meubles, comme s'il n'en avait
+plus besoin.
+
+»Bileas est certainement damné, quoiqu'il ait eu de bien grandes
+révélations, pas moindres que celles de Daniel; car il embrasse
+aussi les quatre empires[r107]. C'est un terrible exemple pour les
+orgueilleux. Oh! humilions-nous.»
+
+ [r107] _Ibid._ 192.
+
+»Le docteur Jeckel est un compagnon de l'espèce de Eisleben
+(Agricola)[r108]. Il faisait la cour à ma nièce Anna; mais je lui
+dis: «Cela ne doit point se faire, dans toute l'éternité!» Et à la
+petite fille: «Si tu veux l'avoir, ôte-toi pour toujours de devant mes
+yeux; je ne veux plus te voir ni t'entendre.»
+
+ [r108] _Ibid._ 287.
+
+Le duc Henri de Saxe étant venu à Wittemberg, le docteur Martin Luther
+lui parla deux fois contre le docteur Jeckel, et exhorta le prince à
+songer aux maux de l'Église. Jeckel avait prêché la doctrine suivante:
+«Fais ce que tu veux, crois seulement, tu seras sauvé.—Il faudrait
+dire: Quand tu seras _rené_, et devenu un nouvel homme, fais alors
+ce qui se présente à toi. Les sots ne savent point ce que c'est que
+la foi...» Un pasteur de Torgau vint se plaindre au docteur Luther
+de l'insolence et de l'hypocrisie du docteur Jeckel, qui, par ses
+ruses, avait attiré à lui tous ceux de la noblesse, du conseil, et le
+prince même. Le docteur l'ayant entendu, frémit, soupira, se tut, et
+se mit en prière; et le même jour, il ordonna qu'on exigeât d'Eisleben
+(Agricola), qu'il fît une rétractation publique, ou qu'il fût
+publiquement confondu.
+
+«Le docteur Luther faisant reproche à Jeckel de ce qu'ayant si peu
+d'expérience, étant si peu exercé dans la dialectique et la rhétorique,
+il osait entreprendre de telles choses contre ses maîtres et
+précepteurs, il répondit[r109]: «Je dois craindre Dieu plus que mes
+précepteurs; j'ai un Dieu aussi bien que vous...» Le docteur Jeckel se
+mit ensuite à table pour souper; il avait l'air sombre; et le docteur
+Luther se curait les dents, ainsi que les convives venus de Freyberg.
+Alors Luther se mit à dire: «Si j'avais rendu la cour aussi pieuse
+que vous le monde, j'aurais bien travaillé, etc.» Et Jeckel se tenait
+toujours avec un air sombre, les yeux baissés, montrant, par cette
+contenance, ce qu'il avait en esprit. Enfin Luther se leva, et voulut
+sortir; Jeckel aurait encore bien voulu s'expliquer et discuter avec
+lui; mais le docteur ne voulut plus lui parler.»
+
+ [r109] _Ibid._ 290.
+
+_Des Antinomiens, et particulièrement d'Eisleben
+(Agricola)[r110]._—«Ah! combien cela fait mal, quand on perd un bon
+ami qu'on aimait beaucoup! J'ai eu cet homme-là à ma table; il a été
+mon bon compagnon, il riait avec moi, il était gai... et voilà qu'il
+se met contre moi!... Cela n'est point à souffrir. Rejeter la loi sans
+laquelle il n'y a ni église, ni gouvernement, cela ne s'appelle pas
+percer le tonneau, mais le défoncer.... C'est le moment de combattre...
+Puis-je le voir s'enorgueillir pendant ma vie, et vouloir gouverner?...
+Il ne suffit pas qu'il dise, pour s'excuser, qu'il n'a parlé que du
+docteur Creuziger et de maître Roerer. Le Catéchisme, l'Explication
+du décalogue et la Confession d'Augsbourg, sont miens, et non point à
+Creuziger ou à Roerer... Il veut enseigner la pénitence par l'amour
+de la justice. Ainsi, il ne prêche qu'aux hommes justes et pieux
+la révélation du courroux divin. Il ne prêche pas pour les impies.
+Cependant saint Paul dit: _La Loi est donnée aux injustes_. En somme,
+en ôtant la Loi, il ôte aussi l'Évangile; il tire notre croyance du
+ferme appui de la conscience, pour la soumettre aux caprices de la
+chair.
+
+ [r110] _Ibid._ 287.
+
+»Qui aurait pensé à la secte des antinomiens[r111]?... J'ai surmonté
+trois cruels orages: Münzer, les sacramentaires et les anabaptistes. Il
+faudra donc écrire sans fin! Je ne désire pas vivre long-temps, car il
+n'y a plus de paix à espérer.» (1538.)
+
+ [r111] _Ibid._ 288.
+
+Le docteur Luther ordonna à maître Ambroise Bernd d'apprendre aux
+professeurs de l'université à ne point être factieux, à ne point
+préparer de schisme, et il défendit que maître Eisleben fût élu
+doyen... «Dites cela à vos facultistes, et s'ils n'en font rien, je
+prêcherai contre eux.» (1539.)
+
+Le dernier jour de novembre, Luther était en joie et en gaîté avec ses
+cousins, son frère, sa sœur, et quelques bons amis de Mansfeld. On
+fit mention de maître Grickel, et ils le priaient pour lui. Le docteur
+répondit: «J'ai tenu cet homme-là pour mon plus fidèle ami; mais il
+m'a trompé par ses ruses, j'écrirai bientôt contre lui; qu'il y prenne
+garde; il n'y a en lui aucune pénitence.» (1538.)
+
+«J'ai eu tant de confiance en cet homme-là (Eisleben), que, lorsque
+j'allai à Smalkalde, en 1537, je lui recommandai ma chaire, mon Église,
+ma femme, mes enfans, ma maison, tout ce que j'avais de secret[r112].»
+
+ [r112] _Ibid._ 291.
+
+Le dernier jour de janvier, 1539, au soir, le docteur Luther lut les
+propositions qu'Eisleben allait soutenir contre lui; il y avait mis je
+ne sais quelles absurdités de Saül et de Jonathas (J'ai mangé un peu
+de miel et c'est pour cela que je meurs). «Jonathas, dit Luther, c'est
+maître Eisleben qui mange le miel et prêche l'Évangile; Saül, c'est
+Luther... Ah! Eisleben, es-tu donc un tel... Oh! Dieu te pardonne ton
+amertume!»
+
+«Si la Loi est ainsi renvoyée de l'Église au conseil, à l'autorité
+civile, celle-ci dira à son tour: Nous sommes aussi de fidèles
+chrétiens, la Loi ne nous regarde point. Le bourreau finira par en
+dire autant. Il n'y aura plus que grâce, douceur, et bientôt caprices
+effrénés et scélératesse. Ainsi commença Münzer.»
+
+En 1540, Luther donna un repas auquel assistèrent les principaux
+membres de l'Université[r113]. Vers la fin du repas, quand tout le
+monde fut en belle humeur, un verre à cercles de couleurs fut apporté.
+Luther y versa du vin et le vida à la santé des convives. Ceux-ci lui
+rendirent son salut en vidant le verre chacun à son tour, à la santé de
+leur hôte. Quand ce fut le tour de maître Eisleben, Luther lui présenta
+le verre en disant: «Mon cher, ce qui, dans ce verre, est au-dessus du
+premier cercle, ce sont les dix commandemens; de là jusqu'au second,
+c'est le _credo_; jusqu'au troisième c'est le _pater noster_; le
+catéchisme est au fond.» Puis il le vida lui-même, le fit remplir de
+nouveau et le donna à maître Eisleben. Celui-ci n'alla point au-delà du
+premier cercle, il remit le verre sur la table et ne le put regarder
+sans une espèce d'horreur. Luther le vit, et il dit aux convives: «Je
+savais bien que maître Eisleben ne boirait qu'aux Commandemens, et
+qu'il laisserait le _credo_, le _pater noster_ et le catéchisme.»
+
+ [r113] _Ibid._ 129.
+
+Maître Jobst étant à la table de Luther, lui montra des propositions
+d'après lesquelles on ne devait point prêcher la Loi, puisque ce n'est
+pas elle qui nous justifie[r114]. Luther s'emporta et dit: «Faut-il
+que les nôtres commencent de telles choses, même de notre vivant.
+Ah! combien nous devons honorer maître Philippe (Mélanchton), qui
+enseigne avec clarté et vérité l'usage et l'utilité de la Loi. Elle se
+vérifie, la prophétie du comte Albert de Mansfeld qui m'écrivait: _Il
+y a derrière cette doctrine un Münzer_. En effet celui qui détruit la
+doctrine de la Loi, détruit en même temps _politicam et œconomiam_.
+Si l'on met la Loi en dehors de l'Église, il n'y aura plus de péché
+reconnu dans le monde: car l'Évangile ne définit et ne punit le péché
+qu'en recourant à la Loi.» (1541.)
+
+ [r114] _Ibid._ 124.
+
+«Si, au commencement, j'ai dans ma doctrine parlé et écrit si durement
+contre la Loi, cela est venu de ce que l'Église chrétienne était
+chargée de superstitions, sous lesquelles Christ était tout-à-fait
+obscurci et enterré[r115]. Je voulais sauver et affranchir de cette
+tyrannie de la conscience les âmes pieuses et craignant Dieu. Mais je
+n'ai jamais rejeté la Loi...»[a72]
+
+ [r115] _Ibid._ 125.
+
+
+
+
+CHAPITRE V.
+
+ Tentations: Regrets et doutes des amis, de la femme; Doutes de
+ Luther lui-même.
+
+
+Maître Philippe Mélanchton dit un jour la fable suivante à la table du
+docteur Martin Luther[r116]: «Un homme avait pris un petit oiseau, et
+le petit oiseau aurait bien voulu être libre, et il disait à l'homme:
+O mon bon ami, lâche-moi, je te montrerai une belle perle qui vaut
+bien des milliers de florins! Tu me trompes, dit l'homme. Oh non!
+aie confiance, viens avec moi, je vais te la montrer. L'homme lâche
+l'oiseau, qui se perche sur un arbre et lui chante: _Crede parùm, tua
+serva, et quæ periêre, relinque_ (ne te confie pas trop, garde bien le
+tien, laisse ce qui est perdu sans retour). C'était en effet une belle
+perle qu'il lui laissait.»
+
+ [r116] _Ibid._ 445.
+
+«Philippe me demandait une fois que je voulusse lui tirer de la Bible
+une devise, mais telle qu'il ne s'en lassât point[r117]. On ne peut
+rien donner à l'homme dont il ne se lasse.»
+
+ [r117] _Ibid._ 29.
+
+«Si Philippe n'eût pas été si affligé par les tentations, il aurait des
+idées et des opinions singulières[r118].»
+
+ [r118] _Ibid._ 195.
+
+Le paradis de Luther est très grossier. Il croit que, dans le nouveau
+ciel et la nouvelle terre, il y aura aussi des animaux utiles[r119].
+«Je pense souvent à la vie éternelle et aux joies que l'on doit y
+trouver, mais je ne puis comprendre à quoi nous y passerons le temps,
+car il n'y aura aucun changement, aucun travail, ni boire, ni manger,
+ni affaire; mais je pense que nous aurons assez d'objets à contempler.
+Sur cela, Philippe Mélanchton dit très bien: Maître, montrez-nous le
+Père; cela nous suffit.»
+
+ [r119] _Ibid._ 305.
+
+«Les paysans ne sont pas dignes de tant de fruits que porte la
+terre[r120]. Je remercie plus notre Seigneur pour un arbre que
+tous les paysans pour tous leurs champs. Ah! _domine doctor_, dit
+Mélanchton, exceptez-en quelques-uns, tels qu'Adam, Noë, Abraham,
+Isaac.»
+
+ [r120] _Ibid._ 52.
+
+«Le docteur Jonas disait à souper: Ah! comme saint Paul parle
+magnifiquement de sa mort. Je ne puis pourtant le croire[r121].—Il
+me semble aussi, dit le docteur Luther, que saint Paul lui-même ne
+pouvait penser sur cette matière avec autant de force qu'il parlait;
+moi-même, malheureusement, je ne puis sur cet article croire aussi
+fortement que prêcher, parler et écrire, aussi fortement que d'autres
+gens s'imaginent que je crois. Et il ne serait peut-être pas bon que
+nous fissions tout ce que Dieu commande, car c'en serait fait de sa
+divinité; il se trouverait menteur, et ne pourrait rester véridique
+dans ses paroles.»
+
+ [r121] _Ibid._ 137.
+
+«Un méchant et horrible livre contre la sainte Trinité ayant été publié
+par l'impression, en 1532, le docteur Martin Luther dit[r122]: «Ces
+esprits chimériques ne croient pas que d'autres gens aient eu aussi des
+tentations sur cet article. Mais pourquoi opposer ma pensée à la parole
+de Dieu et au Saint-Esprit (_opponere meam cogitationem verbo Dei, et
+spiritui sancto_)? Cette opposition ne soutient pas l'examen.»
+
+ [r122] _Ibid._ 70.
+
+La femme du docteur lui disait[r123]: «Seigneur docteur, d'où vient
+que sous la papauté nous priions si souvent et avec tant de ferveur,
+tandis qu'aujourd'hui notre prière est tout-à-fait froide, et nous
+prions rarement?» Le docteur répondit: «Le diable pousse sans cesse
+ses serviteurs à pratiquer diligemment son culte.»
+
+ [r123] _Ibid._ 150.
+
+Le docteur Martin Luther exhortait sa femme à lire et écouter avec soin
+la parole de Dieu, particulièrement le psautier[r124]. Elle répondit
+qu'elle l'écoutait suffisamment, et en lisait chaque jour; qu'elle
+pourrait même, s'il plaisait à Dieu, en répéter beaucoup de choses.
+Le docteur soupira et dit: «Ainsi commence le dégoût de la parole de
+Dieu. C'est le signe d'un mal futur. Il viendra de nouveaux livres, et
+la sainte Écriture sera méprisée, jetée dans un coin, et comme on dit:
+sous la table.»
+
+ [r124] _Ibid._
+
+Luther demandait à sa femme si elle aussi croyait qu'elle fût sainte?
+Elle s'en étonna, et dit: «Comment puis-je être sainte, je suis une
+grande pécheresse.» Il dit alors: «Voyez pourtant l'horreur de la
+doctrine papale, comme elle a blessé les cœurs et préoccupé tout
+l'homme intérieur. Ils ne sont plus capables de rien voir, hors la
+piété et la sainteté personnelle et extérieure des œuvres que l'homme
+même fait pour soi.»
+
+«Le _Pater noster_ et la foi, me rassurent contre le diable[r125].
+Ma petite Madeleine et mon petit Jean prient en outre pour moi, ainsi
+que beaucoup d'autres chrétiens... J'aime ma Catherine, je l'aime plus
+que moi-même, car je voudrais mourir plutôt que de lui voir arriver du
+mal à elle et à ses enfans; j'aime aussi mon Seigneur Jésus-Christ qui,
+par pure miséricorde, a versé son sang pour moi; mais ma foi devrait
+être beaucoup plus grande et plus vive. O mon Dieu! ne juge point ton
+serviteur[r126]!»
+
+ [r125] _Ibid._ 135.
+
+ [r126] _Ibid._ 140.
+
+«Ce qui ne contribue pas peu à affliger et tenter les cœurs, c'est que
+Dieu semble capricieux et changeant. Il a donné à Adam des promesses et
+des cérémonies, et cela a fini avec l'arc-en-ciel et l'arche de Noé.
+Il a donné à Abraham la circoncision, à Moïse des signes miraculeux, à
+son peuple la Loi; mais au Christ, et par le Christ, l'Évangile, qui
+est considéré comme annulant tout cela. Et voilà que les Turcs effacent
+cette voix divine, et disent: Votre loi durera bien quelque temps, mais
+elle finira par être changée.» (Luther n'ajoute aucune réflexion.)
+
+
+
+
+CHAPITRE VI.
+
+ Le diable.—Tentations.
+
+
+«Une fois, dans notre cloître à Wittemberg, j'ai entendu distinctement
+le bruit que faisait le diable. Comme je commençais à lire le psautier,
+après avoir chanté matines, que j'étais assis, que j'étudiais et que
+j'écrivais pour ma leçon, le diable vint et fit trois fois du bruit
+derrière mon poêle, comme s'il en eût traîné un boisseau. Enfin, comme
+il ne voulait point finir, je rassemblai mes petits livres et allai me
+mettre au lit... Je l'entendis encore une nuit au-dessus de ma chambre
+dans le cloître; mais comme je remarquai que c'était le diable, je n'y
+fis pas attention et me rendormis.»
+
+«Une jeune fille qui était l'amie du vieil économe à Wittemberg, se
+trouvant malade, il se présenta à elle une vision comme si c'eût été
+le Christ sous une forme belle et magnifique; elle y crut et se mit à
+prier cette figure[r127]. On envoya en hâte au cloître chercher le
+docteur Luther. Lorsqu'il eût vu la figure, qui n'était qu'un jeu et
+une singerie du diable, il exhorta la fille à ne pas se laisser duper
+ainsi. En effet, dès qu'elle eut craché au visage du fantôme, le diable
+disparut, la figure se changea en un grand serpent qui courut à la
+fille et la mordit à l'oreille, de sorte que le sang coula. Le serpent
+s'évanouit bientôt. Le docteur Luther vit la chose de ses propres yeux,
+avec beaucoup d'autres personnes.» (L'éditeur des Conversations ne dit
+point tenir cette histoire de Luther.)
+
+ [r127] _Ibid._ 92, verso.
+
+Un pasteur des environs de Torgau se plaignait à Luther que le
+diable faisait la nuit, un bruit, un tumulte et un renversement
+extraordinaires dans sa maison, qu'il lui cassait ses pots et sa
+vaisselle de bois, lui jetait les morceaux à la tête, et riait ensuite.
+Il faisait ce manége depuis un an, et ni sa femme, ni ses enfans ne
+voulaient plus rester dans la maison[r128]. Luther dit au pasteur:
+«Cher frère, sois fort dans le Seigneur, ne cède point à ce meurtrier
+de diable. Si l'on n'a point invité et attiré cet hôte chez soi par
+ses péchés, on peut lui dire: _Ego auctoritate divinâ hic sum pater
+familias et vocatione cœlesti pastor ecclesiæ_; mais toi, diable, tu
+te glisses dans cette maison comme un voleur et un meurtrier. Pourquoi
+ne restes-tu pas dans le ciel? Qui t'a invité ici?»
+
+ [r128] _Ibid._ 208.
+
+_Sur une possédée._ «Puisque ce diable est un esprit jovial, et
+qu'il se moque de nous tout à son aise, il nous faut d'abord prier
+sérieusement pour la jeune fille qui souffre ainsi à cause de nos
+péchés. Ensuite il faut mépriser cet esprit et s'en rire, mais ne
+pas aller l'éprouver par des exorcismes et autres choses sérieuses,
+parce que la superbe diabolique se rit de tout cela. Persévérons dans
+la prière pour la jeune fille et dans le mépris pour le diable, et
+enfin, avec la grâce du Christ, il se retirera. Il serait bon aussi
+que les princes voulussent réformer leurs vices, dans lesquels cet
+esprit malin nous montre qu'il triomphe. Je te prie, puisque c'est une
+chose digne d'être publiée, de t'informer exactement de toutes les
+circonstances; pour écarter toute fraude, assure-toi si les pièces
+d'or que cette fille avale sont de vraies pièces d'or, et de bon aloi.
+Car j'ai été jusqu'à présent obsédé de tant de fourberies, de ruses,
+de machinations, de mensonges, d'artifices, que je ne me prête plus
+aisément à rien croire que je n'aie vu faire et dire.» (5 août 1536.)
+
+«Que ce pasteur n'ait pas la conscience troublée de ce qu'il a enseveli
+cette femme qui s'était tuée elle-même, si toutefois elle s'est tuée.
+Je connais beaucoup d'exemples semblables, mais je juge ordinairement
+que les gens ont été tués simplement et immédiatement par le diable,
+comme un voyageur est tué par un brigand. Car, lorsqu'il est évident
+que le suicide n'a pu avoir lieu naturellement, quand il s'agit d'une
+corde, d'une ceinture ou (comme dans le cas dont tu me parles) d'un
+voile pendant et sans nœud, qui ne tuerait pas même une mouche, il
+faut croire, selon moi, que c'est le diable qui fascine les hommes et
+leur fait croire qu'ils font toute autre chose, par exemple une prière;
+et cependant le diable les tue. Néanmoins le magistrat fait bien de
+punir avec la même sévérité, de peur que Satan ne prenne courage pour
+s'introduire. Le monde mérite bien de tels avertissemens, puisqu'il
+épicurise et pense que le démon n'est rien.» (1er décembre 1544.)
+
+«Satan a voulu tuer notre prieur, en jetant sur lui un pan de mur. Mais
+Dieu l'a miraculeusement sauvé.» (4 juillet 1524.)
+
+«Les fous, les boiteux, les aveugles, les muets sont des hommes
+chez qui les démons se sont établis. Les médecins qui traitent ces
+infirmités, comme ayant des causes naturelles, sont des ignorans qui ne
+connaissent point toute la puissance du démon.» (14 juillet 1528.)
+
+»Il y a des lieux dans beaucoup de pays, où habitent les
+diables[r129]. La Prusse a grand nombre de mauvais esprits. En
+Suisse, non loin de Lucerne, sur une haute montagne, il y a un lac
+qu'on appelle l'étang de Pilate; le diable y est établi d'une manière
+terrible. Dans mon pays, il y a un étang situé de même. Si l'on y
+jette une pierre, il s'élève un grand orage, et tout le pays tremble à
+l'entour. C'est une habitation de diables qui y sont prisonniers.
+
+ [r129] _Ibid._ 212.
+
+»Le diable a emporté à Sussen, le jour du vendredi saint, trois écuyers
+qui s'étaient voués à lui.»(1538.)
+
+Un jour de grand orage, Luther disait: «C'est le diable qui fait ce
+temps-là; les vents ne sont autre chose que de bons ou de mauvais
+esprits. Le diable respire et souffle[r130].»
+
+ [r130] _Ibid._ 219.
+
+Deux nobles avaient juré de se tuer l'un l'autre (du temps de
+Maximilien). Le diable ayant tué l'un d'eux dans son lit avec l'épée
+de l'autre, le survivant fut amené sur la place publique. On enleva
+la terre couverte par son ombre, et on le bannit du pays. C'est ce
+qui s'appelle _mors civilis_. Le docteur Grégoire Bruck, chancelier de
+Saxe, fit ce récit à Luther.
+
+Suivent deux histoires de gens avertis d'avance qu'ils seraient
+emportés par le diable, et qui, _quoiqu'ils eussent reçu le saint
+sacrement, et qu'ils fussent gardés avec des cierges par leurs amis_
+en prières, n'en furent pas moins emportés au jour et à l'heure
+marqués[r131]. «Il a bien crucifié notre Seigneur lui-même. Mais,
+pourvu qu'il n'emporte pas l'âme, tout va bien.»
+
+ [r131] _Ibid._ 214.
+
+«Le diable promène les gens dans leur sommeil de côté et d'autre, de
+sorte qu'ils font toute chose comme s'ils veillaient[r132]. Autrefois
+les papistes, comme gens superstitieux, disaient que de tels hommes
+devaient ne pas avoir été bien baptisés, ou qu'ils l'avaient peut-être
+été par un prêtre ivre.»
+
+ [r132] _Ibid._ 213.
+
+«Aux Pays-Bas et en Saxe, un chien monstrueux sent les gens qui doivent
+mourir, et rôde autour[r133]...
+
+ [r133] _Ibid._ 221.
+
+»Les moines conduisaient chez eux un possédé[r134]. Le diable qui
+était en lui, dit aux moines: «O mon peuple, que t'ai-je fait!» _Popule
+meus, quid feci tibi?_»
+
+ [r134] _Ibid._ 222.
+
+On racontait à la table de Luther qu'un jour, dans une cavalcade de
+gentilshommes, l'un d'eux s'était écrié en piquant des deux: «Au diable
+le dernier!» Comme il avait deux chevaux, il en lâcha un; et celui-ci,
+restant le dernier, le diable l'emporta avec lui dans les airs[r135].
+Luther dit à cette occasion: «Il ne faut pas convier Satan à notre
+table. Il vient sans avoir été prié. Tout est plein de diables autour
+de nous; nous-mêmes, qui veillons et qui prions journellement, nous
+avons assez affaire à lui.»
+
+ [r135] _Ibid._ 205.
+
+«Un vieux curé, faisant un jour sa prière, entendit derrière lui le
+diable qui voulait l'en empêcher, et qui grognait comme aurait fait
+tout un troupeau de porcs[r136]. Le vieux curé, sans se laisser
+effrayer, se retourna et lui dit: «Maître diable, il t'est bien advenu
+ce que tu méritais; tu étais un bel ange, et te voilà maintenant un
+vilain porc.» Aussitôt les grognemens cessèrent, car le diable ne peut
+souffrir qu'on le méprise... La foi le rend faible comme un enfant.»
+
+ [r136] _Ibid._ 205.
+
+«Le diable redoute la parole de Dieu. Il ne la peut mordre; il s'y
+ébrèche les dents.»
+
+«Un jeune vaurien, sauvage et emporté, buvait un jour avec quelques
+compagnons dans un cabaret. Quand il n'eut plus d'argent, il dit
+que s'il se trouvait quelqu'un qui lui payât un bon écot, il lui
+vendrait son âme. Peu après, un homme entra dans le cabaret, se mit à
+boire avec le vaurien, et lui demanda s'il était véritablement prêt
+à vendre son âme. Celui-ci répondit hardiment oui, et l'homme lui
+paya à boire toute la journée. Sur le soir, quand le garçon fut ivre,
+l'inconnu dit aux autres qui étaient dans le cabaret: «Messieurs, qu'en
+pensez-vous? si quelqu'un achète un cheval, la selle et la bride ne lui
+appartiennent-elles pas aussi?» Les assistans s'effrayèrent beaucoup à
+ces mots, et ne voulurent d'abord pas répondre, mais, comme l'étranger
+les pressait, ils dirent à la fin: «Oui, la selle et la bride sont
+aussi à lui.» Aussitôt le diable (car c'était lui), saisit le mauvais
+sujet et l'emporta avec lui à travers le plafond, de sorte que l'on n'a
+jamais su ce qu'il est devenu.»
+
+Une autre fois, Luther raconta l'histoire d'un soldat, qui avait déposé
+de l'argent chez son hôte, dans le Brandebourg[r137]. Cet hôte,
+quand le soldat lui redemanda son argent, nia d'avoir rien reçu. Le
+soldat furieux se jeta sur lui, et le maltraita, mais le fourbe le fit
+arrêter par la justice et l'accusa d'avoir violé la _paix domestique_
+(_hausfriede_). Pendant que le soldat était en prison, le diable vint
+chez lui et lui dit: «Demain tu seras condamné à mort et exécuté. Si tu
+me vends ton corps et ton âme, je te délivre.» Le soldat n'y consentit
+point. Alors le diable lui dit: «Si tu ne veux pas, écoute au moins
+le conseil que je te donne. Demain, quand tu seras devant les juges,
+je me tiendrai près de toi, en bonnet bleu avec une plume blanche.
+Demande alors aux juges qu'ils me laissent plaider ta cause, et je te
+tirerai de là. Le lendemain, le soldat suivit le conseil du diable, et
+comme l'hôte persistait à nier, l'avocat en bonnet bleu lui dit: «Mon
+ami, comment peux-tu ainsi te parjurer? L'argent du soldat se trouve
+dans ton lit, sous le traversin. Seigneurs échevins, envoyez-y et vous
+verrez que je dis vrai.» Quand l'hôte entendit cela, il s'écria avec un
+gros jurement: «Si j'ai reçu l'argent, je veux que le diable m'enlève
+sur l'heure.» Mais les sergens envoyés à l'auberge trouvèrent l'argent
+à la place indiquée, et l'apportèrent devant le tribunal. Alors l'homme
+au bonnet bleu dit en ricanant: «Je savais bien que j'aurais l'un
+des deux, le soldat ou l'aubergiste.» Il tordit le cou à celui-ci et
+l'emporta dans les airs.—Luther, ayant conté l'histoire, ajouta qu'il
+n'aimait pas qu'on jurât par le diable, comme faisaient beaucoup de
+gens, «car, disait-il, le mauvais drôle n'est pas loin; l'on n'a pas
+besoin de le peindre sur les murs pour qu'il soit présent.»
+
+ [r137] _Ibid._ 205.
+
+«Il y avait à Erfurth deux étudians, dont l'un aimait si fort une jeune
+fille, qu'il en serait devenu bientôt fou[r138]. L'autre, qui était
+sorcier, sans que son camarade en sût rien, lui dit: «Si tu promets de
+ne point lui donner un baiser et de ne point la prendre dans tes bras,
+je ferai en sorte qu'elle vienne te trouver. Il la fit venir en effet.
+L'amant, qui était un beau jeune homme, la reçut avec tant d'amour, et
+il lui parlait si vivement, que le sorcier craignait toujours qu'il ne
+l'embrassât; enfin il ne put se contenir. A l'instant même elle tomba
+et mourut. Quand ils la virent morte, ils eurent grand'peur, et le
+sorcier dit: «Employons notre dernière ressource.» Il fit si bien, que
+le diable la reporta chez elle, et qu'elle continua de faire tout ce
+qu'elle faisait auparavant dans la maison; mais elle était fort pâle et
+ne parlait point. Au bout de trois jours, les parens allèrent trouver
+les théologiens, et leur demandèrent ce qu'il fallait faire. A peine
+ceux-ci eurent-ils parlé fortement à la fille, que le diable se retira
+d'elle; le cadavre tomba raide avec une grande puanteur[a73].»
+
+ [r138] _Ibid._ 215.
+
+«Le docteur Luc Gauric, le sorcier que vous avez fait venir d'Italie,
+m'a souvent avoué que son maître conversait avec le diable[r139].»
+
+ [r139] _Ibid._ 216.
+
+«Le diable peut se changer en homme ou en femme pour tromper, de telle
+manière qu'on croit être couché avec une femme en chair et en os, et
+qu'il n'en est rien; car, suivant le mot de saint Paul, le diable est
+bien fort avec les fils de l'impiété[r140]. Comme il en résulte
+souvent des enfans ou des diables, ces exemples sont effrayans et
+horribles. C'est ainsi que ce qu'on appelle le _nix_, attire dans l'eau
+les vierges ou les femmes pour créer des diablotins. Le diable peut
+aussi dérober des enfans; quelquefois dans les six premières semaines
+de leur naissance, il enlève à leur mère ces pauvres créatures pour en
+substituer à leur place d'autres, nommés _supposititii_, et par les
+Saxons, _kilkropff_.
+
+ [r140] _Ibid._ 216.
+
+«Il y a huit ans, j'ai vu et touché moi-même à Dessau un enfant qui
+n'avait pas de parens, et qui venait du diable. Il avait douze ans, et
+était tout-à-fait conformé comme un enfant ordinaire. Il ne faisait que
+manger, et mangeait autant que quatre paysans ou batteurs en grange. Il
+faisait aussi tous ses besoins. Mais quand on le touchait, il criait
+comme un possédé; s'il arrivait quelque accident malheureux dans la
+maison, il s'en réjouissait et riait; si, au contraire tout allait
+bien, il pleurait continuellement. Je dis aux princes d'Anhalt avec
+qui j'étais: Si j'avais à commander ici, je ferais jeter cet enfant
+dans la Moldau, au risque de m'en faire le meurtrier. Mais l'électeur
+de Saxe et les princes n'étaient pas de mon opinion. Je leur dis
+alors de faire prier Dieu dans l'église pour qu'il enlevât le démon.
+On répéta ces prières tous les jours pendant une année, et après ce
+temps l'enfant mourut.» Quand le docteur eut raconté cette histoire,
+quelqu'un lui demanda pourquoi il aurait voulu jeter cet enfant à
+l'eau. C'est, répondit-il, que les enfans de cette espèce ne sont autre
+chose, à mon sens, qu'une masse de chair, sans âme. Le diable est
+bien capable de produire de ces choses; tout ainsi qu'il anéantit les
+facultés des hommes, quand il les possède corporellement, de manière à
+leur enlever la raison et à les rendre sourds et aveugles pour quelque
+temps, de même il habite dans ces masses de chair et est lui-même
+leur âme.—Il faut que le diable soit bien puissant pour tenir ainsi
+nos esprits prisonniers. Origène, ce me semble, n'a pas assez compris
+cette puissance; autrement il n'aurait point pensé que le diable pourra
+obtenir grâce au Jugement dernier. Quel horrible péché de se révolter
+ainsi sciemment contre son Dieu, son créateur!
+
+»En Saxe, près de Halberstadt, il y avait un homme qui avait un
+_kilkropff_. Cet enfant pouvait épuiser sa mère et cinq autres femmes
+en les tétant, et il dévorait outre cela tout ce qu'on lui présentait.
+On donna à l'homme le conseil de faire un pélerinage à Holckelstadt,
+de vouer son _kilkropff_ à la Vierge Marie, et de le faire bercer en
+cet endroit. L'homme suivit cet avis, et il emporta son enfant dans
+un panier; mais, en passant sur un pont, un autre diable, qui était
+dans la rivière, se mit à crier: _Kilkropff! kilkropff!_ L'enfant, qui
+était dans le panier, et qui n'avait jamais encore prononcé un seul
+mot, répondit: Oh! oh! oh! Le diable de la rivière lui demanda ensuite:
+Où vas-tu? L'enfant du panier répondit: Je m'en vais à Holckelstadt, à
+notre Mère bien-aimée, pour me faire bercer. Le paysan, très effrayé,
+jeta l'enfant et le panier dans la rivière; sur quoi les deux diables
+se mirent à s'envoler ensemble. Ils crièrent: Oh! oh! oh! firent
+quelques cabrioles l'un par-dessus l'autre et s'évanouirent.»
+
+Luther, en sortant un dimanche de l'église du château où il avait
+prêché, rencontra un landsknecht qui s'adressa à lui, se plaignant des
+tentations continuelles qu'il avait à essuyer de la part du diable,
+disant qu'il venait souvent à lui et le menaçait de l'enlever dans les
+airs. Pendant qu'il parlait ainsi, le docteur Pomer, qui passait par
+ce chemin, s'approcha aussi de lui et aida Luther à le consoler. «Ne
+désespérez pas, lui disaient-ils, car malgré ces tentations du diable,
+vous n'êtes point à lui. Notre Seigneur Jésus-Christ a aussi été tenté
+par lui, mais il l'a surmonté par la parole de Dieu. Défendez-vous de
+même par la parole de Dieu et par la prière.» Luther ajouta: «Si le
+diable te tourmente et te menace de t'emmener, réponds-lui: «Je suis
+à Jésus-Christ, qui est mon Seigneur; c'est en lui que je crois, et
+c'est auprès de lui que je serai un jour. Il a dit lui-même qu'aucune
+puissance ne pourra enlever les chrétiens de sa main.» Pense plutôt
+à Dieu qui est au ciel qu'au diable, et cesse de t'effrayer de ses
+ruses. Je sais bien qu'il serait fort aise de t'enlever, mais il ne le
+peut. Il est comme le voleur qui voudrait bien mettre la main sur le
+coffre-fort du riche; la volonté ne lui manque pas, mais le pouvoir.
+De même Dieu ne permettra pas au diable de te faire du mal. Écoute
+fidèlement la parole divine, prie avec ferveur, travaille, ne sois pas
+trop souvent seul, et tu verras que Dieu te délivrera de Satan et te
+conservera dans son troupeau.»
+
+Un jeune ouvrier, maréchal ferrant de son état, prétendait être
+poursuivi par un spectre à travers toutes les rues de la ville.
+Luther le fit venir chez lui et l'interrogea en présence de plusieurs
+personnes doctes. Le jeune homme disait que le spectre qui le
+poursuivait lui avait reproché comme un sacrilége d'avoir communié sous
+les deux espèces, et qu'il lui avait dit: «Si tu retournes dans la
+maison de ton maître, je te tords le cou.» C'est pourquoi il n'était
+pas rentré depuis plusieurs jours. Le docteur, après l'avoir beaucoup
+interrogé, lui dit: «Prends garde, mon ami, de ne pas mentir. Crains
+Dieu, écoute sa parole avec attention; retourne chez ton maître, fais
+ton travail, et si Satan revient, dis-lui: «Je ne veux pas t'obéir.
+Je n'obéirai qu'à Dieu qui m'a appelé à ce métier: je resterai ici à
+mon travail, et un ange même viendrait, que je ne m'en laisserais pas
+détourner.»
+
+Le docteur Luther, devenu plus âgé, éprouva peu de tentations de la
+part des hommes; mais le diable, comme il le reconnaît lui-même,
+allait promener avec lui dans le dortoir du cloître; il le vexait
+et le tentait. Il avait un ou deux diables qui l'épiaient, et s'ils
+ne pouvaient parvenir au cœur, ils saisissaient la tête et la
+tourmentaient[r141][a74].
+
+ [r141] _Ibid._ 222.
+
+«... Cela m'est arrivé souvent[r142]. Quand je tenais un couteau
+dans les mains, il me venait de mauvaises pensées; souvent je ne
+pouvais prier, et le diable me chassait de la chambre. Car nous autres
+nous avons affaire aux grands diables qui sont docteurs en théologie.
+Les Turcs et les papistes ont de petits diablotins qui ne sont point
+théologiens, mais seulement juristes.
+
+ [r142] _Ibid._ 220.
+
+»Je sais, grâce à Dieu, que ma cause est bonne et divine; si Christ
+n'est point dans le ciel et Seigneur du monde, alors mon affaire est
+mauvaise[r143]. Cependant le diable me serre souvent de si près dans
+la dispute, qu'il m'en vient la sueur. Il est éternellement irrité,
+je le sens bien, je le comprends. Il couche avec moi plus près que ma
+Catherine. Il me donne plus de trouble qu'elle de joie... Il me pousse
+quelquefois: La Loi, dit-il, est aussi la parole de Dieu; pourquoi
+l'opposer toujours à l'Évangile?—«Oui, dis-je à mon tour; mais elle
+est aussi loin de l'Évangile que le ciel l'est de la terre, etc.»
+
+ [r143] _Ibid._ 224.
+
+»Le diable n'est pas, à la vérité, un docteur qui a pris ses
+grades[a75], mais du reste il est bien savant, bien expérimenté[r144].
+Il n'a pourtant fait son métier que depuis six mille ans. Si le diable
+est sorti quelquefois des possédés, lorsqu'il était conjuré par les
+moines et les prêtres papistes, en laissant après lui quelque signe, un
+carreau cassé, une fenêtre brisée, un pan de mur ouvert, c'était pour
+faire croire aux gens qu'il avait quitté le corps, mais en effet pour
+posséder l'esprit, pour les confirmer dans leurs superstitions.»
+
+ [r144] _Ibid._ 202.
+
+Au mois de janvier 1532, Luther tomba dangereusement malade. Le médecin
+le crut menacé d'une attaque d'apoplexie[r145]. Mélanchton et Rorer,
+assis près de son lit, ayant parlé de la joie que la nouvelle de sa
+mort causerait sans doute aux papistes, il leur dit avec assurance: «Je
+ne mourrai pas encore, je le sais certainement. Dieu ne confirmera
+point à présent l'abominable papisme par ma mort. Il ne voudra point
+après celle de Zwingli et d'Œcolampade, accorder aux papistes un
+nouveau sujet de triomphe. Satan, il est vrai, ne songe qu'à me
+tuer; il ne me quitte d'un pas. Mais ce n'est pas sa volonté qui
+s'accomplira: ce sera celle du Seigneur.»
+
+ [r145] Ukert, t. I, 320.
+
+«Ma maladie, qui consiste dans des vertiges et autres choses, n'est
+point naturelle; ce que je puis prendre ou faire ne me sert à rien,
+quoique j'observe avec soin les conseils de mon médecin[r146].»
+
+ [r146] Tischreden, 210.
+
+En 1536, il maria à Torgau le duc Philippe de Poméranie à la sœur de
+l'Électeur[r147]. Au milieu de la cérémonie, l'anneau nuptial échappa
+de sa main et roula par terre. Il eut un mouvement de terreur, mais se
+rassura aussitôt en disant: «Écoute, diable, cela ne te regarde pas,
+c'est peine perdue,» et il continua de prononcer les paroles de la
+bénédiction.
+
+ [r147] Ukert, t. I, 322.
+
+Pendant que le docteur Luther causait à table avec quelques-uns, sa
+femme sortit et tomba en défaillance[r148]. Lorsqu'elle revint à
+elle, le docteur lui demanda quelles pensées elle avait eues. Elle
+raconta comme elle avait éprouvé des tentations toutes particulières
+qui sont les signes certains de la mort, et qui frappent au cœur
+plus sûrement qu'une balle ou une flèche... «Celui qui éprouve de
+telles tentations, dit-il, je lui donnerai un bon conseil, c'est de
+penser à quelque chose de gai, de boire un bon coup, de jouer et de
+prendre quelque passe-temps, ou bien de s'attacher à quelque occupation
+honorable. Mais le meilleur remède, c'est de croire en Jésus-Christ.»
+
+ [r148] Tischreden, 229.
+
+«Quand le diable me trouve oisif et que je ne pense point à la parole
+de Dieu, alors il me fait venir un scrupule, comme si je n'avais pas
+bien enseigné, comme si c'était moi qui eusse renversé et détruit
+les autorités, et causé par ma doctrine tant de scandales et de
+troubles[r149]. Mais quand je ressaisis la parole de Dieu, alors j'ai
+gagné la partie. Je me défends contre le diable et je dis: Qu'importe
+à Dieu tout le monde, quelque grand qu'il puisse être? Il en a établi
+son Fils seigneur et roi. Si le monde veut le renverser du trône,
+Dieu le bouleversera et le mettra en cendre; car il dit lui-même:
+«C'est mon fils, vous devez l'écouter.» Maintenant, ô rois, apprenez;
+disciplinez-vous, juges de la terre (l'_erudimini_ de la Vulgate est
+moins fort).
+
+ [r149] _Ibid._ 8.
+
+»Le diable s'efforce surtout de nous arracher du cœur l'article de la
+rémission des péchés. _Quoi!_ dit-il, _vous prêchez ce qu'aucun homme
+n'a enseigné dans tant de siècles! si cela déplaisait à Dieu?_...
+
+»La nuit, quand je me réveille, le diable vient bientôt, dispute avec
+moi et me donne d'étranges pensées, jusqu'à ce que je m'anime et que je
+lui dise: Baise mon c..! Dieu n'est pas irrité comme tu le dis[r150].
+
+ [r150] _Ibid._ 218.
+
+»Aujourd'hui, comme je m'éveillai, le diable vint, voulut disputer,
+et il me disait: «Tu es un pécheur[r151].»—Je répliquai: Dis-moi
+quelque chose de nouveau, démon; je savais déjà cela... J'ai assez
+de péchés réels, sans ceux que tu inventes...—Il insistait encore:
+«Qu'as-tu fait des cloîtres dans ce monde?»—A quoi je répondis: Que
+t'importe? Tu vois bien que ton culte sacrilége subsiste toujours.»
+
+ [r151] _Ibid._ 220.
+
+Un jour que l'on parlait à souper du sorcier Faust, Luther dit
+sérieusement[r152]: «Le diable n'emploie pas contre moi le secours
+des enchanteurs. S'il pouvait me nuire par là, il l'aurait fait depuis
+long-temps. Il m'a déjà souvent tenu par la tête; mais il a pourtant
+fallu qu'il me laissât aller. J'ai bien éprouvé quel compagnon c'est
+que le diable; il m'a souvent serré de si près que je ne savais si
+j'étais mort ou vivant. Quelquefois il m'a jeté dans le désespoir au
+point que j'ignorais même s'il y avait un Dieu, et que je doutais
+complètement de notre cher Seigneur. Mais avec la parole de Dieu, etc.
+
+ [r152] _Ibid._ 12.
+
+»Le diable me fait regarder la loi, le péché et la mort. Il me présente
+cette trinité, et s'en sert pour me tourmenter[r153].
+
+ [r153] _Ibid._ 220.
+
+»Le diable nous a juré la mort, mais il mordra dans une noix
+creuse[r154].
+
+ [r154] _Ibid._ 362.
+
+»La tentation de la chair est petite chose; la moindre femme dans
+la maison peut guérir cette maladie[r155]. Eustochia aurait guéri
+saint Jérôme. Mais Dieu nous garde des grandes tentations qui touchent
+l'éternité! Alors on ne sait point si Dieu est le diable, ou si le
+diable est Dieu. Ces tentations ne sont point passagères.
+
+ [r155] _Ibid._ 318.
+
+»Si je tombe en pensées qui ne touchent que le monde ou la maison, je
+prends un psaume ou quelques mots de Saint-Paul, et je dors par-dessus;
+mais celles qui viennent du diable me coûtent davantage; je ne puis
+m'en tirer qu'avec quelque bonne farce[r156].
+
+ [r156] _Ibid._ 226.
+
+»Le grain d'orge a beaucoup à souffrir des hommes[5]. D'abord on le
+jette dans la terre pour qu'il y pourrisse; ensuite, quand il est mûr,
+on le coupe, on le bat en grange et on le sèche, on le fait cuire pour
+en tirer de la bière, et le faire avaler aux ivrognes[r157]. Le
+lin est aussi martyr à sa manière. Quand il est mûr, on l'arrache,
+on le rouit, on le sèche, on le bat, on le teille, on le sérance, on
+le file, on le tisse, on en fabrique de la toile pour en faire des
+chemises, des souquenilles, etc. Quand celles-ci sont déchirées, l'on
+en fait des torchons, ou l'on y met des emplâtres pour être appliquées
+sur les plaies, les abcès; l'on en fait des mèches, ou bien on les
+vend au papetier qui les broie, les dissout, et en fait du papier. Ce
+papier sert à écrire, à imprimer, à faire des jeux de cartes; enfin il
+est déchiré et employé aux plus vils usages. Ces plantes, ainsi que
+d'autres créatures qui nous sont très utiles, ont beaucoup à souffrir;
+les chrétiens bons et pieux ont de même beaucoup à endurer des méchans
+et des impies.»
+
+ [5] Voyez la belle ballade anglaise sur le martyre de
+ _Barleycorn_.
+
+ [r157] _Ibid._ 216.
+
+«Quand le diable vient me trouver la nuit, je lui tiens ce
+discours[r158]: Diable, je dois dormir maintenant; car c'est le
+commandement et l'ordre de Dieu que nous travaillions le jour, et que
+nous dormions la nuit. S'il m'accuse d'être un pécheur, je lui dis pour
+lui faire dépit: _Sancte Satane, ora pro me!_ ou bien: _Medice, cura te
+ipsum_.»
+
+ [r158] _Ibid._ 227.
+
+«Si vous prêchez celui qui est tenté, il vous faut tuer Moïse et le
+lapider. Si au contraire il revient à lui et oublie la tentation, qu'on
+lui prêche la loi. _Alioqui afflicto non est addenda afflictio._
+
+»... La meilleure manière de chasser le diable, si on ne peut le faire
+avec les paroles de la sainte Écriture, c'est de lui adresser des mots
+piquans et pleins de moquerie.»
+
+«On peut consoler les gens affligés de tentations en leur donnant à
+manger et à boire; mais le remède ne réussirait pas pour tous, surtout
+pour les jeunes gens[r159]. Pour moi qui suis vieux, un bon coup
+pourrait chasser les tentations et me faire dormir un somme.»
+
+ [r159] _Ibid._ 231.
+
+«La meilleure médecine contre les tentations, c'est de parler d'autre
+chose, de Marcolphe, d'Eulenspiegel, et d'autres farces de ce genre,
+etc.—Le diable est un esprit triste, la musique le fait fuir bien
+loin[r160].»
+
+ [r160] _Ibid._ 238.
+
+
+Le morceau important qu'on va lire est en quelque sorte le récit de la
+guerre opiniâtre que Satan aurait faite à Luther pendant toute sa vie.
+
+_Préface du docteur Martin Luther, écrite par lui avant sa
+mort[r161]._—«Quiconque lira avec attention l'histoire ecclésiastique,
+les livres des saints Pères, et particulièrement la Bible, verra
+clairement que depuis le commencement de l'Église les choses se sont
+toujours passées de la même manière. Toutes les fois que la Parole
+s'était fait entendre et que Dieu s'était rassemblé un petit troupeau,
+le diable s'est bien vite aperçu de la lumière divine, et s'est mis
+à siffler, souffler, tempêter de tous les coins, essayant de toutes
+ses forces s'il pourrait l'éteindre. On avait beau boucher un ou deux
+trous, il en trouvait un autre, soufflait toujours et faisait rage. Il
+n'y a encore eu aucune fin à cela, et il n'y en n'aura pas jusqu'au
+jour du Jugement.
+
+ [r161] Luth. Werke, t. II, 1.
+
+»Je tiens qu'à moi seul (pour ne point parler des anciens) j'ai essuyé
+plus de vingt ouragans, vingt assauts du diable. D'abord j'ai eu contre
+moi les papistes. Tout le monde, je crois, sait à peu près combien de
+tempêtes, de bulles et de livres le diable a lâchés par eux contre moi,
+de quelle façon lamentable ils m'ont déchiré, dévoré, mis à rien. Il
+est vrai que moi-même je soufflais quelque peu contre eux; mais cela ne
+servait de rien; les enragés soufflaient encore plus, et vomissaient
+feu et flammes. Il en a été ainsi jusqu'à ce jour sans interruption.
+
+»J'avais un instant cessé de craindre cette tempête du diable,
+lorsqu'il se fit jour par un nouveau trou, par Münzer et sa révolte
+qui faillit m'éteindre la lumière. Le Christ bouche encore ce trou-là,
+et le voilà qui par Carlostad casse des carreaux à ma fenêtre, le
+voilà qui mugit et tourbillonne, au point de me faire croire qu'il
+allait emporter lumière, cire et mèche à la fois. Mais Dieu fut en
+aide à sa pauvre lumière; il ne permit point qu'elle fût éteinte.
+Alors vinrent les sacramentaires et les anabaptistes, qui brisèrent
+portes et fenêtres pour en finir de cette lumière, et qui la mirent de
+nouveau dans le plus grand danger. Dieu merci, leur volonté fut trompée
+également.
+
+»D'autres encore ont tempêté contre les anciens maîtres, contre le pape
+et contre Luther à la fois, tels que Servet, Campanus..... Quant à ceux
+enfin qui ne m'ont point assailli publiquement par des livres imprimés,
+mais dont il m'a fallu essuyer en particulier les écrits et discours
+remplis de venin, je ne les mettrai pas ici en ligne de compte. Il
+me suffit de montrer que j'ai dû apprendre par expérience (je n'en
+voulais pas croire les histoires) que l'Église, pour l'amour de sa
+chère Parole, de sa bienheureuse lumière, ne peut avoir de repos, mais
+qu'elle doit attendre incessamment de nouvelles tempêtes du diable,
+comme cela s'est vu depuis le commencement.
+
+»Et quand je devrais vivre encore cent ans, quand j'aurais apaisé les
+tempêtes d'autrefois et d'aujourd'hui, quand je pourrais encore apaiser
+celles qui viendront, je vois clairement que cela ne donnerait pas
+le repos à nos descendans, aussi long-temps que le diable vivra et
+régnera. C'est pourquoi je prie Dieu de m'accorder une petite heure
+d'état de grâce; je ne demande pas de rester en vie plus long-temps.
+
+»Vous qui viendrez après nous, priez Dieu aussi avec ferveur, pratiquez
+assidument sa parole, conservez bien la pauvre chandelle de Dieu; car
+le diable ne dort ni ne chôme, et il ne mourra pas non plus avant le
+jugement dernier. Toi et moi, nous mourrons, et quand nous serons
+morts, lui il n'en restera pas moins tel qu'il a toujours été, toujours
+tempêtant contre l'Évangile...
+
+»Je le vois de loin qui gonfle ses joues à en devenir tout rouge, qui
+souffle et qui fait fureur; mais notre Seigneur Jésus-Christ, qui, dès
+le commencement, lui a donné un coup de poing sur cette joue gonflée,
+le combat maintenant encore, et le combattra toujours. Il ne peut pas
+en avoir menti, quand il dit: «Je serai auprès de vous jusqu'à la fin
+du monde,» et «Les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre mon
+Église;» et dans saint Jean: «Mes brebis ne périront jamais; personne
+ne les arrachera de ma main»; et dans saint Mathieu, X: «Tous les
+cheveux de votre tête sont comptés; c'est pourquoi ne craignez pas ceux
+qui tuent le corps.»
+
+«Néanmoins, il nous est commandé de veiller et de garder sa lumière
+tant qu'il est en nous. Il est dit: «_Vigilate_; le diable est un lion
+rugissant qui tourne autour et qui veut nous dévorer.» Tel il était
+quand saint Pierre disait cela, et tel il sera encore jusqu'à la fin du
+monde.....»
+
+(Luther revient ensuite à parler du secours de Dieu sans lequel tous
+nos efforts seraient vains, et il continue ainsi:) «Toi et moi nous
+n'étions rien il y a mille ans, et cependant l'Église a été sauvée sans
+nous: elle l'a été par celui de qui il est dit: _Heri et hodiè_. De
+même à présent ce n'est pas nous qui conservons l'Église, car nous ne
+pouvons atteindre le diable qui est dans le pape, les séditieux et les
+mauvaises gens; elle périrait sous nos yeux, et nous-mêmes avec elle,
+n'était quelqu'autre qui conserve tout. Il nous faut laisser faire
+celui de qui nous lisons: _Qui erit, ut hodiè_.....
+
+»C'est une chose lamentable de voir notre orgueil et notre audace
+après les terribles et honteux exemples de ceux qui, dans leur vanité,
+avaient cru que l'Église était bâtie sur eux. Comment a fini ce Münzer
+(pour ne parler que de ce temps), lui qui pensait que l'Église ne
+pouvait exister s'il n'était là pour la porter et la gouverner? Et
+tout récemment encore, les anabaptistes n'ont-ils pas été pour nous
+un avertissement assez terrible pour nous rappeler combien un diable
+plus subtil encore est près de nous, combien nos belles pensées sont
+dangereuses, et comme il est nécessaire (selon le conseil d'Isaïe) que
+nous regardions dans nos mains quand nous ramassons quelque chose, pour
+voir si c'est Dieu ou une idole, si c'est de l'or ou de l'argile?
+
+»Mais tous ces avertissemens sont perdus; nous vivons en pleine
+sécurité. Oui, sans doute le diable est loin de nous; nous n'avons rien
+de cette chair, qui était même en saint Paul, et dont il ne pouvait
+se défendre malgré tous ses efforts (Rom. VII). Nous, nous sommes des
+héros, nous n'avons pas à nous mettre en peine de la chair et de la
+pensée; nous sommes de purs esprits, nous tenons captifs la chair et
+le diable à la fois, et tout ce qui nous vient dans la tête, c'est
+immanquablement inspiration du Saint-Esprit; aussi cela tourne-t-il si
+bien à la fin que le cheval et le cavalier se cassent le cou.
+
+»Les papistes, je le sais, me diront ici: «Eh bien! tu le vois; c'est
+toi-même qui te plains des troubles et des séditions? Qui en est
+cause, si ce n'est toi et ta doctrine?» Voilà le bel artifice par
+lequel ils pensent renverser de fond en comble la doctrine de Luther.
+Il n'importe! Qu'ils calomnient, qu'ils mentent tant qu'ils voudront;
+il faudra bien qu'ils se taisent. D'après ce grand argument, tous les
+prophètes auraient été également des hérétiques et des séditieux,
+car ils furent tenus pour tels par leur propre peuple; comme tels ils
+furent persécutés, et la plupart mis à mort.
+
+»Jésus-Christ lui-même, notre Seigneur, fut obligé de s'entendre dire
+par les Juifs, et en particulier par les pontifes, les pharisiens,
+les scribes, etc., par ceux qui étaient les plus hauts en pouvoir,
+qu'il avait le diable en lui, qu'il chassait les diables par d'autres
+diables, qu'il était un samaritain, le compagnon des publicains et des
+pécheurs. Il fut même à la fin condamné à mourir sur la croix comme
+blasphémateur et séditieux. «Lequel d'entre les prophètes, disait saint
+Étienne aux Juifs qui allaient le lapider, lequel vos pères n'ont-ils
+pas persécuté et tué? Et vous, leurs descendans, vous avez vendu et tué
+le juste dont ces prophètes avaient annoncé la venue.»
+
+»Les apôtres et les disciples n'ont pas été plus heureux que leur
+maître; les prédictions qu'il leur avait faites se sont accomplies...
+
+»S'il en est ainsi, et l'Écriture en fait foi, pourquoi donc nous
+étonner de ce que nous aussi qui, dans ces temps terribles, prêchons
+Jésus-Christ et nous reconnaissons pour ses fidèles, nous soyons, à son
+exemple, persécutés et condamnés comme hérétiques, comme séditieux?
+Que sommes-nous à côté de ces génies sublimes, éclairés par le
+Saint-Esprit, ornés de tant de dons admirables, et doués d'une foi si
+forte?
+
+»N'ayons donc pas honte des calomnies et des outrages dont nos
+adversaires nous poursuivent. Que tout cela ne nous effraie point.
+Mais regardons comme notre plus grande gloire de recevoir du monde le
+même salaire que dès le commencement tous les saints en ont reçu pour
+leurs fidèles services. Réjouissons-nous en Dieu de ce que nous aussi,
+pauvres pécheurs et gens méprisés, nous avons été jugés dignes de
+souffrir l'ignominie pour le nom du Christ...
+
+»Les papistes, avec leur grand argument, ressemblent à un homme qui
+dirait que si Dieu n'avait pas créé de bons anges, il n'y aurait pas eu
+de diables; car c'est des bons anges que ceux-ci sont venus. De même,
+Adam accusa Dieu de lui avoir donné une femme, car si Dieu n'avait
+pas créé Adam et Ève, ils n'auraient pas péché. Il résulterait de ce
+beau raisonnement que Dieu seul fût pécheur, et qu'Adam et ses enfans
+fussent tous purs, pieux et saints.»
+
+«Il est sorti de la doctrine de Luther beaucoup d'esprits de trouble et
+de révolte, disent-ils. Donc la doctrine de Luther vient du diable.»
+Mais saint Jean dit aussi (I, 2.): «Ils sont sortis d'entre nous, mais
+ils n'étaient point des nôtres.» Judas était parmi les disciples de
+Jésus-Christ; donc (d'après leur argument), Jésus-Christ est un diable.
+Jamais hérétique n'est sorti d'entre les païens; ils sont tous venus de
+la sainte Église chrétienne; l'Église serait donc l'ouvrage du diable.
+
+»Il en fut de même de la Bible sous le pape; on l'appelait publiquement
+un livre d'hérétiques, et on l'accusait de prêter appui aux opinions
+les plus condamnables. Encore aujourd'hui ils crient: «L'Église,
+l'Église, contre et par-dessus la Bible!» Emser, l'homme sage, ne sut
+même trop dire s'il était bon que la Bible fût traduite en allemand;
+peut-être ne savait-il pas non plus s'il était bon qu'elle eût été
+jamais écrite en hébreu, en grec ou en latin; elle et l'Église ne sont
+pas en trop bon accord.
+
+»Si donc la Bible, le livre et la parole du Saint-Esprit, a de telles
+choses à endurer d'eux, pourquoi nous, ne supporterions-nous pas à plus
+forte raison qu'ils nous imputent toutes les hérésies et les séditions
+qui éclatent? L'araignée tire son poison de la belle et aimable rose où
+l'abeille ne trouve que miel; est-ce la faute de la fleur, si son miel
+devient du poison dans l'araignée?
+
+»C'est, comme dit le proverbe: «Chien qu'on veut battre a mangé du
+cuir», ou, comme dit finement Ésope: «La brebis que le loup veut
+manger a troublé l'eau, quoiqu'elle soit au bas du courant.» Eux, qui
+ont rempli l'Église d'erreur et de sang, de mensonge et de meurtre,
+ce ne sont pas eux qui ont troublé l'eau. Nous, nous résistons aux
+séditions et aux erreurs des hérétiques, et c'est nous qui l'avons
+troublée. Eh bien! loup, mange, mange, mon ami, et qu'un os te reste
+au travers du gosier... Ils ne peuvent faire autrement; tel est le
+monde et son Dieu. S'ils ont appelé Belzébut le maître de la maison,
+traiteront-ils mieux les serviteurs? Et si la sainte Écriture est
+appelée un livre d'hérétiques, comment nos livres pourraient-ils être
+honorés? Le Dieu vivant est notre juge à nous tous; il mettra un jour
+tout cela au clair, si nous devons en croire ce livre d'hérétiques,
+qu'on appelle la sainte Écriture, qui tant de fois en a témoigné.
+
+»Veuille Jésus-Christ, notre Dieu bien-aimé et le gardien de nos âmes
+qu'il a rachetées par son sang précieux, conserver son petit troupeau
+fidèle à sa sainte parole, afin qu'il augmente et croisse en grâce, en
+lumière, en foi. Puisse-t-il daigner le soutenir contre les tentations
+de Satan et du monde, et prendre enfin en pitié ses gémissemens
+profonds et l'attente pleine d'angoisses dans laquelle il soupire vers
+l'heureux jour de la glorieuse venue de son Sauveur, en sorte que
+les fureurs et les morsures meurtrières des serpens cessent enfin, et
+que pour les enfans de Dieu commence la révélation de la liberté et
+béatitude qu'ils espèrent et qu'ils attendent en patience. Amen. Amen.»
+
+
+
+
+CHAPITRE VII.
+
+ Maladies.—Désir de la mort et du jugement.—Mort, 1546.
+
+
+«Le mal de dents et le mal d'oreilles sont bien cruels; j'aimerais
+mieux la peste et le mal français[r162]. Lorsque j'étais à Cobourg,
+en 1530, je souffrais d'un bruit et d'un sifflement dans les oreilles:
+c'était comme du vent qui me sortait de la tête... Le diable est pour
+quelque chose là-dedans.
+
+ [r162] Tischreden, 356.
+
+»Il faut manger et boire du vin quand on est malade.» Il se traita
+ainsi à Smalkalde, en 1537.
+
+Un homme se plaignait de la gale; Luther lui dit[r163]: «Je voudrais
+bien changer avec vous; je vous donnerais dix florins de retour.
+Vous ne savez pas combien c'est une chose pénible que le vertige.
+Aujourd'hui je ne puis lire de suite une lettre entière, pas même deux
+ou trois lignes du Psautier. Le bourdonnement recommence dans les
+oreilles, au point que souvent je suis près de tomber sur mon banc. La
+gale, au contraire, est chose utile, etc.»
+
+ [r163] _Ibid._ 357.
+
+Après avoir prêché à Smalkalde, et dîné ensuite, il éprouva les
+douleurs de la pierre[a76], et pria avec ardeur[r164]: «O mon Dieu, mon
+seigneur Jésus! tu sais avec quel zèle j'ai enseigné ta parole. _Si
+est pro gloriâ nominis tui_, viens à mon secours; sinon, ferme-moi les
+yeux. _Ego moriar inimicus inimicis tuis._ Je meurs dans la haine de ce
+scélérat de pape, qui s'est élevé au-dessus du Christ.» Et il composa à
+l'instant, sur ce sujet, quatre vers latins.
+
+ [r164] _Ibid._ 362.
+
+«Ma tête est si variable et si faible que je ne puis rien écrire ni
+lire, surtout à jeun.» (9 février 1543. Voyez aussi le 16 août.)
+
+«Je suis faible et fatigué de vivre, et je songe à dire adieu au monde,
+qui est maintenant tout au malin. Que le Seigneur m'accorde une bonne
+heure et un heureux passage. Amen.» (14 mars.)
+
+_A Amsdorf._—«Je t'écris après souper, car à jeun je ne puis sans
+danger jeter les yeux sur un livre; je m'étonne fort de cette maladie,
+et ne sais si c'est un soufflet de Satan ou si ce n'est que faiblesse
+de nature.» (18 août 1543.)
+
+«Je crois que ma véritable maladie, c'est la vieillesse, ensuite la
+violence des travaux et des pensées, mais surtout les coups de Satan;
+c'est ce dont toute la médecine du monde ne me guérira pas[a77].» (7
+novembre 1543.)
+
+_A Spalatin._—«Je t'avoue que, dans toute ma vie et dans toutes les
+affaires de l'Évangile, je n'ai jamais eu d'année plus troublée que
+celle qui vient de finir. J'ai une terrible affaire avec les juristes,
+au sujet des mariages clandestins; ceux que j'avais cru devoir être
+de fidèles amis de l'Évangile, je trouve en eux des ennemis cruels.
+Penses-tu que ce ne soit pas pour moi un supplice, je te le demande,
+mon cher Spalatin?» (30 janvier 1544.)
+
+«Je suis paresseux, fatigué, froid, c'est-à-dire vieux et inutile. J'ai
+achevé ma route; reste seulement que le Seigneur me réunisse à mes
+pères, et rende à la pourriture et aux vers ce qui leur appartient.
+Me voilà rassasié de vie, si cela peut s'appeler de la vie. Prie
+pour moi, afin que l'heure de mon passage soit agréable à Dieu, et à
+moi salutaire. Je ne m'occupe plus de l'Empereur et de l'Empire, que
+pour les recommander à Dieu dans mes prières. Le monde me semble être
+venu à sa dernière heure et avoir vieilli comme un vêtement, selon
+l'expression du psalmiste; voici l'heure qu'il en faut changer.» (5
+décembre 1544.)
+
+«Si j'avais su au commencement que les hommes fussent si ennemis de
+la parole de Dieu, je me serais tu certainement et tenu tranquille.
+J'imaginais qu'ils ne péchaient que par ignorance[r165].»
+
+ [r165] _Ibid._ 6.
+
+Il disait une fois[r166]: «La noblesse, les bourgeois, les paysans,
+je dirais presque tout homme, pense connaître beaucoup mieux l'Évangile
+que le docteur Luther ou que saint Paul même. Ils méprisent les
+pasteurs, ou plutôt le Seigneur et Maître des pasteurs...
+
+ [r166] _Ibid._ 5.
+
+»Les nobles veulent gouverner, et cependant ils ne peuvent rien
+comprendre. Le pape sait et peut gouverner par le fait. Le plus petit
+papiste est plus capable de gouverner que dix des nobles qui sont à la
+cour, ne leur en déplaise.»
+
+On disait un jour à Luther que, dans l'évêché de Wurtzbourg, il y avait
+six cents riches cures qui étaient vacantes[r167].—«Il ne résultera
+rien de bon de tout cela, dit-il. Il en sera de même chez nous, si
+nous continuons de mépriser la parole de Dieu et ses serviteurs... Si
+je voulais devenir riche, je n'aurais qu'à ne point prêcher... Les
+visiteurs ecclésiastiques demandaient aux paysans pourquoi ils ne
+voulaient point nourrir leurs pasteurs? eux qui pourtant entretenaient
+des gardeurs de vaches et de porcs. «Oh! répondirent-ils, nous avons
+besoin d'un berger; nous ne pourrions pas nous en passer.» Ils
+croyaient pouvoir se passer de pasteurs.»
+
+ [r167] _Ibid._ 5, verso.
+
+Luther prêcha dans sa maison, pour ses enfans et tous les siens, le
+dimanche, pendant six mois, mais il ne prêchait point dans l'église.
+«Je le fais, dit-il au docteur Jonas, pour acquitter ma conscience et
+remplir mon devoir de père de famille. Mais je sais et je vois bien que
+la parole de Dieu ne sera pas plus considérée ici que dans l'église.
+
+»C'est vous qui prêcherez après moi, docteur Jonas, songez-y et
+acquittez-vous-en bien[r168].»
+
+ [r168] _Ibid._ 195, verso.
+
+Il sortit un jour de l'église, indigné de ce que l'on causait[r169].
+(1545.)
+
+ [r169] _Ibid._ 189, verso.
+
+Le 16 février 1546, Luther disait qu'Aristote n'avait écrit aucun
+meilleur livre que le cinquième des _Ethica_; qu'il y donnait cette
+belle définition: _Quod justitia sit virtus consistens in mediocritate,
+pro ut sapiens eam determinat_[r170]. [Cet éloge de la modération est
+très remarquable dans la dernière année de Luther.]
+
+ [r170] _Ibid._ 414.
+
+Le chancelier du comte de Mansfeld qui revenait de la diète de
+Francfort, dit à la table de Luther, à Eisleben, que l'Empereur et
+le pape procédaient brusquement contre l'évêque de Cologne, Herman;
+et songeaient à le chasser de son électorat[r171]. Alors il parla
+ainsi: «Ils ont perdu la partie; ils ne peuvent rien faire contre nous
+avec la parole de Dieu et la sainte Écriture; _ergo volunt sapientiâ,
+violentiâ, astutiâ, practicâ, dolo, vi et armis pugnare_. Que dit à
+cela notre Seigneur? Il voit bien qu'il est un pauvre écolier, et il
+dit: Qu'allons-nous devenir mon fils et moi?... Pour moi, quand ils me
+tueraient, il faut auparavant qu'ils mangent ce que... J'ai un grand
+avantage; mon seigneur s'appelle _Schefflemini_; c'est lui qui dit:
+_Ego suscitabo vos in novissimo die_; et il dira alors: Docteur Martin,
+docteur Jonas, seigneur Michel Cœlius, venez à moi; et il vous nommera
+tous par vos noms, comme le Seigneur Christ dit dans saint Jean: _Et
+vocat eos nominatim_. Eh bien! soyez donc sans peur.
+
+ [r171] _Ibid._ 19.
+
+»Dieu a un beau jeu de cartes qui n'est composé que de rois, de
+princes, etc.[r172] Il bat les cartes, par exemple le pape avec
+Luther; et ensuite il fait comme les enfans, qui, après avoir tenu
+quelque temps les cartes en vain, se lassent du jeu, et les jettent
+sous la table.»
+
+ [r172] _Ibid._ 32, verso.
+
+«Le monde est comme un paysan ivre[r173]. Si on le remet en selle
+d'un côté, il tombe de l'autre. On ne peut le secourir de quelque façon
+qu'on s'y prenne. Le monde veut appartenir au diable.»
+
+ [r173] _Ibid._ 448, verso.
+
+Luther disait souvent que s'il mourait dans son lit, ce serait une
+grande honte pour le pape[r174]. «Vous tous, pape, diable, rois,
+princes et seigneurs, vous devez être ennemis de Luther, et cependant
+vous ne pouvez lui faire mal. Il n'en a pas été de même pour Jean Huss.
+Je tiens que depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme que le monde
+haït plus que moi. Je suis aussi ennemi du monde; je ne sais rien _in
+totâ vitâ_ à quoi j'aie plaisir; je suis tout-à-fait fatigué de vivre.
+Que notre Seigneur vienne donc vite, et m'emmène. Qu'il vienne surtout
+avec son jugement dernier, je tendrai le cou; qu'il lance le tonnerre
+et que je repose...» Ensuite, il se console de l'ingratitude du monde,
+par l'exemple de Moïse, de Samuel, de saint Paul, du Christ.
+
+ [r174] _Ibid._ 449.
+
+Un des convives dit que si le monde subsistait cinquante ans, il
+viendrait encore bien des choses[r175]. Luther répondit: «A Dieu ne
+plaise! ce serait pis que par le passé. Il s'élèverait encore bien des
+sectes qui sont aujourd'hui cachées dans le cœur des hommes. Vienne
+donc le Seigneur! qu'il coupe court à tout cela avec le jugement
+dernier; car il n'y a plus d'amélioration.
+
+ [r175] _Ibid._ 295.
+
+»Il fera si mauvais à vivre sur la terre, que l'on criera de tous
+les coins du monde: Bon Dieu! viens avec le jugement dernier[r176].» Et
+comme il tenait en main un chapelet d'agates blanches, il ajouta: «O
+Dieu! veuille que ce jour vienne bientôt. Je mangerais aujourd'hui ce
+chapelet pour que ce fût demain.»
+
+ [r176] _Ibid._ 15.
+
+On parlait à sa table, des éclipses et de leur peu d'influence sur
+la mort des rois et des grands[r177]. Le docteur répondit: «Il est
+vrai, les éclipses ne veulent plus produire d'effet; je pense que notre
+Seigneur en viendra bientôt aux effets véritables, et que le Jugement
+en finira bientôt avec tout cela. C'est ce que je rêvais l'autre jour,
+comme je m'étais mis à dormir après midi, et je disais déjà: _In pace
+in id ipsum requiescam seu dormiam_. Il faut bien que le Jugement
+arrive; car, que l'église papale se réforme, c'est chose impossible;
+le Turc et les juifs ne se corrigeront pas non plus. Il n'y a aucune
+amélioration dans l'Empire; voilà maintenant trente ans qu'on assemble
+toujours les diètes sans décider rien... Je pense souvent, quand je
+réfléchis en me promenant, à ce que je dois demander dans mes prières
+pour la diète. L'évêque de Mayence ne vaut rien, le pape est perdu. Je
+ne vois d'autre remède que de dire: Notre Père, que votre règne arrive!
+
+ [r177] _Ibid._ 304. verso.
+
+»Pauvres gens que nous sommes! nous ne gagnons notre pain que par nos
+péchés[r178]. Jusqu'à sept ans, nous ne faisons rien que manger,
+boire, jouer et dormir. De là jusqu'à vingt et un ans, nous allons
+aux écoles trois ou quatre heures par jour; nous suivons nos caprices,
+nous courons, nous allons boire. C'est alors seulement que nous
+commençons à travailler. Vers la cinquantaine, nous avons fini, nous
+redevenons enfans. Ajoutez que nous dormons la moitié de notre vie. Fi
+de nous! sur notre vie, nous ne donnons pas même la dîme à Dieu; et
+nous croirions avec nos bonnes œuvres mériter le ciel! Qu'ai-je fait,
+moi? J'ai babillé deux heures, mangé pendant trois, resté oisif pendant
+quatre. _Ah! Domine, ne intres in judicium cum servo tuo._»
+
+ [r178] _Ibid._ 46.
+
+Après avoir détaillé toutes ses souffrances à Mélanchton: «Plaise à
+Christ d'enlever mon âme dans la paix du Seigneur. Par la grâce de
+Dieu, je suis prêt et désireux de partir. J'ai vécu et achevé la course
+que Dieu m'avait marquée... Que mon âme fatiguée de si longue route,
+monte maintenant au ciel.» (18 avril 1541.)
+
+«Je n'ai pas le temps de beaucoup écrire, mon cher Probst, car je suis
+accablé par l'âge et les fatigues, _alt, kalt, ungestalt_, comme on
+dit; cependant le repos ne m'est pas encore permis, obsédé comme je
+le suis par tant de raisons, tant de nécessités d'écrire. J'en sais
+plus que toi sur les fatalités de ce siècle. Le monde menace ruine:
+cela est certain, tant le diable se déchaîne, tant le monde s'abrutit.
+Il ne reste qu'une seule consolation, c'est que ce jour est proche.
+On est rassasié de la parole de Dieu, le monde en prend un singulier
+dégoût. Il s'élève moins de faux prophètes. Pourquoi susciterait-on
+de nouvelles hérésies, quand on a pour la parole un mépris épicurien?
+L'Allemagne a été, et elle ne sera jamais ce qu'elle a été. La noblesse
+ne pense qu'à demander, les villes ne songent qu'à elles-mêmes (et avec
+raison); voilà le royaume divisé avec soi-même, qui a dû tenir tête
+à cette armée de démons déchaînée dans l'armée turque. Nous ne nous
+soucions guère de savoir si Dieu est pour nous ou contre nous; nous
+devons triompher par notre propre force des Turcs et des démons, et de
+Dieu et de toutes choses. Tant est grande la confiance et la sécurité
+insensées de l'Allemagne expirante! Et cependant nous autres que
+ferons-nous ici? Les plaintes sont vaines, les pleurs sont vains. Il ne
+vous reste qu'à dire cette prière: Que ta volonté soit faite.» (26 mars
+1542.[6])
+
+ [6] Il semble qu'on retrouve ces tristes pensées dans le beau
+ portrait de Luther mort, qui se trouve dans la collection du
+ libraire Zimmer à Heidelberg; ce portrait exprime aussi la
+ continuation d'un long effort.
+
+«Je vois chez tout le monde une cupidité indomptable, et c'est un des
+signes qui me persuade que le dernier jour est proche; il semble que
+le monde dans sa vieillesse et son dernier paroxisme, tombe en délire,
+comme il arrive quelquefois aux mourans.» (8 mars 1544.)
+
+«Je crois que nous sommes cette trompette suprême qui prépare et
+devance la venue du Christ. Ainsi, quelque faibles que nous soyons,
+quelque petit son que nous fassions entendre devant le monde, nous
+sonnons fort dans l'assemblée des anges du ciel, qui reprendront après
+nous et se chargeront d'achever. Amen.» (6 août 1545.)
+
+Dans les dernières années de sa vie, ses ennemis répandirent plusieurs
+fois le bruit de sa mort. Ils y ajoutèrent les circonstances les
+plus extraordinaires et les plus tragiques. Pour les réfuter, Luther
+fit imprimer en 1545, en allemand et en italien, un écrit intitulé:
+_Mensonges des Welches sur la mort du docteur Martin Luther_.
+
+«Je l'ai dit d'avance au docteur Pomer[r179]: celui qui après ma mort
+méprisera l'autorité de cette école et de cette église, celui-là sera
+un hérétique et un pervers. Car c'est d'abord ici que Dieu a purifié sa
+parole et l'a de nouveau révélée... Qui pouvait quelque chose, il y a
+vingt-cinq ans? Qui était de mon côté, il y a vingt et un ans?
+
+ [r179] _Ibid._ 416.
+
+»Je compte souvent et j'approche de plus en plus des quarante années au
+bout desquelles, je pense, tout ceci doit prendre fin. Saint Paul n'a
+prêché que quarante ans. De même le prophète Jérémie et saint Augustin.
+Et lorsque furent écoulées les quarante années pendant lesquelles on
+avait prêché la parole de Dieu, elle a cessé de se faire entendre, et
+une grande calamité est venue ensuite.»
+
+La vieille Électrice, à la table de laquelle il se trouvait, lui
+souhaitait quarante ans de vie[r180]. «Je ne voudrais point du
+paradis, dit-il, à condition de vivre quarante ans.... Je ne consulte
+pas les médecins. Ils ont arrangé que je devais vivre encore un an; je
+ne veux point rendre ma vie triste, mais, au nom de Dieu, manger et
+boire ce qu'il me plaît.
+
+ [r180] _Ibid._ 361-2.
+
+»Je voudrais que nos adversaires me tuassent, car ma mort serait plus
+utile à l'église que ma vie[r181].»
+
+ [r181] _Ibid._ 147.
+
+16 février 1546[r182]: Comme on parlait beaucoup de mort et de
+maladie à la table de Luther, pendant son dernier voyage à Eisleben, il
+dit: «Si je retourne à Wittemberg, je me mettrai dans la bière et je
+donnerai à manger aux vers un docteur bien gras.» Deux jours après il
+mourut à Eisleben.
+
+ [r182] _Ibid._ 362.
+
+Impromptu de Luther sur la fragilité de la vie[r183].
+
+ Dat vitrum vitro Jonæ (vitrum ipse) Lutherus,
+ Se similem ut fragili noscat uterque vitro.
+
+ [r183] _Ibid._ 358.
+
+Nous laissons ces vers en latin, ils auraient perdu leur mérite dans
+une traduction.
+
+Billet écrit par Luther à Eisleben, deux jours avant sa mort: «Personne
+ne comprendra Virgile dans les _Bucoliques_, s'il n'a été cinq ans
+pasteur.
+
+»Personne ne comprendra Virgile dans les _Géorgiques_, s'il n'a été
+cinq ans laboureur.
+
+»Personne ne peut comprendre Cicéron dans ses _Lettres_, s'il n'a été
+durant vingt ans mêlé aux affaires d'un grand état.
+
+»Que personne ne croie avoir assez goûté des saintes Écritures, s'il
+n'a pendant cent années gouverné les églises, avec les prophètes Élie
+et Élisée, avec Jean-Baptiste, Christ et les apôtres.
+
+ »Hanc tu ne divinam Æneida tenta,
+ »Sed vestigia pronus adora.
+
+»Nous sommes de pauvres mendians. Hoc est verum, 16 februarii, anno
+1546.»
+
+«Prédiction du révérend père le docteur Martin Luther, écrite de sa
+propre main, et trouvée après sa mort dans sa bibliothèque, par ceux
+que le très illustre électeur de Saxe, Jean Frédéric Ier, avait chargé
+de la fouiller[r184].
+
+ [r184] Opera latina, Iena, 1612, Ier vol. après la table des matières.
+
+«Le temps est arrivé auquel, selon l'ancienne prédiction, doivent
+venir après la révélation de l'Antichrist, des hommes qui vivraient
+sans Dieu, chacun selon ses désirs et ses illusions. Le pape était
+un dieu au-dessus de Dieu, et maintenant tous veulent se passer de
+Dieu, surtout les papistes. Les nôtres, maintenant qu'ils sont libres
+des lois du pape, veulent encore l'être de la loi de Dieu, ne suivre
+que des mobiles politiques, et ne les suivre encore que selon leurs
+caprices.—Nous nous figurons qu'ils sont bien loin ceux dont on a
+prédit de telles choses; ils ne sont autres que nous-mêmes.—Il y en a
+parmi ceux-ci, qui désirant le jour de l'homme, ont commencé à chasser
+de l'Église le décalogue et la Loi. Parmi eux se trouvent maître
+Eisleben (Agricola), contre lequel, etc.—Je ne suis pas inquiet des
+papistes; ils flattent le pape par haine pour nous, et pour devenir
+puissans, jusqu'à ce qu'ils soient formidables au pauvre pape.... Je
+sens une grande consolation, quand je vois les adulateurs du pape lui
+tendre des embûches plus terribles que moi-même, qui suis son ennemi
+déclaré. Il en est de même chez nous: les nôtres me donnent plus
+d'affaires et de périls que toute la papauté, qui désormais ne pourra
+rien contre nous. Tant il est vrai que si un empire doit se détruire,
+c'est plutôt par ses propres forces. Celui de Rome
+
+ Mole ruit suâ....
+ ... Corpus magnum populumque potentem
+ In sua victrici conversum viscera dextrâ.»
+
+Vers la fin de sa vie, Luther prit en dégoût le séjour de Wittemberg.
+Il écrivit à sa femme, en juillet 1545, de Leipzig où il se trouvait:
+«Grâce et paix, chère Catherine! Notre Jean te racontera comment nous
+sommes arrivés. Ernst de Schonfeld nous a très bien reçus à Lobnitz,
+et notre ami Scherle encore mieux ici. Je voudrais bien m'arranger de
+manière à ne plus avoir besoin de retourner à Wittemberg. Mon cœur
+s'est refroidi pour cette ville, et je n'aime plus à y rester. Je
+voudrais que tu vendisses la petite maison, avec la cour et le jardin;
+je rendrais à mon gracieux seigneur la grande maison dont il m'a fait
+présent, et nous nous établirions à Zeilsdorf. Avec ce que je reçois
+pour salaire, nous pourrions mettre notre terre en bon état, car je
+pense bien que mon seigneur ne refusera pas de me le continuer, du
+moins pour cette année, que je crois fermement devoir être la dernière
+de ma vie. Wittemberg est devenu une véritable Sodome, et je ne veux
+pas y retourner. Après-demain je me rendrai à Mersebourg, où le comte
+George m'a vivement prié de venir. J'aimerais mieux passer ainsi ma
+vie sur les grandes routes, ou à mendier mon pain, que de tourmenter
+mes pauvres derniers jours par la vue des scandales de Wittemberg, où
+toutes mes peines et toutes mes sueurs sont perdues. Tu peux faire
+savoir ceci à Philippe et à Pomer, que je prie de bénir la ville en mon
+nom. Pour moi, je ne peux plus y vivre.»
+
+Il ne fallut rien moins que les instantes prières de ses amis, de toute
+l'académie et de l'Électeur, pour le faire renoncer à cette résolution.
+Il revint à Wittemberg le 18 août.
+
+Luther ne put mourir tranquille; ses derniers jours furent employés à
+la tâche pénible de réconcilier les comtes de Mansfeld, dont il était
+né le sujet[a78]. «Huit jours de plus ou de moins, écrit-il au comte
+Albrecht, en lui promettant de se rendre à Eisleben, huit jours de
+plus ou de moins, ne m'arrêteront pas, quoique je sois bien occupé
+d'ailleurs. Je pourrai me coucher dans le cercueil avec joie, quand
+j'aurai vu auparavant mes chers seigneurs se réconcilier et redevenir
+amis.» (6 décembre 1545.)
+
+(De Eisleben.) «_A la très savante et très profonde dame Catherine
+Luther, ma gracieuse épouse._ Chère Catherine! nous sommes bien
+tourmentés ici, et nous ne serions pas fâchés de pouvoir retourner chez
+nous. Cependant il nous faudra, je pense, rester encore une huitaine
+de jours. Tu peux dire à maître Philippe qu'il ne fera pas mal de
+corriger sa _postille_ sur l'Évangile, car, en l'écrivant, il ne savait
+guère pourquoi le Seigneur, dans l'Évangile, appelle les richesses
+des épines. C'est ici l'école où l'on apprend ces choses. La sainte
+Écriture menace partout les épines du feu éternel, cela m'effraie et me
+rend de la patience, car je dois faire tous mes efforts, Dieu aidant,
+pour mener la chose à bonne fin...» (6 février 1546.)
+
+«_A la gracieuse dame Catherine Luther, ma chère épouse, qui se
+tourmente beaucoup trop._ Grâce et paix dans le Seigneur. Chère
+Catherine! tu devrais lire saint Jean et ce que le Catéchisme dit de
+la confiance que nous devons avoir en Dieu. Tu te tourmentes vraiment
+comme si Dieu n'était pas tout-puissant, et qu'il ne pût produire de
+nouveaux docteurs Martin par dixaines, si l'ancien se noyait dans la
+Saale ou périssait d'une autre manière. J'ai Quelqu'un qui a soin de
+moi, mieux que toi et les anges vous ne pourriez jamais faire. Il
+est assis à la droite du Père tout-puissant. Tranquillise-toi donc.
+Amen... J'avais aujourd'hui l'intention de partir _in irâ meâ_; mais le
+malheur où je vois mon pays natal, m'a encore retenu. Le croirais-tu?
+je suis devenu légiste? Cependant cela ne servira pas à grand'chose.
+Il vaudrait mieux qu'ils me laissassent théologien. Il serait grand
+besoin pour eux d'humilier leur superbe. Ils parlent et agissent comme
+s'ils étaient des dieux, mais je crains bien qu'ils ne deviennent des
+diables, s'ils continuent ainsi. Lucifer aussi a été précipité par son
+orgueil, etc... Fais voir cette lettre à Philippe, je n'ai pas eu le
+temps de lui écrire séparément.» (7 février 1546.)
+
+«_A ma douce et chère épouse, Catherine Luther de Bora._ Grâce et paix
+dans le Seigneur. Chère Catherine! Nous espérons retourner chez vous
+cette semaine, si Dieu le veut. Il a montré la puissance de sa grâce
+dans cette affaire. Les seigneurs se sont accordés sur tous les points,
+à l'exception de deux ou trois, entre autres sur la réconciliation des
+deux frères, les comtes Gebhard et Albrecht. Je dînerai aujourd'hui
+avec eux, et je tâcherai de les faire redevenir frères. Ils ont écrit
+l'un contre l'autre avec beaucoup d'amertume, et ne se sont encore
+rien dit pendant les conférences.—Du reste, nos jeunes seigneurs sont
+pleins de gaîté; ils vont en traîneaux avec les dames, et font sonner
+les clochettes de leurs chevaux. Dieu a exaucé nos prières.
+
+»Je t'envoie des truites, dont la comtesse Albrecht m'a fait
+présent. Cette dame est bien heureuse de voir renaître la paix dans
+sa famille... Le bruit court ici que l'Empereur s'avance vers la
+Westphalie, et que le Français enrôle des landsknechts, de même
+que le Landgrave, etc. Laissons-les dire et forger des nouvelles:
+nous attendrons ce que Dieu voudra faire. Je te recommande à sa
+protection.—Martin LUTHER.» (14 février 1546.)
+
+Luther était arrivé le 28 janvier à Eisleben, et quoique déjà malade,
+il assista aux conférences jusqu'au 17 février. Il prêcha aussi quatre
+fois, et révisa le réglement ecclésiastique du comté de Mansfeld. Le
+17, il fut si malade que les comtes le prièrent de ne pas sortir. Au
+souper, il parla beaucoup de sa mort prochaine, et quelqu'un lui ayant
+demandé si nous nous reconnaîtrions les uns les autres dans l'autre
+monde, il répondit qu'il le pensait. En rentrant dans sa chambre avec
+maître Cœlius et ses deux fils, il s'approcha de la croisée et y resta
+long-temps en prières. Ensuite il dit à Aurifaber qui venait d'arriver:
+«Je me sens bien faible, et mes douleurs augmentent.» On lui donna un
+médicament, et on tâcha de le réchauffer par des frictions. Il adressa
+quelques mots au comte Albrecht, qui était venu aussi, et se mit sur
+un lit de repos en disant: «Si je pouvais seulement sommeiller une
+petite demi-heure, je crois que cela me soulagerait.» Il s'endormit
+en effet, et ne se réveilla qu'une heure et demie après, vers onze
+heures. En se réveillant, il dit aux assistans: «Vous voilà encore
+assis à côté de moi, ne voulez-vous pas aller reposer vous-mêmes?» Il
+se remit alors à prier, et dit avec ferveur: _In manus tuas commendo
+spiritum meum; redemisti me, Domine, Deus veritatis_. Il dit aussi aux
+assistans: «Priez tous, mes amis, pour l'Évangile de notre Seigneur,
+pour que son règne s'étende, car le concile de Trente et le pape le
+menacent grandement.» Il dormit ensuite jusque vers une heure, et quand
+il se réveilla, le docteur Jonas lui demanda comment il se trouvait. «O
+mon Dieu! répondit-il, je me sens bien mal. Mon cher Jonas, je pense
+que je resterai ici, à Eisleben, où je suis né.» Il marcha pourtant
+un peu dans la chambre et se remit sur son lit de repos, où on le
+couvrit de coussins. Deux médecins et le comte avec sa femme arrivèrent
+ensuite. Luther leur dit: «Je meurs, je resterai ici, à Eisleben;» et
+le docteur Jonas lui ayant exprimé l'espoir que la transpiration le
+soulagerait peut-être, il répondit: «Non, cher Jonas, c'est une sueur
+froide et sèche, le mal augmente.» Il se remit alors à prier, et dit:
+«O mon père! Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, toi le père de toute
+consolation, je te remercie de m'avoir révélé ton fils bien-aimé, en
+qui je crois, que j'ai prêché et reconnu, que j'ai aimé et célébré,
+et que le pape et les impies persécutent. Je te recommande mon âme, ô
+mon Seigneur Jésus-Christ! Je quitterai ce corps terrestre, je vais
+être enlevé de cette vie, mais je sais que je resterai éternellement
+auprès de toi.» Il répéta encore trois fois: _In manus tuas commendo
+spiritum meum; redemisti me, Domine veritatis_. Soudain il ferma les
+yeux, et tomba évanoui. Le comte Albrecht et sa femme, ainsi que les
+médecins, lui prodiguèrent leurs secours pour le rendre à la vie. Ils
+n'y parvinrent qu'avec peine. Le docteur Jonas lui dit alors: «Révérend
+père, mourez-vous avec constance dans la foi que vous avez enseignée?»
+Il répondit par un oui distinct, et se rendormit. Bientôt il pâlit,
+devint froid, respira encore une fois profondément, et mourut.
+
+Son corps fut transféré dans un cercueil d'étain, à Wittemberg, où
+il fut inhumé le 22 février avec les plus grands honneurs. Il repose
+dans l'église du château, au pied de la chaire. (Ukert I, p. 327, sqq.
+_Extrait de la relation de Jonas et de Cœlius._)
+
+_Testament de Luther, daté du 6 janvier 1542._—Je soussigné, Martin
+Luther, docteur, reconnais avoir, par les présentes, donné comme
+douaire à ma chère et fidèle épouse Catherine, pour qu'elle en jouisse
+toute sa vie, comme bon lui semblera: la terre de Zeilsdorf, telle que
+je l'ai achetée et fait disposer depuis; la maison _Brun_ que j'ai
+achetée sous le nom de Wolf; les gobelets et autres choses précieuses,
+telles que bagues, chaînes, médailles en or et en argent, de la valeur
+de mille florins environ.
+
+»J'ai fait ceci, premièrement parce qu'elle a toujours été ma pieuse
+et fidèle épouse, qui m'a aimé tendrement, et qui, par la bénédiction
+du ciel, m'a donné et élevé cinq enfans heureusement encore en vie.
+Secondement, pour qu'elle se charge de mes dettes, montant à quatre
+cent cinquante florins environ, au cas où je ne pourrais les acquitter
+avant ma mort. Troisièmement, et surtout, parce que je ne veux pas
+qu'elle soit dans la dépendance de ses enfans, mais plutôt que les
+enfans dépendent d'elle, l'honorent et lui soient soumis, comme Dieu
+l'a commandé; car j'ai vu bien souvent comme le Diable excite les
+enfans, même les enfans pieux, à désobéir à ce commandement, surtout
+quand les mères sont veuves, que les fils ont des épouses, et les
+filles des maris. Je pense, au reste, que la mère sera la meilleure
+tutrice de ses enfans, et qu'elle ne fera pas usage de ce douaire au
+détriment de ceux qui sont sa chair et son sang, de ceux qu'elle a
+portés sous son cœur.
+
+»Quoi qu'il puisse advenir d'elle après ma mort (car je ne puis limiter
+les desseins de Dieu), j'ai cette confiance qu'elle se conduira
+toujours comme une bonne mère envers ses enfans, et qu'elle partagera
+consciencieusement avec eux ce qu'elle possèdera.
+
+»En même temps, je prie tous mes amis d'être témoins de la vérité et
+de défendre ma chère Catherine, s'il allait arriver, comme il serait
+possible, que de mauvaises langues l'accusassent de garder pour elle
+quelque somme d'argent cachée, et de ne pas en faire part aux enfans.
+Je certifie que nous n'avons ni argent comptant, ni trésor d'aucune
+espèce. En cela rien d'étonnant, si l'on veut considérer que nous
+n'avons eu d'autre revenu que mon salaire et quelques présens, et que
+cependant nous avons bâti, et porté les charges d'un grand ménage. Je
+regarde même comme une grâce particulière de Dieu, et je l'en remercie
+sans cesse, que nous ayons pu y suffire, et que nos dettes ne soient
+pas plus considérables........
+
+»Je prie aussi mon gracieux seigneur, le duc Jean-Frédéric, électeur,
+de vouloir bien confirmer et maintenir le présent acte, quoiqu'il
+ne soit pas fait dans la forme demandée par les gens de loi. Martin
+LUTHER. _Signé_ MÉLANCHTON, CRUCIGER et BUGENHAGEN, comme témoins.»[a79]
+
+
+
+
+ADDITIONS
+
+ET
+
+ÉCLAIRCISSEMENS.
+
+
+ [a1] Page 1, ligne 7.—_Les Turcs..._
+
+Luther crut voir d'abord dans les Turcs un secours que Dieu lui
+envoyait. «Ce sont, dit-il, les ministres de la colère divine, 1526.
+(_Prœliari adversus Turcas, est repugnare Deo, visitanti iniquitates
+nostras per illos._)»—Il ne voulait point que les protestans
+s'armassent contre eux pour défendre les papistes, «car ceux-ci ne
+valent pas mieux que les Turcs.»
+
+Il dit dans la préface qu'il mit à un livre du docteur Jonas, que
+les Turcs égalent les papistes, ou les surpassent plutôt, dans les
+choses que ceux-ci regardent comme essentielles au salut, tels que
+les aumônes, les jeûnes, les macérations, les pélerinages, la vie
+monastique, les cérémonies et les autres œuvres extérieures, et que
+c'est pour cette raison que les papistes ne parlent pas du culte des
+mahométans. Il prend occasion de ceci pour élever au-dessus de ces
+pratiques mahométanes ou «romanistes, la religion pure du cœur et de
+l'esprit, enseignée par l'Évangile.»
+
+
+Ailleurs, il fait un parallèle entre le pape et le Turc, et conclut
+ainsi: «S'il faut combattre le Turc, il faut aussi combattre le
+pape.»—Cependant quand il vit les Turcs menacer sérieusement
+l'indépendance de l'Allemagne, il exprima plusieurs fois le désir
+qu'on entretînt une armée permanente sur les frontières de la Turquie,
+et répéta souvent que tout ce qui portait le nom de chrétien devait
+implorer Dieu pour le succès des armes de l'Empereur contre les
+infidèles.
+
+Luther exhorta l'Électeur, dans une lettre du 29 mai 1538, à prendre
+part à la guerre qui se préparait contre les Turcs. Il l'engagea à
+oublier les querelles intestines de l'Allemagne, pour tourner ses
+armes contre l'ennemi commun.
+
+Un homme digne de foi, qui avait été en ambassade chez les Turcs,
+dit un jour à Luther que le sultan lui avait demandé quel homme
+était Luther, et de quel âge, et qu'ayant appris qu'il avait environ
+quarante-huit ans, il disait: Je voudrais qu'il ne fût pas si âgé; il a
+en moi un gracieux seigneur, dites-le-lui bien. «Que Dieu me préserve
+de ce gracieux seigneur, s'écria Luther, en faisant le signe de la
+croix.» (Tischreden, p. 432, verso.)
+
+
+ [a2] Page 3, ligne 25.—_Le Landgrave... se croyant menacé,
+ leva une armée..._
+
+Luther, dans une lettre au chancelier Brück, dit, en parlant des
+préparatifs de guerre du Landgrave: «Une pareille agression de la
+part des nôtres, serait la plus grande honte pour l'Évangile. Ce ne
+serait point une révolte de paysans, mais une révolte de princes,
+qui préparerait à l'Allemagne les maux les plus terribles. Satan ne
+désire rien autant.» (mai 1528.) Il écrivit plusieurs lettres dans le
+même sens à l'Électeur.—Cependant il est quelquefois tenté de lâcher
+lui-même la bride au Landgrave. Ayant lu une lettre de Mélanchton,
+qui était au _Colloque_, il dit: «Ce que Philippe écrit, cela a des
+pieds et des mains, de l'autorité et de la gravité. Il dit des choses
+importantes en peu de mots; je conclus de sa lettre que nous avons
+la guerre....... Le lâche de Mayence fait tout le mal. Ils devraient
+nous donner une prompte réponse. Si j'étais le Landgrave, je tomberais
+dessus, je périrais ou je les exterminerais, puisque dans une affaire
+si juste, ils ne veulent pas nous donner la paix.» (Tischreden, p. 151.)
+
+
+ [a3] Page 26, ligne 3.—_Le duc George..._
+
+Ce prince se montra de bonne heure opposé à la Réforme. Dès l'année
+1525 (22 décembre), Luther avait écrit au duc pour le prier instamment
+de renoncer à ses persécutions contre la nouvelle doctrine. «... Je me
+jette à vos pieds pour vous supplier de cesser enfin vos entreprises
+impies. Non que je craigne le préjudice qui en pourrait résulter pour
+moi, car je n'ai plus qu'à perdre ce misérable corps de chair que
+dans tous les cas la terre va bientôt recevoir. Si je recherchais
+mon avantage, je ne devrais rien tant désirer que la persécution. On
+a vu comme elle m'a servi jusqu'ici au-delà de toute attente. Si je
+prenais plaisir à rendre votre Grâce malheureuse, je l'exciterais de
+toutes mes forces à continuer ses violences; mais c'est mon devoir de
+songer au salut de votre Grâce et de la supplier à genoux de cesser ses
+criminelles offenses envers Dieu et sa parole...»
+
+
+ [a4] Page 4, ligne 3.—_Le docteur Pack..._
+
+«Mon cher Amsdorf, voici Otton Pack, pauvre exilé que j'offre à ta
+miséricorde; il sera plus en sûreté à Magdebourg que chez moi; je
+craindrais que le duc George ne me forçât de le remettre entre ses
+mains.» (29 juillet 1529.)
+
+
+ [a5] Page 5, ligne 1.—_Le grand-maître de l'ordre Teutonique
+ avait sécularisé la Prusse..._
+
+«Lorsque je parlai la première fois au prince Albert, comme il me
+consultait sur la règle de son ordre, je lui conseillai de mépriser
+cette règle stupide et confuse, de prendre femme et de réduire la
+Prusse à une forme politique, en principauté ou en duché. Philippe,
+partageait cette opinion, et donnait le même conseil... Cela pourrait
+s'exécuter aisément, si le peuple de Prusse et les grands unissaient
+leurs prières pour qu'il osât l'entreprendre; il aurait ainsi un motif
+nécessaire et puissant de faire ce qu'il désire.... C'est à toi avec
+Speratus, Amandus et les autres ministres, d'y amener le peuple, de
+l'enflammer, de l'animer pour qu'il invoque la main de Dieu, afin qu'au
+lieu de cette abominable principauté hermaphrodite, qui n'est ni laïque
+ni ecclésiastique, il désire et réclame une principauté véritable.—Je
+voudrais persuader la même chose à l'évêque ***; lui aussi, il cèderait
+à nos raisons, si le peuple le pressait de ses prières.» (4 juillet
+1524.)
+
+Il y avait six mois alors que cet évêque prêchait ouvertement la
+réforme. «Ainsi, écrivait Luther en avril 1525, pendant le fort de
+la guerre des paysans, l'Évangile court à pleine course et à pleines
+voiles en Prusse, où il n'était pas appelé, tandis que dans la haute et
+basse Allemagne, où il est venu et entré de lui-même, on le blasphème
+avec fureur.» (T. II, p. 649.)
+
+
+ [a6] Page 6, ligne 25.—_Le duc George..._
+
+«Prie avec moi le Dieu de miséricorde, pour qu'il convertisse le duc
+George à son Évangile, ou que, s'il n'en est pas digne, il soit tiré de
+ce monde.» (27 mars 1526.)
+
+Luther écrivit à l'Électeur, au sujet de ses querelles avec le duc
+George (31 décembre 1528): «... Je prie votre Grâce électorale de
+m'abandonner entièrement à la décision des juges, au cas où le duc
+George le demanderait, car il est de mon devoir d'exposer ma tête
+plutôt que de faire éprouver le moindre préjudice à votre Grâce.
+Jésus-Christ, je l'espère, me donnera les forces nécessaires pour
+résister tout seul à Satan.»
+
+
+ [a7] Page 7, ligne 14.—_Où s'arrêtera la superbe de ce Moab..._
+
+Le duc George était, après tout, un persécuteur assez débonnaire.
+Ayant chassé de Leipzig quatre-vingts luthériens, il leur accorda la
+permission de garder leurs maisons, d'y laisser leurs femmes et leurs
+enfans, et même d'y venir trois fois par an au temps des foires.—Dans
+une autre circonstance, Luther ayant conseillé aux protestans de
+Leipzig de résister aux ordres de leur duc, celui-ci se contenta de
+prier l'électeur de Saxe d'interdire à Luther toute communication avec
+ses sujets. (Cochlæus, p. 230.)
+
+
+ [a8] Page 7, ligne 23.—_Diète à Spire..._
+
+Quelque temps après cette diète, Luther écrivit la consultation
+suivante: «D'abord il serait bon que notre parti, à l'exclusion des
+zwingliens, parlât pour lui seul.
+
+»En second lieu, qu'on écrivît à l'Empereur, et que les bienfaits
+du prince (l'électeur de Saxe), envers l'Église et l'État, fussent
+amplifiés, célébrés, etc. Il faudrait rappeler: 1º Qu'il a fait
+enseigner, de la manière la plus pure, le Christ et sa foi, comme on ne
+l'a jamais enseigné depuis mille ans; qu'il a aboli une foule d'abus et
+de monstruosités nuisibles à l'Église et à l'État, comme les marchés de
+messes, les abus des indulgences, les violences de l'excommunication,
+et tant d'autres choses qui leur ont paru à eux-mêmes intolérables, et
+dont la noblesse a exigé l'abolition à Worms.
+
+»2º Qu'il a résisté aux séditieux, à ceux qui violaient les images et
+les églises.
+
+»3º Que la dignité impériale a été par lui honorée, glorifiée,
+réformée, plus qu'on ne l'avait fait en plusieurs siècles.
+
+»4º Que nous avons fait et supporté les plus grandes choses contre les
+partisans de Münzer, pour sauver la majesté et la paix publique.
+
+»5º Que c'est nous, et non d'autres, qui avons réprimé les
+sacramentaires; que sans nous les papistes eussent été écrasés.
+
+»6º Que nous avons de même réprimé les anabaptistes.
+
+»7º Qu'en outre, nous avons étouffé les mauvais germes que de méchantes
+gens avaient répandus en divers endroits sur la sainte Trinité, sur la
+foi du Christ, etc. Je parle d'Érasme, d'Egranus et de leurs pareils.»
+(mai 1529.)
+
+
+ [a9] Page 7, ligne 28.—_Le parti de la Réforme éclata..._
+
+Luther essaya encore de retenir les siens; le 22 mai 1529, il écrivit
+à l'Électeur pour le dissuader d'entrer dans aucune ligue contre
+l'Empereur, et l'exhorter à s'en remettre à la protection divine. Dans
+une lettre à Agricola, il approuva la conduite prudente de l'Électeur
+à l'égard de l'Empereur: «Notre prince a bien fait de reconnaître un
+seigneur dans une ville étrangère, et de n'avoir point cherché à être
+le maître, comme il aurait pu le faire. Christ a dit: _Si vous êtes
+persécuté dans une ville, fuyez dans une autre_; et encore: _Sortez de
+cette maison_. Ainsi je pense que notre prince, comme un membre qui ne
+peut se séparer du corps, ne devait point rompre avec César. Mais par
+son silence il a comme fui dans une autre ville, il est sorti de cette
+maison.» (30 juin 1530.)
+
+
+ [a10] Page 8, ligne 11.—_Le Landgrave essaya de réconcilier
+ Luther et les sacramentaires..._
+
+Au landgrave de Hesse. «Grâce et paix en Jésus-Christ. Sérénissime
+seigneur! j'ai reçu la lettre par laquelle votre Altesse veut bien
+m'engager à me rendre à Marbourg, pour conférer avec Œcolampade et les
+siens, au sujet de nos opinions sur le saint Sacrement. Je ne saurais
+cacher à votre Altesse que je mets peu d'espoir dans une pareille
+conférence, et que je doute qu'on en voie sortir la paix et l'union.
+Néanmoins il faut rendre grâce à votre Altesse, de la sollicitude
+qu'elle montre en cette affaire, et je suis disposé, pour ma part, à
+me rendre au lieu désigné, bien que je regarde cette démarche comme
+inutile. Je ne veux pas laisser non plus à nos adversaires la gloire de
+pouvoir dire qu'ils aiment plus que nous la paix et la concorde. Mais
+je vous prie humblement, gracieux prince et seigneur, de vouloir bien,
+avant que nous nous réunissions, vous informer s'ils sont disposés à
+céder quelque point de leurs doctrines, autrement je craindrais fort
+que le mal ne fît qu'empirer par cette conférence, et que le résultat
+ne fût précisément le contraire de ce que votre Altesse recherche si
+loyalement et si sérieusement. A quoi servirait-il de se réunir et de
+discuter, si les deux parties arrivaient avec la résolution de ne céder
+en quoi que ce fût?...» (23 juin 1529.)
+
+Dans une consultation qui nous reste sur le même sujet, et que l'on
+attribue généralement à Luther, il exprime le désir que quelques
+papistes, «hommes graves et instruits,» assistent à la conférence comme
+témoins.
+
+A sa femme. «Grâce et paix en Jésus-Christ. Cher seigneur Catherine!
+Apprenez que notre conférence amicale de Marbourg est finie, et que
+nous sommes d'accord en tout point, si ce n'est que nos adversaires
+persistent à ne voir que du pain dans l'Eucharistie, et à n'admettre
+qu'une présence spirituelle de Jésus-Christ. Aujourd'hui le Landgrave
+nous parlera encore une fois, pour tâcher de nous unir ou de nous
+porter du moins à nous reconnaître pour frères et membres du même
+corps. Il y travaille avec ardeur. Nous leur accordons la paix et
+la charité, mais nous ne voulons pas de ce nom de frères. Demain ou
+après-demain, je pense, nous partirons pour nous rendre au Voigtland,
+où l'Électeur nous a appelés.
+
+»Dis à Pommer que les meilleurs argumens de Zwingli ont été: _Que le
+corps ne peut exister sans espace, et que, par conséquent, le corps
+du Christ n'est pas dans le pain_, et le meilleur d'Œcolampade:
+_Que le saint Sacrement est un signe du corps du Christ_. Dieu les a
+vraiment aveuglés; ils n'ont su que nous répondre.—Adieu. Le messager
+me presse. Priez pour nous. Nous sommes bien portans et vivons comme
+les princes. Embrasse pour moi Leinette (Madeleine) et le petit Jean.
+Le jour de saint François. Votre dévoué serviteur, Martin LUTHER.» (4
+octobre 1529.)
+
+Luther écrivit au landgrave de Hesse dans une autre lettre (20 mai
+1530), au sujet de ses tentatives de conciliation: «... J'ai supporté
+de si grands dangers et de si longs tourmens pour ma doctrine, que
+certes j'ai lieu de désirer de n'avoir pas travaillé en vain. Ce n'est
+donc point par haine ou par orgueil que je leur résiste; il y a bien
+long-temps que j'aurais adopté leur doctrine, Dieu, mon Seigneur, le
+sait, s'ils avaient pu m'en montrer la vérité; mais les raisons qu'ils
+donnent sont trop faibles pour que j'y puisse engager ma conscience...»
+
+
+ [a11] Page 11, ligne 18.—_L'Électeur amena..._
+
+Il partit de Torgaw le 3 avril, et arriva à Augsbourg le 2 mai. Sa
+suite se composait de cent soixante chevaux. Les théologiens qu'il
+avait avec lui furent Luther, Mélanchton, Jonas, Agricola, Spalatin
+et Osiander. Luther, excommunié et mis au ban de l'Empire, resta à
+Cobourg. (Ukert, t. I, p. 232.)
+
+
+ [a12] Page 11, ligne 19.—_L'Électeur amena Luther le plus près
+ possible d'Augsbourg._
+
+«Je suis sur les confins de la Saxe, à moitié chemin entre Wittemberg
+et Augsbourg. Il y aurait eu trop de danger pour moi dans cette
+dernière ville.» (juin 1530.)
+
+
+ [a13] Page 13, ligne 22.—_Les nobles seigneurs qui forment nos
+ comices..._
+
+«Ma résidence est maintenant au milieu des nuages, dans l'empire des
+oiseaux. Sans parler de la foule des autres oiseaux, dont les chants
+confus feraient taire une tempête, il y a près d'ici un certain bois
+tout peuplé, de la première à la dernière branche, de corbeaux et de
+corneilles. Du matin au soir, et quelquefois pendant toute la nuit,
+il y a là une crierie si infatigable, si incessante, que je doute
+qu'en aucun lieu du monde tant d'oiseaux se soient jamais réunis. Pas
+un qui se repose un instant; bon gré mal gré, il faut les entendre,
+vieux et jeunes, mères et filles, glorifier à qui mieux mieux, par
+leurs croassemens, le nom de corbeaux. Peut-être, par ces chants si
+harmonieux, veulent-ils faire descendre doucement le sommeil sur mes
+paupières; avec la grâce de Dieu, j'en ferai cette nuit l'expérience.
+C'est une noble race d'oiseaux, et, comme tu le sais, fort utiles
+au monde. Il me semble, en les voyant, que j'ai sous les yeux toute
+l'armée des sophistes et des Cochleistes, réunis de toutes les parties
+du monde, afin que j'apprécie mieux leur sagesse et leur doux langage,
+et que je voie à mon aise ce qu'ils sont et ce qu'ils peuvent pour
+le monde de l'esprit et pour le monde de la chair. Jusqu'à ce jour,
+personne n'a entendu philomèle, et cependant le coucou, qui annonce et
+accompagne son chant, s'enorgueillit magnifiquement dans la gloire de
+sa voix. De la résidence des corbeaux.» (22 avril 1530.)
+
+
+ [a14] Page 14, ligne 23.—_Luther le tançait rudement..._
+
+Quelquefois cependant il compâtit à ses douleurs. «Vous avez confessé
+Christ, offert la paix, obéi à César, souffert les injures, épuisé les
+blasphèmes. Vous n'avez point rendu le mal pour le mal; enfin vous
+avez dignement travaillé à la sainte œuvre de Dieu, comme il convient
+à des saints; réjouissez-vous donc dans le Seigneur. Assez long-temps
+vous avez été contristés par le monde. Regardez et levez la tête, votre
+rédemption approche. Je vous canoniserai comme de fidèles membres de
+Christ; que faut-il de plus à votre gloire?» (15 septembre 1530.)
+
+
+ [a15] Page 19, ligne 15.—_J'aurais voulu être la victime
+ sacrifiée par ce dernier concile, comme Jean Huss..._
+
+«Plaise à Dieu que nous soyons dignes d'être brûlés ou égorgés par lui
+(par le pape.) Cependant si nous ne méritons pas de rendre témoignage
+par notre sang, implorons du moins Dieu pour qu'il nous accorde cette
+grâce de témoigner par notre vie et nos paroles que Jésus-Christ est
+seul notre Seigneur, et que nous l'adorerons dans tous les siècles des
+siècles. Amen.» (T. II des œuvres latines, p. 270.)
+
+
+ [a16] Page 19, ligne 19.—_La profession de foi des
+ protestans..._
+
+«A la diète d'Augsbourg, le duc Guillaume de Bavière, qui était fort
+opposé à la doctrine évangélique, ayant dit au docteur Eck: «Peut-on
+renverser cette opinion par l'Écriture sainte?» «Non, dit-il, mais par
+les Pères.» L'évêque de Mayence se mit à dire: «Voyez! nos théologiens
+nous défendent joliment! Les luthériens montrent leur opinion dans
+l'Écriture, et nous la nôtre hors de l'Écriture.» Le même évêque disait
+alors: «Les luthériens ont un article auquel on ne peut contredire,
+quand même tous les autres ne vaudraient rien; c'est celui du mariage.»
+(Tischreden, p. 99.)
+
+
+ [a17] Page 20, ligne 10.—_L'archevêque de Mayence est très
+ porté pour la paix..._
+
+Luther, pour l'exhorter à montrer des sentimens pacifiques, lui avait
+écrit une lettre qui se terminait ainsi: «Je ne puis cesser de penser à
+la pauvre Allemagne, si malheureuse, si abandonnée, si méprisée, vendue
+à tant de traîtres en même temps. C'est ma chère patrie; je désirerais
+tant la voir heureuse!» (6 juillet 1530, de Cobourg.)
+
+
+ [a18] Page 21, ligne 7.—_Si l'Empereur veut faire un édit,
+ qu'il le fasse; après Worms aussi il en fit un..._
+
+Luther a conscience de sa force. «Si j'étais tué par les papistes,
+ma mort protégerait nos descendans, et ces bêtes féroces en seraient
+peut-être plus cruellement punies que je ne voudrais moi-même. Car, il
+y a quelqu'un qui dira un jour: _Où est ton frère Abel?_ Et celui-là
+les marquera au front, et ils erreront fugitifs par toute la terre...
+Notre race est maintenant sous la protection du Seigneur, puisqu'il est
+écrit: Je ferai miséricorde jusqu'à la millième génération à ceux qui
+m'ont aimé. Et moi je crois à ces paroles.» (30 juin 1530.)
+
+«Si j'étais tué dans une émeute papiste, j'emmènerais à ma suite
+un grand nombre d'évêques, de prêtres, de moines, si bien que tous
+diraient: «Le docteur Martin Luther est conduit au sépulcre avec une
+grande procession; certes, c'est un grand docteur, au-dessus de tous
+évêques, prêtres, moines; aussi faut-il qu'à son enterrement, ils
+aillent avec lui, étendus sur le dos.» C'est ainsi que nous ferions
+ensemble notre dernier voyage.» (1531. Cochlæus, p. 211. Extrait du
+livre de Luther intitulé: _Avis aux Allemands_.)
+
+Les catholiques, lui disait-on, vous reprochent plusieurs fausses
+interprétations dans votre traduction de l'Écriture. Il répondit: «Ils
+ont encore de trop longues oreilles, et leur _hihan! hihan!_ est trop
+faible pour juger une traduction du latin en allemand... Dis-leur que
+le docteur Martin Luther veut qu'il en soit ainsi, et qu'un papiste et
+un âne c'est la même chose.
+
+ _Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas._
+
+(Passage cité par Cochlæus, 201, verso.)
+
+
+ [a19] Page 21, ligne 15.—_Qu'ils nous rendent Léonard
+ Keiser..._
+
+«Non-seulement le titre de roi, mais celui de César lui est bien
+mérité, puisqu'il a vaincu celui dont le pouvoir ne trouve point
+d'égal sur la terre. Ce n'est pas seulement un prêtre, c'est un
+souverain pontife et un véritable pape, celui qui a offert ainsi son
+corps en sacrifice à Dieu. Avec juste raison l'appelait-on Léonhard,
+c'est-à-dire force du lion; c'était un lion fort et intrépide.» (22
+octobre 1527.)
+
+_A Hausmann._ «Je pense que tu auras vu l'histoire de Gaspard Tauber,
+le nouveau martyr de Vienne, qui a été décapité et brûlé dans cette
+ville pour la parole de Dieu. Il en est arrivé autant à un libraire de
+Bude, en Hongrie, qu'on a brûlé au milieu de ses livres.» (12 novembre
+1524.)
+
+Il y avait à Vienne des partisans de la nouvelle doctrine.
+«Lorsqu'après la diète d'Augsbourg le cardinal Campeggio entra dans
+la ville avec le roi Ferdinand, on habilla un petit homme de bois en
+cardinal, on lui attacha au cou des indulgences et le sceau du pape, et
+on le mit sur un chien qui avait à la queue une vessie de porc pleine
+de pois. On fit courir ce chien à travers toutes les rues.» (Tischr.,
+p. 251.)
+
+
+ [a20] Page 21, ligne 16.—_Qu'ils nous rendent Keiser et tant
+ d'autres qu'ils ont fait injustement mourir..._
+
+Si l'on en croyait Cochlæus, Luther se serait montré persécuteur à son
+tour. En 1532, un luthérien s'étant éloigné de ses opinions, Luther le
+fit enlever et conduire à Wittemberg, où il fut emprisonné; un procès
+fut commencé. Comme on ne trouva pas de charges suffisantes, il fallut
+le relâcher. Mais il fut toujours depuis sourdement persécuté par les
+luthériens. (Cochlæus, p. 218.)
+
+
+ [a21] Page 22, ligne 22.—_On se prépare à combattre..._
+
+Cependant on craignait tant de part et d'autre l'issue de la lutte,
+que, contre toute probabilité, la paix se maintint. «J'admire ce
+miracle de Dieu, que tant de menaces soient allées en fumée. Tout le
+monde en effet croyait qu'au printemps éclaterait en Allemagne une
+guerre atroce.» (juin 1531.)
+
+La crainte d'un nouveau soulèvement des paysans contribuait à
+entretenir les intentions pacifiques des princes. «Les paysans, écrit
+Luther, recommencent à s'assembler. Une soixantaine d'entre eux ont
+cherché à surprendre la nuit le château de Hohenstein. Tu vois que
+malgré la présence de l'Empereur, il faut prendre des précautions
+contre cette révolte; que serait-ce si les papistes commençaient la
+guerre?» (19 juillet 1530.)
+
+
+ [a22] Page 22, ligne 25.—_Luther fut accusé d'avoir poussé les
+ protestans à prendre cette attitude hostile..._
+
+Bien loin de là, il avait dès 1529 dissuadé l'Électeur d'entrer dans
+aucune ligue dirigée contre l'Empereur... «Nous ne saurions approuver
+une pareille alliance; s'il en résultait quelque malheur, peut-être
+même la guerre ouverte, tout retomberait sur notre conscience, et nous
+aimerions mieux être dix fois morts que d'avoir à nous reprocher du
+sang versé pour l'Évangile. Nous sommes ceux qui devons souffrir, comme
+dit le prophète, ceux qui ne doivent pas se venger eux-mêmes, mais
+tout remettre entre les mains de Dieu... Je supplie donc humblement
+votre Grâce électorale de ne pas se laisser abattre par ce danger.
+Nous allons élever nos prières à Dieu; mais nos mains doivent rester
+pures de sang et de crime. S'il arrivait (contre mon opinion) que
+l'Empereur allât jusqu'à me réclamer moi ou mes amis, nous irions,
+sous la protection de Dieu, comparaître devant lui, plutôt que de
+causer préjudice à votre Grâce électorale, comme je l'ai plusieurs
+fois déclaré à votre auguste frère, feu l'électeur Frédéric....» (18
+novembre 1529.)
+
+
+ [a23] Page 22, ligne 28.—_Résistance à l'Empereur..._
+
+Dans le livre des _Propos de table_ (p. 397, verso et suiv.) Luther
+parle plus explicitement: «Ce n'est point pour la religion que l'on
+combattra. L'Empereur a pris les évêchés d'Utrecht et de Liége; il a
+offert au duc de Brunswick de lui laisser prendre Hildesheim. Il est
+affamé et altéré des biens ecclésiastiques; il les dévore. Nos princes
+ne le souffriront pas; ils voudront manger avec lui. Alors on en
+viendra à se prendre aux bonnets.» (1530.)
+
+«J'ai souvent été interrogé par mon gracieux seigneur, sur la question
+de savoir ce que je ferais si un voleur de grand chemin, un meurtrier,
+venait m'attaquer. Je résisterais, dans l'intérêt du prince dont je
+suis sujet et serviteur; je puis tuer le voleur, mettre le couteau
+sur lui, et même ensuite recevoir les sacremens. Mais si c'est pour
+la parole de Dieu, et comme prédicateur, que l'on m'attaque, je dois
+souffrir et recommander la vengeance à Dieu. Aussi je ne prends point
+de couteau en chaire, mais sur la route. Les anabaptistes sont des
+coquins désespérés, ils ne portent aucune arme et se vantent d'une
+grande patience.»
+
+(1536.) «Comme je parlais pour la paix, le landgrave de Hesse me
+disait: Seigneur docteur, vous conseillez très bien; mais quoi? Si nous
+ne suivons pas vos conseils?»
+
+(1539.) Luther répond sur la question du droit de résistance «que,
+selon le droit public, le droit naturel et la raison, la résistance
+à l'autorité injuste est permise. Il n'y a de difficulté que dans le
+domaine de la théologie.
+
+»La question n'eût pas été difficile à résoudre au temps des apôtres,
+car toutes les autorités étaient alors païennes et non chrétiennes.
+Mais maintenant que tous les princes sont chrétiens ou prétendent
+l'être, il est difficile de conclure, car un prince et un chrétien sont
+les plus proches parens.—Qu'un chrétien puisse se défendre contre
+l'autorité, il y a là matière à de grandes réflexions.—... Au fond,
+c'est au pape que j'arrache l'épée, et non à l'Empereur.»
+
+Il résume ainsi lui-même les argumens qu'il eût pu adresser aux
+Allemands, s'il eût fait une exhortation à la résistance:
+
+«1. L'Empereur n'a ni droit ni puissance pour ordonner cela; c'est
+chose certaine, s'il l'ordonne, on ne doit point lui obéir. 2. Ce
+n'est pas moi qui excite le trouble, je l'empêche et je m'y oppose.
+Qu'ils voient s'ils n'en sont pas les auteurs, lorsqu'ils ordonnent ce
+qui est contre Dieu. 3. Ne badinez pas tant. Si vous faites boire le
+fou (narren Luprian), prenez garde qu'il ne vous crache au visage. Il
+est, d'ailleurs, assez altéré, et ne demande pas mieux que de boire
+son soûl. 4. Eh bien! vous voulez combattre; courbez vos têtes pour
+recevoir la bénédiction. Ayez bon succès! Dieu vous donne joyeuse
+victoire! Moi, docteur Martin Luther, votre apôtre, je vous ai parlé,
+je vous ai avertis, comme c'était mon devoir!»
+
+Il dit encore ailleurs: «Vous méprisez ma doctrine. Vous voulez prendre
+le Luther dans ses paroles, comme faisaient les Pharisiens au Christ.
+Mais si je voulais (je ne le veux point), j'aurais une glose pour
+vous embarrasser; je dirais que cette résistance n'est point contre
+l'Empereur, mais contre Dieu. D'un autre côté: qu'un politique, un
+citoyen, un sujet, n'est pas un chrétien, que ce n'a pas été la pensée
+de Christ de détruire les droits, la police et le gouvernement du
+monde. Rends à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César.
+N'obéis point dans ce qui est contre Dieu et sa parole.
+
+»Je condamne la révolte au péril de mon corps, de ma vie, de mon
+honneur et de mes biens. Je voudrais bien vous arrêter et vous retenir.
+Si vous commencez, je me tairai et périrai avec vous. Vous irez en
+enfer au nom de tous les diables, et moi au ciel au nom du Christ. Ils
+veulent abuser de notre doctrine, mais ils verront du moins qu'elle
+n'est point erronée en soi.
+
+»... Tuer un tyran n'est pas chose permise à l'homme qui n'est dans
+aucune fonction publique, car le cinquième commandement dit: Tu ne
+dois pas tuer. Mais si je surprends un homme près de ma femme ou de
+ma fille, quoiqu'il ne soit point un tyran, je pourrai fort bien le
+tuer. _Item_, s'il prend par force à celui-ci sa femme, à l'autre sa
+fille, au troisième ses terres et ses biens, que les bourgeois et
+sujets s'assemblent, ne sachant plus comment supporter sa violence et
+sa tyrannie, ils pourront le tuer, comme tout autre meurtrier ou voleur
+de grand chemin.» (Tischr., p. 397, verso, sqq.)
+
+»Le bon et vraiment noble seigneur Gaspard de Kokritz m'a demandé, mon
+cher Jean, que je t'écrivisse mon jugement sur le cas où César voudrait
+faire la guerre à nos princes, au sujet de l'Évangile. Serait-il alors
+permis aux nôtres de résister et de se défendre? J'avais déjà écrit
+mon opinion sur ce sujet, du vivant du duc Jean. Aujourd'hui il est un
+peu tard pour me demander mon avis, puisqu'il a été décidé parmi les
+princes qu'ils peuvent et veulent résister et se défendre, et qu'on
+ne s'en tiendra pas à mon dire... Ne fortifie pas le bras des impies
+contre nos princes; laisse le champ libre à la colère et au jugement de
+Dieu; ils l'ont cherché jusqu'à ce jour avec fureur, avec rire et avec
+joie. Cependant intimide les nôtres par cet exemple, que les Machabées
+ne suivirent pas ceux qui voulaient se défendre contre Antiochus, mais
+que dans la simplicité de leur cœur ils se laissèrent plutôt tuer.»
+(8 février 1539.)
+
+Dans son livre _De seculari potestate_, dédié au duc de Saxe, il dit:
+«En Misnie, en Bavière et en d'autres lieux, les tyrans ont promulgué
+un édit pour qu'on ait à livrer partout aux magistrats les Nouveaux
+Testamens. Si les sujets obéissent à l'édit, ce n'est pas un livre,
+qu'ils remettent au péril de leur salut, c'est Christ lui-même qu'ils
+livrent aux mains d'Hérode. Cependant, si on veut les enlever par
+la violence, il faut le souffrir; on ne doit point résister à la
+témérité.—Les princes sont du monde, et le monde est ennemi de Dieu.»
+
+«On ne doit pas obéir à César s'il veut faire la guerre à notre parti.
+Le Turc n'attaque pas son Alcoran, l'Empereur ne doit pas davantage
+attaquer son Évangile.» (Cochlæus, p. 210.)
+
+
+ [a24] Page 22, ligne 30.—_Voici mon avis..._
+
+L'Électeur avait demandé à Luther s'il serait permis de résister à
+l'Empereur les armes à la main. Luther répondit négativement, en
+ajoutant seulement: «Si cependant l'Empereur, non content d'être
+le maître des états des princes, allait jusqu'à exiger d'eux de
+persécuter, de mettre à mort, ou de chasser leurs sujets pour la
+cause de l'Évangile, les princes convaincus que ce serait agir contre
+la volonté de Dieu, devront lui refuser l'obéissance; autrement ils
+violeraient leur foi et se rendraient complices du crime. Il suffit
+qu'ils laissent faire l'Empereur, qui aura à en rendre compte, et
+qu'ils ne défendent pas leurs sujets contre lui.» Plus loin il dit,
+en parlant de la guerre civile: «Quel carnage et quelles lamentations
+couvriraient alors la terre allemande! Un prince devrait mieux aimer
+perdre trois fois ses états, ou mourir trois fois, que d'être la cause
+de si horribles bouleversemens, ou seulement d'y consentir. Quelle
+conscience pourrait le supporter! Le diable verrait cela avec plaisir;
+Dieu veuille nous en préserver à jamais!» (6 mars 1530.)
+
+
+ [a25] Page 26, ligne 8.—_Que l'on m'accuse ou non d'être trop
+ violent..._
+
+L'Électeur avait réprimandé Luther au sujet de deux écrits
+(_Avertissement à ses chers Allemands_, et _Gloses sur le prétendu
+édit impérial_) qu'il trouvait trop violens. Luther lui répondit
+(16 avril 1531) qu'il n'avait fait que repousser les attaques plus
+violentes encore de ses ennemis, et qu'il serait injuste de lui imposer
+silence lorsqu'on laissait tout dire à ses adversaires... «Il m'a
+été impossible de me taire plus long-temps dans cette affaire qui me
+concerne plus que tout autre. Si je gardais le silence devant une telle
+condamnation publique de ma doctrine, ne serait-ce pas l'abandonner, la
+renier? Plutôt que de le souffrir, je braverais la colère de tous les
+diables, celle du monde entier, sans parler de celle des conseillers
+impériaux.—On dit que mes deux écrits sont tranchans et bien affilés;
+l'on a raison: je ne les ai pas non plus faits pour être doux; le seul
+regret que j'aie c'est qu'ils ne soient pas plus tranchans encore. Si
+l'on considère la violence de mes adversaires, l'on sera forcé d'avouer
+que j'ai été trop bénin... Tout le monde crie contre nous; l'on
+vocifère les calomnies les plus odieuses; et moi, pauvre homme, j'élève
+la voix à mon tour, et voilà que personne n'aura crié que Luther... En
+somme, tout ce que nous disons et faisons est injuste, quand même nous
+ressusciterions les morts; tout ce qu'ils font, eux, est juste, quand
+même ils noieraient l'Allemagne dans les larmes et dans le sang.»
+
+
+ [a26] Page 26, ligne 16.—_Eh bien! puisqu'ils sont
+ incorrigibles..... je romps avec eux._ ...
+
+«Toujours jusqu'à présent (1534), particulièrement à la diète
+d'Augsbourg, nous avons humblement offert au pape et aux évêques de
+recevoir d'eux la consécration et l'autorité spirituelle, et de les
+aider à conserver ce droit; ils nous ont toujours repoussés. Et s'il
+arrive un jour, pour la consécration sacerdotale, ce qui est arrivé
+pour les indulgences, à qui sera la faute. J'ai offert aussi de me
+taire sur les indulgences si l'on voulait se taire sur ce que j'avais
+écrit; ils n'ont pas voulu, et aujourd'hui il n'y a plus assez de
+mépris par tout le monde pour les indulgences; indulgences, lettres
+papales, sceaux brisés gisent à terre. Ainsi disparaîtra le pouvoir de
+consacrer et le chrême et les tonsures, de sorte qu'on ne reconnaîtra
+plus où est l'évêque, où est le prêtre.» (Cochlæus, p. 245, extrait du
+_De angulari missâ_, Luth., op. lat., VII, p. 220.)
+
+
+ [a27] Page 28, ligne 3.—_Anabaptistes._
+
+Il y avait déjà long-temps qu'ils remuaient en Allemagne. «Nous avons
+ici une nouvelle espèce de prophètes, venus d'Anvers, qui prétendent
+que l'Esprit saint n'est autre chose que le génie et la raison
+naturelle. (27 mars 1525.)
+
+»Il n'y a rien de nouveau, sinon que l'on dit que les anabaptistes
+augmentent et se répandent de tous côtés. (28 décembre 1527.)
+
+»La nouvelle secte des anabaptistes fait d'étonnans progrès; ce sont
+des gens qui mènent une vie d'excellente apparence, et qui meurent avec
+grande audace par l'eau ou par le feu. (31 décembre 1527.)
+
+»Il y a beaucoup de troubles en Bavière.... il ne me semble pas à
+propos que tu les livres aux magistrats; ils se livreront eux-mêmes, et
+alors le conseil les bannira de la ville. Je vois partout la tradition
+de Münzer, sur la perdition future des impies et le règne des justes
+sur la terre. C'est ce que prophétise Cellarius dans un livre qu'il
+vient de publier; cet esprit est un esprit de révolte. (27 janvier
+1528.)»
+
+Le 12 mai 1528 il écrit à Link: «Tu as vu, je pense, mon
+_Antischwermerum_ et ma dissertation sur la bigamie des évêques. Le
+courage des anabaptistes mourans, ressemble à celui des donatistes
+dont parle Augustin, ou à la fureur des juifs dans Jérusalem dévastée.
+Les saints martyrs, comme notre Léonard Keiser, meurent avec crainte,
+humilité, et en priant pour leurs bourreaux; l'opiniâtreté de ceux-ci
+au contraire, lorsqu'ils vont à la mort, semble augmenter avec
+l'indignation de leurs ennemis.»
+
+
+ [a28] Page 51, ligne 2.—_Exécution..._
+
+_Extrait d'un ancien livre de chant des anabaptistes._ «Les paroles
+d'Algérius sont des miracles: «Ici, dit-il, les autres gémissent et
+pleurent, et moi j'y ressens de la joie. Dans ma prison, l'armée du
+ciel m'apparaît; je ne sais combien de martyrs habitent avec moi tous
+les jours. Dans la joie, dans les délices, dans l'extase de la grâce,
+je vois le Seigneur sur son trône.»
+
+»Mais ta patrie, lui disaient-ils, tes amis, tes parens, ta profession,
+peux-tu les quitter volontiers? Il dit aux envoyés: «Nul homme ne me
+bannit de ma patrie; elle est aux pieds du trône céleste, là où mes
+ennemis deviendront mes amis pour chanter le même cantique.
+
+»Médecins, artistes, ouvriers, ne peuvent ici-bas réussir; qui ne
+reconnaît la force de Dieu, n'a qu'une force aveugle.» Les juges
+furieux le menacèrent du feu. «Dans la puissance des flammes, dit
+Algérius, vous reconnaîtrez la mienne.» (Wunderhorn, t. I.)
+
+
+ [a29] Page 55.—_Fin du chapitre..._
+
+Les passages suivans de Ruchat (Réformation de la Suisse), font bien
+connaître le bizarre enthousiasme des anabaptistes. «L'an 1529, neuf
+anabaptistes furent saisis à Bâle, et mis en prison. On les fit venir
+devant le sénat, et on appela aussi les ministres pour conférer avec
+eux. D'abord Œcolampade leur expliqua en deux mots le symbole des
+apôtres et celui de saint _Athanase_, et leur représenta que c'était
+là la véritable et indubitable foi chrétienne, que Jésus-Christ et ses
+apôtres avaient prêchée. Ensuite le bourgmeistre, Adelbert Meyer, dit
+aux anabaptistes, qu'ils venaient d'entendre une bonne explication de
+la foi chrétienne, et que, «puisqu'ils se plaignaient des ministres,
+ils devaient présentement parler à cœur ouvert et exposer hardiment
+ce qui leur faisait de la peine.» Mais il n'y en eut pas un seul qui
+lui répondît un mot, ils se contentèrent de se regarder les uns les
+autres. Alors le premier huissier de la chambre dit à l'un d'eux,
+qui était tourneur de sa profession: «D'où vient que tu ne parles
+pas présentement, après avoir tant jasé ailleurs, dans la rue, dans
+les boutiques, et dans la prison?» Comme ils gardaient encore le
+silence, Marc Hedelin, chef des tribus, s'adressa au principal de ces
+gens-là, et lui dit: «Que réponds-tu, frère, à ce qui t'a été proposé?»
+L'anabaptiste lui répondit: «Je ne vous reconnais point pour frère.»
+«Comment?» lui dit ce seigneur. «Parce, dit l'autre, que vous n'êtes
+point chrétien. Amendez-vous premièrement, corrigez-vous, et quittez la
+magistrature.» «En quoi penses-tu donc, lui dit Hedelin, que je pèche
+tant?» «Vous le savez bien,» lui répondit l'anabaptiste.
+
+»Le bourgmeistre prit la parole, lui ordonna de répondre avec modestie
+et avec douceur, et le pressa vivement de parler sur la question dont
+il s'agissait. Sur quoi il répondit: «Qu'il ne croyait pas qu'un
+chrétien pût être dans une magistrature mondaine, parce que celui qui
+combat avec l'épée, périra par l'épée: Que le baptême des enfans est du
+diable, et une invention du pape; on doit baptiser les adultes, et non
+les petits enfans, selon l'ordre de Jésus-Christ.»
+
+»Œcolampade entreprit de le réfuter, avec toute la douceur possible,
+et de lui faire voir, que les passages qu'il avait cités, avaient un
+autre sens, comme tous les anciens docteurs en faisaient foi. «Mes
+chers amis, dit-il, vous n'entendez pas l'Écriture sainte et vous
+la maniez fort grossièrement.» Et comme il allait leur montrer le
+véritable sens de ces passages, l'un d'entre eux, qui était meunier,
+l'interrompit, le traitant de séducteur, qui caquetait beaucoup,
+et dit: «Que ce qu'il avait là allégué contre eux, ne faisait rien
+au sujet. Qu'ils avaient entre les mains la pure et propre parole
+de Dieu, et qu'ils voulaient s'y attacher toute leur vie, que le
+Saint-Esprit parlait maintenant par lui. Il s'excusait en même temps
+de ne pas parler éloquemment, disant qu'il n'avait pas étudié, qu'il
+n'avait été dans aucune université, et que dès sa jeunesse il avait haï
+la sagesse humaine, qui est pleine de tromperies. Qu'il connaissait
+bien la ruse des scribes, qui cherchaient perpétuellement à offusquer
+les yeux des simples.» Après quoi il se mit à crier et à pleurer,
+disant: «Qu'après avoir ouï la parole de Dieu, il avait renoncé à sa
+vie déréglée; et que maintenant que par le baptême il avait reçu le
+pardon de ses péchés, il était persécuté de chacun, au lieu que dans
+le temps qu'il était plongé dans toutes sortes de vices, personne ne
+l'avait châtié, ni mis en prison, comme on faisait présentement. Qu'on
+l'avait enfermé dans la tour, comme un meurtrier; quel était donc son
+crime? etc. La conférence ayant duré jusqu'à l'heure du dîner, le sénat
+se leva.
+
+»Après dîner, le sénat s'étant rassemblé, les ministres entrèrent en
+conférence avec les anabaptistes, au sujet de la magistrature. Et
+comme l'un d'eux eut donné des réponses assez satisfaisantes sur les
+questions qu'on lui avait proposées, cela fit chagrin aux autres,
+de ce qu'il n'était pas ferme dans leur doctrine. C'est pourquoi
+ils l'interrompirent. «Laisse-nous parler, lui dirent-ils, nous qui
+entendons mieux l'Écriture; nous pourrons mieux répondre sur ces
+articles, que toi, qui es encore un novice, et qui n'es pas capable de
+défendre notre foi contre les renards.» Alors le tourneur entrant en
+dispute, soutint que saint Paul (_Rom. XIII_) parlant des puissances
+supérieures, n'entend point les magistrats, mais les supérieurs
+ecclésiastiques. Œcolampade lui nia cela, et lui demanda en quel
+endroit de la Bible il le trouvait, et comment il le prouverait?
+L'autre lui dit: «Feuilletez aussi tout l'Ancien et le Nouveau
+Testament, et vous y trouverez que vous devez recevoir une pension;
+vous avez meilleur temps que moi, qui suis obligé de me nourrir du
+travail de mes mains, pour n'être à charge à personne.» Cette saillie
+fit un peu rire les assistans. Œcolampade leur dit: «Messieurs, il
+n'est pas temps maintenant de rire: si je reçois de l'Église mon
+entretien et ma nourriture, je puis prouver par l'Écriture, que cela
+est raisonnable: ainsi ce sont là des discours séditieux. Priez plutôt
+pour la gloire du Seigneur, afin que Dieu amollisse leurs cœurs
+endurcis et les éclaire.»
+
+«Après plusieurs autres discours, comme le temps de se lever
+approchait, il y en eut un, qui n'avait rien dit de tout le jour,
+qui se mit à hurler et à pleurer. «Le dernier jour est à la porte,
+disait-il, amendez-vous, la cognée est déjà mise à l'arbre; ne
+noircissez donc pas notre doctrine sur le baptême. Je vous en prie,
+pour l'amour de Jésus-Christ, ne persécutez pas les gens de bien.
+Certainement le juste juge viendra bientôt, et fera périr tous les
+méchans.»
+
+«Le bourgmeistre l'interrompit pour lui dire qu'on n'avait pas besoin
+de cette lamentation; qu'il devait raisonner sur les articles dont il
+était question. Il voulut continuer sur le même ton, mais on ne le lui
+permit pas. Enfin le bourgmeistre justifia la conduite du sénat, à
+l'égard des anabaptistes: il représenta qu'on les avait arrêtés, non
+pas à cause de l'Évangile, ni à cause de leur bonne conduite, mais à
+cause de leurs déréglemens, de leur parjure et de leur sédition. Que
+l'un d'eux avait commis un meurtre; un autre avait enseigné qu'on ne
+doit point payer les dîmes: un troisième avait excité des troubles,
+etc. Que c'était pour ces crimes qu'on les avait saisis, jusqu'à ce
+qu'on eût décidé quel traitement on leur ferait, etc.
+
+»Dans ce moment, l'un d'entre eux se mit à crier: «Mes frères, ne
+résistez point au méchant. Quand même l'ennemi serait devant votre
+porte, ne la fermez pas. Laissez-les venir, ils ne peuvent rien faire
+contre nous, sans la volonté du Père, puisque nos cheveux sont comptés.
+Je dis bien plus: il ne faut pas même résister à un brigand dans un
+bois. Ne croyez-vous pas que Dieu ait soin de vous?» On lui imposa
+silence. (Ruchat, _Réforme suisse_, II, p. 498.)
+
+_Autre dispute._—«Le ministre zwinglien leur parla amiablement et
+avec douceur, leur remontrant que, s'ils enseignaient la vérité, ils
+avaient tort de se séparer de l'Église, et de prêcher dans les bois,
+et dans d'autres lieux écartés. Ensuite il leur exposa en peu de mots
+la doctrine de l'Église. Un des anabaptistes l'interrompit, pour lui
+dire: «Nous avons reçu le Saint-Esprit par le baptême, nous n'avons
+pas besoin d'instruction.» Un des seigneurs députés leur dit: «Nous
+avons ordre de vous dire, qu'on veut bien vous laisser aller sans autre
+châtiment, pourvu que vous quittiez le pays et que vous promettiez
+de n'y plus revenir, à moins que vous ne vous amendiez.» L'un des
+anabaptistes lui répondit: «Quel ordre est-ce-là? le magistrat n'est
+point maître de la terre pour nous ordonner de sortir ou d'aller
+ailleurs. Dieu a dit: Habite le pays. Je veux obéir à ce commandement,
+et demeurer dans le pays où je suis né, où j'ai été élevé, et personne
+n'a le droit de s'y opposer.» Mais on lui fit bientôt éprouver le
+contraire. (Ruchat, t. III, p. 102.)
+
+«On vit à Bâle un anabaptiste nommé _Conrad in Gassen_, qui proférait
+des blasphèmes étranges, par exemple: «Que Jésus-Christ n'était point
+notre Rédempteur; qu'il n'était point Dieu, et qu'il n'était point
+né d'une Vierge.» Il ne faisait aucun cas de la prière, et comme on
+lui représentait que Jésus-Christ avait prié sur la montagne des
+Oliviers, il répondait avec une brutale insolence: «Qui est-ce qui l'a
+ouï?» Comme il était incorrigible, il fut condamné à avoir la tête
+tranchée.—Cet impie fanatique me fait souvenir d'un autre de nos
+jours, qui a séduit certaines personnes de notre voisinage, il y a
+quelques années, en leur persuadant qu'il ne fallait user ni de pain
+ni de vin. Et comme on lui objectait un jour à Genève, que le premier
+miracle de Jésus-Christ avait été de changer l'eau en vin, il répondit:
+«Que Jésus-Christ était encore jeune dans ce temps-là, et que c'était
+une petite faute qu'il fallait lui pardonner.» (Ruchat, _Réforme
+suisse_, t. III, p. 104.)
+
+La Réforme, née dans la Saxe, avait promptement gagné les bords du
+Rhin, et était allée, remontant le fleuve, s'associer dans la Suisse au
+rationalisme vaudois; elle osa même passer dans la catholique Italie.
+Mélanchton, qui entretenait correspondance habituelle avec Bembo et
+Sadolet, tous deux secrétaires apostoliques, fut d'abord beaucoup plus
+connu que Luther des érudits italiens. C'est à lui qu'on rapportait la
+gloire des premières attaques contre Rome. Mais la réputation de Luther
+grandissant avec l'importance de sa réforme, il apparut bientôt aux
+Italiens comme le chef du parti protestant. C'est à ce titre qu'Altieri
+lui écrit en 1542 au nom des églises protestantes du nord-est de
+l'Italie:
+
+«Au très excellent et très intègre docteur et maître dans les saintes
+Écritures, le seigneur Martin Luther, notre chef (princeps) et notre
+frère en Christ, les frères de l'église de Venise, Vicence et Trévise.
+
+»Nous avouons humblement notre faute et notre ingratitude, pour avoir
+tardé si long-temps à reconnaître ce que nous te devions à toi qui nous
+as ouvert la voie du salut... Nous sommes exposés à toute la rage de
+l'Antichrist, et sa cruauté augmente de jour en jour contre les élus
+de Dieu... Errans, dispersés, nous attendons que vienne le fort du
+Seigneur... Vous que Dieu a placé à la garde de son troupeau, jusqu'à
+sa venue, veillez, nous vous en supplions, chassez les loups qui nous
+dévorent... Sollicitez les sérénissimes princes de l'Allemagne qui
+suivent l'Évangile, d'écrire pour nous au sénat de Venise, afin de
+modérer et de suspendre les mesures violentes que l'on prend contre le
+troupeau du Seigneur, à la suggestion des ministres du pape.... Vous
+savez quel accroissement ont pris ici vos églises; combien est large
+la porte ouverte à l'Évangile... travaillez donc encore pour la cause
+commune.» (Seckendorf, lib. III, p. 401.)
+
+Charles-Quint contribua lui-même à répandre dans la péninsule le nom et
+les doctrines de Luther, en appelant sans cesse dans cette contrée de
+nouvelles bandes de landsknechts, parmi lesquels se trouvaient beaucoup
+de protestans. On sait que George Frundsberg, le chef des troupes
+allemandes du connétable de Bourbon, jurait d'étrangler le pape avec la
+chaîne d'or qu'il portait au cou.—L'auteur d'une histoire luthérienne
+rapporte qu'un de ces Allemands se vantait de manger bientôt un morceau
+du pape (_ut ex corpore papæ frustum devoret_). Il ajoute qu'après
+la prise de Rome plusieurs hommes d'armes changèrent une chapelle en
+écurie, et firent des bulles du pape une litière pour leurs chevaux,
+puis, se revêtant d'habits sacerdotaux, ils proclamèrent pape un
+landsknecht qui, dans son consistoire, déclara faire abandon de la
+papauté à Luther. (Cochlæus, p. 156).—Luther fut même solennellement
+proclamé. «Un certain nombre de soldats allemands s'assemblèrent un
+jour dans les rues de Rome, montés sur des chevaux et des mules. Un
+d'eux, nommé Grunwald, remarquable par sa taille, s'habilla comme le
+pape, se mit sur la tête une triple couronne, et monta sur une mule
+richement caparaçonnée; d'autres s'étaient habillés en cardinaux, avec
+une mitre sur la tête, et vêtus d'écarlate ou de blanc, suivant les
+personnages qu'ils représentaient. Ils se mirent ainsi en marche au
+bruit des tambours et des fifres, entourés d'une foule innombrable,
+et avec toute la pompe usitée dans les processions pontificales.
+Lorsqu'ils passaient devant quelques maisons où se trouvait un
+cardinal, Grunwald bénissait le peuple. Il descendit ensuite de sa
+mule, et les soldats, le plaçant sur un siége, le portèrent sur leurs
+épaules. Arrivé au château Saint-Ange, il prend alors une large coupe
+et boit à la santé de Clément, et ceux qui l'environnent suivent son
+exemple. Il prête ensuite serment à ses cardinaux, et ajoute qu'il les
+engage à rendre hommage à l'Empereur comme à leur légitime et unique
+souverain; il leur fait promettre qu'ils ne troubleront plus la paix
+de l'Empire par leurs intrigues, mais que, suivant les préceptes de
+l'Écriture et l'exemple de Jésus-Christ et des apôtres, ils demeureront
+soumis au pouvoir civil. Après une harangue dans laquelle il récapitula
+les guerres, les parricides et les sacriléges des papes, le prétendu
+pontife promit solennellement de transférer, par voie de testament,
+son autorité et sa puissance à Martin Luther. Lui seul, disait-il,
+pouvait abolir tous ces abus et réparer la barque de saint Pierre, de
+sorte qu'elle ne fût plus le jouet des vents et des flots. Élevant
+alors la voix, il dit aux assistans: «Que tous ceux qui sont de cet
+avis, le fassent connaître en levant la main.» Aussitôt la multitude
+des soldats leva la main en s'écriant: «_Vive le pape Luther!_» Toute
+cette scène se passait sous les yeux de Clément VII. (Macree, Réf. en
+Italie, p. 66-7.)
+
+Les ouvrages de Zwingli étant écrits en langue latine, circulaient plus
+facilement en Italie que ceux des réformateurs du nord de l'Allemagne,
+qui n'écrivaient point toujours dans la langue savante et universelle.
+Cette circonstance est sans doute une des causes du caractère que prit
+la réforme italienne, particulièrement dans l'académie de Vicence,
+où naquit le socinianisme. Cependant les livres de Luther passèrent
+de bonne heure les Alpes. Le 14 février 1519, le premier magistrat
+lui écrit: «Blaise Salmonius, libraire de Leipzig, m'a présenté
+quelques-uns de vos traités; comme ils ont eu l'approbation des
+savans, je les ai livrés à l'impression, et j'en ai envoyé six cents
+exemplaires en France et en Espagne. Ils se vendent à Paris, et mes
+amis m'assurent que même, dans la Sorbonne, il y a des gens qui les
+lisent et les approuvent. Des savans de ce pays désiraient aussi depuis
+long-temps voir traiter la théologie avec indépendance. Calvi, libraire
+de Pavie, s'est chargé de faire passer une grande partie de l'édition
+en Italie. Il nous promet même un envoi de toutes les épigrammes
+composées en votre honneur par les savans de son pays. Telle est la
+faveur que votre courage et votre habileté ont attirée sur vous et sur
+la cause de Christ.»
+
+Le 19 septembre 1520, Burchard Schenk écrit de Venise à Spalatin:
+«J'ai lu ce que vous me mandez du seigneur Martin Luther; il y a déjà
+long-temps que sa réputation est arrivée jusqu'à nous, mais on dit par
+la ville qu'il se garde du pape! Il y a deux mois, dix de ses livres
+furent apportés dans notre ville, et aussitôt vendus... Que Dieu le
+conduise dans la voie de la vérité et de la charité.» (Seckendorf, p.
+115.)
+
+Quelques ouvrages de Luther pénétrèrent même dans Rome, et jusque
+dans le Vatican, sous la sauve-garde de quelque pieux personnage
+dont le nom remplaçait en tête du livre celui de l'auteur hérétique.
+C'est ainsi que plusieurs cardinaux eurent à se repentir d'avoir loué
+hautement le _Commentaire sur l'Épître aux Romains_, et le _Traité sur
+la justification_ d'un certain cardinal Fregoso, qui n'était autre que
+Luther. Il en advint de même pour les _Lieux communs_ de Mélanchton.
+(Maccree, Réforme italienne, p. 39.)
+
+«Je m'occupe, dit Bucer dans une lettre à Zwingli, d'une interprétation
+des psaumes. Les instances de nos frères de la France et de l'Allemagne
+intérieure, me décident à les publier sous un nom étranger, afin
+que les libraires puissent les vendre. Car c'est un crime capital
+d'introduire dans ces deux pays des livres qui portent nos noms. Je me
+donnerai donc pour un Français, et je ferai paraître mon livre sous le
+nom d'Aretius Felinus.»—Il dédia ce livre au Dauphin. (Lugduni
+iii idus julii anno MDXXIX.)
+
+
+ [a30] Page 56, ligne 5.—_Les catholiques et les protestans
+ réunis un instant contre les anabaptistes..._
+
+Pour repousser les reproches des catholiques qui attribuaient aux
+prédicateurs protestans la révolte des anabaptistes, les Réformés
+de toutes les sectes cherchèrent encore une fois à se réunir. Une
+conférence eut lieu à Wittemberg (1536). Bucer, Capiton et plusieurs
+autres s'y rendirent au mois de mai, pour conférer avec les théologiens
+saxons. La conférence dura du 22 au 25, jour où fut signée la _Formule
+de concorde_ rédigée par Mélanchton. Le 28, Luther et Bucer prêchèrent
+à Wittemberg, et proclamèrent l'union qui venait de se conclure entre
+les deux partis. (Ukert, I, 307.)
+
+Avant de signer la formule de concorde, Luther voulut qu'elle fût
+approuvée explicitement par les réformés de la Suisse, «de peur,
+dit-il, que par des réticences, cette _Concorde_ ne donne lieu dans la
+suite à des discordes encore plus fâcheuses.» (janvier 1535.) Cette
+approbation fut donnée. «Les Suisses, écrit-il au duc Albert de Prusse,
+les Suisses, qui jusqu'ici n'étaient pas d'accord avec nous sur la
+question du saint Sacrement, sont en bon chemin; Dieu veuille ne pas
+nous abandonner! Bâle, Strasbourg, Augsbourg, Berne et plusieurs autres
+villes, se sont rangées de notre côté. Nous les recevons comme frères,
+et nous espérons que Dieu finira le scandale, non pas à cause de nous,
+car nous ne l'avons pas mérité, mais pour glorifier son nom et faire
+dépit à cet abominable pape. La nouvelle a beaucoup effrayé ceux de
+Rome. Ils sont dans la terreur et n'osent assembler un concile.» (6 mai
+1538.)
+
+Dans le même temps, des négociations étaient entamées avec Henri,
+duc de Brunswick, pour le rattacher aux doctrines luthériennes, mais
+elles restèrent sans résultat.—Le 23 octobre 1539, Luther écrivit
+à l'Électeur pour lui annoncer que les négociations avec les envoyés
+du roi d'Angleterre étaient également infructueuses. La lettre est
+signée de Luther, de Mélanchton, et de plusieurs autres théologiens de
+Wittemberg.
+
+
+ [a31] Page 57, ligne 25.—_Les armes seules pouvaient
+ décider..._
+
+«Le docteur Jean Pommer m'a dit une fois qu'à Lubeck, dans la maison
+de ville, on avait trouvé dans une vieille chronique, une prophétie
+d'après laquelle en l'an 1550, il s'élèverait dans l'Allemagne un grand
+tumulte à cause de la religion; et que, lorsque l'Empereur s'en serait
+mêlé, il perdrait tout ce qu'il avait. Mais je ne crois point que
+l'Empereur commence la guerre pour la cause du pape; la guerre coûte
+trop d'argent.»
+
+L'éditeur Aurifaber ajoute que Charles-Quint, dans sa retraite de
+Saint-Just, avait fait tendre les murs d'une vingtaine de tapisseries
+qui représentaient les principales actions de son règne; qu'il aimait
+à se promener en les regardant, et que, lorsqu'il s'arrêtait devant
+celle qui représentait la prise de l'électeur de Saxe à Muhlberg, il
+soupirait et disait: «Si je l'eusse laissé tel qu'il était, je serais
+resté tel que j'étais.» (Tischred., p. 6.)—Ce mot que l'éditeur a
+l'air de ne pas comprendre, peut-être à dessein, est fort raisonnable;
+car rien ne fut plus funeste à Charles-Quint que d'avoir donné
+l'électorat au jeune Maurice.
+
+
+ [a32] Page 58, ligne 7.—_Ratisbonne..._
+
+«Je veux devancer tes lettres et te prédire ce qui se passe à
+Ratisbonne même. Tu as été appelé par l'Empereur, il t'a dit de songer
+aux conditions de la paix. Toi, tu lui as répondu en latin, tu as
+fait tout ce que tu as pu, mais tu es resté au-dessous d'un si grand
+sujet. Eck, selon son habitude, a vociféré: «Très gracieux Empereur, je
+prétends prouver que nous avons raison et que le pape est la tête de
+l'Église.» Voilà votre histoire.» (25 juin 1541.)
+
+
+ [a33] Page 59, ligne 3.—_Notre prince... accourut avec
+ Pontanus et tous deux arrangèrent la réponse à leur façon..._
+
+La cour cherchait à exercer une sorte de contrôle, de haute
+surveillance sur les ouvrages même de Luther. En 1531, il avait écrit
+un livre intitulé: _Contre l'hypocrite de Dresde_, sans en avoir fait
+part à l'Électeur; il lui fallut s'en excuser auprès du chancelier
+Brück.
+
+«... Si mes petits ouvrages, dit-il, étaient envoyés à la cour, avant
+de paraître, ils y rencontreraient tant de critiques et de censures
+qu'ils ne paraîtraient jamais, et, s'ils paraissaient, nos ennemis
+soupçonneraient chaque fois une foule de gens d'y avoir pris part.
+De cette manière, l'on sait et l'on voit qu'ils sont tout uniment de
+Luther; et c'est à lui seul de s'en justifier.»
+
+Dans une autre circonstance plus sérieuse, il eut encore à lutter
+contre l'intervention de la cour. Albert, archevêque de Mayence, avait
+fait mettre à mort l'un de ses officiers, nommé Schanz, contrairement
+aux lois, et à en croire la voix publique, par haine personnelle.
+Luther lui adressa à cette occasion deux lettres pleines d'indignation.
+Il commençait ainsi la première (31 juillet 1535): «Je ne vous écris
+plus, cardinal, dans l'espoir de changer votre cœur profondément
+perverti. C'est une pensée à laquelle j'ai renoncé. Je vous écris
+pour satisfaire à ma conscience devant Dieu et les hommes, et ne
+pas approuver, par mon silence, l'acte horrible que vous venez de
+commettre.» Dans ce qui suit, il l'appelle cardinal d'enfer, et le
+menace du bourreau éternel qui viendra lui demander compte du sang
+versé. Dans la seconde lettre (mars 1536), il dit: «L'écrit ci-joint
+vous fera voir que le sang de Schanz ne se tait pas en Allemagne comme
+dans les appartemens de votre Grâce électorale, au milieu de vos
+courtisans. Abel vit en Dieu et son sang crie contre les meurtriers!...
+J'ai reconnu par la lettre de votre Grâce à Antoine Schanz que vous
+allez jusqu'à accuser sa famille d'être cause de sa mort. J'ai vu et
+entendu raconter mainte scélératesse de cardinal, mais je n'aurais
+jamais cru que vous fussiez une si cruelle et impudente vipère pour
+railler encore les malheureux, après cette abominable, cette infernale
+action!... J'ai recueilli les derniers cris de Schanz, au moment de sa
+détresse, ses dernières protestations contre la violence, lorsque votre
+Sainteté lui fit arracher les dents pour tirer de lui un faux aveu;
+je publierai ces paroles, et Dieu aidant, votre Sainteté dansera une
+danse qu'elle n'a jamais dansée!... Si Caïn sait dire: _Suis-je fait
+pour garder mon frère?_ Dieu sait aussi lui répondre: _Sois maudit sur
+la terre..._ Je vous recommande à Dieu, dit-il à la fin de la lettre,
+si toutefois le chapeau de sang (le chapeau rouge de cardinal) vous
+laisse désirer de lui être recommandé.»
+
+L'électeur de Saxe et le duc Albert de Prusse, parens du cardinal,
+trouvèrent trop violent l'écrit dont Luther parlait dans cette lettre.
+Ils lui firent dire qu'il attaquait l'honneur de la famille dans la
+personne de l'archevêque, et lui commandèrent d'user de ménagemens.
+Luther n'en publia pas moins son écrit quelque temps après.
+
+
+ [a34] Page 59, ligne 18.—_Ils regardent toute cette affaire
+ comme une comédie..._
+
+Dès le commencement des conférences, Luther avait prévu qu'elles ne
+mèneraient à rien. Il se défiait même de la fermeté de Bucer et du
+landgrave de Hesse. Il dit dans une lettre au chancelier Brück: «Je
+crains que le Landgrave ne se laisse entraîner trop loin par les
+papistes, et qu'il ne veuille nous entraîner avec lui. Mais il nous a
+déjà suffisamment tiraillés et je ne me laisserai plus mener par lui.
+Je reprendrais plutôt tout le fardeau sur mes épaules, et je marcherais
+seul, à mes risques et périls, comme dans le commencement. Nous savons
+que c'est la cause de Dieu; c'est lui qui nous a suscités, qui nous a
+conduits jusqu'ici, il saura bien faire triompher sa cause. Ceux qui ne
+voudront pas nous suivre, n'ont qu'à rester en arrière. Ni l'Empereur,
+ni le Turc, ni tous les Démons ensemble, ne pourront rien contre cette
+cause, quoi qu'il en puisse advenir de nous et de ce corps mortel.—Je
+m'indigne qu'ils traitent ces affaires comme des affaires mondaines,
+des affaires d'Empereur, de Turcs, de princes, dans lesquelles on
+puisse transiger à volonté, avancer ou reculer. C'est une cause dans
+laquelle Dieu et Satan combattent avec tous leurs anges. Ceux qui ne le
+croient pas, ne peuvent pas la défendre.» (avril 1541.)
+
+
+ [a35] Page 59, ligne 24.—_Je suis indigné qu'on se joue ainsi
+ de si grandes choses..._
+
+«Je vais à Haguenau; je verrai de près ce formidable Syrien, ce
+Behemoth dont se rit, au psaume II, l'habitant du ciel... Mais ils ne
+comprendront point ce rire, jusqu'au moment où finira ce chant funèbre:
+Vous périrez dans la route, quand se lèvera sa colère, parce qu'ils
+ont refusé un baiser au Fils (peribitis in viâ, cum exarserit
+ira ejus, quia Filium nolunt osculari).—Amen, amen, que cela
+arrive. Ils l'ont mérité, ils l'ont voulu.» (2 juillet 1540.)
+
+
+ [a36] Page 64, ligne 15.—_Fait à Wittemberg..._
+
+On trouve dans les _Propos de table_, p. 320:
+
+«Le mariage secret des princes et des grands seigneurs est un vrai
+mariage, devant Dieu; il n'est pas sans analogie avec le concubinat
+des patriarches.» (Ceci expliquerait la consultation en faveur du
+Landgrave.)
+
+
+ [a37] Page 65, ligne 19.—_Depuis cette époque, les lettres de
+ Luther, comme celles de Mélanchton, sont pleines de dégoût et
+ de tristesse._
+
+«L'ingratitude des hommes, c'est le cachet d'une bonne œuvre; si nos
+efforts plaisaient au monde, à coup sûr ils ne seraient point agréables
+à Dieu.» (6 août 1539.)
+
+«La tristesse et la mélancolie viennent de Satan; c'est pour moi une
+chose sûre. Dieu n'afflige, ni n'effraie, ni ne tue; il est le Dieu
+des vivans. Il a envoyé son fils unique, pour que nous vivions par
+lui, pour qu'il surmonte la mort. C'est pourquoi l'Écriture dit: Soyez
+contens et joyeux, etc.» (Tischreden, p. 205, verso.)
+
+_Sur la tristesse._—«Vous ne pouvez empêcher, disait un sage, que les
+oiseaux ne volent au-dessus de votre tête; mais vous empêcherez qu'ils
+ne fassent leurs nids dans vos cheveux.» (19 juin 1530.)
+
+Jean de Stockhausen avait demandé à Luther des remèdes contre les
+tentations spirituelles et la mélancolie. Luther lui conseilla dans
+une lettre d'éviter la solitude et de fortifier sa volonté par une vie
+active, laborieuse. Il lui recommanda, outre la prière, la lecture du
+livre de Gerson: _De cogitationibus blasphemiæ_. (27 novembre 1532.)
+
+Il donna des conseils semblables au jeune prince Joachim d'Anhalt,
+«La gaîté, dit-il, et le bon courage (en tout bien et tout honneur)
+sont la meilleure médecine des jeunes gens, disons mieux, de tous les
+hommes. Moi-même qui ai passé ma vie dans la tristesse et les pensées
+sombres, j'accepte aujourd'hui la joie partout où elle se présente,
+je la recherche même. La joie criminelle vient de Satan, il est vrai,
+mais la joie qu'on trouve dans le commerce d'hommes honnêtes et pieux,
+celle-là plaît au Seigneur..... Montez à cheval, allez à la chasse avec
+vos amis, amusez-vous avec eux. La solitude et la mélancolie sont un
+poison; c'est la mort des hommes, et surtout des hommes jeunes.» (26
+juin 1534.)
+
+Mélanchton raconta un jour à la table de Luther la fable suivante:
+«Un paysan traversant une forêt, rencontra une caverne où se trouvait
+un serpent. Une grande pierre roulée devant, empêchait l'animal d'en
+sortir. Il supplia le paysan d'enlever la pierre, lui promettant la
+plus belle récompense. Le paysan se laissa tenter, délivra le serpent,
+et lui demanda le prix de sa peine. A quoi le serpent répondit qu'il
+allait lui donner la récompense que le monde donne à ses bienfaiteurs,
+qu'il allait le tuer. Tout ce que le paysan put obtenir par ses
+supplications, fut qu'ils remettraient leur différend au jugement du
+premier animal qu'ils rencontreraient. Ce fut d'abord un vieux cheval
+qui n'avait plus que la peau et les os. Pour toute réponse, il dit:
+«J'ai consumé tout ce que j'avais de force au service de l'homme; pour
+récompense, il va me tuer, m'écorcher.» Ils rencontrèrent ensuite un
+vieux chien que son maître venait de rouer de coups; ce nouvel arbitre
+donna même décision. Le serpent voulait alors tuer son bienfaiteur.
+Celui-ci obtint qu'ils prendraient un nouveau juge, et que la sentence
+de ce dernier serait décisive. Après avoir marché quelques pas, ils
+virent venir à eux un renard. Dès que le paysan l'aperçut, il invoqua
+son secours, et lui promit tous ses poulets, s'il rendait une décision
+favorable. Le renard ayant entendu les parties, dit qu'avant de
+prononcer, il fallait remettre toutes choses dans leur premier état;
+que le serpent devait retourner dans la caverne pour entendre le
+jugement. Le serpent consentit, et, dès qu'il y fut, le paysan boucha
+le trou de son mieux. Le renard vint la nuit suivante prendre les
+poulets qui lui étaient promis; mais la femme et les valets du paysan
+le tuèrent.» Mélanchton ayant fini ce conte, le docteur dit: «Voilà
+bien l'image de ce qu'on voit dans le monde. Celui que vous avez sauvé
+de la potence vous fait pendre. Si je n'avais d'autre exemple, je
+n'aurais qu'à penser à Jésus-Christ qui, après avoir racheté le monde
+entier du péché, de la mort, du diable et de l'enfer, fut crucifié par
+les siens mêmes.» (Tischreden, p. 56.)
+
+Les plaisanteries, les jeux de mots qui se rencontrent si souvent
+dans les lettres des années précédentes, ont disparu dans celles-ci;
+la correspondance de Luther devient triste; c'est à peine si on le
+voit sourire une seule fois; le récit grotesque d'une expédition
+militaire de quelques bourgeois contre des brigands, peut tout au plus
+le dérider: «Voici encore une nouvelle victoire de Kohlhase (fameux
+brigand dont la vie est racontée dans un curieux roman historique); il
+a pris et enlevé un riche meunier. Sitôt que nous avons su la chose,
+nous nous sommes courageusement précipités à travers les campagnes,
+pas trop loin cependant de nos murailles, et comme il convient à des
+saints Christophes en peinture ou à des saints Georges de bois, nous
+avons effrayé les nuées de quelques coups de fusil... Nous avons fait
+transporter dans la ville nos bois, nos arbres, de peur que, la nuit,
+Kohlhase n'en fasse un pont pour passer nos petits fossés. Nous sommes
+tous des Hectors et des Achilles, ne craignant personne, bien que nous
+soyons seuls et sans ennemis.»
+
+
+ [a38] Page 67, ligne 25.—_Poison..._
+
+En 1541, un bourgeois de Wittemberg, nommé Clémann Schober, suivit
+Luther l'arquebuse à la main, dans l'intention probable de le tuer. Il
+fut arrêté et puni. (Ukert I, 323.)
+
+
+ [a39] Page 71, ligne 4.—_Famille..._
+
+_A Marc Cordel._ «Comme nous en sommes convenus, mon cher Marc, je
+t'envoie mon fils Jean, afin que tu l'emploies à exercer des enfans
+dans la grammaire et la musique, et en même temps, pour que tu
+surveilles et corriges ses mœurs... Si tes soins prospèrent pour ce
+fils, tu en auras, de mon vivant, deux autres... Je suis en travail
+de théologiens, mais je veux enfanter aussi des grammairiens et des
+musiciens.» (26 août 1542.)
+
+Le docteur Jonas avait dit un jour que la malédiction de Dieu sur les
+enfans désobéissans, s'était accomplie dans la famille de Luther; le
+jeune homme dont il parlait était toujours malade et souffrant. Le
+docteur Luther ajouta «C'est la punition due à sa désobéissance. Il
+m'a presque tué une fois, et, depuis ce temps, j'ai perdu toutes les
+forces de mon corps. Grâce à lui, j'ai compris le passage où saint Paul
+parle des enfans qui tuent leurs parens, non par l'épée, mais par la
+désobéissance. Ils ne vivent guère, et n'ont pas de bonheur... O mon
+Dieu! que le monde est impie, et dans quels temps nous vivons! Ce sont
+les temps dont Jésus-Christ a dit: «Quand le fils de l'homme viendra,
+croyez-vous qu'il trouvera de la foi et de la charité?» Heureux ceux
+qui meurent avant de voir des temps pareils.» (Tischreden, p. 48.)
+
+
+ [a40] Page 71, ligne 4.—_La femme..._
+
+«La femme est le plus précieux des trésors. Elle est pleine de grâces
+et de vertus; elle garde la foi.»
+
+—«Le premier amour est violent, il nous enivre et nous enlève la
+raison. L'ivresse passée, les âmes pieuses conservent l'amour honnête;
+les impies n'en conservent rien.»
+
+—«Mon doux Seigneur! si c'est ta volonté sainte que je vive sans
+femme, soutiens-moi contre les tentations; sinon, veuille m'accorder
+une bonne et pieuse jeune fille, avec laquelle je passe doucement
+ma vie, que j'aime et dont je sois aimé en retour.» (Tischreden, p.
+329-31.)
+
+
+ [a41] Page 71, ligne 8.—_Asseyons-nous à sa table..._
+
+Il y était toujours entouré de ses enfans et de ses amis, Mélanchton,
+Jonas, Aurifaber, etc., qui l'avaient soutenu dans ses travaux.
+Une place à cette table était chose enviée.—«J'aurais volontiers,
+écrit-il à Gaspard Muller, reçu Kégel au nombre de mes pensionnaires,
+pour différentes raisons; mais le jeune Porse de Jéna allant bientôt
+revenir, la table sera pleine, et je ne puis pourtant congédier mes
+anciens et fidèles compagnons. Si cependant il se trouve plus tard une
+place vacante, comme cela pourrait arriver après Pâques, je ferai avec
+plaisir ce que vous désirez, à moins que _le seigneur_ Catherine, ce
+que je ne pense pas, ne veuille nous refuser sa grâce.» (19 janvier
+1536.) _Dominus Ketha_, c'était le nom qu'il donnait souvent à sa
+femme. Il commence ainsi une lettre qu'il lui écrit le 26 juillet 1540:
+«A la riche et noble dame de Zeilsdorf[7], madame la _doctoresse_
+Catherine Luther, domiciliée à Wittemberg, quelquefois se promenant à
+Zeilsdorf, ma bien-aimée épouse.»
+
+ [7] Nom d'un village près duquel Luther possédait une petite
+ terre.
+
+
+ [a42] Page 77, ligne 8.—_Mariage..._
+
+«Le mariage, que l'autorité approuve et qui n'est point contre la
+parole de Dieu, est un bon mariage, quel que soit le degré de parenté.»
+(Tischreden, page 321.)
+
+Il blâmait fort les juristes qui, «contre leur propre conscience,
+contre le droit naturel, divin et impérial, maintenaient comme valables
+les promesses secrètes de mariage. On doit laisser chacun s'arranger
+avec sa conscience. On ne peut forcer personne à l'amour.
+
+«Les dots, présens de lendemain, biens, héritages, etc., ne regardent
+que l'autorité. Je veux les lui renvoyer, afin qu'elle en charge
+ses gens, ou qu'elle décide elle-même. Nous sommes pasteurs des
+consciences, non des corps ou des biens.» (Tischreden, p. 315)
+
+Consulté dans un cas d'adultère, il dit: «On doit les citer et ensuite
+les séparer. De tels cas regardent proprement l'autorité, car le
+mariage est une chose temporelle. Il n'intéresse l'Église qu'en ce qui
+touche la conscience.» (Tischreden, p. 322.)
+
+L'an 1539, 1er février, il disait: «Quoique les affaires relatives aux
+mariages nous obligent tous les jours d'étudier, de lire, de prêcher,
+d'écrire et de prier, je me réjouis que les consistoires soient
+établis, surtout pour ce genre d'affaires... On trouve beaucoup de
+parens, particulièrement des beaux-pères qui, sans raison, défendent
+le mariage à leurs enfans. L'autorité et les pasteurs doivent y voir,
+et favoriser les mariages, même contre la volonté des parens, selon
+les diverses occurrences... Les enfans doivent citer à leurs parens
+l'exemple de Samson. Nous ne sommes plus au temps de la papauté, où
+l'on suivait la loi contre l'équité.» (Tischreden, p. 322.)
+
+
+ [a43] Page 81, ligne 12.—_Ma femme et mes petits enfans..._
+
+Durant la diète d'Augsbourg, il écrivit à son fils Jean: «Grâce et paix
+à toi, en Jésus-Christ, mon cher petit enfant. Je vois avec plaisir
+que tu apprends bien et que tu pries sans distraction. Continue, mon
+enfant, et, quand je reviendrai à la maison, je te rapporterai quelque
+belle chose.
+
+»Je sais un beau et riant jardin, tout plein d'enfans en robes d'or,
+qui vont jouant sous les arbres avec de belles pommes, des poires,
+des cerises, des noisettes et des prunes; ils chantent, ils sautent,
+et sont tout joyeux; ils ont aussi de jolis petits chevaux avec des
+brides d'or et des selles d'argent. En passant devant ce jardin, je
+demandais à l'homme à qui il appartient, quels étaient ces enfans? Il
+me répondit: «Ce sont ceux qui aiment à prier, à apprendre, et qui sont
+pieux.» Je lui dis alors: «Cher ami, j'ai aussi un enfant, c'est le
+petit Jean Luther; ne pourrait-il pas aussi venir dans ce jardin manger
+de ces belles pommes et de ces belles poires, monter sur ces jolis
+petits chevaux, et jouer avec les autres enfans?» L'homme me répondit:
+«S'il est bien sage, s'il prie et apprend volontiers, il pourra aussi
+venir, le petit Philippe et le petit Jacques avec lui; ils trouveront
+ici des fifres, des timbales et autres beaux instrumens pour faire
+de la musique; ils danseront et tireront avec de petites arbalètes.»
+En parlant ainsi, l'homme me montra, au milieu du jardin, une belle
+prairie pour danser, où l'on voyait suspendus les fifres, les timbales,
+et les petites arbalètes. Mais il était encore matin, les enfans
+n'avaient pas dîné, et je ne pouvais attendre que la danse commençât.
+Je dis alors à l'homme: «Cher seigneur, je vais vite écrire à mon cher
+petit Jean, afin qu'il soit bien sage, qu'il prie et qu'il apprenne,
+pour venir aussi dans ce jardin; mais il a une tante Madeleine qu'il
+aime beaucoup, pourra-t-il l'amener avec lui?» L'homme me répondit:
+«Oui, ils pourront venir ensemble, faites-le-lui savoir.» Sois donc
+bien sage, mon cher enfant; dis à Philippe et à Jacques de l'être
+aussi, et vous viendrez tous ensemble jouer dans ce beau jardin.—Je
+te recommande à la protection de Dieu. Salue de ma part la tante
+Madeleine, et donne-lui un baiser pour moi. Ton père qui te chérit.
+Martin LUTHER.» (19 juin 1530.)
+
+
+ [a44] Page 84.—_Fin du chapitre..._
+
+«Dieu sait tous les métiers mieux que personne. Comme tailleur, il fait
+au cerf une robe qui lui sert neuf cents ans sans se déchirer. Comme
+cordonnier, il lui donne une chaussure qui dure encore plus long-temps
+que lui. Et ne s'entend-il pas à la cuisine, lui qui par le feu du
+soleil fait tout cuire et tout mûrir. Si notre Seigneur vendait les
+biens qu'il donne, il en ferait passablement d'argent; mais parce qu'il
+les donne gratis, on n'en tient pas compte.» (Tischr., p. 27.)
+
+Ce passage bizarre et un assez grand nombre d'autres, nous montrent
+dans Luther le modèle probable d'Abraham de Sancta Clara. Au
+dix-septième siècle, on n'imitait plus que les défauts de Luther.
+
+
+ [a45] Page 87, ligne 15.—_Le décalogue..._
+
+«Me voilà devenu disciple du décalogue. Je commence à comprendre que le
+décalogue est la dialectique de l'Évangile, et l'Évangile la rhétorique
+du décalogue; Christ a tout ce qui est de Moïse, mais Moïse n'a pas
+tout ce qui est de Christ.» (20 juin 1530.)
+
+
+ [a46] Page 88, ligne 9.—_Il y aura un nouveau ciel, une
+ nouvelle terre..._
+
+«Le grincement de _dents dont parle l'Évangile_, c'est la dernière
+peine qui suivra une mauvaise conscience, la désolante certitude d'être
+à jamais séparé de Dieu.» (Tischr., p. 366.) Ainsi Luther semble avoir
+une idée plus spirituelle de l'enfer que du paradis.
+
+
+ [a47] Page 89, ligne 10.—_Autrefois on faisait des
+ pélerinages..._
+
+A Jean de Sternberg, en lui dédiant la traduction du psaume CXVII: «...
+Si je vous ai nommé en tête de ce petit travail, ce n'a pas seulement
+été pour attirer l'attention des gens qui méprisent tout art et tout
+savoir, mais aussi pour témoigner qu'il y a encore des gens pieux parmi
+la noblesse. La plupart des nobles sont aujourd'hui si insolens et si
+dépravés, qu'ils excitent la colère du pauvre homme... S'ils voulaient
+être respectés, ils devraient avant tout respecter eux-mêmes Dieu
+et sa parole. Qu'ils continuent de vivre ainsi dans l'orgueil, dans
+l'insolence, dans le mépris de toute vertu, et ils ne seront bientôt
+plus que des paysans; ils le sont déjà, quoiqu'ils portent encore le
+nom de nobles et le chapeau à plumes... Ils devraient cependant se
+souvenir de Münzer...
+
+»... Je souhaite que ce petit livre, et d'autres qui lui ressemblent,
+touchent votre cœur, et que vous y fassiez un pélerinage plus utile au
+salut, que celui que vous avez fait autrefois à Jérusalem. Non que je
+méprise ces pélerinages; j'en ferais moi-même bien volontiers, si je
+pouvais, et j'aime toujours à en entendre parler; mais je veux dire
+que nous ne les faisions pas dans un bon esprit. Quand j'allai à Rome,
+je courus comme un fou à travers toutes les églises, tous les couvens;
+je crus tout ce que les imposteurs y avaient jamais inventé. J'y dis
+une dizaine de messes, et je regrettais presque que mon père et ma mère
+fussent encore en vie. J'aurais tant aimé à les tirer du purgatoire
+par ces messes et autres bonnes œuvres! On dit à Rome ce proverbe:
+Heureuse la mère dont le fils dit la messe la veille de la Saint-Jean!
+Que j'aurais été aise de sauver ma mère!
+
+»Nous faisions ainsi, ne sachant pas mieux; le pape tolère ces
+mensonges. Aujourd'hui, Dieu merci, nous avons les évangiles,
+les psaumes, et autres paroles de Dieu; nous pouvons y faire des
+pélerinages plus utiles, y visiter et contempler la véritable terre
+promise, la vraie Jérusalem, le vrai paradis. Nous n'y marchons pas sur
+les tombeaux des saints et sur leurs dépouilles mortelles, mais dans
+leurs cœurs, dans leurs pensées et leur esprit...» (Cobourg, 29 août
+1530.)
+
+
+ [a48] Page 89, ligne 13.—_Pour visiter les saints._
+
+«Les saints ont souvent péché, souvent erré. Quelle fureur de
+nous donner toujours leurs actes et leurs paroles pour des règles
+infaillibles! Qu'ils sachent, ces sophistes insensés, ces pontifes
+ignares, ces prêtres impies, ces moines sacriléges, et le pape avec
+toute sa sequelle.... que nous n'avons pas été baptisés au nom
+d'Augustin, de Bernard, de Grégoire, au nom de Pierre ni de Paul, au
+nom de la bienfaisante faculté théologique de la Sodome (Sorbonne) de
+Paris, de la Gomorrhe de Louvain, mais au nom du seul Jésus-Christ
+notre maître.» (_De abrogandâ missâ privatâ._ Op. lat. Lutheri, Witt.,
+II, 245.)
+
+«Les véritables saints, ce sont toutes les autorités, tous les
+serviteurs de l'Église, tous les parens, tous les enfans qui croient en
+Jésus-Christ, qui ne commettent point de péché, et qui accomplissent,
+chacun dans sa condition, les devoirs que Dieu leur impose.»
+(Tischreden, 134, verso.)
+
+Luther croit peu aux légendes des saints, et déteste surtout celles des
+anachorètes. «... Si l'on a fait quelque excès du côté du boire ou du
+manger, on peut l'expier avec le jeûne et la maladie...»
+
+«La légende de saint Christophe est une belle poésie chrétienne. Les
+Grecs qui étaient des gens doctes, sages et ingénieux, ont voulu
+montrer ce que doit être un chrétien (_christoforos_, qui porte le
+Christ). Il en est de même du chevalier saint George. La légende de
+sainte Catherine est contraire à toute l'histoire romaine, etc.»
+
+
+ [a49] Page 89, ligne 16.—_Les prophètes._
+
+«Je sue sang et eau pour donner les prophètes en langue vulgaire. Bon
+Dieu! quel travail! comme ces écrivains juifs ont de la peine à parler
+allemand. Ils ne veulent pas abandonner leur hébreu pour notre langue
+barbare. C'est comme si Philomèle, perdant sa gracieuse mélodie, était
+obligée de chanter toujours avec le coucou une même note monotone.»
+(14 juin 1528.)—Il dit ailleurs qu'en traduisant la Bible, il mettait
+souvent plusieurs semaines à chercher le sens d'un mot. (Ukert, II, p.
+337.)
+
+A Jean Frédéric, duc de Saxe, en lui envoyant sa traduction du prophète
+Daniel. «... Les historiens racontent avec éloge que le grand Alexandre
+portait toujours Homère sur lui et le mettait même la nuit sous sa
+tête: combien serait-il plus juste que le même honneur, ou un plus
+grand encore, fût rendu à Daniel par tous les rois et princes de la
+terre! Ils ne devraient pas le mettre sous leur tête, mais le déposer
+dans leur cœur, car il enseigne des choses bien plus hautes.» (février
+ou mars 1530.)
+
+
+ [a50] Page 92, ligne 10.—_Psaumes..._
+
+A l'abbé Frédéric, de Nuremberg, en lui dédiant la traduction du psaume
+CXVIII: «... C'est mon psaume à moi, mon psaume de prédilection. Je
+les aime bien tous; j'aime toute l'Écriture sainte, qui est toute ma
+consolation et ma vie; cependant je me suis attaché particulièrement
+à ce psaume, et j'ai en vérité le droit de l'appeler mien. Il a aussi
+bien mérité de moi; il m'a sauvé de mainte grande nécessité d'où ni
+Empereur, ni rois, ni sages, ni saints, n'eussent pu me tirer. C'est
+mon ami, qui m'est plus cher que tous les honneurs, toute la puissance
+de la terre. Je ne le donnerais pas en échange, si l'on m'offrait tout
+cela.
+
+»Mais, dira-t-on, ce psaume est commun à tous; personne n'a le droit
+de le dire sien. Oui, mais le Christ est bien aussi commun à tous, et
+pourtant le Christ est mien. Je ne suis pas jaloux de ma propriété; je
+voudrais la mettre en commun avec le monde entier... Et plût à Dieu que
+tous les hommes revendiquassent ce psaume comme étant à eux! Ce serait
+la querelle la plus touchante, la plus agréable à Dieu, une querelle
+d'union et de charité parfaite.» (Cobourg, 1er juillet 1530.)
+
+
+ [a51] Page 94, ligne 12.—_Des Pères..._
+
+Dès le commencement de l'année 1519, il écrivait à Jérôme Düngersheim
+une lettre remarquable sur l'importance et l'autorité des Pères de
+l'Église. «L'évêque de Rome est au-dessus de tous par sa dignité. C'est
+à lui qu'il faut s'adresser dans les cas difficiles et dans les grandes
+nécessités. J'avoue cependant que je ne saurais défendre contre les
+Grecs cette suprématie que je lui accorde.
+
+»Si je reconnaissais au pape le pouvoir de tout faire dans l'Église,
+je devrais, comme conséquence de cette doctrine, traiter d'hérétiques,
+Jérôme, Augustin, Athanase, Cyprien, Grégoire et tous les évêques
+d'Orient qui ne furent pas établis par lui ni sous lui. Le concile
+de Nicée ne fut pas réuni par son autorité; il n'y présida ni par
+lui-même, ni par un légat. Que dirai-je des décrets de ce concile? Les
+connaît-on bien? Sait-on lesquels d'entre eux il faut reconnaître?...
+C'est votre coutume à toi et à Eck, d'accepter les paroles de tout
+le monde, de modifier l'Écriture par les Pères, comme s'il fallait
+plutôt croire en eux. Pour moi, je fais tout autrement. Comme Augustin
+et saint Bernard, en respectant toutes les autorités, je remonte des
+ruisseaux jusqu'au fleuve qui leur donne naissance.»—Suivent plusieurs
+exemples des erreurs dans lesquelles les Pères sont tombés. Luther
+les critique en philologue, montrant qu'ils n'ont pas compris le
+texte hébreu. «De combien d'autorités Jérôme n'abuse-t-il pas contre
+Jovinien? Augustin contre Pélage?—Ainsi Augustin dit que ce verset de
+la Genèse: Faisons l'homme à notre image, est une preuve de la Trinité,
+mais il y a dans le texte hébreu: Je ferai l'homme, etc.—Le Maître
+des sentences a donné un bien funeste exemple en s'efforçant de faire
+accorder les paroles de tous les Pères. Il résulte de là que nous
+devenons la risée des hérétiques, quand nous nous présentons devant eux
+avec ces phrases obscures ou à double sens. Eck se fait le champion de
+toutes les opinions diverses et contraires. C'est là-dessus que roulera
+notre dispute.» (1519.)
+
+—«J'admire toujours comment après les apôtres, Jérôme a pu mériter le
+nom de Docteur de l'Église, Origène celui de Maître des Églises... On
+ne pourrait faire un seul chrétien avec leurs livres... tant ils sont
+séduits par la pompe des œuvres. Augustin lui-même ne vaudrait pas
+davantage, si les Pélagiens ne l'avaient rudement exercé, et contraint
+de défendre la foi.» (26 août 1530.)
+
+—«Celui qui a osé comparer le monachat au baptême était complètement
+fou; c'était plutôt une bûche qu'une bête. Eh! quoi, crois-tu donc
+Jérôme, lorsqu'il parle d'une manière si impie contre Dieu, lorsqu'il
+veut qu'immédiatement après soi-même, ce soient ses parens que l'on
+considère le plus? Écouteras-tu Jérôme, tant de fois dans l'erreur,
+tant de fois dans le péché? croiras-tu un homme enfin, plutôt que
+Dieu lui-même? Va donc, et crois avec Jérôme qu'il faut passer sur le
+corps à ses parens pour fuir au désert.» (Lettre à Severinus, moine
+autrichien; 6 octobre 1527.)
+
+
+ [a52] Page 97, ligne 19.—_Les Scolastiques..._
+
+Grégoire de Rimini a convaincu les scolastiques d'une doctrine pire
+que celle des pélagiens... Car bien que les pélagiens pensent que l'on
+peut faire une bonne œuvre sans la grâce, ils n'affirment pas qu'on
+puisse sans la grâce obtenir le ciel. Les scolastiques parlent comme
+Pélage, lorsqu'ils enseignent que sans la grâce on peut faire une
+bonne œuvre, et non une œuvre méritoire. Mais ils enchérissent sur
+les pélagiens, en ajoutant que l'homme a l'inspiration de la droite
+raison naturelle à laquelle la volonté peut se conformer naturellement,
+tandis que les pélagiens avouent que l'homme est aidé par la loi de
+Dieu. (1519.)
+
+
+ [a53] Page 102, ligne 14.—_Biens ecclésiastiques..._
+
+Luther écrivit au roi de Danemarck (2 décembre 1536), pour approuver la
+suppression de l'épiscopat, et pour engager ce prince à faire un bon
+usage des biens ecclésiastiques, c'est-à-dire (comme il l'écrivait le
+18 juillet 1529 au margrave George de Brandebourg), à les appliquer à
+des fondations d'écoles et d'universités.
+
+«L'Empereur dissimule, et cependant il prend, il dévore les évêchés,
+Utrecht, Liége, etc. Ceux de la noblesse devraient y prendre garde. Je
+me suis durement travaillé pour que les fondations ecclésiastiques et
+les possessions des princes abbés ne fussent point dispersées, mais
+conservées aux pauvres de la noblesse. Malheureusement cela n'aura pas
+lieu.» (Tischreden, p. 351.)
+
+
+ [a54] Page 104, ligne 7.—_Des cardinaux et évêques..._
+
+«Maître Philippe louait devant le docteur Luther la haute intelligence
+et l'esprit rapide du cardinal, évêque de Saltzbourg, Mathieu Lang. Il
+disait qu'en 1530, il s'était trouvé six heures avec lui à Augsbourg,
+et qu'ils avaient causé de la religion. Le cardinal lui avait dit à la
+fin: «Mon cher _domine Philippe_, nous autres prêtres, nous n'avons
+encore jamais rien valu. Nous savons bien que votre doctrine est bonne;
+mais ignorez-vous donc que jusqu'ici on n'a jamais rien pu gagner sur
+les prêtres? Ce n'est pas vous qui commencerez.» «Ce cardinal était
+fils d'un messager d'Augsbourg. Son père était d'une bonne et ancienne
+famille, mais réduit à l'état de serviteur par sa pauvreté.—Ce fut
+le premier cardinal qu'il y ait eu en Allemagne. Appuyé par sa sœur,
+il se fit connaître à la cour de Maximilien, fut ensuite envoyé à
+Rome auprès du pape, et plus tard nommé coadjuteur de l'évêché de
+Salzbourg.» (Tischreden, p. 272.)
+
+«J'ai, jusqu'ici, prié pour cet évêque, _categoricè, affirmativè,
+positivè_, de cœur, pour que Dieu voulût le convertir. J'ai essayé
+aussi par écrit de l'amener à la pénitence. Maintenant je prie pour
+lui _hypotheticè_ et _desperabundè_... Celui-là n'est point _frater
+ignorantiæ, sed malitiæ_.
+
+»Il m'a souvent écrit amicalement, et m'a fait espérer qu'il prendrait
+femme, comme je lui en avais donné le conseil par écrit.
+
+»Il s'est moqué de nous jusqu'à la diète d'Augsbourg. Là, j'ai appris à
+le connaître. Cependant il veut encore être mon ami au point qu'il me
+réclame pour arbitre dans l'affaire de...» (Tischreden, p. 274.)
+
+«A la diète d'Augsbourg, l'évêque de Saltzbourg disait: «Il y a quatre
+moyens pour réconcilier les deux partis: ou que nous cédions ou qu'ils
+cèdent; or, ni les uns ni les autres n'en veulent rien faire; ou bien
+encore, il faut que l'on oblige d'autorité un des partis à céder, et
+comme il en doit résulter un grand soulèvement, reste le quatrième
+moyen, savoir: qu'un parti extermine l'autre, et que le plus fort mette
+le plus faible dans le sac.» Voilà de beaux plans d'unité pour un
+évêque chrétien.» (Ibidem, p. 19.)
+
+
+ [a55] Page 105, ligne 8.—_Moines..._
+
+«Les seuls mendians sont divisés en sept partis ou ordres, et les
+mineurs à leur tour en sept espèces de mineurs. Toutes ces sectes, le
+très saint père les nourrit et les entretient lui-même, tant il a peur
+qu'elles ne viennent à s'unir.» (Lettre à la diète de Prague, 15 juillet
+1522.)
+
+
+ [a56] Page 107, ligne 22.—_Un seul coin de l'Allemagne,
+ celui où nous sommes, fleurit encore par la culture des arts
+ libéraux..._
+
+Luther écrivit à l'Électeur, le 20 mai 1530, pour relever son courage
+et le consoler des chagrins que lui causait la Réforme: «Voyez comme
+Dieu a fait éclater sa grâce et sa bonté dans les états de votre
+Altesse! n'est-ce pas là que son Évangile a le plus de ministres pieux
+et fidèles, ceux qui l'enseignent avec le plus de pureté, de zèle et de
+fruit? Vous voyez grandir autour de vous toute une jeunesse aimable, de
+bonnes mœurs et qui sera bientôt savante dans la sainte Écriture. Cela
+me ravit le cœur de voir nos jeunes enfans, garçons et petites filles,
+connaître mieux aujourd'hui Dieu et le Christ, avoir une foi plus pure
+et savoir mieux prier, qu'autrefois toutes les écoles épiscopales et
+les couvens les plus célèbres.
+
+»Cette jeunesse vous a été accordée comme un signe de faveur et de
+miséricorde divine. Dieu vous dit en quelque sorte: Cher duc Jean, je
+te confie mon plus précieux trésor; sois le père de ces enfans. Je veux
+que tu les gouvernes, que tu les protéges; sois le jardinier de mon
+paradis, etc.»
+
+Le duc ne paraît pas avoir tenu grand compte de cette recommandation,
+car Luther dit dans plusieurs de ses lettres qu'il y avait à Wittemberg
+grand nombre d'étudians qui ne vivaient guère que de pain et d'eau.
+
+
+ [a57] Page 112, ligne 4.—_Je regrette de n'avoir pas plus de
+ temps à donner à l'étude des poètes et des orateurs...._
+
+_A Wenceslas Link de Nuremberg._ «Si cela ne vous donne pas trop de
+peines, mon cher Wenceslas, je vous prie de faire rassembler pour moi
+tous les dessins, livres, cantiques, chants de Meistersanger et bouts
+rimés, qui auront été composés en allemand et imprimés cette année chez
+vous; envoyez-en autant que vous en pourrez trouver. Je désirerais
+vivement les avoir. Nous savons ici composer des ouvrages latins; mais
+pour les livres allemands, nous ne sommes que des apprentis. Toutefois,
+avec l'ardeur que nous y mettons, j'espère que nous réussirons bientôt
+de manière à vous satisfaire.» (20 mars 1536.)
+
+
+ [a58] Page 112, ligne 23.—_Ce n'est point un seul homme qui a
+ fait ces fables..._
+
+En 1530, Luther traduisit un choix des fables d'Ésope. Dans la préface
+il dit qu'il n'y a peut-être jamais eu d'homme de ce nom, et que ces
+fables ont vraisemblablement été recueillies de la bouche du peuple.
+(Luth. Werke IX, 455.)
+
+
+ [a59] Page 116, ligne 13.—_Chanter est le meilleur exercice..._
+
+Heine, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834: «Ce qui n'est pas moins
+curieux et significatif que ces écrits en prose, ce sont les poésies
+de Luther, ces chansons qui lui ont échappé dans le combat et dans la
+nécessité. On dirait une fleur qui a poussé entre les pierres, un rayon
+de la lune qui éclaire une mer irritée. Luther aimait la musique, il a
+même écrit un traité sur cet art, aussi ses chansons sont-elles très
+mélodieuses. Sous ce rapport, il a aussi mérité son surnom de Cygne
+d'Eisleben. Mais il n'était rien moins qu'un doux cygne dans certains
+chants où il ranime le courage des siens, et s'exalte lui-même jusqu'à
+la plus sauvage ardeur. Le chant avec lequel il entra à Worms, suivi
+de ses compagnons, était un véritable chant de guerre. La vieille
+cathédrale trembla à ces sons nouveaux, et les corbeaux furent
+effrayés dans leurs nids obscurs, à la cime des tours. Cet hymne, la
+Marseillaise de la réforme, a conservé jusqu'à ce jour sa puissance
+énergique, et peut-être entonnerons-nous bientôt dans des combats
+semblables ces vieilles paroles retentissantes et bardées de fer:»
+
+ Notre Dieu est une forteresse,
+ Une épée et une bonne armure;
+ Il nous délivrera de tous les dangers
+ Qui nous menacent à présent.
+ Le vieux méchant démon
+ Nous en veut aujourd'hui sérieusement,
+ Il est armé de pouvoir et de ruse,
+ Il n'a pas son pareil au monde.
+
+ Votre puissance ne fera rien,
+ Vous verrez bientôt votre perte;
+ L'homme de vérité combat pour nous,
+ Dieu lui-même l'a choisi.
+ Veux-tu savoir son nom?
+ C'est Jésus-Christ,
+ Le seigneur Sabaoth.
+ Il n'est pas d'autre Dieu que lui,
+ Il gardera le champ, il donnera la victoire.
+
+ Si le monde était plein de démons,
+ Et s'ils voulaient nous dévorer,
+ Ne nous mettons pas trop en peine,
+ Notre entreprise réussira cependant.
+ Le prince de ce monde,
+ Bien qu'il nous fasse la grimace,
+ Ne nous fera pas de mal.
+ Il est condamné,
+ Un seul mot le renverse.
+
+ Ils nous laisseront la parole,
+ Et nous ne dirons pas merci pour cela:
+ La parole est parmi nous
+ Avec son esprit et ses dons.
+ Qu'ils nous prennent notre corps,
+ Nos biens, l'honneur, nos enfans.
+ Laissez-les faire,
+ Ils ne gagneront rien à cela;
+ A nous restera l'empire.
+
+
+ [a60] Page 117, ligne 25.—_Peinture..._
+
+«Le docteur parla un jour de l'habileté et du talent des peintres
+italiens. «Ils savent imiter la nature si parfaitement, dit-il,
+qu'indépendamment de la couleur et de la forme convenables, ils
+expriment encore les gestes et les sentimens de manière à faire croire
+que leurs tableaux sont choses vivantes.—La Flandre suit la trace de
+l'Italie. Ceux des Pays-Bas, et surtout les Flamands ont l'esprit
+éveillé, ils ont aussi de la facilité pour apprendre les langues
+étrangères. C'est un proverbe que si l'on portait un Flamand dans un
+sac à travers l'Italie ou la France, il n'en apprendrait pas moins la
+langue du pays.» (Tischreden, p. 424 verso.)
+
+
+ [a61] Page 122, ligne 3.—_Banque..._
+
+Il dit dans son traité _de Usuris_: «J'appelle usuriers ceux qui
+prêtent à cinq et six pour cent. L'Écriture défend le prêt à intérêt;
+on doit prêter de l'argent comme on prête un vase à son voisin. Les
+lois civiles même défendent l'usure. Ce n'est pas faire acte de charité
+que d'échanger une chose avec quelqu'un en gagnant sur l'échange; c'est
+voler. Un usurier est un voleur digne de la potence. Aujourd'hui, à
+Leipsig, celui qui prête cent florins en reçoit au bout d'une seule
+année quarante pour l'intérêt de son argent.—On ne doit pas observer
+les promesses faites aux usuriers; ils ne peuvent être admis aux
+sacremens ni ensevelis en terre sainte.—Voici le dernier conseil que
+j'aie à donner aux usuriers; ils veulent de l'argent, de l'or; eh bien!
+qu'ils s'adressent à quelqu'un qui ne leur donnera pas dix ou vingt
+pour cent, mais cent pour dix. Celui-là a de quoi satisfaire à leur
+avidité; ses trésors sont inépuisables; il peut donner sans s'appauvrir
+(Oper. lat. Luth. Witt. t. VII, p. 419-37.)
+
+Le docteur Henning proposait cette question à Luther: «Si j'avais
+amassé de l'argent, que je ne voulusse pas en disposer, et qu'un homme
+vînt me prier de le lui prêter; pourrais-je en bonne conscience lui
+répondre: Je n'ai point d'argent?—Oui, dit Luther, on peut le faire
+en conscience. C'est comme si on disait: Je n'ai point d'argent dont
+je veuille disposer... Christ, en ordonnant de donner, ne dit pas de
+donner à tous les prodigues et dissipateurs... Dans cette ville, il
+n'y a personne de plus nécessiteux que les étudians. La pauvreté y est
+grande à la vérité, mais la paresse encore plus... Je ne veux point
+ôter le pain de la bouche à ma femme et à mes enfans pour donner à ceux
+à qui rien ne profite (Tischred. p. 64).
+
+
+ [a62] Page 122, à la fin du chapitre IV.
+
+On peut attacher à la fin de ce chapitre diverses paroles de Luther sur
+les papes, les rois, les princes.
+
+«Il n'y a jamais eu de plus rusé trompeur sur la terre que le pape
+Clément (Clément VII)[r185]. C'est qu'il était de Florence, etc.»
+
+ [r185] Tischreden, 243.
+
+«Le pape Jules, deuxième du nom, était un homme excellent pour le
+gouvernement et la guerre[r186]..... Lorsqu'il apprit que son armée
+avait été battue à Ravenne, il blasphéma Dieu dans le ciel; il lui
+disait: Au nom de mille diables, es-tu donc devenu si bon Français?
+est-ce ainsi que tu protéges ton Église? Il tourna les yeux vers la
+terre, et dit: Saints Suisses, priez pour nous! Et il envoya aussitôt
+le cardinal de Saltzbourg, Mathieu Lang, pour traiter avec l'empereur
+Maximilien.»
+
+ [r186] _Ibid._ 242.
+
+«Si j'avais été de ce temps-là, on m'aurait fait venir à Paris avec
+grand honneur, mais j'étais encore trop jeune et Dieu ne le voulait
+point, de crainte que l'on ne pensât que c'était la puissance du roi de
+France, etc.»[r187]
+
+ [r187] _Ibid._ 243.
+
+«Le pape Jules II, un homme plein d'audace et d'habileté, un
+vrai diable incarné, avait définitivement résolu de réformer les
+Franciscains[r188]. Mais ils recoururent aux rois et aux princes, les
+firent agir et envoyèrent au pape quatre-vingt mille couronnes. Le pape
+dit: Comment résister à des gens si bien cuirassés?»
+
+ [r188] _Ibid._ 269.
+
+«L'an 1532, l'astrologue Gauric raconta au margrave de Brandebourg,
+Joachim, que, comme on faisait à Clément VII le reproche d'être bâtard,
+il répondit: Et Jésus-Christ? Dès-lors le Margrave devint favorable à
+Luther.»[r189]
+
+ [r189] _Ibid._ 341.
+
+«Lorsque ceux de Bruges tenaient prisonnier l'empereur Maximilien, et
+voulaient lui couper la tête, ils écrivirent au sénat de Venise pour
+demander conseil[r190]. Les Vénitiens répondirent: _Homo mortuus
+non facit guerram_... Les Vénitiens firent faire une farce contre
+Maximilien. Le doge paraissait d'abord, puis venait le Français
+qui avait une poche au côté; il y prenait des couronnes (pièces de
+monnaie), et les couronnes débordaient la poche. Derrière venait
+l'Empereur, peint en habit gris, avec un petit cor de chasse. Il avait
+aussi une poche, mais quand il y mettait la main, les doigts passaient
+à travers.—Les Florentins en firent autant. Ils représentèrent le
+Français assis sur un siége percé, et.... de l'argent. L'empereur
+Maximilien ramassait. Mais ils ont eu depuis une bonne leçon. Le
+petit-fils de l'empereur Maximilien, l'empereur Charles, leur a bien
+appris à vivre. Dieu applique volontiers aux orgueilleux le verset que
+l'on chante au Magnificat: _Deposuit patentes de sede_.»
+
+ [r190] _Ibid._ 448.
+
+«L'empereur Maximilien disait[r191]: Si on mettait du sang des
+princes d'Autriche et de Bavière bouillir ensemble dans un pot, on le
+verrait en même temps sauter dehors.»
+
+ [r191] _Ibid._ 343.
+
+«On dit que l'empereur Maximilien partit un jour d'un éclat de rire;
+il en avoua la cause le lendemain[r192]. Je riais, dit-il, de voir
+que Dieu a confié le gouvernement spirituel à un ivrogne de prêtre,
+comme le pape Jules, et le gouvernement temporel à un chasseur de
+chamois, comme je suis.»
+
+ [r192] _Ibid._ 184, verso.
+
+«Dans le château de Prague l'on voit toute la suite des _portraits des
+rois_. Ferdinand est le dernier, et il n'y a plus de place. Il en est
+de même dans la salle ronde du château de Wittemberg. Cela ne signifie
+rien de bon.
+
+L'empereur Maximilien disait: «L'Empereur est bien le roi des rois, car
+les princes de l'Empire font tout ce qu'ils veulent; le roi de France
+est celui des ânes, les siens exécutent tout ce qu'il commande; le
+roi d'Angleterre est le roi des hommes, car ils lui obéissent et ils
+l'aiment.»
+
+«Maximilien demandait à un de ses secrétaires comment il fallait
+traiter un serviteur qui le volait; et comme l'autre répondait qu'il
+était juste de le pendre: Nous n'en ferons rien, dit l'Empereur en lui
+frappant sur l'épaule, nous avons encore besoin de vos services.»
+
+«Après l'élection de l'empereur Charles, l'électeur de Saxe demanda au
+seigneur Fabian de Feilitzsch, son conseiller, s'il lui plaisait qu'on
+eût élu empereur le roi d'Espagne[r193]. Cet homme sage répondit: «Il
+est bon que les corbeaux aient un vautour.»
+
+ [r193] _Ibid._ 53.
+
+On lisait dans un vieux livre cette prophétie: «L'empereur Charles
+soumettra toute l'Europe, réformera l'Église; sous lui, les ordres
+mendians et les sectes seront anéantis.»
+
+«La nouvelle vint qu'Antonio de Leyva et André Doria avaient conseillé
+à l'Empereur d'aller en personne contre le Turc et de ne point emmener
+son frère; car, disaient-ils, il n'a point de bonheur[r194]. En
+effet, Ferdinand est trop fin et trop réfléchi; il n'agit que par
+conseil et délibération, jamais par impulsion divine.»—L'Empereur
+devient malheureux; il ne sait pas profiter de l'occasion; il perd
+aujourd'hui Milan.
+
+ [r194] _Ibid._ 349.
+
+«Le roi de France aime les femmes[r195]... Au contraire, l'Empereur
+passant par la France en 1544, trouva après un grand festin une belle
+et noble vierge dans son lit, que le roi de France y avait fait
+conduire. L'Empereur la renvoya honorablement chez ses parens.
+
+ [r195] _Ibid._ 349, verso.
+
+»L'Empereur n'a appelé à son couronnement que des princes et seigneurs
+italiens et espagnols, qui ont porté devant lui les drapeaux et les
+armes des électeurs. J'avais touché cela dans un petit livre, mais
+l'Électeur en a fait acheter tous les exemplaires.
+
+»Le roi de France dépense autant d'argent en trahison que pour ses
+armées. Aussi, dans sa guerre contre le pape Jules et Venise, il a
+dissipé vingt mille hommes avec quatre mille.
+
+»Tant que le Français a eu des hommes de guerre allemands, il a obtenu
+la victoire. Ce sont en effet les meilleurs; ils se contentent de leur
+solde et protégent le peuple. Aussi Antonio de Leyva conseilla, en
+mourant, à l'Empereur de s'attacher ses soldats allemands; que s'il les
+perdait, ce serait fait de lui; car ils tenaient tous ensemble comme un
+seul homme.»
+
+Après la défaite de François Ier à Pavie, Luther écrivait: «Que le roi
+de France soit de chair ou autre chose, je ne me réjouis pas de le voir
+vaincu et pris. Vaincu, cela se peut souffrir, mais captif, c'est une
+monstruosité... Peut-être l'heure du royaume de France est-elle venue,
+comme cet autre le disait de Troie: _Venit summa dies et ineluctabile
+fatum....._ Ce sont, à ce qu'il me semble, des signes qui annoncent
+le dernier jour du monde. Ces signes sont plus graves qu'on ne serait
+tenté de le croire... Il n'y a qu'une chose qui me fait plaisir,
+c'est de voir frustrés les efforts de l'Anti-Christ, qui commençait à
+s'appuyer sur le roi de France.» (mars 1525.)
+
+(Février 1537). «Le roi de France est persuadé que chez nous autres
+luthériens, il n'y a plus ni mariage, ni autorité, ni église, ni rien
+de tout ce qu'on regarde comme sacré. Son envoyé, le docteur Gervais,
+nous l'a assuré positivement. Mais d'où vient cela? certainement de ce
+qu'on ne laisse pénétrer en ce pays, non plus qu'en Italie, aucun écrit
+des nôtres, et que le scélérat de Mayence, ainsi que ses pareils, y
+envoient toutes les calomnies qui se débitent contre nous.»
+
+«Nous avons ici un Français, François Lambert, qui était il y a deux
+ans prédicateur apostolique, comme on les appelle parmi les mineurs, et
+qui vient de prendre pour femme une des nôtres: il espère mieux vivre
+dans le voisinage de la France (à Strasbourg)... Il gagnera sa vie à
+traduire en français mes ouvrages allemands.» (4 décembre 1523.)
+
+«Les rois de France et d'Angleterre sont luthériens pour prendre, point
+pour donner. Ils ne cherchent point l'intérêt de Dieu, mais le leur.
+
+»Sept universités ont approuvé le divorce du roi d'Angleterre; mais
+nous autres de Wittemberg et ceux de Louvain, nous avons soutenu le
+contraire, eu égard aux circonstances particulières, à la longue
+cohabitation, à l'existence d'une fille, etc.[r196]
+
+ [r196] _Ibid._ 348.
+
+»Quelques-uns qui avaient reçu des écrits d'Angleterre annoncèrent
+comment le roi s'était séparé de l'Évangile[r197]. Je suis charmé,
+dit Luther, que nous soyons quitte de ce blasphémateur. J'ai seulement
+regret de voir que Mélanchton ait adressé ses plus belles préfaces aux
+plus méchantes gens.
+
+ [r197] _Ibid._ 348, verso.
+
+»Le duc George de Saxe disait qu'il ne forcerait personne à communier
+sous une espèce, mais que ceux qui voulaient le faire autrement,
+devaient sortir du pays[r198].
+
+ [r198] _Ibid._ 265.
+
+»Lorsque le duc George déclara au duc Henri de Saxe, son frère, qu'il
+ne lui laisserait ses états qu'à condition d'abandonner l'Évangile, il
+répondit: «Par la vierge Marie (c'était le mot ordinaire de sa Grâce),
+avant que je consente à renier mon Christ, j'irai avec ma Catherine,
+un petit bâton à la main, mendier par le pays[r199].» Je voudrais
+que l'Empereur fît pape le duc George; les évêques supporteraient sa
+réforme encore moins que la mienne. Il réduirait l'évêque de Mayence à
+quatorze chevaux, etc.
+
+ [r199] _Ibid._
+
+»Le duc George a sucé le sang bohémien avec le lait de sa mère, fille
+du roi de Bohême, Casimir[r200]. Il aurait fini par s'arranger avec
+l'électeur Frédéric pour frapper les évêques, les abbés, etc. Il est
+de sa nature ennemi du clergé. Mais les lettres et les flatteries
+de l'Empereur, du pape, des rois d'Angleterre et de France, l'ont
+tellement enflé, que, etc...
+
+ [r200] _Ibid._ 313, verso.
+
+»Lorsque le duc George voyait son fils Jean à l'agonie, il le consolait
+en lui rappelant l'article de la justification par la foi en Christ,
+et l'exhortait à ne regarder que le Sauveur, sans se reposer sur ses
+œuvres ni sur l'invocation des saints[r201]. Alors, l'épouse du duc
+Jean, sœur du landgrave Philippe de Hesse, dit au duc George: «Cher
+seigneur et père, pourquoi ne laisse-t-on pas prêcher publiquement
+cette doctrine dans le pays?»—«Ma chère fille, répondit-il, on la
+doit enseigner seulement aux mourans, mais point aux gens en santé.»
+(1537.)—Ce duc Jean avait été obligé par son père de jurer une haine
+éternelle à la doctrine luthérienne, et il l'avait fait connaître au
+docteur Luther par le vieux peintre Lucas Cranach.»
+
+ [r201] _Ibid._ 142, verso.
+
+Leipsig était la capitale et la résidence du duc George. Aussi les
+protestans, surveillés de près par le duc, n'y pouvaient faire de
+nombreux prosélytes, et Luther en marque souvent son dépit par sa
+colère contre cette ville.
+
+«Je hais, dit-il, ceux de Leipsig comme je ne hais rien sous le soleil,
+tant il y a là d'orgueil, d'arrogance, de rapacité et d'usure. (15 mai
+1540.)
+
+»Je hais cette Sodome (Leipsig), sentine des usures et de tous les
+maux. Je n'y entrerais qu'autant qu'il le faut pour arracher Loth.» (26
+octobre 1539.)
+
+»L'électorat de Saxe est pauvre et rapporte peu. Si l'Électeur n'avait
+pas la Misnie, il ne pourrait entretenir quarante chevaux; mais il
+a des tributs de princes et seigneurs, des droits de sauf-conduit,
+des douanes, des rentes, etc... Sa Grâce électorale a cédé, pour de
+l'argent, les régales, entre autres le droit de grâce.
+
+»L'électeur Frédéric était économe[r202]. Il savait bien remplir ses
+caves et ses greniers de grains et d'autres denrées. On compte neuf
+châteaux qu'il a fait bâtir, et cependant il lui restait toujours assez
+d'argent; c'est qu'il suivait le bon conseil que son fou lui avait
+donné. Un jour, qu'il se plaignait de manquer d'argent, le fou lui dit:
+Fais-toi percepteur. Il exigeait des comptes sévères de ses serviteurs.
+Quand il venait dans un de ses châteaux, il mangeait, buvait, se
+faisait donner du fourrage comme un hôte ordinaire, et payait tout
+comptant. Par là il ôtait à ses gens l'occasion de s'excuser, en
+disant: On a tant consommé de choses, quand le prince est venu!
+
+ [r202] _Ibid._ 451, verso.
+
+»L'électeur Frédéric-le-Sage disait à Worms, en 1521: «Je ne trouve
+point d'église romaine dans ma croyance; mais une commune église
+chrétienne, je l'y trouve.»
+
+«Ce même prince avait, dit Mélanchton, près de Wittemberg un cerf
+apprivoisé, qui, pendant bien des années, allait, au mois de septembre,
+dans la forêt voisine, et revenait exactement en octobre. Lorsque
+l'Électeur fut mort, le cerf partit et l'on ne le revit plus.
+
+»En 1525, l'électeur Jean de Saxe me demanda s'il devait accorder aux
+paysans leurs douze articles[r203]. Je le détournai entièrement d'en
+approuver un seul.
+
+ [r203] _Ibid._ 152.
+
+»Le duc Jean disait en 1525, en apprenant la révolte des paysans: «Si
+le Seigneur veut que je reste prince, que sa volonté soit faite, mais
+je puis aussi être un autre homme.»
+
+Luther blâme la patience de ce prince, qui avait appris des moines, ses
+confesseurs, à supporter la désobéissance de ses gens.
+
+Il disait à Luther: «Mon fils, le duc Ernest, m'a écrit une lettre
+latine pour me demander à courir un cerf. Je veux qu'il étudie; il sera
+toujours à même d'apprendre à laisser pendre deux jambes sur un cheval.»
+
+«Le même prince avait toujours pour sa garde six nobles jeunes garçons,
+qui restaient dans sa chambre et qui lui lisaient la Bible six heures
+par jour. Sa Grâce électorale s'endormait quelquefois, mais il n'en
+citait pas moins à son réveil quelques belles paroles qu'il avait
+remarquées et retenues.—Pendant la prédication il tenait près de lui
+des écrivains, et lui-même de sa propre main recueillait les paroles
+de la bouche du prédicateur.
+
+»Lorsque Ferdinand fut élu roi des Romains à Cologne, le jeune duc
+Jean-Frédéric y fut envoyé pour protester de la part de son seigneur et
+père. Dès qu'il eut exécuté ses ordres, il repartit au grand galop, et
+comme il avait à peine passé la porte, on envoya des gens pour courir
+après lui et le prendre. (1531.)
+
+»On dit que l'Empereur a fait entendre, après avoir lu notre
+_Confession et apologie_, qu'il voulait que l'on enseignât et que l'on
+prêchât dans le même sens par tout le monde[r204]. Le duc George
+aurait dit aussi qu'il savait très bien qu'il y avait beaucoup d'abus
+à réformer dans l'Église, mais qu'il ne voulait pas de cette réforme,
+quand elle venait d'un moine défroqué.
+
+ [r204] _Ibid._ 353.
+
+»La dernière fois que l'électeur Jean alla à la chasse, tout le gibier
+lui échappait. Les bêtes ne voulaient plus le reconnaître pour maître,
+c'était un présage de sa mort. (1532.)
+
+»Le duc Jean-Frédéric, qui a été si bien pillé et dépouillé par ceux de
+la noblesse, a appris à ses dépens à les connaître.
+
+»L'électeur Jean-Frédéric est naturellement colère, mais il sait à
+merveille dompter son courroux.—Il aime à bâtir et à boire; il est
+vrai qu'un si grand corps doit tenir plus qu'un petit.—Il donne par
+an mille florins pour l'université; pour le pasteur, deux cents, avec
+soixante boisseaux de froment; de plus soixante florins à cause des
+leçons publiques.» Il envoya une fois cinq cents florins à Luther sur
+les fonds d'une abbaye pour marier quelque pauvre religieuse.
+
+»Quoique le docteur Jonas l'y engageât, Luther refusa de demander
+à l'Électeur une nouvelle visitation des églises[r205]. «Il a
+soixante-dix conseillers qui crient à le rendre sourd. Ils lui disent:
+Quel bon conseil peut donner le scribe? contentons-nous de prier Dieu
+qu'il dirige le cœur du prince.»
+
+ [r205] _Ibid._ 354.
+
+_Du landgrave Philippe de Hesse._—«Le Landgrave est un pieux,
+intelligent et joyeux seigneur; il maintient une bonne paix dans
+sa terre, qui n'est que pierres et forêts; de sorte que les gens y
+peuvent voyager et commercer sans crainte... Le Landgrave est un
+guerrier, un Arminius, petit de sa personne, mais, etc. Il consulte
+et suit aisément les bons conseils; la résolution une fois prise, il
+exécute promptement.—L'Empereur lui a offert, pour lui faire quitter
+l'Évangile, la possession paisible du comté de Katzenellenbogen, et
+le duc George l'aurait fait à ce prix son héritier... Il a une tête
+hessoise; il ne peut se reposer, il faut qu'il ait quelque chose à
+faire... C'était une grande audace de vouloir, en 1528, envahir les
+possessions des évêques; et ç'a été un acte plus grand d'avoir rétabli
+le duc de Wurtemberg et chassé le roi Ferdinand de ce pays. Moi et
+Mélanchton, nous fûmes appelés à cette occasion à Weimar, et nous
+employâmes toute notre rhétorique à empêcher sa Grâce de rompre la paix
+de l'Empire... Il en devint tout rouge et s'emporta. Cependant c'est
+une âme tout-à-fait loyale.
+
+»Dans le colloque de Marbourg, en 1529, sa Grâce vint avec un petit
+habit, de sorte que personne ne l'aurait reconnu pour le Landgrave; et
+cependant, il était occupé de grandes pensées. Il consulta Mélanchton,
+et lui dit: «Cher maître Philippe, dois-je souffrir que l'évêque de
+Mayence me chasse par violence mes prédicateurs évangéliques?» Philippe
+répondit: «Si la juridiction du lieu appartient à l'évêque de Mayence,
+votre Grâce ne peut l'empêcher.» Permis à vous de conseiller, répondit
+le Landgrave, mais je n'agirai pas moins.»
+
+»A la diète d'Augsbourg, en 1530, le landgrave dit publiquement aux
+évêques: «Faites la paix, nous vous le demandons. Si vous ne la faites
+point et qu'il me faille descendre de mes montagnes, j'en saisirai au
+moins un ou deux.»
+
+»Dieu a jeté le Landgrave au milieu de l'Empire. Il a autour de lui
+quatre électeurs et le duc de Brunswick; et il les fait tous trembler.
+C'est que le commun peuple lui est attaché. Avant de rétablir le duc
+de Wurtemberg, il était allé en France, et le roi de France lui avait
+prêté beaucoup d'argent pour la guerre.
+
+»Si le Landgrave s'enflamme une fois...! C'est ce qui nous est arrivé,
+à moi et à maître Philippe, lorsque nous le détournions humblement et
+faiblement de la guerre; «Qu'arrivera-t-il si je souffre vos conseils
+et si je n'agis point?»—C'est un miracle de Dieu. Le Landgrave est
+un prince peu puissant, cependant on le redoute; c'est un héros. Il
+a renvoyé les évêques au chœur... Les Saxons et ceux de la Hesse,
+lorsqu'ils sont en selle, sont de vrais cavaliers. Les cavaliers des
+hautes terres (du midi de l'Allemagne) ne sont que des danseurs. Dieu
+nous conserve le Landgrave..... Dieu nous préserve de la guerre! les
+gens de guerre sont des diables incarnés. Je ne parle pas seulement des
+Espagnols, mais aussi des Allemands.
+
+»Après la diète de Francfort, en 1539, environ neuf mille soldats
+d'élite furent rassemblés autour de Brême et de Lunebourg pour être
+employés contre les états protestans[r206]. Mais l'électeur de Saxe
+et le landgrave de Hesse leur firent parler par le chevalier Bernard
+de Mila, leur donnèrent de l'argent comptant et les attirèrent à eux.
+Ensuite mourut subitement le duc George, etc.»
+
+ [r206] _Ibid._ 156.
+
+«Le _landgrave de Hesse_ et de Thuringe, Louis-le-Fameux, était un
+seigneur dur et colérique. Il était tenu prisonnier par l'évêque de
+Hall, il sauta par une fenêtre du haut du château et du rocher dans
+la Sals, nagea, s'aida d'un tronc d'arbre et échappa. Il sévissait
+toujours cruellement contre ses sujets. Sa femme s'avisa de lui servir
+de la viande un vendredi saint, et comme il n'en voulait pas manger;
+elle lui dit: «Cher seigneur, vous craignez ce péché, lorsque vous en
+faites tous les jours de plus grands et de plus horribles.» Mais elle
+fut obligée de s'enfuir et de quitter ses enfans. Au moment de son
+départ, à minuit, elle baisa son enfant qui était encore au berceau,
+le bénit, et, dans un transport d'amour maternel, elle le mordit à la
+joue[8]. Accompagnée d'une jeune fille, elle descendit par une corde
+du château de Wartbourg, tout le long du précipice. Son maître-d'hôtel
+l'attendait avec un chariot, et la conduisit secrètement à
+Francfort-sur-le-Mein.—Quand ce landgrave mourut, on l'affubla d'un
+habit de moine, ce qui faisait beaucoup rire tous ses chevaliers.
+
+ [8] Luther appelle _Louis_ ce landgrave, qui s'appelait
+ effectivement _Albert-le-Dénaturé_, et vivait en 1288. Sa
+ femme, Marguerite était fille de l'empereur Frédéric II; son
+ fils est Frédéric I, dit le _Mordu_.
+
+«En Italie, les hôpitaux sont bien pourvus, bien bâtis[r207]. On
+y donne une bonne nourriture; il y a des serviteurs attentifs et de
+savans médecins. Les lits et les habits sont très propres; l'intérieur
+des bâtimens orné de belles peintures. Aussitôt qu'un malade y est
+amené, on lui ôte ses habits en présence d'un notaire qui en dresse une
+note et une description exacte pour qu'ils lui soient bien gardés. On
+le revêt d'un sarreau blanc, on le met dans un lit bien fait et dans
+des draps blancs; on ne tarde pas à lui amener deux médecins, et les
+serviteurs viennent lui apporter à manger et à boire dans des verres
+bien propres, qu'ils touchent du bout du doigt. Il vient aussi des
+dames et matrones honorables qui se voilent pendant quelques jours pour
+servir les pauvres, de sorte qu'on ne sait point qui elles sont, et
+elles retournent ensuite chez elles.—J'ai vu aussi à Florence que les
+hôpitaux étaient servis avec tous ces soins; de même les maisons des
+enfans-trouvés, où les petits enfans sont nourris au mieux, élevés,
+enseignés et instruits. Ils les ornent tous d'un costume uniforme, et
+en prennent le plus grand soin.
+
+ [r207] _Ibid._ 145.
+
+»Je ne manque point de drap, mais je ne puis me décider à me faire
+faire des culottes[r208]. Les miennes ont été raccommodées quatre
+fois, et le seront encore. Les tailleurs ne font rien de bon et
+prennent trop cher. Cela va bien mieux en Italie; les tailleurs ont une
+corporation particulière qui ne fait que des culottes.
+
+ [r208] _Ibid._ 424.
+
+»En Espagne, pour les couches de l'impératrice, trente hommes se sont
+fouettés jusqu'au sang, afin de lui obtenir un heureux enfantement,
+deux même en sont morts, et cependant la mère ni le fœtus n'ont pu
+être délivrés. Qu'a-t-on fait de plus chez les païens? (14 août 1539.)
+
+»En Italie et en France, les curés sont généralement des ânes[r209].
+Si on leur demande: _Quot sunt sacramenta?_ ils répondent:
+_Tres_.—_Quæ?_ Réponse: Le goupillon, l'encensoir et la croix.
+
+ [r209] _Ibid._ 281, verso.
+
+»En France, il y a eu tant de superstition, que les serfs et serviteurs
+voulaient pour la plupart se faire moines[r210]. Il fallut que le roi
+défendît la moinerie. La France est abîmée dans la superstition. Les
+Italiens de même sont ou superstitieux ou épicuriens. C'est un propos
+commun en Italie, quand ils vont à l'église de dire: Allons au préjugé
+populaire.
+
+ [r210] _Ibid._ 271, verso.
+
+»Lorsque je vis Rome, je tombai à genoux, levai les mains au ciel et
+dis[r211]: Salut, sainte Rome, sanctifiée par les saints martyrs et
+par leur sang qui y a été versé...; mais elle est maintenant déchirée,
+_und der teufel hat den papst, seinen dreck, darauss geschissen_.—Cent
+ans avant Jésus-Christ, Rome avait quatre millions de citoyens; peu
+après, neuf millions; certes, cela devait faire un peuple, si toutefois
+la chose est vraie.—A Venise, trois cent mille feux; à Erfurt,
+dix-huit mille murs à feu (murs mitoyens); à Nuremberg, à peine la
+moitié.—Rome n'est plus qu'une charogne et un tas de cendres..... Les
+maisons sont aujourd'hui où étaient les toits de l'ancienne Rome; telle
+est l'épaisseur des décombres, qu'il y en a la hauteur de deux lances
+de landsknecht[9]. Rien n'y est à louer que le consistoire et la cour
+de Rote, où les affaires sont instruites et jugées avec beaucoup de
+justice.
+
+ [r211] _Ibid._ 442.
+
+ [9] Voyez le _Voyage de Montaigne_.
+
+Le docteur Staupitz avait entendu dire à Rome, en 1511, que d'après
+une vieille prophétie, un ermite s'élèverait sous le pape Léon X, et
+attaquerait la papauté; or, les augustins s'appellent aussi ermites.
+
+»Je ne voudrais pas, pour cent mille florins, ne pas avoir vu Rome;
+je me serais toujours inquiété si je ne faisais pas injustice au
+pape.»—Il répète trois fois ces paroles.
+
+«Il y avait en Italie un ordre particulier, qui s'appelait _les Frères
+de l'ignorance_[r212]. Ils devaient jurer de ne rien savoir et de ne
+vouloir rien apprendre. Tous les moines méritent le même nom.»
+
+ [r212] _Ibid._ 269, verso.
+
+Un soir, à la table de Luther, il se trouvait un vieux prêtre qui
+racontait beaucoup de choses de Rome[r213]. Il y était allé quatre
+fois et y avait officié pendant deux ans. Quand on lui demanda
+pourquoi il y était allé si souvent, il répondit: «La première fois
+j'y cherchais un filou, la seconde je le trouvais, la troisième je
+l'emportais avec moi, et la quatrième je l'y rapportais et le plaçais
+derrière l'autel de Saint-Pierre.»
+
+ [r213] _Ibid._ 442, verso.
+
+«Christoff Gross, qui avait été long-temps à Rome, trabant du pape,
+parla beaucoup des pays par où l'on va vers la Terre-Sainte, de
+l'Aragon et de la Biscaye[r214]. Ils ont pour signe du baptême une
+petite cicatrice au nez, juste sous les yeux.»
+
+ [r214] _Ibid._ 441, verso.
+
+«Les Écossais sont la nation la plus fière; beaucoup se sont réfugiés
+en Allemagne, à Erfurth et à Wurtzbourg; ils n'admettent personne
+comme moine dans leurs couvens. Les Écossais sont méprisés des autres
+nations, comme les Samaritains par les Juifs.»
+
+«Les Anglais ont été chassés de France après leur défaite à Montlhéri,
+entre Paris et Orléans[10].—Ils ne laissent personne à Calais, à moins
+qu'il ne parle anglais dans tant d'heures.»
+
+ [10] Il est inutile de relever les erreurs grossières dont
+ fourmille ce chapitre.
+
+«La peste règne toujours en Angleterre[r215].—L'Angleterre est un
+morceau de l'Allemagne.—Les langues danoise et anglaise sont du saxon,
+c'est-à-dire du véritable allemand, tandis que la langue de l'Allemagne
+supérieure n'est point la vraie langue allemande.—La Souabe et la
+Bavière sont hospitalières; au contraire la Saxe.—Luther préfère le
+dialecte de la Hesse à tous les autres de l'Allemagne, parce que les
+Hessois accentuent les mots comme s'ils chantaient.»
+
+ [r215] _Ibid._ 440, verso.
+
+
+_Diversité des langues._—«Supériorité de l'allemande: elle fait sentir
+que les Allemands sont gens plus simples et plus vrais. Au contraire,
+c'est un proverbe: les Français écrivent autrement qu'ils ne parlent,
+et parlent autrement qu'ils ne pensent.—L'allemand se rapporte au
+grec. Le latin est sec, il n'a pas de lettres doubles.—Finesse des
+Saxons et bas Allemands; ils sont pires que les Italiens, quand ils
+adoptent les idées de l'Italie.—Les habitations et l'aspect des
+pays changent ordinairement dans l'espace d'un siècle. Il y a peu
+d'années que la Hesse, la Franconie, la Westphalie, n'étaient qu'un
+désert. Au contraire, autour de Halle, d'Halberstadt, et chez nous,
+on fait jusqu'à trois milles sans trouver rien que bruyères, tandis
+qu'autrefois il y avait des terres cultivées. Dieu aura ôté la
+fertilité au pays, pour punir les habitans.»
+
+«Nous sommes de bons compagnons, nous autres Allemands, nous buvons,
+nous mangeons, nous cassons nos vitres, nous perdons en une soirée
+cent, mille florins ou plus, et nous oublions _le Turc_ qui, en trente
+jours, peut être avec sa cavalerie légère à Wittemberg.»
+
+
+«En France, chacun a son verre à table.—Les Français se préservent de
+l'air; s'ils suent, ils se couvrent, s'approchent du feu, se mettent
+au lit; sans cela ils auraient la fièvre. Deux personnes dansent à la
+fois, les autres regardent; au contraire en Allemagne.—Les prêtres
+d'Italie et de France ne savent pas même leur langue.»
+
+
+«Dans mon voyage sur le Rhin, je voulus dire la messe, mais un
+prêtre me dit[r216]: «Vous ne le pouvez: nous suivons ici le rit
+ambroisien.»
+
+ [r216] _Ibid._ 166.
+
+»George Fœgeler, chancelier du margrave, disait que dans la Bavière
+il y avait plus de cent vingt-cinq cures vacantes, parce qu'on ne
+pouvait trouver aucun ecclésiastique[r217].
+
+ [r217] _Ibid._ 184.
+
+»Dans la Bohême, il y a environ trois cents cures vacantes, de même
+chez le duc George.
+
+»La Thuringe avait autrefois un sol très fertile en grain,
+surtout autour d'Erfurt; mais maintenant elle est frappée de
+malédiction[r218]. Le blé y est plus cher qu'à Wittemberg. C'est ce
+que j'ai vu, il y a un an, lorsque j'étais à Smalkald; ils n'avaient
+qu'un mauvais pain noir... Ils ont de telles vendanges qu'on pourrait
+donner la pinte pour trois liards; si elles étaient moitié moins
+bonnes, ils seraient très riches; mais maintenant ils donnent le vin
+pour le tonneau.
+
+ [r218] _Ibid._ 62.
+
+»L'électorat de Saxe a eu douze couvens de moines déchaux, mineurs,
+cinq de prêcheurs, moines de saint Paul et carmélites, et quatre
+d'augustins[r219]. Voilà seulement pour les moines mendians qui,
+aujourd'hui se dissipent d'eux-mêmes.—Alors, un Anglais qui se
+trouvait à table chez le docteur, se mit à dire qu'en Angleterre,
+il n'y avait guère de milles carrés d'Allemagne, où l'on ne trouvât
+trente-deux cloîtres de moines mendians.
+
+ [r219] _Ibid._ 269.
+
+»Le vieil électeur de Brandebourg, Joachim, disait une fois au duc de
+Saxe Frédéric[r220]: Comment pouvez-vous, vous autres princes de
+Saxe, frapper de la monnaie si forte? Nous y avons gagné trois tonnes
+d'or (en renvoyant une monnaie inférieure dans la Saxe).
+
+ [r220] _Ibid._ 61, verso.
+
+La princesse de A. (Anhalt), venant à Wittemberg, se rendit chez
+Luther, et insista vivement pour discuter avec lui, quoiqu'il fût
+malade et que ce fût à une heure indue. Il s'excusa en lui disant:
+«Noble dame, je suis rarement bien portant dans toute l'année; je
+souffre presque toujours ou du corps ou de l'esprit.» Elle lui
+répondit: «Je le sais, mais nous, nous ne pouvons pas non plus vivre
+tous dans la piété.» Le docteur lui dit alors: «Vous autres de la
+noblesse, cependant, vous devriez tous être pieux et irréprochables,
+car vous êtes peu, vous formez un cercle étroit. Nous, gens du
+commun et des basses classes, nous nous corrompons par la multitude;
+nous sommes en grand nombre, il n'est donc pas étonnant qu'il y
+ait si peu de gens pieux parmi nous. C'est chez vous, personnes
+nobles et illustres, que nous devrions trouver des exemples de
+piété, d'honnêteté, etc.» Et il continua de lui parler sur ce ton.
+(Tischreden, p. 341, verso.)
+
+Luther avait dans sa maison et à sa table un Hongrois, nommé Mathias
+de Vai. De retour en Hongrie, il y prêcha, et fut accusé par un
+prédicateur papiste devant le moine George, frère du Vayvode, alors
+gouverneur et régent à Bude. Le moine George fit apporter deux tonneaux
+de poudre sur le marché, et dit: «Si l'un de vous deux prêche la bonne
+doctrine, asseyez-vous dessus, j'y mettrai le feu; nous verrons lequel
+des deux restera vivant.» Le papiste refusa, Mathias s'élança sur un
+des tonneaux. Le papiste et les siens furent condamnés à payer quatre
+cents florins de Hongrie, et à entretenir pendant un certain temps deux
+cents hommes d'armes. Mathias eut la permission de prêcher l'Évangile.
+(Tischr., p. 13.)
+
+Un seigneur hongrois, nommé Jean Huniade, se trouvant à Torgau, comme
+ambassadeur du roi Ferdinand auprès de l'électeur Jean-Frédéric, pria
+celui-ci de faire venir Luther pour qu'il pût le voir et lui parler.
+Luther y vint; à table, l'ambassadeur dit qu'en Hongrie les prêtres
+donnaient la communion tantôt sous une, tantôt sous deux espèces,
+et qu'ils prétendaient que la chose était indifférente. «Révérend
+père, ajouta-t-il, en s'adressant à Luther, me permettez-vous de vous
+demander ce que vous pensez de ces prêtres?» Le docteur répondit
+qu'il les regardait comme de méprisables hypocrites, «Car, dit-il,
+s'ils étaient bien convaincus que la communion sous deux espèces est
+d'institution divine, ils ne pourraient continuer de la donner sous une
+seule.»
+
+Luther cacha le dépit que la question de l'ambassadeur lui avait causé,
+et quelque temps après, il se tourna vers lui, en disant: «Seigneur,
+j'ai répondu à ce que votre Grâce me demandait. Me permettra-t-elle de
+lui faire une question à mon tour?» L'ambassadeur le lui permettant,
+il continua: «Je suis étonné que vos pareils, les conseillers des rois
+et des princes, qui savent bien que la doctrine de l'Évangile est la
+véritable, ne laissent pas de la persécuter de toutes leurs forces. Me
+pourriez-vous dire d'où cela vient?» A ces mots, André Pflug, l'un des
+convives, voyant l'embarras du seigneur hongrois, interrompit Luther et
+parla vivement d'autre chose, de sorte que le seigneur fut dispensé de
+répondre. (Tischr., p. 148.)
+
+
+Le chapitre des _Propos de table_ où se trouve réuni tout ce que Luther
+a dit sur les Turcs, est fort curieux comme peinture des alarmes
+qu'éprouvaient alors toutes les familles chrétiennes. Chaque mouvement
+des barbares est marqué par un cri de terreur. C'est la même scène que
+celle de Goetz de Berlichingen, où le chevalier ne pouvant agir, se
+fait rendre compte par les siens du combat qui a lieu dans la plaine,
+et qu'ils contemplent du haut d'une tour; c'est la même anxiété d'un
+péril toujours croissant, et qu'on est dans l'impuissance d'éviter ou
+de combattre.
+
+«Le Turc ira à Rome, et je n'en suis pas trop fâché, car il est écrit
+dans le prophète Daniel, etc.[r221] Une fois le Turc à Rome, le
+Jugement dernier n'est pas loin.
+
+ [r221] _Ibid._ 432.
+
+»Le Christ a sauvé nos âmes; il faudra qu'il sauve aussi nos corps; car
+le Turc va donner un bon coup à l'Allemagne[r222]. Je pense souvent à
+tous les maux qui vont suivre, et il m'en vient la sueur... La femme du
+docteur s'écria: Dieu nous préserve des Turcs! Non, reprit-il, il faut
+bien qu'ils viennent et qu'ils nous secouent comme il faut.
+
+ [r222] _Ibid._ 432.
+
+»Qui m'eût dit que je verrais en face l'un de l'autre les deux
+empereurs, les rois du Midi et du Septentrion[r223]?... Oh! priez,
+car nos gens de guerre sont trop présomptueux, ils comptent trop sur
+leur force et sur leur nombre. Cela ne peut pas bien finir. Et il
+ajoutait: Les chevaux allemands sont plus forts que ceux des Turcs; ils
+peuvent les renverser; ceux-ci sont plus légers, mais plus petits.
+
+ [r223] _Ibid._ 436.
+
+»Je ne compte point sur nos murs, ni sur nos arquebuses, mais sur le
+_Pater noster_[r224]. C'est là ce qui battra les Turcs; le décalogue
+n'y suffit pas.»
+
+ [r224] _Ibid._ 436, verso.
+
+Luther dit qu'après avoir depuis long-temps désiré de connaître
+l'Alcoran, il en trouva enfin une mauvaise version latine de 1300,
+et qu'il la traduisit en allemand, afin de mieux faire connaître
+l'imposture de Mahomet[r225]. Dans son «Instruction tirée de
+l'Alcoran,» il prouve que ce n'est point Mahomet qui est l'Anti-Christ
+(car l'imposture, dit-il, est trop visible en celui-ci), mais plutôt
+le pape avec son hypocrisie.—«Il y a trois ans qu'un moine du pays
+des Maures vint ici. Nous disputâmes avec lui par l'intermédiaire d'un
+interprète, et comme il fut confondu en tous points par la Parole de
+Dieu, il dit à la fin: «C'est là une bonne croyance.»
+
+ [r226] _Ibid._ t. II. 402.
+
+Les juifs, à titre de juifs et d'usuriers, étaient fort mal avec Luther.
+
+«Nous ne devons pas souffrir les juifs parmi nous. On ne doit ni boire
+ni manger avec eux.—Cependant, dit quelqu'un, il est écrit que les
+juifs seront convertis avant le Jugement...—Et il est écrit aussi, dit
+la femme de Luther, qu'il n'y aura qu'une bergerie et un berger.—Oui,
+chère Catherine, dit le docteur. Mais cela s'est déjà accompli, lorsque
+les païens ont embrassé l'Évangile.» (Tischr., p. 431.)
+
+«Si j'étais à la place des seigneurs de **, je ferais venir ensemble
+tous les juifs, et je leur demanderais pourquoi ils appellent Christ
+un fils de p..., et sainte Marie une coureuse. S'ils parvenaient à le
+prouver, je leur donnerais cent florins; sinon je leur arracherais la
+langue.» (Tischr., p. 431, verso.)
+
+
+ [a63] Page 127, ligne 24.—_Je ne puis nier que je ne sois
+ violent..._
+
+Érasme disait: «Luther est insatiable d'injures et de violences; c'est
+comme Oreste furieux.» (Erasm., Epist. non sobria Luther.)
+
+
+ [a64] Page 142, ligne 9.—_Le droit impérial ne tient plus qu'à
+ un fil..._
+
+Cependant Luther le préférait encore au droit saxon.
+
+«Le docteur Luther parlant de la grande barbarie et dureté du droit
+saxon, disait que les choses iraient au mieux si le droit impérial
+était suivi dans tout l'Empire. Mais l'opinion s'est établie à la cour,
+que le changement ne pouvait se faire sans grande confusion et grande
+dévastation.» (Tischreden, page 412.)
+
+
+ [a65] Page 143, ligne 17.—_Je te le conseille, juriste, laisse
+ dormir le vieux dogue..._
+
+Dans son avant-dernière lettre à Mélanchton (6 février 1546), il dit
+en parlant des légistes: «O sycophantes, ô sophistes, ô peste du genre
+humain!... Je t'écris en colère, mais je ne sais si, de sang froid, je
+pourrais mieux dire.»
+
+
+ [a66] Page 143, ligne 24.—_Juristes pieux..._
+
+Il souhaite qu'on améliore leur condition.
+
+«Les docteurs en droit gagnent trop peu et sont obligés de se faire
+procureurs. En Italie, on donne à un juriste quatre cents ducats ou
+plus par an; en Allemagne, ils n'en ont que cent. On devrait leur
+assurer des pensions honorables, ainsi qu'aux bons et pieux pasteurs
+et prédicateurs. Faute de cela, ils sont obligés pour nourrir leurs
+femmes et leurs enfans, de s'occuper de l'agriculture et des soins
+domestiques.» (Tischreden, page 414.)
+
+
+ [a67] Page 143.—_Fin du chapitre._
+
+Au comte Albrecht de Mansfeld, au sujet d'une affaire de mariage: «Les
+paysans, les gens grossiers qui ne recherchent que la liberté de la
+chair, les légistes qui décident toujours contre la foi, m'ont rendu
+si las, que j'ai rejeté décidément le fardeau des affaires de mariages,
+et que j'ai dit à plusieurs de faire, au nom de tous les diables, ce
+qu'il leur plaira: _Sinite mortuos sepelire mortuos_. Le monde veut le
+pape! qu'il l'ait, s'il n'en peut être autrement. Tous les légistes
+tiennent pour lui. Je ne sais vraiment si, moi mort, ils auront le
+courage d'adjuger, à mes enfans, le nom de Luther et mes guenilles! Ils
+jugent toujours d'après le droit papal. A qui la faute? A vous autres
+seigneurs, qui les rendez trop fiers, qui les soutenez dans tout ce qui
+leur plaît de décider, qui opprimez les pauvres théologiens, quelque
+raison qu'ils puissent avoir...» (5 octobre 1536.)
+
+«Il faudrait dans un pays deux cents pasteurs contre un juriste.
+Nous devrions, en attendant, changer en pasteurs les juristes et les
+médecins. Vous verrez que cela viendra.» (Tischreden, page 4, verso.)
+
+
+ [a68] Page 151, _fin du chapitre_.
+
+Discussion confidentielle entre Mélanchton et Luther. (1536.)
+
+MÉLANCHTON trouve probable l'opinion de saint Augustin, qui soutient
+«que nous sommes justifiés par la foi, par la rénovation,» et qui, sous
+le mot de rénovation, comprend tous les dons et les vertus que nous
+tenons de Dieu[11]. «Quelle est votre opinion? demanda-t-il à Luther.
+Tenez-vous, avec saint Augustin, que les hommes sont justifiés par la
+rénovation, ou bien par imputation divine?»—LUTHER répond: «Par la
+pure miséricorde de Dieu.»—MÉLANCHTON propose de dire que l'homme
+est justifié _principaliter_ par la foi, _et minùs principaliter_
+par les œuvres, en sorte que la foi rachète l'imperfection de
+celles-ci.—LUTHER. «La miséricorde de Dieu est seule la vraie
+justification. La justification par les œuvres n'est qu'extérieure;
+elle ne peut nous délivrer ni du péché ni de la mort.»—MÉLANCHTON. Je
+vous demande ce qui justifie saint Paul et le rend agréable à Dieu,
+après sa régénération par l'eau et l'esprit?—LUTHER. «C'est uniquement
+cette régénération même. Il est devenu juste et agréable à Dieu par
+la foi, et par la foi il reste tel à jamais.»—MÉLANCHTON. Est-il
+justifié par la seule miséricorde, ou bien l'est-il _principalement_
+par la miséricorde, et _moins principalement_ par ses vertus et
+ses œuvres?—LUTHER. «Non pas. Ses vertus et ses œuvres ne sont
+bonnes et pures que parce qu'elles sont de saint Paul, c'est-à-dire
+d'un juste. Une œuvre plaît ou déplaît, est bonne ou mauvaise, à
+cause de la personne qui la fait.»—MÉLANCHTON. Mais vous enseignez
+vous-même que les bonnes œuvres sont nécessaires, et saint Paul qui
+croit, et qui en même temps fait les œuvres, est agréable à Dieu
+pour cela. S'il faisait autrement il lui déplairait.—LUTHER. «Les
+œuvres sont nécessaires, il est vrai, mais c'est par une nécessité
+sans contrainte, et toute autre que celle de la Loi. Il faut que le
+soleil luise, c'est une nécessité également; cependant ce n'est pas
+par suite d'une loi qu'il luit, mais bien par nature, par une qualité
+inhérente et qui ne peut être changée: il est créé pour luire. De même
+le juste, après la régénération, fait les œuvres, non pour obéir à
+quelque loi ou contrainte, car il ne lui est pas donné de loi, mais
+par une nécessité immuable.—Ce que vous dites de saint Paul, qui,
+sans les œuvres, ne plairait pas à Dieu, est obscur et inexact, car
+il est impossible qu'un croyant, c'est-à-dire un juste, ne fasse ce
+qui est bien.»—MÉLANCHTON. Sadolet nous accuse de nous contredire
+en enseignant que la foi seule justifie, et en admettant néanmoins
+que les bonnes œuvres sont nécessaires.—LUTHER. «C'est que les faux
+frères et les hypocrites, faisant semblant de croire, on leur demande
+les œuvres pour confondre leur fourberie...»—MÉLANCHTON. Vous dites
+que saint Paul est justifié par la seule miséricorde de Dieu. A cela
+je réplique que si l'obéissance ne venait s'ajouter à la miséricorde
+divine, il ne serait point sauvé, conformément à la parole (I. Cor.
+IX): «Malheur à moi, si je ne prêchais pas l'Évangile!»—LUTHER. «Il
+n'est besoin de rien ajouter à la foi; si elle est véritable, elle est
+à elle seule efficace toujours et en tout point. Ce que les œuvres
+valent, elles ne le valent que par la puissance et la gloire de la foi,
+qui est, comme le soleil, resplendissante et rayonnante par nécessité
+de nature.»—MÉLANCHTON. Dans saint Augustin, les œuvres sont incluses
+en ces mots: _Solâ fide_.—LUTHER. «Quoi qu'il en soit, saint Augustin
+fait assez voir qu'il est des nôtres, quand il dit: «Je suis effrayé,
+il est vrai, mais je ne désespère pas, car je me souviens des plaies
+du Seigneur.» Et ailleurs, dans ses Confessions: «Malheur aux hommes,
+quelque bonne et louable que leur vie puisse être, s'ils ne sollicitent
+la miséricorde de Dieu...»—MÉLANCHTON. Est-elle vraie, cette parole:
+«La justice est nécessaire au salut?»—LUTHER. «Non pas dans ce sens,
+que les œuvres produisent le salut, mais qu'elles sont les compagnes
+inséparables de la foi qui justifie. C'est tout de même qu'il faudra
+que je sois là en personne lorsque je serai sauvé.»
+
+ [11] Mélanchton fait remarquer que saint Augustin n'exprime
+ pas cette opinion dans ses écrits de controverse.
+
+«J'en serai aussi,» dit l'autre qu'on menait pour être pendu, et qui
+voyait les gens courir à toutes jambes vers le gibet... La foi qui
+nous est donnée de Dieu régénère l'homme incessamment et lui fait
+faire des œuvres nouvelles, mais ce ne sont pas les œuvres nouvelles
+qui font que l'homme est régénéré... Les œuvres n'ont pas de justice
+par elles-mêmes aux yeux de Dieu, quoiqu'elles ornent et glorifient
+accidentellement l'homme qui les fait... En somme, les croyans sont
+une création nouvelle, un arbre nouveau. Toutes ces manières de dire
+usitées dans la Loi, telles que: «Le croyant _doit_ faire de bonnes
+œuvres, ne nous conviennent donc plus. On ne dit pas: Le soleil _doit
+luire_, un bon arbre _doit_ porter de bons fruits, trois et sept
+_doivent_ faire dix. Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui
+commande; le bon arbre porte de même ses bons fruits; trois et sept
+ont de tout temps fait dix; il n'est pas besoin de le commander pour
+l'avenir.
+
+Le passage suivant est plus exprès encore. «Je pense qu'il n'y a point
+de qualité qui s'appelle foi ou amour, comme le disent les rêveurs et
+les sophistes, mais je reporte cela entièrement au Christ, et je dis
+_mea formalis justitia_ (la justice certaine, permanente, parfaite,
+dans laquelle il n'y a ni manque, ni défaut; celle qui est comme elle
+doit être devant Dieu), cette justice c'est le Christ, mon seigneur.
+(Tischr., p. 133.)
+
+Ce passage est un de ceux qui font le plus fortement sentir le rapport
+intime de la doctrine de Luther avec le système d'identification
+absolue. On conçoit que la philosophie allemande ait abouti à Schelling
+et à Hegel.
+
+
+ [a69] Page 152.
+
+Les papistes se moquaient beaucoup des quatre nouveaux Évangiles. Celui
+de Luther, qui condamne les œuvres; celui de Kuntius, qui rebaptise
+les adultes; celui d'Othon de Brunfels, qui ne regarde l'Écriture
+que comme un pur récit cabalistique, _surda sine spiritu narratio_;
+enfin, celui des mystiques (Cochlæus, p. 165.) Ils auraient pu y
+joindre celui du docteur Paulus Ricius, médecin juif, qui fit paraître,
+pendant la diète de Ratisbonne, un petit livre où Moïse et saint Paul
+montraient, dans un dialogue, comment toutes les opinions religieuses
+qui excitaient tant de disputes pouvaient être conciliées.
+
+
+ [a70] Page 155, ligne 6.—_J'ai vu dans l'air un petit nuage de
+ feu... Dieu est irrité..._
+
+«La comète me donne à penser que quelque malheur menace l'Empereur et
+Ferdinand. Elle a tourné sa queue d'abord vers le nord, puis vers le
+sud, désignant ainsi les deux frères. (oct. 1531.)
+
+
+ [a71] Page 156, ligne 24.—_Michel Stiefel croit être le
+ septième ange..._
+
+«Michel Stiefel, avec sa septième trompette, nous prophétise le jour du
+jugement pour cette année, vers la Toussaint.» (26 août 1533.)
+
+
+ [a72] Page 162, _fin du chapitre_.
+
+Il se moque de l'importance donnée aux cérémonies extérieures dans
+une lettre à George Duchholzer, ecclésiastique de Berlin, qui lui
+avait demandé son avis sur la réforme récemment introduite dans le
+Brandebourg: «..... Pour ce qui est de la chasuble, des processions et
+autres choses extérieures que votre prince ne veut pas abolir, voici
+mon conseil: S'il vous accorde de prêcher l'Évangile de Jésus-Christ
+purement et sans additions humaines, d'administrer le baptême et la
+communion tels que Christ les a institués, de supprimer l'adoration
+des saints et les messes des morts, de renoncer à bénir l'eau, le
+sel et les herbes, de ne plus porter les saints-sacremens dans les
+processions, enfin s'il n'y fait chanter que des cantiques purs de
+toute doctrine humaine: faites les cérémonies qu'il demande, à la garde
+de Dieu, portez une croix d'or ou d'argent, une chape, une chasuble
+de velours, de soie, de toile et tout ce que vous voudrez. Si votre
+seigneur ne se contente pas d'une seule chape ou chasuble, mettez-en
+trois, comme le grand prêtre Aaron qui mettait trois robes l'une sur
+l'autre, toutes belles et magnifiques. Si sa Grâce électorale n'a pas
+assez d'une seule procession que vous ferez avec chant et tintamarre,
+faites-la sept fois, comme Josué et les enfans d'Israël allèrent sept
+fois autour de Jéricho en criant et sonnant des trompettes. Et pour
+peu que cela amuse sa Grâce électorale, elle n'a qu'à ouvrir elle-même
+la marche, et danser devant les autres, au son des harpes, des
+timbales et des sonnettes, comme fit David devant l'arche du Seigneur
+à Jérusalem; je ne m'y oppose point. Ces choses, quand l'abus ne s'y
+mêle point, n'ajoutent, n'ôtent rien à l'Évangile. Mais il faut se
+garder d'en faire des nécessités, des chaînes pour la conscience. Si
+seulement je pouvais en venir là avec le pape et ses adhérens, ah!
+que je remercierais Dieu! Vraiment, si le pape me cédait ce point, il
+pourrait me dire de porter je ne sais quoi, que je le porterais pour
+lui faire plaisir..... Pardonnez-moi, mon cher ami, de vous répondre
+si brièvement aujourd'hui; j'ai la tête si faible, qu'il m'en coûte
+d'écrire...» (4 décembre 1539.)
+
+
+ [a73] Page 177, ligne 18.—_Elle tomba raide..._
+
+«Une servante avait eu, pendant bien des années un invisible esprit
+familier qui s'asseyait près d'elle au foyer, où elle lui avait fait
+une petite place, s'entretenant avec lui pendant les longues nuits
+d'hiver. Un jour la servante pria Heinzchen (elle nommait ainsi
+l'esprit) de se laisser voir dans sa véritable forme. Mais Heinzchen
+refusa de le faire. Enfin, après de longues instances, il y consentit,
+et dit à la servante de descendre dans la cave, où il se montrerait.
+La servante prit un flambeau, descendit dans le caveau, et là, dans un
+tonneau ouvert, elle vit un enfant mort qui flottait au milieu de son
+sang. Or, longues années auparavant, la servante avait mis secrètement
+un enfant au monde, l'avait égorgé, et l'avait caché dans un tonneau.»
+(Tischreden, page 222, trad. d'Henri Heine. Voy. son bel article sur
+Luther, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834.)
+
+
+ [a74] Page 182, ligne 15.—_Ils saisissaient la tête..._
+
+«L'ennemi de tout bien et de toute santé (le diable), chevauche
+quelquefois à travers ma tête, de manière à me rendre incapable de lire
+ou d'écrire la moindre des choses.» (28 mars 1532.)
+
+
+ [a75] Page 183, ligne 9.—_Le diable n'est pas, à la vérité, un
+ docteur qui a pris ses grades..._
+
+«C'est une chose merveilleuse, dit Bossuet, de voir combien
+sérieusement et vivement il décrit son réveil, comme en sursaut, au
+milieu de la nuit, l'apparition manifeste du diable pour disputer
+contre lui. La frayeur dont il fut saisi, sa sueur, son tremblement
+et son horrible battement de cœur dans cette dispute; les pressans
+argumens du démon qui ne laisse aucun repos à l'esprit; le son de sa
+puissante voix; ses manières de disputer accablantes, où la question et
+la réponse se font sentir à la fois. Je sentis alors, dit-il, comment
+il arrive si souvent qu'on meure subitement vers le matin: c'est que le
+diable peut tuer et étrangler les hommes, et sans tout cela, les mettre
+si fort à l'étroit par ses disputes, qu'il y a de quoi en mourir, comme
+je l'ai plusieurs fois expérimenté.» (_De abrogandâ missâ privatâ_, t.
+VII, 222, trad. de Bossuet. Variations, II, p. 203.)
+
+
+ [a76] Page 201, ligne 8.—_Après avoir prêché à Smalkalde..._
+
+Il écrivit à sa femme sur cette maladie: «... J'ai été comme mort;
+je t'avais déjà recommandée, toi et nos enfans, à Dieu et à notre
+Seigneur, dans la pensée que je ne vous reverrais plus; j'étais bien
+ému en pensant à vous; je me voyais déjà dans la tombe. Les prières et
+les larmes de gens pieux qui m'aiment, ont trouvé grâce devant Dieu.
+Cette nuit a tué mon mal, me voilà comme rené...» (27 février 1537.)
+
+Luther éprouva une rechute dangereuse à Wittemberg. Obligé de rester
+à Gotha, il se croyait près de la mort. Il dicta à Bugenhagen, qui
+était avec lui, sa dernière volonté. Il déclara qu'il avait combattu la
+papauté selon sa conscience, et demanda pardon à Mélanchton, à Jonas et
+à Cruciger des offenses qu'il pouvait leur avoir faites. (Ukert, t. I,
+p. 325.)
+
+
+ [a77] Page 202, ligne 2.—_Ma véritable maladie..._
+
+Luther fut atteint de bonne heure de la pierre; cette maladie le
+faisait cruellement souffrir. Il fut opéré le 27 février 1537.
+
+«Je commence à entrer en convalescence, avec la grâce de Dieu, je
+rapprends à boire et à manger, quoique mes jambes, mes genoux, mes os
+tremblent, et que je me porte à peine. (21 mars 1537.)
+
+»Je ne suis, même sans parler des maladies et de la vieillesse, qu'un
+cadavre engourdi et froid.» (6 décembre 1537.)
+
+
+ [a78] Page 215, ligne 10.—_Les comtes de Mansfeld..._
+
+Il avait essayé en vain de réconcilier les comtes de Mansfeld. «Si l'on
+veut, dit-il, faire entrer dans une maison un arbre coupé, il ne faut
+pas le prendre par la tête; toutes les branches l'arrêteraient à la
+porte. Il faut le prendre par la racine, et les branches plieront pour
+entrer. (Tischreden, p. 355.)
+
+
+ [a79] Page 222.—_A la fin du chapitre._
+
+Nous réunissons ici plusieurs particularités relatives à Luther.
+
+Érasme dit de lui: «On loue unanimement les mœurs de cet homme; c'est
+un grand témoignage que ses ennemis même n'y trouvent pas matière à la
+calomnie.» (Ukert, t. II, page 5.)
+
+Luther aimait les plaisirs simples: il faisait souvent de la musique
+avec ses commensaux et jouait aux quilles avec eux.—Mélanchton dit
+de lui: «Quiconque l'aura connu et fréquenté familièrement, avouera
+que c'était un excellent homme, doux et aimable en société, nullement
+opiniâtre ni ami de la dispute. Joignez à cela la gravité qui convenait
+à son caractère.—S'il montrait de la dureté en combattant les ennemis
+de la vraie doctrine, ce n'était point malignité de nature, mais ardeur
+et passion pour la vérité.» (Ukert, t. II, p. 12.)
+
+
+«Bien qu'il ne fût ni d'une petite stature ni d'une complexion faible,
+il était d'une extrême tempérance dans le boire et le manger. Je l'ai
+vu étant en pleine santé, passer quatre jours entiers sans prendre
+aucun aliment, et souvent se contenter, dans une journée entière, d'un
+peu de pain et d'un hareng pour toute nourriture.» (_Vie de Luther_,
+par Mélanchton.)
+
+
+Mélanchton dit dans ses Œuvres posthumes: «Je l'ai souvent trouvé,
+moi-même, pleurant à chaudes larmes, et priant Dieu ardemment pour le
+salut de l'Église. Il consacrait, chaque jour, quelque temps à dire des
+psaumes et à invoquer Dieu de toute la ferveur de son âme.» (Ukert, t.
+II, p. 7.)
+
+
+Luther dit de lui-même: «Si j'étais aussi éloquent et aussi riche en
+paroles qu'Érasme, aussi bon helléniste que Joachim Camérarius, aussi
+savant en hébreu que Forscherius, et aussi un peu plus jeune, ah! quels
+travaux je ferais!» (Tischreden, p. 447.)
+
+
+«Le licencié Amsdorf est naturellement théologien. Les docteur
+Creuziger et Jonas le sont par art et réflexion. Mais moi et le docteur
+Pomer, nous donnons peu de prise dans la dispute.» (Tischreden, p. 425.)
+
+
+A Antoine Unruche, juge à Torgau «... Je vous remercie de tout mon
+cœur, cher Antoine, d'avoir pris en main la cause de Marguerite Dorst,
+et de n'avoir pas souffert que ces insolens hobereaux enlevassent à
+la pauvre femme le peu qu'elle a. Vous savez que le docteur Martin
+n'est pas seulement théologien et défenseur de la foi, mais aussi
+le soutien du droit des pauvres gens qui viennent de tous côtés lui
+demander ses conseils et son intercession auprès des autorités. Il sert
+volontiers les pauvres, comme vous faites vous-même, vous et ceux qui
+vous ressemblent. Tous les juges devraient être comme vous. Vous êtes
+pieux, vous craignez Dieu, vous aimez sa parole; aussi Jésus-Christ ne
+vous oubliera-t-il pas...» (12 juin 1538.)
+
+
+Luther écrit à sa femme au sujet d'un vieux domestique qui allait
+quitter sa maison: «Il faut congédier notre vieux Jean honorablement;
+tu sais qu'il nous a toujours servis loyalement, avec zèle, et comme
+il convenait à un serviteur chrétien. Combien n'avons-nous pas donné
+à des vauriens, à des étudians ingrats, qui ont fait un mauvais usage
+de notre argent? Il ne faut donc pas lésiner, dans cette occasion, à
+l'égard d'un si honnête serviteur, chez lequel notre argent sera placé
+d'une manière agréable à Dieu. Je sais bien que nous ne sommes pas
+riches; je lui donnerais volontiers dix florins si je les avais; en
+tous cas, ne lui en donne pas moins de cinq, car il n'est pas habillé.
+Ce que tu pourras faire de plus, fais-le, je t'en prie. Il est vrai
+que la caisse de la ville devrait bien aussi lui donner quelque chose,
+parce qu'il a fait toutes sortes de services dans l'église; qu'ils
+agissent comme ils voudront. Vois de quelle manière tu pourras avoir
+cet argent. Nous avons un gobelet d'argent à mettre en gage. Dieu ne
+nous abandonnera pas, j'en suis sûr. Adieu.» (17 février 1532.)
+
+
+«Le prince m'a donné un anneau d'or; mais afin que je visse bien que
+je n'étais pas né pour porter de l'or, l'anneau est aussitôt tombé de
+mon doigt (car il est un peu trop large). J'ai dit: Tu n'es qu'un ver
+de terre, et non un homme. Il fallait donner cet or à Faber, à Eckius;
+pour toi, du plomb, une corde au cou te conviendraient davantage.» (15
+septembre 1530.)
+
+
+L'Électeur, établissant une contribution pour la guerre des Turcs,
+en avait fait exempter Luther. Il lui répondit qu'il acceptait cette
+faveur pour ses deux maisons, dont l'une (l'ancien couvent) lui coûtait
+beaucoup d'entretien sans rien rapporter, et dont l'autre n'était pas
+payée encore. «Mais, continue-t-il, je prie votre Grâce électorale,
+en toute soumission, de permettre que je contribue pour mes autres
+biens. J'ai encore un jardin estimé à cinq cents florins, une terre à
+quatre-vingt-dix, et un petit jardin qui en vaut vingt. J'aimerais bien
+à faire comme les autres, à combattre le Turc de mes liards, à ne pas
+être exclu de l'armée qui doit nous sauver. Il y en a déjà assez qui ne
+donnent pas volontiers; je ne voudrais pas faire des envieux. Il vaut
+mieux qu'on ne puisse se plaindre, et que l'on dise: Le docteur Martin
+est aussi obligé de payer.» (26 mars 1542.)
+
+
+A l'électeur Jean. «Grâce et paix en Jésus-Christ. Sérénissime
+seigneur! j'ai long-temps différé de remercier votre Grâce des habits
+qu'elle a bien voulu m'envoyer; je le fais par la présente de tout mon
+cœur. Cependant je prie humblement votre Grâce de ne pas en croire
+ceux qui me présentent comme dans le dénûment. Je ne suis déjà que trop
+riche selon ma conscience; il ne me convient pas, à moi, prédicateur,
+d'être dans l'abondance, je ne le souhaite ni ne le demande.—Les
+faveurs répétées de votre Grâce commencent vraiment à m'effrayer. Je
+n'aimerais pas à être de ceux à qui Jésus-Christ dit: Malheur à vous,
+riches, parce que vous avez déjà reçu votre consolation! Je ne voudrais
+pas non plus être à charge à votre Grâce, dont la bourse doit s'ouvrir
+sans cesse pour tant d'objets importans. C'était donc déjà trop de
+l'étoffe brune qu'elle m'a envoyée; mais, pour ne pas être ingrat, je
+veux aussi porter en son honneur l'habit noir, quoique trop précieux
+pour moi; si ce n'était un présent de votre Grâce électorale, je
+n'aurais jamais voulu porter un pareil habit.
+
+»Je supplie en conséquence votre Grâce de vouloir bien dorénavant
+attendre que je prenne la liberté de demander quelque chose. Autrement
+cette prévenance de sa part m'ôterait le courage d'intercéder
+auprès d'elle pour d'autres qui sont bien plus dignes de sa faveur.
+Jésus-Christ récompensera votre âme généreuse: c'est la prière que je
+fais de tout mon cœur. Amen.» (17 août 1529.)
+
+
+Jean-le-Constant avait fait présent à Luther de l'ancien couvent
+des Augustins à Wittemberg.—L'électeur Auguste le racheta de ses
+héritiers, en 1564, pour le donner à l'université. (Ukert, t. I, p.
+347.)
+
+
+_Lieux habités par Luther et objets qu'on a conservés de lui._—La
+maison dans laquelle Luther naquit n'existe plus; elle fut brûlée
+en 1689.—A la Wartbourg, on montre encore sur le mur une tache
+d'encre que Luther aurait faite en jetant son écritoire à la tête du
+diable.—On a conservé aussi la cellule qu'il occupait au couvent de
+Wittemberg, avec différens meubles qui lui appartenaient. Les murs de
+cette cellule sont couverts de noms de visiteurs. On remarque celui de
+Pierre-le-Grand écrit sur la porte.—A Cobourg, l'on voit la chambre
+qu'il habitait pendant la diète d'Augsbourg (1530).
+
+
+Luther portait au doigt une bague d'or, émaillée, sur laquelle on
+voyait une petite tête de mort avec ces mots: _Mori sæpe cogita_;
+autour du chaton était écrit: _O mors, ero mors tua_. Cette bague est
+conservée à Dresde, ainsi qu'une médaille en argent dorée, que la femme
+de Luther portait au cou. Dans cette médaille, un serpent se dresse
+sur les corps des Israélites, avec ces mots: _Serpens exaltatus typus
+Christi crucifixi_. Le revers présente Jésus-Christ sur la croix avec
+cette légende: _Christus mortuus est pro peccatis nostris_. D'un côté
+on lit encore: _D. Mart. Luter Caterinæ suæ dono. D. H. F._; et de
+l'autre: _Quæ nata est anno 1499, 29 januarii_.
+
+
+Il avait lui-même un cachet dont il a donné la description dans une
+lettre à Lazare Spengler: «Grâce et paix en Jésus-Christ.—Cher
+seigneur et ami! vous me dites que je vous ferais plaisir en vous
+expliquant le sens de ce qu'on voit sur mon sceau. Je vais donc
+vous indiquer ce que j'ai voulu y faire graver, comme symbole de ma
+théologie. D'abord, il y a une croix noire avec un cœur au milieu.
+Cette croix doit me rappeler que la foi au Crucifié nous sauve: qui
+croit en lui de toute son âme est justifié. Cette croix est noire
+pour indiquer la mortification, la douleur par laquelle le chrétien
+doit passer. Le cœur néanmoins conserve sa couleur naturelle; car la
+croix n'altère pas la nature, elle ne tue pas, elle vivifie. _Justus
+fide vivit, sed fide crucifixi._ Le cœur est placé au milieu d'une
+rose blanche, qui indique que la foi donne la consolation, la joie et
+la paix; la rose est blanche et non rouge, parce que ce n'est point
+la joie et la paix du monde, mais celle des esprits: le blanc est la
+couleur des esprits, et de tous les anges. La rose est dans un champ
+d'azur, pour montrer que cette joie dans l'esprit et dans la foi est un
+commencement de la joie céleste qui nous attend; celle-ci y est déjà
+comprise, elle existe déjà en espoir, mais le moment de la consommation
+n'est pas encore venu. Dans ce champ vous voyez aussi un cercle
+d'or. Il indique que la félicité dans le ciel durera éternellement,
+et qu'elle est supérieure à toute autre joie, à tout autre bien,
+comme l'or est le plus précieux des métaux.—Que Jésus-Christ, notre
+seigneur, soit avec vous jusque dans la vie éternelle. Amen. De mon
+désert de Cobourg, 8 juillet 1530.»
+
+
+A Altenbourg, l'on a conservé long-temps un verre de table dans lequel
+Luther avait bu la dernière fois qu'il visita son ami Spalatin. (Ukert,
+t. I, page 245 et suiv.)
+
+
+
+
+RENVOIS DU TOME TROISIÈME.
+
+ Renvoi Page ligne
+ [r1] 3, 19. _Otto Pack._—Cochlæus, 171.
+ [r2] 4, 11. _Cette ligue._—Ukert, 216.
+ [r3] 5, 15. _Tu crains que._—Luther Werke, t. IX, 231.
+ [r4] 6, 24. _Mémoire de Luther._—_Ibid._ t. IX, 297.
+ [r5] 20, 23. _L'Espagnol disait._—_Ibid._ t. IX, 414.
+ [r6] 23, 14. _Luther écrit._—_Ibid._ t. IX, 459.
+ [r7] 29, 15. _Comment l'Évangile._—_Ibid._ t. II, 391, 199.
+ [r8] 35, 17. _Nouvelle sur les Anabaptistes._—_Ibid._
+ t. II, 328.
+ [r9] 40, 20. _Les anabaptistes soumis._—_Ibid._ t. II, 365.
+ [r10] 42, 4. _Entretien._—_Ibid._ t. II, 376.
+ [r11] 49, 11. _Le 19 janvier._—_Ibid._ t. II, 400.
+ [r12] 51, 3. _Préface de Luther._—_Ibid._ t. II, 332.
+ [r13] 60, 14. _Les instructions._—Bossuet en a donné le texte
+ dans son histoire des _Variations de l'Église
+ protestante_.—t. I, 328, 199.
+ [r14] 72, 3. _Celui qui insulte._—Tischr. 241.
+ [r15] 72, 8. _Le droit saxon._—_Ibid._ 315 _bis_.
+ [r16] 72, 14. _Il n'y a point de doute._—_Ibid._ 116.
+ [r17] 72, 22. _On disait à Luther._—_Ibid._ 312 _bis_.
+ [r18] 73, 11. _Lettre à un ami._—_Ibid._ 313 _bis_.
+ [r19] 73, 20. _Il n'est guère plus possible._—_Ibid._ 315 _bis_.
+ [r20] 74, 4. _La plus grande grâce._—_Ibid._ 313.
+ [r21] 74, 20. _Au jour de la._—_Ibid._ 316 _bis_.
+ [r22] 75, 6. _Le docteur M._—_Ibid._ 320.
+ [r23] 75, 18. _En 1541._—_Ibid._ 264 _bis_.
+ [r24] 76, 4. _La première année._—_Ibid._ 313 _bis_.
+ [r25] 76, 19. _Lucas Cranach._—_Ibid._ 314.
+ [r26] 77, 19. _On trouve l'image._—_Ibid._ 312 _bis_.
+ [r27] 78, 6. _Les petits enfans._—_Ibid._ 42 _bis_.
+ [r28] 78, 3. _On amena._—_Ibid._ 124.
+ [r29] 78, 20. _Servez._—_Ibid._ 10 _bis_.
+ [r30] 79, 3. _Au premier jour._—_Ibid._ 314 _bis_.
+ [r31] 79, 13. _Après qu'il eut._—_Ibid._ 47.
+ [r32] 79, 21. _Il disait à son._—_Ibid._ 49 _bis_.
+ [r33] 79, 25. _Les enfans sont les plus heureux._—_Ibid._ 134.
+ [r34] 80, 10. _Une autre fois._—_Ibid._ 134 _bis_.
+ [r35] 80, 19. _Comme maître._—_Ibid._ 45 _bis_.
+ [r36] 81, 1. _Quels ont dû être._—_Ibid._ 47.
+ [r37] 81, 17. _Il est touchant._—_Ibid._ 42-43 _passim_.
+ [r38] 81, 24. _Le 9 avril 1539._—_Ibid._ 363.
+ [r39] 82, 16. _Le 18 avril._—_Ibid._ 423.
+ [r40] 83, 13. _Supportons._—Lettre V, 726.
+ [r41] 83, 22. _Un soir._—Tischr. 43 _bis_.
+ [r42] 84, 1. _Vers le soir._—_Ibid._ 24 _bis_.
+ [r43] 85, 10. _Le petit enfant._—Tischred. 32, verso.
+ [r44] 86, 23. _Dans les choses divines._—_Ibid._ 69.
+ [r45] 87, 14. _Le décalogue._—_Ibid._ 112, verso.
+ [r46] 87, 18. _On demandait au docteur._—_Ibid._ 362.
+ [r47] 88, 1. _Cicéron._—_Ibid._ 425.
+ [r48] 88, 12. _On demandait à Luther._—_Ibid._ 106.
+ [r49] 88, 25. _Le docteur soupirait._—_Ibid._ 11, verso.
+ [r50] 89, 11. _Autrefois._—_Ibid._ 311.
+ [r51] 89, 21. _Que sont les saints._—Cochlæus, Vie de Luther,
+ 226.
+ [r52] 90, 10. _Nos adversaires._—Tischred. 447.
+ [r53] 90, 18. _Pourquoi enseigne-t-on?_—Luth. Werke, t. II, 16.
+ [r54] 92, 8. _Le Pater noster._—Tischreden, 153.
+ [r55] 93, 3. _L'évangile de saint Jean._—Ukert, 18.
+ [r56] 95, 28. _Ambroise._—Tischreden, 383.
+ [r57] 96, 7. _Saint Augustin._—_Ibid._ 98.
+ [r58] 97, 11. _Les nominaux._—_Ibid._ 384.
+ [r59] 98, 15. _Le D. Staupitz._—_Ibid._ 385.
+ [r60] 99, 11. _Jean Huss._—_Ibid._ 386.
+ [r61] 99, 26. _Jean Huss était._—_Ibid._ 127.
+ [r62] 100, 4. _La tête de l'antichrist._—_Ibid._ 241.
+ [r63] 100, 6. _C'est ma pauvre condition._—_Ibid._ 249.
+ [r64] 100, 18. _Les papistes._—_Ibid._ 255.
+ [r65] 100, 28. _Le pape le dit._—_Ibid._ 259.
+ [r66] 101, 6. _D'autres ont attaqué les mœurs._—_Ibid._ 192.
+ [r67] 101, 10. _Des conciles._—_Ibid._ 371-76.
+ [r68] 102, 14. _Des biens ecclésiastiques._—_Ibid._ 380.
+ [r69] 103, 17. _Le proverbe a raison._—_Ibid._ 60.
+ [r70] 104, 7. _En Italie._—_Ibid._ 275.
+ [r71] 104, 26. _Dans les disputes._—_Ibid._ 271.
+ [r72] 105, 3. _La moinerie._—_Ibid._ 272.
+ [r73] 123, 4. _Oh! combien je tremblais._—_Ibid._ 181.
+ [r74] 124, 9. _Je n'aime pas que Philippe._—_Ibid._ 197.
+ [r75] 124, 14. _Le docteur Jonas lui disait._—_Ibid._ 113.
+ [r76] 124, 24. _Je veux que l'on enseigne._—_Ibid._ 116.
+ [r77] 125, 4. _Le docteur Erasmus Alberus._—_Ibid._ 184.
+ [r78] 125, 16. _Albert Dürer._—_Ibid._ 425.
+ [r79] 125, 20. _Oh! que j'eusse été heureux._—Luth. Werke,
+ t. IX, 245.
+ [r80] 125, 27. _Rien n'est plus agréable._—Tischreden, 182.
+ [r81] 126, 3. _Parmi les qualités._—_Ibid._ 183.
+ [r82] 126, 7. _Dans le traité._—Seckendorf, livre I, 202.
+ [r83] 128, 4. _Le docteur Luther disait._—Tischreden, 105.
+ [r84] 128, 8. _Si je meurs._—_Ibid._ 356.
+ [r85] 128, 13. _Dans la colère._—_Ibid._ 145.
+ [r86] 131, 4. _Il n'est pas d'alliance._—_Ibid._ 331.
+ [r87] 132, 19. _La nouvelle étant venue._—_Ibid._ 274.
+ [r88] 134, 12. _La nuit qui précéda la mort._—_Ibid._ 360.
+ [r89] 138, 3. _Il vaut mieux._—_Ibid._ 347.
+ [r90] 139, 13. _Le droit est une belle fiancée._—_Ibid._ 273.
+ [r91] 139, 28. _Avant moi, il n'y a eu._—_Ibid._ 402.
+ [r92] 142, 22. _Voilà comme agissent._—_Ibid._ 403.
+ [r93] 143, 12. _Bon peuple, veuillez agréer._—_Ibid._ 407.
+ [r94] 145, 11. _Je suis maintenant._—_Ibid._ 102.
+ [r95] 146, 8. _La loi sans doute._—_Ibid._ 128.
+ [r96] 146, 17. _Pour me délivrer entièrement._—Tischreden, 133.
+ [r97] 147, 1. _Il n'est qu'un seul point._—_Ibid._ 140.
+ [r98] 147. _Luther en parlant._—_Ibid._ 147.
+ [r99] 147, 8. _Le diable veut seulement._—_Ibid._ 142.
+ [r100] 147, 15. _Un docteur anglais._—_Ibid._ 144.
+ [r101] 148, 1. _Pour résister._—_Ibid._ 124.
+ [r102] 149, 8. _Dieu dit à Moïse._—_Ibid._ 125.
+ [r103] 153, 6. _Le docteur Martin Luther disait au
+ sujet._—_Ibid._ 292.
+ [r104] 153, 11. _Quand je commençai à écrire._—_Ibid._ 193.
+ [r105] 153, 22. _En 1521, il vint chez moi._—_Ibid._ 282.
+ [r106] 155, 27. _Maître Stiefel._—_Ibid._ 367.
+ [r107] 156, 26. _Bileas._—_Ibid._ 192.
+ [r108] 157, 4. _Le docteur Jeckel._—_Ibid._ 287.
+ [r109] 158, 1. _Le docteur Luther faisant reproche._—_Ibid._ 290.
+ [r110] 158, 19. _Des antinomiens._—_Ibid._ 287.
+ [r111] 159, 15. _Qui aurait pensé._—_Ibid._ 288.
+ [r112] 160, 8. _J'ai eu tant de confiance._—_Ibid._ 291.
+ [r113] 161, 1. _En 1540, Luther._—_Ibid._ 129.
+ [r114] 161, 22. _Maître Jobst._—_Ibid._ 124.
+ [r115] 162, 12. _Si au commencement._—_Ibid._ 125.
+ [r116] 163, 4. _Maître Philippe dit._—_Ibid._ 445.
+ [r117] 164, 4. _Philippe me demandait._—_Ibid._ 29.
+ [r118] 164, 8. _Si Philippe n'eût pas été._—_Ibid._ 195.
+ [r119] 164, 11. _Le Paradis de Luther._—_Ibid._ 305.
+ [r120] 164, 21. _Les paysans ne sont pas dignes._—_Ibid._ 52.
+ [r121] 164, 28. _Le docteur Jonas._—_Ibid._ 137.
+ [r122] 165, 14. _Un méchant et horrible._—_Ibid._ 70.
+ [r123] 165, 22. _La femme du docteur._—_Ibid._ 150.
+ [r124] 166, 2. _Le docteur exhortait sa femme._—_Ibid._
+ [r125] 166, 22. _Le pater noster._—_Ibid._ 135.
+ [r126] 166, 25. _J'aime ma Catherine._—_Ibid._ 140.
+ [r127] 169, 3. _Une jeune fille._—_Ibid._ 92, verso.
+ [r128] 169, 9. _Un pasteur._—_Ibid._ 208.
+ [r129] 172, 5. _Il y a des lieux._—_Ibid._ 212.
+ [r130] 172, 18. _Un jour de grand orage._—_Ibid._ 219.
+ [r131] 173, 3. _Suivent deux histoires._—_Ibid._ 214.
+ [r132] 173, 11. _Le diable promène._—_Ibid._ 213.
+ [r133] 173, 18. _Aux Pays-Bas et en Saxe._—_Ibid._ 221.
+ [r134] 173, 21. _Les moines conduisaient._—_Ibid._ 222.
+ [r135] 173, 24. _On racontait à table._—_Ibid._ 205.
+ [r136] 174, 8. _Un vieux curé._—_Ibid._ 205.
+ [r137] 175, 14. _Une autre fois, Luther._—_Ibid._ 205.
+ [r138] 176, 23. _Il y avait à Erfurth._—_Ibid._ 215.
+ [r139] 177, 18. _Le docteur Luc Gauric._—_Ibid._ 216.
+ [r140] 177, 21. _Le diable peut se changer._—_Ibid._ 216.
+ [r141] 182, 9. _Le docteur Luther devenu plus âgé._—_Ibid._ 222.
+ [r142] 182, 16. _Cela m'est arrivé._—_Ibid._ 220.
+ [r143] 182, 23. _Je sais, grâce à Dieu._—_Ibid._ 224.
+ [r144] 183, 9. _Le Diable n'est pas._—_Ibid._ 202.
+ [r145] 183, 20. _Au mois de janvier 1532._—Ukert, t. I, 320.
+ [r146] 184, 8. _Ma maladie qui consiste._—Tischreden, 210.
+ [r147] 184, 13. _En 1536, il maria._—Ukert, t. I, 322.
+ [r148] 184, 20. _Pendant que le docteur Luther._—Tischreden, 229.
+ [r149] 185, 8. _Quand le diable me trouve._—_Ibid._ 8.
+ [r150] 186, 1. _La nuit, quand je me réveille._—_Ibid._ 218.
+ [r151] 186, 6. _Aujourd'hui comme je._—_Ibid._ 220.
+ [r152] 186, 15. _Un jour que l'on parlait à souper._—_Ibid._ 12.
+ [r153] 187, 1. _Le diable me fait regarder._—_Ibid._ 220.
+ [r154] 187, 4. _Le diable nous a juré._—_Ibid._ 362.
+ [r155] 187, 6. _La tentation de la chair._—_Ibid._ 318.
+ [r156] 187, 13. _Si je tombe._—_Ibid._ 226.
+ [r157] 187, 19. _Le grain d'orge a bien à souffrir._—_Ibid._ 216.
+ [r158] 188, 15. _Quand le diable vient._—_Ibid._ 227.
+ [r159] 189, 4. _On peut consoler._—_Ibid._ 231.
+ [r160] 189, 10. _La meilleure médecine._—_Ibid._ 238.
+ [r161] 189, 19. _Préface du docteur._—Luth. Werke, t. II, 1.
+ [r162] 200, 3. _Le mal de dents._—Tischreden, 356.
+ [r163] 200, 12. _Un homme se plaignait._—_Ibid._ 357.
+ [r164] 201, 8. _Après avoir prêché._—_Ibid._ 362.
+ [r165] 203, 3. _Si j'avais su._—_Ibid._ 6.
+ [r166] 203, 8. _On disait une fois._—_Ibid._ 5.
+ [r167] 203, 18. _On disait un jour._—_Ibid._ 5, verso.
+ [r168] 204, 13. _C'est vous qui._—_Ibid._ 195, verso.
+ [r169] 204, 15. _Il sortit un jour._—_Ibid._ 189, verso.
+ [r170] 204, 17. _Le 16 février._—_Ibid._ 414.
+ [r171] 204, 23. _Le chancelier du comte._—_Ibid._ 19.
+ [r172] 205, 16. _Dieu a un beau jeu._—_Ibid._ 32, verso.
+ [r173] 205, 22. _Le monde._—_Ibid._ 448, verso.
+ [r174] 205, 26. _Luther._—_Ibid._ 449.
+ [r175] 206, 15. _Un des convives._—_Ibid._ 295.
+ [r176] 206, 23. _Il sera si mauvais sujet._—_Ibid._ 15.
+ [r177] 207, 3. _On parlait à table._—_Ibid._ 304. verso.
+ [r178] 207, 23. _Pauvres gens._—_Ibid._ 46.
+ [r179] 210, 17. _Je l'ai dit d'avance._—_Ibid._ 416.
+ [r180] 211, 7. _La vieille électrice._—_Ibid._ 361-2.
+ [r181] 211, 15. _Je voudrais._—_Ibid._ 147.
+ [r182] 211, 18. _16 février 1546._—_Ibid._ 362.
+ [r183] 211, 25. _Impromptu de Luther sur la fragilité._—_Ibid._
+ 358.
+ [r184] 212, 19. _Prédiction du Révérend._—Opera latina, Iena,
+ 1612, Ier vol. après la table des matières.
+ [r185] 303, 23. _Il n'y a jamais eu._—Tischreden, 243.
+ [r186] 304, 1. _Le Pape Jules IIe du nom._—_Ibid._ 242.
+ [r187] 304, 12. _Si j'avais été._—_Ibid._ 243.
+ [r188] 304, 17. _Le Pape Jules II, un homme._—_Ibid._ 269.
+ [r189] 304, 23. _L'an 1532._—_Ibid._ 341.
+ [r190] 305, 1. _Lorsque ceux de Bruges._—_Ibid._ 448.
+ [r191] 305, 27. _L'empereur Maximilien._—_Ibid._ 343.
+ [r192] 305, 22. _On dit que._—_Ibid._ 184, verso.
+ [r193] 306, 22. _Après l'élection._—_Ibid._ 53.
+ [r194] 307, 5. _La nouvelle vint._—_Ibid._ 349.
+ [r195] 307, 14. _Les rois de France._—_Ibid._ 349, verso.
+ [r196] 309, 17. _Sept universités._—_Ibid._ 348.
+ [r197] 309, 23. _Quelques-uns qui avaient._—_Ibid._ 348, verso.
+ [r198] 310, 3. _Le duc Georges._—_Ibid._ 265.
+ [r199] 310, 7. _Lorsque le duc George déclara._—_Ibid._ 156.
+ [r200] 310, 17. _Le duc George a sucé._—_Ibid._ 313, verso.
+ [r201] 310, 25. _Lorsque le duc George voyait._—_Ibid._ 142,
+ verso.
+ [r202] 312, 6. _L'électeur Frédéric._—_Ibid._ 451, verso.
+ [r203] 313, 3. _En 1525._—_Ibid._ 152.
+ [r204] 314, 8. _On dit que l'empereur._—_Ibid._ 353.
+ [r205] 315, 6. _Quoique le docteur Jonas._—_Ibid._ 354.
+ [r206] 317, 21. _Après la diète._—_Ibid._ 156.
+ [r207] 319, 4. _En Italie les hôpitaux._—_Ibid._ 145.
+ [r208] 320, 1. _Je ne manque point._—_Ibid._ 424.
+ [r209] 320, 14. _En Italie et en France._—_Ibid._ 281, verso.
+ [r210] 320, 18. _En France._—_Ibid._ 271, verso.
+ [r211] 320, 25. _Lorsque je vis Rome._—_Ibid._ 442.
+ [r212] 322, 1. _Il y avait en Italie._—_Ibid._ 269, verso.
+ [r213] 322, 6. _Un soir à la table._—_Ibid._ 442, verso.
+ [r214] 322, 15. _Christoff Gross._—_Ibid._ 441, verso.
+ [r215] 323, 4. _La peste règne toujours._—_Ibid._ 440, verso.
+ [r216] 324, 21. _Dans mon voyage._—_Ibid._ 166.
+ [r217] 324, 25. _George Siegeler._—_Ibid._ 184.
+ [r218] 325, 5. _La Thuringe._—_Ibid._ 62.
+ [r219] 325, 14. _L'électorat de Saxe._—_Ibid._ 269.
+ [r220] 325, 24. _Le vieil électeur._—_Ibid._ 61, verso.
+ [r221] 329. _Le Turc ira à Rome._—_Ibid._ 432.
+ [r222] 329, 7. _Le Christ a sauvé._—_Ibid._ 432.
+ [r223] 329, 15. _Qui m'eût dit._—_Ibid._ 436.
+ [r224] 329, 23. _Je ne compte point._—_Ibid._ 436, verso.
+ [r225] 329, 27. _Luther dit qu'après._ Luth. Werke,.—_Ibid._
+ t. II. 402.
+
+
+FIN DU TOME TROISIÈME.
+
+
+
+
+TABLE DU TROISIÈME VOLUME.
+
+
+ LIVRE III.—1529-1546 1
+
+ CHAP. 1er. 1529-1532. Les Turcs.—Danger de
+ l'Allemagne.—Augsbourg, Smalkalde.—Danger
+ du protestantisme. 1
+
+ CHAP. II. 1534-1536. Anabaptistes de Münster. 28
+
+ CHAP. III. 1536-1545. Dernières années de la vie de
+ Luther.—Polygamie du landgrave de Hesse, etc. 56
+
+
+ LIVRE IV.—1530-1546 71
+
+ CHAP. 1er. Conversations de Luther.—La famille, la femme,
+ les enfans.—La nature. 71
+
+ CHAP. II. La Bible.—Les Pères.—Les scolastiques.—Le pape.
+ Les conciles. 85
+
+ CHAP. III. Des écoles et universités et des arts libéraux. 100
+
+ CHAP. IV. Drames.—Musique.—Astrologie.—Imprimerie.—Banque,
+ etc. 114
+
+ CHAP. V. De la prédication.—Style de Luther.—Il avoue la
+ violence de son caractère. 123
+
+
+ LIVRE V. 131
+
+ CHAP. 1er. Mort du père de Luther, de sa fille, etc. 131
+
+ CHAP. II. De l'équité, de la Loi.—Opposition du théologien
+ et du juriste. 138
+
+ CHAP. III. La foi; la loi. 144
+
+ CHAP. IV. Des novateurs.—Mystiques, etc. 152
+
+ CHAP. V. Tentations.—Regrets et doutes des amis, de la femme;
+ doutes de Luther lui-même. 163
+
+ CHAP. VI. Le diable.—Tentations. 168
+
+ CHAP. VII. Maladies.—Désir de la mort et du jugement.—Mort,
+ 1546. 200
+
+ Additions et Éclaircissemens. 223
+
+ Renvois. 353
+
+
+FIN DE LA TABLE DU TOME TROISIÈME.
+
+
+
+
+ERRATA.
+
+
+ Page 2, ligne 12, au lieu de _regardent_, lisez _regardant_.
+ Page 9, ligne 21, au lieu de _le mieux_, lisez _mieux_.
+ Page 58, ligne 28, au lieu de _théologien_, lisez _théologiens_.
+ Page 252, ligne 17, au lieu de _digamie_, lisez _bigamie_.
+ Page 282, ligne 15, au lieu de _occurences_, lisez _occurrences_.
+ Page 287, ligne 10, au lieu de _heureux la mère_, lisez _heureuse
+ la mère_.
+ Page 308, ligne 10, au lieu de _de Pavie_, lisez _à Pavie_.
+ Page 316, ligne 1, au lieu de _ça été_, lisez _ç'a été_.
+ Page 317, ligne 20, au lieu de _parle parle_, lisez _parle_.
+ Page 327, ligne 22, au lieu de _demandez_, lisez _demander_.
+ Page 328, ligne 13, au lieu de _ambarras_, lisez _embarras_.
+
+
+ * * * * *
+
+
+ Corrections:
+
+ Pages 3, 353, 355: «Cochlœus» remplacé par «Cochlæus».
+ Page 28: «compagnonage» remplacé par «compagnonnage» (Le
+ mystique compagnonnage allemand).
+ Page 36: «dor» par «d'or» (trente et un chevaux couverts de
+ draps d'or).
+ Page 37: «cent» par «cents» (près de quatre mille deux cents).
+ Page 75: «de de» par «de» (Ne vous scandalisez pas de me voir).
+ Page 139: «barette» par «barrette» (doit ôter sa barrette devant
+ la théologie).
+ Page 209: «rassassié» remplacé par «rassasié» (On est rassasié
+ de la parole de Dieu).
+ Page 222: «sufffire» par «suffire» (que nous ayons pu y suffire).
+ Page 258: «deux» par «d'eux» (Que l'un d'eux avait commis un
+ meurtre).
+ Page 315: «pomptement» par «promptement» (il exécute
+ promptement).
+ Page 339: «Brandbourg» par «Brandebourg» (récemment introduite
+ dans le Brandebourg).
+ Page 340: «tintamare» par «tintamarre» (avec chant et tintamarre).
+ Page 353 «RENVOIS DU TOME TROISIÈME»: il faut sans doute lire
+ «RENVOIS DU TOME DEUXIÈME».
+ Page 360 (renvoi nº 160): ajouté «_Ibid._»
+ Page 361 (renvoi nº 176): au lieu de «Il sera si mauvais» il faut
+ sans doute lire «Il fera si mauvais»; ajouté «_Ibid._»
+ Page 366 Table des matières: au lieu de «TROISIÈME VOLUME» et
+ «TOME TROISIÈME» il faut sans doute lire «DEUXIÈME
+ VOLUME» et «TOME DEUXIÈME».
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Mémoires De Luther Écrits Par Lui-Même, by
+Martin Luther and Jules Michelet
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES DE LUTHER ***
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@@ -0,0 +1,8949 @@
+The Project Gutenberg EBook of Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme, by
+Martin Luther and Jules Michelet
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
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+
+Title: Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme
+ traduits et mis en ordre par M. Michelet
+
+Author: Martin Luther
+ Jules Michelet
+
+Release Date: January 7, 2014 [EBook #44617]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MMOIRES DE LUTHER ***
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+Produced by Laurent Vogel, Pierre Timmermans, Hans Pieterse
+and the Online Distributed Proofreading Team at
+http://www.pgdp.net (This file was produced from images
+generously made available by the Bibliothèque nationale
+de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
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+ Au lecteur.
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+ Ce livre lectronique reproduit intgralement le texte
+ original. Les erreurs signales par l'auteur (voir Errata) ont
+ t corriges. Quelques erreurs typographiques ont galement
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+ fin du texte. La ponctuation a t tacitement corrige par
+ endroits.
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+ Additions et claircissemens ont t numrots de a1 a79.
+ Les Renvois qui dans l'original sont regroups la fin du
+ livre, ont ici t numrots conscutivement de r1 r225 et
+ copis sous le paragraphe auquel ils se rapportent. Additions
+ et renvois ont t signals dans le texte.
+
+
+
+
+ MMOIRES
+ DE LUTHER
+
+
+
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+ IMPRIMERIE DE DUCESSOIS,
+ Quai des Augustins, 55.
+
+
+
+
+ MMOIRES
+
+ DE LUTHER
+
+
+ CRITS PAR LUI-MME,
+
+
+ TRADUITS ET MIS EN ORDRE
+ PAR M. MICHELET,
+ PROFESSEUR A L'COLE NORMALE, CHEF DE LA SECTION HISTORIQUE
+ AUX ARCHIVES DU ROYAUME,
+
+ suivis d'un
+ Essai sur l'Histoire de la Religion,
+ ET DES BIOGRAPHIES
+ DE WICLEFF, JEAN HUSS, RASME, MLANCHTON, HUTTEN,
+ ET AUTRES
+ PRDCESSEURS ET CONTEMPORAINS
+ DE LUTHER.
+
+
+ TOME DEUXIME.
+
+
+ PARIS.
+
+ CHEZ L. HACHETTE,
+ Libraire de l'Universit de France,
+ RUE PIERRE-SARRAZIN, 12.
+
+ 1837
+
+
+
+
+MMOIRES
+
+DE LUTHER
+
+
+LIVRE III.
+
+1529-1546.
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER.
+
+1529-1532.
+
+ Les Turcs. Danger de l'Allemagne.--Augsbourg, Smalkalde. Danger
+ du protestantisme.
+
+
+Luther fut tir de son abattement et ramen la vie active par les
+dangers qui menaaient la Rforme et l'Allemagne. Lorsque ce _flau de
+Dieu_, qu'il attendait avec rsignation comme le signe du Jugement,
+fondit en effet sur l'Allemagne, lorsque les Turcs[a1] vinrent camper
+devant Vienne, Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, et fit
+un livre contre les Turcs, qu'il ddia au landgrave de Hesse. Le 9
+octobre 1528 il crivit ce prince, pour lui exposer les motifs qui
+l'avaient dcid composer ce livre. Je ne puis me taire, dit-il;
+il est malheureusement parmi nous des prdicateurs qui font croire au
+peuple qu'on ne doit point s'occuper de la guerre des Turcs; il y en a
+mme d'assez extravagans pour prtendre, qu'en toutes circonstances,
+il est dfendu aux chrtiens d'avoir recours aux armes temporelles.
+D'autres encore, qui regardant le peuple allemand comme un peuple de
+brutes incorrigibles, vont jusqu' dsirer qu'il tombe au pouvoir des
+Turcs. Ces folies, ces horribles malices, sont imputes Luther et
+ l'vangile, comme, il y a trois ans, la rvolte des paysans, et en
+gnral tout le mal qui arrive dans le monde. Il est donc urgent que
+j'crive ce sujet, tant pour confondre les calomniateurs, que pour
+clairer les consciences innocentes sur ce qu'il faut faire contre le
+Turc...
+
+Nous avons appris hier que le Turc est parti de Vienne pour la
+Hongrie, par un grand miracle de Dieu. Car aprs avoir livr
+inutilement le vingtime assaut, il a ouvert la brche par une mine en
+trois endroits. Mais rien n'a pu ramener son arme l'attaque, Dieu
+l'avait frappe de terreur; ils aimaient mieux se laisser gorger
+par leurs chefs que de tenter ce dernier assaut. On croit qu'il s'est
+retir ainsi de peur des bombardes et de notre future arme; d'autres
+en jugent autrement. Dieu a manifestement combattu pour nous cette
+anne. Le Turc a perdu vingt-six mille hommes, et il a pri trois mille
+des ntres dans les sorties. J'ai voulu te communiquer ces nouvelles,
+afin que nous rendions grces et que nous priions ensemble. Car le
+Turc, devenu notre voisin, ne nous laissera pas ternellement la paix.
+(27 octobre 1529.)
+
+L'Allemagne tait sauve, mais le protestantisme allemand n'en tait
+que plus en pril. L'irritation des deux partis avait t porte au
+comble par un vnement antrieur l'invasion de Soliman. Si l'on
+en croit le biographe catholique de Luther, Cochlus, que nous avons
+dj cit, le chancelier du duc George, Otto Pack, supposa une ligue
+des princes catholiques contre l'lecteur de Saxe et le landgrave de
+Hesse[r1]; il apposa ce prtendu projet le sceau du duc George, puis
+livra ces fausses lettres au Landgrave qui, se croyant menac, leva
+une arme et s'unit troitement l'lecteur[a2].
+
+ [r1] Cochlus, 171.
+
+Les catholiques et surtout le duc George[a3] se dfendirent vivement
+d'avoir jamais song menacer l'indpendance religieuse des princes
+luthriens; ils rejetrent tout sur le chancelier qui n'avait fait
+peut-tre que divulguer les secrets desseins de son matre. Le docteur
+Pack[a4], captif volontaire du Landgrave, ce que je pense, est
+jusqu' prsent accus d'avoir form cette alliance des princes. Il
+prtend se tirer d'affaire son honneur, et fasse Dieu que cette trame
+retombe sur la tte du rustre qui en est, je crois, l'auteur, sur celle
+de notre grand adversaire, tu sais de qui je parle (le duc George de
+Saxe). (14 juillet 1528.)
+
+Cette ligue des princes impies, qu'ils nient cependant, tu vois quels
+troubles elle a excits; pour moi, je prends la froide excuse du duc
+George pour un aveu[r2]. Dieu confondra ce fou enrag, ce Moab qui dresse
+sa superbe au-dessus de ses forces. Nous prierons contre ces homicides;
+assez d'indulgence. S'ils ourdissent encore quelque projet, nous
+invoquerons Dieu, puis nous appellerons les princes pour qu'ils soient
+perdus sans misricorde.
+
+ [r2] Ukert, 216.
+
+Bien que tous les princes eussent dclar ces lettres fausses, les
+vques de Mayence, Bamberg, etc., furent tenus de payer cent mille
+cus d'or, comme indemnit des armemens qu'avaient faits les princes
+luthriens. Ceux-ci ne demandaient pas mieux que de commencer la
+guerre. Ils se comptaient et sentaient leurs forces. Le grand-matre
+de l'ordre Teutonique avait scularis la Prusse[a5], les ducs de
+Mecklembourg et de Brunswick, encourags par ce grand vnement,
+avaient appel des prdicateurs luthriens (1525). La Rforme dominait
+dans le nord de l'Allemagne. En Suisse et sur le Rhin, les Zwingliens,
+chaque jour plus nombreux, cherchaient se rapprocher de Luther.
+Enfin au sud et l'est, les Turcs, matres de Bude et de la Hongrie,
+menaaient toujours l'Autriche et tenaient en chec l'Empereur. A
+son dfaut le duc George de Saxe, et les puissans vques du nord,
+s'taient constitus les adversaires de la Rforme. Une violente
+polmique s'tait engage depuis long-temps entre ce prince et Luther.
+Le duc crivait celui-ci[r3]: Tu crains que nous n'ayons commerce
+avec les hypocrites, la prsente te fera voir ce qui en est. Si nous
+dissimulons dans cette lettre, tu pourras dire de nous tout ce que tu
+voudras; sinon, il faudra chercher les hypocrites l o l'on t'appelle
+un prophte, un Daniel, l'aptre de l'Allemagne, l'vangliste... Tu
+t'imagines peut-tre que tu es envoy de Dieu vers nous, comme ces
+prophtes qui Dieu donna mission de convertir les princes et les
+puissans. Mose fut envoy Pharaon, Samuel Sal, Nathan David,
+Isae Ezchias, saint Jean-Baptiste Hrode, nous le savons. Mais
+parmi tous ces prophtes nous ne trouvons pas un seul apostat. Ils ont
+tous t gens constans dans leur doctrine, hommes sincres et pieux,
+sans orgueil, sans avarice, amis de la chastet...
+
+ [r3] Luther Werke, t. IX, 231.
+
+Nous ne faisons pas non plus grand cas de tes prires ni de celles des
+tiens; nous savons que Dieu hait l'assemble de tes apostats... Dieu a
+puni par nous Mnzer de sa perversit; il pourra bien en faire autant
+de Luther, et nous ne refuserons pas d'tre encore en ceci, son indigne
+instrument...
+
+Non, reviens plutt, Luther, ne te laisse pas mener plus long-temps
+par l'esprit qui sduisit l'apostat Sergius: l'glise chrtienne ne
+ferme pas son sein au pcheur repentant... Si c'est l'orgueil qui t'a
+perdu, regarde ce fier manichen, saint Augustin, ton matre, dont tu
+as jur d'observer la rgle: reviens comme lui, reviens ta fidlit
+et tes sermens, sois comme lui une lumire de la Chrtient... Voil
+les conseils que nous avons te donner pour le nouvel an. Si tu t'y
+conformes, tu en seras ternellement rcompens de Dieu et nous ferons
+tout ce qui est en notre pouvoir pour obtenir ta grce de l'Empereur.
+(28 dcembre 1525.)
+
+_Mmoire_ de Luther contre le duc George[a6] qui avait intercept
+une de ses lettres, 1529[r4]... Quant aux belles dnominations que le duc
+George me donne, misrable, sclrat, parjure et sans honneur, je
+n'ai qu' l'en remercier; ce sont l les meraudes, les rubis et les
+diamans dont les princes doivent m'orner en retour de l'honneur et
+de la puissance que l'autorit temporelle tire de la restauration de
+l'vangile...
+
+ [r4] _Ibid._ t. IX, 297.
+
+... Ne dirait-on pas que le duc George ne connat pas de suprieur?
+Moi, hobereau des hobereaux, dit-il, je suis seul matre et prince,
+je suis au-dessus de tous les princes de l'Allemagne, au-dessus de
+l'Empire, de ses lois et de ses usages. C'est moi que l'on doit
+craindre, moi seul que l'on doit obir; ma volont doit faire loi en
+dpit de quiconque pensera et parlera autrement.--Amis, o s'arrtera
+la superbe de ce Moab[a7]? Il ne lui reste plus qu' escalader le ciel,
+espionner, punir les lettres et les penses jusque dans le sanctuaire
+de Dieu mme. Voil notre petit prince, et avec cela il veut tre
+glorifi, respect, ador! la bonne heure, grand merci!
+
+En 1529, l'anne mme du trait de Cambrai et du sige de Vienne par
+Soliman, l'Empereur avait convoqu une dite Spire[a8]. (15 mars.) On y
+dcida que les tats de l'Empire devaient continuer d'obir au dcret
+lanc contre Luther en 1524, et que toute innovation demeurerait
+interdite jusqu' la convocation d'un concile gnral. C'est alors que
+le parti de la Rforme clata[a9]. L'lecteur de Saxe, le margrave de
+Brandebourg, le landgrave de Hesse, les ducs de Lunebourg, le prince
+d'Anhalt, et avec eux les dputs de quatorze villes impriales, firent
+contre le dcret de la dite une protestation solennelle, le dclarant
+injuste et impie. Ils en gardrent le nom de _protestans_.
+
+Le landgrave de Hesse sentait la ncessit de runir toutes les sectes
+dissidentes pour en former un parti redoutable aux catholiques de
+l'Allemagne; il essaya de rconcilier Luther avec les sacramentaires[a10].
+Luther prvoyait bien l'inutilit de cette tentative.
+
+Le landgrave de Hesse nous a convoqus Marbourg pour la
+Saint-Michel, afin de tenter un accord entre nous et les
+sacramentaires... Je n'en attendais rien de bon; tout est plein
+d'embches, je le vois bien. Je crains que la victoire ne leur reste,
+comme au sicle d'Arius. On a toujours vu de pareilles assembles tre
+plus nuisibles qu'utiles... Ce jeune homme de Hesse est inquiet et
+plein de penses qui fermentent. Le Seigneur nous a sauvs, dans ces
+deux dernires annes, de deux grands incendies qui auraient embras
+toute l'Allemagne. (2 aot 1529.)
+
+Nous avons reu du landgrave une magnifique et splendide hospitalit.
+Il y avait l OEcolampade, Zwingli, Bucer, etc. Tous demandaient la
+paix avec une humilit extraordinaire. La confrence a dur deux jours;
+j'ai rpondu OEcolampade et Zwingli en leur opposant ce passage:
+_Hoc est corpus meum_; j'ai rfut toutes leurs objections. En somme,
+ce sont des gens ignorans et incapables de soutenir une discussion.
+(12 octobre 1529.)
+
+Je me rjouis, mon cher Amsdorf, de te voir te rjouir de notre synode
+de Marbourg; la chose est petite en apparence, mais au fond trs
+importante. Les prires des gens pieux ont fait que nous les voyons
+confondus, morfondus, humilis.
+
+Toute l'argumentation de Zwingli se rduisait ceci: que le corps ne
+peut tre sans lieu ni dimension. OEcolampade soutenait que les Pres
+appelaient le pain un signe, que ce n'tait donc pas le corps mme...
+Ils nous suppliaient de leur donner le nom de frres. Zwingli le
+demandait au Landgrave en pleurant. Il n'y a aucun lieu sur la terre,
+disait-il, o j'aimerais mieux passer ma vie qu' Wittemberg... Nous
+ne leur avons pas accord ce nom de frres, mais seulement ce que la
+charit nous oblige donner mme nos ennemis... Ils se sont en tout
+point conduits avec une incroyable humilit et douceur. C'tait, comme
+il est visible aujourd'hui, pour nous amener une feinte concorde,
+pour nous faire les partisans, les patrons de leurs erreurs... O rus
+Satan! mais Christ qui nous a sauvs est plus habile que toi. Je ne
+m'tonne plus maintenant de leurs impudens mensonges. Je vois qu'ils ne
+peuvent faire autrement, et je me glorifie de leur chute. (1er juin
+1530.)
+
+Cette guerre thologique de l'Allemagne remplit les intermdes de la
+grande guerre europenne que Charles-Quint soutenait contre Franois
+Ier et contre les Turcs. Mais dans les crises les plus violentes de
+celle-ci, l'autre se ralentit peine. C'est un imposant spectacle
+que celui de l'Allemagne absorbe dans la pense religieuse, et prs
+d'oublier la ruine prochaine dont semblaient la menacer les plus
+formidables ennemis. Pendant que les Turcs franchissaient toutes les
+anciennes barrires et que Soliman rpandait ses Tartares au-del de
+Vienne, l'Allemagne disputait sur la transsubstantiation et sur le
+libre arbitre. Ses guerriers les plus illustres sigeaient dans les
+dites et interrogeaient les docteurs. Tel tait le flegme intrpide de
+cette grande nation, telle sa confiance dans sa force et dans sa masse.
+
+La guerre des Turcs et celle des Franais, la prise de Rome et la
+dfense de Vienne, occupaient tellement Charles-Quint et Ferdinand, que
+les protestans avaient obtenu la tolrance jusqu'au prochain concile.
+Mais en 1530, Charles-Quint, voyant la France abattue, l'Italie
+asservie, Soliman repouss, entreprit de juger le grand procs de la
+Rforme. Les deux partis comparurent Augsbourg. Les sectateurs de
+Luther, dsigns par le nom gnral de _protestans_, voulurent se
+distinguer de tous les autres ennemis de Rome, dont les excs auraient
+calomni leur cause, des zwingliens rpublicains de la Suisse, odieux
+aux princes et la noblesse, des anabaptistes surtout, proscrits comme
+ennemis de l'ordre et de la socit. Luther, sur qui pesait encore la
+sentence prononce Worms, qui le dclarait hrtique, ne put s'y
+rendre; il fut remplac par le savant et pacifique Mlanchton, esprit
+doux et timide comme rasme, dont il restait l'ami malgr Luther.
+
+L'lecteur amena du moins celui-ci le plus prs possible d'Augsbourg,
+dans la forteresse de Cobourg.[a11][a12] De l Luther pouvait
+entretenir avec les ministres protestans, une active et facile
+correspondance. Le 22 avril il crit Mlanchton: Je suis enfin
+arriv mon Sina, cher Philippe, mais de ce Sina je ferai une Sion,
+et j'y lverai trois tabernacles, l'un au psalmiste, l'autre aux
+prophtes, l'autre enfin sope (dont il traduisait alors les fables).
+Rien ne manque pour que ma solitude soit complte. J'ai une vaste
+maison, qui domine le chteau, et les cls de toutes les chambres. A
+peine y a-t-il trente personnes dans toute la forteresse, encore douze
+sont des veilleurs de nuit, et deux autres des sentinelles toujours
+postes sur les tours. (22 avril.)
+
+_A Spalatin_ (9 mai): Vous allez Augsbourg, sans avoir pris les
+auspices, et ne sachant quand ils vous permettront de commencer.
+Moi, je suis dj au milieu des comices, en prsence de magnanimes
+souverains, devant des rois, des ducs, des grands, des nobles,
+qui confrent avec gravit sur les affaires de l'tat, et d'une
+voix infatigable remplissent l'air de leurs dcrets et de leurs
+prdications. Ils ne sigent point enferms dans ces antres et ces
+royales cavernes que vous appelez des palais, mais sous le soleil;
+ils ont le ciel pour tente, pour tapis riche et vari, la verdure des
+arbres sous lesquels ils sont en libert, pour enceinte, la terre
+jusqu' ses dernires limites. Ce luxe stupide de l'or et de la soie
+leur fait horreur; tous, ils ont mmes couleurs, mme visage. Ils sont
+tous galement noirs, tous font la mme musique, et dans ce chant sur
+une seule note, l'on n'entend que l'agrable dissonnance de la voix des
+jeunes se mlant celle des vieux. Nulle part je n'ai vu ni entendu
+parler de leur Empereur; ils mprisent souverainement ce quadrupde
+qui sert nos chevaliers; ils ont quelque chose de meilleur, avec
+quoi ils peuvent se moquer de la furie des canons. Autant que j'ai pu
+comprendre leurs dcrets, grce un interprte, ils ont dcid,
+l'unanimit, de faire la guerre, pendant toute cette anne, l'orge,
+au bl et la farine, enfin ce qu'il y a de mieux parmi les fruits
+et les graines. Et il est craindre qu'ils ne soient presque partout
+vainqueurs, car c'est une race de guerriers adroits et russ, galement
+habiles butiner par force ou surprise. Moi, oisif spectateur, j'ai
+assist avec grande satisfaction leurs comices. L'espoir o je suis
+des victoires que leur courage leur donnera sur le bl et l'orge,
+ou sur tout autre ennemi, m'a rendu le fidle et sincre ami de ces
+_patres patri_, de ces sauveurs de la rpublique. Et si par des
+voeux je puis les servir, je demande au ciel que dlivrs de l'odieux
+nom de corbeaux, etc. Tout cela n'est qu'une plaisanterie, mais une
+plaisanterie srieuse et ncessaire pour repousser les penses qui
+m'accablent, si toutefois elle les repousse. (9 mai.)
+
+Les nobles seigneurs qui forment nos comices courent ou plutt
+naviguent travers les airs[a13]. Le matin, de bonne heure, ils s'en
+vont en guerre, arms de leurs becs invincibles, et tandis qu'ils
+pillent, ravagent et dvorent, je suis dlivr pour quelque temps de
+leurs ternels chants de victoire. Le soir, ils reviennent triomphans;
+la fatigue ferme leurs yeux, mais leur sommeil est doux et lger
+comme celui d'un vainqueur. Il y a quelques jours j'ai pntr dans
+leur palais pour voir la pompe de leur empire. Les malheureux eurent
+grand'peur; ils s'imaginaient que je venais dtruire leur industrie. Ce
+fut un bruit, une frayeur, des visages consterns!!! Quand je vis que
+moi seul je faisais trembler tant d'Achilles et d'Hectors, je battis
+des mains, je jetai mon chapeau en l'air, pensant que j'tais bien
+assez veng si je pouvais me moquer d'eux. Tout ceci n'est point un
+simple jeu, c'est une allgorie, un prsage de ce qui arrivera. Ainsi
+devant la parole de Dieu l'on verra trembler toutes ces harpies qui
+sont maintenant Augsbourg, criant et romanisant. (19 juin.)
+
+Mlanchton transform Augsbourg en chef de parti, ayant batailler
+chaque jour avec les lgats, les princes, l'Empereur, se trouvait fort
+mal de cette vie active qu'on lui avait impose. Plusieurs fois il fit
+part de ses peines Luther, qui, pour toute consolation, le tanait
+rudement[a14]:
+
+Vous me parlez de vos travaux, de vos prils, de vos larmes, et moi,
+suis-je donc assis sur des roses? est-ce que je ne porte pas une part
+de votre fardeau? Ah! plt au ciel que ma cause ft telle qu'elle
+permt les larmes! (29 juin 1530.)
+
+Dieu rcompense selon ses oeuvres le tyran de Salzbourg qui te fait
+tant de mal! Il mritait de toi une autre rponse, telle que je la lui
+aurais faite peut-tre, telle qu'il n'en a jamais entendu de semblable.
+Il faudra qu'ils entendent, je le crains, cette parole de Jules Csar:
+_Ils l'ont voulu_...
+
+Tout ce que j'cris est inutile, parce que tu veux, selon ta
+philosophie, gouverner toutes ces choses avec ta raison, c'est--dire
+draisonner avec la raison. Va, continue de te tuer cette chose, sans
+voir que ta main ni ton esprit ne peuvent la saisir, qu'elle ne veut
+pas de tes soins. (30 juin 1530.)
+
+Dieu a mis cette cause dans un certain lieu que ne connaissait point
+ta rhtorique ni ta philosophie. Ce lieu, on l'appelle la foi; l
+toutes choses sont inaccessibles la vue; quiconque veut les rendre
+visibles, apparentes et comprhensibles, celui-l ne gagne pour prix
+de son travail que des peines et des larmes, comme tu en as gagn.
+Dieu a dit qu'il habitait dans les nues, qu'il tait assis dans les
+tnbres. Si Mose avait cherch un moyen d'viter l'arme de Pharaon,
+Isral serait peut-tre encore en gypte... Si nous n'avons pas la
+foi, pourquoi ne pas chercher consolation dans la foi d'autrui; car
+il y en a ncessairement qui croient, si nous ne croyons pas? Ou bien,
+faut-il dire que le Christ nous a abandonns, avant la consommation des
+sicles? S'il n'est pas avec nous, o est-il en ce monde, je vous le
+demande? Si nous ne sommes point l'glise ou une partie de l'glise, o
+est l'glise? Est-ce Ferdinand, le duc de Bavire, le pape, le Turc et
+leurs semblables? Si nous n'avons la parole de Dieu, qui donc l'aura?
+Toi, tu ne comprends point toutes ces choses; car Satan te travaille
+et te rend faible. Puisse le Christ te gurir! c'est ma sincre et
+continuelle prire. (29 juin.)
+
+Ma sant est faible... Mais je mprise cet ange de Satan qui vient
+souffleter ma chair. Si je ne puis lire ni crire, au moins je puis
+penser et prier, et mme me quereller avec le diable; ensuite dormir,
+paresser, jouer et chanter. Quant toi, mon cher Philippe, ne te
+macre point pour cette affaire qui n'est point en ta main, mais en
+celle d'Un plus puissant qui personne ne pourra l'enlever. (31
+juillet.)
+
+Mlanchton croyait qu'il tait possible de rapprocher les deux partis;
+Luther comprit de bonne heure qu'ils taient irrconciliables. Dans le
+commencement de la Rforme, il avait souvent rclam les confrences
+et les disputes publiques; il lui fallait alors tout tenter, avant
+d'abandonner l'esprance de conserver l'unit chrtienne; mais sur
+la fin de sa vie, ds le temps mme de la dite d'Augsbourg, il se
+prononait contre tous ces combats de parole, o le vaincu ne veut
+jamais avouer sa dfaite.
+
+(26 aot 1530.) Je suis contre toute tentative faite pour accorder
+les deux doctrines; car c'est chose impossible, moins que le pape ne
+veuille abolir sa papaut. C'est assez pour nous d'avoir rendu raison
+de notre croyance et de demander la paix. Pourquoi esprer de les
+convertir la vrit?
+
+_A Spalatin._ (26 aot 1530.) J'apprends que vous avez entrepris une
+oeuvre admirable, de mettre d'accord Luther et le pape. Mais le pape ne
+le veut pas, et Luther s'y refuse; prenez garde d'y perdre votre temps
+et vos peines. Si vous en venez bout, pour suivre votre exemple, je
+vous promets de rconcilier Christ et Blial.
+
+Dans une lettre du 21 juillet il crivait Mlanchton: Vous verrez si
+j'tais un vrai prophte quand je rptais sans cesse qu'il n'y avait
+point d'accord possible entre les deux doctrines, et que ce serait
+assez pour nous d'obtenir la paix publique.
+
+Ces prophties ne furent pas coutes; les confrences eurent lieu,
+et l'on demanda aux protestans une profession de foi. Mlanchton la
+rdigea, en prenant l'avis de Luther sur les points les plus importans.
+
+A Mlanchton. J'ai reu votre apologie, et je m'tonne que vous me
+demandiez ce qu'il faut cder aux papistes. Pour ce qui est du prince,
+et de ce qu'il faut lui accorder si quelque danger le menace, c'est une
+autre question. Quant moi, il a t fait dans cette apologie plus
+de concessions qu'il n'tait convenable; et s'ils les rejettent, je
+ne vois pas que je puisse aller plus loin, moins que leurs raisons
+et leurs livres ne me paraissent meilleurs qu'ils ne m'ont sembl
+jusqu' cette heure. J'emploie les jours et les nuits cette affaire,
+rflchissant, interprtant, discutant, parcourant toute l'criture;
+chaque jour augmente ma certitude et me confirme dans ma doctrine.
+
+(20 septembre 1530.) Nos adversaires ne nous cdent pas un poil; et
+nous, il ne faut pas seulement que nous leur cdions le canon, les
+messes, la communion sous une espce, la juridiction accoutume; mais
+encore il faudrait avouer que leurs doctrines, leurs perscutions, tout
+ce qu'ils ont fait ou pens, a t juste et lgitime, et que c'est
+tort que nous les avons accuss. C'est--dire qu'ils veulent que notre
+propre tmoignage les justifie et nous condamne. Ce n'est pas l
+simplement nous rtracter, mais nous maudire trois fois nous-mmes.
+
+... Je n'aime pas que dans cette cause vous vous appuyiez de mes
+opinions. Je ne veux tre ni paratre votre chef; quand mme l'on
+interprterait cela bien, je ne veux pas de ce nom. Si ce n'est point
+votre propre cause, je ne veux pas qu'on dise que c'est la mienne, et
+que je vous l'ai impose. Je la dfendrai moi-mme, s'il n'y a que moi
+qui la soutienne.
+
+Deux jours avant, il avait crit Mlanchton: Si j'apprends que les
+choses vont mal de votre ct, j'aurai peine m'empcher d'aller voir
+cette formidable range des dents de Satan. Et quelque temps aprs:
+J'aurais voulu tre la victime sacrifie par ce dernier concile,
+comme Jean Huss a t Constance celle du dernier jour de la fortune
+papale.[a15] (21 juillet 1530.)
+
+La profession de foi des protestans fut prsente la dite[a16] et lue
+par ordre de Csar devant tout l'Empire, c'est--dire devant tous
+les princes et les tats de l'Empire. C'est une grande joie pour
+moi d'avoir vcu jusqu' cette heure, que je voie Christ prch par
+ses confesseurs devant une telle assemble, et dans une si belle
+confession. (6 juillet.)
+
+Cette confession tait signe de cinq lecteurs, trente princes
+ecclsiastiques, vingt-trois princes sculiers, vingt-deux abbs,
+trente-deux comtes et barons, trente-neuf villes libres et impriales.
+Le prince lecteur de Saxe, le margrave George de Brandebourg, Jean
+Frdric-le-Jeune, landgrave de Hesse; Ernest et Franois, ducs de
+Lunebourg; le prince Wolfgang de Anhalt; les villes de Nuremberg et de
+Reutlingen, ont sign la confession..... Beaucoup d'vques inclinent
+la paix, sans s'inquiter des sophismes d'Eck et de Faber. L'archevque
+de Mayence est trs port pour la paix[a17]; de mme le duc Henri de
+Brunswick, qui a invit familirement Mlanchton dner, l'assurant
+qu'il ne pouvait nier les articles touchant les deux espces, le
+mariage des prtres, et l'inutilit d'tablir des diffrences entre les
+choses qui servent la nourriture. Les ntres avouent que personne
+ne s'est montr plus conciliant dans toutes les confrences que
+l'Empereur. Il a reu notre prince non-seulement avec bont, mais avec
+respect. (6 juillet.)
+
+L'vque d'Augsbourg, le confesseur mme de Charles-Quint, taient
+favorablement disposs pour les luthriens. L'Espagnol disait
+Mlanchton qu'il s'tonnait qu'en Allemagne on contestt la
+doctrine de Luther sur la foi, que lui il avait toujours pens de mme
+sur ce point (relation de Spalatin sur la dite d'Augsbourg)[r5].
+
+ [r5] _Ibid._ t. IX, 414.
+
+Quoi qu'en dise ici Luther des douces dispositions de Charles-Quint,
+il termina les discussions en sommant les rforms de renoncer leurs
+erreurs sous peine d'tre mis au ban de l'Empire. Il sembla mme prt
+employer la violence et fit un instant fermer les portes d'Augsbourg.
+
+Si l'Empereur veut faire un dit, qu'il le fasse; aprs Worms aussi il
+en fit un[a18]. coutons l'Empereur puisqu'il est l'Empereur, rien de plus.
+Que nous importe ce rustre qui veut se poser comme Empereur (il parle
+du duc George)? (15 juillet 1530.)
+
+Notre cause se dfendra mieux de la violence et des menaces, que de
+ces ruses sataniques que j'ai craintes, surtout jusqu' ce jour...
+Qu'ils nous rendent Lonard[a19], Keiser et tant d'autres, qu'ils ont si
+injustement fait mourir[a20]. Qu'ils nous rendent tant d'mes perdues par
+leur doctrine impie; qu'ils rendent toutes ces richesses qu'ils ont
+prises avec leurs trompeuses indulgences et leurs fraudes de toute
+espce. Qu'ils rendent Dieu sa gloire viole par tant de blasphmes;
+qu'ils rtablissent dans les personnes et dans les moeurs, la puret
+ecclsiastique, si honteusement souille. Que dirais-je encore? Alors
+nous aussi nous pourrons parler _de possessorio_. (13 juillet.)
+
+L'Empereur va ordonner simplement que toutes choses soient rtablies
+en leur tat, que le rgne du pape recommence, ce qui excitera, je le
+crains, de grands troubles pour la ruine des prtres et des clercs.
+Les villes les plus puissantes, Nuremberg, Ulm, Augsbourg, Francfort,
+Strasbourg et douze autres, rejettent ouvertement le dcret imprial,
+et font cause commune avec nos princes. Tu as entendu parler de
+l'inondation de Rome, de celle de Flandre et de Brabant. Ce sont des
+signes envoys de Dieu, mais les impies ne peuvent les comprendre. Tu
+sais encore la vision des moines de Spire. Brentius m'crit qu' Bade
+on a vu dans les airs une arme nombreuse, et sur le flanc de cette
+arme un soldat qui brandissait une lance d'un air triomphant, et qui
+passa la montagne voisine et le Rhin. (5 dcembre.)
+
+La dite fut peine dissoute, que les princes protestans se
+rassemblrent Smalkalde et y conclurent une ligue dfensive,
+par laquelle ils devaient former un mme corps (31 dcembre). Ils
+protestrent contre l'lection de Ferdinand au titre de roi des
+Romains. On se prpara combattre[a21]; les contingens furent fixs:
+on s'adressa aux rois de France, d'Angleterre et de Danemark. Luther
+fut accus d'avoir pouss les protestans prendre cette attitude
+hostile[a22].
+
+Je n'ai point conseill, comme on l'a dit, la rsistance
+l'Empereur[a23]. Voici mon avis comme thologien[a24]: Si les juristes
+montrent par leurs lois que cela est permis, moi je leur permettrai
+de suivre leurs lois. Si l'Empereur a tabli dans ses lois, qu'en
+pareil cas on peut lui rsister, qu'il souffre de la loi que lui-mme a
+faite... Le prince est une personne politique; s'il agit comme prince,
+il n'agit pas comme chrtien, car le chrtien n'est ni prince, ni
+homme, ni femme, ni aucune personne de ce monde. Si donc il est permis
+au prince, comme prince, de rsister Csar, qu'il le fasse selon son
+jugement et sa conscience. Quant au chrtien, rien ne lui est permis;
+il est mort au monde. (15 janvier 1531.)
+
+En 1531, Luther crit un mmoire contre un petit livre anonyme
+imprim Dresde, dans lequel on reprochait aux protestans de s'armer
+en secret et de vouloir surprendre les catholiques, pendant que ceux-ci
+ne songeaient, disait-on, qu' la paix et la concorde[r6].
+
+ [r6] _Ibid._ t. IX, 459.
+
+... On cache soigneusement d'o ce livre vient, personne ne doit le
+savoir. Eh bien! je le veux donc ignorer aussi. Je veux avoir le rhume
+pour cette fois et ne pas _sentir_ le maladroit pdant. Cependant
+j'essaierai toujours mon savoir-faire et je frapperai hardiment sur le
+sac: si les coups tombent sur l'ne qui s'y trouve, ce ne sera pas ma
+faute; ce n'est pas lui, c'est au sac, que j'en voulais.
+
+Qu'il soit vrai ou non que les luthriens se prparent et se
+rassemblent, cela ne me regarde pas, ce n'est pas moi qui le leur ai
+ordonn ni conseill; je ne sais pas ce qu'ils font ou ce qu'ils ne
+font pas; mais puisque les papistes annoncent par ce livre qu'ils
+croient ces armemens, j'accueille ce bruit avec plaisir et je me
+rjouis de leurs illusions et de leurs alarmes; j'augmenterais mme
+volontiers ces illusions, si je le pouvais, rien que pour les faire
+mourir de peur. Si Can tue Abel, si Anne et Caphe perscutent Jsus,
+il est juste qu'ils en soient punis. Qu'ils vivent dans les transes,
+qu'ils tremblent au bruit d'une feuille, qu'ils voient partout le
+fantme de l'insurrection et de la mort, rien de plus quitable.
+
+... N'est-il pas vrai, imposteurs, que lorsqu' Augsbourg les ntres
+prsentrent leur confession de foi, un papiste a dit: Ils nous donnent
+l un livre crit avec de l'encre; je voudrais, moi, qu'on leur
+rpondt avec du sang?
+
+N'est-il pas vrai que l'lecteur de Brandebourg et le duc George de
+Saxe, ont promis l'Empereur de fournir cinq mille chevaux contre les
+luthriens?
+
+N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de prtres et de seigneurs
+ont pari qu'avant la Saint-Michel, c'en serait fait de tous les
+luthriens?
+
+N'est-il pas vrai que l'lecteur de Brandebourg a dclar publiquement
+que l'Empereur et tout l'Empire s'emploieraient corps et biens pour
+arriver ce but?...
+
+Croyez-vous que l'on ne connaisse pas votre dit? que l'on ignore
+que par cet dit toutes les pes de l'Empire sont aiguises et
+dgaines, toutes les arquebuses charges, toute la cavalerie lance,
+pour fondre sur l'lecteur de Saxe et son parti, pour tout mettre
+feu et sang, tout remplir de pleurs et de dsolation? voil votre
+dit, voil vos entreprises meurtrires scelles de votre sceau et
+de vos armes, et vous voulez que l'on appelle cela de la paix, vous
+osez accuser les luthriens de troubler le bon accord? O impudence,
+hypocrisie sans bornes!... Mais je vous entends: vous voudriez que les
+ntres ne s'apprtassent point la guerre dont leurs ennemis mortels
+les menacent depuis si long-temps, mais qu'ils se laissassent gorger
+sans crier ni se dfendre, comme des brebis l'abattoir. Grand merci,
+mes bonnes gens! Moi, prdicateur, je dois endurer cela, je le sais
+bien, et ceux qui cette grce est donne doivent l'endurer galement.
+Mais que tous les autres en feront de mme, je ne puis le garantir aux
+tyrans. Si je donnais publiquement ce conseil aux ntres, les tyrans
+s'en prvaudraient, et je ne veux point leur ter la peur qu'ils ont
+de notre rsistance. Ont-ils envie de gagner leurs perons en nous
+massacrant? qu'ils les gagnent donc avec pril comme il convient de
+braves chevaliers. gorgeurs de leur mtier, qu'ils s'attendent du
+moins tre reus comme des gorgeurs...
+
+.... Que l'on m'accuse, ou non, d'tre trop violent, je ne m'en soucie
+plus[a25]. Je veux que ce soit ma gloire et mon honneur dsormais,
+que l'on dise de moi comme je tempte et svis contre les papistes.
+Voil plus de dix ans que je m'humilie et que je donne de bonnes
+paroles. A quoi tant de supplications ont-elles servi? A empirer le
+mal. Ces rustres n'en sont que plus fiers.--Eh bien! puisqu'ils sont
+incorrigibles, puisqu'il n'y a plus espoir d'branler leurs infernales
+rsolutions par la bont, je romps avec eux, je les poursuivrai de mes
+imprcations, sans fin ni repos, jusqu' ma tombe[a26]. Ils n'auront
+plus jamais une bonne parole de moi; je veux qu'on les enterre au bruit
+de mes foudres et de mes clairs.
+
+Je ne puis plus prier sans maudire. Si je dis, _Que ton nom soit
+sanctifi_, il faut que j'ajoute: Maudit soit le nom des papistes et de
+tous ceux qui te blasphment! Si je dis, _Que ton royaume arrive_, je
+dois ajouter: Maudits soient la papaut et tous les royaumes qui sont
+opposs au tien! Si je dis, _Que ta volont soit faite_, je dis encore:
+Maudits soient et prissent les desseins des papistes et de tous ceux
+qui te combattent!... Ainsi je prie ardemment tous les jours, et avec
+moi tous les vrais fidles de Jsus-Christ... Cependant je garde encore
+ tout le monde un coeur bon et aimant, et mes plus grands ennemis
+eux-mmes le savent bien.
+
+Souvent la nuit, quand je ne puis dormir, je cherche dans mon lit,
+avec douleur et anxit, comment on pourrait encore dterminer les
+papistes la pnitence avant le jugement terrible qui les menace. Mais
+il semble que cela ne doit pas tre. Ils repoussent toute pnitence
+et demandent grands cris notre sang. L'vque de Saltzbourg a dit
+ matre Philippe, la dite d'Augsbourg: Pourquoi disputer si
+long-temps? Nous savons bien que vous avez raison. Et un autre jour:
+Vous ne voulez pas cder, nous non plus, il faut donc qu'un parti
+extermine l'autre. Vous tes le petit et nous le grand: nous verrons
+qui aura le dessus. Jamais je n'aurais cru qu'on pt dire de telles
+paroles.
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+1534-1536.
+
+ Anabaptistes de Munster[a27].
+
+
+Pendant que les deux grandes ligues des princes sont en prsence,
+et semblent se dfier, un tiers s'lve entre deux, pour l'effroi
+commun des deux partis. Cette fois, c'est encore le peuple, comme dans
+la guerre des paysans, mais un peuple organis, matre d'une riche
+cit. La _jacquerie_ du Nord, plus systmatique que celle du Midi,
+produit l'idal de la dmagogie allemande du seizime sicle, une
+royaut biblique, un David populaire, un messie artisan. Le mystique
+compagnonnage allemand intronise un tailleur.
+
+L'entreprise du tailleur fut hardie, mais non absurde. L'anabaptisme
+avait de grandes forces. Il n'clata que dans Munster; mais il tait
+rpandu dans la Westphalie, dans le Brabant, la Gueldre, la Hollande,
+la Frise, et tout le littoral de la Baltique jusqu'en Livonie.
+
+Les Anabaptistes formulrent la maldiction que les paysans vaincus
+avaient jete sur Luther. Ils dtestrent en lui l'ami de la noblesse,
+le soutien de l'autorit civile, le _remora_ de la Rforme. Quatre
+prophtes, deux vrais et deux faux; les vrais sont David et Jean de
+Leyde; les faux, le pape et Luther, mais Luther est pire que le pape.
+
+
+_Comment l'vangile a d'abord pris naissance Munster, et comment il y
+a fini aprs la destruction des anabaptistes[r7]. Histoire vritable
+et bien digne d'tre lue et conserve dans la mmoire (car l'esprit des
+anabaptistes de Munster vit encore), dcrite par Henricus Dorpius de
+cette ville._ Nous nous contenterons de donner un extrait de ce prolixe
+rcit:
+
+ [r7] _Ibid._ t. II, 391, 199.
+
+La rforme commena Munster en 1532, par Rothmann, prdicateur
+luthrien ou zwinglien. Elle y eut un si grand succs, que l'vque
+cdant l'intercession du landgrave de Hesse, accorda aux vangliques
+six de ses glises. Plus tard, un garon tailleur, Jean de Leyde, y
+apporta la doctrine des anabaptistes, et la propagea dans quelques
+familles. Il fut aid dans son oeuvre par un prdicateur nomm
+Hermann Stapraeda, de Moersa, anabaptiste comme lui. Bientt leurs
+assembles secrtes devinrent si nombreuses, que les catholiques et les
+rforms en furent galement alarms, et chassrent les anabaptistes
+de la ville. Mais ceux-ci revinrent plus hardis; ils intimidrent le
+conseil, et l'obligrent de fixer un jour o il y aurait discussion
+publique dans la maison commune, sur le baptme des enfans. Dans
+cette discussion, le pasteur Rothmann passa du ct des anabaptistes,
+et devint lui-mme un de leurs chefs... Un jour, un autre de leurs
+prdicateurs se met courir dans les rues, en criant: Faites
+pnitence, faites pnitence, amendez-vous, faites-vous baptiser, ou
+Dieu va vous punir! Soit crainte, soit zle religieux, beaucoup de
+gens qui entendirent ces cris, se htrent de demander le baptme.
+Alors les anabaptistes remplissent le march en criant: Sus aux
+paens qui ne veulent pas du baptme! Ils s'emparent des canons, des
+munitions, de la maison de ville, et maltraitent les catholiques et
+les luthriens qu'ils rencontrent. Ceux-ci se forment en nombre et
+attaquent les anabaptistes leur tour. Aprs divers combats sans
+rsultat, les deux partis prouvrent le besoin de se rapprocher, et
+convinrent que chacun serait libre de professer sa croyance. Mais les
+anabaptistes n'observrent point ce trait; ils crivirent sous main
+ tous ceux de leur secte qui taient dans les villes voisines pour
+les faire venir Munster. Quittez ce que vous avez, crivaient-ils;
+maisons, femmes, enfans, laissez tout pour venir nous. Tout ce que
+vous aurez abandonn, vous sera rendu au dcuple... Quand les riches
+s'aperurent que la ville se remplissait d'trangers, ils en sortirent
+comme ils purent, n'y laissant de leur parti que les gens du bas
+peuple. (carme de l'anne 1534.)
+
+Les anabaptistes, enhardis par leur dpart et par les renforts qui leur
+taient arrivs, dposrent aussitt le conseil de ville qui tait
+luthrien, et en composrent un d'hommes de leur parti.
+
+Quelques jours plus tard, ils pillrent les glises et les couvens, et
+coururent la ville en tumulte, arms de hallebardes, d'arquebuses et de
+btons, criant comme des furieux: Faites pnitence, faites pnitence!
+et aprs: Hors la ville, impies! hors la ville, ou l'on vous assomme!
+Ainsi ils chassrent sans piti tout ce qui n'tait pas des leurs.
+Ni vieillard ni femme enceinte, ne fut except. Un grand nombre de
+ces pauvres fugitifs tombrent entre les mains de l'vque, qui se
+prparait assiger la ville. Sans avoir gard ce qu'ils n'taient
+point du parti des anabaptistes, il les fit emprisonner; beaucoup
+d'entre eux furent mme cruellement mis mort.
+
+Les anabaptistes tant matres de la ville, leur prophte suprme, Jean
+de Matthiesen, ordonna que tout le monde mt son avoir en commun, sans
+rien cler, sous peine de la vie. Le peuple eut peur et obit. Les
+biens des fugitifs furent saisis de mme. Ce prophte dcida encore
+que l'on ne garderait aucun autre livre que la Bible et le Nouveau
+Testament. Tous les autres qu'on put trouver furent brls dans la cour
+de la cathdrale. Ainsi le voulait le Pre du ciel, disait le prophte.
+On en brla au moins pour vingt mille florins.
+
+Un marchal ferrant ayant parl injurieusement des prophtes, toute la
+commune est assemble sur le march, et Jean Matthiesen le tue d'un
+coup de feu. Peu aprs, ce prophte court tout seul hors la ville, une
+hallebarde la main, criant que le Pre lui a ordonn de repousser les
+ennemis. Il avait peine pass la porte qu'il fut tu.
+
+Jean de Leyde lui succda comme prophte suprme, et il pousa sa
+veuve. Il releva le courage du peuple abattu par la mort de son
+prdcesseur. A la Pentecte, l'vque fit donner l'assaut, mais il
+fut repouss avec grande perte. Jean de Leyde nomma douze fidles
+(parmi lesquels se trouvaient trois nobles) pour tre les anciens dans
+Isral... Il dclara aussi que Dieu lui avait rvl des doctrines
+nouvelles sur le mariage; il discuta avec les prdicateurs, qui,
+enfin, se rangrent son avis et prchrent trois jours de suite
+sur la pluralit des femmes. Un assez grand nombre d'habitans se
+dclarrent contre la nouvelle doctrine, et firent mme prisonniers les
+prdicateurs avec l'un des prophtes; mais bientt ils furent obligs
+de les relcher, et quarante-neuf d'entre eux prirent.
+
+A la Saint-Jean de l'anne 1534, un nouveau prophte, auparavant
+orfvre Warendorff, assembla le peuple, et lui annona qu'il avait eu
+une rvlation d'aprs laquelle Jean de Leyde devait rgner sur toute
+la terre, et occuper le trne de David jusqu'au temps o Dieu le Pre
+viendrait lui redemander le gouvernement... Les douze anciens furent
+dposs et Jean de Leyde proclam roi.
+
+Plus les anabaptistes prenaient de femmes, plus l'esprit de libertinage
+augmentait parmi eux; ils commirent d'horribles excs sur des jeunes
+filles de dix, douze et quatorze ans. Ces violences barbares, et les
+maux du sige irritrent une partie du peuple. Plusieurs souponnaient
+Jean de Leyde d'imposture et songeaient le livrer l'vque. Le roi
+redoubla de vigilance et nomma douze ducs chargs de maintenir la ville
+dans la soumission (jour des Rois 1535). Il promit ces douze chefs
+qu'ils rgneraient la place de tous les princes de la terre, et il
+leur distribua d'avance des lectorats et des principauts. Le noble
+landgrave de Hesse est seul except de la proscription; ils esprent,
+disent-ils, qu'il deviendra leur frre... Le roi dsigna le jour de
+Pques comme l'poque o la ville serait dlivre.
+
+... L'une des reines ayant dit ses compagnes qu'elle ne croyait pas
+conforme la volont de Dieu qu'on laisst ainsi le pauvre peuple
+mourir de misre et de faim, le roi la conduisit au march avec ses
+autres femmes, lui ordonna de s'agenouiller au milieu de ses compagnes
+prosternes comme elle, et lui trancha la tte. Les autres reines
+chantrent: _Gloire Dieu au haut des cieux!_ et tout le peuple se
+mit danser autour. Cependant il n'avait plus manger que du pain
+et du sel! Vers la fin du sige, la famine fut si grande que l'on y
+distribuait rgulirement la chair des morts; on n'exceptait que ceux
+qui avaient eu des maladies contagieuses. A la Saint-Jean de l'anne
+1535, l'vque apprit d'un transfuge, le moyen d'attaquer la ville avec
+avantage. Elle fut prise le jour mme de la Saint-Jean, et, aprs une
+rsistance opinitre, les anabaptistes furent massacrs. Le roi, ainsi
+que son vicaire et son lieutenant, fut emmen entre deux chevaux, une
+chane double au cou, la tte et les pieds nus... L'vque l'interpella
+durement sur l'horrible dsastre dont il tait cause; il lui rpondit:
+Franois de Waldeck (c'tait son nom), si les choses avaient t mon
+gr, ils seraient tous morts de faim, avant que je t'eusse livr la
+ville.
+
+Nous trouvons beaucoup d'autres dtails intressans dans une pice
+insre au second volume des oeuvres allemandes de Luther (dition
+de Witt.) sous le titre suivant: _Nouvelle sur les anabaptistes de
+Munster_[r8].
+
+ [r8] _Ibid._ t. II, 328.
+
+... Huit jours aprs que l'assaut a t repouss par les anabaptistes,
+le roi a commenc son rgne en s'entourant d'une cour complte,
+l'gal d'un prince sculier. Il a institu des matres de crmonies,
+des marchaux, des huissiers, des matres de cuisine, des fourriers,
+des chanceliers, des orateurs (_redner_), des serviteurs pour la table,
+des chansons, etc.
+
+Une de ses femmes a t leve au rang de reine, et elle a galement
+sa cour elle. C'est une belle et noble femme de Hollande, marie
+auparavant un autre prophte qui a t tu devant Munster et de qui
+elle est encore enceinte.
+
+Le roi a en outre trente et un chevaux couverts de draps d'or. Il
+s'est fait faire des habits prcieux en or et en argent avec les
+ornemens de l'glise. Son cuyer est par comme lui de vtemens
+superbes pris de ces ornemens, et il porte en outre des bagues d'or; de
+mme la reine avec ses vierges et ses femmes.
+
+Lorsque le roi, dans sa majest, traverse la ville cheval, des pages
+l'accompagnent: l'un porte son ct droit la couronne et la Bible,
+l'autre une pe nue. L'un d'eux est le fils de l'vque de Munster. Il
+est prisonnier et il sert le roi dans sa chambre.
+
+Le roi a de mme dans sa triple couronne surmonte d'une chane d'or
+et de pierreries, la figure du monde perce d'une pe d'or et d'une
+pe d'argent. Au milieu du pommeau des deux pes se trouve une petite
+croix sur laquelle est crit: _Un roi de la justice sur le monde_. La
+reine porte les mmes ornemens.
+
+En cet appareil le roi se rend trois fois par semaine au march, o
+il monte sur un sige lev qu'on a fait exprs. Le lieutenant du roi,
+nomm Knipperdolling, se tient une marche plus bas, puis viennent les
+conseillers. Celui qui a affaire au roi s'incline deux fois, se laisse
+tomber terre la troisime, et expose ensuite ce qu'il a dire.
+
+Un mardi ils ont clbr la sainte Cne dans la _cour du dme_; ils
+taient table au nombre de prs de quatre mille deux cents. Trois
+plats furent servis: savoir du bouilli, du jambon et du rti; le roi
+et ses femmes et tous leurs domestiques servirent les convives.
+
+Aprs le repas, le roi et la reine prirent du gteau de froment,
+le rompirent et en donnrent aux autres, disant: Prenez, mangez et
+annoncez la mort du Seigneur. De mme ils prirent une cruche de vin,
+disant: Prenez, buvez-en tous et annoncez la mort du Seigneur.
+
+Les convives rompirent de mme des gteaux, et se les prsentrent
+les uns aux autres en prononant ces paroles: Frre et soeur, prends
+et mange. De mme que Jsus-Christ s'est dvou pour moi, de mme je
+veux me dvouer pour toi; et de mme que dans ce gteau les grains de
+froment sont joints, et que les raisins ont t unis pour former ce
+vin, de mme nous aussi nous sommes unis. Ils s'exhortaient en mme
+temps ne rien dire de frivole, ni qui ft contraire la loi du
+Seigneur. Ensuite ils remercirent Dieu, d'abord par des prires, et
+puis par des cantiques, surtout par le cantique: _Gloire Dieu au
+haut des cieux!_ Le roi et ses femmes, avec leurs serviteurs, se mirent
+ table galement, ainsi que ceux qui revenaient de la garde.
+
+Quand tout fut fini, le roi demanda l'assemble s'ils taient tous
+disposs faire et souffrir la volont du Pre. Ils rpondirent
+tous: _Oui_. Puis le prophte Jean de Warendorff se leva, et dit: Que
+Dieu lui avait ordonn d'envoyer quelques-uns d'entre eux pour annoncer
+les miracles dont ils avaient t tmoins. Le mme prophte ajouta
+que, selon l'ordre de Dieu, ceux qu'il nommerait devaient se rendre
+dans quatre villes de l'Empire, et y prcher... On donna chacun un
+fenin d'or de la valeur de neuf florins avec de la monnaie ordinaire
+pour le voyage, et ils partirent le soir mme.
+
+La veille de Saint-Gall, ils parurent dans les villes dsignes,
+faisant grand bruit, et criant: Convertissez-vous et faites pnitence,
+car la misricorde du Pre est sa fin. La cogne frappe dj la
+racine de l'arbre. Que votre ville accepte la paix, ou elle va prir.
+Arrivs devant le conseil des quatre villes, ils tendirent leurs
+manteaux par terre, et y jetrent les susdites pices d'or, en disant:
+Nous sommes envoys par le Pre pour vous annoncer la paix. Si vous
+l'acceptez, mettez tout votre bien en commun; si vous ne voulez pas
+faire cela, nous protesterons devant Dieu avec cette pice d'or,
+et nous prouverons par elle que vous avez rejet la paix qu'il vous
+envoyait. Il est arriv maintenant, le temps annonc par tous les
+prophtes, ce temps o Dieu ne voudra plus souffrir sur la terre que
+la justice; et quand le roi aura fait rgner la justice sur toute la
+face de la terre, alors Jsus-Christ remettra le gouvernement entre les
+mains du Pre.
+
+Alors ils furent mis en prison et questionns sur leur croyance, leur
+vie, etc... (Suit l'interrogatoire.) ... Ils disaient qu'il y avait
+quatre prophtes, deux vrais, et deux faux; que les vrais, c'taient
+David et Jean de Leyde, et les faux, le pape et Luther. Luther,
+disaient-ils, est pire encore que le pape. Ils tiennent aussi pour
+damns tous les autres anabaptistes, quelque part qu'ils se trouvent.
+
+... Dans Munster, disaient-ils, les hommes ont communment cinq, six,
+sept ou huit femmes, selon leur bon plaisir[1]. Mais chacun est oblig
+d'habiter d'abord avec l'une d'entre elles, jusqu' ce qu'elle soit
+enceinte. Ensuite, il peut faire comme il lui plat. Toutes les jeunes
+filles qui ont pass douze ans doivent se marier...
+
+ [1] L'un des interrogs dit que le roi en avait cinq. D'aprs
+ une autre relation, le nombre en serait mont la fin jusqu'
+ dix-sept.
+
+... Ils dtruisent les glises et toutes maisons consacres Dieu...
+
+... Ils attendent Munster des gens de Groningue et d'autres contres
+de la Hollande. Eux venus, le roi se lvera avec toutes ses forces, et
+subjuguera la terre entire.
+
+Ils tiennent aussi qu'il est impossible de bien comprendre l'criture
+sans que des prophtes l'aient explique. Quand on discute avec eux
+et qu'ils en viennent ne pouvoir justifier leur entreprise par
+l'criture, ils disent que le Pre ne leur donne pas de s'expliquer
+l-dessus. D'autres rpondent: Le prophte l'a dit par l'ordre de Dieu.
+
+Il ne s'en trouva aucun qui voult se rtracter, ni qui acceptt sa
+grce ce prix. Ils chantaient et remerciaient Dieu qui les avait
+jugs dignes de souffrir pour son nom.
+
+Les anabaptistes somms par le landgrave de Hesse de se justifier
+relativement au roi qu'ils s'taient donn, lui rpondirent (janvier
+1535)[r9]: Que les temps de la restitution annoncs par les livres
+saints taient arrivs, que l'vangile leur avait ouvert la prison de
+Babylone, et qu'il fallait prsent rendre aux Babyloniens selon leurs
+oeuvres; qu'une lecture attentive des prophtes, de l'Apocalypse,
+etc., montrerait videmment au Landgrave si c'tait d'eux-mmes qu'ils
+avaient institu un roi, ou bien par l'ordre de Dieu, etc.
+
+ [r9] _Ibid._ t. II, 365.
+
+Suit la convention qui fut arrte l'an 1533, entre l'vque de
+Munster et cette ville par l'entremise des conseillers du Landgrave:
+... Les anabaptistes envoyrent au landgrave de Hesse leur livre _De
+restitutione_. Il le lut avec indignation et ordonna ses thologiens
+d'y rpondre et d'opposer particulirement aux anabaptistes neuf
+articles qu'il dsigna. Dans ces articles il leur reproche entre autres
+choses: 1 de faire consister la justice non pas dans la foi seule,
+mais dans la foi et les oeuvres ensemble; 2 d'accuser injustement
+Luther de n'avoir jamais enseign les bonnes oeuvres; 3 de dfendre le
+libre arbitre.
+
+Dans le livre _De restitutione_, les anabaptistes divisaient toute
+l'histoire du monde en trois parties principales. Le premier monde,
+disent-ils, celui qui exista jusqu' No, fut submerg par les eaux. Le
+second, celui dans lequel nous-mmes nous vivons encore, sera fondu et
+purifi par le feu. Le troisime sera un nouveau ciel et une nouvelle
+terre, habits par la justice. C'est ce que Dieu a dsign par l'arche
+sainte dans laquelle il y avait le vestibule, le sanctuaire et le
+saint des saints... La venue du troisime monde sera prcde d'une
+restitution et d'un chtiment universels. Les mchans seront tus,
+le rgne de la justice prpar, les ennemis du Christ jets bas, et
+toutes choses restitues. C'est ce temps qui commence maintenant.
+
+_Entretien ou discussion qu'Antoine Corvinus et Jean Kymeus ont eue
+Bverger avec Jean de Leyde, le roi de Munster[r10]._--Quand le roi
+entra dans notre chambre avec l'escorte qui l'avait tir de sa prison,
+nous le salumes d'une manire amicale et l'invitmes s'asseoir prs
+du feu. Nous lui demandmes comment il se portait et s'il souffrait
+dans sa prison. Il rpondit qu'il souffrait du froid et se sentait
+mal au coeur, mais qu'il devait tout endurer avec patience, puisque
+Dieu avait ainsi dispos de lui. Peu--peu, toujours en lui parlant
+amicalement, car on ne pouvait rien obtenir de lui d'une autre manire,
+nous arrivmes parler de son royaume et de sa doctrine, de la manire
+qu'il suit:
+
+ [r10] _Ibid._ t. II, 376.
+
+PREMIER POINT DE L'INTERROGATOIRE.--_Les ministres._ Cher Jean,
+nous entendons dire de votre gouvernement des choses extraordinaires
+et horribles. Si elles sont telles qu'on le dit, et malheureusement
+cela n'est que trop vrai, nous ne pouvons concevoir comment il vous
+est possible de justifier une semblable entreprise par la sainte
+criture...
+
+_Le roi._ Ce que nous avons fait et enseign, nous l'avons fait
+et enseign avec bon droit, et nous pouvons justifier toute notre
+entreprise, nos actions et notre doctrine devant Dieu et qui il
+appartient.
+
+_Les ministres_ lui objectent que dans l'criture il n'tait question
+que d'un rgne spirituel de Jsus-Christ: Mon royaume n'est pas de ce
+monde, a-t-il dit lui-mme.
+
+_Le roi._ J'entends trs bien ce que vous dites du royaume spirituel
+de Jsus-Christ et je n'attaque nullement les passages que vous citez.
+Mais vous devez savoir distinguer le royaume spirituel de Jsus-Christ,
+lequel se rapporte aux temps de la souffrance, et duquel aprs tout ni
+vous ni Luther vous n'avez une juste ide, et l'autre royaume, celui
+qui, aprs la rsurrection, sera tabli dans ce monde pendant mille
+ans. Tous les versets qui traitent du royaume spirituel de Jsus-Christ
+ont rapport au temps de la souffrance, mais ceux qui se trouvent dans
+les prophtes et dans l'Apocalypse et qui traitent du royaume temporel,
+doivent tre rapports au temps de la gloire et de la puissance que
+Jsus-Christ aura dans le monde avec les siens.
+
+Notre royaume de Munster a t une image de ce royaume temporel du
+Christ; vous savez que Dieu annonce et dsigne beaucoup de choses par
+des figures. Nous avions cru que notre royaume durerait jusqu' la
+venue du Seigneur, mais nous voyons prsent qu'en ce point notre
+entendement a failli et que nos prophtes ne l'ont pas bien compris
+eux-mmes. Dieu nous en a, dans la prison, ouvert et rvl la
+vritable intelligence...
+
+Je n'ignore pas que vous rapportez communment au royaume spirituel du
+Christ ces passages et d'autres semblables, qui pourtant doivent, sans
+aucun doute, tre entendus du royaume temporel. Mais qu'est-ce que ces
+interprtations spirituelles, et quoi servent-elles, si rien ne doit
+se raliser un jour?... Dieu a cr le monde principalement pour se
+complaire dans les hommes auxquels il a donn un reflet de sa force et
+de sa puissance.
+
+_Les ministres_ ... Et comment vous justifierez-vous quand Dieu vous
+dira au jugement dernier: Qui t'a fait roi? Qui t'a ordonn de rpandre
+dans le monde de si effroyables erreurs, au grand dtriment de ma
+parole?
+
+_Le roi._ Je rpondrai: Les prophtes de Munster me l'ont ordonn
+comme tant votre volont divine, en preuve de quoi ils m'ont donn en
+gage leur corps et leur me.
+
+_Les ministres_ lui demandent ce qu'il en est des rvlations divines
+qu'il aurait eues, dit-on, au sujet de son lvation la royaut.
+
+_Le roi._ Je n'ai pas eu de rvlation ce sujet, seulement il m'est
+venu des penses, comme s'il devait y avoir un roi Munster, et que
+moi je dusse tre ce roi. Ces penses m'branlrent et m'affligrent
+profondment. Je priais Dieu de vouloir bien prendre en considration
+mon inhabilet, et de ne point me charger d'un tel fardeau. Au cas o
+il ne voudrait pas m'pargner cette peine, je le priais de me faire
+dsigner par des prophtes dignes de foi et en possession de sa parole.
+Je m'en tins l et n'en dis rien personne. Mais quinze jours aprs un
+prophte se leva au milieu de la commune et s'cria que Dieu lui avait
+signifi que Jean de Leyde devait tre roi. Il annona la mme chose au
+conseil, qui aussitt se conforma ce qu'il disait, se dmit de son
+pouvoir et me proclama roi avec toute la commune. Il me remit aussi le
+glaive de la justice. C'est ainsi que je suis devenu roi.
+
+DEUXIME ARTICLE.--_Le roi._ ... Nous ne nous sommes opposs
+l'autorit que parce qu'elle voulait nous interdire notre baptme et la
+parole de Dieu. Nous avons rsist la violence. Vous prtendez que
+nous avons agi injustement en cela, mais saint Pierre ne dit-il pas
+qu'on doit obir Dieu plutt qu'aux hommes?... Vous ne rprouveriez
+pas tout ce que nous avons fait, si vous saviez comment les choses se
+sont passes...
+
+_Les ministres._ Parez et justifiez vos actes, comme vous voudrez,
+vous n'en serez pas moins ternellement des rebelles, coupables du
+crime de lse-majest. Le chrtien doit souffrir et ne point rsister
+au mchant. Quand mme tout le conseil se ft rang de votre parti
+(ce qui n'a pas eu lieu), vous auriez d supporter la violence plutt
+que de commencer un schisme, une sdition, une tyrannie pareils,
+contrairement la parole de Dieu, la majest de l'Empereur, la
+dignit royale, celle de l'lectorat et des princes et tats de
+l'Empire.
+
+_Le roi._ Nous savons ce que nous avons fait: Que Dieu soit notre
+juge.
+
+_Les ministres._ Nous aussi, nous savons sur quoi est fond ce que
+nous disons. Que Dieu soit notre juge aussi.
+
+TROISIME ARTICLE.--_Le roi._ ... Nous avons t assigs et dtruits
+ cause de la parole divine; c'est pour elle que nous avons souffert
+la faim et tous les maux, que nous avons perdu les ntres, et que nous
+sommes tombs dans une si lamentable calamit! Ceux d'entre nous qui
+sont encore en vie, mourront sans rsistance et sans plainte, comme
+l'agneau qu'on immole...
+
+CINQUIME ARTICLE.--Le roi dit qu'il a long-temps t de l'avis de
+Zwingli, mais qu'il est revenu croire en la transsubstantiation.
+Seulement il n'accorde pas ses interlocuteurs que celle-ci s'opre
+aussi dans celui qui n'a pas la foi.
+
+SIXIME ARTICLE.--_Les ministres._ ... Que voulez-vous donc faire
+de Jsus-Christ, s'il n'a pas reu chair et sang de sa mre Marie?
+Voulez-vous qu'il soit un fantme, un spectre? Il serait besoin
+que notre Urbanus Regius ft imprimer un second livre pour vous
+faire comprendre votre langue natale[2], sans cela vos ttes d'nes
+rsisteront toujours l'instruction.
+
+ [2] Ceci se rapporte l'interprtation du mot: n, _geboren_.
+
+_Le roi._ Si vous saviez quelle consolation infinie est renferme dans
+cette connaissance que Jsus-Christ, Dieu et fils du Dieu vivant, s'est
+fait homme et a vers son sang, non pas celui de Marie, pour racheter
+nos pchs (lui qui est pur de toute faute), vous ne parleriez pas
+comme vous faites et vous ne trouveriez pas notre opinion si mauvaise.
+
+SEPTIME ARTICLE sur la polygamie.--Le roi oppose aux ministres
+l'exemple des patriarches. Les ministres se retranchent derrire
+l'usage gnralement tabli dans les temps modernes, et dclarent
+que le mariage est _res politica_. Le roi dit qu'il vaut mieux avoir
+beaucoup d'pouses, que beaucoup de prostitues, et termine cet
+entretien, comme le second, par ces mots: Que Dieu soit notre juge.
+
+Quoique rdig par les prdicateurs, l'effet de cette discussion ne
+leur est pas favorable. On ne peut s'empcher d'admirer la fermet,
+le bon sens, et la modeste simplicit du roi de Munster, qui ressort
+encore par la duret pdantesque de ses interlocuteurs.
+
+Corvinus et Kymeus au lecteur chrtien:--Nous avons reprsent notre
+entretien avec le roi -peu-prs mot pour mot, sans passer un seul de
+ses argumens; seulement nous les avons mis en notre langage et poss
+plus convenablement qu'il ne le faisait... Environ huit jours aprs,
+il envoya vers nous pour nous prier de venir encore une fois traiter
+avec lui... Nous discutmes de nouveau pendant deux jours; il se trouva
+plus docile que la premire fois, mais nous n'avons vu en cela que le
+dsir de sauver sa vie. Il dclara de son propre mouvement que si on le
+prenait en grce, il voulait avec le secours de Melchior Hoffmann et
+de ses reines, exhorter tous les anabaptistes, qui sont trs nombreux,
+selon lui, dans la Hollande, le Brabant, l'Angleterre et la Frise,
+se taire dsormais, obir, et mme faire baptiser leurs enfans,
+jusqu' ce que l'autorit s'arranget avec eux sur les affaires de
+religion. ... Suit la nouvelle confession de foi de Jean de Leyde, par
+laquelle il modifie quelques points de la premire. En exhortant les
+anabaptistes l'obissance, il n'entend qu'une obissance extrieure.
+Il ne cde point sur le fond des doctrines, et veut qu'on laisse les
+consciences libres. Quant l'eucharistie, il dclare que tous ses
+confrres sont zwingliens sur ce point, et que lui-mme il l'avait
+toujours t, mais que dans sa prison Dieu lui a fait connatre ses
+erreurs. Cette confession est signe en hollandais: _Moi, Jean de
+Leyde, sign de ma propre main_.
+
+Le 19 janvier 1536, Jean de Leyde, ainsi que Knipperdolling et
+Krechting, son vicaire et son lieutenant, furent tirs de leurs
+cachots[r11]. Le lendemain, l'vque leur envoya son chapelain pour
+confrer avec chacun d'eux sparment, sur leurs croyances et sur
+les actes qu'ils avaient commis. Le roi tmoigna du repentir et se
+rtracta, mais les deux autres persistrent et ne s'avourent coupables
+en rien... Le 22 au matin, toutes les portes de Munster furent fermes;
+on ne laissa plus entrer ni sortir, et vers les huit heures, le roi,
+dpouill jusqu' la ceinture, fut conduit sur un chafaud dress dans
+le march. Deux cents fantassins et trois cents cavaliers se tenaient
+auprs. L'affluence du peuple tait extrme. Il fut attach un
+poteau, et deux bourreaux le dchirrent tour--tour avec des tenailles
+ardentes. Enfin l'un d'eux lui plongea un couteau dans la poitrine, et
+termina ainsi l'excution qui durait depuis une heure.
+
+ [r11] _Ibid._ t. II, 400.
+
+Aux trois premiers coups de tenailles le roi ne laissa entendre aucun
+cri, mais aprs il s'cria sans cesse, les yeux tourns au ciel: _O
+mon Pre, ayez piti de moi!_ et il pria Dieu avec ardeur, pour la
+rmission de ses pchs. Quand il se sentit dfaillir, il dit: _O mon
+Pre, je remets mon esprit entre tes mains!_ et il expira.
+
+Le cadavre fut jet sur une claie et tran devant la tour de
+Saint-Lambert, o taient prpars trois paniers de fer. Arriv l, on
+l'attacha avec des chanes dans l'un de ces paniers, et les paysans le
+hissrent au haut de la tour, o il fut suspendu un crochet.--Le
+supplice de Knipperdolling et de Krechting fut le mme que celui du
+roi. Ils persistrent jusqu' la fin dans tout ce qu'ils avaient dit.
+Pendant l'excution ils n'invoqurent que le Pre, sans faire mention
+du Christ, comme c'tait l'usage de leur secte. Ni l'un ni l'autre,
+ne dit rien de remarquable: peut-tre leur silence tait-il la suite
+des tourmens qu'ils avaient endurs dans la prison, car ils semblaient
+dj plus morts que vifs. Leurs corps furent mis dans les deux autres
+paniers de fer, et hisss par les paysans, l'un la droite, l'autre
+ la gauche du roi, mais plus bas de la hauteur d'un homme. Alors on
+rouvrit les portes de la ville, et il y entra une grande foule de gens
+venus trop tard pour voir l'excution[a28].
+
+_Prface de Luther aux Nouvelles, sur les affaires de Munster[r12]._
+Ah! que dois-je, et comment dois-je crire contre ou sur ces pauvres
+gens de Munster! N'est-il pas visible que le diable y rgne en
+personne, ou plutt qu'il y a l toute une bande de diables?
+
+ [r12] _Ibid._ t. II, 332.
+
+Reconnaissons pourtant ici la grce et la misricorde infinies de
+Dieu. Aprs que l'Allemagne, par tant de blasphmes, par le sang
+de tant d'innocens, a mrit une si rude frule, le pre de toute
+misricorde ne permet pas encore au diable de frapper son vrai coup, il
+nous avertit d'abord paternellement par ce jeu grossier que Satan fait
+ Munster. La puissance de Dieu contraint l'esprit aux cent ruses s'y
+prendre d'abord avec gaucherie et maladresse, afin de nous laisser le
+temps d'chapper par la pnitence, aux coups mieux calculs qu'il nous
+rservait.
+
+En effet, l'esprit qui veut tromper le monde ne doit pas commencer par
+prendre des femmes, par tendre la main vers les honneurs et le glaive
+royal, ou bien par gorger les gens; ceci est trop grossier. Chacun
+s'aperoit que cet esprit ne veut autre chose que s'lever lui-mme et
+opprimer les autres. Ce qu'il faut pour tromper, c'est de mettre un
+habit gris, de prendre un air triste et piteux, de pencher la tte,
+de refuser l'argent, de ne pas manger de viande; de fuir les femmes
+l'gal du poison, de repousser comme damnable tout pouvoir temporel, de
+rejeter le glaive; puis de se baisser tout doucement vers la couronne,
+le glaive et les cls, pour les ramasser et s'en saisir furtivement.
+Voil qui pourrait russir, voil qui tromperait mme les sages, les
+hommes tourns au spirituel. Ce serait l un beau diable, plumes plus
+belles que plumes de paon et de faisan.
+
+Mais saisir la couronne si impudemment, prendre non-seulement une
+femme, mais autant de femmes que dit le caprice et le plaisir. Ah!
+c'est le fait d'un diablotin colier, d'un diable l'A B C; ou bien
+c'est le vritable Satan, le Satan docte et habile, mais garrott
+par la main de Dieu de chanes si puissantes qu'il n'a pu agir plus
+adroitement. C'est pour nous menacer tous et nous exhorter craindre
+ses chtimens, avant qu'il ne laisse le champ libre un diable savant
+qui nous attaquerait, non plus avec l'A B C, mais avec le vritable
+texte, le texte difficile. S'il fait de telles choses comme diablotin
+ l'cole, que ne pourrait-il faire comme diable raisonnable, sage,
+savant, lgiste, thologien?
+
+... Lorsque Dieu est en colre et qu'il nous prive de sa parole, nulle
+tromperie du diable n'est trop grossire. Les commencemens de Mahomet
+aussi furent grossiers; cependant, Dieu n'y mettant obstacle, il en est
+sorti un empire damnable et infme, comme tout le monde sait. Si Dieu
+ne nous et pas t en aide contre Mnzer, il se ft lev par lui un
+empire turc, comme celui de Mahomet. En somme: nulle tincelle n'est si
+petite, que Dieu y laissant souffler le diable, il n'en puisse sortir
+un feu qui dvore le monde, et que personne n'teigne. La meilleure
+arme contre le diable c'est le glaive de l'esprit, la parole de Dieu;
+le diable est un esprit et il se moque des cuirasses, des chevaux et
+des cavaliers.
+
+Mais nos seigneurs vques et princes, ne veulent pas souffrir que
+l'on prche l'vangile, et que, par la parole divine, l'on arrache
+les mes au diable; ils pensent qu'il suffit d'gorger. De cette
+manire ils prennent au diable les corps, ils lui laissent les mes;
+ils russiront comme les Juifs, qui croyaient exterminer Christ en le
+crucifiant.....
+
+..... Ceux de Munster, entre autres blasphmes, parlent de la
+naissance de Jsus-Christ, comme s'il ne venait pas (c'est leur
+langage) de la semence de Marie et que cependant il ft de la semence
+de David. Mais ils ne s'expliquent pas clairement. Le diable garde la
+bouillie ardente dans la bouche et ne fait que grommeler: _mum, mum_,
+voulant probablement dire pis. Toutefois ce que l'on comprend, c'est
+que, d'aprs eux, la semence ou la chair de Marie ne pourrait pas nous
+racheter. Eh bien! diable, grommle et crache tant que tu voudras, le
+seul petit mot: _n_, renverse tout cela. Dans toutes les langues,
+sur toute la terre, on appelle _n_ l'enfant de chair et de sang qui
+sort des entrailles de la femme, et non autre chose. Or l'criture dit
+partout que Jsus-Christ est _n_ de sa mre Marie, qu'il est son fils
+premier n: ainsi Isae, Gabriel, et ailleurs: Tu seras enceinte en
+ton corps, etc. Mon cher, _tre enceinte_ ne signifie pas: tre un
+tuyau par lequel il coule de l'eau (selon les blasphmes de Maniche);
+mais cela veut dire qu'un enfant est pris de la chair et du sang de sa
+mre, qu'il est nourri en elle, qu'il y prend croissance, qu'il est
+la fin mis au monde.
+
+L'autre proposition de ces gens, celle par laquelle ils condamnent
+le baptme des enfans et en font une chose paenne, est de mme assez
+grossire. Ils regardent comme mauvais tout ce que les impies ont et
+donnent. Pourquoi donc alors ne tiennent-ils pas pour mauvais l'or,
+l'argent et les autres biens qu'ils ont pris aux impies dans Munster.
+Ils devraient faire de l'or et de l'argent tout neuf.....
+
+Leur mchant royaume est si visiblement un royaume de grossire
+imposture et de rvolte qu'il n'est pas besoin d'en parler. J'en ai
+dj trop dit: Je m'arrte.[a29]
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+1536-1545.
+
+ Dernires annes de la vie de Luther.--Polygamie du landgrave
+ de Hesse, etc.
+
+
+Les catholiques et les protestans runis un instant contre les
+anabaptistes, n'en furent ensuite que plus ennemis[a30]. On parlait
+toujours d'un concile gnral; personne n'en voulait srieusement. Le
+pape le redoutait, les protestans le rcusaient d'avance.
+
+On m'crit de la dite, que l'Empereur presse les ntres de consentir
+ un concile, et qu'il se courrouce de leur refus. Je ne comprends pas
+ces monstruosits. Le pape nie que des hrtiques comme nous puissent
+avoir place un concile: l'Empereur veut que nous consentions au
+concile et ses dcrets. C'est peut-tre Dieu qui les rend fous...
+Mais voici sans doute leur folle combinaison. Comme jusqu' prsent
+ils n'ont pu, sous le nom du pape, de l'glise, de l'Empereur, des
+dites, rendre redoutable leur mauvaise cause, ils pensent maintenant
+ se couvrir du nom de concile afin de pouvoir crier contre nous: que
+nous sommes des gens tellement perdus et dsesprs que nous ne voulons
+couter ni le pape, ni l'glise, ni l'Empereur, ni l'Empire, ni le
+concile mme que nous avons tant de fois demand. Voyez l'habilet de
+Satan contre ce pauvre sot de Dieu, qui aura sans doute de la peine
+ se tirer de piges si bien dresss?... Non, c'est le Seigneur, qui
+se jouera de ceux qui se jouent de lui. S'il nous faut consentir un
+concile ainsi dispos pour nous, pourquoi, il y a vingt-cinq ans, ne
+nous sommes-nous pas soumis au pape, seigneur des conciles, et toutes
+ses bulles? (9 juillet 1545.)
+
+Ce concile aurait pu resserrer l'unit de la hirarchie catholique,
+mais non rtablir celle de l'glise. Les armes devaient seules
+dcider[a31]. Dj les protestans avaient chass les Autrichiens du
+Wurtemberg. Ils dpouillaient Henri de Brunswick, qui excutait
+son profit les arrts de la chambre impriale. Ils encourageaient
+l'archevque de Cologne imiter l'exemple d'Albert de Brandebourg, en
+scularisant son archevch, ce qui leur et donn la majorit dans
+le conseil lectoral. Cependant il y eut encore quelques tentatives
+de conciliation. Des confrences s'ouvrirent Worms et Ratisbonne
+(1540--1541)[a32]. Elles furent aussi inutiles que celles qui les
+avaient prcdes. Luther ne s'y trouva point et donna mme peu
+d'attention ces disputes qui de jour en jour prenaient un caractre
+plus politique que religieux.
+
+Il ne m'est rien venu de Worms, si ce n'est ce que m'crit Mlanchton,
+qu'il s'y est runi une telle multitude de doctes personnages de
+France, d'Italie, d'Espagne et d'Allemagne, que dans aucun synode
+pontifical on n'en pourra jamais voir un aussi grand nombre. (27
+novembre 1540.)
+
+J'ai reu des nouvelles de Worms. Les ntres procdent avec force et
+sagesse, nos adversaires, comme gens sots et ineptes, n'usent que de
+ruses et de mensonges. On croirait voir Satan lui-mme, quand se lve
+l'aurore, courir et l cherchant, sans pouvoir trouver, quelque
+sombre repaire pour chapper cette lumire qui le poursuit. (9
+janvier 1541.)
+
+Aprs une nouvelle confrence de thologiens des deux partis, on
+voulut avoir l'opinion de Luther sur dix articles dont on tait
+convenu. Notre prince apprenant que l'on venait directement moi sans
+s'adresser lui, accourut avec Pontanus, et tous deux arrangrent la
+rponse leur faon[a33].
+
+Quelques annes auparavant, cette intervention du prince aurait soulev
+l'indignation de Luther. Ici il en parle sans colre, le dgot et la
+lassitude commencent s'emparer de lui. Il voit bien qu'en travaillant
+ rtablir l'vangile dans sa puret primitive, il n'a fait que fournir
+aux puissans du sicle les moyens de satisfaire leurs ambitions
+terrestres, et qu'ils font chaque jour bon march de son Christ.
+
+Notre excellent prince m'a donn lire les conditions qu'il veut
+proposer pour avoir la paix avec l'Empereur et nos adversaires. Je vois
+qu'ils regardent toute cette affaire comme une comdie qui se joue
+entre eux, tandis que c'est une tragdie entre Dieu et Satan, o Satan
+triomphe et o Dieu est humili[a34]. Mais viendra la catastrophe o le
+Tout-Puissant, auteur de cette tragdie, nous donnera la victoire. Je
+suis indign qu'on se joue ainsi de si grandes choses[a35]. (4 avril
+1541.)
+
+
+Nous avons vu de bonne heure dans quelle triste dpendance la Rforme
+s'tait trouve l'gard des princes qui la protgeaient; Luther eut
+le temps de voir les consquences o cette dpendance devait aboutir.
+Ces princes, c'taient des hommes; il fallut les servir, non-seulement
+comme princes, mais comme hommes, dans leurs caprices, dans les besoins
+de leur humanit. De l, des concessions qui sans tre contraires aux
+principes de la Rforme, semblrent peu honorables aux rformateurs.
+
+Le chef le plus belliqueux du parti protestant, l'imptueux et
+colrique landgrave de Hesse, fit reprsenter Luther et aux ministres
+que sa sant ne lui permettait pas de se contenter d'une femme. Les
+instructions qu'il donna Bucer[r13] pour ngocier cette affaire
+avec les thologiens de Wittemberg, sont un curieux mlange de
+sensualit, de craintes religieuses et de navet hardie.
+
+ [r13] Bossuet en a donn le texte dans son histoire des
+ _Variations de l'glise protestante_.--t. I, 328, 199.
+
+Depuis mon mariage, crit-il, je vis dans l'adultre et la
+fornication; et comme je ne veux point abandonner cette vie, je ne puis
+m'approcher de la Sainte-Table; car saint Paul a dit que l'adultre ne
+possdera pas le royaume des cieux. Il numre ensuite les raisons
+qui le forcent vivre ainsi. Ma femme, dit-il, n'est ni belle, ni
+aimable; elle sent mauvais, elle boit, et mes chambellans savent bien
+comment elle se comporte alors, etc.--Je suis d'une forte complexion,
+les mdecins peuvent le tmoigner, souvent je vais aux dites
+impriales. _Ubi laut vivitur et corpus curatur; quomodo me ibi
+gerere queam absque uxore, cm non semper magnum gynceum mecum ducere
+possim?..._ Comment puis-je punir la fornication et les autres crimes,
+lorsque moi-mme je m'en rends coupable, lorsque tous pourraient me
+dire: Matre, commence par toi... Si nous prenions les armes pour la
+cause de l'vangile, je ne le ferais qu'avec une conscience trouble,
+car je me dirais: Si tu meurs en cette guerre, tu vas au dmon... J'ai
+lu avec soin l'Ancien et le Nouveau Testament, et je n'y ai trouv
+d'autre remde que de prendre une seconde femme, car je ne puis, ni
+ne veux changer la vie que je mne. Je l'atteste par-devant Dieu, ce
+qu'Abraham, Jacob, David, Lamech et Salomon ont fait, pourquoi ne le
+puis-je faire? Cette question de la polygamie avait t agite dj
+dans les premires annes du protestantisme; on la trouvait partout
+dans l'criture laquelle la Rforme disait vouloir ramener le
+monde. Les rformateurs considraient d'ailleurs le mariage _ut res
+politica_, et sujette aux rglemens du prince. En prsence de cette
+question, Luther recula d'abord; la chose lui rpugnait, mais il
+n'osait condamner l'Ancien Testament. D'ailleurs la doctrine que le
+Landgrave invoquait, tait prcisment celle que Luther avait adopte
+en principe ds les commencemens de la Rforme, quoiqu'il ne conseillt
+pas de la pratiquer; il avait crit en 1524: Il faut que le mari
+soit certain par sa propre conscience et par la parole de Dieu, que
+la polygamie lui est permise. ..... Pour moi, j'avoue que je ne puis
+mettre d'opposition ce qu'on pouse plusieurs femmes, et que cela
+ne rpugne pas l'criture sainte. Cependant je ne voudrais pas que
+cet exemple s'introduist parmi les chrtiens, qui il convient de
+s'abstenir mme de ce qui est permis, pour viter le scandale et pour
+maintenir l'_honestas_ que saint Paul exige en toute occasion. Il est
+tout--fait indigne d'un chrtien de courir avec tant d'ardeur pour
+son propre avantage jusqu'aux dernires limites de la libert, et de
+ngliger pourtant les choses les plus vulgaires et les plus ncessaires
+de la charit. Aussi je n'ai point voulu, dans mon sermon, ouvrir cette
+fentre. (13 janvier 1524.)
+
+La polygamie permise autrefois aux Juifs et aux gentils, ne peut,
+d'aprs la foi, exister chez les chrtiens si ce n'est dans un cas
+d'absolue ncessit, comme quand on est oblig de se sparer de sa
+femme lpreuse, etc. Tu diras donc ces hommes de chair que s'ils
+veulent tre chrtiens, il leur faut matriser la chair et ne point lui
+lcher la bride. S'ils veulent tre gentils, qu'ils le soient, mais
+leurs risques et prils. (21 mars 1527.)
+
+Un jour Luther demanda au docteur Basilius si, d'aprs les lois, le
+mari dont la femme aurait quelque maladie incurable, et serait, pour
+ainsi dire, plus morte que vivante, pourrait tre autoris prendre
+une concubine. Le docteur Basilius ayant rpondu que dans certains
+cas, cette permission serait probablement accorde, Luther dit: C'est
+l une chose dangereuse, car si l'on admet les cas de maladie, l'on
+pourrait venir chaque jour inventer de nouvelles raisons de dissoudre
+les mariages. (1539).
+
+Le message du Landgrave jeta Luther dans un grand embarras. Tout ce
+qu'il y avait de thologiens protestans Wittemberg, se runit pour
+dresser une rponse; on rsolut de composer avec ce prince. On lui
+accorda le double mariage, mais condition que sa seconde femme ne
+serait point reconnue publiquement. Votre Altesse comprend assez
+d'elle-mme la diffrence qu'il y a d'tablir une loi universelle ou
+d'user de dispense en un cas particulier pour de pressantes raisons.
+Nous ne pouvons introduire publiquement et sanctionner comme par une
+loi la permission d'pouser plusieurs femmes... Nous prions Votre
+Altesse de considrer dans quel danger serait un homme convaincu
+d'avoir introduit en Allemagne une telle loi, qui diviserait les
+familles et les engagerait en des procs ternels..... Votre Altesse
+est d'une complexion faible, elle dort peu; de grands mnagemens lui
+sont ncessaires... Le grand Scanderbeg exhortait souvent ses soldats
+ la chastet, disant qu'il n'y avait rien de si nuisible leur
+profession que le plaisir de l'amour... Qu'il plaise donc Votre
+Altesse d'examiner srieusement les considrations du scandale, des
+travaux, des soins, des chagrins et des infirmits qui lui ont t
+reprsentes... Si cependant Votre Altesse est entirement rsolue
+d'pouser une seconde femme, nous jugeons qu'elle doit le faire
+secrtement... Fait Wittemberg, aprs la fte de saint Nicolas, de
+l'an 1539[a36]. Martin LUTHER, Philippe MELANCHTON, Martin BUCER,
+Antoine CORVIN, ADAM, Jean LENING, Justin WINTFERT, Dyonisius
+MELANTHER.
+
+C'tait une chose dure que de forcer Luther qui, comme thologien et
+pre de famille, tenait la saintet du mariage, de dclarer qu'en
+vertu de l'Ancien Testament, deux femmes pouvaient s'asseoir avec leurs
+jalousies et leurs haines au mme foyer domestique. Cette croix, il
+la sentit douloureusement. Quant l'affaire _macdonique_, ne t'en
+afflige pas trop, puisque les choses en sont venues au point que ni
+joie ni tristesse n'y peuvent rien. Pourquoi nous tuer nous-mmes?
+pourquoi souffrir que la tristesse nous te la pense de celui qui a
+vaincu toutes les morts et toutes les tristesses? Celui qui a vaincu le
+diable et jug le prince de ce monde, n'a-t-il pas en mme temps jug
+et vaincu ce scandale?... A leurs yeux, nos vertus sont des vices quand
+nous n'adorons point Satan avec eux. Que Satan triomphe donc, et n'en
+concevons ni chagrin, ni tristesse; mais rjouissons-nous en Christ,
+qui brisera les efforts de tous nos ennemis. (18 juin 1540).
+
+Il semble qu'il ait espr, pour viter ce scandale, l'intervention de
+l'Empereur.
+
+Si Csar et l'Empire le voulaient, comme ils seront forcs de le
+vouloir, ils feraient bientt cesser par un dit ce scandale, afin que
+cela ne puisse devenir pour l'avenir un droit ou un exemple.
+
+Depuis cette poque, les lettres de Luther, comme celles de Mlanchton,
+sont pleines de dgot et de tristesse[a37].
+
+Quelqu'un demandant Luther de l'appuyer par une lettre prs de la
+cour de Dresde, Luther lui rpond qu'il a perdu tout crdit, toute
+influence. Dans les lettres prcdentes, il se trouve parfois des
+expressions amres contre cette cour. _Mundana illa caula._
+
+J'assisterai tes noces, mon cher Lauterbach, mais en esprit et par
+la prire. Car que j'y aille de corps, ce n'est pas seulement la
+multitude des affaires qui m'en empche, mais le danger d'offenser ces
+mamelucks et la reine de ce royaume (la duchesse Catherine de Saxe?);
+car qui n'est offens de la folie de Luther?
+
+Tu me demandes, mon cher Jonas, de t'crire de temps autre quelques
+mots de consolation. Mais c'est moi plus que personne qui ai besoin
+que tes lettres viennent rendre quelque vie mon esprit, moi qui
+comme Loth ai tant souffrir au milieu de cette infme et satanique
+ingratitude, de cet horrible mpris de la parole du Seigneur. Il faut
+que je voie Satan possder les coeurs de ceux qui croient qu' eux
+seuls sont rserves les premires places dans le royaume de Christ!
+
+Les protestans commenaient dj se relcher de leur svrit. On
+rouvrait les maisons de dbauches. Il vaudrait mieux, dit Luther, ne
+pas avoir chass Satan que de le ramener en plus grande force. (13
+septembre 1540.)
+
+Le pape, l'Empereur, le Franais, Ferdinand, ont envoy auprs du
+Turc, pour demander la paix, une ambassade magnifique charge de riches
+prsens. Et ce qu'il y a de plus beau, c'est que pour ne pas blesser
+les yeux des Turcs, ils ont tous quitt le costume de leur pays, et se
+sont pars de longues robes la mode turque... J'espre que ce sont
+les signes bienheureux de la fin imminente de toutes choses. (17
+juillet 1745.)
+
+_A Jonas._ Je te dis l'oreille que j'ai de grands soupons qu'on
+nous enverra seuls, nous autres luthriens, la guerre contre le Turc.
+Le roi Ferdinand a enlev de Bohme l'argent de la guerre, et a dfendu
+qu'on ft partir un seul soldat. L'Empereur ne fait rien. Et si c'tait
+leur dessein que nous fussions extermins par le Turc? (29 dcembre
+1542.)
+
+Rien de nouveau ici, sinon que le margrave de Brandebourg se fait une
+mauvaise rputation par tout le monde au sujet de la guerre de Hongrie.
+Ferdinand n'en a pas une meilleure. Je vois un concours de tant de
+motifs et de trs vraisemblables, que je ne puis m'empcher de croire
+que tout cela indique une horrible et funeste trahison. (26 janvier
+1542.)
+
+Je le demande, qu'arrivera-t-il enfin de cette horrible trahison des
+princes et des rois? (16 dcembre 1543.)
+
+Puisse Dieu nous venger des incendiaires (presque tous les mois il
+parle d'incendies qui ont lieu Wittemberg)! Satan a trouv un nouveau
+moyen de nous tuer. On jette du poison dans le vin, du pltre dans le
+lait[a38]. A Ina, douze personnes ont t empoisonnes dans du vin.
+Peut-tre sont-elles mortes seulement pour avoir trop bu. Cependant
+on assure qu' Magdebourg et Northuse, on a trouv des marchands
+vendant du lait empoisonn. (avril 1541.) Dans une des lettres
+suivantes, il fait mention d'une histoire d'hosties empoisonnes.--A
+Amsdorf, l'occasion de la peste de Magdebourg. Ce que tu me mandes
+de la frayeur que l'on a aujourd'hui de la peste, j'en ai fait aussi
+l'preuve il y a quelques annes; et je m'tonne de voir que, plus se
+rpand la prdication de la vie en Jsus-Christ, plus augmente dans le
+peuple la peur de la mort, soit qu'auparavant, sous le rgne du pape,
+un faux espoir de vie diminut pour eux la crainte de la mort, et que
+maintenant la vritable esprance de vie tant mise devant leurs yeux,
+ils sentent combien la nature est faible pour croire au vainqueur de
+la mort, soit que Dieu nous tente par ces faiblesses et laisse prendre
+ Satan, au milieu de cette frayeur, plus de hardiesse et de force.
+Tant que nous avons vcu dans la foi du pape, nous tions comme des
+gens ivres, endormis ou fous, prenant la mort pour la vie, c'est--dire
+ignorant ce que c'est que la mort et la colre de Dieu. Maintenant que
+la lumire a brill et que la colre de Dieu nous est mieux connue, la
+nature est sortie du sommeil et de la folie. De l vient qu'ils ont
+plus de peur qu'autrefois... J'ajoute et j'applique ici ce passage
+du psaume LXXI: _Ne me rejetez pas dans le temps de ma vieillesse;
+lorsque ma force succombera, ne m'abandonnez pas_. Car je pense que ce
+temps suprme est la vieillesse du Christ et le temps de l'abattement,
+c'est--dire que c'est le grand et dernier assaut du diable, comme
+David, dans ses derniers jours, affaibli par l'ge, et t tu par
+le gant, si Abisa ne ft venu son aide... J'ai appris presque
+toute cette anne chanter avec saint Paul: _Quasi mortui et ecce
+vivimus_. Et ailleurs: _Per gloriam vestram quotidi morior_. Et quand
+il dit aux Corinthiens, _In mortibus frequenter_, ce n'a pas t chez
+lui spculation ou mditation sur la mort, mais sentiment de la mort
+elle-mme, comme s'il n'y avait plus d'esprance de vie. (20 novembre
+1538.)
+
+J'espre qu'au milieu du dchirement du monde, le Christ va hter son
+jour et fera crouler l'univers, _Ut fractus illabatur orbis_. (12
+fvrier 1538.)
+
+
+
+
+LIVRE IV.
+
+1530-1546.
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER.
+
+ Conversations de Luther.--La famille[a39], la femme[a40],
+ les enfans. La nature.
+
+
+Arrtons-nous dans cette triste histoire des dernires annes de
+la vie publique. Rfugions-nous, comme Luther, dans la vie prive;
+asseyons-nous sa table, ct de sa femme, au milieu de ses enfans
+et de ses amis; coutons les paroles graves du pieux et tendre pre de
+famille[a41].
+
+
+Celui qui insulte les prdicateurs et les femmes ne russira pas
+bien[r14]. C'est des femmes que viennent les enfans par quoi se
+maintient le gouvernement de la famille et de l'tat. Qui les mprise,
+mprise Dieu et les hommes.
+
+ [r14] Tischr. 241.
+
+Le droit saxon est trop dur, lorsqu'il donne seulement la veuve un
+sige et une quenouille[r15]. Par le premier mot, il faut entendre
+la maison; par le second, l'entretien, la subsistance. On paie bien un
+valet. Que dis-je? on donne plus un mendiant.
+
+ [r15] _Ibid._ 315 _bis_.
+
+Il n'y a point de doute que les femmes en mal d'enfant, qui meurent
+dans la foi, sont sauves, parce qu'elles meurent dans la charge et la
+fonction pour laquelle Dieu les a cres[r16].
+
+ [r16] _Ibid._ 116.
+
+C'est l'usage dans les Pays-Bas, que chaque nouveau et jeune prtre se
+choisisse une petite fille qu'il tient pour sa fiance, et cela, pour
+honorer le saint tat du mariage.
+
+On disait Luther[r17]: Si un prdicateur chrtien doit souffrir la
+prison et la perscution pour l'amour de la parole, ne doit-il pas,
+ plus forte raison, se passer du mariage? Il rpondit cela: Il
+est plus facile de supporter la prison que de brler: je l'ai prouv
+moi-mme. Plus je macrais mon corps, plus je tchais de le dompter,
+et plus je brlais. Quand on aurait le don de rester chaste dans le
+clibat, on doit encore se marier pour faire dpit au pape... Si
+j'tais mort l'improviste, j'aurais voulu pour honorer le mariage,
+faire venir mon lit de mort une pieuse fille que j'aurais prise comme
+pouse, et laquelle j'aurais donn deux gobelets d'argent pour don de
+noces et prsent de lendemain (morgengabe).
+
+ [r17] _Ibid._ 312 _bis_.
+
+Lettre un ami qui lui demande conseil pour se marier[r18]: Si tu
+brles, il faut prendre femme... Tu voudrais bien en avoir une, belle,
+pieuse et riche. Trs bien, mon cher; on t'en donnera une en peinture,
+avec des joues roses et des jambes blanches. Ce sont aussi les plus
+pieuses; mais elles ne valent rien pour la cuisine ni pour le lit... Se
+lever de bonne heure et se marier jeune, personne ne s'en repentira.
+
+ [r18] _Ibid._ 313 _bis_.
+
+Il n'est gure plus possible de se passer de femme que de boire ou de
+manger[r19]. Conu, nourri, port dans le corps des femmes, notre
+chair est elles dans sa plus grande partie, et il nous est impossible
+de nous en sparer tout--fait.
+
+ [r19] _Ibid._ 315 _bis_.
+
+Si j'avais voulu faire l'amour, il y a treize ans, j'aurais pris Ave
+Schonfeldin, qui est aujourd'hui au docteur Basilius, le mdecin de
+Prusse. Je n'aimais pas alors ma Catherine; je la souponnais d'tre
+fire et hautaine; mais il a plu ainsi Dieu; il a voulu que j'eusse
+piti d'elle, et cela m'a fort bien tourn; Dieu soit lou!
+
+La plus grande grce de Dieu est d'avoir un bon et pieux poux, avec
+qui vous viviez en paix, qui vous puissiez confier tout ce que vous
+avez, mme votre corps et votre vie, et avec qui vous ayez de petits
+enfans[r20]. Catherine, tu as un homme pieux qui t'aime, tu es une
+impratrice. Grce soit rendue Dieu!
+
+ [r20] _Ibid._ 313.
+
+Quelqu'un excusait ceux qui courent aprs les filles, le docteur Luther
+rpondit: Qu'ils sachent que c'est mpriser le sexe fminin. Ils
+abusent des femmes qui n'ont pas t cres pour cela. C'est une grande
+chose qu'une jeune fille puisse toujours tre aime; le diable le
+permet rarement... Elle disait bien, mon htesse d'Eisenach, quand j'y
+tais aux coles: _Il n'est sur terre chose plus douce que d'tre aim
+d'une femme_.
+
+Au jour de la Saint-Martin, anniversaire de la naissance du
+docteur Martin Luther, matre Ambrosius Brend vint lui demander sa
+nice...[r21] Un jour qu'il les surprit dans un entretien secret, il
+se mit rire, et dit: Je ne m'tonne pas qu'un fianc ait tant dire
+ sa fiance; pourraient-ils se lasser jamais? Mais on ne doit point
+les gner; ils ont privilge par dessus Droit et Coutume.--En la lui
+accordant, il dit ces paroles: Monsieur et cher ami, je vous prsente
+cette jeune fille telle que Dieu me l'a donne dans sa bont. Je la
+remets entre vos mains; Dieu vous bnisse, de sorte que votre union
+soit sainte et heureuse!
+
+ [r21] _Ibid._ 316 _bis_.
+
+Le docteur Martin Luther tait la noce de la fille de Jean
+Luffte[r22]. Aprs le souper, il conduisit la marie au lit, et dit
+ l'poux, que d'aprs le commun usage il devait tre le matre dans
+la maison... quand la femme n'y tait pas; et pour signe, il ta un
+soulier l'poux et le mit sur le ciel du lit, afin qu'il prt ainsi
+la domination et le gouvernement.
+
+ [r22] _Ibid._ 320.
+
+Fais comme moi, cher compagnon, quand je voulus prendre ma Catherine,
+je priai notre Seigneur, mais je priai srieusement. Fais-en autant, tu
+n'as pas encore srieusement pri.
+
+En 1541, Luther fut un jour extrmement gai et enjou table[r23].
+Ne vous scandalisez pas de me voir de si bonne humeur, dit-il ses
+amis, j'ai reu aujourd'hui beaucoup de mauvaises nouvelles et je viens
+de lire une lettre trs violente contre moi. Nos affaires vont bien,
+puisque le diable tempte si fort.
+
+ [r23] _Ibid._ 264 _bis_.
+
+Il riait du bavardage de sa femme, et lui demandait si, avant de
+prcher si bien, elle avait dit un _Pater_. Si elle l'et fait, Dieu
+lui aurait sans doute dfendu de prcher.
+
+Si je devais encore faire l'amour, je voudrais me tailler dans la
+pierre une femme obissante; sans cela je dsespre d'en trouver.
+
+La premire anne du mariage, on a d'tranges penses[r24]. Si on
+est table, on se dit: Auparavant tu tais seul; aujourd'hui tu es
+deux (_Selbander_). Au lit, si l'on s'veille, on voit une autre tte
+ ct de soi. Dans la premire anne, ma Catherine se tenait assise
+ct de moi quand j'tudiais, et comme elle ne savait que dire, elle me
+demandait: Seigneur docteur, en Prusse, le matre-d'htel n'est-il pas
+frre du margrave?
+
+ [r24] _Ibid._ 313 _bis_.
+
+Il ne faut pas mettre d'intervalle entre les fianailles et les
+noces... Les amis mettent des obstacles, comme il m'est arriv avec
+matre Philippe et pour le mariage d'Eisleben (Agricola). Tous mes
+meilleurs amis criaient: Point celle-l, mais une autre.
+
+Lucas Cranach l'an avait fait le portrait de la femme de
+Luther[r25]. Lorsque le tableau fut suspendu la muraille et que le
+docteur le vit: Je veux, dit-il, faire peindre aussi un homme, envoyer
+ Mantoue les deux portraits pour le concile, et demander aux saints
+pres s'ils n'aimeraient pas mieux l'tat du mariage, que le clibat
+des ecclsiastiques.
+
+ [r25] _Ibid._ 314.
+
+... Un signe certain que Dieu est ennemi de la papaut, c'est qu'il
+lui a refus cette bndiction du fruit corporel (la gnration des
+enfans...).
+
+Quand ve fut amene devant Adam, il devint plein du Saint-Esprit
+et lui donna le plus beau, le plus glorieux des noms; il l'appela
+_Eva_, c'est--dire la mre de tous les vivans; il ne l'appela point
+sa femme, mais la mre, la mre de tous les vivans. C'est l la gloire
+et l'ornement le plus prcieux de la femme: elle est _Fons omnium
+viventium_, la source de toute vie humaine. Cette parole est brve,
+mais ni Dmosthnes ni Cicron n'aurait pu dire ainsi. C'est le
+Saint-Esprit lui-mme qui parle ici par notre premier pre, et comme il
+a fait un si noble loge du mariage, il est juste que nous couvrions et
+cachions ce qu'il y a de fragile dans la femme[a42]. Jsus-Christ, le
+fils de Dieu, n'a pas non plus mpris le mariage; il est lui-mme n
+d'une femme, ce qui est un grand loge du mariage.
+
+On trouve l'image du mariage dans toutes les cratures, non-seulement
+dans les animaux de la terre, de l'air et des eaux, mais encore dans
+les arbres et les pierres[r26]. Tout le monde sait qu'il est des
+arbres, tels que le pommier et le poirier, qui sont comme mari et
+femme, qui se demandent rciproquement, et qui prosprent mieux quand
+ils sont plants ensemble. Parmi les pierres on remarque la mme chose,
+surtout dans les pierres prcieuses, le corail, l'meraude et autres.
+Le ciel est aussi le mari de la terre. Il la vivifie par la chaleur du
+soleil, la pluie et le vent, et lui fait ainsi porter toutes sortes de
+plantes et de fruits.
+
+ [r26] _Ibid._ 312 _bis_.
+
+Les petits enfans du docteur se tenaient debout devant la table[r27],
+en regardant avec bien de l'attention les pches qui taient servies;
+le docteur se mit dire: Qui veut voir l'image d'une me qui jouit
+dans l'esprance, la trouvera bien ici. Ah! si nous pouvions attendre
+avec autant de joie la vie venir!
+
+ [r27] _Ibid._ 42 _bis_.
+
+On amena au docteur sa petite fille Magdalena[r28], pour qu'elle
+chantt son cousin le chant qui commence ainsi: _Le pape invoque
+l'Empereur et les rois, etc._ Mais elle ne le voulut point, quoique
+sa mre l'en prit fort. Le docteur dit ce sujet: Rien de bien par
+force. Sans la grce, il ne rsulte rien de bon des oeuvres de la loi.
+
+ [r28] _Ibid._ 124.
+
+_Servez le Seigneur avec crainte et rjouissez-vous avec
+tremblement[r29]._ Il n'y a pas l, pour moi, de contradiction. C'est
+ce que mon petit Jean fait l'gard de son pre. Mais je ne puis en
+faire autant l'gard de Dieu. Si je suis ma table, et que j'crive
+ou que je fasse autre chose, Jean me chante une petite chanson; s'il
+chante trop haut et que je l'avertisse, il continue, mais en lui-mme
+et avec quelque crainte. Dieu veut aussi que nous soyons toujours
+gais, mais d'une gat mle de crainte et de rserve.
+
+ [r29] _Ibid._ 10 _bis_.
+
+Au premier jour de l'an[r30], un petit enfant du docteur pleurait et
+criait, au point que personne ne pouvait le calmer: le docteur avec
+sa femme en fut triste et chagrin une grande heure, ensuite il dit:
+Tels sont les dsagrmens et les charges du mariage... C'est pour cela
+qu'aucun des Pres n'a rien crit de remarquablement bon ce sujet.
+Jrme a parl assez salement, je dirais presque anti-chrtiennement,
+du mariage, etc. Au contraire saint Augustin...
+
+ [r30] _Ibid._ 314 _bis_.
+
+Aprs qu'il eut jou avec sa petite Magdalena[r31], sa femme lui
+donna le plus jeune de ses enfans, et il dit: Je voudrais tre mort
+l'ge de cet enfant; j'aurais bien renonc tout l'honneur que j'ai
+et que je puis obtenir encore en ce monde. Et comme l'enfant l'eut
+sali, il dit: Oh! combien notre Seigneur doit en souffrir de nous plus
+qu'une mre de son enfant!
+
+ [r31] _Ibid._ 47.
+
+Il disait son petit enfant[r32]: Tu es l'innocent petit fou de
+notre Seigneur, sous la grce et non sous la loi. Tu es sans crainte,
+sans inquitude; tout ce que tu fais est bien fait.
+
+ [r32] _Ibid._ 49 _bis_.
+
+Les enfans sont les plus heureux[r33]. Nous autres vieux fous nous
+nous tourmentons et nous affligeons par nos ternelles disputes sur
+la parole. Est-ce vrai? Est-ce possible? Comment est-ce possible?
+nous demandons-nous sans cesse... Les enfans, dans la simplicit et la
+puret de leur foi, ont la certitude et ne doutent en rien de ce qui
+fait leur salut... Pour tre sauvs, nous devons, leur exemple, nous
+en remettre la simple parole. Mais le diable, pour nous empcher,
+nous jette sans cesse quelque chose en travers. C'est pourquoi le mieux
+c'est de mourir sans diffrer et de nous en aller vite sous terre.
+
+ [r33] _Ibid._ 134.
+
+Une autre fois que son petit enfant Martin prenait le sein de sa mre,
+le docteur dit[r34]: Cet enfant, et tout ce qui m'appartient, est
+ha du pape et du duc George, ha de leurs partisans, ha des diables.
+Cependant tous ces ennemis n'inquitent gure le cher enfant, il ne
+s'inquite pas de ce que tant et de si puissans seigneurs lui en
+veulent, il suce gament la mamelle, regarde autour de lui en riant
+tout haut, et les laisse gronder tant qu'ils veulent.
+
+ [r34] _Ibid._ 134 _bis_.
+
+Comme matre Spalatin et matre Lenhart Beier, pasteur de Zwickaw,
+taient chez le docteur Martin Luther[r35], il jouait bonnement avec
+son petit enfant Martin, qui babillait et caressait tendrement sa
+poupe. Le docteur dit: Telles taient nos penses dans le Paradis,
+simples et naves; innocentes, sans mchancet ni hypocrisie; nous
+eussions t vritablement comme cet enfant quand il parle de Dieu et
+qu'il en est si sr.
+
+ [r35] _Ibid._ 45 _bis_.
+
+Quels ont d tre les sentimens d'Abraham, lorsqu'il a consenti
+sacrifier et gorger son fils unique[r36]? Il n'en aura rien dit
+Sara. La chose lui et trop cot. Vraiment, je disputerais avec Dieu,
+s'il m'imposait et m'ordonnait une telle chose. Alors la femme du
+docteur prit la parole et dit: Je ne puis croire que Dieu demande
+personne qu'il gorge son enfant.
+
+ [r36] _Ibid._ 47.
+
+Ah, combien mon coeur soupirait aprs les miens, lorsque j'tais
+malade la mort dans mon sjour Smalkalde. Je croyais que je ne
+reverrais plus ma femme ni mes petits enfans[a43]; que cette sparation
+me faisait de mal!... Il n'est personne assez dgag de la chair pour
+ne pas sentir ce penchant de la nature. C'est une grande chose que le
+lien et la socit qui unissent l'homme et la femme!
+
+Il est touchant de voir comme tout ramenait Luther des rflexions
+pieuses sur la bont de Dieu, sur l'tat de l'homme avant sa chute,
+sur la vie venir[r37]. Ainsi une belle branche charge de cerises
+que le docteur Jonas met sur table, la joie de sa femme qui sert des
+poissons du petit tang de leur jardin, la simple vue d'une rose, etc.
+Le 9 avril 1539, le docteur se trouvait dans son jardin et regardait
+attentivement les arbres tout brillans de fleurs et de verdure[r38].
+Il dit avec admiration: Gloire Dieu qui de la crature morte fait
+ainsi sortir la vie au printemps. Voyez ces rameaux, comme ils sont
+forts et gracieux; ils sont dj tout gros de fruits. Voil une belle
+image de la rsurrection des hommes. L'hiver est la mort et l't la
+rsurrection. Alors tout revit, tout est verdoyant.
+
+ [r37] _Ibid._ 42-43 _passim_.
+
+ [r38] _Ibid._ 363.
+
+Philippe et moi, nous sommes accabls d'affaires et d'embarras. Moi
+qui suis vieux et _emeritus_, j'aimerais mieux maintenant prendre un
+plaisir de vieillard dans les jardins, contempler les merveilles
+de Dieu dans les arbres, les fleurs, les herbes, les oiseaux, etc.;
+c'est ce plaisir et ce loisir qui me reviendraient, si mes pchs ne
+m'avaient mrit d'en tre priv par ces affaires importunes et souvent
+inutiles. (8 avril 1538.)
+
+Le 18 avril 1539, sur le soir, il y eut un orage trs fort, suivi
+d'une pluie bienfaisante qui rendit la verdure la terre et aux
+arbres[r39]. Le docteur Martin dit en regardant le ciel: Voil
+un beau temps! Tu nous l'accordes, mon Dieu! nous qui sommes si
+ingrats, si pleins de mchancet et d'avarice. Tu es un Dieu de bont.
+Ce n'est pas l une oeuvre de Satan; non, c'est un tonnerre bienfaisant
+qui branle la terre et l'ouvre pour lui faire porter des fruits et
+rpandre un parfum semblable celui que rpand la prire du chrtien
+pieux.
+
+ [r39] _Ibid._ 423.
+
+Un autre jour, sur la route de Leipzig, le docteur voyant la plaine
+couverte de bls superbes, se mit prier avec ferveur; il disait: O
+Dieu de bont, tu nous donnes une anne heureuse! Ce n'est pas cause
+de notre pit; c'est pour glorifier ton saint nom. Fais, mon Dieu,
+que nous nous amendions et que nous croissions dans ta parole! Tout
+en toi est miracle. Ta voix fait sortir de la terre, et mme du sable
+aride, ces plantes et ces pis si beaux qui rjouissent la vue. O mon
+pre, donne tous tes enfans leur pain quotidien!
+
+Supportons les difficults qui accompagnent nos fonctions, avec
+galit d'me, et attendons secours du Christ[r40]. Considre, dans
+ces violettes et ces penses que tu foules en te promenant sur la
+lisire de nos jardins, un emblme de notre condition. Nous consolons
+le peuple (?) lorsque nous remplissons l'glise; il y a l la robe
+de pourpre, la couleur des afflictions, mais au fond la fleur d'or
+rappelle la foi qui ne se fltrit pas.
+
+ [r40] Lettre V, 726.
+
+Un soir le docteur Martin Luther voyait un petit oiseau perch sur
+un arbre et s'y posant pour passer la nuit[r41]; il dit: Ce petit
+oiseau a choisi son abri et va dormir bien paisiblement; il ne
+s'inquite pas, il ne songe point au gte du lendemain; il se tient
+bien tranquille sur sa petite branche, et laisse Dieu songer pour lui.
+
+ [r41] Tischr. 43 _bis_.
+
+Vers le soir, vinrent deux oiseaux qui faisaient un nid dans le jardin
+du docteur[r42]. Ils taient souvent effrays dans leur vol par ceux
+qui passaient. Il se mit dire: Ah! cher petit oiseau, ne fuis point,
+je te souhaite du bien de tout mon coeur; si tu pouvais seulement me
+croire! C'est ainsi que nous refusons de nous confier en Dieu, qui bien
+loin de vouloir notre perte, a donn pour nous son propre fils.[a44]
+
+ [r42] _Ibid._ 24 _bis_.
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+ La Bible.--Les Pres.--Les Scolastiques.--Le Pape.--Les
+ Conciles.
+
+
+Le docteur Martin Luther avait crit avec de la craie, sur le mur qui
+se trouvait derrire son pole, les paroles suivantes (Luc, XVI): Qui
+est fidle dans la plus petite chose, sera fidle dans la plus grande.
+Qui est infidle dans le petit sera infidle dans le grand.
+
+Le petit enfant Jsus (il le montrait peint sur la muraille), dort
+encore dans les bras de Marie, sa mre[r43]. Il se rveillera un jour
+et nous demandera compte de ce que nous avons fait.
+
+ [r43] Tischred. 32, verso.
+
+Luther se faisant un jour couper les cheveux et faire la barbe en
+prsence du docteur Jonas, dit celui-ci: Le pch originel est en
+nous comme la barbe. On la coupe aujourd'hui, nous avons le visage
+frais, et demain elle repousse et ne cesse de pousser jusqu' ce que
+nous soyons sous terre. De mme le pch originel ne peut tre extirp
+en nous; il remue tant que nous vivons. Nanmoins nous devons lui
+rsister de toutes nos forces et le couper sans relche.
+
+La nature humaine est si corrompue qu'elle n'prouve pas mme le
+dsir des choses clestes. Elle est comme l'enfant nouveau-n qui
+l'on aurait beau promettre tous les trsors et tous les plaisirs de la
+terre: il n'en a nul souci et ne connat que le sein de sa mre. De
+mme, quand l'vangile nous parle de la vie ternelle que Jsus-Christ
+nous a promise, nous sommes sourds ses paroles divines, nous nous
+engourdissons dans la chair, et nous n'avons que des penses frivoles
+et prissables. La nature humaine n'a pas l'intelligence, pas mme le
+sentiment, de ce mal mortel qui l'accable.
+
+Dans les choses divines, le Pre est la _grammaire_, car il donne
+les mots, il est la source d'o coulent les bonnes, pures et belles
+paroles que l'on peut prononcer[r44]. Le Fils est la _dialectique_:
+il donne la disposition, la manire de placer les choses dans un bel
+ordre, de sorte qu'elles suivent et rsultent les unes des autres. Le
+Saint-Esprit est la _rhtorique_: Il sait bien exposer, pousser les
+choses et les tendre, donner la vie et la force, de manire faire
+impression et saisir les coeurs.
+
+ [r44] _Ibid._ 69.
+
+La Trinit se retrouve dans toute la cration. Dans le soleil, il y a
+la substance, l'clat et la chaleur; dans les fleuves, la substance,
+le cours et la puissance. De mme dans les arts. Dans l'astronomie,
+le mouvement, la lumire et l'influence; dans la musique, les trois
+notes _re_, _mi_, _fa_, etc. Les scolastiques ont nglig ces signes
+importans, pour s'attacher des niaiseries.
+
+Le dcalogue est la _doctrina doctrinarum_[a45], le symbole
+l'_historia historiarum_, le pater _oratio orationum_, les sacremens
+_ceremoni ceremoniarum_[r45].
+
+ [r45] _Ibid._ 112, verso.
+
+On demandait au docteur Martin Luther si pendant la domination du pape,
+les gens qui n'ont pas connu cette doctrine de l'vangile que nous
+avons aujourd'hui, grce Dieu, avaient pu tre sauvs[r46]. Il
+rpondit: Je n'en sais rien; moins que je ne pense que le baptme
+a pu produire cet effet. J'ai vu beaucoup de moines auxquels on a
+prsent la croix de Christ leur lit de mort, comme c'tait alors
+l'usage. Ils peuvent avoir t sauvs par leur foi en ses mrites et
+ses souffrances.
+
+ [r46] _Ibid._ 362.
+
+Cicron est bien suprieur Aristote dans sa morale[r47]. Cicron
+tait un homme sage et laborieux qui a beaucoup fait et beaucoup
+souffert. J'espre que notre Seigneur sera clment pour lui et pour
+ceux qui lui ressemblent, quoiqu'il ne nous appartienne pas d'en parler
+avec certitude. Que Dieu ne puisse faire des exceptions et tablir une
+distinction entre les paens, c'est ce qu'on ne pourrait dire. Il y
+aura un nouveau ciel et une nouvelle terre bien plus larges et plus
+vastes que ceux d'aujourd'hui[a46].
+
+ [r47] _Ibid._ 425.
+
+On demandait Luther si l'offens devait aller jusqu' demander pardon
+ l'offenseur[r48]. Il rpondit: Non, Jsus-Christ ne l'a pas fait
+lui-mme, il ne l'a pas command. Il suffit qu'on pardonne les offenses
+dans son coeur, qu'on les pardonne, publiquement, s'il y a lieu, et
+qu'on prie pour celui qui les a commises. J'tais moi-mme all une
+fois demander pardon deux personnes qui m'avaient offens, M. E. et
+D. H. S. (matre Eisleben [Agricola] et le docteur Jrme Schurf?);
+mais par hasard ni l'un ni l'autre ne fut chez lui, et depuis je n'y
+suis pas retourn. Je remercie Dieu maintenant qu'il ne m'ait point
+permis de faire comme je voulais.
+
+ [r48] _Ibid._ 106.
+
+Le docteur Martin Luther soupirait un jour en pensant aux perturbateurs
+et aux sectaires qui mprisaient la parole de Dieu[r49]. Ah!
+disait-il, si j'tais un grand pote, je voudrais crire un chant, un
+pome magnifique sur l'utilit et l'efficacit de la parole divine.
+Sans elle..... Pendant plusieurs annes je lisais la Bible deux fois
+par an; c'est un grand et puissant arbre dont chaque parole est un
+rameau, je les ai secous tous, tant j'tais curieux de savoir ce que
+chaque branche portait, ce qu'elle pouvait donner, et j'en faisais
+tomber chaque fois une couple de poires ou de pommes.
+
+ [r49] _Ibid._ 11, verso.
+
+Autrefois sous la papaut, on faisait des plerinages[a47] pour
+visiter les saints[r50][a48]. On allait Rome, Jrusalem,
+Saint-Jacques de Compostelle, pour l'expiation de ses pchs.
+Aujourd'hui nous pouvons faire des plerinages chrtiens dans la foi.
+Quand nous lisons avec soin les prophtes[a49], les psaumes et les
+vangiles, nous allons, non pas par la ville sainte, mais par nos
+penses et nos coeurs, jusqu' Dieu. C'est l visiter la vritable
+terre promise et le paradis de la vie ternelle.
+
+ [r50] _Ibid._ 311.
+
+Que sont les saints en comparaison du Christ[r51]? rien de plus que
+les petites gouttes de la rose des nuits sur la tte de l'poux et
+dans les boucles de sa chevelure.
+
+ [r51] Cochlus, Vie de Luther, 226.
+
+Luther n'aimait pas qu'on insistt sur les miracles. Il regardait ce
+genre de preuves comme secondaire. Les preuves convaincantes sont
+dans la parole de Dieu. Nos adversaires lisent la Bible traduite
+beaucoup plus que les ntres. Je crois que le duc George l'a lue avec
+plus de soin que tous ceux de la noblesse qui tiennent pour nous. Il
+dit quelqu'un: Pourvu que le moine achve de traduire la Bible, il
+peut partir ensuite quand il voudra.
+
+Le docteur Luther disait que Mlanchton l'avait forc de traduire le
+Nouveau Testament.
+
+Que nos adversaires s'emportent et fassent rage[r52]. Dieu n'a pas
+oppos un mur de pierre aux vagues de la mer, ni une montagne d'acier.
+Il a suffi d'un rivage, d'une digue de sable.
+
+ [r52] Tischred. 447.
+
+J'ai beaucoup lu la Bible dans ma jeunesse pendant que j'tais moine.
+Mais cela ne servait rien, je faisais simplement du Christ un Mose.
+Maintenant nous l'avons retrouv, ce cher Christ. Rendons grce et
+tenons-nous-y ferme, et souffrons pour lui ce que nous devons souffrir.
+
+Pourquoi enseigne-t-on et observe-t-on les dix commandemens[r53]?
+C'est que les lois naturelles ne se trouvent nulle part si bien
+ranges et dcrites que dans Mose. Je voudrais mme qu'on lui ft
+d'autres emprunts dans les choses temporelles, telles que les lois sur
+la _lettre de divorce_, le jubil, l'anne d'affranchissement, les
+dmes, etc. Le monde en serait mieux gouvern... C'est ainsi que les
+Romains ont pris leurs Douze Tables chez les Grecs... Quant au sabbat
+ou dimanche, ce n'est pas une ncessit de l'observer, et si nous
+l'observons, nous devons le faire, non pas cause du commandement de
+Mose, mais parce que la nature aussi nous enseigne nous donner de
+temps en temps un jour de repos, afin qu'hommes et animaux reprennent
+des forces, et que l'on aille entendre le sermon et la parole de Dieu.
+
+ [r53] Luth. Werke, t. II, 16.
+
+Puisque, dans ce sicle, on commence restituer toutes choses, comme
+si dj c'tait le jour de la restauration universelle, il m'est venu
+dans l'esprit d'essayer si on ne pourrait pas aussi restituer Mose et
+rappeler les rivires leur source. J'ai eu soin d'abord de traiter
+toutes choses le plus simplement du monde, et de ne pas me laisser
+entraner aux explications mystiques, comme on les appelle... Je ne
+vois pas d'autre raison pour que Dieu ait voulu former le peuple
+juif par ces crmonies, sinon qu'il a vu le penchant du peuple se
+laisser prendre ces choses extrieures. Afin que ce ne fussent pas
+des fantmes vides et de purs simulacres, il a ajout sa parole pour y
+mettre du poids et de la substance, de sorte qu'elles devinssent choses
+srieuses et graves.
+
+J'ai ajout chaque chapitre de courtes allgories, non que j'en
+tienne beaucoup de compte, mais afin de prvenir la manie de plusieurs
+ traiter l'allgorie. Ainsi, dans Jrme, Origne et autres anciens
+crivains, nous voyons une malheureuse et strile habitude d'imaginer
+des allgories qui ramnent tout la morale et aux oeuvres, tandis
+qu'il faudrait tout ramener la parole et la foi. (avril 1525.)
+
+Le _Pater noster_ est ma prire[r54]; c'est celle que je dis, et j'y
+mle en mme temps quelque chose des Psaumes pour que les faux docteurs
+soient confondus et couverts de honte[a50]. Le _Pater_ n'a aucune
+prire qui lui soit comparable; je l'aime mieux qu'aucun psaume[3].
+
+ [r54] Tischreden, 153.
+
+ [3] C'est aussi ce que dit Montaigne dans ses _Essais_.
+
+J'avoue franchement que j'ignore si je possde ou non le sens lgitime
+des psaumes, bien que je ne doute pas de la vrit de celui que je
+donne.--L'un se trompe en quelques endroits, l'autre en plusieurs; je
+vois des choses que n'a pas vues saint Augustin; et d'autres, je le
+sais, verront bien des choses que je ne vois pas.
+
+Qui oserait prtendre que personne ait compltement entendu un
+seul psaume? Notre vie est un commencement et un progrs, et non
+une consommation; celui-l est le meilleur, qui approche le plus de
+l'esprit. Il y a des degrs dans la vie et l'action, pourquoi n'y
+en aurait-il pas dans l'intelligence? L'Aptre dit que nous nous
+transformons de lumire en lumire.
+
+Du _Nouveau Testament_. L'vangile de saint Jean est le vrai et pur
+vangile, l'vangile principal, parce qu'il renferme le plus de paroles
+de Jsus-Christ[r55]. De mme, les ptres de saint Paul et de saint
+Pierre sont bien au-dessus des vangiles de saint Mathieu, de saint
+Marc et de saint Luc. En somme, l'vangile de saint Jean et sa premire
+ptre, les ptres de saint Paul, notamment celles aux Romains, aux
+Galates, aux phsiens, et la premire de saint Pierre, voil les
+livres qui te montrent Jsus-Christ, et qui t'enseignent tout ce qu'il
+t'est ncessaire et utile de savoir, quand mme tu ne verrais jamais
+d'autre livre.
+
+ [r55] Ukert, 18.
+
+Il ne regardait comme apostoliques ni l'ptre aux Hbreux, ni celle de
+saint Jacques. Il s'exprime de la manire suivante sur celle de saint
+Jude: Personne ne peut nier que cette ptre ne soit un extrait ou une
+copie de la seconde ptre de saint Pierre; les mots sont presque les
+mmes. Jude y parle des aptres comme leur disciple, et comme aprs
+leur mort. Il cite des versets et des vnemens qu'on ne trouve nulle
+part dans l'criture.
+
+L'opinion de Luther sur l'Apocalypse est remarquable: Que chacun,
+dit-il, juge de ce livre d'aprs ses lumires et son sens particulier.
+Je ne prtends imposer personne mon opinion: je dis tout simplement
+ce que j'en pense. Je ne le regarde ni comme apostolique, ni comme
+prophtique... Et ailleurs: Beaucoup de Pres ont rejet ce livre,
+et chacun peut en penser ce que son esprit lui inspirera. Pour moi, je
+ne puis me faire cet ouvrage. Une seule raison suffirait pour m'en
+dtourner: c'est que Jsus-Christ n'y est ador ni enseign tel que
+nous le connaissons.
+
+Des _Pres_[a51]. On peut lire Jrme pour l'tude de l'histoire:
+quant la foi et la bonne vraie religion et doctrine, il n'y en a
+pas un mot dans ses crits. J'ai dj proscrit Origne. Chrysostme n'a
+point d'autorit chez moi. Basile n'est qu'un moine; je n'en donnerais
+pas un cheveu. L'apologie de Philippe Mlanchton est au-dessus des
+crits de tous les docteurs de l'glise, sans excepter Augustin.
+Hilaire et Thophylacte sont bons. Ambroise aussi; il marche bien sur
+l'article le plus essentiel, le pardon des pchs[r56].
+
+ [r56] Tischreden, 383.
+
+Bernard est au-dessus de tous les docteurs dans ses prdications;
+mais, quand il dispute, il devient un tout autre homme; alors il
+accorde trop la loi et au libre arbitre.
+
+Bonaventure est le meilleur des thologiens scolastiques.
+
+Parmi les Pres, Augustin a sans contredit la premire place, Ambroise
+la seconde, Bernard la troisime. Tertullien est un vrai Carlostad.
+Cyrille a les meilleures sentences. Cyprien le martyr est un faible
+thologien. Thophylacte est le meilleur interprte de saint Paul.
+
+(Pour prouver que l'antiquit n'ajoute pas l'autorit): Nous voyons
+combien saint Paul se plaint avec douleur des Corinthiens et des
+Galates. Parmi les aptres mmes, le Christ trouva un tratre dans
+Judas.
+
+Les livres que les Pres ont crits sur la Bible n'ont jamais rien de
+concluant; ils laissent le lecteur suspendu entre le ciel et la terre.
+Lisez Chrysostme, le meilleur rhteur et parleur de tous.
+
+Il remarque que les Pres ne disaient rien de la justification par
+la grce pendant leur vie, mais y croyaient leur mort. Cela tait
+plus prudent pour ne point encourager le mysticisme, ni dcourager les
+bonnes oeuvres.
+
+Les chers Pres ont mieux vcu qu'crit.
+
+Il fait l'loge de l'histoire de saint piphane et des posies de
+Prudence.
+
+Augustin et Hilaire, entre tous, ont crit avec le plus de clart et
+de vrit; les autres doivent tre lus _cum judicio_.
+
+Ambroise a t ml aux affaires du monde, comme nous le sommes
+aujourd'hui. Nous sommes obligs de nous occuper au consistoire
+d'affaires de mariage plus que de la parole de Dieu...
+
+On a nomm Bonaventure le sraphique, Thomas l'anglique, Scot le
+subtil; Martin Luther sera nomm l'archi-hrtique.
+
+Saint Augustin tait peint dans un livre avec un capuchon de moine.
+Luther dit, en voyant cette image[r57]: Ils font tort au saint
+homme, car il a men une vie commune, comme tout autre homme du pays;
+il se servait de cuillers et de tasses d'argent; il n'a pas men une
+vie part comme les moines.
+
+ [r57] _Ibid._ 98.
+
+Macaire, Antoine, Benot, ont fait un grand et remarquable tort
+l'glise avec leur moinerie; et je crois que dans le ciel ils seront
+placs bien plus bas qu'un citoyen, pre de famille, pieux et craignant
+Dieu.
+
+Saint Augustin me plat plus que tous les autres. Il a enseign une
+pure doctrine, et soumis ses livres, avec l'humilit chrtienne, la
+sainte criture... Augustin est favorable au mariage; il parle bien
+des vques qui taient les pasteurs d'alors, mais le temps et les
+disputes des Plagiens l'ont aigri et lui ont fait mal... S'il et vu
+le scandale de la papaut, il ne l'et certes pas souffert.
+
+Saint Augustin est le premier pre de l'glise qui ait trait du pch
+originel.
+
+Aprs avoir parl de saint Augustin, Luther ajoute: Mais depuis que
+j'ai compris Paul par la grce de Dieu, je n'ai pu estimer aucun
+docteur; ils sont devenus tout--fait petits mes yeux.
+
+Je ne connais aucun des Pres dont je sois si ennemi que de saint
+Jrme. Il n'crit que sur le jene, les alimens, la virginit, etc. Il
+n'enseigne rien sur la foi, etc. Le docteur Staupitz avait coutume de
+dire: Je voudrais bien savoir comment Jrme a pu tre sauv?
+
+
+Les nominaux sont dans les hautes coles une secte laquelle j'ai
+aussi appartenu[r58]. Ils tiennent contre les thomistes, scotistes et
+albertistes. Ils s'appellent eux-mmes occamistes. C'est la secte la
+plus nouvelle de toutes, et aujourd'hui la plus puissante, nommment
+Paris.
+
+ [r58] _Ibid._ 384.
+
+Luther fait cas du _Matre des sentences_ de Pierre Lombard; mais il
+trouve qu'en gnral les scolastiques donnaient trop peu la grce,
+trop au libre arbitre[a52].
+
+Gerson seul, entre tous les docteurs, a fait mention des tentations
+spirituelles. Tous les autres, Grgoire de Nazianze, Augustin, Scot,
+Thomas, Richard, Occam, n'ont senti que les tentations corporelles. Le
+seul Gerson a crit sur le dcouragement. L'glise, mesure qu'elle
+est plus ancienne, doit prouver de telles tentations spirituelles.
+Nous sommes dans cet ge de l'glise.
+
+Guillaume de Paris a aussi prouv quelque chose de ces tentations
+spirituelles. Mais les scolastiques ne sont jamais parvenus la
+connaissance du catchisme. Le seul Gerson sert rassurer et relever
+les consciences... Il a sauv beaucoup de pauvres mes du dsespoir,
+en amoindrissant et extnuant la loi, de manire toutefois que la loi
+subsistt.--Mais Christ ne perce point le tonneau, il le dfonce. Il
+dit: Tu ne dois point te confier dans la loi ni te reposer sur elle,
+mais sur moi, sur le Christ. Si tu n'es pas bon, je le suis.
+
+Le docteur Staupitz nous parlait un jour d'Andr Zacharias qui,
+ce qu'on prtend, a vaincu Jean Huss dans la dispute[r59]. Il nous
+racontait que le docteur Proles, de Gotha, voyant dans un couvent
+Zacharias peint avec une rose son bonnet, dit ce sujet: Dieu me
+garde de porter une telle rose, car il a vaincu Jean Huss injustement,
+et au moyen d'une bible falsifie. Il y a dans le XXXIVe chapitre
+d'zchiel: _C'est moi qui vais visiter et punir mes pasteurs_; mais on
+y avait ajout ces mots: _et non point le peuple_; ceux du concile lui
+montrrent ce texte dans sa propre bible falsifie comme les autres, et
+conclurent ainsi: Tu vois que tu ne dois point punir le pape, que Dieu
+s'en charge lui-mme. Ainsi le saint homme a t condamn et brl.
+
+ [r59] _Ibid._ 385.
+
+Matre Jean Agricola lisait un crit de Jean Huss, plein d'esprit,
+de rsignation et de ferveur, o l'on voyait comme dans sa prison il
+souffrait le martyre des douleurs de la pierre, et se voyait rebut par
+l'empereur Sigismond. Le docteur Luther admirait tant d'esprit et de
+courage... C'est bien injustement, disait-il, que nous sommes appels
+hrtiques, Jean Huss et moi...
+
+Jean Huss est mort, non comme un anabaptiste, mais comme un
+chrtien[r60]. On voit en lui la faiblesse chrtienne; mais en mme
+temps s'veille dans son me la force de Dieu qui le relve. Le combat
+de la chair et de l'esprit, dans le Christ et dans Huss, est doux et
+aimable voir... Constance est aujourd'hui une pauvre misrable ville.
+Je crois que Dieu l'a punie... Jean Huss a t brl; et moi aussi,
+je pense que je serai tu, s'il plat Dieu. Il a arrach quelques
+pines de la vigne du Christ, en attaquant seulement les scandales de
+la papaut. Mais moi, docteur Martin Luther, je suis venu dans un champ
+dj noir et bien labour, j'ai attaqu la doctrine du pape, et l'ai
+terrass.
+
+ [r60] _Ibid._ 386.
+
+Jean Huss tait la semence qui doit mourir et tre enfonce dans la
+terre, pour sortir ensuite, et crotre avec force[r61].
+
+ [r61] _Ibid._ 127.
+
+Luther improvisa un jour table le vers suivant:
+
+ Pestis eram vivens, moriens ero mors tua, Papa.
+
+La tte de l'Anti-Christ, c'est la fois le pape et le Turc[r62].
+Le pape en est l'esprit, le Turc la chair.
+
+ [r62] _Ibid._ 241.
+
+C'est ma pauvre et infirme condition (pour ne point parler de la
+justice de ma cause) qui a fait le malheur du pape[r63]. Si j'ai
+dfendu ma doctrine contre tant de rois et d'empereurs, se disait-il,
+comment craindrais-je un simple moine? S'il m'avait estim un ennemi
+dangereux, il aurait pu m'touffer ds l'origine.
+
+ [r63] _Ibid._ 249.
+
+J'avoue que j'ai souvent t trop violent, mais jamais l'gard de la
+papaut. Il devrait y avoir contre celle-ci une langue part dont tous
+les mots fussent des coups de foudre.
+
+Les papistes sont confondus et vaincus par les tmoignages de
+l'criture[r64]. Dieu merci, je connais leur erreur sous toutes ses
+faces, de l'_alpha_ l'_omga_. Cependant aujourd'hui mme qu'ils
+avouent que l'criture est contre eux, la splendeur et la majest
+du pape m'blouissent quelquefois et c'est avec tremblement que je
+l'attaque...
+
+ [r64] _Ibid._ 255.
+
+Le pape se dit: Cderais-je un moine qui veut me dpouiller de ma
+couronne et de ma majest? Bien fou qui cderait[r65]. Je donnerais
+mes deux mains pour croire en Jsus-Christ aussi fermement, aussi
+srement, que le pape croit que Jsus-Christ n'est rien.
+
+ [r65] _Ibid._ 259.
+
+D'autres ont attaqu les moeurs des papes, comme rasme et Jean
+Huss[r66]. Mais moi, j'ai renvers les deux piliers sur lesquels
+reposait la papaut: les voeux et les messes particulires.
+
+ [r66] _Ibid._ 192.
+
+
+_Des Conciles._--Les conciles ne doivent point ordonner de la foi,
+mais de la discipline[r67].
+
+ [r67] _Ibid._ 371-76.
+
+Le docteur Martin Luther levait un jour les yeux vers le ciel; il
+soupira, et dit: Ah! un concile gnral, libre, et vraiment chrtien!
+Dieu saura bien le faire; la chose est sienne; il connat et il a dans
+sa main tous les conseils les plus secrets.
+
+Lorsque Pierre-Paul Vergerius, lgat du pape, vint Wittemberg, l'an
+1533, et que je montai au chteau o il tait, il nous cita, et nous
+somma d'aller au concile. J'irai, lui dis-je, et j'ajoutai: Vous autres
+papistes, vous travaillez inutilement. Si vous tenez un concile, vous
+n'y traitez point des sacremens, de la justification par la foi, des
+bonnes oeuvres, mais seulement de babioles et d'enfantillage, comme de
+fixer la longueur des habits, ou la largeur des ceintures des prtres,
+ou la dimension de la tonsure, etc. Il se dtourna de moi, appuya sa
+tte sur sa main, et dit son compagnon: Celui-ci touche vraiment le
+fond des choses, etc.
+
+On demandait quand le pape convoquerait le concile. Il me semble,
+dit le docteur Martin Luther, qu'il n'en sera rien avant le jugement
+dernier. C'est alors que notre Seigneur Dieu tiendra lui-mme un
+concile.
+
+Luther conseillait de ne point refuser d'aller au concile, mais
+d'exiger qu'il ft libre; si on le refuse, il n'y a pas de meilleure
+excuse pour nous.
+
+
+_Des biens ecclsiastiques[a53]._ Luther voudrait qu'ils fussent
+appliqus l'entretien des coles et des pauvres thologiens[r68].
+Il dplore la spoliation des glises. Il prdit que les princes vont
+bientt se disputer les dpouilles des glises. Le pape prodigue
+maintenant les biens ecclsiastiques aux princes catholiques pour se
+faire des amis et des allis.
+
+ [r68] _Ibid._ 380.
+
+Ce ne sont point tant nos princes de la confession d'Augsbourg qui
+pillent les biens ecclsiastiques, c'est plutt Ferdinand, l'Empereur,
+et l'archevque de Mayence. Ferdinand a ranonn tous les monastres.
+Les Bavarois sont les plus grands voleurs des biens ecclsiastiques;
+ils ont de riches abbayes. Mon gracieux seigneur et le Landgrave n'ont
+que de pauvres monastres d'ordres mendians. On voulait la dite,
+mettre les monastres la disposition de l'Empereur, qui y aurait
+tabli ses gouvernemens militaires. Je donnai le conseil suivant:
+_Il faut auparavant runir tous les monastres en un mme lieu. Qui
+voudrait souffrir dans sa terre les gens de l'Empereur?_ Tout cela a
+t pouss par l'archevque de Mayence.
+
+Dans la rponse la lettre o le roi de Danemarck lui demandait
+ses conseils, Luther dsapprouve l'article de la runion des biens
+ecclsiastiques la couronne. Voyez, dit-il, au contraire notre
+prince Jean Frdric, comme il applique les biens de l'glise
+l'entretien des pasteurs et des professeurs.
+
+Le proverbe a raison: _Biens de prtres ne profitent pas_ (pfaffengut
+raffengut)[r69]. Burchard Hund, conseiller de l'lecteur de Saxe, Jean,
+avait coutume de dire: Nous autres de la noblesse, nous avons runi les
+biens des clotres nos biens nobles, et les biens des clotres ont
+dvor les biens nobles, de sorte que nous n'avons plus ni les uns ni
+les autres. Luther ajoute la fable du renard qui venge ses petits en
+brlant l'arbre et les petits de l'aigle.
+
+ [r69] _Ibid._ 60.
+
+Un ancien prcepteur du fils de Ferdinand, roi des Romains, nomm
+Severus, contait Luther l'histoire du chien qui dfendait la viande
+et qui pourtant, quand les autres la lui arrachaient, en prenait sa
+part. C'est ce que fait maintenant l'Empereur, dit Luther, pour les
+biens ecclsiastiques (Utrecht et Lige).
+
+
+_Des cardinaux et des vques[a54]._ En Italie, en France, en
+Angleterre, en Espagne, les vques sont ordinairement les conseillers
+des rois; c'est qu'ils sont pauvres[r70]. Mais en Allemagne o ils sont
+riches, puissans, et o ils ont une grande considration, les vques
+gouvernent en leur propre nom.
+
+ [r70] _Ibid._ 275.
+
+Je veux mettre tous mes soins pour que les canonicats et les petits
+vchs subsistent, de sorte qu'on puisse avec ce revenu tablir des
+prdicateurs et des pasteurs dans les villes. Les grands vchs seront
+sculariss.
+
+Le jour de l'Ascension le docteur Martin Luther dna avec l'lecteur
+de Saxe, et l'on rsolut que les vques conserveraient leur autorit,
+ condition qu'ils abjureraient le pape. Nos gens les examineront, et
+les ordonneront, par l'imposition des mains. C'est ainsi que je suis
+vque prsent.
+
+Dans les disputes d'Heidelberg, on demandait d'o venaient les
+moines[r71]. Rponse: Dieu ayant fait le prtre, le diable voulut
+l'imiter; mais il fit la tonsure trop grande, de l les moines.
+
+ [r71] _Ibid._ 271.
+
+La moinerie ne se rtablira point aussi long-temps que l'article de la
+justification restera pur[r72].
+
+ [r72] _Ibid._ 272.
+
+Autrefois les moines taient en si grande considration que le pape
+les redoutait plus que les rois et les vques. Car ils avaient le
+commun peuple dans leurs mains. Les moines taient les meilleurs
+oiseleurs du pape[a55]. Le roi d'Angleterre a beau ne plus reconnatre
+le pape pour le chef suprme de la chrtient. Il ne fait rien que
+tourmenter le corps, en fortifiant l'me de la papaut. (Henri VIII
+n'avait pas encore supprim les monastres.)
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+ Des coles et universits, et des arts libraux.
+
+
+On doit tirer des coles des pasteurs qui difient et soutiennent
+l'glise. Des coles et des pasteurs, cela vaut mieux que des conciles,
+comme je l'ai dit dj.
+
+J'espre que si le monde dure encore, les universits d'Erfurth et de
+Leipzig se relveront et prendront des forces, pourvu qu'elles adoptent
+la saine thologie, quoi elles semblent dj disposes. Mais il
+faut que quelques-uns s'endorment auparavant.--Je m'tonnais d'abord
+qu'une universit et t fonde ici, Wittemberg.--Erfurth est situ
+au mieux pour cela: l il doit y avoir une ville, quand mme celle
+qui existe serait brle, ce que Dieu veuille empcher. L'universit
+d'Erfurth tait jadis si renomme, que toutes les autres en comparaison
+taient considres comme de petites coles. Maintenant cette gloire et
+cette majest ont disparu, et l'universit d'Erfurth est tout--fait
+morte.
+
+Autrefois, on avanait les matres, on les honorait; on portait devant
+eux des flambeaux. Je trouve qu'il n'y a jamais eu en ce monde de joie
+comparable celle-l. C'tait aussi une grande fte quand on faisait
+des docteurs. On allait cheval autour de la ville; on s'habillait
+avec plus de soin, on se parait. Tout cela ne se fait plus, mais je
+voudrais bien que l'on ft revivre ces bonnes coutumes.
+
+Malheur l'Allemagne qui nglige les coles, qui les mprise et les
+laisse tomber! Malheur l'archevque de Mayence et d'Erfurth qui
+pourrait d'un mot relever les universits de ces deux villes, et qui
+les laisse dsoles et dsertes! Un seul coin de l'Allemagne, celui
+o nous sommes, fleurit encore, grce Dieu, par la puret de la
+doctrine et la culture des arts libraux[a56]. Les papistes voudront
+rebtir l'table, lorsque le loup aura mang les brebis.--La faute en
+est l'vque de Mayence, c'est un flau pour les coles et pour toute
+l'Allemagne. Aussi en est-il dj justement puni. Il a sur son visage
+une couleur de mort, comme de la boue mle de sang.
+
+C'est Paris, en France, que se trouve la plus clbre et la plus
+excellente cole. Il y a une foule d'tudians, dans les vingt mille
+et au-del. Les thologiens y ont eux le lieu le plus agrable de
+la ville, une rue particulire ferme de portes aux deux bouts; on
+l'appelle la _Sorbonne_. Peut-tre, ce que j'imagine, tire-t-elle ce
+nom de ces fruits de cormiers (_sorbus_) qui viennent sur les bords
+de la mer Morte, et qui prsentent au dehors une agrable apparence;
+ouvrez-les, ce n'est que cendres au-dedans. Telle est l'universit de
+Paris, elle prsente une grande foule, mais elle est la mre de bien
+des erreurs. S'ils disputent, ils crient comme des paysans ivres, en
+latin, en franais. Enfin on frappe des pieds pour les faire taire. Ils
+ne font point de docteurs en thologie moins qu'on n'tudie dix ans
+dans leur sophistique et futile dialectique. Le rpondant doit siger
+un jour entier et soutenir la dispute contre tout venant, de six heures
+du matin six heures du soir.
+
+A Bourges en France, dans les promotions publiques de docteurs en
+thologie qui se font dans l'glise mtropolitaine, on leur donne
+chacun un filet, apparemment pour qu'ils s'en servent prendre les
+gens.
+
+Nous avons, grce Dieu, des universits qui ont embrass la parole
+de Dieu. Il y a encore beaucoup de belles coles particulires qui
+se disposent bien, telles que Zwickaw, Torgaw, Wittemberg, Gotha,
+Eisenach, Deventer, etc.
+
+
+_Extrait du trait de Luther sur l'ducation._--L'ducation domestique
+est insuffisante.--Il faut que les magistrats veillent l'instruction
+des enfans. tablir des coles est un de leurs principaux soins.
+Les fonctions publiques ne doivent mme tre confies qu'aux plus
+doctes.--Importance de l'tude des langues. Le diable redoute cette
+tude, et cherche l'teindre. N'est-ce pas par elle que nous avons
+retrouv la vraie doctrine? La premire chose que Christ ait donne
+ses aptres, c'est le don des langues.--Luther se plaint de ce que,
+dans les monastres, on ne sait plus le latin, peine l'allemand.
+
+Pour moi, si j'ai jamais des enfans, et que ma fortune me le permette,
+je veux qu'ils deviennent habiles dans les langues et dans l'histoire;
+qu'ils apprennent mme la musique et les mathmatiques. Suit un loge
+des potes et des historiens.
+
+Qu'on envoie au moins les enfans une heure ou deux par jour l'cole;
+qu'ils emploient le reste soigner la maison et apprendre quelque
+mtier.
+
+Il doit aussi y avoir des coles pour les filles.--On devrait fonder
+des bibliothques publiques. D'abord des livres de thologie, latins,
+grecs, hbreux, allemands, puis des livres pour apprendre la langue,
+tels que les orateurs, les potes, peu importe qu'ils soient chrtiens
+ou paens; les livres qui traitent des arts libraux et des arts
+mcaniques; les livres de jurisprudence et de mdecine; les annales,
+les chroniques, les histoires, dans la langue o elles ont t crites,
+doivent tenir la premire place dans une bibliothque, etc.
+
+
+_Des langues._--Les Grecs, compars aux Hbreux, ont bien de bonnes et
+agrables paroles, mais n'ont point de _sentences_. La langue hbraque
+est la plus riche; elle ne mendie point, comme le grec, le latin et
+l'allemand. Elle n'a pas besoin de recourir aux mots composs.
+
+Les Hbreux boivent la source, les Grecs au ruisseau, les Latins au
+bourbier.
+
+J'ai peu d'usage de la langue latine, lev, comme je le fus, dans la
+barbarie des doctrines scolastiques. (12 novembre 1544.)
+
+Je ne suis point de dialecte particulier en allemand. J'emploie
+la langue commune, de manire tre entendu dans la haute et dans
+la basse Allemagne. Je parle d'aprs la chancellerie de Saxe, que
+tous suivent, en Allemagne, dans leurs actes publics, rois, princes,
+villes impriales. Aussi, est-ce le langage le plus commun. L'empereur
+Maximilien et l'lecteur Frdric de Saxe ont ainsi ramen les
+dialectes allemands une langue certaine. La langue des Marches est
+encore plus douce que celle de Saxe.
+
+
+_De la grammaire._--Autre chose est la grammaire, autre chose est la
+langue hbraque. La langue hbraque, puis la grammaire positive, a
+pri en grande partie chez les Juifs; elle est tombe avec la chose
+mme, et avec l'intelligence, comme dit Isae (XXIX). Il ne faut donc
+rien accorder aux rabbins dans les choses sacres; ils torturent et
+violentent les tymologies et les constructions, parce qu'ils veulent
+forcer la chose par les mots, soumettre la chose aux mots, tandis que
+ce sont les choses qui doivent commander.
+
+On voit de semblables dbats entre les Cicroniens et les autres
+Latinistes. Pour moi, je ne suis ni latin, ni grammairien, encore moins
+cicronien; cependant, j'approuve ceux qui aiment mieux prtendre ce
+dernier nom. De mme, dans la littrature sacre, j'aimerais tre
+simplement mosaque, davidique ou isaque, s'il se pouvait, plutt
+qu'un Hbreu kumique, ou semblable tout autre rabbin. (1537.)
+
+Je regrette de n'avoir pas plus de temps donner l'tude des potes
+et des rhteurs[a57]: j'avais achet un Homre pour devenir Grec. (29 mars
+1523.)
+
+Si je devais crire sur la dialectique, j'exprimerais tout en
+allemand; je rejetterais tous ces mots trangers: _propositio_,
+_syllogismus_, _enthymema_, _exemplum_...
+
+Ceux qui introduisent de nouveaux mots, doivent aussi introduire
+de nouvelles choses, comme Scot avec sa _ralit_, son _hiccit_;
+comme les anabaptistes et les prdicateurs de troubles, avec leurs
+_besprengung_, _entgrobung_, _gelassenheit_. Qu'on se garde donc de
+tous ceux qui s'tudient trouver des mots nouveaux et inusits.
+
+Luther citait la fable de la cour du lion, et disait, qu'aprs la
+Bible, il ne connaissait pas de meilleur livre que les _Fables d'sope_
+et les crits de Caton; de mme que Donat lui semblait le meilleur
+grammairien. Ce n'est point un seul homme qui a fait ces fables;
+beaucoup de grands esprits y ont travaill chaque poque du monde[a58].
+
+
+_Des savans._--Avant peu d'annes, on manquera entirement de savans.
+On aurait beau creuser pour en dterrer, rien ne servira; on pche trop
+contre Dieu.
+
+_A un ami_: Ne te laisse pas aller la crainte que l'Allemagne ne
+devienne plus barbare qu'elle ne l'a jamais t, par la chute des
+lettres que causerait notre thologie. (29 mars 1523.)
+
+
+
+
+CHAPITRE IV.
+
+ Drames.--Musique.--Astrologie.--Imprimerie.--Banque, etc.
+
+
+_Des reprsentations thtrales._--Luther ne dsapprouve point un
+matre d'cole qui jouait les comdies de Trence. Il numre les
+diverses utilits de la comdie. Si on s'abstenait de la comdie, parce
+qu'il s'agit souvent d'amour, on n'oserait non plus lire la Bible.
+
+--Notre cher Joachim m'a demand mon jugement sur ces reprsentations
+d'histoires saintes, que blment plusieurs de vos ministres. Voici,
+en peu de mots, mon opinion. Il a t command tous les hommes de
+rpandre et de propager le Verbe de Dieu, par tous les moyens, non pas
+seulement par la parole, mais par critures, peintures, sculptures,
+psaumes, chansons, instrumens de musique, comme dit le psaume: _Laudate
+eum in tympano et choro, laudate eum chordis et organo_. Et Mose dit:
+_Ligabis ea quasi signum in manu tu, eruntque et movebuntur inter
+oculos tuos, scribesque ea in limine et ostiis doms tu_. Mose veut
+que la parole se meuve devant les yeux, et comment cela se pourrait-il
+faire mieux et plus clairement que par des reprsentations semblables,
+mais graves et modestes, et non par des farces, comme autrefois
+sous la papaut? De tels spectacles frappent les yeux du peuple, et
+l'meuvent souvent bien plus que des prdications publiques. Je sais
+que dans la basse Allemagne, o l'on a interdit la profession publique
+de l'vangile, des drames, tirs de la Loi et de l'vangile, en ont
+converti un grand nombre. (5 avril 1543.)
+
+
+_De la musique._--La musique est un des plus beaux et des plus
+magnifiques prsens de Dieu. Satan en est l'ennemi. Par elle on
+repousse bien des tentations et de mauvaises penses. Le diable ne
+tient pas contre.
+
+Quelques-uns de la noblesse, et des courtisans, pensent que mon
+gracieux seigneur pourrait pargner en musique trois mille florins par
+an; et l'on dpense, en choses inutiles, trente mille florins.
+
+Le duc George, le landgrave de Hesse, et l'lecteur de Saxe,
+Jean-Frdric, entretenaient des chanteurs et des musiciens.
+Aujourd'hui, c'est le duc de Bavire, l'empereur Ferdinand et
+l'empereur Charles.
+
+En 1538, 17 dcembre, Luther ayant des musiciens pour htes, et les
+ayant entendus, dit avec admiration: Si notre Seigneur nous accorde de
+si nobles dons dans cette vie mme, qui n'est qu'ordure et misre, que
+sera-ce donc dans la vie ternelle? En voici un commencement.
+
+Chanter est le meilleur exercice[a59]. Il n'a rien voir avec le
+monde... Aussi je me rjouis de ce que Dieu a refus aux paysans (_sans
+doute aux paysans rvolts_), un don et une consolation si grande; ils
+n'entendent point la musique, et n'coutent point la parole.
+
+Il disait un jour un joueur de harpe: Mon ami, joue-moi un air,
+comme faisait David. Je crois que, s'il revenait aujourd'hui, il serait
+bien tonn de trouver les gens si habiles.
+
+Comment se fait-il pourtant que nous ayons tant de belles choses dans
+le genre mondain, et que, dans le spirituel, nous n'ayons rien que de
+froid et de mauvais (et il rptait quelques chansons allemandes). Pour
+ceux qui mprisent la musique, comme font tous les rveurs et les
+mystiques; je ne puis m'accorder avec eux.
+
+... Je demanderai au prince qu'avec cet argent il tablisse une
+musique. (avril 1541.)
+
+Le 4 octobre 1530, il crit Ludovic Senfel, musicien de la cour de
+Bavire, pour lui demander de lui mettre en musique le: _In pace in id
+ipsum_. L'amour de la musique m'a fait surmonter la crainte d'tre
+repouss, lorsque vous verrez un nom qui vous est sans doute odieux.
+Ce mme amour me donne aussi l'esprance que mes lettres ne vous
+attireront aucun dsagrment. Qui pourrait, ft-il le Turc, vous en
+faire un sujet de reproches?... Aprs la thologie, il n'y a aucun art
+que l'on puisse mettre ct de la musique.
+
+Luther recommande son ami Amsdorf, un peintre nomm Sbastien,
+et ajoute: Je ne sais si vous aurez besoin de lui. Je dsirerais
+cependant que ton habitation ft plus orne et plus lgante,
+cause de la chair qui reviennent aussi quelques soins et quelques
+recrations, lorsqu'elles sont sans pch et sans faute. (6 fvrier
+1542.)
+
+
+_Peinture[a60]._--Les pamphlets de Luther contre le pape, taient
+presque toujours accompagns de gravures symboliques.--Quant
+ces trois furies, dit-il, dans l'explication d'une de ces gravures
+satiriques, je n'avais autre chose dans l'esprit, lorsque j'en faisais
+l'application au pape, que d'exprimer l'atrocit de l'abomination
+papale par ces expressions les plus nergiques, les plus atroces de la
+langue latine; car les Latins ignorent ce que c'est que Satan ou le
+diable, comme l'ignorent aussi les Grecs et toutes les nations. (8 mai
+1545.)
+
+C'tait Lucas Cranach qui en avait fait les figures.--Luther crit:
+Matre Lucas est un peintre peu dlicat. Il pouvait pargner le sexe
+fminin en considration de nos mres et de l'oeuvre de Dieu. Il
+pouvait peindre d'autres formes plus dignes du pape, je veux dire plus
+diaboliques. (3 juin 1545.)
+
+Je ferai tous mes efforts, si je vis, pour que le peintre Lucas
+substitue cette peinture obscne une image plus honnte. (15 juin.)
+
+Luther professait pour Albert Drer une grande admiration. Lorsqu'il
+apprit sa mort, il crivit: Il est douloureux sans doute de l'avoir
+perdu. Rejouissons-nous cependant de ce que Christ, par une fin si
+heureuse, l'a tir de cette terre de misres et de troubles, qui,
+peut-tre bientt, sera dchire par des troubles plus grands encore.
+Dieu n'a pas voulu que celui qui tait n pour un sicle heureux, vt
+de si tristes choses; qu'il repose en paix avec ses pres. (avril
+1528.)
+
+
+_De l'astronomie et de l'astrologie._--Il est vrai que les astrologues
+peuvent prdire l'avenir aux impies, et leur annoncer la mort qui les
+attend, car le diable sait les penses des impies, et il les a en sa
+puissance.
+
+On fit mention d'un nouvel astronome, qui voulait prouver que c'est
+la terre qui tourne, et non point le firmament, le soleil et la lune;
+il en est de mme, disait-il, pour les habitans de la terre que pour
+ceux qui sont dans un chariot ou dans un vaisseau, et qui croient
+voir le rivage ou les arbres fuir derrire eux[4]. Ainsi va le monde
+aujourd'hui; quiconque veut tre habile, ne doit pas se contenter de
+ce que font et savent les autres. Le sot veut changer tout l'art de
+l'astronomie; mais, comme le dit la sainte criture, Josu commanda au
+soleil de s'arrter, et non la terre.
+
+ [4] Sans doute Copernic qui termina vers 1530 son livre
+ _De orbium coelestium revolutionibus_, imprim, en 1543,
+ Nuremberg, avec une ddicace au pape Paul III. Ds 1540, une
+ lettre de son disciple Rheticus fit connatre le nouveau
+ systme.
+
+Les astrologues ont tort d'attribuer aux toiles la mauvaise influence
+qui appartient en effet aux comtes.
+
+Matre Philippe tient fort cela, mais il n'a jamais pu me
+persuader. Il prtend que l'art est rel, mais qu'il n'y a point de
+matre qui s'y entende.
+
+Comme on montrait un horoscope au docteur Luther, il dit: C'est une
+belle et agrable imagination, et qui plat la raison. On va bien
+rgulirement d'une ligne l'autre... Il en est de l'astrologie comme
+de l'art des sophistes, _de decem prdicamentis realiter distinctis_;
+tout est faux et artificiel; mais dans cette oeuvre vaine et fictive,
+il y a un admirable ensemble; dans tant de sicles et parmi tant de
+sectes, thomistes, albertistes, scotistes, ils sont rests fidles aux
+mmes rgles.
+
+La science, qui a pour objet la matire, est incertaine. Car la
+matire est sans forme, et dpourvue de qualits et proprits. Or,
+l'astrologie a pour objet la matire, etc.
+
+Ils avaient dit qu'il y aurait un dluge en 1524, et la chose n'arriva
+qu'en 1525, poque du soulvement des paysans. Dj le bourgmestre
+Hendorf avait fait monter au haut de sa maison un quart de bire pour y
+attendre le dluge.
+
+Matre Philippe disait que l'empereur Charles devait vivre jusqu'
+quatre-vingt-quatre ans; le docteur Luther rpondit: Le monde ne
+durera pas si long-temps. zchiel y est contraire. Si nous chassons
+le Turc, la prophtie de Daniel est accomplie, et certainement le jour
+du jugement est la porte.
+
+Une grande toile rouge, qui avait paru dans le ciel, et qui forma
+ensuite une croix en 1516, reparut plus tard; mais alors, dit Luther,
+la croix parut brise; car l'vangile tait obscurci par les sectes
+et les rvoltes. Je ne trouve rien de certain dans de tels signes; ce
+sont communment des signes diaboliques et trompeurs. Nous en avons vu
+beaucoup ces quinze dernires annes.
+
+
+_Imprimerie._--L'imprimerie est le dernier et suprme don, le _summum
+et postremum donum_, par lequel Dieu avance les choses de l'vangile.
+C'est la dernire flamme qui luit avant l'extinction du monde. Grce
+Dieu, elle est venue la fin. _Sancti patres dormientes desiderrunt
+videre hunc diem revelati Evangelii._
+
+Comme on lui montrait un crit des Fugger, orn de lettres d'une forme
+bizarre, que personne ne pouvait le lire, il dit: C'est une invention
+d'hommes habiles et prvoyans. Mais c'est la marque d'une poque bien
+corrompue. Nous lisons que Jules Csar employait de pareilles lettres.
+On dit que l'Empereur, se dfiant de ses secrtaires, les fait crire,
+dans les affaires les plus importantes, de deux manires qui se
+contredisent; et ils ne savent point auxquels des deux crits il doit
+mettre son sceau.
+
+
+_Banque[a61]._--Un cardinal, vque de Brixen, tant mort fort riche
+Rome, on ne trouva point d'argent chez lui, mais seulement un petit
+billet dans sa manche. Le pape Jules II se douta bien que c'tait
+une lettre de change; il envoya sur-le-champ chercher le facteur
+des Fugger, Rome, et lui demanda s'il ne connaissait point cet
+crit? Oui, rpondit-il, c'est la reconnaissance de ce que Fugger et
+compagnie doivent au cardinal; cela fait trois cent mille florins. Le
+pape demanda s'il pouvait lui payer tout cet argent. A toute heure,
+rpondit l'autre. Le pape fit venir ensuite les cardinaux de France et
+d'Angleterre, et leur demanda si leurs rois pourraient trouver en une
+heure trois tonnes d'or? Ils rpondirent que non. Eh bien! dit-il, un
+bourgeois d'Augsbourg peut le faire.
+
+Fugger devant un jour donner au conseil d'Augsbourg l'estimation de
+ses biens, il rpondit qu'il ne savait pas ce qu'il avait, car son
+argent tait dans tout le monde, en Turquie, en Grce, Alexandrie,
+en France, en Portugal, en Angleterre, en Pologne, etc., mais qu'il
+pouvait bien donner l'estimation de ce qu'il avait Augsbourg.[a62]
+
+
+
+
+CHAPITRE V.
+
+ De la prdication.--Style de Luther.--Il avoue la violence de
+ son caractre.
+
+
+Oh combien je tremblais lorsque, pour la premire fois, il me fallut
+monter en chaire[r73]! mais on me forait de prcher. Il fallait
+d'abord prcher les frres...
+
+ [r73] _Ibid._ 181.
+
+J'ai bien, sous ce mme poirier o nous sommes, oppos au docteur
+Staupitz quinze argumens contre ma vocation la prdication. Je lui
+dis enfin: Seigneur docteur Staupitz, vous voulez me tuer; je ne
+vivrai pas trois mois. Il me rpondit: Eh bien! notre Seigneur a de
+grandes affaires; on a besoin de gens habiles l-haut.
+
+Je n'apporte gure de zle et d'ardeur la distribution de mes
+oeuvres en tomes; j'ai une faim de Saturne, je les voudrais tous
+dvorer. Car il n'y a pas un de mes livres dont je sois satisfait, si
+ce n'est peut-tre le _Trait du serf arbitre_ et le _Catchisme_. (9
+juillet 1537.)
+
+Je n'aime pas que Philippe assiste mes leons ou prdications, mais
+je mets la croix devant moi, et je me dis: Philippe, Jonas, Pomer, tous
+les autres, ne font rien la chose; et je m'imagine alors qu'il ne
+s'est assis dans la chaire personne de plus habile que moi[r74].
+
+ [r74] _Ibid._ 197.
+
+Le docteur Jonas lui disait: Seigneur docteur, je ne puis du tout vous
+suivre dans la prdication[r75].--Le docteur Luther rpondit: Je ne
+le puis moi-mme, car souvent c'est ma propre personne ou quelque chose
+de particulier qui me donne l'occasion d'un sermon, selon le temps,
+les circonstances, les auditeurs. Si j'tais plus jeune, je voudrais
+retrancher beaucoup dans mes prdications, car j'y ai mis trop de
+paroles.
+
+ [r75] _Ibid._ 113.
+
+Je veux que l'on enseigne bien au peuple le Catchisme; je me fonde
+sur lui dans tous mes sermons, et je prche aussi simplement que
+possible[r76]. Je veux que les hommes du commun, les enfans, les
+domestiques, me comprennent. Ce n'est point pour les savans que l'on
+monte en chaire; ils ont les livres.
+
+ [r76] _Ibid._ 116.
+
+Le docteur Erasmus Alberus, prt partir pour la Marche, demandait
+au docteur Luther comment il fallait prcher devant le prince[r77].
+Tes prdications, dit-il, doivent s'adresser, non aux princes, mais
+au simple et grossier peuple. Si, dans les miennes, je songeais
+Mlanchton et aux autres docteurs, je ne ferais rien de bon; mais je
+prche tout simplement pour les ignorans, et cela plat tous. Si je
+sais du grec, de l'hbreu, du latin, je le rserve pour nos runions
+de savans. Alors nous en disons de si subtiles que Dieu mme en est
+tonn.
+
+ [r77] _Ibid._ 184.
+
+Albert Drer, le fameux peintre de Nuremberg, avait coutume de dire
+qu'il ne prenait aucun plaisir aux peintures charges de couleurs, mais
+ celles qui taient faites avec le plus de simplicit. J'en dis autant
+des prdications[r78].
+
+ [r78] _Ibid._ 425.
+
+Oh que j'eusse t heureux, lorsque j'tais au clotre d'Erfurt, si
+j'avais pu une fois, une seule fois, entendre prcher un pauvre petit
+mot sur l'vangile ou sur le moindre des psaumes[r79]!
+
+ [r79] Luth. Werke, t. IX, 245.
+
+Rien n'est plus agrable et plus utile au commun des auditeurs, que de
+prcher la loi et les exemples[r80]. Les prdications sur la Grce
+et sur l'article de la justification sont froides pour leurs oreilles.
+
+ [r80] Tischreden, 182.
+
+Parmi les qualits que Luther exige d'un prdicateur, il veut qu'il
+soit beau de sa personne, et tel que les bonnes femmes et les petites
+filles puissent l'aimer[r81].
+
+ [r81] _Ibid._ 183.
+
+Dans le _Trait sur les voeux monastiques_, Luther demande
+pardon au lecteur de dire bien des choses qu'on a coutume de
+taire[r82].--Pourquoi n'oser dire ce que le Saint-Esprit, pour
+instruire les hommes, a dict Mose? Mais nous voulons que nos
+oreilles soient plus pures que la bouche du Saint-Esprit.
+
+ [r82] Seckendorf, livre I, 202.
+
+_A J. Brentius._ Je ne veux point te flatter, je ne te trompe pas, je
+ne me trompe pas moi-mme, quand je dis que je prfre tes crits aux
+miens. Ce n'est point Brentius que je loue, mais l'Esprit saint, qui
+en toi est plus doux, plus tranquille; tes paroles coulent plus pures,
+plus limpides. Mon style, moi, inhabile et inculte, vomit un dluge,
+un chaos de paroles; turbulent et imptueux comme un lutteur toujours
+aux prises avec mille monstres qui se succdent; et si j'ose comparer
+de petites choses aux grandes, il me semble qu'il m'a t donn quelque
+chose de ce quadruple esprit d'lie, rapide comme le vent, dvorant
+comme le feu, qui renverse les montagnes et brise les pierres; toi,
+au contraire, le doux murmure de la brise lgre et rafrachissante.
+Une chose me console, c'est que le divin pre de famille a besoin, dans
+cette famille immense, de l'un et de l'autre serviteur, du dur contre
+les durs, de l'pre contre les pres, comme d'un mauvais coin contre de
+mauvais noeuds. Pour purger l'air et rendre la terre plus fertile, ce
+n'est point assez de la pluie qui arrose et pntre, il faut encore les
+clats de la foudre. (20 aot 1530.)
+
+Je suis loin de me croire sans dfaut; mais je puis au moins me
+glorifier avec saint Paul, de ne pouvoir tre accus d'hypocrisie et
+d'avoir toujours dit la vrit, peut-tre, il est vrai, un peu trop
+rudement. Mais j'aime mieux pcher par la duret de mes paroles, en
+jetant la vrit dans le monde, que de la retenir honteusement captive.
+Si les grands seigneurs s'en trouvent blesss, qu'ils se mlent de
+leurs affaires sans plus se soucier des miennes et de nos doctrines.
+Est-ce que je leur ai fait quelque tort, quelque injustice? Si je
+pche, ce sera Dieu de me pardonner. (5 fvrier 1522.)
+
+_A Spalatin._ Je ne puis nier que je ne sois plus violent qu'il ne
+faudrait[a63]; mais ils le savaient, c'tait eux de ne pas irriter le
+dogue. Tu peux savoir par toi-mme combien c'est une chose difficile
+que de modrer son feu et de contenir sa plume. Et voil pourquoi j'ai
+toujours ha de paratre en public; mais plus je le hais, plus j'y suis
+forc malgr moi. (fvrier 1520.)
+
+Le docteur Luther disait souvent[r83]: J'ai trois mauvais chiens,
+_ingratitudinem, superbiam et invidiam_ (l'ingratitude, l'orgueil et
+l'envie). Celui qu'ils mordent est bien mordu.
+
+ [r83] Tischreden, 105.
+
+Si je meurs, les papistes verront quel adversaire ils ont eu en
+moi[r84]. D'autres prdicateurs n'auront pas la mme mesure, la mme
+modration. On l'a dj prouv avec Mnzer, avec Carlostad, Zwingli et
+les anabaptistes.
+
+ [r84] _Ibid._ 356.
+
+Dans la colre mon temprament se retrempe, mon esprit s'aiguise, et
+toutes les tentations, tous les ennuis se dissipent. Je n'cris et ne
+parle jamais mieux qu'en colre[r85].
+
+ [r85] _Ibid._ 145.
+
+_A Michel Marx._ Tu ne saurais croire combien j'aime voir mes
+adversaires s'lever chaque jour davantage contre moi. Je ne suis
+jamais plus superbe et plus audacieux que lorsque j'apprends que je
+leur dplais. Docteurs, vques, princes, que m'importe? Il est crit:
+_Tremuerunt gentes et populi meditati sunt inania. Adstiterunt reges
+terr, et principes convenerunt in unum adverss Deum et adverss
+Christum ejus._
+
+J'ai un tel ddain pour ces satans, que si je n'tais retenu ici,
+j'irais tout droit Rome, en haine du diable et de toutes ces furies.
+
+Il faut que j'aie de la patience avec le pape, avec mes disciples,
+avec mes domestiques, avec Catherine de Bora, avec tout le monde, et ma
+vie n'est autre chose que de la patience.
+
+
+
+
+LIVRE V.
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER.
+
+ Mort du pre de Luther, de sa fille, etc.
+
+
+Il n'est pas d'alliance ni de socit plus belle, plus douce et
+plus heureuse, qu'un bon mariage[r86]. C'est une joie de voir deux
+poux vivre unis et en paix. Mais aussi, rien n'est plus amer et plus
+douloureux que quand ce lien se dchire. Aprs cela vient la mort des
+enfans. Cette dernire douleur je la connais, hlas!
+
+ [r86] _Ibid._ 331.
+
+--Je suis triste en t'crivant, car j'ai reu la nouvelle de la mort
+de mon pre, ce vieux Luther, si bon et si aim. Et bien que par moi
+il ait eu un si facile et si pieux passage en Christ, et que, dlivr
+des monstres d'ici-bas, il repose dans la paix ternelle, cependant mes
+entrailles se sont mues, car c'est par lui que Dieu m'a fait natre et
+m'a lev.--Dans une lettre du mme jour Mlanchton: ... Je succde
+ son nom; voici maintenant que je suis pour ma famille le vieux
+Luther. C'est mon tour, c'est mon droit de le suivre par la mort dans
+ce royaume que Christ nous a promis nous tous qui, cause de lui,
+sommes les plus misrables des hommes, et l'opprobre du monde... Je me
+rjouis cependant qu'il ait vcu dans ce temps, et qu'il ait pu voir la
+lumire de la vrit. Dieu soit bni dans tous ses actes, dans tous ses
+desseins! (5 juin 1530.)
+
+La nouvelle tant venue de Freyberg que matre Hausman tait mort,
+nous la cachmes au docteur Luther, et lui dmes d'abord qu'il tait
+malade, puis qu'il tait au lit, puis qu'il s'tait bien doucement
+endormi dans le Christ[r87]. Le docteur se mit pleurer bien fort,
+et dit: Voici des temps bien prilleux; Dieu balaie son aire et sa
+grange. Je le prie de ne pas laisser vivre long-temps aprs ma mort
+ma femme et mes enfans. Il resta assis tout le jour; il pleurait
+et s'affligeait. Il tait avec le docteur Jonas, matre Philippe
+(Mlanchton), matre Joachim Camerarius, et Gaspard de Keckeritz, et,
+au milieu d'eux, il tait assis, tout afflig et en larmes. (1538.)
+
+ [r87] _Ibid._ 274.
+
+Lorsqu'il perdit sa fille Magdalena, ge de quatorze ans, la femme du
+docteur pleurait et se lamentait. Il lui dit: Chre Catherine, songe
+pourtant o elle est alle. Elle a certes fait un heureux voyage. La
+chair saigne, sans doute, c'est sa nature; mais l'esprit vit et se
+trouve selon ses souhaits. Les enfans ne disputent point; comme on leur
+dit, ils croient. Chez les enfans tout est simple. Ils meurent sans
+chagrin ni angoisses, sans disputes, sans tentations de la mort, sans
+douleur corporelle, tout comme s'ils s'endormaient.
+
+Comme sa fille tait fort malade, il disait: Je l'aime bien! Mais,
+mon Dieu! si c'est ta volont de la prendre d'ici, je veux la savoir
+sans regret auprs de toi. Et comme elle tait au lit, il lui disait:
+Ma chre petite fille, ma petite Madeleine, tu resterais volontiers
+ici auprs de ton pre, et tu irais pourtant volontiers aussi ton
+autre pre. Elle rpondit: Oui, mon cher pre, comme Dieu voudra.
+Chre petite fille! ajouta-t-il, l'esprit veut, mais la chair est
+faible. Il se promena en long et en large et dit: Oui, je l'ai aime
+bien fort. Si la chair est si forte, que sera-ce donc de l'esprit.
+
+Il disait entre autres choses: Dieu n'a pas donn depuis mille ans
+aucun vque d'aussi grands dons qu' moi; car on doit se glorifier des
+dons de Dieu. Eh! bien, je suis en colre contre moi-mme de ce que je
+ne puis m'en rjouir de coeur, ni rendre grce; je chante bien de temps
+en temps notre Seigneur un petit cantique, et le remercie un peu.
+
+Eh bien! que nous vivions ou que nous mourions, _Domini sumus_ au
+gnitif ou au nominatif. Allons, seigneur docteur, tenez ferme.
+
+La nuit qui prcda la mort de Magdalena, la femme du docteur avait eu
+un songe; il lui semblait voir deux beaux jeunes garons bien pars,
+qui voulaient prendre sa fille et la mener la noce[r88]. Lorsque
+Philippe Mlanchton vint le matin dans le clotre, et demanda la
+dame: Que faites-vous de votre fille? elle lui raconta son rve. Il
+en fut bien effray, et dit aux autres: Les jeunes garons sont les
+saints anges qui vont venir pour mener la vierge la vritable noce du
+royaume cleste. Et en effet le mme jour elle mourut.
+
+ [r88] _Ibid._ 360.
+
+Lorsque la petite Magdalena tait l'agonie et allait mourir, le pre
+tomba genoux devant son lit, pleura amrement, et pria Dieu qu'il
+voult bien la sauver. Elle expira et s'endormit dans les bras de son
+pre. La mre tait bien dans la mme chambre, mais plus loin du lit,
+cause de son affliction. Le docteur rptait souvent: Que la volont
+de Dieu soit faite! ma fille a encore un pre dans le ciel. Alors
+matre Philippe se mit dire: L'amour des parens est une image de la
+divinit imprime au coeur des hommes. Dieu n'aime pas moins le genre
+humain que les parens leurs enfans. Lorsqu'on la mit dans la bire, le
+pre dit: Pauvre chre petite Madeleine, te voil bien maintenant?
+Il la regarda ainsi tendue, et dit: O cher enfant, tu ressusciteras,
+tu brilleras comme une toile! Oui, comme le soleil!... Je suis joyeux
+en esprit, mais dans la chair je suis bien triste. C'est une chose
+merveilleuse de savoir qu'elle est certainement en paix, qu'elle est
+bien, et cependant d'tre si triste.
+
+Et lorsque le peuple vint pour aider emporter le corps, et que,
+selon le commun usage, ils lui disaient qu'ils prenaient part son
+malheur, il leur dit: Ne vous chagrinez pas, j'ai envoy une sainte
+au ciel. Oh! puissions-nous avoir une telle mort! Une telle mort, je
+l'accepterais sur l'heure!--Lorsque l'on chanta: Seigneur, qu'il ne
+vous souvienne pas de nos anciens pchs! il ajouta: Non-seulement des
+anciens, mais de ceux d'aujourd'hui. Car nous sommes avides, usuriers,
+etc.; le scandale de la messe existe encore dans le monde!
+
+Au retour, il disait entre autres choses: On doit s'inquiter du sort
+de ses enfans, et surtout des pauvres filles. Je ne plains pas les
+garons; un garon vit partout pourvu qu'il sache travailler. Mais le
+pauvre petit peuple des filles doit chercher sa vie un bton la main.
+Un garon peut aller aux coles, et devenir un habile garon (ein
+feiner man). Une petite fille ne peut en faire autant. Elle
+tourne facilement au scandale et devient grosse. Aussi je donne bien
+volontiers celle-ci notre Seigneur.
+
+_A Jonas._ La renomme t'aura, je pense, inform de la renaissance de
+ma fille Madeleine au royaume du Christ; et bien que moi et ma femme
+nous dussions ne songer qu' rendre de joyeuses actions de grces pour
+un si heureux passage et une fin si dsirable, par o elle a chapp
+la puissance de la chair, du monde, du Turc et du Diable, cependant la
+force +ts storgs+ est si grande que je ne puis le supporter
+sans sanglots, sans gmissement, disons mieux, sans une vritable mort
+du coeur. Dans le plus profond de mon coeur sont encore gravs ses
+traits, ses paroles, ses gestes, pendant sa vie et sur son lit de mort;
+mon obissante et respectueuse fille! La mort mme du Christ (et que
+sont toutes les morts en comparaison?) ne peut me l'arracher de la
+pense, comme elle le devrait.... Elle tait, comme tu sais, douce de
+caractre, aimable et pleine de tendresse. (23 septembre 1542.)
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+ De l'quit, de la Loi.--Opposition du thologien et du juriste.
+
+
+Il vaut mieux se gouverner _d'aprs la raison naturelle que d'aprs
+la loi crite_, car la raison est l'me et la reine de la loi[r89].
+Mais o sont les gens qui ont une telle intelligence? on en peut
+peine trouver un par sicle. Notre gracieux seigneur, l'lecteur
+Frdric, tait un tel homme. Il y a eu encore son conseiller le
+seigneur Fabian de Feilitsch, un lac, qui n'avait point tudi et
+qui rpondait sur _apices et medullam juris_ mieux que les juristes
+d'aprs leurs livres.--Matre Philippe Mlanchton enseigne les arts
+libraux, de manire qu'il en tire moins de lumire qu'il ne leur en
+prte lui-mme. Moi aussi, je porte mon art dans les livres, je ne
+l'en tire point. Celui qui voudrait imiter les quatre hommes dont je
+viens de parler, ferait aussi bien d'y renoncer; il faut plutt qu'il
+apprenne et qu'il coute. De tels prodiges sont rares. La loi crite
+est pour le peuple et l'homme du commun. La raison naturelle et la
+haute intelligence sont pour les hommes dont j'ai parl.
+
+ [r89] _Ibid._ 347.
+
+Il y a un ternel combat entre les juristes et les thologiens; c'est
+la mme opposition qu'entre la loi et la grce.
+
+Le droit est une belle fiance, pourvu qu'elle reste dans son lit
+nuptial[r90]. Si elle monte dans un autre lit et veut gouverner la
+thologie, c'est une grande p...... Le droit doit ter sa barrette
+devant la thologie.
+
+ [r90] _Ibid._
+
+_A Mlanchton._ Je pense comme autrefois sur le droit du glaive; je
+pense avec toi que l'vangile n'a rien enseign ni conseill sur ce
+droit, et que cela ne devait tre en aucune faon, parce que l'vangile
+est la loi des volonts et des liberts, qui n'ont rien faire avec
+le glaive ou le droit du glaive. Mais ce droit n'y est pas aboli, il y
+est mme confirm et recommand; ce qui n'a lieu pour aucune des choses
+simplement permises.
+
+Avant moi, il n'y a aucun juriste qui ait su ce qu'est le droit,
+relativement Dieu[r91]. Ce qu'ils ont, ils l'ont de moi. Il n'est
+point mis dans l'vangile que l'on doive adorer les juristes. Si notre
+Seigneur Dieu veut juger, que lui importent les juristes? Pour ce qui
+regarde le monde, je les laisse matres. Mais dans les choses de Dieu
+ils doivent tre sous moi. Mon psaume moi, c'est celui-ci: _Rois
+soyez chtis_, etc. S'il faut qu'un des deux prisse, prisse le
+droit, rgne le Christ!
+
+ [r91] _Ibid._ 402.
+
+_Principes convenerunt in unum._ David le dit lui-mme, _contre son
+fils se dresseront la puissance, la sagesse, la multitude du monde, et
+il doit tre seul contre beaucoup, insens contre les sages, impuissant
+contre les puissans_. Certes, c'est l une merveilleuse conduite des
+choses. Notre Seigneur Dieu ne manque de rien que de gens sages, mais
+derrire sonne le terrible _Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui
+judicatis terram_ (Comprenez maintenant, rois; instruisez-vous, juges
+de la terre).
+
+Si les juristes ne prient point pour le pardon de leurs pchs et
+n'acceptent point l'vangile, je veux les confondre, de sorte qu'ils
+ne sachent plus comment se tirer d'affaire. Je n'entends rien au
+droit, mais je suis seigneur du droit dans les choses qui touchent la
+conscience.
+
+Nous sommes redevables aux juristes d'avoir enseign et d'enseigner
+au monde tant d'quivoques, de chicanes, de calomnies, que le langage
+est devenu plus confus que dans une Babel. Ici, nul ne peut comprendre
+l'autre, l, nul ne veut comprendre. O sycophantes, sophistes, pestes
+du genre humain. Je t'cris tout en colre, et je ne sais si, de
+sang-froid, j'enseignerais mieux. (6 fvrier 1546.)
+
+La veille d'un jour o on allait faire un docteur en droit, Luther
+disait: Demain on fera une nouvelle vipre contre les thologiens.
+
+On a raison de dire: _un bon juriste est un mauvais chrtien_. En
+effet, le juriste estime et vante la justice des oeuvres, comme si
+c'tait par l qu'on est juste devant Dieu. S'il devient chrtien, il
+est considr parmi les juristes comme un animal monstrueux, il faut
+qu'il mendie son pain, les autres le regardent comme sditieux.
+
+Qu'on frappe la conscience des juristes, ils ne savent ce qu'ils
+doivent faire. Mnzer les attaquait avec l'pe; c'tait un fou.
+
+Si j'tudiais seulement deux ans en droit, je voudrais devenir plus
+savant que le docteur C.; car je parlerais des choses, selon qu'elle
+sont vritablement justes ou injustes. Mais lui, il chicane sur les
+mots.
+
+La doctrine des juristes n'est rien qu'un _nisi_, un _except_. La
+thologie ne procde pas ainsi, elle a un ferme fondement.
+
+L'autorit des thologiens consiste en ce qu'ils peuvent obscurcir
+les universaux, et tout ce qui s'y rapporte. Ils peuvent lever et
+abaisser. Si la Parole se fait entendre, Mose et l'Empereur doivent
+cder.
+
+Le droit et les lois des Perses et des Grecs sont tombs en dsutude
+et abolis. Le droit romain ou imprial ne tient plus qu' un fil[a64].
+Car si un empire ou un royaume tombe, ses lois et ordonnances doivent
+tomber aussi.
+
+Je laisse le cordonnier, le tailleur, le juriste pour ce qu'ils sont.
+Mais qu'ils n'attaquent point ma chaire!...
+
+Beaucoup de gens croient que la thologie qui est rvle aujourd'hui,
+n'est rien. Si cela a lieu de notre vivant, que sera-ce aprs notre
+mort? En rcompense beaucoup d'entre nous sont gros de cette pense
+dont ils accoucheront plus tard, que le droit n'est rien.
+
+_Sermon contre les juristes, prch le jour des Rois._ Voil comme
+agissent nos fiers juristes et chevaliers s-lois de Wittemberg... Ils
+ne lisent point nos livres, les appellent catoniques (pour canoniques),
+ne s'inquitent pas de notre Seigneur, et ne visitent point nos
+glises[r92]. Eh bien! puisqu'ils ne reconnaissent point le docteur
+Pomer pour vque de Wittemberg, ni moi pour prdicateur de cette
+glise, je ne les compte plus dans mon troupeau.
+
+ [r92] _Ibid._ 403.
+
+Mais, disent-ils, vous allez contre le droit imprial. J'emm...e ce
+droit qui fait tort au pauvre homme.
+
+Suit un dialogue du juriste avec le plaideur qui il promet pour dix
+thalers de faire traner une affaire dix ans... Bonnes et pieuses gens
+comme Reinicke Fuchs, dans le pome du Renard...
+
+Bon peuple, veuillez agrer les motifs pour lesquels je veux tre
+impitoyable envers les juristes[r93]... Ils vantent le droit
+canonique, la m...e du pape, et le reprsentent comme une chose
+magnifique, lorsque nous l'avons, avec tant de peine, repouss et
+chass de nos glises... Je te le conseille, juriste, laisse dormir le
+vieux dogue[a65]. Une fois veill, tu ne le ramnerais pas aisment
+la loge.
+
+ [r93] _Ibid._ 407.
+
+Les juristes se plaignent fort, et m'en veulent. Qu'y puis-je faire?
+Si je ne devais pas rendre compte de leurs mes, je ne les chtierais
+point. Il dclare pourtant ensuite[a66] qu'il n'a point parl des
+juristes pieux.[a67]
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+ La Foi, la Loi.
+
+
+_A Gerbellius_: Dans cette cohue de scandales, ne te dmens pas
+toi-mme. Je te la rends pour te soutenir, l'pouse (la foi) que tu
+m'as montre jadis; je te la rends vierge et sans tache. Mais ce qu'il
+y a en elle d'admirable et d'inou, c'est qu'elle dsire et attire une
+infinit de rivaux, et qu'elle est d'autant plus chaste qu'elle est
+l'pouse d'un plus grand nombre.
+
+ * * * * *
+
+Notre rival, Philippe Mlanchton, te salue. Adieu, sois heureux avec
+la fiance de ta jeunesse. (23 janvier 1523).
+
+_A Mlanchton._ Sois pcheur, et pche fortement, mais aie encore
+plus forte confiance, et rjouis-toi en Christ, qui est le vainqueur
+du pch, de la mort et du monde. Il faut pcher, tant que nous
+sommes ici. Cette vie n'est point le sjour de la justice; non, nous
+attendons, comme dit Pierre, les cieux nouveaux et la terre nouvelle o
+la justice habite.....
+
+Prie grandement; car tu es un grand pcheur.
+
+Je suis maintenant tout--fait dans la doctrine de la rmission des
+pchs[r94]. Je n'accorde rien la Loi ni tous les Diables. Celui
+qui peut croire en son coeur la rmission des pchs, celui-l est
+sauv.
+
+ [r94] _Ibid._ 102.
+
+De mme qu'il est impossible de rencontrer dans la nature le point
+_mathmatique_, _indivisible_, de mme l'on ne trouve nulle part la
+justice telle que la Loi la demande. Personne ne peut satisfaire
+la Loi entirement, et les juristes eux-mmes, malgr tout leur art,
+sont bien souvent obligs de recourir la rmission des pchs, car
+ils n'atteignent pas toujours le but, et quand ils ont rendu un faux
+jugement, et que le Diable leur tourmente la conscience, ni Barthole,
+ni Baldus, ni tous leurs autres docteurs ne leur servent de rien. Pour
+rsister, ils sont forcs de se couvrir de l'+epieikeia+,
+c'est--dire de la rmission des pchs. Ils font leur possible pour
+bien juger, et aprs cela il ne leur reste plus qu' dire: Si j'ai
+mal jug, mon Dieu, pardonne-le-moi.--C'est la thologie seule qui
+possde le point mathmatique, elle ne ttonne pas, elle a le Verbe
+mme de Dieu. Elle dit: Il n'est qu'une justice, Jsus-Christ. Qui vit
+en lui, celui-l est juste.
+
+La Loi sans doute est ncessaire, mais non pour la batitude, car
+personne ne peut l'accomplir; mais le pardon des pchs la consomme et
+l'accomplit[r95].
+
+ [r95] _Ibid._ 128.
+
+La Loi est un vrai labyrinthe qui ne peut que brouiller les
+consciences, et la justice de la Loi est un minotaure, c'est--dire une
+pure fiction qui ne nous conduit point la batitude, mais nous attire
+en enfer.
+
+_Addition de Luther une lettre de Mlanchton sur la Grce et la
+Loi..._--Pour me dlivrer entirement de la vue de la loi et des
+oeuvres, je ne me contente pas mme de voir en Jsus-Christ mon matre,
+mon docteur et mon donateur, je veux qu'il soit lui-mme ma doctrine et
+mon don, de telle sorte, qu'en lui je possde toute chose[r96]. Il
+dit: Je suis le chemin, la vrit et la vie, non pas: Je te montre
+ou je te donne le chemin, la vrit et la vie, comme s'il oprait
+seulement ceci en moi, et que lui-mme il ft nanmoins en dehors de
+moi...--Il n'est qu'un seul point dans toute la thologie: vraie foi
+et confiance en Jsus-Christ[r97]. Cet article contient tous les
+autres.--Notre foi est un soupir inexprimable. Et ailleurs: Nous
+sommes nos propres geliers. (C'est--dire que nous nous enfermons dans
+nos oeuvres, au lieu de nous lancer dans la foi[r98].)
+
+ [r96] Tischreden, 133.
+
+ [r97] _Ibid._ 140.
+
+ [r98] _Ibid._ 147.
+
+Le diable veut seulement une justice _active_, une justice que
+nous fassions nous-mmes en nous, tandis que nous n'en avons qu'une
+_passive_ et trangre qu'il ne veut point nous laisser[r99]. Si
+nous tions borns l'_active_, nous serions perdus, car elle est
+dfectueuse dans tous les hommes.
+
+ [r99] _Ibid._ 142.
+
+Un docteur anglais, Antonius Barns, demandait au docteur Luther si les
+chrtiens, justifis par la foi en Christ, mritaient quelque chose
+pour les oeuvres qui venaient ensuite[r100]. Car cette question tait
+souvent agite en Angleterre. Rponse: 1 Nous sommes encore pcheurs
+aprs la justification; 2 Dieu promet rcompense ceux qui font bien.
+Les oeuvres ne mritent point le ciel, mais elles ornent la foi qui
+nous justifie. Dieu ne couronne que les dons mmes qu'il nous a faits.
+
+ [r100] _Ibid._ 144.
+
+FIDELIS ANIM VOX AD CHRISTUM. _Ego sum tuum peccatum, tu mea justitia;
+triumpho igitur securus_, etc.
+
+Pour rsister au dsespoir, il ne suffit pas d'avoir de vains mots
+sur la langue, ni une vaine et faible opinion; mais il faut qu'on
+relve la tte, que l'on prenne une me ferme et que l'on se confie
+en Christ contre le pch, la mort, l'enfer, la Loi et la mauvaise
+conscience[r101].
+
+ [r101] _Ibid._ 124.
+
+Quand la Loi t'accuse et te reproche tes fautes, ta conscience te
+dit: Oui, Dieu a donn la Loi et command de l'observer sous peine
+de damnation ternelle; il faut donc que tu sois damn. A cela tu
+rpondras: Je sais bien que Dieu a donn la Loi, mais il a aussi donn
+par son fils l'vangile qui dit: Celui qui aura reu le baptme et qui
+croira, sera sauv. Cet vangile est plus grand que toute la Loi, car
+la Loi est terrestre et nous a t transmise par un homme; l'vangile
+est cleste et nous a t apport par le Fils de Dieu.--N'importe, dit
+la conscience, tu as pch et transgress le commandement de Dieu; donc
+tu seras damn.--_Rponse_: Je sais fort bien que j'ai pch, mais
+l'vangile m'affranchit de mes pchs, parce que je crois en Jsus, et
+cet vangile est lev au-dessus de la Loi autant que le ciel l'est
+au-dessus de la terre. C'est pourquoi le corps doit rester sur la
+terre et porter le fardeau de la Loi, mais la conscience monter, avec
+Isaac, sur la montagne, et s'attacher l'vangile, qui promet la vie
+ternelle ceux qui croient en Jsus-Christ.--N'importe, dit encore la
+conscience, tu iras en enfer; tu n'as pas observ la Loi.--_Rponse_:
+Oui, si le ciel ne venait mon secours; mais il est venu mon
+secours, il s'est ouvert pour moi; le Seigneur a dit: Celui qui sera
+baptis et qui croira, sera sauv.
+
+Dieu dit Mose: Tu verras mon dos, mais non point mon
+visage[r102]. Le dos c'est la Loi, le visage c'est l'vangile.
+
+ [r102] _Ibid._ 125.
+
+La Loi ne souffre pas la Grce, et son tour la Grce ne souffre pas
+la Loi. La Loi est donne seulement aux orgueilleux, aux arrogans, la
+noblesse, aux paysans, aux hypocrites et ceux qui ont mis leur amour
+et leur plaisir dans la multitude des lois. Mais la Grce est promise
+aux pauvres coeurs souffrans, aux humbles, aux affligs; c'est eux que
+regarde le pardon des pchs. A la Grce appartiennent matre Nicolas
+Hausmann, Cordatus, Philippe (Mlanchton) et moi.
+
+Il n'y a point d'auteur, except saint Paul, qui ait crit d'une
+manire complte et parfaite sur la Loi, car c'est la mort de toute
+raison de juger la Loi: l'esprit en est le seul juge. (15 aot 1530.)
+
+La bonne et vritable thologie consiste dans la pratique, l'usage et
+l'exercice. Sa base et son fondement, c'est le Christ, dont on comprend
+avec la foi, la passion, la mort et la rsurrection. Ils se font
+aujourd'hui, pour eux, une _thologie spculative_ d'aprs la raison.
+Cette _thologie spculative_ appartient au diable dans l'enfer. Ainsi
+Zwingle et les sacramentaires _spculent_ que le corps du Christ est
+dans le pain, mais seulement dans le sens spirituel. C'est aussi la
+thologie d'Origne. David n'agit pas ainsi, mais il reconnat ses
+pchs et dit: _Miserere mei Domine!_
+
+J'ai vu nagure deux signes au ciel. Je regardais par la fentre au
+milieu de la nuit, et je vis les toiles et toute la vote majestueuse
+de Dieu se soutenir sans que je pusse apercevoir les colonnes sur
+lesquelles le Matre avait appuy cette vote. Cependant elle ne
+s'croulait pas. Il y en a maintenant qui cherchent ces colonnes et
+qui voudraient les toucher de leurs mains. Mais comme ils n'y peuvent
+arriver, ils tremblent, se lamentent, et craignent que le ciel ne
+tombe. Ils pourraient les toucher que le ciel n'en bougerait pas.
+
+Plus tard je vis de gros nuages, tout chargs, qui flottaient sur ma
+tte comme un ocan. Je n'apercevais nul appui qui les pt soutenir.
+Nanmoins, ils ne tombaient pas, mais nous saluaient tristement et
+passaient. Et comme ils passaient, je distinguai dessous la courbe
+qui les avait soutenus, un dlicieux arc-en-ciel. Mince il tait
+sans doute, bien dlicat, et l'on devait trembler pour lui en voyant
+la masse des nuages. Cependant cette ligne arienne suffisait pour
+porter cette charge et nous protger. Nous en voyons toutefois qui
+craignent le poids du nuage, et ne se fient pas au lger soutien; ils
+voudraient bien en prouver la force, et, ne le pouvant, ils craignent
+que les nuages ne fondent et ne nous abment de leurs flots..... Notre
+arc-en-ciel est faible, leurs nuages sont lourds. Mais la fin jugera de
+la force de l'arc. _Sed in fine videbitur cujus toni._[a68] (aot 1530.)
+
+
+
+
+CHAPITRE IV.
+
+ Des novateurs: Mystiques, etc.
+
+
+Le comment nous russit mal, c'est la cause de la ruine d'Adam.
+
+Je crains deux choses: l'picurisme et l'enthousiasme, deux sectes
+qui doivent rgner encore.
+
+Otez le dcalogue, il n'y a plus d'hrsie. L'criture sainte est le
+livre de tous les hrtiques[a69].
+
+Luther nommait les esprits sditieux et prsomptueux, des saints
+prcoces qui, avant la maturit, taient piqus des vers et au moindre
+vent tombaient de l'arbre. Les rveurs (schwermer) sont comme les
+papillons. D'abord c'est une chenille qui se pend un mur, s'y fait
+une petite maison, clot la chaleur du soleil, et s'envole en
+papillon. Le papillon meurt sur un arbre et laisse une longue trane
+d'oeufs.
+
+Le docteur Martin Luther disait au sujet des faux frres et hrtiques
+qui se sparent de nous, qu'il fallait les laisser faire et ne pas s'en
+inquiter; s'ils ne nous coutent point, nous les enverrons avec tous
+leurs beaux semblans en enfer[r103].
+
+ [r103] _Ibid._ 292.
+
+Quand je commenai crire contre les indulgences, je fus pendant
+trois ans tout seul, et personne ne me tendait la main[r104].
+Aujourd'hui ils veulent tous triompher. J'aurais bien assez de mal
+avec mes ennemis sans celui que me font mes bons petits frres. Mais
+qui peut rsister tous? ce sont des jeunes gens tout frais, qui
+n'ont rien fait jusqu'ici; moi je suis vieux maintenant, et j'ai eu de
+grandes peines, de grands travaux. Osiander peut faire le fier; il a du
+bon temps; il a deux prdications faire par semaine et quatre cents
+florins par an.
+
+ [r104] _Ibid._ 193.
+
+En 1521, il vint chez moi l'un de ceux de Zwickau, du nom de Marcus,
+assez affable dans ses manires, mais frivole dans ses opinions et dans
+sa vie[r105]. Il voulait confrer avec moi au sujet de sa doctrine.
+Comme il ne parlait que de choses trangres l'criture, je lui dis
+que je ne reconnaissais que la parole de Dieu, et que, s'il voulait
+tablir autre chose, il devait au moins prouver sa mission par des
+miracles. Il me rpondit: Des miracles? ah! vous en verrez dans sept
+ans. Dieu mme ne pourrait m'enlever ma foi. Il dit aussi: Je vois de
+suite si quelqu'un est lu ou non.--Aprs qu'il m'eut beaucoup parl
+du _talent_ qu'il ne fallait pas enfouir, du _dgrossissement_, de
+l'_ennui_, de l'_attente_, je lui demandai qui comprenait cette langue.
+Il me rpondit qu'il ne prchait que devant les disciples croyans et
+habiles. Comment vois-tu qu'ils sont habiles? lui dis-je.--Je n'ai qu'
+les regarder, rpondit-il, pour voir leur _talent_.--Quel _talent_, mon
+ami, trouves-tu en moi par exemple?--Vous tes encore au premier degr
+de la mobilit, me rpondit-il, mais il viendra un temps o vous serez
+au premier de l'immobilit comme moi.--Sur ce, je lui citai plusieurs
+textes de l'criture et nous nous sparmes. Quelque temps aprs, il
+m'crivit une lettre trs amicale, pleine d'exhortations; mais je lui
+rpondis: Adieu, cher Marcus.
+
+ [r105] _Ibid._ 282.
+
+Plus tard, il vint chez moi un tourneur qui se disait aussi prophte.
+Il me rencontra au moment o je sortais de ma maison, et me dit
+d'un ton hardi: Monsieur le docteur, je vous apporte un message
+de mon Pre.--Qui est donc ton pre? lui dis-je.--Jsus-Christ,
+rpondit-il.--C'est notre pre commun, lui dis-je; que t'a-t-il ordonn
+de m'annoncer?--Je dois vous annoncer, de la part de mon pre, que Dieu
+est irrit contre le monde.--Qui te l'a dit?--Hier, en sortant par la
+porte de Koswick, j'ai vu dans l'air un petit nuage de feu; cela prouve
+videmment que Dieu est irrit[a70]. Il me parla encore d'un autre
+signe. Au milieu d'un sommeil profond, dit-il, j'ai vu des ivrognes
+assis table, qui disaient: Buvons, buvons; et la main de Dieu tait
+au-dessus d'eux. Soudain l'un d'eux me versa de la bire sur la tte et
+je m'veillai.--coute, mon ami, lui dis-je alors, ne plaisante pas
+ainsi avec le nom et les ordres de Dieu; et je le rprimandai vivement.
+Quand il vit dans quelles dispositions j'tais son gard, il s'en
+alla tout en colre et murmurant: Sans doute quiconque ne pense pas
+comme Luther est un fou.
+
+Une autre fois encore, j'eus affaire un homme des Pays-Bas. Il
+voulait disputer avec moi _jusqu'au feu inclusivement_, disait-il.
+Quand je vis son ignorance, je lui dis: Ne vaudrait-il pas mieux que
+nous disputassions sur quelques canettes de bire? Ce mot le fcha,
+et il s'en alla. Le diable est un esprit orgueilleux; il ne saurait
+souffrir qu'on le mprise.
+
+Matre Stiefel vint Wittemberg, parla secrtement avec le docteur
+Luther, et lui montra son opinion en vingt articles, sur le jugement
+dernier[r106]. Il pensait que le jugement aurait lieu le jour de
+saint Luc. On lui dit de se tenir tranquille et de n'en point parler;
+ce qui le chagrina fort. Cher seigneur docteur, dit-il, je m'tonne
+que vous me dfendiez de prcher ceci, et que vous ne vouliez pas me
+croire. Il est cependant sr que je dois en parler, quoique je ne le
+fasse point volontiers. Le docteur Luther lui rpliqua: Cher matre,
+vous avez bien pu vous taire dix ans sur ce sujet, pendant le rgne
+de la papaut; tenez-vous encore tranquille pour le peu de temps qui
+reste.--Mais ce matin mme, comme je me mettais en marche de bonne
+heure, j'ai vu un arc-en-ciel trs beau, et j'ai pens la venue du
+Christ.--Non, il n'y aura point alors d'arc-en-ciel; d'un mme coup le
+feu du tonnerre consumera toute crature. Un fort et puissant son de
+trompette nous rveillera tous. Ce n'est pas avec le son du chalumeau
+que l'on se fera entendre sur-le-champ ceux qui sont dans la tombe.
+(1533.)
+
+ [r106] _Ibid._ 367.
+
+Michel Stiefel croit tre le septime ange qui annonce le dernier
+jour[a71]; il donne ses livres et ses meubles, comme s'il n'en avait
+plus besoin.
+
+Bileas est certainement damn, quoiqu'il ait eu de bien grandes
+rvlations, pas moindres que celles de Daniel; car il embrasse
+aussi les quatre empires[r107]. C'est un terrible exemple pour les
+orgueilleux. Oh! humilions-nous.
+
+ [r107] _Ibid._ 192.
+
+Le docteur Jeckel est un compagnon de l'espce de Eisleben
+(Agricola)[r108]. Il faisait la cour ma nice Anna; mais je lui
+dis: Cela ne doit point se faire, dans toute l'ternit! Et la
+petite fille: Si tu veux l'avoir, te-toi pour toujours de devant mes
+yeux; je ne veux plus te voir ni t'entendre.
+
+ [r108] _Ibid._ 287.
+
+Le duc Henri de Saxe tant venu Wittemberg, le docteur Martin Luther
+lui parla deux fois contre le docteur Jeckel, et exhorta le prince
+songer aux maux de l'glise. Jeckel avait prch la doctrine suivante:
+Fais ce que tu veux, crois seulement, tu seras sauv.--Il faudrait
+dire: Quand tu seras _ren_, et devenu un nouvel homme, fais alors
+ce qui se prsente toi. Les sots ne savent point ce que c'est que
+la foi... Un pasteur de Torgau vint se plaindre au docteur Luther
+de l'insolence et de l'hypocrisie du docteur Jeckel, qui, par ses
+ruses, avait attir lui tous ceux de la noblesse, du conseil, et le
+prince mme. Le docteur l'ayant entendu, frmit, soupira, se tut, et
+se mit en prire; et le mme jour, il ordonna qu'on exiget d'Eisleben
+(Agricola), qu'il ft une rtractation publique, ou qu'il ft
+publiquement confondu.
+
+Le docteur Luther faisant reproche Jeckel de ce qu'ayant si peu
+d'exprience, tant si peu exerc dans la dialectique et la rhtorique,
+il osait entreprendre de telles choses contre ses matres et
+prcepteurs, il rpondit[r109]: Je dois craindre Dieu plus que mes
+prcepteurs; j'ai un Dieu aussi bien que vous... Le docteur Jeckel se
+mit ensuite table pour souper; il avait l'air sombre; et le docteur
+Luther se curait les dents, ainsi que les convives venus de Freyberg.
+Alors Luther se mit dire: Si j'avais rendu la cour aussi pieuse
+que vous le monde, j'aurais bien travaill, etc. Et Jeckel se tenait
+toujours avec un air sombre, les yeux baisss, montrant, par cette
+contenance, ce qu'il avait en esprit. Enfin Luther se leva, et voulut
+sortir; Jeckel aurait encore bien voulu s'expliquer et discuter avec
+lui; mais le docteur ne voulut plus lui parler.
+
+ [r109] _Ibid._ 290.
+
+_Des Antinomiens, et particulirement d'Eisleben
+(Agricola)[r110]._--Ah! combien cela fait mal, quand on perd un bon
+ami qu'on aimait beaucoup! J'ai eu cet homme-l ma table; il a t
+mon bon compagnon, il riait avec moi, il tait gai... et voil qu'il
+se met contre moi!... Cela n'est point souffrir. Rejeter la loi sans
+laquelle il n'y a ni glise, ni gouvernement, cela ne s'appelle pas
+percer le tonneau, mais le dfoncer.... C'est le moment de combattre...
+Puis-je le voir s'enorgueillir pendant ma vie, et vouloir gouverner?...
+Il ne suffit pas qu'il dise, pour s'excuser, qu'il n'a parl que du
+docteur Creuziger et de matre Roerer. Le Catchisme, l'Explication
+du dcalogue et la Confession d'Augsbourg, sont miens, et non point
+Creuziger ou Roerer... Il veut enseigner la pnitence par l'amour
+de la justice. Ainsi, il ne prche qu'aux hommes justes et pieux
+la rvlation du courroux divin. Il ne prche pas pour les impies.
+Cependant saint Paul dit: _La Loi est donne aux injustes_. En somme,
+en tant la Loi, il te aussi l'vangile; il tire notre croyance du
+ferme appui de la conscience, pour la soumettre aux caprices de la
+chair.
+
+ [r110] _Ibid._ 287.
+
+Qui aurait pens la secte des antinomiens[r111]?... J'ai surmont
+trois cruels orages: Mnzer, les sacramentaires et les anabaptistes. Il
+faudra donc crire sans fin! Je ne dsire pas vivre long-temps, car il
+n'y a plus de paix esprer. (1538.)
+
+ [r111] _Ibid._ 288.
+
+Le docteur Luther ordonna matre Ambroise Bernd d'apprendre aux
+professeurs de l'universit ne point tre factieux, ne point
+prparer de schisme, et il dfendit que matre Eisleben ft lu
+doyen... Dites cela vos facultistes, et s'ils n'en font rien, je
+prcherai contre eux. (1539.)
+
+Le dernier jour de novembre, Luther tait en joie et en gat avec ses
+cousins, son frre, sa soeur, et quelques bons amis de Mansfeld. On
+fit mention de matre Grickel, et ils le priaient pour lui. Le docteur
+rpondit: J'ai tenu cet homme-l pour mon plus fidle ami; mais il
+m'a tromp par ses ruses, j'crirai bientt contre lui; qu'il y prenne
+garde; il n'y a en lui aucune pnitence. (1538.)
+
+J'ai eu tant de confiance en cet homme-l (Eisleben), que, lorsque
+j'allai Smalkalde, en 1537, je lui recommandai ma chaire, mon glise,
+ma femme, mes enfans, ma maison, tout ce que j'avais de secret[r112].
+
+ [r112] _Ibid._ 291.
+
+Le dernier jour de janvier, 1539, au soir, le docteur Luther lut les
+propositions qu'Eisleben allait soutenir contre lui; il y avait mis je
+ne sais quelles absurdits de Sal et de Jonathas (J'ai mang un peu
+de miel et c'est pour cela que je meurs). Jonathas, dit Luther, c'est
+matre Eisleben qui mange le miel et prche l'vangile; Sal, c'est
+Luther... Ah! Eisleben, es-tu donc un tel... Oh! Dieu te pardonne ton
+amertume!
+
+Si la Loi est ainsi renvoye de l'glise au conseil, l'autorit
+civile, celle-ci dira son tour: Nous sommes aussi de fidles
+chrtiens, la Loi ne nous regarde point. Le bourreau finira par en
+dire autant. Il n'y aura plus que grce, douceur, et bientt caprices
+effrns et sclratesse. Ainsi commena Mnzer.
+
+En 1540, Luther donna un repas auquel assistrent les principaux
+membres de l'Universit[r113]. Vers la fin du repas, quand tout le
+monde fut en belle humeur, un verre cercles de couleurs fut apport.
+Luther y versa du vin et le vida la sant des convives. Ceux-ci lui
+rendirent son salut en vidant le verre chacun son tour, la sant de
+leur hte. Quand ce fut le tour de matre Eisleben, Luther lui prsenta
+le verre en disant: Mon cher, ce qui, dans ce verre, est au-dessus du
+premier cercle, ce sont les dix commandemens; de l jusqu'au second,
+c'est le _credo_; jusqu'au troisime c'est le _pater noster_; le
+catchisme est au fond. Puis il le vida lui-mme, le fit remplir de
+nouveau et le donna matre Eisleben. Celui-ci n'alla point au-del du
+premier cercle, il remit le verre sur la table et ne le put regarder
+sans une espce d'horreur. Luther le vit, et il dit aux convives: Je
+savais bien que matre Eisleben ne boirait qu'aux Commandemens, et
+qu'il laisserait le _credo_, le _pater noster_ et le catchisme.
+
+ [r113] _Ibid._ 129.
+
+Matre Jobst tant la table de Luther, lui montra des propositions
+d'aprs lesquelles on ne devait point prcher la Loi, puisque ce n'est
+pas elle qui nous justifie[r114]. Luther s'emporta et dit: Faut-il
+que les ntres commencent de telles choses, mme de notre vivant.
+Ah! combien nous devons honorer matre Philippe (Mlanchton), qui
+enseigne avec clart et vrit l'usage et l'utilit de la Loi. Elle se
+vrifie, la prophtie du comte Albert de Mansfeld qui m'crivait: _Il
+y a derrire cette doctrine un Mnzer_. En effet celui qui dtruit la
+doctrine de la Loi, dtruit en mme temps _politicam et oeconomiam_.
+Si l'on met la Loi en dehors de l'glise, il n'y aura plus de pch
+reconnu dans le monde: car l'vangile ne dfinit et ne punit le pch
+qu'en recourant la Loi. (1541.)
+
+ [r114] _Ibid._ 124.
+
+Si, au commencement, j'ai dans ma doctrine parl et crit si durement
+contre la Loi, cela est venu de ce que l'glise chrtienne tait
+charge de superstitions, sous lesquelles Christ tait tout--fait
+obscurci et enterr[r115]. Je voulais sauver et affranchir de cette
+tyrannie de la conscience les mes pieuses et craignant Dieu. Mais je
+n'ai jamais rejet la Loi...[a72]
+
+ [r115] _Ibid._ 125.
+
+
+
+
+CHAPITRE V.
+
+ Tentations: Regrets et doutes des amis, de la femme; Doutes de
+ Luther lui-mme.
+
+
+Matre Philippe Mlanchton dit un jour la fable suivante la table du
+docteur Martin Luther[r116]: Un homme avait pris un petit oiseau, et
+le petit oiseau aurait bien voulu tre libre, et il disait l'homme:
+O mon bon ami, lche-moi, je te montrerai une belle perle qui vaut
+bien des milliers de florins! Tu me trompes, dit l'homme. Oh non!
+aie confiance, viens avec moi, je vais te la montrer. L'homme lche
+l'oiseau, qui se perche sur un arbre et lui chante: _Crede parm, tua
+serva, et qu perire, relinque_ (ne te confie pas trop, garde bien le
+tien, laisse ce qui est perdu sans retour). C'tait en effet une belle
+perle qu'il lui laissait.
+
+ [r116] _Ibid._ 445.
+
+Philippe me demandait une fois que je voulusse lui tirer de la Bible
+une devise, mais telle qu'il ne s'en lasst point[r117]. On ne peut
+rien donner l'homme dont il ne se lasse.
+
+ [r117] _Ibid._ 29.
+
+Si Philippe n'et pas t si afflig par les tentations, il aurait des
+ides et des opinions singulires[r118].
+
+ [r118] _Ibid._ 195.
+
+Le paradis de Luther est trs grossier. Il croit que, dans le nouveau
+ciel et la nouvelle terre, il y aura aussi des animaux utiles[r119].
+Je pense souvent la vie ternelle et aux joies que l'on doit y
+trouver, mais je ne puis comprendre quoi nous y passerons le temps,
+car il n'y aura aucun changement, aucun travail, ni boire, ni manger,
+ni affaire; mais je pense que nous aurons assez d'objets contempler.
+Sur cela, Philippe Mlanchton dit trs bien: Matre, montrez-nous le
+Pre; cela nous suffit.
+
+ [r119] _Ibid._ 305.
+
+Les paysans ne sont pas dignes de tant de fruits que porte la
+terre[r120]. Je remercie plus notre Seigneur pour un arbre que
+tous les paysans pour tous leurs champs. Ah! _domine doctor_, dit
+Mlanchton, exceptez-en quelques-uns, tels qu'Adam, No, Abraham,
+Isaac.
+
+ [r120] _Ibid._ 52.
+
+Le docteur Jonas disait souper: Ah! comme saint Paul parle
+magnifiquement de sa mort. Je ne puis pourtant le croire[r121].--Il
+me semble aussi, dit le docteur Luther, que saint Paul lui-mme ne
+pouvait penser sur cette matire avec autant de force qu'il parlait;
+moi-mme, malheureusement, je ne puis sur cet article croire aussi
+fortement que prcher, parler et crire, aussi fortement que d'autres
+gens s'imaginent que je crois. Et il ne serait peut-tre pas bon que
+nous fissions tout ce que Dieu commande, car c'en serait fait de sa
+divinit; il se trouverait menteur, et ne pourrait rester vridique
+dans ses paroles.
+
+ [r121] _Ibid._ 137.
+
+Un mchant et horrible livre contre la sainte Trinit ayant t publi
+par l'impression, en 1532, le docteur Martin Luther dit[r122]: Ces
+esprits chimriques ne croient pas que d'autres gens aient eu aussi des
+tentations sur cet article. Mais pourquoi opposer ma pense la parole
+de Dieu et au Saint-Esprit (_opponere meam cogitationem verbo Dei, et
+spiritui sancto_)? Cette opposition ne soutient pas l'examen.
+
+ [r122] _Ibid._ 70.
+
+La femme du docteur lui disait[r123]: Seigneur docteur, d'o vient
+que sous la papaut nous priions si souvent et avec tant de ferveur,
+tandis qu'aujourd'hui notre prire est tout--fait froide, et nous
+prions rarement? Le docteur rpondit: Le diable pousse sans cesse
+ses serviteurs pratiquer diligemment son culte.
+
+ [r123] _Ibid._ 150.
+
+Le docteur Martin Luther exhortait sa femme lire et couter avec soin
+la parole de Dieu, particulirement le psautier[r124]. Elle rpondit
+qu'elle l'coutait suffisamment, et en lisait chaque jour; qu'elle
+pourrait mme, s'il plaisait Dieu, en rpter beaucoup de choses.
+Le docteur soupira et dit: Ainsi commence le dgot de la parole de
+Dieu. C'est le signe d'un mal futur. Il viendra de nouveaux livres, et
+la sainte criture sera mprise, jete dans un coin, et comme on dit:
+sous la table.
+
+ [r124] _Ibid._
+
+Luther demandait sa femme si elle aussi croyait qu'elle ft sainte?
+Elle s'en tonna, et dit: Comment puis-je tre sainte, je suis une
+grande pcheresse. Il dit alors: Voyez pourtant l'horreur de la
+doctrine papale, comme elle a bless les coeurs et proccup tout
+l'homme intrieur. Ils ne sont plus capables de rien voir, hors la
+pit et la saintet personnelle et extrieure des oeuvres que l'homme
+mme fait pour soi.
+
+Le _Pater noster_ et la foi, me rassurent contre le diable[r125].
+Ma petite Madeleine et mon petit Jean prient en outre pour moi, ainsi
+que beaucoup d'autres chrtiens... J'aime ma Catherine, je l'aime plus
+que moi-mme, car je voudrais mourir plutt que de lui voir arriver du
+mal elle et ses enfans; j'aime aussi mon Seigneur Jsus-Christ qui,
+par pure misricorde, a vers son sang pour moi; mais ma foi devrait
+tre beaucoup plus grande et plus vive. O mon Dieu! ne juge point ton
+serviteur[r126]!
+
+ [r125] _Ibid._ 135.
+
+ [r126] _Ibid._ 140.
+
+Ce qui ne contribue pas peu affliger et tenter les coeurs, c'est que
+Dieu semble capricieux et changeant. Il a donn Adam des promesses et
+des crmonies, et cela a fini avec l'arc-en-ciel et l'arche de No.
+Il a donn Abraham la circoncision, Mose des signes miraculeux,
+son peuple la Loi; mais au Christ, et par le Christ, l'vangile, qui
+est considr comme annulant tout cela. Et voil que les Turcs effacent
+cette voix divine, et disent: Votre loi durera bien quelque temps, mais
+elle finira par tre change. (Luther n'ajoute aucune rflexion.)
+
+
+
+
+CHAPITRE VI.
+
+ Le diable.--Tentations.
+
+
+Une fois, dans notre clotre Wittemberg, j'ai entendu distinctement
+le bruit que faisait le diable. Comme je commenais lire le psautier,
+aprs avoir chant matines, que j'tais assis, que j'tudiais et que
+j'crivais pour ma leon, le diable vint et fit trois fois du bruit
+derrire mon pole, comme s'il en et tran un boisseau. Enfin, comme
+il ne voulait point finir, je rassemblai mes petits livres et allai me
+mettre au lit... Je l'entendis encore une nuit au-dessus de ma chambre
+dans le clotre; mais comme je remarquai que c'tait le diable, je n'y
+fis pas attention et me rendormis.
+
+Une jeune fille qui tait l'amie du vieil conome Wittemberg, se
+trouvant malade, il se prsenta elle une vision comme si c'et t
+le Christ sous une forme belle et magnifique; elle y crut et se mit
+prier cette figure[r127]. On envoya en hte au clotre chercher le
+docteur Luther. Lorsqu'il et vu la figure, qui n'tait qu'un jeu et
+une singerie du diable, il exhorta la fille ne pas se laisser duper
+ainsi. En effet, ds qu'elle eut crach au visage du fantme, le diable
+disparut, la figure se changea en un grand serpent qui courut la
+fille et la mordit l'oreille, de sorte que le sang coula. Le serpent
+s'vanouit bientt. Le docteur Luther vit la chose de ses propres yeux,
+avec beaucoup d'autres personnes. (L'diteur des Conversations ne dit
+point tenir cette histoire de Luther.)
+
+ [r127] _Ibid._ 92, verso.
+
+Un pasteur des environs de Torgau se plaignait Luther que le
+diable faisait la nuit, un bruit, un tumulte et un renversement
+extraordinaires dans sa maison, qu'il lui cassait ses pots et sa
+vaisselle de bois, lui jetait les morceaux la tte, et riait ensuite.
+Il faisait ce mange depuis un an, et ni sa femme, ni ses enfans ne
+voulaient plus rester dans la maison[r128]. Luther dit au pasteur:
+Cher frre, sois fort dans le Seigneur, ne cde point ce meurtrier
+de diable. Si l'on n'a point invit et attir cet hte chez soi par
+ses pchs, on peut lui dire: _Ego auctoritate divin hic sum pater
+familias et vocatione coelesti pastor ecclesi_; mais toi, diable, tu
+te glisses dans cette maison comme un voleur et un meurtrier. Pourquoi
+ne restes-tu pas dans le ciel? Qui t'a invit ici?
+
+ [r128] _Ibid._ 208.
+
+_Sur une possde._ Puisque ce diable est un esprit jovial, et
+qu'il se moque de nous tout son aise, il nous faut d'abord prier
+srieusement pour la jeune fille qui souffre ainsi cause de nos
+pchs. Ensuite il faut mpriser cet esprit et s'en rire, mais ne
+pas aller l'prouver par des exorcismes et autres choses srieuses,
+parce que la superbe diabolique se rit de tout cela. Persvrons dans
+la prire pour la jeune fille et dans le mpris pour le diable, et
+enfin, avec la grce du Christ, il se retirera. Il serait bon aussi
+que les princes voulussent rformer leurs vices, dans lesquels cet
+esprit malin nous montre qu'il triomphe. Je te prie, puisque c'est une
+chose digne d'tre publie, de t'informer exactement de toutes les
+circonstances; pour carter toute fraude, assure-toi si les pices
+d'or que cette fille avale sont de vraies pices d'or, et de bon aloi.
+Car j'ai t jusqu' prsent obsd de tant de fourberies, de ruses,
+de machinations, de mensonges, d'artifices, que je ne me prte plus
+aisment rien croire que je n'aie vu faire et dire. (5 aot 1536.)
+
+Que ce pasteur n'ait pas la conscience trouble de ce qu'il a enseveli
+cette femme qui s'tait tue elle-mme, si toutefois elle s'est tue.
+Je connais beaucoup d'exemples semblables, mais je juge ordinairement
+que les gens ont t tus simplement et immdiatement par le diable,
+comme un voyageur est tu par un brigand. Car, lorsqu'il est vident
+que le suicide n'a pu avoir lieu naturellement, quand il s'agit d'une
+corde, d'une ceinture ou (comme dans le cas dont tu me parles) d'un
+voile pendant et sans noeud, qui ne tuerait pas mme une mouche, il
+faut croire, selon moi, que c'est le diable qui fascine les hommes et
+leur fait croire qu'ils font toute autre chose, par exemple une prire;
+et cependant le diable les tue. Nanmoins le magistrat fait bien de
+punir avec la mme svrit, de peur que Satan ne prenne courage pour
+s'introduire. Le monde mrite bien de tels avertissemens, puisqu'il
+picurise et pense que le dmon n'est rien. (1er dcembre 1544.)
+
+Satan a voulu tuer notre prieur, en jetant sur lui un pan de mur. Mais
+Dieu l'a miraculeusement sauv. (4 juillet 1524.)
+
+Les fous, les boiteux, les aveugles, les muets sont des hommes
+chez qui les dmons se sont tablis. Les mdecins qui traitent ces
+infirmits, comme ayant des causes naturelles, sont des ignorans qui ne
+connaissent point toute la puissance du dmon. (14 juillet 1528.)
+
+Il y a des lieux dans beaucoup de pays, o habitent les
+diables[r129]. La Prusse a grand nombre de mauvais esprits. En
+Suisse, non loin de Lucerne, sur une haute montagne, il y a un lac
+qu'on appelle l'tang de Pilate; le diable y est tabli d'une manire
+terrible. Dans mon pays, il y a un tang situ de mme. Si l'on y
+jette une pierre, il s'lve un grand orage, et tout le pays tremble
+l'entour. C'est une habitation de diables qui y sont prisonniers.
+
+ [r129] _Ibid._ 212.
+
+Le diable a emport Sussen, le jour du vendredi saint, trois cuyers
+qui s'taient vous lui.(1538.)
+
+Un jour de grand orage, Luther disait: C'est le diable qui fait ce
+temps-l; les vents ne sont autre chose que de bons ou de mauvais
+esprits. Le diable respire et souffle[r130].
+
+ [r130] _Ibid._ 219.
+
+Deux nobles avaient jur de se tuer l'un l'autre (du temps de
+Maximilien). Le diable ayant tu l'un d'eux dans son lit avec l'pe
+de l'autre, le survivant fut amen sur la place publique. On enleva
+la terre couverte par son ombre, et on le bannit du pays. C'est ce
+qui s'appelle _mors civilis_. Le docteur Grgoire Bruck, chancelier de
+Saxe, fit ce rcit Luther.
+
+Suivent deux histoires de gens avertis d'avance qu'ils seraient
+emports par le diable, et qui, _quoiqu'ils eussent reu le saint
+sacrement, et qu'ils fussent gards avec des cierges par leurs amis_
+en prires, n'en furent pas moins emports au jour et l'heure
+marqus[r131]. Il a bien crucifi notre Seigneur lui-mme. Mais,
+pourvu qu'il n'emporte pas l'me, tout va bien.
+
+ [r131] _Ibid._ 214.
+
+Le diable promne les gens dans leur sommeil de ct et d'autre, de
+sorte qu'ils font toute chose comme s'ils veillaient[r132]. Autrefois
+les papistes, comme gens superstitieux, disaient que de tels hommes
+devaient ne pas avoir t bien baptiss, ou qu'ils l'avaient peut-tre
+t par un prtre ivre.
+
+ [r132] _Ibid._ 213.
+
+Aux Pays-Bas et en Saxe, un chien monstrueux sent les gens qui doivent
+mourir, et rde autour[r133]...
+
+ [r133] _Ibid._ 221.
+
+Les moines conduisaient chez eux un possd[r134]. Le diable qui
+tait en lui, dit aux moines: O mon peuple, que t'ai-je fait! _Popule
+meus, quid feci tibi?_
+
+ [r134] _Ibid._ 222.
+
+On racontait la table de Luther qu'un jour, dans une cavalcade de
+gentilshommes, l'un d'eux s'tait cri en piquant des deux: Au diable
+le dernier! Comme il avait deux chevaux, il en lcha un; et celui-ci,
+restant le dernier, le diable l'emporta avec lui dans les airs[r135].
+Luther dit cette occasion: Il ne faut pas convier Satan notre
+table. Il vient sans avoir t pri. Tout est plein de diables autour
+de nous; nous-mmes, qui veillons et qui prions journellement, nous
+avons assez affaire lui.
+
+ [r135] _Ibid._ 205.
+
+Un vieux cur, faisant un jour sa prire, entendit derrire lui le
+diable qui voulait l'en empcher, et qui grognait comme aurait fait
+tout un troupeau de porcs[r136]. Le vieux cur, sans se laisser
+effrayer, se retourna et lui dit: Matre diable, il t'est bien advenu
+ce que tu mritais; tu tais un bel ange, et te voil maintenant un
+vilain porc. Aussitt les grognemens cessrent, car le diable ne peut
+souffrir qu'on le mprise... La foi le rend faible comme un enfant.
+
+ [r136] _Ibid._ 205.
+
+Le diable redoute la parole de Dieu. Il ne la peut mordre; il s'y
+brche les dents.
+
+Un jeune vaurien, sauvage et emport, buvait un jour avec quelques
+compagnons dans un cabaret. Quand il n'eut plus d'argent, il dit
+que s'il se trouvait quelqu'un qui lui payt un bon cot, il lui
+vendrait son me. Peu aprs, un homme entra dans le cabaret, se mit
+boire avec le vaurien, et lui demanda s'il tait vritablement prt
+ vendre son me. Celui-ci rpondit hardiment oui, et l'homme lui
+paya boire toute la journe. Sur le soir, quand le garon fut ivre,
+l'inconnu dit aux autres qui taient dans le cabaret: Messieurs, qu'en
+pensez-vous? si quelqu'un achte un cheval, la selle et la bride ne lui
+appartiennent-elles pas aussi? Les assistans s'effrayrent beaucoup
+ces mots, et ne voulurent d'abord pas rpondre, mais, comme l'tranger
+les pressait, ils dirent la fin: Oui, la selle et la bride sont
+aussi lui. Aussitt le diable (car c'tait lui), saisit le mauvais
+sujet et l'emporta avec lui travers le plafond, de sorte que l'on n'a
+jamais su ce qu'il est devenu.
+
+Une autre fois, Luther raconta l'histoire d'un soldat, qui avait dpos
+de l'argent chez son hte, dans le Brandebourg[r137]. Cet hte,
+quand le soldat lui redemanda son argent, nia d'avoir rien reu. Le
+soldat furieux se jeta sur lui, et le maltraita, mais le fourbe le fit
+arrter par la justice et l'accusa d'avoir viol la _paix domestique_
+(_hausfriede_). Pendant que le soldat tait en prison, le diable vint
+chez lui et lui dit: Demain tu seras condamn mort et excut. Si tu
+me vends ton corps et ton me, je te dlivre. Le soldat n'y consentit
+point. Alors le diable lui dit: Si tu ne veux pas, coute au moins
+le conseil que je te donne. Demain, quand tu seras devant les juges,
+je me tiendrai prs de toi, en bonnet bleu avec une plume blanche.
+Demande alors aux juges qu'ils me laissent plaider ta cause, et je te
+tirerai de l. Le lendemain, le soldat suivit le conseil du diable, et
+comme l'hte persistait nier, l'avocat en bonnet bleu lui dit: Mon
+ami, comment peux-tu ainsi te parjurer? L'argent du soldat se trouve
+dans ton lit, sous le traversin. Seigneurs chevins, envoyez-y et vous
+verrez que je dis vrai. Quand l'hte entendit cela, il s'cria avec un
+gros jurement: Si j'ai reu l'argent, je veux que le diable m'enlve
+sur l'heure. Mais les sergens envoys l'auberge trouvrent l'argent
+ la place indique, et l'apportrent devant le tribunal. Alors l'homme
+au bonnet bleu dit en ricanant: Je savais bien que j'aurais l'un
+des deux, le soldat ou l'aubergiste. Il tordit le cou celui-ci et
+l'emporta dans les airs.--Luther, ayant cont l'histoire, ajouta qu'il
+n'aimait pas qu'on jurt par le diable, comme faisaient beaucoup de
+gens, car, disait-il, le mauvais drle n'est pas loin; l'on n'a pas
+besoin de le peindre sur les murs pour qu'il soit prsent.
+
+ [r137] _Ibid._ 205.
+
+Il y avait Erfurth deux tudians, dont l'un aimait si fort une jeune
+fille, qu'il en serait devenu bientt fou[r138]. L'autre, qui tait
+sorcier, sans que son camarade en st rien, lui dit: Si tu promets de
+ne point lui donner un baiser et de ne point la prendre dans tes bras,
+je ferai en sorte qu'elle vienne te trouver. Il la fit venir en effet.
+L'amant, qui tait un beau jeune homme, la reut avec tant d'amour, et
+il lui parlait si vivement, que le sorcier craignait toujours qu'il ne
+l'embrasst; enfin il ne put se contenir. A l'instant mme elle tomba
+et mourut. Quand ils la virent morte, ils eurent grand'peur, et le
+sorcier dit: Employons notre dernire ressource. Il fit si bien, que
+le diable la reporta chez elle, et qu'elle continua de faire tout ce
+qu'elle faisait auparavant dans la maison; mais elle tait fort ple et
+ne parlait point. Au bout de trois jours, les parens allrent trouver
+les thologiens, et leur demandrent ce qu'il fallait faire. A peine
+ceux-ci eurent-ils parl fortement la fille, que le diable se retira
+d'elle; le cadavre tomba raide avec une grande puanteur[a73].
+
+ [r138] _Ibid._ 215.
+
+Le docteur Luc Gauric, le sorcier que vous avez fait venir d'Italie,
+m'a souvent avou que son matre conversait avec le diable[r139].
+
+ [r139] _Ibid._ 216.
+
+Le diable peut se changer en homme ou en femme pour tromper, de telle
+manire qu'on croit tre couch avec une femme en chair et en os, et
+qu'il n'en est rien; car, suivant le mot de saint Paul, le diable est
+bien fort avec les fils de l'impit[r140]. Comme il en rsulte
+souvent des enfans ou des diables, ces exemples sont effrayans et
+horribles. C'est ainsi que ce qu'on appelle le _nix_, attire dans l'eau
+les vierges ou les femmes pour crer des diablotins. Le diable peut
+aussi drober des enfans; quelquefois dans les six premires semaines
+de leur naissance, il enlve leur mre ces pauvres cratures pour en
+substituer leur place d'autres, nomms _supposititii_, et par les
+Saxons, _kilkropff_.
+
+ [r140] _Ibid._ 216.
+
+Il y a huit ans, j'ai vu et touch moi-mme Dessau un enfant qui
+n'avait pas de parens, et qui venait du diable. Il avait douze ans, et
+tait tout--fait conform comme un enfant ordinaire. Il ne faisait que
+manger, et mangeait autant que quatre paysans ou batteurs en grange. Il
+faisait aussi tous ses besoins. Mais quand on le touchait, il criait
+comme un possd; s'il arrivait quelque accident malheureux dans la
+maison, il s'en rjouissait et riait; si, au contraire tout allait
+bien, il pleurait continuellement. Je dis aux princes d'Anhalt avec
+qui j'tais: Si j'avais commander ici, je ferais jeter cet enfant
+dans la Moldau, au risque de m'en faire le meurtrier. Mais l'lecteur
+de Saxe et les princes n'taient pas de mon opinion. Je leur dis
+alors de faire prier Dieu dans l'glise pour qu'il enlevt le dmon.
+On rpta ces prires tous les jours pendant une anne, et aprs ce
+temps l'enfant mourut. Quand le docteur eut racont cette histoire,
+quelqu'un lui demanda pourquoi il aurait voulu jeter cet enfant
+l'eau. C'est, rpondit-il, que les enfans de cette espce ne sont autre
+chose, mon sens, qu'une masse de chair, sans me. Le diable est
+bien capable de produire de ces choses; tout ainsi qu'il anantit les
+facults des hommes, quand il les possde corporellement, de manire
+leur enlever la raison et les rendre sourds et aveugles pour quelque
+temps, de mme il habite dans ces masses de chair et est lui-mme
+leur me.--Il faut que le diable soit bien puissant pour tenir ainsi
+nos esprits prisonniers. Origne, ce me semble, n'a pas assez compris
+cette puissance; autrement il n'aurait point pens que le diable pourra
+obtenir grce au Jugement dernier. Quel horrible pch de se rvolter
+ainsi sciemment contre son Dieu, son crateur!
+
+En Saxe, prs de Halberstadt, il y avait un homme qui avait un
+_kilkropff_. Cet enfant pouvait puiser sa mre et cinq autres femmes
+en les ttant, et il dvorait outre cela tout ce qu'on lui prsentait.
+On donna l'homme le conseil de faire un plerinage Holckelstadt,
+de vouer son _kilkropff_ la Vierge Marie, et de le faire bercer en
+cet endroit. L'homme suivit cet avis, et il emporta son enfant dans
+un panier; mais, en passant sur un pont, un autre diable, qui tait
+dans la rivire, se mit crier: _Kilkropff! kilkropff!_ L'enfant, qui
+tait dans le panier, et qui n'avait jamais encore prononc un seul
+mot, rpondit: Oh! oh! oh! Le diable de la rivire lui demanda ensuite:
+O vas-tu? L'enfant du panier rpondit: Je m'en vais Holckelstadt,
+notre Mre bien-aime, pour me faire bercer. Le paysan, trs effray,
+jeta l'enfant et le panier dans la rivire; sur quoi les deux diables
+se mirent s'envoler ensemble. Ils crirent: Oh! oh! oh! firent
+quelques cabrioles l'un par-dessus l'autre et s'vanouirent.
+
+Luther, en sortant un dimanche de l'glise du chteau o il avait
+prch, rencontra un landsknecht qui s'adressa lui, se plaignant des
+tentations continuelles qu'il avait essuyer de la part du diable,
+disant qu'il venait souvent lui et le menaait de l'enlever dans les
+airs. Pendant qu'il parlait ainsi, le docteur Pomer, qui passait par
+ce chemin, s'approcha aussi de lui et aida Luther le consoler. Ne
+dsesprez pas, lui disaient-ils, car malgr ces tentations du diable,
+vous n'tes point lui. Notre Seigneur Jsus-Christ a aussi t tent
+par lui, mais il l'a surmont par la parole de Dieu. Dfendez-vous de
+mme par la parole de Dieu et par la prire. Luther ajouta: Si le
+diable te tourmente et te menace de t'emmener, rponds-lui: Je suis
+ Jsus-Christ, qui est mon Seigneur; c'est en lui que je crois, et
+c'est auprs de lui que je serai un jour. Il a dit lui-mme qu'aucune
+puissance ne pourra enlever les chrtiens de sa main. Pense plutt
+ Dieu qui est au ciel qu'au diable, et cesse de t'effrayer de ses
+ruses. Je sais bien qu'il serait fort aise de t'enlever, mais il ne le
+peut. Il est comme le voleur qui voudrait bien mettre la main sur le
+coffre-fort du riche; la volont ne lui manque pas, mais le pouvoir.
+De mme Dieu ne permettra pas au diable de te faire du mal. coute
+fidlement la parole divine, prie avec ferveur, travaille, ne sois pas
+trop souvent seul, et tu verras que Dieu te dlivrera de Satan et te
+conservera dans son troupeau.
+
+Un jeune ouvrier, marchal ferrant de son tat, prtendait tre
+poursuivi par un spectre travers toutes les rues de la ville.
+Luther le fit venir chez lui et l'interrogea en prsence de plusieurs
+personnes doctes. Le jeune homme disait que le spectre qui le
+poursuivait lui avait reproch comme un sacrilge d'avoir communi sous
+les deux espces, et qu'il lui avait dit: Si tu retournes dans la
+maison de ton matre, je te tords le cou. C'est pourquoi il n'tait
+pas rentr depuis plusieurs jours. Le docteur, aprs l'avoir beaucoup
+interrog, lui dit: Prends garde, mon ami, de ne pas mentir. Crains
+Dieu, coute sa parole avec attention; retourne chez ton matre, fais
+ton travail, et si Satan revient, dis-lui: Je ne veux pas t'obir.
+Je n'obirai qu' Dieu qui m'a appel ce mtier: je resterai ici
+mon travail, et un ange mme viendrait, que je ne m'en laisserais pas
+dtourner.
+
+Le docteur Luther, devenu plus g, prouva peu de tentations de la
+part des hommes; mais le diable, comme il le reconnat lui-mme,
+allait promener avec lui dans le dortoir du clotre; il le vexait
+et le tentait. Il avait un ou deux diables qui l'piaient, et s'ils
+ne pouvaient parvenir au coeur, ils saisissaient la tte et la
+tourmentaient[r141][a74].
+
+ [r141] _Ibid._ 222.
+
+... Cela m'est arriv souvent[r142]. Quand je tenais un couteau
+dans les mains, il me venait de mauvaises penses; souvent je ne
+pouvais prier, et le diable me chassait de la chambre. Car nous autres
+nous avons affaire aux grands diables qui sont docteurs en thologie.
+Les Turcs et les papistes ont de petits diablotins qui ne sont point
+thologiens, mais seulement juristes.
+
+ [r142] _Ibid._ 220.
+
+Je sais, grce Dieu, que ma cause est bonne et divine; si Christ
+n'est point dans le ciel et Seigneur du monde, alors mon affaire est
+mauvaise[r143]. Cependant le diable me serre souvent de si prs dans
+la dispute, qu'il m'en vient la sueur. Il est ternellement irrit,
+je le sens bien, je le comprends. Il couche avec moi plus prs que ma
+Catherine. Il me donne plus de trouble qu'elle de joie... Il me pousse
+quelquefois: La Loi, dit-il, est aussi la parole de Dieu; pourquoi
+l'opposer toujours l'vangile?--Oui, dis-je mon tour; mais elle
+est aussi loin de l'vangile que le ciel l'est de la terre, etc.
+
+ [r143] _Ibid._ 224.
+
+Le diable n'est pas, la vrit, un docteur qui a pris ses
+grades[a75], mais du reste il est bien savant, bien expriment[r144].
+Il n'a pourtant fait son mtier que depuis six mille ans. Si le diable
+est sorti quelquefois des possds, lorsqu'il tait conjur par les
+moines et les prtres papistes, en laissant aprs lui quelque signe, un
+carreau cass, une fentre brise, un pan de mur ouvert, c'tait pour
+faire croire aux gens qu'il avait quitt le corps, mais en effet pour
+possder l'esprit, pour les confirmer dans leurs superstitions.
+
+ [r144] _Ibid._ 202.
+
+Au mois de janvier 1532, Luther tomba dangereusement malade. Le mdecin
+le crut menac d'une attaque d'apoplexie[r145]. Mlanchton et Rorer,
+assis prs de son lit, ayant parl de la joie que la nouvelle de sa
+mort causerait sans doute aux papistes, il leur dit avec assurance: Je
+ne mourrai pas encore, je le sais certainement. Dieu ne confirmera
+point prsent l'abominable papisme par ma mort. Il ne voudra point
+aprs celle de Zwingli et d'OEcolampade, accorder aux papistes un
+nouveau sujet de triomphe. Satan, il est vrai, ne songe qu' me
+tuer; il ne me quitte d'un pas. Mais ce n'est pas sa volont qui
+s'accomplira: ce sera celle du Seigneur.
+
+ [r145] Ukert, t. I, 320.
+
+Ma maladie, qui consiste dans des vertiges et autres choses, n'est
+point naturelle; ce que je puis prendre ou faire ne me sert rien,
+quoique j'observe avec soin les conseils de mon mdecin[r146].
+
+ [r146] Tischreden, 210.
+
+En 1536, il maria Torgau le duc Philippe de Pomranie la soeur de
+l'lecteur[r147]. Au milieu de la crmonie, l'anneau nuptial chappa
+de sa main et roula par terre. Il eut un mouvement de terreur, mais se
+rassura aussitt en disant: coute, diable, cela ne te regarde pas,
+c'est peine perdue, et il continua de prononcer les paroles de la
+bndiction.
+
+ [r147] Ukert, t. I, 322.
+
+Pendant que le docteur Luther causait table avec quelques-uns, sa
+femme sortit et tomba en dfaillance[r148]. Lorsqu'elle revint
+elle, le docteur lui demanda quelles penses elle avait eues. Elle
+raconta comme elle avait prouv des tentations toutes particulires
+qui sont les signes certains de la mort, et qui frappent au coeur
+plus srement qu'une balle ou une flche... Celui qui prouve de
+telles tentations, dit-il, je lui donnerai un bon conseil, c'est de
+penser quelque chose de gai, de boire un bon coup, de jouer et de
+prendre quelque passe-temps, ou bien de s'attacher quelque occupation
+honorable. Mais le meilleur remde, c'est de croire en Jsus-Christ.
+
+ [r148] Tischreden, 229.
+
+Quand le diable me trouve oisif et que je ne pense point la parole
+de Dieu, alors il me fait venir un scrupule, comme si je n'avais pas
+bien enseign, comme si c'tait moi qui eusse renvers et dtruit
+les autorits, et caus par ma doctrine tant de scandales et de
+troubles[r149]. Mais quand je ressaisis la parole de Dieu, alors j'ai
+gagn la partie. Je me dfends contre le diable et je dis: Qu'importe
+ Dieu tout le monde, quelque grand qu'il puisse tre? Il en a tabli
+son Fils seigneur et roi. Si le monde veut le renverser du trne,
+Dieu le bouleversera et le mettra en cendre; car il dit lui-mme:
+C'est mon fils, vous devez l'couter. Maintenant, rois, apprenez;
+disciplinez-vous, juges de la terre (l'_erudimini_ de la Vulgate est
+moins fort).
+
+ [r149] _Ibid._ 8.
+
+Le diable s'efforce surtout de nous arracher du coeur l'article de la
+rmission des pchs. _Quoi!_ dit-il, _vous prchez ce qu'aucun homme
+n'a enseign dans tant de sicles! si cela dplaisait Dieu?_...
+
+La nuit, quand je me rveille, le diable vient bientt, dispute avec
+moi et me donne d'tranges penses, jusqu' ce que je m'anime et que je
+lui dise: Baise mon c..! Dieu n'est pas irrit comme tu le dis[r150].
+
+ [r150] _Ibid._ 218.
+
+Aujourd'hui, comme je m'veillai, le diable vint, voulut disputer,
+et il me disait: Tu es un pcheur[r151].--Je rpliquai: Dis-moi
+quelque chose de nouveau, dmon; je savais dj cela... J'ai assez
+de pchs rels, sans ceux que tu inventes...--Il insistait encore:
+Qu'as-tu fait des clotres dans ce monde?--A quoi je rpondis: Que
+t'importe? Tu vois bien que ton culte sacrilge subsiste toujours.
+
+ [r151] _Ibid._ 220.
+
+Un jour que l'on parlait souper du sorcier Faust, Luther dit
+srieusement[r152]: Le diable n'emploie pas contre moi le secours
+des enchanteurs. S'il pouvait me nuire par l, il l'aurait fait depuis
+long-temps. Il m'a dj souvent tenu par la tte; mais il a pourtant
+fallu qu'il me laisst aller. J'ai bien prouv quel compagnon c'est
+que le diable; il m'a souvent serr de si prs que je ne savais si
+j'tais mort ou vivant. Quelquefois il m'a jet dans le dsespoir au
+point que j'ignorais mme s'il y avait un Dieu, et que je doutais
+compltement de notre cher Seigneur. Mais avec la parole de Dieu, etc.
+
+ [r152] _Ibid._ 12.
+
+Le diable me fait regarder la loi, le pch et la mort. Il me prsente
+cette trinit, et s'en sert pour me tourmenter[r153].
+
+ [r153] _Ibid._ 220.
+
+Le diable nous a jur la mort, mais il mordra dans une noix
+creuse[r154].
+
+ [r154] _Ibid._ 362.
+
+La tentation de la chair est petite chose; la moindre femme dans
+la maison peut gurir cette maladie[r155]. Eustochia aurait guri
+saint Jrme. Mais Dieu nous garde des grandes tentations qui touchent
+l'ternit! Alors on ne sait point si Dieu est le diable, ou si le
+diable est Dieu. Ces tentations ne sont point passagres.
+
+ [r155] _Ibid._ 318.
+
+Si je tombe en penses qui ne touchent que le monde ou la maison, je
+prends un psaume ou quelques mots de Saint-Paul, et je dors par-dessus;
+mais celles qui viennent du diable me cotent davantage; je ne puis
+m'en tirer qu'avec quelque bonne farce[r156].
+
+ [r156] _Ibid._ 226.
+
+Le grain d'orge a beaucoup souffrir des hommes[5]. D'abord on le
+jette dans la terre pour qu'il y pourrisse; ensuite, quand il est mr,
+on le coupe, on le bat en grange et on le sche, on le fait cuire pour
+en tirer de la bire, et le faire avaler aux ivrognes[r157]. Le
+lin est aussi martyr sa manire. Quand il est mr, on l'arrache,
+on le rouit, on le sche, on le bat, on le teille, on le srance, on
+le file, on le tisse, on en fabrique de la toile pour en faire des
+chemises, des souquenilles, etc. Quand celles-ci sont dchires, l'on
+en fait des torchons, ou l'on y met des empltres pour tre appliques
+sur les plaies, les abcs; l'on en fait des mches, ou bien on les
+vend au papetier qui les broie, les dissout, et en fait du papier. Ce
+papier sert crire, imprimer, faire des jeux de cartes; enfin il
+est dchir et employ aux plus vils usages. Ces plantes, ainsi que
+d'autres cratures qui nous sont trs utiles, ont beaucoup souffrir;
+les chrtiens bons et pieux ont de mme beaucoup endurer des mchans
+et des impies.
+
+ [5] Voyez la belle ballade anglaise sur le martyre de
+ _Barleycorn_.
+
+ [r157] _Ibid._ 216.
+
+Quand le diable vient me trouver la nuit, je lui tiens ce
+discours[r158]: Diable, je dois dormir maintenant; car c'est le
+commandement et l'ordre de Dieu que nous travaillions le jour, et que
+nous dormions la nuit. S'il m'accuse d'tre un pcheur, je lui dis pour
+lui faire dpit: _Sancte Satane, ora pro me!_ ou bien: _Medice, cura te
+ipsum_.
+
+ [r158] _Ibid._ 227.
+
+Si vous prchez celui qui est tent, il vous faut tuer Mose et le
+lapider. Si au contraire il revient lui et oublie la tentation, qu'on
+lui prche la loi. _Alioqui afflicto non est addenda afflictio._
+
+... La meilleure manire de chasser le diable, si on ne peut le faire
+avec les paroles de la sainte criture, c'est de lui adresser des mots
+piquans et pleins de moquerie.
+
+On peut consoler les gens affligs de tentations en leur donnant
+manger et boire; mais le remde ne russirait pas pour tous, surtout
+pour les jeunes gens[r159]. Pour moi qui suis vieux, un bon coup
+pourrait chasser les tentations et me faire dormir un somme.
+
+ [r159] _Ibid._ 231.
+
+La meilleure mdecine contre les tentations, c'est de parler d'autre
+chose, de Marcolphe, d'Eulenspiegel, et d'autres farces de ce genre,
+etc.--Le diable est un esprit triste, la musique le fait fuir bien
+loin[r160].
+
+ [r160] _Ibid._ 238.
+
+
+Le morceau important qu'on va lire est en quelque sorte le rcit de la
+guerre opinitre que Satan aurait faite Luther pendant toute sa vie.
+
+_Prface du docteur Martin Luther, crite par lui avant sa
+mort[r161]._--Quiconque lira avec attention l'histoire ecclsiastique,
+les livres des saints Pres, et particulirement la Bible, verra
+clairement que depuis le commencement de l'glise les choses se sont
+toujours passes de la mme manire. Toutes les fois que la Parole
+s'tait fait entendre et que Dieu s'tait rassembl un petit troupeau,
+le diable s'est bien vite aperu de la lumire divine, et s'est mis
+ siffler, souffler, tempter de tous les coins, essayant de toutes
+ses forces s'il pourrait l'teindre. On avait beau boucher un ou deux
+trous, il en trouvait un autre, soufflait toujours et faisait rage. Il
+n'y a encore eu aucune fin cela, et il n'y en n'aura pas jusqu'au
+jour du Jugement.
+
+ [r161] Luth. Werke, t. II, 1.
+
+Je tiens qu' moi seul (pour ne point parler des anciens) j'ai essuy
+plus de vingt ouragans, vingt assauts du diable. D'abord j'ai eu contre
+moi les papistes. Tout le monde, je crois, sait peu prs combien de
+temptes, de bulles et de livres le diable a lchs par eux contre moi,
+de quelle faon lamentable ils m'ont dchir, dvor, mis rien. Il
+est vrai que moi-mme je soufflais quelque peu contre eux; mais cela ne
+servait de rien; les enrags soufflaient encore plus, et vomissaient
+feu et flammes. Il en a t ainsi jusqu' ce jour sans interruption.
+
+J'avais un instant cess de craindre cette tempte du diable,
+lorsqu'il se fit jour par un nouveau trou, par Mnzer et sa rvolte
+qui faillit m'teindre la lumire. Le Christ bouche encore ce trou-l,
+et le voil qui par Carlostad casse des carreaux ma fentre, le
+voil qui mugit et tourbillonne, au point de me faire croire qu'il
+allait emporter lumire, cire et mche la fois. Mais Dieu fut en
+aide sa pauvre lumire; il ne permit point qu'elle ft teinte.
+Alors vinrent les sacramentaires et les anabaptistes, qui brisrent
+portes et fentres pour en finir de cette lumire, et qui la mirent de
+nouveau dans le plus grand danger. Dieu merci, leur volont fut trompe
+galement.
+
+D'autres encore ont tempt contre les anciens matres, contre le pape
+et contre Luther la fois, tels que Servet, Campanus..... Quant ceux
+enfin qui ne m'ont point assailli publiquement par des livres imprims,
+mais dont il m'a fallu essuyer en particulier les crits et discours
+remplis de venin, je ne les mettrai pas ici en ligne de compte. Il
+me suffit de montrer que j'ai d apprendre par exprience (je n'en
+voulais pas croire les histoires) que l'glise, pour l'amour de sa
+chre Parole, de sa bienheureuse lumire, ne peut avoir de repos, mais
+qu'elle doit attendre incessamment de nouvelles temptes du diable,
+comme cela s'est vu depuis le commencement.
+
+Et quand je devrais vivre encore cent ans, quand j'aurais apais les
+temptes d'autrefois et d'aujourd'hui, quand je pourrais encore apaiser
+celles qui viendront, je vois clairement que cela ne donnerait pas
+le repos nos descendans, aussi long-temps que le diable vivra et
+rgnera. C'est pourquoi je prie Dieu de m'accorder une petite heure
+d'tat de grce; je ne demande pas de rester en vie plus long-temps.
+
+Vous qui viendrez aprs nous, priez Dieu aussi avec ferveur, pratiquez
+assidument sa parole, conservez bien la pauvre chandelle de Dieu; car
+le diable ne dort ni ne chme, et il ne mourra pas non plus avant le
+jugement dernier. Toi et moi, nous mourrons, et quand nous serons
+morts, lui il n'en restera pas moins tel qu'il a toujours t, toujours
+temptant contre l'vangile...
+
+Je le vois de loin qui gonfle ses joues en devenir tout rouge, qui
+souffle et qui fait fureur; mais notre Seigneur Jsus-Christ, qui, ds
+le commencement, lui a donn un coup de poing sur cette joue gonfle,
+le combat maintenant encore, et le combattra toujours. Il ne peut pas
+en avoir menti, quand il dit: Je serai auprs de vous jusqu' la fin
+du monde, et Les portes de l'enfer ne prvaudront pas contre mon
+glise; et dans saint Jean: Mes brebis ne priront jamais; personne
+ne les arrachera de ma main; et dans saint Mathieu, X: Tous les
+cheveux de votre tte sont compts; c'est pourquoi ne craignez pas ceux
+qui tuent le corps.
+
+Nanmoins, il nous est command de veiller et de garder sa lumire
+tant qu'il est en nous. Il est dit: _Vigilate_; le diable est un lion
+rugissant qui tourne autour et qui veut nous dvorer. Tel il tait
+quand saint Pierre disait cela, et tel il sera encore jusqu' la fin du
+monde.....
+
+(Luther revient ensuite parler du secours de Dieu sans lequel tous
+nos efforts seraient vains, et il continue ainsi:) Toi et moi nous
+n'tions rien il y a mille ans, et cependant l'glise a t sauve sans
+nous: elle l'a t par celui de qui il est dit: _Heri et hodi_. De
+mme prsent ce n'est pas nous qui conservons l'glise, car nous ne
+pouvons atteindre le diable qui est dans le pape, les sditieux et les
+mauvaises gens; elle prirait sous nos yeux, et nous-mmes avec elle,
+n'tait quelqu'autre qui conserve tout. Il nous faut laisser faire
+celui de qui nous lisons: _Qui erit, ut hodi_.....
+
+C'est une chose lamentable de voir notre orgueil et notre audace
+aprs les terribles et honteux exemples de ceux qui, dans leur vanit,
+avaient cru que l'glise tait btie sur eux. Comment a fini ce Mnzer
+(pour ne parler que de ce temps), lui qui pensait que l'glise ne
+pouvait exister s'il n'tait l pour la porter et la gouverner? Et
+tout rcemment encore, les anabaptistes n'ont-ils pas t pour nous
+un avertissement assez terrible pour nous rappeler combien un diable
+plus subtil encore est prs de nous, combien nos belles penses sont
+dangereuses, et comme il est ncessaire (selon le conseil d'Isae) que
+nous regardions dans nos mains quand nous ramassons quelque chose, pour
+voir si c'est Dieu ou une idole, si c'est de l'or ou de l'argile?
+
+Mais tous ces avertissemens sont perdus; nous vivons en pleine
+scurit. Oui, sans doute le diable est loin de nous; nous n'avons rien
+de cette chair, qui tait mme en saint Paul, et dont il ne pouvait
+se dfendre malgr tous ses efforts (Rom. VII). Nous, nous sommes des
+hros, nous n'avons pas nous mettre en peine de la chair et de la
+pense; nous sommes de purs esprits, nous tenons captifs la chair et
+le diable la fois, et tout ce qui nous vient dans la tte, c'est
+immanquablement inspiration du Saint-Esprit; aussi cela tourne-t-il si
+bien la fin que le cheval et le cavalier se cassent le cou.
+
+Les papistes, je le sais, me diront ici: Eh bien! tu le vois; c'est
+toi-mme qui te plains des troubles et des sditions? Qui en est
+cause, si ce n'est toi et ta doctrine? Voil le bel artifice par
+lequel ils pensent renverser de fond en comble la doctrine de Luther.
+Il n'importe! Qu'ils calomnient, qu'ils mentent tant qu'ils voudront;
+il faudra bien qu'ils se taisent. D'aprs ce grand argument, tous les
+prophtes auraient t galement des hrtiques et des sditieux,
+car ils furent tenus pour tels par leur propre peuple; comme tels ils
+furent perscuts, et la plupart mis mort.
+
+Jsus-Christ lui-mme, notre Seigneur, fut oblig de s'entendre dire
+par les Juifs, et en particulier par les pontifes, les pharisiens,
+les scribes, etc., par ceux qui taient les plus hauts en pouvoir,
+qu'il avait le diable en lui, qu'il chassait les diables par d'autres
+diables, qu'il tait un samaritain, le compagnon des publicains et des
+pcheurs. Il fut mme la fin condamn mourir sur la croix comme
+blasphmateur et sditieux. Lequel d'entre les prophtes, disait saint
+tienne aux Juifs qui allaient le lapider, lequel vos pres n'ont-ils
+pas perscut et tu? Et vous, leurs descendans, vous avez vendu et tu
+le juste dont ces prophtes avaient annonc la venue.
+
+Les aptres et les disciples n'ont pas t plus heureux que leur
+matre; les prdictions qu'il leur avait faites se sont accomplies...
+
+S'il en est ainsi, et l'criture en fait foi, pourquoi donc nous
+tonner de ce que nous aussi qui, dans ces temps terribles, prchons
+Jsus-Christ et nous reconnaissons pour ses fidles, nous soyons, son
+exemple, perscuts et condamns comme hrtiques, comme sditieux?
+Que sommes-nous ct de ces gnies sublimes, clairs par le
+Saint-Esprit, orns de tant de dons admirables, et dous d'une foi si
+forte?
+
+N'ayons donc pas honte des calomnies et des outrages dont nos
+adversaires nous poursuivent. Que tout cela ne nous effraie point.
+Mais regardons comme notre plus grande gloire de recevoir du monde le
+mme salaire que ds le commencement tous les saints en ont reu pour
+leurs fidles services. Rjouissons-nous en Dieu de ce que nous aussi,
+pauvres pcheurs et gens mpriss, nous avons t jugs dignes de
+souffrir l'ignominie pour le nom du Christ...
+
+Les papistes, avec leur grand argument, ressemblent un homme qui
+dirait que si Dieu n'avait pas cr de bons anges, il n'y aurait pas eu
+de diables; car c'est des bons anges que ceux-ci sont venus. De mme,
+Adam accusa Dieu de lui avoir donn une femme, car si Dieu n'avait
+pas cr Adam et ve, ils n'auraient pas pch. Il rsulterait de ce
+beau raisonnement que Dieu seul ft pcheur, et qu'Adam et ses enfans
+fussent tous purs, pieux et saints.
+
+Il est sorti de la doctrine de Luther beaucoup d'esprits de trouble et
+de rvolte, disent-ils. Donc la doctrine de Luther vient du diable.
+Mais saint Jean dit aussi (I, 2.): Ils sont sortis d'entre nous, mais
+ils n'taient point des ntres. Judas tait parmi les disciples de
+Jsus-Christ; donc (d'aprs leur argument), Jsus-Christ est un diable.
+Jamais hrtique n'est sorti d'entre les paens; ils sont tous venus de
+la sainte glise chrtienne; l'glise serait donc l'ouvrage du diable.
+
+Il en fut de mme de la Bible sous le pape; on l'appelait publiquement
+un livre d'hrtiques, et on l'accusait de prter appui aux opinions
+les plus condamnables. Encore aujourd'hui ils crient: L'glise,
+l'glise, contre et par-dessus la Bible! Emser, l'homme sage, ne sut
+mme trop dire s'il tait bon que la Bible ft traduite en allemand;
+peut-tre ne savait-il pas non plus s'il tait bon qu'elle et t
+jamais crite en hbreu, en grec ou en latin; elle et l'glise ne sont
+pas en trop bon accord.
+
+Si donc la Bible, le livre et la parole du Saint-Esprit, a de telles
+choses endurer d'eux, pourquoi nous, ne supporterions-nous pas plus
+forte raison qu'ils nous imputent toutes les hrsies et les sditions
+qui clatent? L'araigne tire son poison de la belle et aimable rose o
+l'abeille ne trouve que miel; est-ce la faute de la fleur, si son miel
+devient du poison dans l'araigne?
+
+C'est, comme dit le proverbe: Chien qu'on veut battre a mang du
+cuir, ou, comme dit finement sope: La brebis que le loup veut
+manger a troubl l'eau, quoiqu'elle soit au bas du courant. Eux, qui
+ont rempli l'glise d'erreur et de sang, de mensonge et de meurtre,
+ce ne sont pas eux qui ont troubl l'eau. Nous, nous rsistons aux
+sditions et aux erreurs des hrtiques, et c'est nous qui l'avons
+trouble. Eh bien! loup, mange, mange, mon ami, et qu'un os te reste
+au travers du gosier... Ils ne peuvent faire autrement; tel est le
+monde et son Dieu. S'ils ont appel Belzbut le matre de la maison,
+traiteront-ils mieux les serviteurs? Et si la sainte criture est
+appele un livre d'hrtiques, comment nos livres pourraient-ils tre
+honors? Le Dieu vivant est notre juge nous tous; il mettra un jour
+tout cela au clair, si nous devons en croire ce livre d'hrtiques,
+qu'on appelle la sainte criture, qui tant de fois en a tmoign.
+
+Veuille Jsus-Christ, notre Dieu bien-aim et le gardien de nos mes
+qu'il a rachetes par son sang prcieux, conserver son petit troupeau
+fidle sa sainte parole, afin qu'il augmente et croisse en grce, en
+lumire, en foi. Puisse-t-il daigner le soutenir contre les tentations
+de Satan et du monde, et prendre enfin en piti ses gmissemens
+profonds et l'attente pleine d'angoisses dans laquelle il soupire vers
+l'heureux jour de la glorieuse venue de son Sauveur, en sorte que
+les fureurs et les morsures meurtrires des serpens cessent enfin, et
+que pour les enfans de Dieu commence la rvlation de la libert et
+batitude qu'ils esprent et qu'ils attendent en patience. Amen. Amen.
+
+
+
+
+CHAPITRE VII.
+
+ Maladies.--Dsir de la mort et du jugement.--Mort, 1546.
+
+
+Le mal de dents et le mal d'oreilles sont bien cruels; j'aimerais
+mieux la peste et le mal franais[r162]. Lorsque j'tais Cobourg,
+en 1530, je souffrais d'un bruit et d'un sifflement dans les oreilles:
+c'tait comme du vent qui me sortait de la tte... Le diable est pour
+quelque chose l-dedans.
+
+ [r162] Tischreden, 356.
+
+Il faut manger et boire du vin quand on est malade. Il se traita
+ainsi Smalkalde, en 1537.
+
+Un homme se plaignait de la gale; Luther lui dit[r163]: Je voudrais
+bien changer avec vous; je vous donnerais dix florins de retour.
+Vous ne savez pas combien c'est une chose pnible que le vertige.
+Aujourd'hui je ne puis lire de suite une lettre entire, pas mme deux
+ou trois lignes du Psautier. Le bourdonnement recommence dans les
+oreilles, au point que souvent je suis prs de tomber sur mon banc. La
+gale, au contraire, est chose utile, etc.
+
+ [r163] _Ibid._ 357.
+
+Aprs avoir prch Smalkalde, et dn ensuite, il prouva les
+douleurs de la pierre[a76], et pria avec ardeur[r164]: O mon Dieu, mon
+seigneur Jsus! tu sais avec quel zle j'ai enseign ta parole. _Si
+est pro glori nominis tui_, viens mon secours; sinon, ferme-moi les
+yeux. _Ego moriar inimicus inimicis tuis._ Je meurs dans la haine de ce
+sclrat de pape, qui s'est lev au-dessus du Christ. Et il composa
+l'instant, sur ce sujet, quatre vers latins.
+
+ [r164] _Ibid._ 362.
+
+Ma tte est si variable et si faible que je ne puis rien crire ni
+lire, surtout jeun. (9 fvrier 1543. Voyez aussi le 16 aot.)
+
+Je suis faible et fatigu de vivre, et je songe dire adieu au monde,
+qui est maintenant tout au malin. Que le Seigneur m'accorde une bonne
+heure et un heureux passage. Amen. (14 mars.)
+
+_A Amsdorf._--Je t'cris aprs souper, car jeun je ne puis sans
+danger jeter les yeux sur un livre; je m'tonne fort de cette maladie,
+et ne sais si c'est un soufflet de Satan ou si ce n'est que faiblesse
+de nature. (18 aot 1543.)
+
+Je crois que ma vritable maladie, c'est la vieillesse, ensuite la
+violence des travaux et des penses, mais surtout les coups de Satan;
+c'est ce dont toute la mdecine du monde ne me gurira pas[a77]. (7
+novembre 1543.)
+
+_A Spalatin._--Je t'avoue que, dans toute ma vie et dans toutes les
+affaires de l'vangile, je n'ai jamais eu d'anne plus trouble que
+celle qui vient de finir. J'ai une terrible affaire avec les juristes,
+au sujet des mariages clandestins; ceux que j'avais cru devoir tre
+de fidles amis de l'vangile, je trouve en eux des ennemis cruels.
+Penses-tu que ce ne soit pas pour moi un supplice, je te le demande,
+mon cher Spalatin? (30 janvier 1544.)
+
+Je suis paresseux, fatigu, froid, c'est--dire vieux et inutile. J'ai
+achev ma route; reste seulement que le Seigneur me runisse mes
+pres, et rende la pourriture et aux vers ce qui leur appartient.
+Me voil rassasi de vie, si cela peut s'appeler de la vie. Prie
+pour moi, afin que l'heure de mon passage soit agrable Dieu, et
+moi salutaire. Je ne m'occupe plus de l'Empereur et de l'Empire, que
+pour les recommander Dieu dans mes prires. Le monde me semble tre
+venu sa dernire heure et avoir vieilli comme un vtement, selon
+l'expression du psalmiste; voici l'heure qu'il en faut changer. (5
+dcembre 1544.)
+
+Si j'avais su au commencement que les hommes fussent si ennemis de
+la parole de Dieu, je me serais tu certainement et tenu tranquille.
+J'imaginais qu'ils ne pchaient que par ignorance[r165].
+
+ [r165] _Ibid._ 6.
+
+Il disait une fois[r166]: La noblesse, les bourgeois, les paysans,
+je dirais presque tout homme, pense connatre beaucoup mieux l'vangile
+que le docteur Luther ou que saint Paul mme. Ils mprisent les
+pasteurs, ou plutt le Seigneur et Matre des pasteurs...
+
+ [r166] _Ibid._ 5.
+
+Les nobles veulent gouverner, et cependant ils ne peuvent rien
+comprendre. Le pape sait et peut gouverner par le fait. Le plus petit
+papiste est plus capable de gouverner que dix des nobles qui sont la
+cour, ne leur en dplaise.
+
+On disait un jour Luther que, dans l'vch de Wurtzbourg, il y avait
+six cents riches cures qui taient vacantes[r167].--Il ne rsultera
+rien de bon de tout cela, dit-il. Il en sera de mme chez nous, si
+nous continuons de mpriser la parole de Dieu et ses serviteurs... Si
+je voulais devenir riche, je n'aurais qu' ne point prcher... Les
+visiteurs ecclsiastiques demandaient aux paysans pourquoi ils ne
+voulaient point nourrir leurs pasteurs? eux qui pourtant entretenaient
+des gardeurs de vaches et de porcs. Oh! rpondirent-ils, nous avons
+besoin d'un berger; nous ne pourrions pas nous en passer. Ils
+croyaient pouvoir se passer de pasteurs.
+
+ [r167] _Ibid._ 5, verso.
+
+Luther prcha dans sa maison, pour ses enfans et tous les siens, le
+dimanche, pendant six mois, mais il ne prchait point dans l'glise.
+Je le fais, dit-il au docteur Jonas, pour acquitter ma conscience et
+remplir mon devoir de pre de famille. Mais je sais et je vois bien que
+la parole de Dieu ne sera pas plus considre ici que dans l'glise.
+
+C'est vous qui prcherez aprs moi, docteur Jonas, songez-y et
+acquittez-vous-en bien[r168].
+
+ [r168] _Ibid._ 195, verso.
+
+Il sortit un jour de l'glise, indign de ce que l'on causait[r169].
+(1545.)
+
+ [r169] _Ibid._ 189, verso.
+
+Le 16 fvrier 1546, Luther disait qu'Aristote n'avait crit aucun
+meilleur livre que le cinquime des _Ethica_; qu'il y donnait cette
+belle dfinition: _Quod justitia sit virtus consistens in mediocritate,
+pro ut sapiens eam determinat_[r170]. [Cet loge de la modration est
+trs remarquable dans la dernire anne de Luther.]
+
+ [r170] _Ibid._ 414.
+
+Le chancelier du comte de Mansfeld qui revenait de la dite de
+Francfort, dit la table de Luther, Eisleben, que l'Empereur et
+le pape procdaient brusquement contre l'vque de Cologne, Herman;
+et songeaient le chasser de son lectorat[r171]. Alors il parla
+ainsi: Ils ont perdu la partie; ils ne peuvent rien faire contre nous
+avec la parole de Dieu et la sainte criture; _ergo volunt sapienti,
+violenti, astuti, practic, dolo, vi et armis pugnare_. Que dit
+cela notre Seigneur? Il voit bien qu'il est un pauvre colier, et il
+dit: Qu'allons-nous devenir mon fils et moi?... Pour moi, quand ils me
+tueraient, il faut auparavant qu'ils mangent ce que... J'ai un grand
+avantage; mon seigneur s'appelle _Schefflemini_; c'est lui qui dit:
+_Ego suscitabo vos in novissimo die_; et il dira alors: Docteur Martin,
+docteur Jonas, seigneur Michel Coelius, venez moi; et il vous nommera
+tous par vos noms, comme le Seigneur Christ dit dans saint Jean: _Et
+vocat eos nominatim_. Eh bien! soyez donc sans peur.
+
+ [r171] _Ibid._ 19.
+
+Dieu a un beau jeu de cartes qui n'est compos que de rois, de
+princes, etc.[r172] Il bat les cartes, par exemple le pape avec
+Luther; et ensuite il fait comme les enfans, qui, aprs avoir tenu
+quelque temps les cartes en vain, se lassent du jeu, et les jettent
+sous la table.
+
+ [r172] _Ibid._ 32, verso.
+
+Le monde est comme un paysan ivre[r173]. Si on le remet en selle
+d'un ct, il tombe de l'autre. On ne peut le secourir de quelque faon
+qu'on s'y prenne. Le monde veut appartenir au diable.
+
+ [r173] _Ibid._ 448, verso.
+
+Luther disait souvent que s'il mourait dans son lit, ce serait une
+grande honte pour le pape[r174]. Vous tous, pape, diable, rois,
+princes et seigneurs, vous devez tre ennemis de Luther, et cependant
+vous ne pouvez lui faire mal. Il n'en a pas t de mme pour Jean Huss.
+Je tiens que depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme que le monde
+hat plus que moi. Je suis aussi ennemi du monde; je ne sais rien _in
+tot vit_ quoi j'aie plaisir; je suis tout--fait fatigu de vivre.
+Que notre Seigneur vienne donc vite, et m'emmne. Qu'il vienne surtout
+avec son jugement dernier, je tendrai le cou; qu'il lance le tonnerre
+et que je repose... Ensuite, il se console de l'ingratitude du monde,
+par l'exemple de Mose, de Samuel, de saint Paul, du Christ.
+
+ [r174] _Ibid._ 449.
+
+Un des convives dit que si le monde subsistait cinquante ans, il
+viendrait encore bien des choses[r175]. Luther rpondit: A Dieu ne
+plaise! ce serait pis que par le pass. Il s'lverait encore bien des
+sectes qui sont aujourd'hui caches dans le coeur des hommes. Vienne
+donc le Seigneur! qu'il coupe court tout cela avec le jugement
+dernier; car il n'y a plus d'amlioration.
+
+ [r175] _Ibid._ 295.
+
+Il fera si mauvais vivre sur la terre, que l'on criera de tous
+les coins du monde: Bon Dieu! viens avec le jugement dernier[r176]. Et
+comme il tenait en main un chapelet d'agates blanches, il ajouta: O
+Dieu! veuille que ce jour vienne bientt. Je mangerais aujourd'hui ce
+chapelet pour que ce ft demain.
+
+ [r176] _Ibid._ 15.
+
+On parlait sa table, des clipses et de leur peu d'influence sur
+la mort des rois et des grands[r177]. Le docteur rpondit: Il est
+vrai, les clipses ne veulent plus produire d'effet; je pense que notre
+Seigneur en viendra bientt aux effets vritables, et que le Jugement
+en finira bientt avec tout cela. C'est ce que je rvais l'autre jour,
+comme je m'tais mis dormir aprs midi, et je disais dj: _In pace
+in id ipsum requiescam seu dormiam_. Il faut bien que le Jugement
+arrive; car, que l'glise papale se rforme, c'est chose impossible;
+le Turc et les juifs ne se corrigeront pas non plus. Il n'y a aucune
+amlioration dans l'Empire; voil maintenant trente ans qu'on assemble
+toujours les dites sans dcider rien... Je pense souvent, quand je
+rflchis en me promenant, ce que je dois demander dans mes prires
+pour la dite. L'vque de Mayence ne vaut rien, le pape est perdu. Je
+ne vois d'autre remde que de dire: Notre Pre, que votre rgne arrive!
+
+ [r177] _Ibid._ 304. verso.
+
+Pauvres gens que nous sommes! nous ne gagnons notre pain que par nos
+pchs[r178]. Jusqu' sept ans, nous ne faisons rien que manger,
+boire, jouer et dormir. De l jusqu' vingt et un ans, nous allons
+aux coles trois ou quatre heures par jour; nous suivons nos caprices,
+nous courons, nous allons boire. C'est alors seulement que nous
+commenons travailler. Vers la cinquantaine, nous avons fini, nous
+redevenons enfans. Ajoutez que nous dormons la moiti de notre vie. Fi
+de nous! sur notre vie, nous ne donnons pas mme la dme Dieu; et
+nous croirions avec nos bonnes oeuvres mriter le ciel! Qu'ai-je fait,
+moi? J'ai babill deux heures, mang pendant trois, rest oisif pendant
+quatre. _Ah! Domine, ne intres in judicium cum servo tuo._
+
+ [r178] _Ibid._ 46.
+
+Aprs avoir dtaill toutes ses souffrances Mlanchton: Plaise
+Christ d'enlever mon me dans la paix du Seigneur. Par la grce de
+Dieu, je suis prt et dsireux de partir. J'ai vcu et achev la course
+que Dieu m'avait marque... Que mon me fatigue de si longue route,
+monte maintenant au ciel. (18 avril 1541.)
+
+Je n'ai pas le temps de beaucoup crire, mon cher Probst, car je suis
+accabl par l'ge et les fatigues, _alt, kalt, ungestalt_, comme on
+dit; cependant le repos ne m'est pas encore permis, obsd comme je
+le suis par tant de raisons, tant de ncessits d'crire. J'en sais
+plus que toi sur les fatalits de ce sicle. Le monde menace ruine:
+cela est certain, tant le diable se dchane, tant le monde s'abrutit.
+Il ne reste qu'une seule consolation, c'est que ce jour est proche.
+On est rassasi de la parole de Dieu, le monde en prend un singulier
+dgot. Il s'lve moins de faux prophtes. Pourquoi susciterait-on
+de nouvelles hrsies, quand on a pour la parole un mpris picurien?
+L'Allemagne a t, et elle ne sera jamais ce qu'elle a t. La noblesse
+ne pense qu' demander, les villes ne songent qu' elles-mmes (et avec
+raison); voil le royaume divis avec soi-mme, qui a d tenir tte
+ cette arme de dmons dchane dans l'arme turque. Nous ne nous
+soucions gure de savoir si Dieu est pour nous ou contre nous; nous
+devons triompher par notre propre force des Turcs et des dmons, et de
+Dieu et de toutes choses. Tant est grande la confiance et la scurit
+insenses de l'Allemagne expirante! Et cependant nous autres que
+ferons-nous ici? Les plaintes sont vaines, les pleurs sont vains. Il ne
+vous reste qu' dire cette prire: Que ta volont soit faite. (26 mars
+1542.[6])
+
+ [6] Il semble qu'on retrouve ces tristes penses dans le beau
+ portrait de Luther mort, qui se trouve dans la collection du
+ libraire Zimmer Heidelberg; ce portrait exprime aussi la
+ continuation d'un long effort.
+
+Je vois chez tout le monde une cupidit indomptable, et c'est un des
+signes qui me persuade que le dernier jour est proche; il semble que
+le monde dans sa vieillesse et son dernier paroxisme, tombe en dlire,
+comme il arrive quelquefois aux mourans. (8 mars 1544.)
+
+Je crois que nous sommes cette trompette suprme qui prpare et
+devance la venue du Christ. Ainsi, quelque faibles que nous soyons,
+quelque petit son que nous fassions entendre devant le monde, nous
+sonnons fort dans l'assemble des anges du ciel, qui reprendront aprs
+nous et se chargeront d'achever. Amen. (6 aot 1545.)
+
+Dans les dernires annes de sa vie, ses ennemis rpandirent plusieurs
+fois le bruit de sa mort. Ils y ajoutrent les circonstances les
+plus extraordinaires et les plus tragiques. Pour les rfuter, Luther
+fit imprimer en 1545, en allemand et en italien, un crit intitul:
+_Mensonges des Welches sur la mort du docteur Martin Luther_.
+
+Je l'ai dit d'avance au docteur Pomer[r179]: celui qui aprs ma mort
+mprisera l'autorit de cette cole et de cette glise, celui-l sera
+un hrtique et un pervers. Car c'est d'abord ici que Dieu a purifi sa
+parole et l'a de nouveau rvle... Qui pouvait quelque chose, il y a
+vingt-cinq ans? Qui tait de mon ct, il y a vingt et un ans?
+
+ [r179] _Ibid._ 416.
+
+Je compte souvent et j'approche de plus en plus des quarante annes au
+bout desquelles, je pense, tout ceci doit prendre fin. Saint Paul n'a
+prch que quarante ans. De mme le prophte Jrmie et saint Augustin.
+Et lorsque furent coules les quarante annes pendant lesquelles on
+avait prch la parole de Dieu, elle a cess de se faire entendre, et
+une grande calamit est venue ensuite.
+
+La vieille lectrice, la table de laquelle il se trouvait, lui
+souhaitait quarante ans de vie[r180]. Je ne voudrais point du
+paradis, dit-il, condition de vivre quarante ans.... Je ne consulte
+pas les mdecins. Ils ont arrang que je devais vivre encore un an; je
+ne veux point rendre ma vie triste, mais, au nom de Dieu, manger et
+boire ce qu'il me plat.
+
+ [r180] _Ibid._ 361-2.
+
+Je voudrais que nos adversaires me tuassent, car ma mort serait plus
+utile l'glise que ma vie[r181].
+
+ [r181] _Ibid._ 147.
+
+16 fvrier 1546[r182]: Comme on parlait beaucoup de mort et de
+maladie la table de Luther, pendant son dernier voyage Eisleben, il
+dit: Si je retourne Wittemberg, je me mettrai dans la bire et je
+donnerai manger aux vers un docteur bien gras. Deux jours aprs il
+mourut Eisleben.
+
+ [r182] _Ibid._ 362.
+
+Impromptu de Luther sur la fragilit de la vie[r183].
+
+ Dat vitrum vitro Jon (vitrum ipse) Lutherus,
+ Se similem ut fragili noscat uterque vitro.
+
+ [r183] _Ibid._ 358.
+
+Nous laissons ces vers en latin, ils auraient perdu leur mrite dans
+une traduction.
+
+Billet crit par Luther Eisleben, deux jours avant sa mort: Personne
+ne comprendra Virgile dans les _Bucoliques_, s'il n'a t cinq ans
+pasteur.
+
+Personne ne comprendra Virgile dans les _Gorgiques_, s'il n'a t
+cinq ans laboureur.
+
+Personne ne peut comprendre Cicron dans ses _Lettres_, s'il n'a t
+durant vingt ans ml aux affaires d'un grand tat.
+
+Que personne ne croie avoir assez got des saintes critures, s'il
+n'a pendant cent annes gouvern les glises, avec les prophtes lie
+et lise, avec Jean-Baptiste, Christ et les aptres.
+
+ Hanc tu ne divinam neida tenta,
+ Sed vestigia pronus adora.
+
+Nous sommes de pauvres mendians. Hoc est verum, 16 februarii, anno
+1546.
+
+Prdiction du rvrend pre le docteur Martin Luther, crite de sa
+propre main, et trouve aprs sa mort dans sa bibliothque, par ceux
+que le trs illustre lecteur de Saxe, Jean Frdric Ier, avait charg
+de la fouiller[r184].
+
+ [r184] Opera latina, Iena, 1612, Ier vol. aprs la table des matires.
+
+Le temps est arriv auquel, selon l'ancienne prdiction, doivent
+venir aprs la rvlation de l'Antichrist, des hommes qui vivraient
+sans Dieu, chacun selon ses dsirs et ses illusions. Le pape tait
+un dieu au-dessus de Dieu, et maintenant tous veulent se passer de
+Dieu, surtout les papistes. Les ntres, maintenant qu'ils sont libres
+des lois du pape, veulent encore l'tre de la loi de Dieu, ne suivre
+que des mobiles politiques, et ne les suivre encore que selon leurs
+caprices.--Nous nous figurons qu'ils sont bien loin ceux dont on a
+prdit de telles choses; ils ne sont autres que nous-mmes.--Il y en a
+parmi ceux-ci, qui dsirant le jour de l'homme, ont commenc chasser
+de l'glise le dcalogue et la Loi. Parmi eux se trouvent matre
+Eisleben (Agricola), contre lequel, etc.--Je ne suis pas inquiet des
+papistes; ils flattent le pape par haine pour nous, et pour devenir
+puissans, jusqu' ce qu'ils soient formidables au pauvre pape.... Je
+sens une grande consolation, quand je vois les adulateurs du pape lui
+tendre des embches plus terribles que moi-mme, qui suis son ennemi
+dclar. Il en est de mme chez nous: les ntres me donnent plus
+d'affaires et de prils que toute la papaut, qui dsormais ne pourra
+rien contre nous. Tant il est vrai que si un empire doit se dtruire,
+c'est plutt par ses propres forces. Celui de Rome
+
+ Mole ruit su....
+ ... Corpus magnum populumque potentem
+ In sua victrici conversum viscera dextr.
+
+Vers la fin de sa vie, Luther prit en dgot le sjour de Wittemberg.
+Il crivit sa femme, en juillet 1545, de Leipzig o il se trouvait:
+Grce et paix, chre Catherine! Notre Jean te racontera comment nous
+sommes arrivs. Ernst de Schonfeld nous a trs bien reus Lobnitz,
+et notre ami Scherle encore mieux ici. Je voudrais bien m'arranger de
+manire ne plus avoir besoin de retourner Wittemberg. Mon coeur
+s'est refroidi pour cette ville, et je n'aime plus y rester. Je
+voudrais que tu vendisses la petite maison, avec la cour et le jardin;
+je rendrais mon gracieux seigneur la grande maison dont il m'a fait
+prsent, et nous nous tablirions Zeilsdorf. Avec ce que je reois
+pour salaire, nous pourrions mettre notre terre en bon tat, car je
+pense bien que mon seigneur ne refusera pas de me le continuer, du
+moins pour cette anne, que je crois fermement devoir tre la dernire
+de ma vie. Wittemberg est devenu une vritable Sodome, et je ne veux
+pas y retourner. Aprs-demain je me rendrai Mersebourg, o le comte
+George m'a vivement pri de venir. J'aimerais mieux passer ainsi ma
+vie sur les grandes routes, ou mendier mon pain, que de tourmenter
+mes pauvres derniers jours par la vue des scandales de Wittemberg, o
+toutes mes peines et toutes mes sueurs sont perdues. Tu peux faire
+savoir ceci Philippe et Pomer, que je prie de bnir la ville en mon
+nom. Pour moi, je ne peux plus y vivre.
+
+Il ne fallut rien moins que les instantes prires de ses amis, de toute
+l'acadmie et de l'lecteur, pour le faire renoncer cette rsolution.
+Il revint Wittemberg le 18 aot.
+
+Luther ne put mourir tranquille; ses derniers jours furent employs
+la tche pnible de rconcilier les comtes de Mansfeld, dont il tait
+n le sujet[a78]. Huit jours de plus ou de moins, crit-il au comte
+Albrecht, en lui promettant de se rendre Eisleben, huit jours de
+plus ou de moins, ne m'arrteront pas, quoique je sois bien occup
+d'ailleurs. Je pourrai me coucher dans le cercueil avec joie, quand
+j'aurai vu auparavant mes chers seigneurs se rconcilier et redevenir
+amis. (6 dcembre 1545.)
+
+(De Eisleben.) _A la trs savante et trs profonde dame Catherine
+Luther, ma gracieuse pouse._ Chre Catherine! nous sommes bien
+tourments ici, et nous ne serions pas fchs de pouvoir retourner chez
+nous. Cependant il nous faudra, je pense, rester encore une huitaine
+de jours. Tu peux dire matre Philippe qu'il ne fera pas mal de
+corriger sa _postille_ sur l'vangile, car, en l'crivant, il ne savait
+gure pourquoi le Seigneur, dans l'vangile, appelle les richesses
+des pines. C'est ici l'cole o l'on apprend ces choses. La sainte
+criture menace partout les pines du feu ternel, cela m'effraie et me
+rend de la patience, car je dois faire tous mes efforts, Dieu aidant,
+pour mener la chose bonne fin... (6 fvrier 1546.)
+
+_A la gracieuse dame Catherine Luther, ma chre pouse, qui se
+tourmente beaucoup trop._ Grce et paix dans le Seigneur. Chre
+Catherine! tu devrais lire saint Jean et ce que le Catchisme dit de
+la confiance que nous devons avoir en Dieu. Tu te tourmentes vraiment
+comme si Dieu n'tait pas tout-puissant, et qu'il ne pt produire de
+nouveaux docteurs Martin par dixaines, si l'ancien se noyait dans la
+Saale ou prissait d'une autre manire. J'ai Quelqu'un qui a soin de
+moi, mieux que toi et les anges vous ne pourriez jamais faire. Il
+est assis la droite du Pre tout-puissant. Tranquillise-toi donc.
+Amen... J'avais aujourd'hui l'intention de partir _in ir me_; mais le
+malheur o je vois mon pays natal, m'a encore retenu. Le croirais-tu?
+je suis devenu lgiste? Cependant cela ne servira pas grand'chose.
+Il vaudrait mieux qu'ils me laissassent thologien. Il serait grand
+besoin pour eux d'humilier leur superbe. Ils parlent et agissent comme
+s'ils taient des dieux, mais je crains bien qu'ils ne deviennent des
+diables, s'ils continuent ainsi. Lucifer aussi a t prcipit par son
+orgueil, etc... Fais voir cette lettre Philippe, je n'ai pas eu le
+temps de lui crire sparment. (7 fvrier 1546.)
+
+_A ma douce et chre pouse, Catherine Luther de Bora._ Grce et paix
+dans le Seigneur. Chre Catherine! Nous esprons retourner chez vous
+cette semaine, si Dieu le veut. Il a montr la puissance de sa grce
+dans cette affaire. Les seigneurs se sont accords sur tous les points,
+ l'exception de deux ou trois, entre autres sur la rconciliation des
+deux frres, les comtes Gebhard et Albrecht. Je dnerai aujourd'hui
+avec eux, et je tcherai de les faire redevenir frres. Ils ont crit
+l'un contre l'autre avec beaucoup d'amertume, et ne se sont encore
+rien dit pendant les confrences.--Du reste, nos jeunes seigneurs sont
+pleins de gat; ils vont en traneaux avec les dames, et font sonner
+les clochettes de leurs chevaux. Dieu a exauc nos prires.
+
+Je t'envoie des truites, dont la comtesse Albrecht m'a fait
+prsent. Cette dame est bien heureuse de voir renatre la paix dans
+sa famille... Le bruit court ici que l'Empereur s'avance vers la
+Westphalie, et que le Franais enrle des landsknechts, de mme
+que le Landgrave, etc. Laissons-les dire et forger des nouvelles:
+nous attendrons ce que Dieu voudra faire. Je te recommande sa
+protection.--Martin LUTHER. (14 fvrier 1546.)
+
+Luther tait arriv le 28 janvier Eisleben, et quoique dj malade,
+il assista aux confrences jusqu'au 17 fvrier. Il prcha aussi quatre
+fois, et rvisa le rglement ecclsiastique du comt de Mansfeld. Le
+17, il fut si malade que les comtes le prirent de ne pas sortir. Au
+souper, il parla beaucoup de sa mort prochaine, et quelqu'un lui ayant
+demand si nous nous reconnatrions les uns les autres dans l'autre
+monde, il rpondit qu'il le pensait. En rentrant dans sa chambre avec
+matre Coelius et ses deux fils, il s'approcha de la croise et y resta
+long-temps en prires. Ensuite il dit Aurifaber qui venait d'arriver:
+Je me sens bien faible, et mes douleurs augmentent. On lui donna un
+mdicament, et on tcha de le rchauffer par des frictions. Il adressa
+quelques mots au comte Albrecht, qui tait venu aussi, et se mit sur
+un lit de repos en disant: Si je pouvais seulement sommeiller une
+petite demi-heure, je crois que cela me soulagerait. Il s'endormit
+en effet, et ne se rveilla qu'une heure et demie aprs, vers onze
+heures. En se rveillant, il dit aux assistans: Vous voil encore
+assis ct de moi, ne voulez-vous pas aller reposer vous-mmes? Il
+se remit alors prier, et dit avec ferveur: _In manus tuas commendo
+spiritum meum; redemisti me, Domine, Deus veritatis_. Il dit aussi aux
+assistans: Priez tous, mes amis, pour l'vangile de notre Seigneur,
+pour que son rgne s'tende, car le concile de Trente et le pape le
+menacent grandement. Il dormit ensuite jusque vers une heure, et quand
+il se rveilla, le docteur Jonas lui demanda comment il se trouvait. O
+mon Dieu! rpondit-il, je me sens bien mal. Mon cher Jonas, je pense
+que je resterai ici, Eisleben, o je suis n. Il marcha pourtant
+un peu dans la chambre et se remit sur son lit de repos, o on le
+couvrit de coussins. Deux mdecins et le comte avec sa femme arrivrent
+ensuite. Luther leur dit: Je meurs, je resterai ici, Eisleben; et
+le docteur Jonas lui ayant exprim l'espoir que la transpiration le
+soulagerait peut-tre, il rpondit: Non, cher Jonas, c'est une sueur
+froide et sche, le mal augmente. Il se remit alors prier, et dit:
+O mon pre! Dieu de notre Seigneur Jsus-Christ, toi le pre de toute
+consolation, je te remercie de m'avoir rvl ton fils bien-aim, en
+qui je crois, que j'ai prch et reconnu, que j'ai aim et clbr,
+et que le pape et les impies perscutent. Je te recommande mon me,
+mon Seigneur Jsus-Christ! Je quitterai ce corps terrestre, je vais
+tre enlev de cette vie, mais je sais que je resterai ternellement
+auprs de toi. Il rpta encore trois fois: _In manus tuas commendo
+spiritum meum; redemisti me, Domine veritatis_. Soudain il ferma les
+yeux, et tomba vanoui. Le comte Albrecht et sa femme, ainsi que les
+mdecins, lui prodigurent leurs secours pour le rendre la vie. Ils
+n'y parvinrent qu'avec peine. Le docteur Jonas lui dit alors: Rvrend
+pre, mourez-vous avec constance dans la foi que vous avez enseigne?
+Il rpondit par un oui distinct, et se rendormit. Bientt il plit,
+devint froid, respira encore une fois profondment, et mourut.
+
+Son corps fut transfr dans un cercueil d'tain, Wittemberg, o
+il fut inhum le 22 fvrier avec les plus grands honneurs. Il repose
+dans l'glise du chteau, au pied de la chaire. (Ukert I, p. 327, sqq.
+_Extrait de la relation de Jonas et de Coelius._)
+
+_Testament de Luther, dat du 6 janvier 1542._--Je soussign, Martin
+Luther, docteur, reconnais avoir, par les prsentes, donn comme
+douaire ma chre et fidle pouse Catherine, pour qu'elle en jouisse
+toute sa vie, comme bon lui semblera: la terre de Zeilsdorf, telle que
+je l'ai achete et fait disposer depuis; la maison _Brun_ que j'ai
+achete sous le nom de Wolf; les gobelets et autres choses prcieuses,
+telles que bagues, chanes, mdailles en or et en argent, de la valeur
+de mille florins environ.
+
+J'ai fait ceci, premirement parce qu'elle a toujours t ma pieuse
+et fidle pouse, qui m'a aim tendrement, et qui, par la bndiction
+du ciel, m'a donn et lev cinq enfans heureusement encore en vie.
+Secondement, pour qu'elle se charge de mes dettes, montant quatre
+cent cinquante florins environ, au cas o je ne pourrais les acquitter
+avant ma mort. Troisimement, et surtout, parce que je ne veux pas
+qu'elle soit dans la dpendance de ses enfans, mais plutt que les
+enfans dpendent d'elle, l'honorent et lui soient soumis, comme Dieu
+l'a command; car j'ai vu bien souvent comme le Diable excite les
+enfans, mme les enfans pieux, dsobir ce commandement, surtout
+quand les mres sont veuves, que les fils ont des pouses, et les
+filles des maris. Je pense, au reste, que la mre sera la meilleure
+tutrice de ses enfans, et qu'elle ne fera pas usage de ce douaire au
+dtriment de ceux qui sont sa chair et son sang, de ceux qu'elle a
+ports sous son coeur.
+
+Quoi qu'il puisse advenir d'elle aprs ma mort (car je ne puis limiter
+les desseins de Dieu), j'ai cette confiance qu'elle se conduira
+toujours comme une bonne mre envers ses enfans, et qu'elle partagera
+consciencieusement avec eux ce qu'elle possdera.
+
+En mme temps, je prie tous mes amis d'tre tmoins de la vrit et
+de dfendre ma chre Catherine, s'il allait arriver, comme il serait
+possible, que de mauvaises langues l'accusassent de garder pour elle
+quelque somme d'argent cache, et de ne pas en faire part aux enfans.
+Je certifie que nous n'avons ni argent comptant, ni trsor d'aucune
+espce. En cela rien d'tonnant, si l'on veut considrer que nous
+n'avons eu d'autre revenu que mon salaire et quelques prsens, et que
+cependant nous avons bti, et port les charges d'un grand mnage. Je
+regarde mme comme une grce particulire de Dieu, et je l'en remercie
+sans cesse, que nous ayons pu y suffire, et que nos dettes ne soient
+pas plus considrables........
+
+Je prie aussi mon gracieux seigneur, le duc Jean-Frdric, lecteur,
+de vouloir bien confirmer et maintenir le prsent acte, quoiqu'il
+ne soit pas fait dans la forme demande par les gens de loi. Martin
+LUTHER. _Sign_ MLANCHTON, CRUCIGER et BUGENHAGEN, comme tmoins.[a79]
+
+
+
+
+ADDITIONS
+
+ET
+
+CLAIRCISSEMENS.
+
+
+ [a1] Page 1, ligne 7.--_Les Turcs..._
+
+Luther crut voir d'abord dans les Turcs un secours que Dieu lui
+envoyait. Ce sont, dit-il, les ministres de la colre divine, 1526.
+(_Proeliari adversus Turcas, est repugnare Deo, visitanti iniquitates
+nostras per illos._)--Il ne voulait point que les protestans
+s'armassent contre eux pour dfendre les papistes, car ceux-ci ne
+valent pas mieux que les Turcs.
+
+Il dit dans la prface qu'il mit un livre du docteur Jonas, que
+les Turcs galent les papistes, ou les surpassent plutt, dans les
+choses que ceux-ci regardent comme essentielles au salut, tels que
+les aumnes, les jenes, les macrations, les plerinages, la vie
+monastique, les crmonies et les autres oeuvres extrieures, et que
+c'est pour cette raison que les papistes ne parlent pas du culte des
+mahomtans. Il prend occasion de ceci pour lever au-dessus de ces
+pratiques mahomtanes ou romanistes, la religion pure du coeur et de
+l'esprit, enseigne par l'vangile.
+
+
+Ailleurs, il fait un parallle entre le pape et le Turc, et conclut
+ainsi: S'il faut combattre le Turc, il faut aussi combattre le
+pape.--Cependant quand il vit les Turcs menacer srieusement
+l'indpendance de l'Allemagne, il exprima plusieurs fois le dsir
+qu'on entretnt une arme permanente sur les frontires de la Turquie,
+et rpta souvent que tout ce qui portait le nom de chrtien devait
+implorer Dieu pour le succs des armes de l'Empereur contre les
+infidles.
+
+Luther exhorta l'lecteur, dans une lettre du 29 mai 1538, prendre
+part la guerre qui se prparait contre les Turcs. Il l'engagea
+oublier les querelles intestines de l'Allemagne, pour tourner ses
+armes contre l'ennemi commun.
+
+Un homme digne de foi, qui avait t en ambassade chez les Turcs,
+dit un jour Luther que le sultan lui avait demand quel homme
+tait Luther, et de quel ge, et qu'ayant appris qu'il avait environ
+quarante-huit ans, il disait: Je voudrais qu'il ne ft pas si g; il a
+en moi un gracieux seigneur, dites-le-lui bien. Que Dieu me prserve
+de ce gracieux seigneur, s'cria Luther, en faisant le signe de la
+croix. (Tischreden, p. 432, verso.)
+
+
+ [a2] Page 3, ligne 25.--_Le Landgrave... se croyant menac,
+ leva une arme..._
+
+Luther, dans une lettre au chancelier Brck, dit, en parlant des
+prparatifs de guerre du Landgrave: Une pareille agression de la
+part des ntres, serait la plus grande honte pour l'vangile. Ce ne
+serait point une rvolte de paysans, mais une rvolte de princes,
+qui prparerait l'Allemagne les maux les plus terribles. Satan ne
+dsire rien autant. (mai 1528.) Il crivit plusieurs lettres dans le
+mme sens l'lecteur.--Cependant il est quelquefois tent de lcher
+lui-mme la bride au Landgrave. Ayant lu une lettre de Mlanchton,
+qui tait au _Colloque_, il dit: Ce que Philippe crit, cela a des
+pieds et des mains, de l'autorit et de la gravit. Il dit des choses
+importantes en peu de mots; je conclus de sa lettre que nous avons
+la guerre....... Le lche de Mayence fait tout le mal. Ils devraient
+nous donner une prompte rponse. Si j'tais le Landgrave, je tomberais
+dessus, je prirais ou je les exterminerais, puisque dans une affaire
+si juste, ils ne veulent pas nous donner la paix. (Tischreden, p. 151.)
+
+
+ [a3] Page 26, ligne 3.--_Le duc George..._
+
+Ce prince se montra de bonne heure oppos la Rforme. Ds l'anne
+1525 (22 dcembre), Luther avait crit au duc pour le prier instamment
+de renoncer ses perscutions contre la nouvelle doctrine. ... Je me
+jette vos pieds pour vous supplier de cesser enfin vos entreprises
+impies. Non que je craigne le prjudice qui en pourrait rsulter pour
+moi, car je n'ai plus qu' perdre ce misrable corps de chair que
+dans tous les cas la terre va bientt recevoir. Si je recherchais
+mon avantage, je ne devrais rien tant dsirer que la perscution. On
+a vu comme elle m'a servi jusqu'ici au-del de toute attente. Si je
+prenais plaisir rendre votre Grce malheureuse, je l'exciterais de
+toutes mes forces continuer ses violences; mais c'est mon devoir de
+songer au salut de votre Grce et de la supplier genoux de cesser ses
+criminelles offenses envers Dieu et sa parole...
+
+
+ [a4] Page 4, ligne 3.--_Le docteur Pack..._
+
+Mon cher Amsdorf, voici Otton Pack, pauvre exil que j'offre ta
+misricorde; il sera plus en sret Magdebourg que chez moi; je
+craindrais que le duc George ne me fort de le remettre entre ses
+mains. (29 juillet 1529.)
+
+
+ [a5] Page 5, ligne 1.--_Le grand-matre de l'ordre Teutonique
+ avait scularis la Prusse..._
+
+Lorsque je parlai la premire fois au prince Albert, comme il me
+consultait sur la rgle de son ordre, je lui conseillai de mpriser
+cette rgle stupide et confuse, de prendre femme et de rduire la
+Prusse une forme politique, en principaut ou en duch. Philippe,
+partageait cette opinion, et donnait le mme conseil... Cela pourrait
+s'excuter aisment, si le peuple de Prusse et les grands unissaient
+leurs prires pour qu'il ost l'entreprendre; il aurait ainsi un motif
+ncessaire et puissant de faire ce qu'il dsire.... C'est toi avec
+Speratus, Amandus et les autres ministres, d'y amener le peuple, de
+l'enflammer, de l'animer pour qu'il invoque la main de Dieu, afin qu'au
+lieu de cette abominable principaut hermaphrodite, qui n'est ni laque
+ni ecclsiastique, il dsire et rclame une principaut vritable.--Je
+voudrais persuader la mme chose l'vque ***; lui aussi, il cderait
+ nos raisons, si le peuple le pressait de ses prires. (4 juillet
+1524.)
+
+Il y avait six mois alors que cet vque prchait ouvertement la
+rforme. Ainsi, crivait Luther en avril 1525, pendant le fort de
+la guerre des paysans, l'vangile court pleine course et pleines
+voiles en Prusse, o il n'tait pas appel, tandis que dans la haute et
+basse Allemagne, o il est venu et entr de lui-mme, on le blasphme
+avec fureur. (T. II, p. 649.)
+
+
+ [a6] Page 6, ligne 25.--_Le duc George..._
+
+Prie avec moi le Dieu de misricorde, pour qu'il convertisse le duc
+George son vangile, ou que, s'il n'en est pas digne, il soit tir de
+ce monde. (27 mars 1526.)
+
+Luther crivit l'lecteur, au sujet de ses querelles avec le duc
+George (31 dcembre 1528): ... Je prie votre Grce lectorale de
+m'abandonner entirement la dcision des juges, au cas o le duc
+George le demanderait, car il est de mon devoir d'exposer ma tte
+plutt que de faire prouver le moindre prjudice votre Grce.
+Jsus-Christ, je l'espre, me donnera les forces ncessaires pour
+rsister tout seul Satan.
+
+
+ [a7] Page 7, ligne 14.--_O s'arrtera la superbe de ce Moab..._
+
+Le duc George tait, aprs tout, un perscuteur assez dbonnaire.
+Ayant chass de Leipzig quatre-vingts luthriens, il leur accorda la
+permission de garder leurs maisons, d'y laisser leurs femmes et leurs
+enfans, et mme d'y venir trois fois par an au temps des foires.--Dans
+une autre circonstance, Luther ayant conseill aux protestans de
+Leipzig de rsister aux ordres de leur duc, celui-ci se contenta de
+prier l'lecteur de Saxe d'interdire Luther toute communication avec
+ses sujets. (Cochlus, p. 230.)
+
+
+ [a8] Page 7, ligne 23.--_Dite Spire..._
+
+Quelque temps aprs cette dite, Luther crivit la consultation
+suivante: D'abord il serait bon que notre parti, l'exclusion des
+zwingliens, parlt pour lui seul.
+
+En second lieu, qu'on crivt l'Empereur, et que les bienfaits
+du prince (l'lecteur de Saxe), envers l'glise et l'tat, fussent
+amplifis, clbrs, etc. Il faudrait rappeler: 1 Qu'il a fait
+enseigner, de la manire la plus pure, le Christ et sa foi, comme on ne
+l'a jamais enseign depuis mille ans; qu'il a aboli une foule d'abus et
+de monstruosits nuisibles l'glise et l'tat, comme les marchs de
+messes, les abus des indulgences, les violences de l'excommunication,
+et tant d'autres choses qui leur ont paru eux-mmes intolrables, et
+dont la noblesse a exig l'abolition Worms.
+
+2 Qu'il a rsist aux sditieux, ceux qui violaient les images et
+les glises.
+
+3 Que la dignit impriale a t par lui honore, glorifie,
+rforme, plus qu'on ne l'avait fait en plusieurs sicles.
+
+4 Que nous avons fait et support les plus grandes choses contre les
+partisans de Mnzer, pour sauver la majest et la paix publique.
+
+5 Que c'est nous, et non d'autres, qui avons rprim les
+sacramentaires; que sans nous les papistes eussent t crass.
+
+6 Que nous avons de mme rprim les anabaptistes.
+
+7 Qu'en outre, nous avons touff les mauvais germes que de mchantes
+gens avaient rpandus en divers endroits sur la sainte Trinit, sur la
+foi du Christ, etc. Je parle d'rasme, d'Egranus et de leurs pareils.
+(mai 1529.)
+
+
+ [a9] Page 7, ligne 28.--_Le parti de la Rforme clata..._
+
+Luther essaya encore de retenir les siens; le 22 mai 1529, il crivit
+ l'lecteur pour le dissuader d'entrer dans aucune ligue contre
+l'Empereur, et l'exhorter s'en remettre la protection divine. Dans
+une lettre Agricola, il approuva la conduite prudente de l'lecteur
+ l'gard de l'Empereur: Notre prince a bien fait de reconnatre un
+seigneur dans une ville trangre, et de n'avoir point cherch tre
+le matre, comme il aurait pu le faire. Christ a dit: _Si vous tes
+perscut dans une ville, fuyez dans une autre_; et encore: _Sortez de
+cette maison_. Ainsi je pense que notre prince, comme un membre qui ne
+peut se sparer du corps, ne devait point rompre avec Csar. Mais par
+son silence il a comme fui dans une autre ville, il est sorti de cette
+maison. (30 juin 1530.)
+
+
+ [a10] Page 8, ligne 11.--_Le Landgrave essaya de rconcilier
+ Luther et les sacramentaires..._
+
+Au landgrave de Hesse. Grce et paix en Jsus-Christ. Srnissime
+seigneur! j'ai reu la lettre par laquelle votre Altesse veut bien
+m'engager me rendre Marbourg, pour confrer avec OEcolampade et les
+siens, au sujet de nos opinions sur le saint Sacrement. Je ne saurais
+cacher votre Altesse que je mets peu d'espoir dans une pareille
+confrence, et que je doute qu'on en voie sortir la paix et l'union.
+Nanmoins il faut rendre grce votre Altesse, de la sollicitude
+qu'elle montre en cette affaire, et je suis dispos, pour ma part,
+me rendre au lieu dsign, bien que je regarde cette dmarche comme
+inutile. Je ne veux pas laisser non plus nos adversaires la gloire de
+pouvoir dire qu'ils aiment plus que nous la paix et la concorde. Mais
+je vous prie humblement, gracieux prince et seigneur, de vouloir bien,
+avant que nous nous runissions, vous informer s'ils sont disposs
+cder quelque point de leurs doctrines, autrement je craindrais fort
+que le mal ne ft qu'empirer par cette confrence, et que le rsultat
+ne ft prcisment le contraire de ce que votre Altesse recherche si
+loyalement et si srieusement. A quoi servirait-il de se runir et de
+discuter, si les deux parties arrivaient avec la rsolution de ne cder
+en quoi que ce ft?... (23 juin 1529.)
+
+Dans une consultation qui nous reste sur le mme sujet, et que l'on
+attribue gnralement Luther, il exprime le dsir que quelques
+papistes, hommes graves et instruits, assistent la confrence comme
+tmoins.
+
+A sa femme. Grce et paix en Jsus-Christ. Cher seigneur Catherine!
+Apprenez que notre confrence amicale de Marbourg est finie, et que
+nous sommes d'accord en tout point, si ce n'est que nos adversaires
+persistent ne voir que du pain dans l'Eucharistie, et n'admettre
+qu'une prsence spirituelle de Jsus-Christ. Aujourd'hui le Landgrave
+nous parlera encore une fois, pour tcher de nous unir ou de nous
+porter du moins nous reconnatre pour frres et membres du mme
+corps. Il y travaille avec ardeur. Nous leur accordons la paix et
+la charit, mais nous ne voulons pas de ce nom de frres. Demain ou
+aprs-demain, je pense, nous partirons pour nous rendre au Voigtland,
+o l'lecteur nous a appels.
+
+Dis Pommer que les meilleurs argumens de Zwingli ont t: _Que le
+corps ne peut exister sans espace, et que, par consquent, le corps
+du Christ n'est pas dans le pain_, et le meilleur d'OEcolampade:
+_Que le saint Sacrement est un signe du corps du Christ_. Dieu les a
+vraiment aveugls; ils n'ont su que nous rpondre.--Adieu. Le messager
+me presse. Priez pour nous. Nous sommes bien portans et vivons comme
+les princes. Embrasse pour moi Leinette (Madeleine) et le petit Jean.
+Le jour de saint Franois. Votre dvou serviteur, Martin LUTHER. (4
+octobre 1529.)
+
+Luther crivit au landgrave de Hesse dans une autre lettre (20 mai
+1530), au sujet de ses tentatives de conciliation: ... J'ai support
+de si grands dangers et de si longs tourmens pour ma doctrine, que
+certes j'ai lieu de dsirer de n'avoir pas travaill en vain. Ce n'est
+donc point par haine ou par orgueil que je leur rsiste; il y a bien
+long-temps que j'aurais adopt leur doctrine, Dieu, mon Seigneur, le
+sait, s'ils avaient pu m'en montrer la vrit; mais les raisons qu'ils
+donnent sont trop faibles pour que j'y puisse engager ma conscience...
+
+
+ [a11] Page 11, ligne 18.--_L'lecteur amena..._
+
+Il partit de Torgaw le 3 avril, et arriva Augsbourg le 2 mai. Sa
+suite se composait de cent soixante chevaux. Les thologiens qu'il
+avait avec lui furent Luther, Mlanchton, Jonas, Agricola, Spalatin
+et Osiander. Luther, excommuni et mis au ban de l'Empire, resta
+Cobourg. (Ukert, t. I, p. 232.)
+
+
+ [a12] Page 11, ligne 19.--_L'lecteur amena Luther le plus prs
+ possible d'Augsbourg._
+
+Je suis sur les confins de la Saxe, moiti chemin entre Wittemberg
+et Augsbourg. Il y aurait eu trop de danger pour moi dans cette
+dernire ville. (juin 1530.)
+
+
+ [a13] Page 13, ligne 22.--_Les nobles seigneurs qui forment nos
+ comices..._
+
+Ma rsidence est maintenant au milieu des nuages, dans l'empire des
+oiseaux. Sans parler de la foule des autres oiseaux, dont les chants
+confus feraient taire une tempte, il y a prs d'ici un certain bois
+tout peupl, de la premire la dernire branche, de corbeaux et de
+corneilles. Du matin au soir, et quelquefois pendant toute la nuit,
+il y a l une crierie si infatigable, si incessante, que je doute
+qu'en aucun lieu du monde tant d'oiseaux se soient jamais runis. Pas
+un qui se repose un instant; bon gr mal gr, il faut les entendre,
+vieux et jeunes, mres et filles, glorifier qui mieux mieux, par
+leurs croassemens, le nom de corbeaux. Peut-tre, par ces chants si
+harmonieux, veulent-ils faire descendre doucement le sommeil sur mes
+paupires; avec la grce de Dieu, j'en ferai cette nuit l'exprience.
+C'est une noble race d'oiseaux, et, comme tu le sais, fort utiles
+au monde. Il me semble, en les voyant, que j'ai sous les yeux toute
+l'arme des sophistes et des Cochleistes, runis de toutes les parties
+du monde, afin que j'apprcie mieux leur sagesse et leur doux langage,
+et que je voie mon aise ce qu'ils sont et ce qu'ils peuvent pour
+le monde de l'esprit et pour le monde de la chair. Jusqu' ce jour,
+personne n'a entendu philomle, et cependant le coucou, qui annonce et
+accompagne son chant, s'enorgueillit magnifiquement dans la gloire de
+sa voix. De la rsidence des corbeaux. (22 avril 1530.)
+
+
+ [a14] Page 14, ligne 23.--_Luther le tanait rudement..._
+
+Quelquefois cependant il comptit ses douleurs. Vous avez confess
+Christ, offert la paix, obi Csar, souffert les injures, puis les
+blasphmes. Vous n'avez point rendu le mal pour le mal; enfin vous
+avez dignement travaill la sainte oeuvre de Dieu, comme il convient
+ des saints; rjouissez-vous donc dans le Seigneur. Assez long-temps
+vous avez t contrists par le monde. Regardez et levez la tte, votre
+rdemption approche. Je vous canoniserai comme de fidles membres de
+Christ; que faut-il de plus votre gloire? (15 septembre 1530.)
+
+
+ [a15] Page 19, ligne 15.--_J'aurais voulu tre la victime
+ sacrifie par ce dernier concile, comme Jean Huss..._
+
+Plaise Dieu que nous soyons dignes d'tre brls ou gorgs par lui
+(par le pape.) Cependant si nous ne mritons pas de rendre tmoignage
+par notre sang, implorons du moins Dieu pour qu'il nous accorde cette
+grce de tmoigner par notre vie et nos paroles que Jsus-Christ est
+seul notre Seigneur, et que nous l'adorerons dans tous les sicles des
+sicles. Amen. (T. II des oeuvres latines, p. 270.)
+
+
+ [a16] Page 19, ligne 19.--_La profession de foi des
+ protestans..._
+
+A la dite d'Augsbourg, le duc Guillaume de Bavire, qui tait fort
+oppos la doctrine vanglique, ayant dit au docteur Eck: Peut-on
+renverser cette opinion par l'criture sainte? Non, dit-il, mais par
+les Pres. L'vque de Mayence se mit dire: Voyez! nos thologiens
+nous dfendent joliment! Les luthriens montrent leur opinion dans
+l'criture, et nous la ntre hors de l'criture. Le mme vque disait
+alors: Les luthriens ont un article auquel on ne peut contredire,
+quand mme tous les autres ne vaudraient rien; c'est celui du mariage.
+(Tischreden, p. 99.)
+
+
+ [a17] Page 20, ligne 10.--_L'archevque de Mayence est trs
+ port pour la paix..._
+
+Luther, pour l'exhorter montrer des sentimens pacifiques, lui avait
+crit une lettre qui se terminait ainsi: Je ne puis cesser de penser
+la pauvre Allemagne, si malheureuse, si abandonne, si mprise, vendue
+ tant de tratres en mme temps. C'est ma chre patrie; je dsirerais
+tant la voir heureuse! (6 juillet 1530, de Cobourg.)
+
+
+ [a18] Page 21, ligne 7.--_Si l'Empereur veut faire un dit,
+ qu'il le fasse; aprs Worms aussi il en fit un..._
+
+Luther a conscience de sa force. Si j'tais tu par les papistes,
+ma mort protgerait nos descendans, et ces btes froces en seraient
+peut-tre plus cruellement punies que je ne voudrais moi-mme. Car, il
+y a quelqu'un qui dira un jour: _O est ton frre Abel?_ Et celui-l
+les marquera au front, et ils erreront fugitifs par toute la terre...
+Notre race est maintenant sous la protection du Seigneur, puisqu'il est
+crit: Je ferai misricorde jusqu' la millime gnration ceux qui
+m'ont aim. Et moi je crois ces paroles. (30 juin 1530.)
+
+Si j'tais tu dans une meute papiste, j'emmnerais ma suite
+un grand nombre d'vques, de prtres, de moines, si bien que tous
+diraient: Le docteur Martin Luther est conduit au spulcre avec une
+grande procession; certes, c'est un grand docteur, au-dessus de tous
+vques, prtres, moines; aussi faut-il qu' son enterrement, ils
+aillent avec lui, tendus sur le dos. C'est ainsi que nous ferions
+ensemble notre dernier voyage. (1531. Cochlus, p. 211. Extrait du
+livre de Luther intitul: _Avis aux Allemands_.)
+
+Les catholiques, lui disait-on, vous reprochent plusieurs fausses
+interprtations dans votre traduction de l'criture. Il rpondit: Ils
+ont encore de trop longues oreilles, et leur _hihan! hihan!_ est trop
+faible pour juger une traduction du latin en allemand... Dis-leur que
+le docteur Martin Luther veut qu'il en soit ainsi, et qu'un papiste et
+un ne c'est la mme chose.
+
+ _Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas._
+
+(Passage cit par Cochlus, 201, verso.)
+
+
+ [a19] Page 21, ligne 15.--_Qu'ils nous rendent Lonard
+ Keiser..._
+
+Non-seulement le titre de roi, mais celui de Csar lui est bien
+mrit, puisqu'il a vaincu celui dont le pouvoir ne trouve point
+d'gal sur la terre. Ce n'est pas seulement un prtre, c'est un
+souverain pontife et un vritable pape, celui qui a offert ainsi son
+corps en sacrifice Dieu. Avec juste raison l'appelait-on Lonhard,
+c'est--dire force du lion; c'tait un lion fort et intrpide. (22
+octobre 1527.)
+
+_A Hausmann._ Je pense que tu auras vu l'histoire de Gaspard Tauber,
+le nouveau martyr de Vienne, qui a t dcapit et brl dans cette
+ville pour la parole de Dieu. Il en est arriv autant un libraire de
+Bude, en Hongrie, qu'on a brl au milieu de ses livres. (12 novembre
+1524.)
+
+Il y avait Vienne des partisans de la nouvelle doctrine.
+Lorsqu'aprs la dite d'Augsbourg le cardinal Campeggio entra dans
+la ville avec le roi Ferdinand, on habilla un petit homme de bois en
+cardinal, on lui attacha au cou des indulgences et le sceau du pape, et
+on le mit sur un chien qui avait la queue une vessie de porc pleine
+de pois. On fit courir ce chien travers toutes les rues. (Tischr.,
+p. 251.)
+
+
+ [a20] Page 21, ligne 16.--_Qu'ils nous rendent Keiser et tant
+ d'autres qu'ils ont fait injustement mourir..._
+
+Si l'on en croyait Cochlus, Luther se serait montr perscuteur son
+tour. En 1532, un luthrien s'tant loign de ses opinions, Luther le
+fit enlever et conduire Wittemberg, o il fut emprisonn; un procs
+fut commenc. Comme on ne trouva pas de charges suffisantes, il fallut
+le relcher. Mais il fut toujours depuis sourdement perscut par les
+luthriens. (Cochlus, p. 218.)
+
+
+ [a21] Page 22, ligne 22.--_On se prpare combattre..._
+
+Cependant on craignait tant de part et d'autre l'issue de la lutte,
+que, contre toute probabilit, la paix se maintint. J'admire ce
+miracle de Dieu, que tant de menaces soient alles en fume. Tout le
+monde en effet croyait qu'au printemps claterait en Allemagne une
+guerre atroce. (juin 1531.)
+
+La crainte d'un nouveau soulvement des paysans contribuait
+entretenir les intentions pacifiques des princes. Les paysans, crit
+Luther, recommencent s'assembler. Une soixantaine d'entre eux ont
+cherch surprendre la nuit le chteau de Hohenstein. Tu vois que
+malgr la prsence de l'Empereur, il faut prendre des prcautions
+contre cette rvolte; que serait-ce si les papistes commenaient la
+guerre? (19 juillet 1530.)
+
+
+ [a22] Page 22, ligne 25.--_Luther fut accus d'avoir pouss les
+ protestans prendre cette attitude hostile..._
+
+Bien loin de l, il avait ds 1529 dissuad l'lecteur d'entrer dans
+aucune ligue dirige contre l'Empereur... Nous ne saurions approuver
+une pareille alliance; s'il en rsultait quelque malheur, peut-tre
+mme la guerre ouverte, tout retomberait sur notre conscience, et nous
+aimerions mieux tre dix fois morts que d'avoir nous reprocher du
+sang vers pour l'vangile. Nous sommes ceux qui devons souffrir, comme
+dit le prophte, ceux qui ne doivent pas se venger eux-mmes, mais
+tout remettre entre les mains de Dieu... Je supplie donc humblement
+votre Grce lectorale de ne pas se laisser abattre par ce danger.
+Nous allons lever nos prires Dieu; mais nos mains doivent rester
+pures de sang et de crime. S'il arrivait (contre mon opinion) que
+l'Empereur allt jusqu' me rclamer moi ou mes amis, nous irions,
+sous la protection de Dieu, comparatre devant lui, plutt que de
+causer prjudice votre Grce lectorale, comme je l'ai plusieurs
+fois dclar votre auguste frre, feu l'lecteur Frdric.... (18
+novembre 1529.)
+
+
+ [a23] Page 22, ligne 28.--_Rsistance l'Empereur..._
+
+Dans le livre des _Propos de table_ (p. 397, verso et suiv.) Luther
+parle plus explicitement: Ce n'est point pour la religion que l'on
+combattra. L'Empereur a pris les vchs d'Utrecht et de Lige; il a
+offert au duc de Brunswick de lui laisser prendre Hildesheim. Il est
+affam et altr des biens ecclsiastiques; il les dvore. Nos princes
+ne le souffriront pas; ils voudront manger avec lui. Alors on en
+viendra se prendre aux bonnets. (1530.)
+
+J'ai souvent t interrog par mon gracieux seigneur, sur la question
+de savoir ce que je ferais si un voleur de grand chemin, un meurtrier,
+venait m'attaquer. Je rsisterais, dans l'intrt du prince dont je
+suis sujet et serviteur; je puis tuer le voleur, mettre le couteau
+sur lui, et mme ensuite recevoir les sacremens. Mais si c'est pour
+la parole de Dieu, et comme prdicateur, que l'on m'attaque, je dois
+souffrir et recommander la vengeance Dieu. Aussi je ne prends point
+de couteau en chaire, mais sur la route. Les anabaptistes sont des
+coquins dsesprs, ils ne portent aucune arme et se vantent d'une
+grande patience.
+
+(1536.) Comme je parlais pour la paix, le landgrave de Hesse me
+disait: Seigneur docteur, vous conseillez trs bien; mais quoi? Si nous
+ne suivons pas vos conseils?
+
+(1539.) Luther rpond sur la question du droit de rsistance que,
+selon le droit public, le droit naturel et la raison, la rsistance
+ l'autorit injuste est permise. Il n'y a de difficult que dans le
+domaine de la thologie.
+
+La question n'et pas t difficile rsoudre au temps des aptres,
+car toutes les autorits taient alors paennes et non chrtiennes.
+Mais maintenant que tous les princes sont chrtiens ou prtendent
+l'tre, il est difficile de conclure, car un prince et un chrtien sont
+les plus proches parens.--Qu'un chrtien puisse se dfendre contre
+l'autorit, il y a l matire de grandes rflexions.--... Au fond,
+c'est au pape que j'arrache l'pe, et non l'Empereur.
+
+Il rsume ainsi lui-mme les argumens qu'il et pu adresser aux
+Allemands, s'il et fait une exhortation la rsistance:
+
+1. L'Empereur n'a ni droit ni puissance pour ordonner cela; c'est
+chose certaine, s'il l'ordonne, on ne doit point lui obir. 2. Ce
+n'est pas moi qui excite le trouble, je l'empche et je m'y oppose.
+Qu'ils voient s'ils n'en sont pas les auteurs, lorsqu'ils ordonnent ce
+qui est contre Dieu. 3. Ne badinez pas tant. Si vous faites boire le
+fou (narren Luprian), prenez garde qu'il ne vous crache au visage. Il
+est, d'ailleurs, assez altr, et ne demande pas mieux que de boire
+son sol. 4. Eh bien! vous voulez combattre; courbez vos ttes pour
+recevoir la bndiction. Ayez bon succs! Dieu vous donne joyeuse
+victoire! Moi, docteur Martin Luther, votre aptre, je vous ai parl,
+je vous ai avertis, comme c'tait mon devoir!
+
+Il dit encore ailleurs: Vous mprisez ma doctrine. Vous voulez prendre
+le Luther dans ses paroles, comme faisaient les Pharisiens au Christ.
+Mais si je voulais (je ne le veux point), j'aurais une glose pour
+vous embarrasser; je dirais que cette rsistance n'est point contre
+l'Empereur, mais contre Dieu. D'un autre ct: qu'un politique, un
+citoyen, un sujet, n'est pas un chrtien, que ce n'a pas t la pense
+de Christ de dtruire les droits, la police et le gouvernement du
+monde. Rends Dieu ce qui est Dieu, et Csar ce qui est Csar.
+N'obis point dans ce qui est contre Dieu et sa parole.
+
+Je condamne la rvolte au pril de mon corps, de ma vie, de mon
+honneur et de mes biens. Je voudrais bien vous arrter et vous retenir.
+Si vous commencez, je me tairai et prirai avec vous. Vous irez en
+enfer au nom de tous les diables, et moi au ciel au nom du Christ. Ils
+veulent abuser de notre doctrine, mais ils verront du moins qu'elle
+n'est point errone en soi.
+
+... Tuer un tyran n'est pas chose permise l'homme qui n'est dans
+aucune fonction publique, car le cinquime commandement dit: Tu ne
+dois pas tuer. Mais si je surprends un homme prs de ma femme ou de
+ma fille, quoiqu'il ne soit point un tyran, je pourrai fort bien le
+tuer. _Item_, s'il prend par force celui-ci sa femme, l'autre sa
+fille, au troisime ses terres et ses biens, que les bourgeois et
+sujets s'assemblent, ne sachant plus comment supporter sa violence et
+sa tyrannie, ils pourront le tuer, comme tout autre meurtrier ou voleur
+de grand chemin. (Tischr., p. 397, verso, sqq.)
+
+Le bon et vraiment noble seigneur Gaspard de Kokritz m'a demand, mon
+cher Jean, que je t'crivisse mon jugement sur le cas o Csar voudrait
+faire la guerre nos princes, au sujet de l'vangile. Serait-il alors
+permis aux ntres de rsister et de se dfendre? J'avais dj crit
+mon opinion sur ce sujet, du vivant du duc Jean. Aujourd'hui il est un
+peu tard pour me demander mon avis, puisqu'il a t dcid parmi les
+princes qu'ils peuvent et veulent rsister et se dfendre, et qu'on
+ne s'en tiendra pas mon dire... Ne fortifie pas le bras des impies
+contre nos princes; laisse le champ libre la colre et au jugement de
+Dieu; ils l'ont cherch jusqu' ce jour avec fureur, avec rire et avec
+joie. Cependant intimide les ntres par cet exemple, que les Machabes
+ne suivirent pas ceux qui voulaient se dfendre contre Antiochus, mais
+que dans la simplicit de leur coeur ils se laissrent plutt tuer.
+(8 fvrier 1539.)
+
+Dans son livre _De seculari potestate_, ddi au duc de Saxe, il dit:
+En Misnie, en Bavire et en d'autres lieux, les tyrans ont promulgu
+un dit pour qu'on ait livrer partout aux magistrats les Nouveaux
+Testamens. Si les sujets obissent l'dit, ce n'est pas un livre,
+qu'ils remettent au pril de leur salut, c'est Christ lui-mme qu'ils
+livrent aux mains d'Hrode. Cependant, si on veut les enlever par
+la violence, il faut le souffrir; on ne doit point rsister la
+tmrit.--Les princes sont du monde, et le monde est ennemi de Dieu.
+
+On ne doit pas obir Csar s'il veut faire la guerre notre parti.
+Le Turc n'attaque pas son Alcoran, l'Empereur ne doit pas davantage
+attaquer son vangile. (Cochlus, p. 210.)
+
+
+ [a24] Page 22, ligne 30.--_Voici mon avis..._
+
+L'lecteur avait demand Luther s'il serait permis de rsister
+l'Empereur les armes la main. Luther rpondit ngativement, en
+ajoutant seulement: Si cependant l'Empereur, non content d'tre
+le matre des tats des princes, allait jusqu' exiger d'eux de
+perscuter, de mettre mort, ou de chasser leurs sujets pour la
+cause de l'vangile, les princes convaincus que ce serait agir contre
+la volont de Dieu, devront lui refuser l'obissance; autrement ils
+violeraient leur foi et se rendraient complices du crime. Il suffit
+qu'ils laissent faire l'Empereur, qui aura en rendre compte, et
+qu'ils ne dfendent pas leurs sujets contre lui. Plus loin il dit,
+en parlant de la guerre civile: Quel carnage et quelles lamentations
+couvriraient alors la terre allemande! Un prince devrait mieux aimer
+perdre trois fois ses tats, ou mourir trois fois, que d'tre la cause
+de si horribles bouleversemens, ou seulement d'y consentir. Quelle
+conscience pourrait le supporter! Le diable verrait cela avec plaisir;
+Dieu veuille nous en prserver jamais! (6 mars 1530.)
+
+
+ [a25] Page 26, ligne 8.--_Que l'on m'accuse ou non d'tre trop
+ violent..._
+
+L'lecteur avait rprimand Luther au sujet de deux crits
+(_Avertissement ses chers Allemands_, et _Gloses sur le prtendu
+dit imprial_) qu'il trouvait trop violens. Luther lui rpondit
+(16 avril 1531) qu'il n'avait fait que repousser les attaques plus
+violentes encore de ses ennemis, et qu'il serait injuste de lui imposer
+silence lorsqu'on laissait tout dire ses adversaires... Il m'a
+t impossible de me taire plus long-temps dans cette affaire qui me
+concerne plus que tout autre. Si je gardais le silence devant une telle
+condamnation publique de ma doctrine, ne serait-ce pas l'abandonner, la
+renier? Plutt que de le souffrir, je braverais la colre de tous les
+diables, celle du monde entier, sans parler de celle des conseillers
+impriaux.--On dit que mes deux crits sont tranchans et bien affils;
+l'on a raison: je ne les ai pas non plus faits pour tre doux; le seul
+regret que j'aie c'est qu'ils ne soient pas plus tranchans encore. Si
+l'on considre la violence de mes adversaires, l'on sera forc d'avouer
+que j'ai t trop bnin... Tout le monde crie contre nous; l'on
+vocifre les calomnies les plus odieuses; et moi, pauvre homme, j'lve
+la voix mon tour, et voil que personne n'aura cri que Luther... En
+somme, tout ce que nous disons et faisons est injuste, quand mme nous
+ressusciterions les morts; tout ce qu'ils font, eux, est juste, quand
+mme ils noieraient l'Allemagne dans les larmes et dans le sang.
+
+
+ [a26] Page 26, ligne 16.--_Eh bien! puisqu'ils sont
+ incorrigibles..... je romps avec eux._ ...
+
+Toujours jusqu' prsent (1534), particulirement la dite
+d'Augsbourg, nous avons humblement offert au pape et aux vques de
+recevoir d'eux la conscration et l'autorit spirituelle, et de les
+aider conserver ce droit; ils nous ont toujours repousss. Et s'il
+arrive un jour, pour la conscration sacerdotale, ce qui est arriv
+pour les indulgences, qui sera la faute. J'ai offert aussi de me
+taire sur les indulgences si l'on voulait se taire sur ce que j'avais
+crit; ils n'ont pas voulu, et aujourd'hui il n'y a plus assez de
+mpris par tout le monde pour les indulgences; indulgences, lettres
+papales, sceaux briss gisent terre. Ainsi disparatra le pouvoir de
+consacrer et le chrme et les tonsures, de sorte qu'on ne reconnatra
+plus o est l'vque, o est le prtre. (Cochlus, p. 245, extrait du
+_De angulari miss_, Luth., op. lat., VII, p. 220.)
+
+
+ [a27] Page 28, ligne 3.--_Anabaptistes._
+
+Il y avait dj long-temps qu'ils remuaient en Allemagne. Nous avons
+ici une nouvelle espce de prophtes, venus d'Anvers, qui prtendent
+que l'Esprit saint n'est autre chose que le gnie et la raison
+naturelle. (27 mars 1525.)
+
+Il n'y a rien de nouveau, sinon que l'on dit que les anabaptistes
+augmentent et se rpandent de tous cts. (28 dcembre 1527.)
+
+La nouvelle secte des anabaptistes fait d'tonnans progrs; ce sont
+des gens qui mnent une vie d'excellente apparence, et qui meurent avec
+grande audace par l'eau ou par le feu. (31 dcembre 1527.)
+
+Il y a beaucoup de troubles en Bavire.... il ne me semble pas
+propos que tu les livres aux magistrats; ils se livreront eux-mmes, et
+alors le conseil les bannira de la ville. Je vois partout la tradition
+de Mnzer, sur la perdition future des impies et le rgne des justes
+sur la terre. C'est ce que prophtise Cellarius dans un livre qu'il
+vient de publier; cet esprit est un esprit de rvolte. (27 janvier
+1528.)
+
+Le 12 mai 1528 il crit Link: Tu as vu, je pense, mon
+_Antischwermerum_ et ma dissertation sur la bigamie des vques. Le
+courage des anabaptistes mourans, ressemble celui des donatistes
+dont parle Augustin, ou la fureur des juifs dans Jrusalem dvaste.
+Les saints martyrs, comme notre Lonard Keiser, meurent avec crainte,
+humilit, et en priant pour leurs bourreaux; l'opinitret de ceux-ci
+au contraire, lorsqu'ils vont la mort, semble augmenter avec
+l'indignation de leurs ennemis.
+
+
+ [a28] Page 51, ligne 2.--_Excution..._
+
+_Extrait d'un ancien livre de chant des anabaptistes._ Les paroles
+d'Algrius sont des miracles: Ici, dit-il, les autres gmissent et
+pleurent, et moi j'y ressens de la joie. Dans ma prison, l'arme du
+ciel m'apparat; je ne sais combien de martyrs habitent avec moi tous
+les jours. Dans la joie, dans les dlices, dans l'extase de la grce,
+je vois le Seigneur sur son trne.
+
+Mais ta patrie, lui disaient-ils, tes amis, tes parens, ta profession,
+peux-tu les quitter volontiers? Il dit aux envoys: Nul homme ne me
+bannit de ma patrie; elle est aux pieds du trne cleste, l o mes
+ennemis deviendront mes amis pour chanter le mme cantique.
+
+Mdecins, artistes, ouvriers, ne peuvent ici-bas russir; qui ne
+reconnat la force de Dieu, n'a qu'une force aveugle. Les juges
+furieux le menacrent du feu. Dans la puissance des flammes, dit
+Algrius, vous reconnatrez la mienne. (Wunderhorn, t. I.)
+
+
+ [a29] Page 55.--_Fin du chapitre..._
+
+Les passages suivans de Ruchat (Rformation de la Suisse), font bien
+connatre le bizarre enthousiasme des anabaptistes. L'an 1529, neuf
+anabaptistes furent saisis Ble, et mis en prison. On les fit venir
+devant le snat, et on appela aussi les ministres pour confrer avec
+eux. D'abord OEcolampade leur expliqua en deux mots le symbole des
+aptres et celui de saint _Athanase_, et leur reprsenta que c'tait
+l la vritable et indubitable foi chrtienne, que Jsus-Christ et ses
+aptres avaient prche. Ensuite le bourgmeistre, Adelbert Meyer, dit
+aux anabaptistes, qu'ils venaient d'entendre une bonne explication de
+la foi chrtienne, et que, puisqu'ils se plaignaient des ministres,
+ils devaient prsentement parler coeur ouvert et exposer hardiment
+ce qui leur faisait de la peine. Mais il n'y en eut pas un seul qui
+lui rpondt un mot, ils se contentrent de se regarder les uns les
+autres. Alors le premier huissier de la chambre dit l'un d'eux,
+qui tait tourneur de sa profession: D'o vient que tu ne parles
+pas prsentement, aprs avoir tant jas ailleurs, dans la rue, dans
+les boutiques, et dans la prison? Comme ils gardaient encore le
+silence, Marc Hedelin, chef des tribus, s'adressa au principal de ces
+gens-l, et lui dit: Que rponds-tu, frre, ce qui t'a t propos?
+L'anabaptiste lui rpondit: Je ne vous reconnais point pour frre.
+Comment? lui dit ce seigneur. Parce, dit l'autre, que vous n'tes
+point chrtien. Amendez-vous premirement, corrigez-vous, et quittez la
+magistrature. En quoi penses-tu donc, lui dit Hedelin, que je pche
+tant? Vous le savez bien, lui rpondit l'anabaptiste.
+
+Le bourgmeistre prit la parole, lui ordonna de rpondre avec modestie
+et avec douceur, et le pressa vivement de parler sur la question dont
+il s'agissait. Sur quoi il rpondit: Qu'il ne croyait pas qu'un
+chrtien pt tre dans une magistrature mondaine, parce que celui qui
+combat avec l'pe, prira par l'pe: Que le baptme des enfans est du
+diable, et une invention du pape; on doit baptiser les adultes, et non
+les petits enfans, selon l'ordre de Jsus-Christ.
+
+OEcolampade entreprit de le rfuter, avec toute la douceur possible,
+et de lui faire voir, que les passages qu'il avait cits, avaient un
+autre sens, comme tous les anciens docteurs en faisaient foi. Mes
+chers amis, dit-il, vous n'entendez pas l'criture sainte et vous
+la maniez fort grossirement. Et comme il allait leur montrer le
+vritable sens de ces passages, l'un d'entre eux, qui tait meunier,
+l'interrompit, le traitant de sducteur, qui caquetait beaucoup,
+et dit: Que ce qu'il avait l allgu contre eux, ne faisait rien
+au sujet. Qu'ils avaient entre les mains la pure et propre parole
+de Dieu, et qu'ils voulaient s'y attacher toute leur vie, que le
+Saint-Esprit parlait maintenant par lui. Il s'excusait en mme temps
+de ne pas parler loquemment, disant qu'il n'avait pas tudi, qu'il
+n'avait t dans aucune universit, et que ds sa jeunesse il avait ha
+la sagesse humaine, qui est pleine de tromperies. Qu'il connaissait
+bien la ruse des scribes, qui cherchaient perptuellement offusquer
+les yeux des simples. Aprs quoi il se mit crier et pleurer,
+disant: Qu'aprs avoir ou la parole de Dieu, il avait renonc sa
+vie drgle; et que maintenant que par le baptme il avait reu le
+pardon de ses pchs, il tait perscut de chacun, au lieu que dans
+le temps qu'il tait plong dans toutes sortes de vices, personne ne
+l'avait chti, ni mis en prison, comme on faisait prsentement. Qu'on
+l'avait enferm dans la tour, comme un meurtrier; quel tait donc son
+crime? etc. La confrence ayant dur jusqu' l'heure du dner, le snat
+se leva.
+
+Aprs dner, le snat s'tant rassembl, les ministres entrrent en
+confrence avec les anabaptistes, au sujet de la magistrature. Et
+comme l'un d'eux eut donn des rponses assez satisfaisantes sur les
+questions qu'on lui avait proposes, cela fit chagrin aux autres,
+de ce qu'il n'tait pas ferme dans leur doctrine. C'est pourquoi
+ils l'interrompirent. Laisse-nous parler, lui dirent-ils, nous qui
+entendons mieux l'criture; nous pourrons mieux rpondre sur ces
+articles, que toi, qui es encore un novice, et qui n'es pas capable de
+dfendre notre foi contre les renards. Alors le tourneur entrant en
+dispute, soutint que saint Paul (_Rom. XIII_) parlant des puissances
+suprieures, n'entend point les magistrats, mais les suprieurs
+ecclsiastiques. OEcolampade lui nia cela, et lui demanda en quel
+endroit de la Bible il le trouvait, et comment il le prouverait?
+L'autre lui dit: Feuilletez aussi tout l'Ancien et le Nouveau
+Testament, et vous y trouverez que vous devez recevoir une pension;
+vous avez meilleur temps que moi, qui suis oblig de me nourrir du
+travail de mes mains, pour n'tre charge personne. Cette saillie
+fit un peu rire les assistans. OEcolampade leur dit: Messieurs, il
+n'est pas temps maintenant de rire: si je reois de l'glise mon
+entretien et ma nourriture, je puis prouver par l'criture, que cela
+est raisonnable: ainsi ce sont l des discours sditieux. Priez plutt
+pour la gloire du Seigneur, afin que Dieu amollisse leurs coeurs
+endurcis et les claire.
+
+Aprs plusieurs autres discours, comme le temps de se lever
+approchait, il y en eut un, qui n'avait rien dit de tout le jour,
+qui se mit hurler et pleurer. Le dernier jour est la porte,
+disait-il, amendez-vous, la cogne est dj mise l'arbre; ne
+noircissez donc pas notre doctrine sur le baptme. Je vous en prie,
+pour l'amour de Jsus-Christ, ne perscutez pas les gens de bien.
+Certainement le juste juge viendra bientt, et fera prir tous les
+mchans.
+
+Le bourgmeistre l'interrompit pour lui dire qu'on n'avait pas besoin
+de cette lamentation; qu'il devait raisonner sur les articles dont il
+tait question. Il voulut continuer sur le mme ton, mais on ne le lui
+permit pas. Enfin le bourgmeistre justifia la conduite du snat,
+l'gard des anabaptistes: il reprsenta qu'on les avait arrts, non
+pas cause de l'vangile, ni cause de leur bonne conduite, mais
+cause de leurs drglemens, de leur parjure et de leur sdition. Que
+l'un d'eux avait commis un meurtre; un autre avait enseign qu'on ne
+doit point payer les dmes: un troisime avait excit des troubles,
+etc. Que c'tait pour ces crimes qu'on les avait saisis, jusqu' ce
+qu'on et dcid quel traitement on leur ferait, etc.
+
+Dans ce moment, l'un d'entre eux se mit crier: Mes frres, ne
+rsistez point au mchant. Quand mme l'ennemi serait devant votre
+porte, ne la fermez pas. Laissez-les venir, ils ne peuvent rien faire
+contre nous, sans la volont du Pre, puisque nos cheveux sont compts.
+Je dis bien plus: il ne faut pas mme rsister un brigand dans un
+bois. Ne croyez-vous pas que Dieu ait soin de vous? On lui imposa
+silence. (Ruchat, _Rforme suisse_, II, p. 498.)
+
+_Autre dispute._--Le ministre zwinglien leur parla amiablement et
+avec douceur, leur remontrant que, s'ils enseignaient la vrit, ils
+avaient tort de se sparer de l'glise, et de prcher dans les bois,
+et dans d'autres lieux carts. Ensuite il leur exposa en peu de mots
+la doctrine de l'glise. Un des anabaptistes l'interrompit, pour lui
+dire: Nous avons reu le Saint-Esprit par le baptme, nous n'avons
+pas besoin d'instruction. Un des seigneurs dputs leur dit: Nous
+avons ordre de vous dire, qu'on veut bien vous laisser aller sans autre
+chtiment, pourvu que vous quittiez le pays et que vous promettiez
+de n'y plus revenir, moins que vous ne vous amendiez. L'un des
+anabaptistes lui rpondit: Quel ordre est-ce-l? le magistrat n'est
+point matre de la terre pour nous ordonner de sortir ou d'aller
+ailleurs. Dieu a dit: Habite le pays. Je veux obir ce commandement,
+et demeurer dans le pays o je suis n, o j'ai t lev, et personne
+n'a le droit de s'y opposer. Mais on lui fit bientt prouver le
+contraire. (Ruchat, t. III, p. 102.)
+
+On vit Ble un anabaptiste nomm _Conrad in Gassen_, qui profrait
+des blasphmes tranges, par exemple: Que Jsus-Christ n'tait point
+notre Rdempteur; qu'il n'tait point Dieu, et qu'il n'tait point
+n d'une Vierge. Il ne faisait aucun cas de la prire, et comme on
+lui reprsentait que Jsus-Christ avait pri sur la montagne des
+Oliviers, il rpondait avec une brutale insolence: Qui est-ce qui l'a
+ou? Comme il tait incorrigible, il fut condamn avoir la tte
+tranche.--Cet impie fanatique me fait souvenir d'un autre de nos
+jours, qui a sduit certaines personnes de notre voisinage, il y a
+quelques annes, en leur persuadant qu'il ne fallait user ni de pain
+ni de vin. Et comme on lui objectait un jour Genve, que le premier
+miracle de Jsus-Christ avait t de changer l'eau en vin, il rpondit:
+Que Jsus-Christ tait encore jeune dans ce temps-l, et que c'tait
+une petite faute qu'il fallait lui pardonner. (Ruchat, _Rforme
+suisse_, t. III, p. 104.)
+
+La Rforme, ne dans la Saxe, avait promptement gagn les bords du
+Rhin, et tait alle, remontant le fleuve, s'associer dans la Suisse au
+rationalisme vaudois; elle osa mme passer dans la catholique Italie.
+Mlanchton, qui entretenait correspondance habituelle avec Bembo et
+Sadolet, tous deux secrtaires apostoliques, fut d'abord beaucoup plus
+connu que Luther des rudits italiens. C'est lui qu'on rapportait la
+gloire des premires attaques contre Rome. Mais la rputation de Luther
+grandissant avec l'importance de sa rforme, il apparut bientt aux
+Italiens comme le chef du parti protestant. C'est ce titre qu'Altieri
+lui crit en 1542 au nom des glises protestantes du nord-est de
+l'Italie:
+
+Au trs excellent et trs intgre docteur et matre dans les saintes
+critures, le seigneur Martin Luther, notre chef (princeps) et notre
+frre en Christ, les frres de l'glise de Venise, Vicence et Trvise.
+
+Nous avouons humblement notre faute et notre ingratitude, pour avoir
+tard si long-temps reconnatre ce que nous te devions toi qui nous
+as ouvert la voie du salut... Nous sommes exposs toute la rage de
+l'Antichrist, et sa cruaut augmente de jour en jour contre les lus
+de Dieu... Errans, disperss, nous attendons que vienne le fort du
+Seigneur... Vous que Dieu a plac la garde de son troupeau, jusqu'
+sa venue, veillez, nous vous en supplions, chassez les loups qui nous
+dvorent... Sollicitez les srnissimes princes de l'Allemagne qui
+suivent l'vangile, d'crire pour nous au snat de Venise, afin de
+modrer et de suspendre les mesures violentes que l'on prend contre le
+troupeau du Seigneur, la suggestion des ministres du pape.... Vous
+savez quel accroissement ont pris ici vos glises; combien est large
+la porte ouverte l'vangile... travaillez donc encore pour la cause
+commune. (Seckendorf, lib. III, p. 401.)
+
+Charles-Quint contribua lui-mme rpandre dans la pninsule le nom et
+les doctrines de Luther, en appelant sans cesse dans cette contre de
+nouvelles bandes de landsknechts, parmi lesquels se trouvaient beaucoup
+de protestans. On sait que George Frundsberg, le chef des troupes
+allemandes du conntable de Bourbon, jurait d'trangler le pape avec la
+chane d'or qu'il portait au cou.--L'auteur d'une histoire luthrienne
+rapporte qu'un de ces Allemands se vantait de manger bientt un morceau
+du pape (_ut ex corpore pap frustum devoret_). Il ajoute qu'aprs
+la prise de Rome plusieurs hommes d'armes changrent une chapelle en
+curie, et firent des bulles du pape une litire pour leurs chevaux,
+puis, se revtant d'habits sacerdotaux, ils proclamrent pape un
+landsknecht qui, dans son consistoire, dclara faire abandon de la
+papaut Luther. (Cochlus, p. 156).--Luther fut mme solennellement
+proclam. Un certain nombre de soldats allemands s'assemblrent un
+jour dans les rues de Rome, monts sur des chevaux et des mules. Un
+d'eux, nomm Grunwald, remarquable par sa taille, s'habilla comme le
+pape, se mit sur la tte une triple couronne, et monta sur une mule
+richement caparaonne; d'autres s'taient habills en cardinaux, avec
+une mitre sur la tte, et vtus d'carlate ou de blanc, suivant les
+personnages qu'ils reprsentaient. Ils se mirent ainsi en marche au
+bruit des tambours et des fifres, entours d'une foule innombrable,
+et avec toute la pompe usite dans les processions pontificales.
+Lorsqu'ils passaient devant quelques maisons o se trouvait un
+cardinal, Grunwald bnissait le peuple. Il descendit ensuite de sa
+mule, et les soldats, le plaant sur un sige, le portrent sur leurs
+paules. Arriv au chteau Saint-Ange, il prend alors une large coupe
+et boit la sant de Clment, et ceux qui l'environnent suivent son
+exemple. Il prte ensuite serment ses cardinaux, et ajoute qu'il les
+engage rendre hommage l'Empereur comme leur lgitime et unique
+souverain; il leur fait promettre qu'ils ne troubleront plus la paix
+de l'Empire par leurs intrigues, mais que, suivant les prceptes de
+l'criture et l'exemple de Jsus-Christ et des aptres, ils demeureront
+soumis au pouvoir civil. Aprs une harangue dans laquelle il rcapitula
+les guerres, les parricides et les sacrilges des papes, le prtendu
+pontife promit solennellement de transfrer, par voie de testament,
+son autorit et sa puissance Martin Luther. Lui seul, disait-il,
+pouvait abolir tous ces abus et rparer la barque de saint Pierre, de
+sorte qu'elle ne ft plus le jouet des vents et des flots. levant
+alors la voix, il dit aux assistans: Que tous ceux qui sont de cet
+avis, le fassent connatre en levant la main. Aussitt la multitude
+des soldats leva la main en s'criant: _Vive le pape Luther!_ Toute
+cette scne se passait sous les yeux de Clment VII. (Macree, Rf. en
+Italie, p. 66-7.)
+
+Les ouvrages de Zwingli tant crits en langue latine, circulaient plus
+facilement en Italie que ceux des rformateurs du nord de l'Allemagne,
+qui n'crivaient point toujours dans la langue savante et universelle.
+Cette circonstance est sans doute une des causes du caractre que prit
+la rforme italienne, particulirement dans l'acadmie de Vicence,
+o naquit le socinianisme. Cependant les livres de Luther passrent
+de bonne heure les Alpes. Le 14 fvrier 1519, le premier magistrat
+lui crit: Blaise Salmonius, libraire de Leipzig, m'a prsent
+quelques-uns de vos traits; comme ils ont eu l'approbation des
+savans, je les ai livrs l'impression, et j'en ai envoy six cents
+exemplaires en France et en Espagne. Ils se vendent Paris, et mes
+amis m'assurent que mme, dans la Sorbonne, il y a des gens qui les
+lisent et les approuvent. Des savans de ce pays dsiraient aussi depuis
+long-temps voir traiter la thologie avec indpendance. Calvi, libraire
+de Pavie, s'est charg de faire passer une grande partie de l'dition
+en Italie. Il nous promet mme un envoi de toutes les pigrammes
+composes en votre honneur par les savans de son pays. Telle est la
+faveur que votre courage et votre habilet ont attire sur vous et sur
+la cause de Christ.
+
+Le 19 septembre 1520, Burchard Schenk crit de Venise Spalatin:
+J'ai lu ce que vous me mandez du seigneur Martin Luther; il y a dj
+long-temps que sa rputation est arrive jusqu' nous, mais on dit par
+la ville qu'il se garde du pape! Il y a deux mois, dix de ses livres
+furent apports dans notre ville, et aussitt vendus... Que Dieu le
+conduise dans la voie de la vrit et de la charit. (Seckendorf, p.
+115.)
+
+Quelques ouvrages de Luther pntrrent mme dans Rome, et jusque
+dans le Vatican, sous la sauve-garde de quelque pieux personnage
+dont le nom remplaait en tte du livre celui de l'auteur hrtique.
+C'est ainsi que plusieurs cardinaux eurent se repentir d'avoir lou
+hautement le _Commentaire sur l'ptre aux Romains_, et le _Trait sur
+la justification_ d'un certain cardinal Fregoso, qui n'tait autre que
+Luther. Il en advint de mme pour les _Lieux communs_ de Mlanchton.
+(Maccree, Rforme italienne, p. 39.)
+
+Je m'occupe, dit Bucer dans une lettre Zwingli, d'une interprtation
+des psaumes. Les instances de nos frres de la France et de l'Allemagne
+intrieure, me dcident les publier sous un nom tranger, afin
+que les libraires puissent les vendre. Car c'est un crime capital
+d'introduire dans ces deux pays des livres qui portent nos noms. Je me
+donnerai donc pour un Franais, et je ferai paratre mon livre sous le
+nom d'Aretius Felinus.--Il ddia ce livre au Dauphin. (Lugduni
+iii idus julii anno MDXXIX.)
+
+
+ [a30] Page 56, ligne 5.--_Les catholiques et les protestans
+ runis un instant contre les anabaptistes..._
+
+Pour repousser les reproches des catholiques qui attribuaient aux
+prdicateurs protestans la rvolte des anabaptistes, les Rforms
+de toutes les sectes cherchrent encore une fois se runir. Une
+confrence eut lieu Wittemberg (1536). Bucer, Capiton et plusieurs
+autres s'y rendirent au mois de mai, pour confrer avec les thologiens
+saxons. La confrence dura du 22 au 25, jour o fut signe la _Formule
+de concorde_ rdige par Mlanchton. Le 28, Luther et Bucer prchrent
+ Wittemberg, et proclamrent l'union qui venait de se conclure entre
+les deux partis. (Ukert, I, 307.)
+
+Avant de signer la formule de concorde, Luther voulut qu'elle ft
+approuve explicitement par les rforms de la Suisse, de peur,
+dit-il, que par des rticences, cette _Concorde_ ne donne lieu dans la
+suite des discordes encore plus fcheuses. (janvier 1535.) Cette
+approbation fut donne. Les Suisses, crit-il au duc Albert de Prusse,
+les Suisses, qui jusqu'ici n'taient pas d'accord avec nous sur la
+question du saint Sacrement, sont en bon chemin; Dieu veuille ne pas
+nous abandonner! Ble, Strasbourg, Augsbourg, Berne et plusieurs autres
+villes, se sont ranges de notre ct. Nous les recevons comme frres,
+et nous esprons que Dieu finira le scandale, non pas cause de nous,
+car nous ne l'avons pas mrit, mais pour glorifier son nom et faire
+dpit cet abominable pape. La nouvelle a beaucoup effray ceux de
+Rome. Ils sont dans la terreur et n'osent assembler un concile. (6 mai
+1538.)
+
+Dans le mme temps, des ngociations taient entames avec Henri,
+duc de Brunswick, pour le rattacher aux doctrines luthriennes, mais
+elles restrent sans rsultat.--Le 23 octobre 1539, Luther crivit
+ l'lecteur pour lui annoncer que les ngociations avec les envoys
+du roi d'Angleterre taient galement infructueuses. La lettre est
+signe de Luther, de Mlanchton, et de plusieurs autres thologiens de
+Wittemberg.
+
+
+ [a31] Page 57, ligne 25.--_Les armes seules pouvaient
+ dcider..._
+
+Le docteur Jean Pommer m'a dit une fois qu' Lubeck, dans la maison
+de ville, on avait trouv dans une vieille chronique, une prophtie
+d'aprs laquelle en l'an 1550, il s'lverait dans l'Allemagne un grand
+tumulte cause de la religion; et que, lorsque l'Empereur s'en serait
+ml, il perdrait tout ce qu'il avait. Mais je ne crois point que
+l'Empereur commence la guerre pour la cause du pape; la guerre cote
+trop d'argent.
+
+L'diteur Aurifaber ajoute que Charles-Quint, dans sa retraite de
+Saint-Just, avait fait tendre les murs d'une vingtaine de tapisseries
+qui reprsentaient les principales actions de son rgne; qu'il aimait
+ se promener en les regardant, et que, lorsqu'il s'arrtait devant
+celle qui reprsentait la prise de l'lecteur de Saxe Muhlberg, il
+soupirait et disait: Si je l'eusse laiss tel qu'il tait, je serais
+rest tel que j'tais. (Tischred., p. 6.)--Ce mot que l'diteur a
+l'air de ne pas comprendre, peut-tre dessein, est fort raisonnable;
+car rien ne fut plus funeste Charles-Quint que d'avoir donn
+l'lectorat au jeune Maurice.
+
+
+ [a32] Page 58, ligne 7.--_Ratisbonne..._
+
+Je veux devancer tes lettres et te prdire ce qui se passe
+Ratisbonne mme. Tu as t appel par l'Empereur, il t'a dit de songer
+aux conditions de la paix. Toi, tu lui as rpondu en latin, tu as
+fait tout ce que tu as pu, mais tu es rest au-dessous d'un si grand
+sujet. Eck, selon son habitude, a vocifr: Trs gracieux Empereur, je
+prtends prouver que nous avons raison et que le pape est la tte de
+l'glise. Voil votre histoire. (25 juin 1541.)
+
+
+ [a33] Page 59, ligne 3.--_Notre prince... accourut avec
+ Pontanus et tous deux arrangrent la rponse leur faon..._
+
+La cour cherchait exercer une sorte de contrle, de haute
+surveillance sur les ouvrages mme de Luther. En 1531, il avait crit
+un livre intitul: _Contre l'hypocrite de Dresde_, sans en avoir fait
+part l'lecteur; il lui fallut s'en excuser auprs du chancelier
+Brck.
+
+... Si mes petits ouvrages, dit-il, taient envoys la cour, avant
+de paratre, ils y rencontreraient tant de critiques et de censures
+qu'ils ne paratraient jamais, et, s'ils paraissaient, nos ennemis
+souponneraient chaque fois une foule de gens d'y avoir pris part.
+De cette manire, l'on sait et l'on voit qu'ils sont tout uniment de
+Luther; et c'est lui seul de s'en justifier.
+
+Dans une autre circonstance plus srieuse, il eut encore lutter
+contre l'intervention de la cour. Albert, archevque de Mayence, avait
+fait mettre mort l'un de ses officiers, nomm Schanz, contrairement
+aux lois, et en croire la voix publique, par haine personnelle.
+Luther lui adressa cette occasion deux lettres pleines d'indignation.
+Il commenait ainsi la premire (31 juillet 1535): Je ne vous cris
+plus, cardinal, dans l'espoir de changer votre coeur profondment
+perverti. C'est une pense laquelle j'ai renonc. Je vous cris
+pour satisfaire ma conscience devant Dieu et les hommes, et ne
+pas approuver, par mon silence, l'acte horrible que vous venez de
+commettre. Dans ce qui suit, il l'appelle cardinal d'enfer, et le
+menace du bourreau ternel qui viendra lui demander compte du sang
+vers. Dans la seconde lettre (mars 1536), il dit: L'crit ci-joint
+vous fera voir que le sang de Schanz ne se tait pas en Allemagne comme
+dans les appartemens de votre Grce lectorale, au milieu de vos
+courtisans. Abel vit en Dieu et son sang crie contre les meurtriers!...
+J'ai reconnu par la lettre de votre Grce Antoine Schanz que vous
+allez jusqu' accuser sa famille d'tre cause de sa mort. J'ai vu et
+entendu raconter mainte sclratesse de cardinal, mais je n'aurais
+jamais cru que vous fussiez une si cruelle et impudente vipre pour
+railler encore les malheureux, aprs cette abominable, cette infernale
+action!... J'ai recueilli les derniers cris de Schanz, au moment de sa
+dtresse, ses dernires protestations contre la violence, lorsque votre
+Saintet lui fit arracher les dents pour tirer de lui un faux aveu;
+je publierai ces paroles, et Dieu aidant, votre Saintet dansera une
+danse qu'elle n'a jamais danse!... Si Can sait dire: _Suis-je fait
+pour garder mon frre?_ Dieu sait aussi lui rpondre: _Sois maudit sur
+la terre..._ Je vous recommande Dieu, dit-il la fin de la lettre,
+si toutefois le chapeau de sang (le chapeau rouge de cardinal) vous
+laisse dsirer de lui tre recommand.
+
+L'lecteur de Saxe et le duc Albert de Prusse, parens du cardinal,
+trouvrent trop violent l'crit dont Luther parlait dans cette lettre.
+Ils lui firent dire qu'il attaquait l'honneur de la famille dans la
+personne de l'archevque, et lui commandrent d'user de mnagemens.
+Luther n'en publia pas moins son crit quelque temps aprs.
+
+
+ [a34] Page 59, ligne 18.--_Ils regardent toute cette affaire
+ comme une comdie..._
+
+Ds le commencement des confrences, Luther avait prvu qu'elles ne
+mneraient rien. Il se dfiait mme de la fermet de Bucer et du
+landgrave de Hesse. Il dit dans une lettre au chancelier Brck: Je
+crains que le Landgrave ne se laisse entraner trop loin par les
+papistes, et qu'il ne veuille nous entraner avec lui. Mais il nous a
+dj suffisamment tiraills et je ne me laisserai plus mener par lui.
+Je reprendrais plutt tout le fardeau sur mes paules, et je marcherais
+seul, mes risques et prils, comme dans le commencement. Nous savons
+que c'est la cause de Dieu; c'est lui qui nous a suscits, qui nous a
+conduits jusqu'ici, il saura bien faire triompher sa cause. Ceux qui ne
+voudront pas nous suivre, n'ont qu' rester en arrire. Ni l'Empereur,
+ni le Turc, ni tous les Dmons ensemble, ne pourront rien contre cette
+cause, quoi qu'il en puisse advenir de nous et de ce corps mortel.--Je
+m'indigne qu'ils traitent ces affaires comme des affaires mondaines,
+des affaires d'Empereur, de Turcs, de princes, dans lesquelles on
+puisse transiger volont, avancer ou reculer. C'est une cause dans
+laquelle Dieu et Satan combattent avec tous leurs anges. Ceux qui ne le
+croient pas, ne peuvent pas la dfendre. (avril 1541.)
+
+
+ [a35] Page 59, ligne 24.--_Je suis indign qu'on se joue ainsi
+ de si grandes choses..._
+
+Je vais Haguenau; je verrai de prs ce formidable Syrien, ce
+Behemoth dont se rit, au psaume II, l'habitant du ciel... Mais ils ne
+comprendront point ce rire, jusqu'au moment o finira ce chant funbre:
+Vous prirez dans la route, quand se lvera sa colre, parce qu'ils
+ont refus un baiser au Fils (peribitis in vi, cum exarserit
+ira ejus, quia Filium nolunt osculari).--Amen, amen, que cela
+arrive. Ils l'ont mrit, ils l'ont voulu. (2 juillet 1540.)
+
+
+ [a36] Page 64, ligne 15.--_Fait Wittemberg..._
+
+On trouve dans les _Propos de table_, p. 320:
+
+Le mariage secret des princes et des grands seigneurs est un vrai
+mariage, devant Dieu; il n'est pas sans analogie avec le concubinat
+des patriarches. (Ceci expliquerait la consultation en faveur du
+Landgrave.)
+
+
+ [a37] Page 65, ligne 19.--_Depuis cette poque, les lettres de
+ Luther, comme celles de Mlanchton, sont pleines de dgot et
+ de tristesse._
+
+L'ingratitude des hommes, c'est le cachet d'une bonne oeuvre; si nos
+efforts plaisaient au monde, coup sr ils ne seraient point agrables
+ Dieu. (6 aot 1539.)
+
+La tristesse et la mlancolie viennent de Satan; c'est pour moi une
+chose sre. Dieu n'afflige, ni n'effraie, ni ne tue; il est le Dieu
+des vivans. Il a envoy son fils unique, pour que nous vivions par
+lui, pour qu'il surmonte la mort. C'est pourquoi l'criture dit: Soyez
+contens et joyeux, etc. (Tischreden, p. 205, verso.)
+
+_Sur la tristesse._--Vous ne pouvez empcher, disait un sage, que les
+oiseaux ne volent au-dessus de votre tte; mais vous empcherez qu'ils
+ne fassent leurs nids dans vos cheveux. (19 juin 1530.)
+
+Jean de Stockhausen avait demand Luther des remdes contre les
+tentations spirituelles et la mlancolie. Luther lui conseilla dans
+une lettre d'viter la solitude et de fortifier sa volont par une vie
+active, laborieuse. Il lui recommanda, outre la prire, la lecture du
+livre de Gerson: _De cogitationibus blasphemi_. (27 novembre 1532.)
+
+Il donna des conseils semblables au jeune prince Joachim d'Anhalt,
+La gat, dit-il, et le bon courage (en tout bien et tout honneur)
+sont la meilleure mdecine des jeunes gens, disons mieux, de tous les
+hommes. Moi-mme qui ai pass ma vie dans la tristesse et les penses
+sombres, j'accepte aujourd'hui la joie partout o elle se prsente,
+je la recherche mme. La joie criminelle vient de Satan, il est vrai,
+mais la joie qu'on trouve dans le commerce d'hommes honntes et pieux,
+celle-l plat au Seigneur..... Montez cheval, allez la chasse avec
+vos amis, amusez-vous avec eux. La solitude et la mlancolie sont un
+poison; c'est la mort des hommes, et surtout des hommes jeunes. (26
+juin 1534.)
+
+Mlanchton raconta un jour la table de Luther la fable suivante:
+Un paysan traversant une fort, rencontra une caverne o se trouvait
+un serpent. Une grande pierre roule devant, empchait l'animal d'en
+sortir. Il supplia le paysan d'enlever la pierre, lui promettant la
+plus belle rcompense. Le paysan se laissa tenter, dlivra le serpent,
+et lui demanda le prix de sa peine. A quoi le serpent rpondit qu'il
+allait lui donner la rcompense que le monde donne ses bienfaiteurs,
+qu'il allait le tuer. Tout ce que le paysan put obtenir par ses
+supplications, fut qu'ils remettraient leur diffrend au jugement du
+premier animal qu'ils rencontreraient. Ce fut d'abord un vieux cheval
+qui n'avait plus que la peau et les os. Pour toute rponse, il dit:
+J'ai consum tout ce que j'avais de force au service de l'homme; pour
+rcompense, il va me tuer, m'corcher. Ils rencontrrent ensuite un
+vieux chien que son matre venait de rouer de coups; ce nouvel arbitre
+donna mme dcision. Le serpent voulait alors tuer son bienfaiteur.
+Celui-ci obtint qu'ils prendraient un nouveau juge, et que la sentence
+de ce dernier serait dcisive. Aprs avoir march quelques pas, ils
+virent venir eux un renard. Ds que le paysan l'aperut, il invoqua
+son secours, et lui promit tous ses poulets, s'il rendait une dcision
+favorable. Le renard ayant entendu les parties, dit qu'avant de
+prononcer, il fallait remettre toutes choses dans leur premier tat;
+que le serpent devait retourner dans la caverne pour entendre le
+jugement. Le serpent consentit, et, ds qu'il y fut, le paysan boucha
+le trou de son mieux. Le renard vint la nuit suivante prendre les
+poulets qui lui taient promis; mais la femme et les valets du paysan
+le turent. Mlanchton ayant fini ce conte, le docteur dit: Voil
+bien l'image de ce qu'on voit dans le monde. Celui que vous avez sauv
+de la potence vous fait pendre. Si je n'avais d'autre exemple, je
+n'aurais qu' penser Jsus-Christ qui, aprs avoir rachet le monde
+entier du pch, de la mort, du diable et de l'enfer, fut crucifi par
+les siens mmes. (Tischreden, p. 56.)
+
+Les plaisanteries, les jeux de mots qui se rencontrent si souvent
+dans les lettres des annes prcdentes, ont disparu dans celles-ci;
+la correspondance de Luther devient triste; c'est peine si on le
+voit sourire une seule fois; le rcit grotesque d'une expdition
+militaire de quelques bourgeois contre des brigands, peut tout au plus
+le drider: Voici encore une nouvelle victoire de Kohlhase (fameux
+brigand dont la vie est raconte dans un curieux roman historique); il
+a pris et enlev un riche meunier. Sitt que nous avons su la chose,
+nous nous sommes courageusement prcipits travers les campagnes,
+pas trop loin cependant de nos murailles, et comme il convient des
+saints Christophes en peinture ou des saints Georges de bois, nous
+avons effray les nues de quelques coups de fusil... Nous avons fait
+transporter dans la ville nos bois, nos arbres, de peur que, la nuit,
+Kohlhase n'en fasse un pont pour passer nos petits fosss. Nous sommes
+tous des Hectors et des Achilles, ne craignant personne, bien que nous
+soyons seuls et sans ennemis.
+
+
+ [a38] Page 67, ligne 25.--_Poison..._
+
+En 1541, un bourgeois de Wittemberg, nomm Clmann Schober, suivit
+Luther l'arquebuse la main, dans l'intention probable de le tuer. Il
+fut arrt et puni. (Ukert I, 323.)
+
+
+ [a39] Page 71, ligne 4.--_Famille..._
+
+_A Marc Cordel._ Comme nous en sommes convenus, mon cher Marc, je
+t'envoie mon fils Jean, afin que tu l'emploies exercer des enfans
+dans la grammaire et la musique, et en mme temps, pour que tu
+surveilles et corriges ses moeurs... Si tes soins prosprent pour ce
+fils, tu en auras, de mon vivant, deux autres... Je suis en travail
+de thologiens, mais je veux enfanter aussi des grammairiens et des
+musiciens. (26 aot 1542.)
+
+Le docteur Jonas avait dit un jour que la maldiction de Dieu sur les
+enfans dsobissans, s'tait accomplie dans la famille de Luther; le
+jeune homme dont il parlait tait toujours malade et souffrant. Le
+docteur Luther ajouta C'est la punition due sa dsobissance. Il
+m'a presque tu une fois, et, depuis ce temps, j'ai perdu toutes les
+forces de mon corps. Grce lui, j'ai compris le passage o saint Paul
+parle des enfans qui tuent leurs parens, non par l'pe, mais par la
+dsobissance. Ils ne vivent gure, et n'ont pas de bonheur... O mon
+Dieu! que le monde est impie, et dans quels temps nous vivons! Ce sont
+les temps dont Jsus-Christ a dit: Quand le fils de l'homme viendra,
+croyez-vous qu'il trouvera de la foi et de la charit? Heureux ceux
+qui meurent avant de voir des temps pareils. (Tischreden, p. 48.)
+
+
+ [a40] Page 71, ligne 4.--_La femme..._
+
+La femme est le plus prcieux des trsors. Elle est pleine de grces
+et de vertus; elle garde la foi.
+
+--Le premier amour est violent, il nous enivre et nous enlve la
+raison. L'ivresse passe, les mes pieuses conservent l'amour honnte;
+les impies n'en conservent rien.
+
+--Mon doux Seigneur! si c'est ta volont sainte que je vive sans
+femme, soutiens-moi contre les tentations; sinon, veuille m'accorder
+une bonne et pieuse jeune fille, avec laquelle je passe doucement
+ma vie, que j'aime et dont je sois aim en retour. (Tischreden, p.
+329-31.)
+
+
+ [a41] Page 71, ligne 8.--_Asseyons-nous sa table..._
+
+Il y tait toujours entour de ses enfans et de ses amis, Mlanchton,
+Jonas, Aurifaber, etc., qui l'avaient soutenu dans ses travaux.
+Une place cette table tait chose envie.--J'aurais volontiers,
+crit-il Gaspard Muller, reu Kgel au nombre de mes pensionnaires,
+pour diffrentes raisons; mais le jeune Porse de Jna allant bientt
+revenir, la table sera pleine, et je ne puis pourtant congdier mes
+anciens et fidles compagnons. Si cependant il se trouve plus tard une
+place vacante, comme cela pourrait arriver aprs Pques, je ferai avec
+plaisir ce que vous dsirez, moins que _le seigneur_ Catherine, ce
+que je ne pense pas, ne veuille nous refuser sa grce. (19 janvier
+1536.) _Dominus Ketha_, c'tait le nom qu'il donnait souvent sa
+femme. Il commence ainsi une lettre qu'il lui crit le 26 juillet 1540:
+A la riche et noble dame de Zeilsdorf[7], madame la _doctoresse_
+Catherine Luther, domicilie Wittemberg, quelquefois se promenant
+Zeilsdorf, ma bien-aime pouse.
+
+ [7] Nom d'un village prs duquel Luther possdait une petite
+ terre.
+
+
+ [a42] Page 77, ligne 8.--_Mariage..._
+
+Le mariage, que l'autorit approuve et qui n'est point contre la
+parole de Dieu, est un bon mariage, quel que soit le degr de parent.
+(Tischreden, page 321.)
+
+Il blmait fort les juristes qui, contre leur propre conscience,
+contre le droit naturel, divin et imprial, maintenaient comme valables
+les promesses secrtes de mariage. On doit laisser chacun s'arranger
+avec sa conscience. On ne peut forcer personne l'amour.
+
+Les dots, prsens de lendemain, biens, hritages, etc., ne regardent
+que l'autorit. Je veux les lui renvoyer, afin qu'elle en charge
+ses gens, ou qu'elle dcide elle-mme. Nous sommes pasteurs des
+consciences, non des corps ou des biens. (Tischreden, p. 315)
+
+Consult dans un cas d'adultre, il dit: On doit les citer et ensuite
+les sparer. De tels cas regardent proprement l'autorit, car le
+mariage est une chose temporelle. Il n'intresse l'glise qu'en ce qui
+touche la conscience. (Tischreden, p. 322.)
+
+L'an 1539, 1er fvrier, il disait: Quoique les affaires relatives aux
+mariages nous obligent tous les jours d'tudier, de lire, de prcher,
+d'crire et de prier, je me rjouis que les consistoires soient
+tablis, surtout pour ce genre d'affaires... On trouve beaucoup de
+parens, particulirement des beaux-pres qui, sans raison, dfendent
+le mariage leurs enfans. L'autorit et les pasteurs doivent y voir,
+et favoriser les mariages, mme contre la volont des parens, selon
+les diverses occurrences... Les enfans doivent citer leurs parens
+l'exemple de Samson. Nous ne sommes plus au temps de la papaut, o
+l'on suivait la loi contre l'quit. (Tischreden, p. 322.)
+
+
+ [a43] Page 81, ligne 12.--_Ma femme et mes petits enfans..._
+
+Durant la dite d'Augsbourg, il crivit son fils Jean: Grce et paix
+ toi, en Jsus-Christ, mon cher petit enfant. Je vois avec plaisir
+que tu apprends bien et que tu pries sans distraction. Continue, mon
+enfant, et, quand je reviendrai la maison, je te rapporterai quelque
+belle chose.
+
+Je sais un beau et riant jardin, tout plein d'enfans en robes d'or,
+qui vont jouant sous les arbres avec de belles pommes, des poires,
+des cerises, des noisettes et des prunes; ils chantent, ils sautent,
+et sont tout joyeux; ils ont aussi de jolis petits chevaux avec des
+brides d'or et des selles d'argent. En passant devant ce jardin, je
+demandais l'homme qui il appartient, quels taient ces enfans? Il
+me rpondit: Ce sont ceux qui aiment prier, apprendre, et qui sont
+pieux. Je lui dis alors: Cher ami, j'ai aussi un enfant, c'est le
+petit Jean Luther; ne pourrait-il pas aussi venir dans ce jardin manger
+de ces belles pommes et de ces belles poires, monter sur ces jolis
+petits chevaux, et jouer avec les autres enfans? L'homme me rpondit:
+S'il est bien sage, s'il prie et apprend volontiers, il pourra aussi
+venir, le petit Philippe et le petit Jacques avec lui; ils trouveront
+ici des fifres, des timbales et autres beaux instrumens pour faire
+de la musique; ils danseront et tireront avec de petites arbaltes.
+En parlant ainsi, l'homme me montra, au milieu du jardin, une belle
+prairie pour danser, o l'on voyait suspendus les fifres, les timbales,
+et les petites arbaltes. Mais il tait encore matin, les enfans
+n'avaient pas dn, et je ne pouvais attendre que la danse comment.
+Je dis alors l'homme: Cher seigneur, je vais vite crire mon cher
+petit Jean, afin qu'il soit bien sage, qu'il prie et qu'il apprenne,
+pour venir aussi dans ce jardin; mais il a une tante Madeleine qu'il
+aime beaucoup, pourra-t-il l'amener avec lui? L'homme me rpondit:
+Oui, ils pourront venir ensemble, faites-le-lui savoir. Sois donc
+bien sage, mon cher enfant; dis Philippe et Jacques de l'tre
+aussi, et vous viendrez tous ensemble jouer dans ce beau jardin.--Je
+te recommande la protection de Dieu. Salue de ma part la tante
+Madeleine, et donne-lui un baiser pour moi. Ton pre qui te chrit.
+Martin LUTHER. (19 juin 1530.)
+
+
+ [a44] Page 84.--_Fin du chapitre..._
+
+Dieu sait tous les mtiers mieux que personne. Comme tailleur, il fait
+au cerf une robe qui lui sert neuf cents ans sans se dchirer. Comme
+cordonnier, il lui donne une chaussure qui dure encore plus long-temps
+que lui. Et ne s'entend-il pas la cuisine, lui qui par le feu du
+soleil fait tout cuire et tout mrir. Si notre Seigneur vendait les
+biens qu'il donne, il en ferait passablement d'argent; mais parce qu'il
+les donne gratis, on n'en tient pas compte. (Tischr., p. 27.)
+
+Ce passage bizarre et un assez grand nombre d'autres, nous montrent
+dans Luther le modle probable d'Abraham de Sancta Clara. Au
+dix-septime sicle, on n'imitait plus que les dfauts de Luther.
+
+
+ [a45] Page 87, ligne 15.--_Le dcalogue..._
+
+Me voil devenu disciple du dcalogue. Je commence comprendre que le
+dcalogue est la dialectique de l'vangile, et l'vangile la rhtorique
+du dcalogue; Christ a tout ce qui est de Mose, mais Mose n'a pas
+tout ce qui est de Christ. (20 juin 1530.)
+
+
+ [a46] Page 88, ligne 9.--_Il y aura un nouveau ciel, une
+ nouvelle terre..._
+
+Le grincement de _dents dont parle l'vangile_, c'est la dernire
+peine qui suivra une mauvaise conscience, la dsolante certitude d'tre
+ jamais spar de Dieu. (Tischr., p. 366.) Ainsi Luther semble avoir
+une ide plus spirituelle de l'enfer que du paradis.
+
+
+ [a47] Page 89, ligne 10.--_Autrefois on faisait des
+ plerinages..._
+
+A Jean de Sternberg, en lui ddiant la traduction du psaume CXVII: ...
+Si je vous ai nomm en tte de ce petit travail, ce n'a pas seulement
+t pour attirer l'attention des gens qui mprisent tout art et tout
+savoir, mais aussi pour tmoigner qu'il y a encore des gens pieux parmi
+la noblesse. La plupart des nobles sont aujourd'hui si insolens et si
+dpravs, qu'ils excitent la colre du pauvre homme... S'ils voulaient
+tre respects, ils devraient avant tout respecter eux-mmes Dieu
+et sa parole. Qu'ils continuent de vivre ainsi dans l'orgueil, dans
+l'insolence, dans le mpris de toute vertu, et ils ne seront bientt
+plus que des paysans; ils le sont dj, quoiqu'ils portent encore le
+nom de nobles et le chapeau plumes... Ils devraient cependant se
+souvenir de Mnzer...
+
+... Je souhaite que ce petit livre, et d'autres qui lui ressemblent,
+touchent votre coeur, et que vous y fassiez un plerinage plus utile au
+salut, que celui que vous avez fait autrefois Jrusalem. Non que je
+mprise ces plerinages; j'en ferais moi-mme bien volontiers, si je
+pouvais, et j'aime toujours en entendre parler; mais je veux dire
+que nous ne les faisions pas dans un bon esprit. Quand j'allai Rome,
+je courus comme un fou travers toutes les glises, tous les couvens;
+je crus tout ce que les imposteurs y avaient jamais invent. J'y dis
+une dizaine de messes, et je regrettais presque que mon pre et ma mre
+fussent encore en vie. J'aurais tant aim les tirer du purgatoire
+par ces messes et autres bonnes oeuvres! On dit Rome ce proverbe:
+Heureuse la mre dont le fils dit la messe la veille de la Saint-Jean!
+Que j'aurais t aise de sauver ma mre!
+
+Nous faisions ainsi, ne sachant pas mieux; le pape tolre ces
+mensonges. Aujourd'hui, Dieu merci, nous avons les vangiles,
+les psaumes, et autres paroles de Dieu; nous pouvons y faire des
+plerinages plus utiles, y visiter et contempler la vritable terre
+promise, la vraie Jrusalem, le vrai paradis. Nous n'y marchons pas sur
+les tombeaux des saints et sur leurs dpouilles mortelles, mais dans
+leurs coeurs, dans leurs penses et leur esprit... (Cobourg, 29 aot
+1530.)
+
+
+ [a48] Page 89, ligne 13.--_Pour visiter les saints._
+
+Les saints ont souvent pch, souvent err. Quelle fureur de
+nous donner toujours leurs actes et leurs paroles pour des rgles
+infaillibles! Qu'ils sachent, ces sophistes insenss, ces pontifes
+ignares, ces prtres impies, ces moines sacrilges, et le pape avec
+toute sa sequelle.... que nous n'avons pas t baptiss au nom
+d'Augustin, de Bernard, de Grgoire, au nom de Pierre ni de Paul, au
+nom de la bienfaisante facult thologique de la Sodome (Sorbonne) de
+Paris, de la Gomorrhe de Louvain, mais au nom du seul Jsus-Christ
+notre matre. (_De abrogand miss privat._ Op. lat. Lutheri, Witt.,
+II, 245.)
+
+Les vritables saints, ce sont toutes les autorits, tous les
+serviteurs de l'glise, tous les parens, tous les enfans qui croient en
+Jsus-Christ, qui ne commettent point de pch, et qui accomplissent,
+chacun dans sa condition, les devoirs que Dieu leur impose.
+(Tischreden, 134, verso.)
+
+Luther croit peu aux lgendes des saints, et dteste surtout celles des
+anachortes. ... Si l'on a fait quelque excs du ct du boire ou du
+manger, on peut l'expier avec le jene et la maladie...
+
+La lgende de saint Christophe est une belle posie chrtienne. Les
+Grecs qui taient des gens doctes, sages et ingnieux, ont voulu
+montrer ce que doit tre un chrtien (_christoforos_, qui porte le
+Christ). Il en est de mme du chevalier saint George. La lgende de
+sainte Catherine est contraire toute l'histoire romaine, etc.
+
+
+ [a49] Page 89, ligne 16.--_Les prophtes._
+
+Je sue sang et eau pour donner les prophtes en langue vulgaire. Bon
+Dieu! quel travail! comme ces crivains juifs ont de la peine parler
+allemand. Ils ne veulent pas abandonner leur hbreu pour notre langue
+barbare. C'est comme si Philomle, perdant sa gracieuse mlodie, tait
+oblige de chanter toujours avec le coucou une mme note monotone.
+(14 juin 1528.)--Il dit ailleurs qu'en traduisant la Bible, il mettait
+souvent plusieurs semaines chercher le sens d'un mot. (Ukert, II, p.
+337.)
+
+A Jean Frdric, duc de Saxe, en lui envoyant sa traduction du prophte
+Daniel. ... Les historiens racontent avec loge que le grand Alexandre
+portait toujours Homre sur lui et le mettait mme la nuit sous sa
+tte: combien serait-il plus juste que le mme honneur, ou un plus
+grand encore, ft rendu Daniel par tous les rois et princes de la
+terre! Ils ne devraient pas le mettre sous leur tte, mais le dposer
+dans leur coeur, car il enseigne des choses bien plus hautes. (fvrier
+ou mars 1530.)
+
+
+ [a50] Page 92, ligne 10.--_Psaumes..._
+
+A l'abb Frdric, de Nuremberg, en lui ddiant la traduction du psaume
+CXVIII: ... C'est mon psaume moi, mon psaume de prdilection. Je
+les aime bien tous; j'aime toute l'criture sainte, qui est toute ma
+consolation et ma vie; cependant je me suis attach particulirement
+ ce psaume, et j'ai en vrit le droit de l'appeler mien. Il a aussi
+bien mrit de moi; il m'a sauv de mainte grande ncessit d'o ni
+Empereur, ni rois, ni sages, ni saints, n'eussent pu me tirer. C'est
+mon ami, qui m'est plus cher que tous les honneurs, toute la puissance
+de la terre. Je ne le donnerais pas en change, si l'on m'offrait tout
+cela.
+
+Mais, dira-t-on, ce psaume est commun tous; personne n'a le droit
+de le dire sien. Oui, mais le Christ est bien aussi commun tous, et
+pourtant le Christ est mien. Je ne suis pas jaloux de ma proprit; je
+voudrais la mettre en commun avec le monde entier... Et plt Dieu que
+tous les hommes revendiquassent ce psaume comme tant eux! Ce serait
+la querelle la plus touchante, la plus agrable Dieu, une querelle
+d'union et de charit parfaite. (Cobourg, 1er juillet 1530.)
+
+
+ [a51] Page 94, ligne 12.--_Des Pres..._
+
+Ds le commencement de l'anne 1519, il crivait Jrme Dngersheim
+une lettre remarquable sur l'importance et l'autorit des Pres de
+l'glise. L'vque de Rome est au-dessus de tous par sa dignit. C'est
+ lui qu'il faut s'adresser dans les cas difficiles et dans les grandes
+ncessits. J'avoue cependant que je ne saurais dfendre contre les
+Grecs cette suprmatie que je lui accorde.
+
+Si je reconnaissais au pape le pouvoir de tout faire dans l'glise,
+je devrais, comme consquence de cette doctrine, traiter d'hrtiques,
+Jrme, Augustin, Athanase, Cyprien, Grgoire et tous les vques
+d'Orient qui ne furent pas tablis par lui ni sous lui. Le concile
+de Nice ne fut pas runi par son autorit; il n'y prsida ni par
+lui-mme, ni par un lgat. Que dirai-je des dcrets de ce concile? Les
+connat-on bien? Sait-on lesquels d'entre eux il faut reconnatre?...
+C'est votre coutume toi et Eck, d'accepter les paroles de tout
+le monde, de modifier l'criture par les Pres, comme s'il fallait
+plutt croire en eux. Pour moi, je fais tout autrement. Comme Augustin
+et saint Bernard, en respectant toutes les autorits, je remonte des
+ruisseaux jusqu'au fleuve qui leur donne naissance.--Suivent plusieurs
+exemples des erreurs dans lesquelles les Pres sont tombs. Luther
+les critique en philologue, montrant qu'ils n'ont pas compris le
+texte hbreu. De combien d'autorits Jrme n'abuse-t-il pas contre
+Jovinien? Augustin contre Plage?--Ainsi Augustin dit que ce verset de
+la Gense: Faisons l'homme notre image, est une preuve de la Trinit,
+mais il y a dans le texte hbreu: Je ferai l'homme, etc.--Le Matre
+des sentences a donn un bien funeste exemple en s'efforant de faire
+accorder les paroles de tous les Pres. Il rsulte de l que nous
+devenons la rise des hrtiques, quand nous nous prsentons devant eux
+avec ces phrases obscures ou double sens. Eck se fait le champion de
+toutes les opinions diverses et contraires. C'est l-dessus que roulera
+notre dispute. (1519.)
+
+--J'admire toujours comment aprs les aptres, Jrme a pu mriter le
+nom de Docteur de l'glise, Origne celui de Matre des glises... On
+ne pourrait faire un seul chrtien avec leurs livres... tant ils sont
+sduits par la pompe des oeuvres. Augustin lui-mme ne vaudrait pas
+davantage, si les Plagiens ne l'avaient rudement exerc, et contraint
+de dfendre la foi. (26 aot 1530.)
+
+--Celui qui a os comparer le monachat au baptme tait compltement
+fou; c'tait plutt une bche qu'une bte. Eh! quoi, crois-tu donc
+Jrme, lorsqu'il parle d'une manire si impie contre Dieu, lorsqu'il
+veut qu'immdiatement aprs soi-mme, ce soient ses parens que l'on
+considre le plus? couteras-tu Jrme, tant de fois dans l'erreur,
+tant de fois dans le pch? croiras-tu un homme enfin, plutt que
+Dieu lui-mme? Va donc, et crois avec Jrme qu'il faut passer sur le
+corps ses parens pour fuir au dsert. (Lettre Severinus, moine
+autrichien; 6 octobre 1527.)
+
+
+ [a52] Page 97, ligne 19.--_Les Scolastiques..._
+
+Grgoire de Rimini a convaincu les scolastiques d'une doctrine pire
+que celle des plagiens... Car bien que les plagiens pensent que l'on
+peut faire une bonne oeuvre sans la grce, ils n'affirment pas qu'on
+puisse sans la grce obtenir le ciel. Les scolastiques parlent comme
+Plage, lorsqu'ils enseignent que sans la grce on peut faire une
+bonne oeuvre, et non une oeuvre mritoire. Mais ils enchrissent sur
+les plagiens, en ajoutant que l'homme a l'inspiration de la droite
+raison naturelle laquelle la volont peut se conformer naturellement,
+tandis que les plagiens avouent que l'homme est aid par la loi de
+Dieu. (1519.)
+
+
+ [a53] Page 102, ligne 14.--_Biens ecclsiastiques..._
+
+Luther crivit au roi de Danemarck (2 dcembre 1536), pour approuver la
+suppression de l'piscopat, et pour engager ce prince faire un bon
+usage des biens ecclsiastiques, c'est--dire (comme il l'crivait le
+18 juillet 1529 au margrave George de Brandebourg), les appliquer
+des fondations d'coles et d'universits.
+
+L'Empereur dissimule, et cependant il prend, il dvore les vchs,
+Utrecht, Lige, etc. Ceux de la noblesse devraient y prendre garde. Je
+me suis durement travaill pour que les fondations ecclsiastiques et
+les possessions des princes abbs ne fussent point disperses, mais
+conserves aux pauvres de la noblesse. Malheureusement cela n'aura pas
+lieu. (Tischreden, p. 351.)
+
+
+ [a54] Page 104, ligne 7.--_Des cardinaux et vques..._
+
+Matre Philippe louait devant le docteur Luther la haute intelligence
+et l'esprit rapide du cardinal, vque de Saltzbourg, Mathieu Lang. Il
+disait qu'en 1530, il s'tait trouv six heures avec lui Augsbourg,
+et qu'ils avaient caus de la religion. Le cardinal lui avait dit la
+fin: Mon cher _domine Philippe_, nous autres prtres, nous n'avons
+encore jamais rien valu. Nous savons bien que votre doctrine est bonne;
+mais ignorez-vous donc que jusqu'ici on n'a jamais rien pu gagner sur
+les prtres? Ce n'est pas vous qui commencerez. Ce cardinal tait
+fils d'un messager d'Augsbourg. Son pre tait d'une bonne et ancienne
+famille, mais rduit l'tat de serviteur par sa pauvret.--Ce fut
+le premier cardinal qu'il y ait eu en Allemagne. Appuy par sa soeur,
+il se fit connatre la cour de Maximilien, fut ensuite envoy
+Rome auprs du pape, et plus tard nomm coadjuteur de l'vch de
+Salzbourg. (Tischreden, p. 272.)
+
+J'ai, jusqu'ici, pri pour cet vque, _categoric, affirmativ,
+positiv_, de coeur, pour que Dieu voult le convertir. J'ai essay
+aussi par crit de l'amener la pnitence. Maintenant je prie pour
+lui _hypothetic_ et _desperabund_... Celui-l n'est point _frater
+ignoranti, sed maliti_.
+
+Il m'a souvent crit amicalement, et m'a fait esprer qu'il prendrait
+femme, comme je lui en avais donn le conseil par crit.
+
+Il s'est moqu de nous jusqu' la dite d'Augsbourg. L, j'ai appris
+le connatre. Cependant il veut encore tre mon ami au point qu'il me
+rclame pour arbitre dans l'affaire de... (Tischreden, p. 274.)
+
+A la dite d'Augsbourg, l'vque de Saltzbourg disait: Il y a quatre
+moyens pour rconcilier les deux partis: ou que nous cdions ou qu'ils
+cdent; or, ni les uns ni les autres n'en veulent rien faire; ou bien
+encore, il faut que l'on oblige d'autorit un des partis cder, et
+comme il en doit rsulter un grand soulvement, reste le quatrime
+moyen, savoir: qu'un parti extermine l'autre, et que le plus fort mette
+le plus faible dans le sac. Voil de beaux plans d'unit pour un
+vque chrtien. (Ibidem, p. 19.)
+
+
+ [a55] Page 105, ligne 8.--_Moines..._
+
+Les seuls mendians sont diviss en sept partis ou ordres, et les
+mineurs leur tour en sept espces de mineurs. Toutes ces sectes, le
+trs saint pre les nourrit et les entretient lui-mme, tant il a peur
+qu'elles ne viennent s'unir. (Lettre la dite de Prague, 15 juillet
+1522.)
+
+
+ [a56] Page 107, ligne 22.--_Un seul coin de l'Allemagne,
+ celui o nous sommes, fleurit encore par la culture des arts
+ libraux..._
+
+Luther crivit l'lecteur, le 20 mai 1530, pour relever son courage
+et le consoler des chagrins que lui causait la Rforme: Voyez comme
+Dieu a fait clater sa grce et sa bont dans les tats de votre
+Altesse! n'est-ce pas l que son vangile a le plus de ministres pieux
+et fidles, ceux qui l'enseignent avec le plus de puret, de zle et de
+fruit? Vous voyez grandir autour de vous toute une jeunesse aimable, de
+bonnes moeurs et qui sera bientt savante dans la sainte criture. Cela
+me ravit le coeur de voir nos jeunes enfans, garons et petites filles,
+connatre mieux aujourd'hui Dieu et le Christ, avoir une foi plus pure
+et savoir mieux prier, qu'autrefois toutes les coles piscopales et
+les couvens les plus clbres.
+
+Cette jeunesse vous a t accorde comme un signe de faveur et de
+misricorde divine. Dieu vous dit en quelque sorte: Cher duc Jean, je
+te confie mon plus prcieux trsor; sois le pre de ces enfans. Je veux
+que tu les gouvernes, que tu les protges; sois le jardinier de mon
+paradis, etc.
+
+Le duc ne parat pas avoir tenu grand compte de cette recommandation,
+car Luther dit dans plusieurs de ses lettres qu'il y avait Wittemberg
+grand nombre d'tudians qui ne vivaient gure que de pain et d'eau.
+
+
+ [a57] Page 112, ligne 4.--_Je regrette de n'avoir pas plus de
+ temps donner l'tude des potes et des orateurs...._
+
+_A Wenceslas Link de Nuremberg._ Si cela ne vous donne pas trop de
+peines, mon cher Wenceslas, je vous prie de faire rassembler pour moi
+tous les dessins, livres, cantiques, chants de Meistersanger et bouts
+rims, qui auront t composs en allemand et imprims cette anne chez
+vous; envoyez-en autant que vous en pourrez trouver. Je dsirerais
+vivement les avoir. Nous savons ici composer des ouvrages latins; mais
+pour les livres allemands, nous ne sommes que des apprentis. Toutefois,
+avec l'ardeur que nous y mettons, j'espre que nous russirons bientt
+de manire vous satisfaire. (20 mars 1536.)
+
+
+ [a58] Page 112, ligne 23.--_Ce n'est point un seul homme qui a
+ fait ces fables..._
+
+En 1530, Luther traduisit un choix des fables d'sope. Dans la prface
+il dit qu'il n'y a peut-tre jamais eu d'homme de ce nom, et que ces
+fables ont vraisemblablement t recueillies de la bouche du peuple.
+(Luth. Werke IX, 455.)
+
+
+ [a59] Page 116, ligne 13.--_Chanter est le meilleur exercice..._
+
+Heine, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834: Ce qui n'est pas moins
+curieux et significatif que ces crits en prose, ce sont les posies
+de Luther, ces chansons qui lui ont chapp dans le combat et dans la
+ncessit. On dirait une fleur qui a pouss entre les pierres, un rayon
+de la lune qui claire une mer irrite. Luther aimait la musique, il a
+mme crit un trait sur cet art, aussi ses chansons sont-elles trs
+mlodieuses. Sous ce rapport, il a aussi mrit son surnom de Cygne
+d'Eisleben. Mais il n'tait rien moins qu'un doux cygne dans certains
+chants o il ranime le courage des siens, et s'exalte lui-mme jusqu'
+la plus sauvage ardeur. Le chant avec lequel il entra Worms, suivi
+de ses compagnons, tait un vritable chant de guerre. La vieille
+cathdrale trembla ces sons nouveaux, et les corbeaux furent
+effrays dans leurs nids obscurs, la cime des tours. Cet hymne, la
+Marseillaise de la rforme, a conserv jusqu' ce jour sa puissance
+nergique, et peut-tre entonnerons-nous bientt dans des combats
+semblables ces vieilles paroles retentissantes et bardes de fer:
+
+ Notre Dieu est une forteresse,
+ Une pe et une bonne armure;
+ Il nous dlivrera de tous les dangers
+ Qui nous menacent prsent.
+ Le vieux mchant dmon
+ Nous en veut aujourd'hui srieusement,
+ Il est arm de pouvoir et de ruse,
+ Il n'a pas son pareil au monde.
+
+ Votre puissance ne fera rien,
+ Vous verrez bientt votre perte;
+ L'homme de vrit combat pour nous,
+ Dieu lui-mme l'a choisi.
+ Veux-tu savoir son nom?
+ C'est Jsus-Christ,
+ Le seigneur Sabaoth.
+ Il n'est pas d'autre Dieu que lui,
+ Il gardera le champ, il donnera la victoire.
+
+ Si le monde tait plein de dmons,
+ Et s'ils voulaient nous dvorer,
+ Ne nous mettons pas trop en peine,
+ Notre entreprise russira cependant.
+ Le prince de ce monde,
+ Bien qu'il nous fasse la grimace,
+ Ne nous fera pas de mal.
+ Il est condamn,
+ Un seul mot le renverse.
+
+ Ils nous laisseront la parole,
+ Et nous ne dirons pas merci pour cela:
+ La parole est parmi nous
+ Avec son esprit et ses dons.
+ Qu'ils nous prennent notre corps,
+ Nos biens, l'honneur, nos enfans.
+ Laissez-les faire,
+ Ils ne gagneront rien cela;
+ A nous restera l'empire.
+
+
+ [a60] Page 117, ligne 25.--_Peinture..._
+
+Le docteur parla un jour de l'habilet et du talent des peintres
+italiens. Ils savent imiter la nature si parfaitement, dit-il,
+qu'indpendamment de la couleur et de la forme convenables, ils
+expriment encore les gestes et les sentimens de manire faire croire
+que leurs tableaux sont choses vivantes.--La Flandre suit la trace de
+l'Italie. Ceux des Pays-Bas, et surtout les Flamands ont l'esprit
+veill, ils ont aussi de la facilit pour apprendre les langues
+trangres. C'est un proverbe que si l'on portait un Flamand dans un
+sac travers l'Italie ou la France, il n'en apprendrait pas moins la
+langue du pays. (Tischreden, p. 424 verso.)
+
+
+ [a61] Page 122, ligne 3.--_Banque..._
+
+Il dit dans son trait _de Usuris_: J'appelle usuriers ceux qui
+prtent cinq et six pour cent. L'criture dfend le prt intrt;
+on doit prter de l'argent comme on prte un vase son voisin. Les
+lois civiles mme dfendent l'usure. Ce n'est pas faire acte de charit
+que d'changer une chose avec quelqu'un en gagnant sur l'change; c'est
+voler. Un usurier est un voleur digne de la potence. Aujourd'hui,
+Leipsig, celui qui prte cent florins en reoit au bout d'une seule
+anne quarante pour l'intrt de son argent.--On ne doit pas observer
+les promesses faites aux usuriers; ils ne peuvent tre admis aux
+sacremens ni ensevelis en terre sainte.--Voici le dernier conseil que
+j'aie donner aux usuriers; ils veulent de l'argent, de l'or; eh bien!
+qu'ils s'adressent quelqu'un qui ne leur donnera pas dix ou vingt
+pour cent, mais cent pour dix. Celui-l a de quoi satisfaire leur
+avidit; ses trsors sont inpuisables; il peut donner sans s'appauvrir
+(Oper. lat. Luth. Witt. t. VII, p. 419-37.)
+
+Le docteur Henning proposait cette question Luther: Si j'avais
+amass de l'argent, que je ne voulusse pas en disposer, et qu'un homme
+vnt me prier de le lui prter; pourrais-je en bonne conscience lui
+rpondre: Je n'ai point d'argent?--Oui, dit Luther, on peut le faire
+en conscience. C'est comme si on disait: Je n'ai point d'argent dont
+je veuille disposer... Christ, en ordonnant de donner, ne dit pas de
+donner tous les prodigues et dissipateurs... Dans cette ville, il
+n'y a personne de plus ncessiteux que les tudians. La pauvret y est
+grande la vrit, mais la paresse encore plus... Je ne veux point
+ter le pain de la bouche ma femme et mes enfans pour donner ceux
+ qui rien ne profite (Tischred. p. 64).
+
+
+ [a62] Page 122, la fin du chapitre IV.
+
+On peut attacher la fin de ce chapitre diverses paroles de Luther sur
+les papes, les rois, les princes.
+
+Il n'y a jamais eu de plus rus trompeur sur la terre que le pape
+Clment (Clment VII)[r185]. C'est qu'il tait de Florence, etc.
+
+ [r185] Tischreden, 243.
+
+Le pape Jules, deuxime du nom, tait un homme excellent pour le
+gouvernement et la guerre[r186]..... Lorsqu'il apprit que son arme
+avait t battue Ravenne, il blasphma Dieu dans le ciel; il lui
+disait: Au nom de mille diables, es-tu donc devenu si bon Franais?
+est-ce ainsi que tu protges ton glise? Il tourna les yeux vers la
+terre, et dit: Saints Suisses, priez pour nous! Et il envoya aussitt
+le cardinal de Saltzbourg, Mathieu Lang, pour traiter avec l'empereur
+Maximilien.
+
+ [r186] _Ibid._ 242.
+
+Si j'avais t de ce temps-l, on m'aurait fait venir Paris avec
+grand honneur, mais j'tais encore trop jeune et Dieu ne le voulait
+point, de crainte que l'on ne penst que c'tait la puissance du roi de
+France, etc.[r187]
+
+ [r187] _Ibid._ 243.
+
+Le pape Jules II, un homme plein d'audace et d'habilet, un
+vrai diable incarn, avait dfinitivement rsolu de rformer les
+Franciscains[r188]. Mais ils recoururent aux rois et aux princes, les
+firent agir et envoyrent au pape quatre-vingt mille couronnes. Le pape
+dit: Comment rsister des gens si bien cuirasss?
+
+ [r188] _Ibid._ 269.
+
+L'an 1532, l'astrologue Gauric raconta au margrave de Brandebourg,
+Joachim, que, comme on faisait Clment VII le reproche d'tre btard,
+il rpondit: Et Jsus-Christ? Ds-lors le Margrave devint favorable
+Luther.[r189]
+
+ [r189] _Ibid._ 341.
+
+Lorsque ceux de Bruges tenaient prisonnier l'empereur Maximilien, et
+voulaient lui couper la tte, ils crivirent au snat de Venise pour
+demander conseil[r190]. Les Vnitiens rpondirent: _Homo mortuus
+non facit guerram_... Les Vnitiens firent faire une farce contre
+Maximilien. Le doge paraissait d'abord, puis venait le Franais
+qui avait une poche au ct; il y prenait des couronnes (pices de
+monnaie), et les couronnes dbordaient la poche. Derrire venait
+l'Empereur, peint en habit gris, avec un petit cor de chasse. Il avait
+aussi une poche, mais quand il y mettait la main, les doigts passaient
+ travers.--Les Florentins en firent autant. Ils reprsentrent le
+Franais assis sur un sige perc, et.... de l'argent. L'empereur
+Maximilien ramassait. Mais ils ont eu depuis une bonne leon. Le
+petit-fils de l'empereur Maximilien, l'empereur Charles, leur a bien
+appris vivre. Dieu applique volontiers aux orgueilleux le verset que
+l'on chante au Magnificat: _Deposuit patentes de sede_.
+
+ [r190] _Ibid._ 448.
+
+L'empereur Maximilien disait[r191]: Si on mettait du sang des
+princes d'Autriche et de Bavire bouillir ensemble dans un pot, on le
+verrait en mme temps sauter dehors.
+
+ [r191] _Ibid._ 343.
+
+On dit que l'empereur Maximilien partit un jour d'un clat de rire;
+il en avoua la cause le lendemain[r192]. Je riais, dit-il, de voir
+que Dieu a confi le gouvernement spirituel un ivrogne de prtre,
+comme le pape Jules, et le gouvernement temporel un chasseur de
+chamois, comme je suis.
+
+ [r192] _Ibid._ 184, verso.
+
+Dans le chteau de Prague l'on voit toute la suite des _portraits des
+rois_. Ferdinand est le dernier, et il n'y a plus de place. Il en est
+de mme dans la salle ronde du chteau de Wittemberg. Cela ne signifie
+rien de bon.
+
+L'empereur Maximilien disait: L'Empereur est bien le roi des rois, car
+les princes de l'Empire font tout ce qu'ils veulent; le roi de France
+est celui des nes, les siens excutent tout ce qu'il commande; le
+roi d'Angleterre est le roi des hommes, car ils lui obissent et ils
+l'aiment.
+
+Maximilien demandait un de ses secrtaires comment il fallait
+traiter un serviteur qui le volait; et comme l'autre rpondait qu'il
+tait juste de le pendre: Nous n'en ferons rien, dit l'Empereur en lui
+frappant sur l'paule, nous avons encore besoin de vos services.
+
+Aprs l'lection de l'empereur Charles, l'lecteur de Saxe demanda au
+seigneur Fabian de Feilitzsch, son conseiller, s'il lui plaisait qu'on
+et lu empereur le roi d'Espagne[r193]. Cet homme sage rpondit: Il
+est bon que les corbeaux aient un vautour.
+
+ [r193] _Ibid._ 53.
+
+On lisait dans un vieux livre cette prophtie: L'empereur Charles
+soumettra toute l'Europe, rformera l'glise; sous lui, les ordres
+mendians et les sectes seront anantis.
+
+La nouvelle vint qu'Antonio de Leyva et Andr Doria avaient conseill
+ l'Empereur d'aller en personne contre le Turc et de ne point emmener
+son frre; car, disaient-ils, il n'a point de bonheur[r194]. En
+effet, Ferdinand est trop fin et trop rflchi; il n'agit que par
+conseil et dlibration, jamais par impulsion divine.--L'Empereur
+devient malheureux; il ne sait pas profiter de l'occasion; il perd
+aujourd'hui Milan.
+
+ [r194] _Ibid._ 349.
+
+Le roi de France aime les femmes[r195]... Au contraire, l'Empereur
+passant par la France en 1544, trouva aprs un grand festin une belle
+et noble vierge dans son lit, que le roi de France y avait fait
+conduire. L'Empereur la renvoya honorablement chez ses parens.
+
+ [r195] _Ibid._ 349, verso.
+
+L'Empereur n'a appel son couronnement que des princes et seigneurs
+italiens et espagnols, qui ont port devant lui les drapeaux et les
+armes des lecteurs. J'avais touch cela dans un petit livre, mais
+l'lecteur en a fait acheter tous les exemplaires.
+
+Le roi de France dpense autant d'argent en trahison que pour ses
+armes. Aussi, dans sa guerre contre le pape Jules et Venise, il a
+dissip vingt mille hommes avec quatre mille.
+
+Tant que le Franais a eu des hommes de guerre allemands, il a obtenu
+la victoire. Ce sont en effet les meilleurs; ils se contentent de leur
+solde et protgent le peuple. Aussi Antonio de Leyva conseilla, en
+mourant, l'Empereur de s'attacher ses soldats allemands; que s'il les
+perdait, ce serait fait de lui; car ils tenaient tous ensemble comme un
+seul homme.
+
+Aprs la dfaite de Franois Ier Pavie, Luther crivait: Que le roi
+de France soit de chair ou autre chose, je ne me rjouis pas de le voir
+vaincu et pris. Vaincu, cela se peut souffrir, mais captif, c'est une
+monstruosit... Peut-tre l'heure du royaume de France est-elle venue,
+comme cet autre le disait de Troie: _Venit summa dies et ineluctabile
+fatum....._ Ce sont, ce qu'il me semble, des signes qui annoncent
+le dernier jour du monde. Ces signes sont plus graves qu'on ne serait
+tent de le croire... Il n'y a qu'une chose qui me fait plaisir,
+c'est de voir frustrs les efforts de l'Anti-Christ, qui commenait
+s'appuyer sur le roi de France. (mars 1525.)
+
+(Fvrier 1537). Le roi de France est persuad que chez nous autres
+luthriens, il n'y a plus ni mariage, ni autorit, ni glise, ni rien
+de tout ce qu'on regarde comme sacr. Son envoy, le docteur Gervais,
+nous l'a assur positivement. Mais d'o vient cela? certainement de ce
+qu'on ne laisse pntrer en ce pays, non plus qu'en Italie, aucun crit
+des ntres, et que le sclrat de Mayence, ainsi que ses pareils, y
+envoient toutes les calomnies qui se dbitent contre nous.
+
+Nous avons ici un Franais, Franois Lambert, qui tait il y a deux
+ans prdicateur apostolique, comme on les appelle parmi les mineurs, et
+qui vient de prendre pour femme une des ntres: il espre mieux vivre
+dans le voisinage de la France ( Strasbourg)... Il gagnera sa vie
+traduire en franais mes ouvrages allemands. (4 dcembre 1523.)
+
+Les rois de France et d'Angleterre sont luthriens pour prendre, point
+pour donner. Ils ne cherchent point l'intrt de Dieu, mais le leur.
+
+Sept universits ont approuv le divorce du roi d'Angleterre; mais
+nous autres de Wittemberg et ceux de Louvain, nous avons soutenu le
+contraire, eu gard aux circonstances particulires, la longue
+cohabitation, l'existence d'une fille, etc.[r196]
+
+ [r196] _Ibid._ 348.
+
+Quelques-uns qui avaient reu des crits d'Angleterre annoncrent
+comment le roi s'tait spar de l'vangile[r197]. Je suis charm,
+dit Luther, que nous soyons quitte de ce blasphmateur. J'ai seulement
+regret de voir que Mlanchton ait adress ses plus belles prfaces aux
+plus mchantes gens.
+
+ [r197] _Ibid._ 348, verso.
+
+Le duc George de Saxe disait qu'il ne forcerait personne communier
+sous une espce, mais que ceux qui voulaient le faire autrement,
+devaient sortir du pays[r198].
+
+ [r198] _Ibid._ 265.
+
+Lorsque le duc George dclara au duc Henri de Saxe, son frre, qu'il
+ne lui laisserait ses tats qu' condition d'abandonner l'vangile, il
+rpondit: Par la vierge Marie (c'tait le mot ordinaire de sa Grce),
+avant que je consente renier mon Christ, j'irai avec ma Catherine,
+un petit bton la main, mendier par le pays[r199]. Je voudrais
+que l'Empereur ft pape le duc George; les vques supporteraient sa
+rforme encore moins que la mienne. Il rduirait l'vque de Mayence
+quatorze chevaux, etc.
+
+ [r199] _Ibid._
+
+Le duc George a suc le sang bohmien avec le lait de sa mre, fille
+du roi de Bohme, Casimir[r200]. Il aurait fini par s'arranger avec
+l'lecteur Frdric pour frapper les vques, les abbs, etc. Il est
+de sa nature ennemi du clerg. Mais les lettres et les flatteries
+de l'Empereur, du pape, des rois d'Angleterre et de France, l'ont
+tellement enfl, que, etc...
+
+ [r200] _Ibid._ 313, verso.
+
+Lorsque le duc George voyait son fils Jean l'agonie, il le consolait
+en lui rappelant l'article de la justification par la foi en Christ,
+et l'exhortait ne regarder que le Sauveur, sans se reposer sur ses
+oeuvres ni sur l'invocation des saints[r201]. Alors, l'pouse du duc
+Jean, soeur du landgrave Philippe de Hesse, dit au duc George: Cher
+seigneur et pre, pourquoi ne laisse-t-on pas prcher publiquement
+cette doctrine dans le pays?--Ma chre fille, rpondit-il, on la
+doit enseigner seulement aux mourans, mais point aux gens en sant.
+(1537.)--Ce duc Jean avait t oblig par son pre de jurer une haine
+ternelle la doctrine luthrienne, et il l'avait fait connatre au
+docteur Luther par le vieux peintre Lucas Cranach.
+
+ [r201] _Ibid._ 142, verso.
+
+Leipsig tait la capitale et la rsidence du duc George. Aussi les
+protestans, surveills de prs par le duc, n'y pouvaient faire de
+nombreux proslytes, et Luther en marque souvent son dpit par sa
+colre contre cette ville.
+
+Je hais, dit-il, ceux de Leipsig comme je ne hais rien sous le soleil,
+tant il y a l d'orgueil, d'arrogance, de rapacit et d'usure. (15 mai
+1540.)
+
+Je hais cette Sodome (Leipsig), sentine des usures et de tous les
+maux. Je n'y entrerais qu'autant qu'il le faut pour arracher Loth. (26
+octobre 1539.)
+
+L'lectorat de Saxe est pauvre et rapporte peu. Si l'lecteur n'avait
+pas la Misnie, il ne pourrait entretenir quarante chevaux; mais il
+a des tributs de princes et seigneurs, des droits de sauf-conduit,
+des douanes, des rentes, etc... Sa Grce lectorale a cd, pour de
+l'argent, les rgales, entre autres le droit de grce.
+
+L'lecteur Frdric tait conome[r202]. Il savait bien remplir ses
+caves et ses greniers de grains et d'autres denres. On compte neuf
+chteaux qu'il a fait btir, et cependant il lui restait toujours assez
+d'argent; c'est qu'il suivait le bon conseil que son fou lui avait
+donn. Un jour, qu'il se plaignait de manquer d'argent, le fou lui dit:
+Fais-toi percepteur. Il exigeait des comptes svres de ses serviteurs.
+Quand il venait dans un de ses chteaux, il mangeait, buvait, se
+faisait donner du fourrage comme un hte ordinaire, et payait tout
+comptant. Par l il tait ses gens l'occasion de s'excuser, en
+disant: On a tant consomm de choses, quand le prince est venu!
+
+ [r202] _Ibid._ 451, verso.
+
+L'lecteur Frdric-le-Sage disait Worms, en 1521: Je ne trouve
+point d'glise romaine dans ma croyance; mais une commune glise
+chrtienne, je l'y trouve.
+
+Ce mme prince avait, dit Mlanchton, prs de Wittemberg un cerf
+apprivois, qui, pendant bien des annes, allait, au mois de septembre,
+dans la fort voisine, et revenait exactement en octobre. Lorsque
+l'lecteur fut mort, le cerf partit et l'on ne le revit plus.
+
+En 1525, l'lecteur Jean de Saxe me demanda s'il devait accorder aux
+paysans leurs douze articles[r203]. Je le dtournai entirement d'en
+approuver un seul.
+
+ [r203] _Ibid._ 152.
+
+Le duc Jean disait en 1525, en apprenant la rvolte des paysans: Si
+le Seigneur veut que je reste prince, que sa volont soit faite, mais
+je puis aussi tre un autre homme.
+
+Luther blme la patience de ce prince, qui avait appris des moines, ses
+confesseurs, supporter la dsobissance de ses gens.
+
+Il disait Luther: Mon fils, le duc Ernest, m'a crit une lettre
+latine pour me demander courir un cerf. Je veux qu'il tudie; il sera
+toujours mme d'apprendre laisser pendre deux jambes sur un cheval.
+
+Le mme prince avait toujours pour sa garde six nobles jeunes garons,
+qui restaient dans sa chambre et qui lui lisaient la Bible six heures
+par jour. Sa Grce lectorale s'endormait quelquefois, mais il n'en
+citait pas moins son rveil quelques belles paroles qu'il avait
+remarques et retenues.--Pendant la prdication il tenait prs de lui
+des crivains, et lui-mme de sa propre main recueillait les paroles
+de la bouche du prdicateur.
+
+Lorsque Ferdinand fut lu roi des Romains Cologne, le jeune duc
+Jean-Frdric y fut envoy pour protester de la part de son seigneur et
+pre. Ds qu'il eut excut ses ordres, il repartit au grand galop, et
+comme il avait peine pass la porte, on envoya des gens pour courir
+aprs lui et le prendre. (1531.)
+
+On dit que l'Empereur a fait entendre, aprs avoir lu notre
+_Confession et apologie_, qu'il voulait que l'on enseignt et que l'on
+prcht dans le mme sens par tout le monde[r204]. Le duc George
+aurait dit aussi qu'il savait trs bien qu'il y avait beaucoup d'abus
+ rformer dans l'glise, mais qu'il ne voulait pas de cette rforme,
+quand elle venait d'un moine dfroqu.
+
+ [r204] _Ibid._ 353.
+
+La dernire fois que l'lecteur Jean alla la chasse, tout le gibier
+lui chappait. Les btes ne voulaient plus le reconnatre pour matre,
+c'tait un prsage de sa mort. (1532.)
+
+Le duc Jean-Frdric, qui a t si bien pill et dpouill par ceux de
+la noblesse, a appris ses dpens les connatre.
+
+L'lecteur Jean-Frdric est naturellement colre, mais il sait
+merveille dompter son courroux.--Il aime btir et boire; il est
+vrai qu'un si grand corps doit tenir plus qu'un petit.--Il donne par
+an mille florins pour l'universit; pour le pasteur, deux cents, avec
+soixante boisseaux de froment; de plus soixante florins cause des
+leons publiques. Il envoya une fois cinq cents florins Luther sur
+les fonds d'une abbaye pour marier quelque pauvre religieuse.
+
+Quoique le docteur Jonas l'y engaget, Luther refusa de demander
+ l'lecteur une nouvelle visitation des glises[r205]. Il a
+soixante-dix conseillers qui crient le rendre sourd. Ils lui disent:
+Quel bon conseil peut donner le scribe? contentons-nous de prier Dieu
+qu'il dirige le coeur du prince.
+
+ [r205] _Ibid._ 354.
+
+_Du landgrave Philippe de Hesse._--Le Landgrave est un pieux,
+intelligent et joyeux seigneur; il maintient une bonne paix dans
+sa terre, qui n'est que pierres et forts; de sorte que les gens y
+peuvent voyager et commercer sans crainte... Le Landgrave est un
+guerrier, un Arminius, petit de sa personne, mais, etc. Il consulte
+et suit aisment les bons conseils; la rsolution une fois prise, il
+excute promptement.--L'Empereur lui a offert, pour lui faire quitter
+l'vangile, la possession paisible du comt de Katzenellenbogen, et
+le duc George l'aurait fait ce prix son hritier... Il a une tte
+hessoise; il ne peut se reposer, il faut qu'il ait quelque chose
+faire... C'tait une grande audace de vouloir, en 1528, envahir les
+possessions des vques; et 'a t un acte plus grand d'avoir rtabli
+le duc de Wurtemberg et chass le roi Ferdinand de ce pays. Moi et
+Mlanchton, nous fmes appels cette occasion Weimar, et nous
+employmes toute notre rhtorique empcher sa Grce de rompre la paix
+de l'Empire... Il en devint tout rouge et s'emporta. Cependant c'est
+une me tout--fait loyale.
+
+Dans le colloque de Marbourg, en 1529, sa Grce vint avec un petit
+habit, de sorte que personne ne l'aurait reconnu pour le Landgrave; et
+cependant, il tait occup de grandes penses. Il consulta Mlanchton,
+et lui dit: Cher matre Philippe, dois-je souffrir que l'vque de
+Mayence me chasse par violence mes prdicateurs vangliques? Philippe
+rpondit: Si la juridiction du lieu appartient l'vque de Mayence,
+votre Grce ne peut l'empcher. Permis vous de conseiller, rpondit
+le Landgrave, mais je n'agirai pas moins.
+
+A la dite d'Augsbourg, en 1530, le landgrave dit publiquement aux
+vques: Faites la paix, nous vous le demandons. Si vous ne la faites
+point et qu'il me faille descendre de mes montagnes, j'en saisirai au
+moins un ou deux.
+
+Dieu a jet le Landgrave au milieu de l'Empire. Il a autour de lui
+quatre lecteurs et le duc de Brunswick; et il les fait tous trembler.
+C'est que le commun peuple lui est attach. Avant de rtablir le duc
+de Wurtemberg, il tait all en France, et le roi de France lui avait
+prt beaucoup d'argent pour la guerre.
+
+Si le Landgrave s'enflamme une fois...! C'est ce qui nous est arriv,
+ moi et matre Philippe, lorsque nous le dtournions humblement et
+faiblement de la guerre; Qu'arrivera-t-il si je souffre vos conseils
+et si je n'agis point?--C'est un miracle de Dieu. Le Landgrave est
+un prince peu puissant, cependant on le redoute; c'est un hros. Il
+a renvoy les vques au choeur... Les Saxons et ceux de la Hesse,
+lorsqu'ils sont en selle, sont de vrais cavaliers. Les cavaliers des
+hautes terres (du midi de l'Allemagne) ne sont que des danseurs. Dieu
+nous conserve le Landgrave..... Dieu nous prserve de la guerre! les
+gens de guerre sont des diables incarns. Je ne parle pas seulement des
+Espagnols, mais aussi des Allemands.
+
+Aprs la dite de Francfort, en 1539, environ neuf mille soldats
+d'lite furent rassembls autour de Brme et de Lunebourg pour tre
+employs contre les tats protestans[r206]. Mais l'lecteur de Saxe
+et le landgrave de Hesse leur firent parler par le chevalier Bernard
+de Mila, leur donnrent de l'argent comptant et les attirrent eux.
+Ensuite mourut subitement le duc George, etc.
+
+ [r206] _Ibid._ 156.
+
+Le _landgrave de Hesse_ et de Thuringe, Louis-le-Fameux, tait un
+seigneur dur et colrique. Il tait tenu prisonnier par l'vque de
+Hall, il sauta par une fentre du haut du chteau et du rocher dans
+la Sals, nagea, s'aida d'un tronc d'arbre et chappa. Il svissait
+toujours cruellement contre ses sujets. Sa femme s'avisa de lui servir
+de la viande un vendredi saint, et comme il n'en voulait pas manger;
+elle lui dit: Cher seigneur, vous craignez ce pch, lorsque vous en
+faites tous les jours de plus grands et de plus horribles. Mais elle
+fut oblige de s'enfuir et de quitter ses enfans. Au moment de son
+dpart, minuit, elle baisa son enfant qui tait encore au berceau,
+le bnit, et, dans un transport d'amour maternel, elle le mordit la
+joue[8]. Accompagne d'une jeune fille, elle descendit par une corde
+du chteau de Wartbourg, tout le long du prcipice. Son matre-d'htel
+l'attendait avec un chariot, et la conduisit secrtement
+Francfort-sur-le-Mein.--Quand ce landgrave mourut, on l'affubla d'un
+habit de moine, ce qui faisait beaucoup rire tous ses chevaliers.
+
+ [8] Luther appelle _Louis_ ce landgrave, qui s'appelait
+ effectivement _Albert-le-Dnatur_, et vivait en 1288. Sa
+ femme, Marguerite tait fille de l'empereur Frdric II; son
+ fils est Frdric I, dit le _Mordu_.
+
+En Italie, les hpitaux sont bien pourvus, bien btis[r207]. On
+y donne une bonne nourriture; il y a des serviteurs attentifs et de
+savans mdecins. Les lits et les habits sont trs propres; l'intrieur
+des btimens orn de belles peintures. Aussitt qu'un malade y est
+amen, on lui te ses habits en prsence d'un notaire qui en dresse une
+note et une description exacte pour qu'ils lui soient bien gards. On
+le revt d'un sarreau blanc, on le met dans un lit bien fait et dans
+des draps blancs; on ne tarde pas lui amener deux mdecins, et les
+serviteurs viennent lui apporter manger et boire dans des verres
+bien propres, qu'ils touchent du bout du doigt. Il vient aussi des
+dames et matrones honorables qui se voilent pendant quelques jours pour
+servir les pauvres, de sorte qu'on ne sait point qui elles sont, et
+elles retournent ensuite chez elles.--J'ai vu aussi Florence que les
+hpitaux taient servis avec tous ces soins; de mme les maisons des
+enfans-trouvs, o les petits enfans sont nourris au mieux, levs,
+enseigns et instruits. Ils les ornent tous d'un costume uniforme, et
+en prennent le plus grand soin.
+
+ [r207] _Ibid._ 145.
+
+Je ne manque point de drap, mais je ne puis me dcider me faire
+faire des culottes[r208]. Les miennes ont t raccommodes quatre
+fois, et le seront encore. Les tailleurs ne font rien de bon et
+prennent trop cher. Cela va bien mieux en Italie; les tailleurs ont une
+corporation particulire qui ne fait que des culottes.
+
+ [r208] _Ibid._ 424.
+
+En Espagne, pour les couches de l'impratrice, trente hommes se sont
+fouetts jusqu'au sang, afin de lui obtenir un heureux enfantement,
+deux mme en sont morts, et cependant la mre ni le foetus n'ont pu
+tre dlivrs. Qu'a-t-on fait de plus chez les paens? (14 aot 1539.)
+
+En Italie et en France, les curs sont gnralement des nes[r209].
+Si on leur demande: _Quot sunt sacramenta?_ ils rpondent:
+_Tres_.--_Qu?_ Rponse: Le goupillon, l'encensoir et la croix.
+
+ [r209] _Ibid._ 281, verso.
+
+En France, il y a eu tant de superstition, que les serfs et serviteurs
+voulaient pour la plupart se faire moines[r210]. Il fallut que le roi
+dfendt la moinerie. La France est abme dans la superstition. Les
+Italiens de mme sont ou superstitieux ou picuriens. C'est un propos
+commun en Italie, quand ils vont l'glise de dire: Allons au prjug
+populaire.
+
+ [r210] _Ibid._ 271, verso.
+
+Lorsque je vis Rome, je tombai genoux, levai les mains au ciel et
+dis[r211]: Salut, sainte Rome, sanctifie par les saints martyrs et
+par leur sang qui y a t vers...; mais elle est maintenant dchire,
+_und der teufel hat den papst, seinen dreck, darauss geschissen_.--Cent
+ans avant Jsus-Christ, Rome avait quatre millions de citoyens; peu
+aprs, neuf millions; certes, cela devait faire un peuple, si toutefois
+la chose est vraie.--A Venise, trois cent mille feux; Erfurt,
+dix-huit mille murs feu (murs mitoyens); Nuremberg, peine la
+moiti.--Rome n'est plus qu'une charogne et un tas de cendres..... Les
+maisons sont aujourd'hui o taient les toits de l'ancienne Rome; telle
+est l'paisseur des dcombres, qu'il y en a la hauteur de deux lances
+de landsknecht[9]. Rien n'y est louer que le consistoire et la cour
+de Rote, o les affaires sont instruites et juges avec beaucoup de
+justice.
+
+ [r211] _Ibid._ 442.
+
+ [9] Voyez le _Voyage de Montaigne_.
+
+Le docteur Staupitz avait entendu dire Rome, en 1511, que d'aprs
+une vieille prophtie, un ermite s'lverait sous le pape Lon X, et
+attaquerait la papaut; or, les augustins s'appellent aussi ermites.
+
+Je ne voudrais pas, pour cent mille florins, ne pas avoir vu Rome;
+je me serais toujours inquit si je ne faisais pas injustice au
+pape.--Il rpte trois fois ces paroles.
+
+Il y avait en Italie un ordre particulier, qui s'appelait _les Frres
+de l'ignorance_[r212]. Ils devaient jurer de ne rien savoir et de ne
+vouloir rien apprendre. Tous les moines mritent le mme nom.
+
+ [r212] _Ibid._ 269, verso.
+
+Un soir, la table de Luther, il se trouvait un vieux prtre qui
+racontait beaucoup de choses de Rome[r213]. Il y tait all quatre
+fois et y avait offici pendant deux ans. Quand on lui demanda
+pourquoi il y tait all si souvent, il rpondit: La premire fois
+j'y cherchais un filou, la seconde je le trouvais, la troisime je
+l'emportais avec moi, et la quatrime je l'y rapportais et le plaais
+derrire l'autel de Saint-Pierre.
+
+ [r213] _Ibid._ 442, verso.
+
+Christoff Gross, qui avait t long-temps Rome, trabant du pape,
+parla beaucoup des pays par o l'on va vers la Terre-Sainte, de
+l'Aragon et de la Biscaye[r214]. Ils ont pour signe du baptme une
+petite cicatrice au nez, juste sous les yeux.
+
+ [r214] _Ibid._ 441, verso.
+
+Les cossais sont la nation la plus fire; beaucoup se sont rfugis
+en Allemagne, Erfurth et Wurtzbourg; ils n'admettent personne
+comme moine dans leurs couvens. Les cossais sont mpriss des autres
+nations, comme les Samaritains par les Juifs.
+
+Les Anglais ont t chasss de France aprs leur dfaite Montlhri,
+entre Paris et Orlans[10].--Ils ne laissent personne Calais, moins
+qu'il ne parle anglais dans tant d'heures.
+
+ [10] Il est inutile de relever les erreurs grossires dont
+ fourmille ce chapitre.
+
+La peste rgne toujours en Angleterre[r215].--L'Angleterre est un
+morceau de l'Allemagne.--Les langues danoise et anglaise sont du saxon,
+c'est--dire du vritable allemand, tandis que la langue de l'Allemagne
+suprieure n'est point la vraie langue allemande.--La Souabe et la
+Bavire sont hospitalires; au contraire la Saxe.--Luther prfre le
+dialecte de la Hesse tous les autres de l'Allemagne, parce que les
+Hessois accentuent les mots comme s'ils chantaient.
+
+ [r215] _Ibid._ 440, verso.
+
+
+_Diversit des langues._--Supriorit de l'allemande: elle fait sentir
+que les Allemands sont gens plus simples et plus vrais. Au contraire,
+c'est un proverbe: les Franais crivent autrement qu'ils ne parlent,
+et parlent autrement qu'ils ne pensent.--L'allemand se rapporte au
+grec. Le latin est sec, il n'a pas de lettres doubles.--Finesse des
+Saxons et bas Allemands; ils sont pires que les Italiens, quand ils
+adoptent les ides de l'Italie.--Les habitations et l'aspect des
+pays changent ordinairement dans l'espace d'un sicle. Il y a peu
+d'annes que la Hesse, la Franconie, la Westphalie, n'taient qu'un
+dsert. Au contraire, autour de Halle, d'Halberstadt, et chez nous,
+on fait jusqu' trois milles sans trouver rien que bruyres, tandis
+qu'autrefois il y avait des terres cultives. Dieu aura t la
+fertilit au pays, pour punir les habitans.
+
+Nous sommes de bons compagnons, nous autres Allemands, nous buvons,
+nous mangeons, nous cassons nos vitres, nous perdons en une soire
+cent, mille florins ou plus, et nous oublions _le Turc_ qui, en trente
+jours, peut tre avec sa cavalerie lgre Wittemberg.
+
+
+En France, chacun a son verre table.--Les Franais se prservent de
+l'air; s'ils suent, ils se couvrent, s'approchent du feu, se mettent
+au lit; sans cela ils auraient la fivre. Deux personnes dansent la
+fois, les autres regardent; au contraire en Allemagne.--Les prtres
+d'Italie et de France ne savent pas mme leur langue.
+
+
+Dans mon voyage sur le Rhin, je voulus dire la messe, mais un
+prtre me dit[r216]: Vous ne le pouvez: nous suivons ici le rit
+ambroisien.
+
+ [r216] _Ibid._ 166.
+
+George Foegeler, chancelier du margrave, disait que dans la Bavire
+il y avait plus de cent vingt-cinq cures vacantes, parce qu'on ne
+pouvait trouver aucun ecclsiastique[r217].
+
+ [r217] _Ibid._ 184.
+
+Dans la Bohme, il y a environ trois cents cures vacantes, de mme
+chez le duc George.
+
+La Thuringe avait autrefois un sol trs fertile en grain,
+surtout autour d'Erfurt; mais maintenant elle est frappe de
+maldiction[r218]. Le bl y est plus cher qu' Wittemberg. C'est ce
+que j'ai vu, il y a un an, lorsque j'tais Smalkald; ils n'avaient
+qu'un mauvais pain noir... Ils ont de telles vendanges qu'on pourrait
+donner la pinte pour trois liards; si elles taient moiti moins
+bonnes, ils seraient trs riches; mais maintenant ils donnent le vin
+pour le tonneau.
+
+ [r218] _Ibid._ 62.
+
+L'lectorat de Saxe a eu douze couvens de moines dchaux, mineurs,
+cinq de prcheurs, moines de saint Paul et carmlites, et quatre
+d'augustins[r219]. Voil seulement pour les moines mendians qui,
+aujourd'hui se dissipent d'eux-mmes.--Alors, un Anglais qui se
+trouvait table chez le docteur, se mit dire qu'en Angleterre,
+il n'y avait gure de milles carrs d'Allemagne, o l'on ne trouvt
+trente-deux clotres de moines mendians.
+
+ [r219] _Ibid._ 269.
+
+Le vieil lecteur de Brandebourg, Joachim, disait une fois au duc de
+Saxe Frdric[r220]: Comment pouvez-vous, vous autres princes de
+Saxe, frapper de la monnaie si forte? Nous y avons gagn trois tonnes
+d'or (en renvoyant une monnaie infrieure dans la Saxe).
+
+ [r220] _Ibid._ 61, verso.
+
+La princesse de A. (Anhalt), venant Wittemberg, se rendit chez
+Luther, et insista vivement pour discuter avec lui, quoiqu'il ft
+malade et que ce ft une heure indue. Il s'excusa en lui disant:
+Noble dame, je suis rarement bien portant dans toute l'anne; je
+souffre presque toujours ou du corps ou de l'esprit. Elle lui
+rpondit: Je le sais, mais nous, nous ne pouvons pas non plus vivre
+tous dans la pit. Le docteur lui dit alors: Vous autres de la
+noblesse, cependant, vous devriez tous tre pieux et irrprochables,
+car vous tes peu, vous formez un cercle troit. Nous, gens du
+commun et des basses classes, nous nous corrompons par la multitude;
+nous sommes en grand nombre, il n'est donc pas tonnant qu'il y
+ait si peu de gens pieux parmi nous. C'est chez vous, personnes
+nobles et illustres, que nous devrions trouver des exemples de
+pit, d'honntet, etc. Et il continua de lui parler sur ce ton.
+(Tischreden, p. 341, verso.)
+
+Luther avait dans sa maison et sa table un Hongrois, nomm Mathias
+de Vai. De retour en Hongrie, il y prcha, et fut accus par un
+prdicateur papiste devant le moine George, frre du Vayvode, alors
+gouverneur et rgent Bude. Le moine George fit apporter deux tonneaux
+de poudre sur le march, et dit: Si l'un de vous deux prche la bonne
+doctrine, asseyez-vous dessus, j'y mettrai le feu; nous verrons lequel
+des deux restera vivant. Le papiste refusa, Mathias s'lana sur un
+des tonneaux. Le papiste et les siens furent condamns payer quatre
+cents florins de Hongrie, et entretenir pendant un certain temps deux
+cents hommes d'armes. Mathias eut la permission de prcher l'vangile.
+(Tischr., p. 13.)
+
+Un seigneur hongrois, nomm Jean Huniade, se trouvant Torgau, comme
+ambassadeur du roi Ferdinand auprs de l'lecteur Jean-Frdric, pria
+celui-ci de faire venir Luther pour qu'il pt le voir et lui parler.
+Luther y vint; table, l'ambassadeur dit qu'en Hongrie les prtres
+donnaient la communion tantt sous une, tantt sous deux espces,
+et qu'ils prtendaient que la chose tait indiffrente. Rvrend
+pre, ajouta-t-il, en s'adressant Luther, me permettez-vous de vous
+demander ce que vous pensez de ces prtres? Le docteur rpondit
+qu'il les regardait comme de mprisables hypocrites, Car, dit-il,
+s'ils taient bien convaincus que la communion sous deux espces est
+d'institution divine, ils ne pourraient continuer de la donner sous une
+seule.
+
+Luther cacha le dpit que la question de l'ambassadeur lui avait caus,
+et quelque temps aprs, il se tourna vers lui, en disant: Seigneur,
+j'ai rpondu ce que votre Grce me demandait. Me permettra-t-elle de
+lui faire une question mon tour? L'ambassadeur le lui permettant,
+il continua: Je suis tonn que vos pareils, les conseillers des rois
+et des princes, qui savent bien que la doctrine de l'vangile est la
+vritable, ne laissent pas de la perscuter de toutes leurs forces. Me
+pourriez-vous dire d'o cela vient? A ces mots, Andr Pflug, l'un des
+convives, voyant l'embarras du seigneur hongrois, interrompit Luther et
+parla vivement d'autre chose, de sorte que le seigneur fut dispens de
+rpondre. (Tischr., p. 148.)
+
+
+Le chapitre des _Propos de table_ o se trouve runi tout ce que Luther
+a dit sur les Turcs, est fort curieux comme peinture des alarmes
+qu'prouvaient alors toutes les familles chrtiennes. Chaque mouvement
+des barbares est marqu par un cri de terreur. C'est la mme scne que
+celle de Goetz de Berlichingen, o le chevalier ne pouvant agir, se
+fait rendre compte par les siens du combat qui a lieu dans la plaine,
+et qu'ils contemplent du haut d'une tour; c'est la mme anxit d'un
+pril toujours croissant, et qu'on est dans l'impuissance d'viter ou
+de combattre.
+
+Le Turc ira Rome, et je n'en suis pas trop fch, car il est crit
+dans le prophte Daniel, etc.[r221] Une fois le Turc Rome, le
+Jugement dernier n'est pas loin.
+
+ [r221] _Ibid._ 432.
+
+Le Christ a sauv nos mes; il faudra qu'il sauve aussi nos corps; car
+le Turc va donner un bon coup l'Allemagne[r222]. Je pense souvent
+tous les maux qui vont suivre, et il m'en vient la sueur... La femme du
+docteur s'cria: Dieu nous prserve des Turcs! Non, reprit-il, il faut
+bien qu'ils viennent et qu'ils nous secouent comme il faut.
+
+ [r222] _Ibid._ 432.
+
+Qui m'et dit que je verrais en face l'un de l'autre les deux
+empereurs, les rois du Midi et du Septentrion[r223]?... Oh! priez,
+car nos gens de guerre sont trop prsomptueux, ils comptent trop sur
+leur force et sur leur nombre. Cela ne peut pas bien finir. Et il
+ajoutait: Les chevaux allemands sont plus forts que ceux des Turcs; ils
+peuvent les renverser; ceux-ci sont plus lgers, mais plus petits.
+
+ [r223] _Ibid._ 436.
+
+Je ne compte point sur nos murs, ni sur nos arquebuses, mais sur le
+_Pater noster_[r224]. C'est l ce qui battra les Turcs; le dcalogue
+n'y suffit pas.
+
+ [r224] _Ibid._ 436, verso.
+
+Luther dit qu'aprs avoir depuis long-temps dsir de connatre
+l'Alcoran, il en trouva enfin une mauvaise version latine de 1300,
+et qu'il la traduisit en allemand, afin de mieux faire connatre
+l'imposture de Mahomet[r225]. Dans son Instruction tire de
+l'Alcoran, il prouve que ce n'est point Mahomet qui est l'Anti-Christ
+(car l'imposture, dit-il, est trop visible en celui-ci), mais plutt
+le pape avec son hypocrisie.--Il y a trois ans qu'un moine du pays
+des Maures vint ici. Nous disputmes avec lui par l'intermdiaire d'un
+interprte, et comme il fut confondu en tous points par la Parole de
+Dieu, il dit la fin: C'est l une bonne croyance.
+
+ [r226] _Ibid._ t. II. 402.
+
+Les juifs, titre de juifs et d'usuriers, taient fort mal avec Luther.
+
+Nous ne devons pas souffrir les juifs parmi nous. On ne doit ni boire
+ni manger avec eux.--Cependant, dit quelqu'un, il est crit que les
+juifs seront convertis avant le Jugement...--Et il est crit aussi, dit
+la femme de Luther, qu'il n'y aura qu'une bergerie et un berger.--Oui,
+chre Catherine, dit le docteur. Mais cela s'est dj accompli, lorsque
+les paens ont embrass l'vangile. (Tischr., p. 431.)
+
+Si j'tais la place des seigneurs de **, je ferais venir ensemble
+tous les juifs, et je leur demanderais pourquoi ils appellent Christ
+un fils de p..., et sainte Marie une coureuse. S'ils parvenaient le
+prouver, je leur donnerais cent florins; sinon je leur arracherais la
+langue. (Tischr., p. 431, verso.)
+
+
+ [a63] Page 127, ligne 24.--_Je ne puis nier que je ne sois
+ violent..._
+
+rasme disait: Luther est insatiable d'injures et de violences; c'est
+comme Oreste furieux. (Erasm., Epist. non sobria Luther.)
+
+
+ [a64] Page 142, ligne 9.--_Le droit imprial ne tient plus qu'
+ un fil..._
+
+Cependant Luther le prfrait encore au droit saxon.
+
+Le docteur Luther parlant de la grande barbarie et duret du droit
+saxon, disait que les choses iraient au mieux si le droit imprial
+tait suivi dans tout l'Empire. Mais l'opinion s'est tablie la cour,
+que le changement ne pouvait se faire sans grande confusion et grande
+dvastation. (Tischreden, page 412.)
+
+
+ [a65] Page 143, ligne 17.--_Je te le conseille, juriste, laisse
+ dormir le vieux dogue..._
+
+Dans son avant-dernire lettre Mlanchton (6 fvrier 1546), il dit
+en parlant des lgistes: O sycophantes, sophistes, peste du genre
+humain!... Je t'cris en colre, mais je ne sais si, de sang froid, je
+pourrais mieux dire.
+
+
+ [a66] Page 143, ligne 24.--_Juristes pieux..._
+
+Il souhaite qu'on amliore leur condition.
+
+Les docteurs en droit gagnent trop peu et sont obligs de se faire
+procureurs. En Italie, on donne un juriste quatre cents ducats ou
+plus par an; en Allemagne, ils n'en ont que cent. On devrait leur
+assurer des pensions honorables, ainsi qu'aux bons et pieux pasteurs
+et prdicateurs. Faute de cela, ils sont obligs pour nourrir leurs
+femmes et leurs enfans, de s'occuper de l'agriculture et des soins
+domestiques. (Tischreden, page 414.)
+
+
+ [a67] Page 143.--_Fin du chapitre._
+
+Au comte Albrecht de Mansfeld, au sujet d'une affaire de mariage: Les
+paysans, les gens grossiers qui ne recherchent que la libert de la
+chair, les lgistes qui dcident toujours contre la foi, m'ont rendu
+si las, que j'ai rejet dcidment le fardeau des affaires de mariages,
+et que j'ai dit plusieurs de faire, au nom de tous les diables, ce
+qu'il leur plaira: _Sinite mortuos sepelire mortuos_. Le monde veut le
+pape! qu'il l'ait, s'il n'en peut tre autrement. Tous les lgistes
+tiennent pour lui. Je ne sais vraiment si, moi mort, ils auront le
+courage d'adjuger, mes enfans, le nom de Luther et mes guenilles! Ils
+jugent toujours d'aprs le droit papal. A qui la faute? A vous autres
+seigneurs, qui les rendez trop fiers, qui les soutenez dans tout ce qui
+leur plat de dcider, qui opprimez les pauvres thologiens, quelque
+raison qu'ils puissent avoir... (5 octobre 1536.)
+
+Il faudrait dans un pays deux cents pasteurs contre un juriste.
+Nous devrions, en attendant, changer en pasteurs les juristes et les
+mdecins. Vous verrez que cela viendra. (Tischreden, page 4, verso.)
+
+
+ [a68] Page 151, _fin du chapitre_.
+
+Discussion confidentielle entre Mlanchton et Luther. (1536.)
+
+MLANCHTON trouve probable l'opinion de saint Augustin, qui soutient
+que nous sommes justifis par la foi, par la rnovation, et qui, sous
+le mot de rnovation, comprend tous les dons et les vertus que nous
+tenons de Dieu[11]. Quelle est votre opinion? demanda-t-il Luther.
+Tenez-vous, avec saint Augustin, que les hommes sont justifis par la
+rnovation, ou bien par imputation divine?--LUTHER rpond: Par la
+pure misricorde de Dieu.--MLANCHTON propose de dire que l'homme
+est justifi _principaliter_ par la foi, _et mins principaliter_
+par les oeuvres, en sorte que la foi rachte l'imperfection de
+celles-ci.--LUTHER. La misricorde de Dieu est seule la vraie
+justification. La justification par les oeuvres n'est qu'extrieure;
+elle ne peut nous dlivrer ni du pch ni de la mort.--MLANCHTON. Je
+vous demande ce qui justifie saint Paul et le rend agrable Dieu,
+aprs sa rgnration par l'eau et l'esprit?--LUTHER. C'est uniquement
+cette rgnration mme. Il est devenu juste et agrable Dieu par
+la foi, et par la foi il reste tel jamais.--MLANCHTON. Est-il
+justifi par la seule misricorde, ou bien l'est-il _principalement_
+par la misricorde, et _moins principalement_ par ses vertus et
+ses oeuvres?--LUTHER. Non pas. Ses vertus et ses oeuvres ne sont
+bonnes et pures que parce qu'elles sont de saint Paul, c'est--dire
+d'un juste. Une oeuvre plat ou dplat, est bonne ou mauvaise,
+cause de la personne qui la fait.--MLANCHTON. Mais vous enseignez
+vous-mme que les bonnes oeuvres sont ncessaires, et saint Paul qui
+croit, et qui en mme temps fait les oeuvres, est agrable Dieu
+pour cela. S'il faisait autrement il lui dplairait.--LUTHER. Les
+oeuvres sont ncessaires, il est vrai, mais c'est par une ncessit
+sans contrainte, et toute autre que celle de la Loi. Il faut que le
+soleil luise, c'est une ncessit galement; cependant ce n'est pas
+par suite d'une loi qu'il luit, mais bien par nature, par une qualit
+inhrente et qui ne peut tre change: il est cr pour luire. De mme
+le juste, aprs la rgnration, fait les oeuvres, non pour obir
+quelque loi ou contrainte, car il ne lui est pas donn de loi, mais
+par une ncessit immuable.--Ce que vous dites de saint Paul, qui,
+sans les oeuvres, ne plairait pas Dieu, est obscur et inexact, car
+il est impossible qu'un croyant, c'est--dire un juste, ne fasse ce
+qui est bien.--MLANCHTON. Sadolet nous accuse de nous contredire
+en enseignant que la foi seule justifie, et en admettant nanmoins
+que les bonnes oeuvres sont ncessaires.--LUTHER. C'est que les faux
+frres et les hypocrites, faisant semblant de croire, on leur demande
+les oeuvres pour confondre leur fourberie...--MLANCHTON. Vous dites
+que saint Paul est justifi par la seule misricorde de Dieu. A cela
+je rplique que si l'obissance ne venait s'ajouter la misricorde
+divine, il ne serait point sauv, conformment la parole (I. Cor.
+IX): Malheur moi, si je ne prchais pas l'vangile!--LUTHER. Il
+n'est besoin de rien ajouter la foi; si elle est vritable, elle est
+ elle seule efficace toujours et en tout point. Ce que les oeuvres
+valent, elles ne le valent que par la puissance et la gloire de la foi,
+qui est, comme le soleil, resplendissante et rayonnante par ncessit
+de nature.--MLANCHTON. Dans saint Augustin, les oeuvres sont incluses
+en ces mots: _Sol fide_.--LUTHER. Quoi qu'il en soit, saint Augustin
+fait assez voir qu'il est des ntres, quand il dit: Je suis effray,
+il est vrai, mais je ne dsespre pas, car je me souviens des plaies
+du Seigneur. Et ailleurs, dans ses Confessions: Malheur aux hommes,
+quelque bonne et louable que leur vie puisse tre, s'ils ne sollicitent
+la misricorde de Dieu...--MLANCHTON. Est-elle vraie, cette parole:
+La justice est ncessaire au salut?--LUTHER. Non pas dans ce sens,
+que les oeuvres produisent le salut, mais qu'elles sont les compagnes
+insparables de la foi qui justifie. C'est tout de mme qu'il faudra
+que je sois l en personne lorsque je serai sauv.
+
+ [11] Mlanchton fait remarquer que saint Augustin n'exprime
+ pas cette opinion dans ses crits de controverse.
+
+J'en serai aussi, dit l'autre qu'on menait pour tre pendu, et qui
+voyait les gens courir toutes jambes vers le gibet... La foi qui
+nous est donne de Dieu rgnre l'homme incessamment et lui fait
+faire des oeuvres nouvelles, mais ce ne sont pas les oeuvres nouvelles
+qui font que l'homme est rgnr... Les oeuvres n'ont pas de justice
+par elles-mmes aux yeux de Dieu, quoiqu'elles ornent et glorifient
+accidentellement l'homme qui les fait... En somme, les croyans sont
+une cration nouvelle, un arbre nouveau. Toutes ces manires de dire
+usites dans la Loi, telles que: Le croyant _doit_ faire de bonnes
+oeuvres, ne nous conviennent donc plus. On ne dit pas: Le soleil _doit
+luire_, un bon arbre _doit_ porter de bons fruits, trois et sept
+_doivent_ faire dix. Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui
+commande; le bon arbre porte de mme ses bons fruits; trois et sept
+ont de tout temps fait dix; il n'est pas besoin de le commander pour
+l'avenir.
+
+Le passage suivant est plus exprs encore. Je pense qu'il n'y a point
+de qualit qui s'appelle foi ou amour, comme le disent les rveurs et
+les sophistes, mais je reporte cela entirement au Christ, et je dis
+_mea formalis justitia_ (la justice certaine, permanente, parfaite,
+dans laquelle il n'y a ni manque, ni dfaut; celle qui est comme elle
+doit tre devant Dieu), cette justice c'est le Christ, mon seigneur.
+(Tischr., p. 133.)
+
+Ce passage est un de ceux qui font le plus fortement sentir le rapport
+intime de la doctrine de Luther avec le systme d'identification
+absolue. On conoit que la philosophie allemande ait abouti Schelling
+et Hegel.
+
+
+ [a69] Page 152.
+
+Les papistes se moquaient beaucoup des quatre nouveaux vangiles. Celui
+de Luther, qui condamne les oeuvres; celui de Kuntius, qui rebaptise
+les adultes; celui d'Othon de Brunfels, qui ne regarde l'criture
+que comme un pur rcit cabalistique, _surda sine spiritu narratio_;
+enfin, celui des mystiques (Cochlus, p. 165.) Ils auraient pu y
+joindre celui du docteur Paulus Ricius, mdecin juif, qui fit paratre,
+pendant la dite de Ratisbonne, un petit livre o Mose et saint Paul
+montraient, dans un dialogue, comment toutes les opinions religieuses
+qui excitaient tant de disputes pouvaient tre concilies.
+
+
+ [a70] Page 155, ligne 6.--_J'ai vu dans l'air un petit nuage de
+ feu... Dieu est irrit..._
+
+La comte me donne penser que quelque malheur menace l'Empereur et
+Ferdinand. Elle a tourn sa queue d'abord vers le nord, puis vers le
+sud, dsignant ainsi les deux frres. (oct. 1531.)
+
+
+ [a71] Page 156, ligne 24.--_Michel Stiefel croit tre le
+ septime ange..._
+
+Michel Stiefel, avec sa septime trompette, nous prophtise le jour du
+jugement pour cette anne, vers la Toussaint. (26 aot 1533.)
+
+
+ [a72] Page 162, _fin du chapitre_.
+
+Il se moque de l'importance donne aux crmonies extrieures dans
+une lettre George Duchholzer, ecclsiastique de Berlin, qui lui
+avait demand son avis sur la rforme rcemment introduite dans le
+Brandebourg: ..... Pour ce qui est de la chasuble, des processions et
+autres choses extrieures que votre prince ne veut pas abolir, voici
+mon conseil: S'il vous accorde de prcher l'vangile de Jsus-Christ
+purement et sans additions humaines, d'administrer le baptme et la
+communion tels que Christ les a institus, de supprimer l'adoration
+des saints et les messes des morts, de renoncer bnir l'eau, le
+sel et les herbes, de ne plus porter les saints-sacremens dans les
+processions, enfin s'il n'y fait chanter que des cantiques purs de
+toute doctrine humaine: faites les crmonies qu'il demande, la garde
+de Dieu, portez une croix d'or ou d'argent, une chape, une chasuble
+de velours, de soie, de toile et tout ce que vous voudrez. Si votre
+seigneur ne se contente pas d'une seule chape ou chasuble, mettez-en
+trois, comme le grand prtre Aaron qui mettait trois robes l'une sur
+l'autre, toutes belles et magnifiques. Si sa Grce lectorale n'a pas
+assez d'une seule procession que vous ferez avec chant et tintamarre,
+faites-la sept fois, comme Josu et les enfans d'Isral allrent sept
+fois autour de Jricho en criant et sonnant des trompettes. Et pour
+peu que cela amuse sa Grce lectorale, elle n'a qu' ouvrir elle-mme
+la marche, et danser devant les autres, au son des harpes, des
+timbales et des sonnettes, comme fit David devant l'arche du Seigneur
+ Jrusalem; je ne m'y oppose point. Ces choses, quand l'abus ne s'y
+mle point, n'ajoutent, n'tent rien l'vangile. Mais il faut se
+garder d'en faire des ncessits, des chanes pour la conscience. Si
+seulement je pouvais en venir l avec le pape et ses adhrens, ah!
+que je remercierais Dieu! Vraiment, si le pape me cdait ce point, il
+pourrait me dire de porter je ne sais quoi, que je le porterais pour
+lui faire plaisir..... Pardonnez-moi, mon cher ami, de vous rpondre
+si brivement aujourd'hui; j'ai la tte si faible, qu'il m'en cote
+d'crire... (4 dcembre 1539.)
+
+
+ [a73] Page 177, ligne 18.--_Elle tomba raide..._
+
+Une servante avait eu, pendant bien des annes un invisible esprit
+familier qui s'asseyait prs d'elle au foyer, o elle lui avait fait
+une petite place, s'entretenant avec lui pendant les longues nuits
+d'hiver. Un jour la servante pria Heinzchen (elle nommait ainsi
+l'esprit) de se laisser voir dans sa vritable forme. Mais Heinzchen
+refusa de le faire. Enfin, aprs de longues instances, il y consentit,
+et dit la servante de descendre dans la cave, o il se montrerait.
+La servante prit un flambeau, descendit dans le caveau, et l, dans un
+tonneau ouvert, elle vit un enfant mort qui flottait au milieu de son
+sang. Or, longues annes auparavant, la servante avait mis secrtement
+un enfant au monde, l'avait gorg, et l'avait cach dans un tonneau.
+(Tischreden, page 222, trad. d'Henri Heine. Voy. son bel article sur
+Luther, _Revue des deux Mondes_, 1er mars 1834.)
+
+
+ [a74] Page 182, ligne 15.--_Ils saisissaient la tte..._
+
+L'ennemi de tout bien et de toute sant (le diable), chevauche
+quelquefois travers ma tte, de manire me rendre incapable de lire
+ou d'crire la moindre des choses. (28 mars 1532.)
+
+
+ [a75] Page 183, ligne 9.--_Le diable n'est pas, la vrit, un
+ docteur qui a pris ses grades..._
+
+C'est une chose merveilleuse, dit Bossuet, de voir combien
+srieusement et vivement il dcrit son rveil, comme en sursaut, au
+milieu de la nuit, l'apparition manifeste du diable pour disputer
+contre lui. La frayeur dont il fut saisi, sa sueur, son tremblement
+et son horrible battement de coeur dans cette dispute; les pressans
+argumens du dmon qui ne laisse aucun repos l'esprit; le son de sa
+puissante voix; ses manires de disputer accablantes, o la question et
+la rponse se font sentir la fois. Je sentis alors, dit-il, comment
+il arrive si souvent qu'on meure subitement vers le matin: c'est que le
+diable peut tuer et trangler les hommes, et sans tout cela, les mettre
+si fort l'troit par ses disputes, qu'il y a de quoi en mourir, comme
+je l'ai plusieurs fois expriment. (_De abrogand miss privat_, t.
+VII, 222, trad. de Bossuet. Variations, II, p. 203.)
+
+
+ [a76] Page 201, ligne 8.--_Aprs avoir prch Smalkalde..._
+
+Il crivit sa femme sur cette maladie: ... J'ai t comme mort;
+je t'avais dj recommande, toi et nos enfans, Dieu et notre
+Seigneur, dans la pense que je ne vous reverrais plus; j'tais bien
+mu en pensant vous; je me voyais dj dans la tombe. Les prires et
+les larmes de gens pieux qui m'aiment, ont trouv grce devant Dieu.
+Cette nuit a tu mon mal, me voil comme ren... (27 fvrier 1537.)
+
+Luther prouva une rechute dangereuse Wittemberg. Oblig de rester
+ Gotha, il se croyait prs de la mort. Il dicta Bugenhagen, qui
+tait avec lui, sa dernire volont. Il dclara qu'il avait combattu la
+papaut selon sa conscience, et demanda pardon Mlanchton, Jonas et
+ Cruciger des offenses qu'il pouvait leur avoir faites. (Ukert, t. I,
+p. 325.)
+
+
+ [a77] Page 202, ligne 2.--_Ma vritable maladie..._
+
+Luther fut atteint de bonne heure de la pierre; cette maladie le
+faisait cruellement souffrir. Il fut opr le 27 fvrier 1537.
+
+Je commence entrer en convalescence, avec la grce de Dieu, je
+rapprends boire et manger, quoique mes jambes, mes genoux, mes os
+tremblent, et que je me porte peine. (21 mars 1537.)
+
+Je ne suis, mme sans parler des maladies et de la vieillesse, qu'un
+cadavre engourdi et froid. (6 dcembre 1537.)
+
+
+ [a78] Page 215, ligne 10.--_Les comtes de Mansfeld..._
+
+Il avait essay en vain de rconcilier les comtes de Mansfeld. Si l'on
+veut, dit-il, faire entrer dans une maison un arbre coup, il ne faut
+pas le prendre par la tte; toutes les branches l'arrteraient la
+porte. Il faut le prendre par la racine, et les branches plieront pour
+entrer. (Tischreden, p. 355.)
+
+
+ [a79] Page 222.--_A la fin du chapitre._
+
+Nous runissons ici plusieurs particularits relatives Luther.
+
+rasme dit de lui: On loue unanimement les moeurs de cet homme; c'est
+un grand tmoignage que ses ennemis mme n'y trouvent pas matire la
+calomnie. (Ukert, t. II, page 5.)
+
+Luther aimait les plaisirs simples: il faisait souvent de la musique
+avec ses commensaux et jouait aux quilles avec eux.--Mlanchton dit
+de lui: Quiconque l'aura connu et frquent familirement, avouera
+que c'tait un excellent homme, doux et aimable en socit, nullement
+opinitre ni ami de la dispute. Joignez cela la gravit qui convenait
+ son caractre.--S'il montrait de la duret en combattant les ennemis
+de la vraie doctrine, ce n'tait point malignit de nature, mais ardeur
+et passion pour la vrit. (Ukert, t. II, p. 12.)
+
+
+Bien qu'il ne ft ni d'une petite stature ni d'une complexion faible,
+il tait d'une extrme temprance dans le boire et le manger. Je l'ai
+vu tant en pleine sant, passer quatre jours entiers sans prendre
+aucun aliment, et souvent se contenter, dans une journe entire, d'un
+peu de pain et d'un hareng pour toute nourriture. (_Vie de Luther_,
+par Mlanchton.)
+
+
+Mlanchton dit dans ses OEuvres posthumes: Je l'ai souvent trouv,
+moi-mme, pleurant chaudes larmes, et priant Dieu ardemment pour le
+salut de l'glise. Il consacrait, chaque jour, quelque temps dire des
+psaumes et invoquer Dieu de toute la ferveur de son me. (Ukert, t.
+II, p. 7.)
+
+
+Luther dit de lui-mme: Si j'tais aussi loquent et aussi riche en
+paroles qu'rasme, aussi bon hellniste que Joachim Camrarius, aussi
+savant en hbreu que Forscherius, et aussi un peu plus jeune, ah! quels
+travaux je ferais! (Tischreden, p. 447.)
+
+
+Le licenci Amsdorf est naturellement thologien. Les docteur
+Creuziger et Jonas le sont par art et rflexion. Mais moi et le docteur
+Pomer, nous donnons peu de prise dans la dispute. (Tischreden, p. 425.)
+
+
+A Antoine Unruche, juge Torgau ... Je vous remercie de tout mon
+coeur, cher Antoine, d'avoir pris en main la cause de Marguerite Dorst,
+et de n'avoir pas souffert que ces insolens hobereaux enlevassent
+la pauvre femme le peu qu'elle a. Vous savez que le docteur Martin
+n'est pas seulement thologien et dfenseur de la foi, mais aussi
+le soutien du droit des pauvres gens qui viennent de tous cts lui
+demander ses conseils et son intercession auprs des autorits. Il sert
+volontiers les pauvres, comme vous faites vous-mme, vous et ceux qui
+vous ressemblent. Tous les juges devraient tre comme vous. Vous tes
+pieux, vous craignez Dieu, vous aimez sa parole; aussi Jsus-Christ ne
+vous oubliera-t-il pas... (12 juin 1538.)
+
+
+Luther crit sa femme au sujet d'un vieux domestique qui allait
+quitter sa maison: Il faut congdier notre vieux Jean honorablement;
+tu sais qu'il nous a toujours servis loyalement, avec zle, et comme
+il convenait un serviteur chrtien. Combien n'avons-nous pas donn
+ des vauriens, des tudians ingrats, qui ont fait un mauvais usage
+de notre argent? Il ne faut donc pas lsiner, dans cette occasion,
+l'gard d'un si honnte serviteur, chez lequel notre argent sera plac
+d'une manire agrable Dieu. Je sais bien que nous ne sommes pas
+riches; je lui donnerais volontiers dix florins si je les avais; en
+tous cas, ne lui en donne pas moins de cinq, car il n'est pas habill.
+Ce que tu pourras faire de plus, fais-le, je t'en prie. Il est vrai
+que la caisse de la ville devrait bien aussi lui donner quelque chose,
+parce qu'il a fait toutes sortes de services dans l'glise; qu'ils
+agissent comme ils voudront. Vois de quelle manire tu pourras avoir
+cet argent. Nous avons un gobelet d'argent mettre en gage. Dieu ne
+nous abandonnera pas, j'en suis sr. Adieu. (17 fvrier 1532.)
+
+
+Le prince m'a donn un anneau d'or; mais afin que je visse bien que
+je n'tais pas n pour porter de l'or, l'anneau est aussitt tomb de
+mon doigt (car il est un peu trop large). J'ai dit: Tu n'es qu'un ver
+de terre, et non un homme. Il fallait donner cet or Faber, Eckius;
+pour toi, du plomb, une corde au cou te conviendraient davantage. (15
+septembre 1530.)
+
+
+L'lecteur, tablissant une contribution pour la guerre des Turcs,
+en avait fait exempter Luther. Il lui rpondit qu'il acceptait cette
+faveur pour ses deux maisons, dont l'une (l'ancien couvent) lui cotait
+beaucoup d'entretien sans rien rapporter, et dont l'autre n'tait pas
+paye encore. Mais, continue-t-il, je prie votre Grce lectorale,
+en toute soumission, de permettre que je contribue pour mes autres
+biens. J'ai encore un jardin estim cinq cents florins, une terre
+quatre-vingt-dix, et un petit jardin qui en vaut vingt. J'aimerais bien
+ faire comme les autres, combattre le Turc de mes liards, ne pas
+tre exclu de l'arme qui doit nous sauver. Il y en a dj assez qui ne
+donnent pas volontiers; je ne voudrais pas faire des envieux. Il vaut
+mieux qu'on ne puisse se plaindre, et que l'on dise: Le docteur Martin
+est aussi oblig de payer. (26 mars 1542.)
+
+
+A l'lecteur Jean. Grce et paix en Jsus-Christ. Srnissime
+seigneur! j'ai long-temps diffr de remercier votre Grce des habits
+qu'elle a bien voulu m'envoyer; je le fais par la prsente de tout mon
+coeur. Cependant je prie humblement votre Grce de ne pas en croire
+ceux qui me prsentent comme dans le dnment. Je ne suis dj que trop
+riche selon ma conscience; il ne me convient pas, moi, prdicateur,
+d'tre dans l'abondance, je ne le souhaite ni ne le demande.--Les
+faveurs rptes de votre Grce commencent vraiment m'effrayer. Je
+n'aimerais pas tre de ceux qui Jsus-Christ dit: Malheur vous,
+riches, parce que vous avez dj reu votre consolation! Je ne voudrais
+pas non plus tre charge votre Grce, dont la bourse doit s'ouvrir
+sans cesse pour tant d'objets importans. C'tait donc dj trop de
+l'toffe brune qu'elle m'a envoye; mais, pour ne pas tre ingrat, je
+veux aussi porter en son honneur l'habit noir, quoique trop prcieux
+pour moi; si ce n'tait un prsent de votre Grce lectorale, je
+n'aurais jamais voulu porter un pareil habit.
+
+Je supplie en consquence votre Grce de vouloir bien dornavant
+attendre que je prenne la libert de demander quelque chose. Autrement
+cette prvenance de sa part m'terait le courage d'intercder
+auprs d'elle pour d'autres qui sont bien plus dignes de sa faveur.
+Jsus-Christ rcompensera votre me gnreuse: c'est la prire que je
+fais de tout mon coeur. Amen. (17 aot 1529.)
+
+
+Jean-le-Constant avait fait prsent Luther de l'ancien couvent
+des Augustins Wittemberg.--L'lecteur Auguste le racheta de ses
+hritiers, en 1564, pour le donner l'universit. (Ukert, t. I, p.
+347.)
+
+
+_Lieux habits par Luther et objets qu'on a conservs de lui._--La
+maison dans laquelle Luther naquit n'existe plus; elle fut brle
+en 1689.--A la Wartbourg, on montre encore sur le mur une tache
+d'encre que Luther aurait faite en jetant son critoire la tte du
+diable.--On a conserv aussi la cellule qu'il occupait au couvent de
+Wittemberg, avec diffrens meubles qui lui appartenaient. Les murs de
+cette cellule sont couverts de noms de visiteurs. On remarque celui de
+Pierre-le-Grand crit sur la porte.--A Cobourg, l'on voit la chambre
+qu'il habitait pendant la dite d'Augsbourg (1530).
+
+
+Luther portait au doigt une bague d'or, maille, sur laquelle on
+voyait une petite tte de mort avec ces mots: _Mori spe cogita_;
+autour du chaton tait crit: _O mors, ero mors tua_. Cette bague est
+conserve Dresde, ainsi qu'une mdaille en argent dore, que la femme
+de Luther portait au cou. Dans cette mdaille, un serpent se dresse
+sur les corps des Isralites, avec ces mots: _Serpens exaltatus typus
+Christi crucifixi_. Le revers prsente Jsus-Christ sur la croix avec
+cette lgende: _Christus mortuus est pro peccatis nostris_. D'un ct
+on lit encore: _D. Mart. Luter Caterin su dono. D. H. F._; et de
+l'autre: _Qu nata est anno 1499, 29 januarii_.
+
+
+Il avait lui-mme un cachet dont il a donn la description dans une
+lettre Lazare Spengler: Grce et paix en Jsus-Christ.--Cher
+seigneur et ami! vous me dites que je vous ferais plaisir en vous
+expliquant le sens de ce qu'on voit sur mon sceau. Je vais donc
+vous indiquer ce que j'ai voulu y faire graver, comme symbole de ma
+thologie. D'abord, il y a une croix noire avec un coeur au milieu.
+Cette croix doit me rappeler que la foi au Crucifi nous sauve: qui
+croit en lui de toute son me est justifi. Cette croix est noire
+pour indiquer la mortification, la douleur par laquelle le chrtien
+doit passer. Le coeur nanmoins conserve sa couleur naturelle; car la
+croix n'altre pas la nature, elle ne tue pas, elle vivifie. _Justus
+fide vivit, sed fide crucifixi._ Le coeur est plac au milieu d'une
+rose blanche, qui indique que la foi donne la consolation, la joie et
+la paix; la rose est blanche et non rouge, parce que ce n'est point
+la joie et la paix du monde, mais celle des esprits: le blanc est la
+couleur des esprits, et de tous les anges. La rose est dans un champ
+d'azur, pour montrer que cette joie dans l'esprit et dans la foi est un
+commencement de la joie cleste qui nous attend; celle-ci y est dj
+comprise, elle existe dj en espoir, mais le moment de la consommation
+n'est pas encore venu. Dans ce champ vous voyez aussi un cercle
+d'or. Il indique que la flicit dans le ciel durera ternellement,
+et qu'elle est suprieure toute autre joie, tout autre bien,
+comme l'or est le plus prcieux des mtaux.--Que Jsus-Christ, notre
+seigneur, soit avec vous jusque dans la vie ternelle. Amen. De mon
+dsert de Cobourg, 8 juillet 1530.
+
+
+A Altenbourg, l'on a conserv long-temps un verre de table dans lequel
+Luther avait bu la dernire fois qu'il visita son ami Spalatin. (Ukert,
+t. I, page 245 et suiv.)
+
+
+
+
+RENVOIS DU TOME TROISIME.
+
+ Renvoi Page ligne
+ [r1] 3, 19. _Otto Pack._--Cochlus, 171.
+ [r2] 4, 11. _Cette ligue._--Ukert, 216.
+ [r3] 5, 15. _Tu crains que._--Luther Werke, t. IX, 231.
+ [r4] 6, 24. _Mmoire de Luther._--_Ibid._ t. IX, 297.
+ [r5] 20, 23. _L'Espagnol disait._--_Ibid._ t. IX, 414.
+ [r6] 23, 14. _Luther crit._--_Ibid._ t. IX, 459.
+ [r7] 29, 15. _Comment l'vangile._--_Ibid._ t. II, 391, 199.
+ [r8] 35, 17. _Nouvelle sur les Anabaptistes._--_Ibid._
+ t. II, 328.
+ [r9] 40, 20. _Les anabaptistes soumis._--_Ibid._ t. II, 365.
+ [r10] 42, 4. _Entretien._--_Ibid._ t. II, 376.
+ [r11] 49, 11. _Le 19 janvier._--_Ibid._ t. II, 400.
+ [r12] 51, 3. _Prface de Luther._--_Ibid._ t. II, 332.
+ [r13] 60, 14. _Les instructions._--Bossuet en a donn le texte
+ dans son histoire des _Variations de l'glise
+ protestante_.--t. I, 328, 199.
+ [r14] 72, 3. _Celui qui insulte._--Tischr. 241.
+ [r15] 72, 8. _Le droit saxon._--_Ibid._ 315 _bis_.
+ [r16] 72, 14. _Il n'y a point de doute._--_Ibid._ 116.
+ [r17] 72, 22. _On disait Luther._--_Ibid._ 312 _bis_.
+ [r18] 73, 11. _Lettre un ami._--_Ibid._ 313 _bis_.
+ [r19] 73, 20. _Il n'est gure plus possible._--_Ibid._ 315 _bis_.
+ [r20] 74, 4. _La plus grande grce._--_Ibid._ 313.
+ [r21] 74, 20. _Au jour de la._--_Ibid._ 316 _bis_.
+ [r22] 75, 6. _Le docteur M._--_Ibid._ 320.
+ [r23] 75, 18. _En 1541._--_Ibid._ 264 _bis_.
+ [r24] 76, 4. _La premire anne._--_Ibid._ 313 _bis_.
+ [r25] 76, 19. _Lucas Cranach._--_Ibid._ 314.
+ [r26] 77, 19. _On trouve l'image._--_Ibid._ 312 _bis_.
+ [r27] 78, 6. _Les petits enfans._--_Ibid._ 42 _bis_.
+ [r28] 78, 3. _On amena._--_Ibid._ 124.
+ [r29] 78, 20. _Servez._--_Ibid._ 10 _bis_.
+ [r30] 79, 3. _Au premier jour._--_Ibid._ 314 _bis_.
+ [r31] 79, 13. _Aprs qu'il eut._--_Ibid._ 47.
+ [r32] 79, 21. _Il disait son._--_Ibid._ 49 _bis_.
+ [r33] 79, 25. _Les enfans sont les plus heureux._--_Ibid._ 134.
+ [r34] 80, 10. _Une autre fois._--_Ibid._ 134 _bis_.
+ [r35] 80, 19. _Comme matre._--_Ibid._ 45 _bis_.
+ [r36] 81, 1. _Quels ont d tre._--_Ibid._ 47.
+ [r37] 81, 17. _Il est touchant._--_Ibid._ 42-43 _passim_.
+ [r38] 81, 24. _Le 9 avril 1539._--_Ibid._ 363.
+ [r39] 82, 16. _Le 18 avril._--_Ibid._ 423.
+ [r40] 83, 13. _Supportons._--Lettre V, 726.
+ [r41] 83, 22. _Un soir._--Tischr. 43 _bis_.
+ [r42] 84, 1. _Vers le soir._--_Ibid._ 24 _bis_.
+ [r43] 85, 10. _Le petit enfant._--Tischred. 32, verso.
+ [r44] 86, 23. _Dans les choses divines._--_Ibid._ 69.
+ [r45] 87, 14. _Le dcalogue._--_Ibid._ 112, verso.
+ [r46] 87, 18. _On demandait au docteur._--_Ibid._ 362.
+ [r47] 88, 1. _Cicron._--_Ibid._ 425.
+ [r48] 88, 12. _On demandait Luther._--_Ibid._ 106.
+ [r49] 88, 25. _Le docteur soupirait._--_Ibid._ 11, verso.
+ [r50] 89, 11. _Autrefois._--_Ibid._ 311.
+ [r51] 89, 21. _Que sont les saints._--Cochlus, Vie de Luther,
+ 226.
+ [r52] 90, 10. _Nos adversaires._--Tischred. 447.
+ [r53] 90, 18. _Pourquoi enseigne-t-on?_--Luth. Werke, t. II, 16.
+ [r54] 92, 8. _Le Pater noster._--Tischreden, 153.
+ [r55] 93, 3. _L'vangile de saint Jean._--Ukert, 18.
+ [r56] 95, 28. _Ambroise._--Tischreden, 383.
+ [r57] 96, 7. _Saint Augustin._--_Ibid._ 98.
+ [r58] 97, 11. _Les nominaux._--_Ibid._ 384.
+ [r59] 98, 15. _Le D. Staupitz._--_Ibid._ 385.
+ [r60] 99, 11. _Jean Huss._--_Ibid._ 386.
+ [r61] 99, 26. _Jean Huss tait._--_Ibid._ 127.
+ [r62] 100, 4. _La tte de l'antichrist._--_Ibid._ 241.
+ [r63] 100, 6. _C'est ma pauvre condition._--_Ibid._ 249.
+ [r64] 100, 18. _Les papistes._--_Ibid._ 255.
+ [r65] 100, 28. _Le pape le dit._--_Ibid._ 259.
+ [r66] 101, 6. _D'autres ont attaqu les moeurs._--_Ibid._ 192.
+ [r67] 101, 10. _Des conciles._--_Ibid._ 371-76.
+ [r68] 102, 14. _Des biens ecclsiastiques._--_Ibid._ 380.
+ [r69] 103, 17. _Le proverbe a raison._--_Ibid._ 60.
+ [r70] 104, 7. _En Italie._--_Ibid._ 275.
+ [r71] 104, 26. _Dans les disputes._--_Ibid._ 271.
+ [r72] 105, 3. _La moinerie._--_Ibid._ 272.
+ [r73] 123, 4. _Oh! combien je tremblais._--_Ibid._ 181.
+ [r74] 124, 9. _Je n'aime pas que Philippe._--_Ibid._ 197.
+ [r75] 124, 14. _Le docteur Jonas lui disait._--_Ibid._ 113.
+ [r76] 124, 24. _Je veux que l'on enseigne._--_Ibid._ 116.
+ [r77] 125, 4. _Le docteur Erasmus Alberus._--_Ibid._ 184.
+ [r78] 125, 16. _Albert Drer._--_Ibid._ 425.
+ [r79] 125, 20. _Oh! que j'eusse t heureux._--Luth. Werke,
+ t. IX, 245.
+ [r80] 125, 27. _Rien n'est plus agrable._--Tischreden, 182.
+ [r81] 126, 3. _Parmi les qualits._--_Ibid._ 183.
+ [r82] 126, 7. _Dans le trait._--Seckendorf, livre I, 202.
+ [r83] 128, 4. _Le docteur Luther disait._--Tischreden, 105.
+ [r84] 128, 8. _Si je meurs._--_Ibid._ 356.
+ [r85] 128, 13. _Dans la colre._--_Ibid._ 145.
+ [r86] 131, 4. _Il n'est pas d'alliance._--_Ibid._ 331.
+ [r87] 132, 19. _La nouvelle tant venue._--_Ibid._ 274.
+ [r88] 134, 12. _La nuit qui prcda la mort._--_Ibid._ 360.
+ [r89] 138, 3. _Il vaut mieux._--_Ibid._ 347.
+ [r90] 139, 13. _Le droit est une belle fiance._--_Ibid._ 273.
+ [r91] 139, 28. _Avant moi, il n'y a eu._--_Ibid._ 402.
+ [r92] 142, 22. _Voil comme agissent._--_Ibid._ 403.
+ [r93] 143, 12. _Bon peuple, veuillez agrer._--_Ibid._ 407.
+ [r94] 145, 11. _Je suis maintenant._--_Ibid._ 102.
+ [r95] 146, 8. _La loi sans doute._--_Ibid._ 128.
+ [r96] 146, 17. _Pour me dlivrer entirement._--Tischreden, 133.
+ [r97] 147, 1. _Il n'est qu'un seul point._--_Ibid._ 140.
+ [r98] 147. _Luther en parlant._--_Ibid._ 147.
+ [r99] 147, 8. _Le diable veut seulement._--_Ibid._ 142.
+ [r100] 147, 15. _Un docteur anglais._--_Ibid._ 144.
+ [r101] 148, 1. _Pour rsister._--_Ibid._ 124.
+ [r102] 149, 8. _Dieu dit Mose._--_Ibid._ 125.
+ [r103] 153, 6. _Le docteur Martin Luther disait au
+ sujet._--_Ibid._ 292.
+ [r104] 153, 11. _Quand je commenai crire._--_Ibid._ 193.
+ [r105] 153, 22. _En 1521, il vint chez moi._--_Ibid._ 282.
+ [r106] 155, 27. _Matre Stiefel._--_Ibid._ 367.
+ [r107] 156, 26. _Bileas._--_Ibid._ 192.
+ [r108] 157, 4. _Le docteur Jeckel._--_Ibid._ 287.
+ [r109] 158, 1. _Le docteur Luther faisant reproche._--_Ibid._ 290.
+ [r110] 158, 19. _Des antinomiens._--_Ibid._ 287.
+ [r111] 159, 15. _Qui aurait pens._--_Ibid._ 288.
+ [r112] 160, 8. _J'ai eu tant de confiance._--_Ibid._ 291.
+ [r113] 161, 1. _En 1540, Luther._--_Ibid._ 129.
+ [r114] 161, 22. _Matre Jobst._--_Ibid._ 124.
+ [r115] 162, 12. _Si au commencement._--_Ibid._ 125.
+ [r116] 163, 4. _Matre Philippe dit._--_Ibid._ 445.
+ [r117] 164, 4. _Philippe me demandait._--_Ibid._ 29.
+ [r118] 164, 8. _Si Philippe n'et pas t._--_Ibid._ 195.
+ [r119] 164, 11. _Le Paradis de Luther._--_Ibid._ 305.
+ [r120] 164, 21. _Les paysans ne sont pas dignes._--_Ibid._ 52.
+ [r121] 164, 28. _Le docteur Jonas._--_Ibid._ 137.
+ [r122] 165, 14. _Un mchant et horrible._--_Ibid._ 70.
+ [r123] 165, 22. _La femme du docteur._--_Ibid._ 150.
+ [r124] 166, 2. _Le docteur exhortait sa femme._--_Ibid._
+ [r125] 166, 22. _Le pater noster._--_Ibid._ 135.
+ [r126] 166, 25. _J'aime ma Catherine._--_Ibid._ 140.
+ [r127] 169, 3. _Une jeune fille._--_Ibid._ 92, verso.
+ [r128] 169, 9. _Un pasteur._--_Ibid._ 208.
+ [r129] 172, 5. _Il y a des lieux._--_Ibid._ 212.
+ [r130] 172, 18. _Un jour de grand orage._--_Ibid._ 219.
+ [r131] 173, 3. _Suivent deux histoires._--_Ibid._ 214.
+ [r132] 173, 11. _Le diable promne._--_Ibid._ 213.
+ [r133] 173, 18. _Aux Pays-Bas et en Saxe._--_Ibid._ 221.
+ [r134] 173, 21. _Les moines conduisaient._--_Ibid._ 222.
+ [r135] 173, 24. _On racontait table._--_Ibid._ 205.
+ [r136] 174, 8. _Un vieux cur._--_Ibid._ 205.
+ [r137] 175, 14. _Une autre fois, Luther._--_Ibid._ 205.
+ [r138] 176, 23. _Il y avait Erfurth._--_Ibid._ 215.
+ [r139] 177, 18. _Le docteur Luc Gauric._--_Ibid._ 216.
+ [r140] 177, 21. _Le diable peut se changer._--_Ibid._ 216.
+ [r141] 182, 9. _Le docteur Luther devenu plus g._--_Ibid._ 222.
+ [r142] 182, 16. _Cela m'est arriv._--_Ibid._ 220.
+ [r143] 182, 23. _Je sais, grce Dieu._--_Ibid._ 224.
+ [r144] 183, 9. _Le Diable n'est pas._--_Ibid._ 202.
+ [r145] 183, 20. _Au mois de janvier 1532._--Ukert, t. I, 320.
+ [r146] 184, 8. _Ma maladie qui consiste._--Tischreden, 210.
+ [r147] 184, 13. _En 1536, il maria._--Ukert, t. I, 322.
+ [r148] 184, 20. _Pendant que le docteur Luther._--Tischreden, 229.
+ [r149] 185, 8. _Quand le diable me trouve._--_Ibid._ 8.
+ [r150] 186, 1. _La nuit, quand je me rveille._--_Ibid._ 218.
+ [r151] 186, 6. _Aujourd'hui comme je._--_Ibid._ 220.
+ [r152] 186, 15. _Un jour que l'on parlait souper._--_Ibid._ 12.
+ [r153] 187, 1. _Le diable me fait regarder._--_Ibid._ 220.
+ [r154] 187, 4. _Le diable nous a jur._--_Ibid._ 362.
+ [r155] 187, 6. _La tentation de la chair._--_Ibid._ 318.
+ [r156] 187, 13. _Si je tombe._--_Ibid._ 226.
+ [r157] 187, 19. _Le grain d'orge a bien souffrir._--_Ibid._ 216.
+ [r158] 188, 15. _Quand le diable vient._--_Ibid._ 227.
+ [r159] 189, 4. _On peut consoler._--_Ibid._ 231.
+ [r160] 189, 10. _La meilleure mdecine._--_Ibid._ 238.
+ [r161] 189, 19. _Prface du docteur._--Luth. Werke, t. II, 1.
+ [r162] 200, 3. _Le mal de dents._--Tischreden, 356.
+ [r163] 200, 12. _Un homme se plaignait._--_Ibid._ 357.
+ [r164] 201, 8. _Aprs avoir prch._--_Ibid._ 362.
+ [r165] 203, 3. _Si j'avais su._--_Ibid._ 6.
+ [r166] 203, 8. _On disait une fois._--_Ibid._ 5.
+ [r167] 203, 18. _On disait un jour._--_Ibid._ 5, verso.
+ [r168] 204, 13. _C'est vous qui._--_Ibid._ 195, verso.
+ [r169] 204, 15. _Il sortit un jour._--_Ibid._ 189, verso.
+ [r170] 204, 17. _Le 16 fvrier._--_Ibid._ 414.
+ [r171] 204, 23. _Le chancelier du comte._--_Ibid._ 19.
+ [r172] 205, 16. _Dieu a un beau jeu._--_Ibid._ 32, verso.
+ [r173] 205, 22. _Le monde._--_Ibid._ 448, verso.
+ [r174] 205, 26. _Luther._--_Ibid._ 449.
+ [r175] 206, 15. _Un des convives._--_Ibid._ 295.
+ [r176] 206, 23. _Il sera si mauvais sujet._--_Ibid._ 15.
+ [r177] 207, 3. _On parlait table._--_Ibid._ 304. verso.
+ [r178] 207, 23. _Pauvres gens._--_Ibid._ 46.
+ [r179] 210, 17. _Je l'ai dit d'avance._--_Ibid._ 416.
+ [r180] 211, 7. _La vieille lectrice._--_Ibid._ 361-2.
+ [r181] 211, 15. _Je voudrais._--_Ibid._ 147.
+ [r182] 211, 18. _16 fvrier 1546._--_Ibid._ 362.
+ [r183] 211, 25. _Impromptu de Luther sur la fragilit._--_Ibid._
+ 358.
+ [r184] 212, 19. _Prdiction du Rvrend._--Opera latina, Iena,
+ 1612, Ier vol. aprs la table des matires.
+ [r185] 303, 23. _Il n'y a jamais eu._--Tischreden, 243.
+ [r186] 304, 1. _Le Pape Jules IIe du nom._--_Ibid._ 242.
+ [r187] 304, 12. _Si j'avais t._--_Ibid._ 243.
+ [r188] 304, 17. _Le Pape Jules II, un homme._--_Ibid._ 269.
+ [r189] 304, 23. _L'an 1532._--_Ibid._ 341.
+ [r190] 305, 1. _Lorsque ceux de Bruges._--_Ibid._ 448.
+ [r191] 305, 27. _L'empereur Maximilien._--_Ibid._ 343.
+ [r192] 305, 22. _On dit que._--_Ibid._ 184, verso.
+ [r193] 306, 22. _Aprs l'lection._--_Ibid._ 53.
+ [r194] 307, 5. _La nouvelle vint._--_Ibid._ 349.
+ [r195] 307, 14. _Les rois de France._--_Ibid._ 349, verso.
+ [r196] 309, 17. _Sept universits._--_Ibid._ 348.
+ [r197] 309, 23. _Quelques-uns qui avaient._--_Ibid._ 348, verso.
+ [r198] 310, 3. _Le duc Georges._--_Ibid._ 265.
+ [r199] 310, 7. _Lorsque le duc George dclara._--_Ibid._ 156.
+ [r200] 310, 17. _Le duc George a suc._--_Ibid._ 313, verso.
+ [r201] 310, 25. _Lorsque le duc George voyait._--_Ibid._ 142,
+ verso.
+ [r202] 312, 6. _L'lecteur Frdric._--_Ibid._ 451, verso.
+ [r203] 313, 3. _En 1525._--_Ibid._ 152.
+ [r204] 314, 8. _On dit que l'empereur._--_Ibid._ 353.
+ [r205] 315, 6. _Quoique le docteur Jonas._--_Ibid._ 354.
+ [r206] 317, 21. _Aprs la dite._--_Ibid._ 156.
+ [r207] 319, 4. _En Italie les hpitaux._--_Ibid._ 145.
+ [r208] 320, 1. _Je ne manque point._--_Ibid._ 424.
+ [r209] 320, 14. _En Italie et en France._--_Ibid._ 281, verso.
+ [r210] 320, 18. _En France._--_Ibid._ 271, verso.
+ [r211] 320, 25. _Lorsque je vis Rome._--_Ibid._ 442.
+ [r212] 322, 1. _Il y avait en Italie._--_Ibid._ 269, verso.
+ [r213] 322, 6. _Un soir la table._--_Ibid._ 442, verso.
+ [r214] 322, 15. _Christoff Gross._--_Ibid._ 441, verso.
+ [r215] 323, 4. _La peste rgne toujours._--_Ibid._ 440, verso.
+ [r216] 324, 21. _Dans mon voyage._--_Ibid._ 166.
+ [r217] 324, 25. _George Siegeler._--_Ibid._ 184.
+ [r218] 325, 5. _La Thuringe._--_Ibid._ 62.
+ [r219] 325, 14. _L'lectorat de Saxe._--_Ibid._ 269.
+ [r220] 325, 24. _Le vieil lecteur._--_Ibid._ 61, verso.
+ [r221] 329. _Le Turc ira Rome._--_Ibid._ 432.
+ [r222] 329, 7. _Le Christ a sauv._--_Ibid._ 432.
+ [r223] 329, 15. _Qui m'et dit._--_Ibid._ 436.
+ [r224] 329, 23. _Je ne compte point._--_Ibid._ 436, verso.
+ [r225] 329, 27. _Luther dit qu'aprs._ Luth. Werke,.--_Ibid._
+ t. II. 402.
+
+
+FIN DU TOME TROISIME.
+
+
+
+
+TABLE DU TROISIME VOLUME.
+
+
+ LIVRE III.--1529-1546 1
+
+ CHAP. 1er. 1529-1532. Les Turcs.--Danger de
+ l'Allemagne.--Augsbourg, Smalkalde.--Danger
+ du protestantisme. 1
+
+ CHAP. II. 1534-1536. Anabaptistes de Mnster. 28
+
+ CHAP. III. 1536-1545. Dernires annes de la vie de
+ Luther.--Polygamie du landgrave de Hesse, etc. 56
+
+
+ LIVRE IV.--1530-1546 71
+
+ CHAP. 1er. Conversations de Luther.--La famille, la femme,
+ les enfans.--La nature. 71
+
+ CHAP. II. La Bible.--Les Pres.--Les scolastiques.--Le pape.
+ Les conciles. 85
+
+ CHAP. III. Des coles et universits et des arts libraux. 100
+
+ CHAP. IV. Drames.--Musique.--Astrologie.--Imprimerie.--Banque,
+ etc. 114
+
+ CHAP. V. De la prdication.--Style de Luther.--Il avoue la
+ violence de son caractre. 123
+
+
+ LIVRE V. 131
+
+ CHAP. 1er. Mort du pre de Luther, de sa fille, etc. 131
+
+ CHAP. II. De l'quit, de la Loi.--Opposition du thologien
+ et du juriste. 138
+
+ CHAP. III. La foi; la loi. 144
+
+ CHAP. IV. Des novateurs.--Mystiques, etc. 152
+
+ CHAP. V. Tentations.--Regrets et doutes des amis, de la femme;
+ doutes de Luther lui-mme. 163
+
+ CHAP. VI. Le diable.--Tentations. 168
+
+ CHAP. VII. Maladies.--Dsir de la mort et du jugement.--Mort,
+ 1546. 200
+
+ Additions et claircissemens. 223
+
+ Renvois. 353
+
+
+FIN DE LA TABLE DU TOME TROISIME.
+
+
+
+
+ERRATA.
+
+
+ Page 2, ligne 12, au lieu de _regardent_, lisez _regardant_.
+ Page 9, ligne 21, au lieu de _le mieux_, lisez _mieux_.
+ Page 58, ligne 28, au lieu de _thologien_, lisez _thologiens_.
+ Page 252, ligne 17, au lieu de _digamie_, lisez _bigamie_.
+ Page 282, ligne 15, au lieu de _occurences_, lisez _occurrences_.
+ Page 287, ligne 10, au lieu de _heureux la mre_, lisez _heureuse
+ la mre_.
+ Page 308, ligne 10, au lieu de _de Pavie_, lisez _ Pavie_.
+ Page 316, ligne 1, au lieu de _a t_, lisez _'a t_.
+ Page 317, ligne 20, au lieu de _parle parle_, lisez _parle_.
+ Page 327, ligne 22, au lieu de _demandez_, lisez _demander_.
+ Page 328, ligne 13, au lieu de _ambarras_, lisez _embarras_.
+
+
+ * * * * *
+
+
+ Corrections:
+
+ Pages 3, 353, 355: Cochloeus remplac par Cochlus.
+ Page 28: compagnonage remplac par compagnonnage (Le
+ mystique compagnonnage allemand).
+ Page 36: dor par d'or (trente et un chevaux couverts de
+ draps d'or).
+ Page 37: cent par cents (prs de quatre mille deux cents).
+ Page 75: de de par de (Ne vous scandalisez pas de me voir).
+ Page 139: barette par barrette (doit ter sa barrette devant
+ la thologie).
+ Page 209: rassassi remplac par rassasi (On est rassasi
+ de la parole de Dieu).
+ Page 222: sufffire par suffire (que nous ayons pu y suffire).
+ Page 258: deux par d'eux (Que l'un d'eux avait commis un
+ meurtre).
+ Page 315: pomptement par promptement (il excute
+ promptement).
+ Page 339: Brandbourg par Brandebourg (rcemment introduite
+ dans le Brandebourg).
+ Page 340: tintamare par tintamarre (avec chant et tintamarre).
+ Page 353 RENVOIS DU TOME TROISIME: il faut sans doute lire
+ RENVOIS DU TOME DEUXIME.
+ Page 360 (renvoi n 160): ajout _Ibid._
+ Page 361 (renvoi n 176): au lieu de Il sera si mauvais il faut
+ sans doute lire Il fera si mauvais; ajout _Ibid._
+ Page 366 Table des matires: au lieu de TROISIME VOLUME et
+ TOME TROISIME il faut sans doute lire DEUXIME
+ VOLUME et TOME DEUXIME.
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme, by
+Martin Luther and Jules Michelet
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MMOIRES DE LUTHER ***
+
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+de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
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+ and discontinue all use of and all access to other copies of
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+Foundation as set forth in Section 3 below.
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+1.F.
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+refund. If you received the work electronically, the person or entity
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+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER
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+WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
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+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
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+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
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+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
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+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation information page at www.gutenberg.org
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+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
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+North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email
+contact links and up to date contact information can be found at the
+Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
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+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
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+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
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+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
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+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
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+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
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+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
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+approach us with offers to donate.
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+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
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+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
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+To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
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+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For forty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
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+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
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+</head>
+<body>
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+
+<pre>
+
+The Project Gutenberg EBook of Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme, by
+Martin Luther and Jules Michelet
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme
+ traduits et mis en ordre par M. Michelet
+
+Author: Martin Luther
+ Jules Michelet
+
+Release Date: January 7, 2014 [EBook #44617]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MMOIRES DE LUTHER ***
+
+
+
+
+Produced by Laurent Vogel, Pierre Timmermans, Hans Pieterse
+and the Online Distributed Proofreading Team at
+http://www.pgdp.net (This file was produced from images
+generously made available by the Bibliothèque nationale
+de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
+
+
+
+
+
+
+</pre>
+
+
+<hr class="full" />
+
+<p class="noind sansrf"><a href="#au_lecteur">Au lecteur</a></p>
+
+<p class="noind sansrf"><a href="#toc">Table</a></p>
+
+<p class="sep2 t1 cent">MMOIRES<br />
+DE LUTHER</p>
+
+<p class="sep6 cent">IMPRIMERIE DE DUCESSOIS,<br />
+<span class="t4">Quai des Augustins, 55.</span></p>
+
+<h1 class="sep2">MMOIRES<br />
+DE LUTHER</h1>
+
+<p class="sep3 cent spac"><b>CRITS PAR LUI-MME</b>,<br />
+<span class="t5">TRADUITS ET MIS EN ORDRE</span><br />
+<span class="t3">PAR M. MICHELET,</span><br />
+<span class="t5">PROFESSEUR A L'COLE NORMALE, CHEF DE LA SECTION HISTORIQUE
+AUX ARCHIVES DU ROYAUME,</span></p>
+
+<p class="sep2 cent spac">suivis d'un<br />
+<b>Essai sur l'Histoire de la Religion</b>,<br />
+ET DES BIOGRAPHIES</p>
+
+<p class="t5 cent spac sepb">DE WICLEFF, JEAN HUSS, RASME, MLANCHTON, HUTTEN,<br />
+ET AUTRES<br />
+PRDCESSEURS ET CONTEMPORAINS<br />
+DE LUTHER.</p>
+
+<hr class="hr6" />
+
+<p class="cent">TOME DEUXIME.</p>
+
+<hr class="hr6" />
+
+<p class="sep2 cent t3">PARIS.</p>
+
+<p class="cent t4">CHEZ L. HACHETTE,<br />
+Libraire de l'Universit de France,<br />
+RUE PIERRE-SARRAZIN, 12.</p>
+
+<hr class="hr6" />
+
+<p class="cent">1837</p>
+
+<div class="pagenum" id="Page_1"></div>
+
+<div class="npage">
+
+<p class="sep4 t1 cent">MMOIRES<br />
+DE LUTHER</p>
+
+<hr class="duo" />
+
+<h2>LIVRE III.<br />
+1529-1546.</h2>
+
+<hr class="hr7" />
+
+<h3>CHAPITRE PREMIER.<br />
+1529-1532.</h3>
+
+<p class="somm">Les Turcs. Danger de l'Allemagne.&mdash;Augsbourg,
+Smalkalde. Danger du protestantisme.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Luther fut tir de son abattement et ramen
+ la vie active par les dangers qui menaaient la
+Rforme et l'Allemagne. Lorsque ce <i>flau de Dieu</i>,
+qu'il attendait avec rsignation comme le signe
+du Jugement, fondit en effet sur l'Allemagne,
+lorsque les Turcs<a name="FNanchor_a1" id="FNanchor_a1" href="#Footnote_a1" class="fnanchor">[a1]</a> vinrent camper devant Vienne,
+<span class="pagenum" id="Page_2">2</span>
+Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, et
+fit un livre contre les Turcs, qu'il ddia au landgrave
+de Hesse. Le 9 octobre 1528 il crivit ce
+prince, pour lui exposer les motifs qui l'avaient
+dcid composer ce livre. Je ne puis me taire,
+dit-il; il est malheureusement parmi nous des
+prdicateurs qui font croire au peuple qu'on ne
+doit point s'occuper de la guerre des Turcs; il y
+en a mme d'assez extravagans pour prtendre,
+qu'en toutes circonstances, il est dfendu aux
+chrtiens d'avoir recours aux armes temporelles.
+D'autres encore, qui <ins id="err_1" title="original: regardent (Err.)">regardant</ins> le peuple allemand
+comme un peuple de brutes incorrigibles,
+vont jusqu' dsirer qu'il tombe au pouvoir des
+Turcs. Ces folies, ces horribles malices, sont
+imputes Luther et l'vangile, comme, il y
+a trois ans, la rvolte des paysans, et en gnral
+tout le mal qui arrive dans le monde. Il est donc
+urgent que j'crive ce sujet, tant pour confondre
+les calomniateurs, que pour clairer les
+consciences innocentes sur ce qu'il faut faire
+contre le Turc...</p>
+
+</div>
+
+<p>Nous avons appris hier que le Turc est parti
+de Vienne pour la Hongrie, par un grand miracle
+de Dieu. Car aprs avoir livr inutilement le
+vingtime assaut, il a ouvert la brche par une
+mine en trois endroits. Mais rien n'a pu ramener
+son arme l'attaque, Dieu l'avait frappe de
+<span class="pagenum" id="Page_3">3</span>
+terreur; ils aimaient mieux se laisser gorger par
+leurs chefs que de tenter ce dernier assaut. On
+croit qu'il s'est retir ainsi de peur des bombardes
+et de notre future arme; d'autres en jugent
+autrement. Dieu a manifestement combattu pour
+nous cette anne. Le Turc a perdu vingt-six mille
+hommes, et il a pri trois mille des ntres dans
+les sorties. J'ai voulu te communiquer ces nouvelles,
+afin que nous rendions grces et que nous
+priions ensemble. Car le Turc, devenu notre
+voisin, ne nous laissera pas ternellement la
+paix. (27 octobre 1529.)</p>
+
+<p>L'Allemagne tait sauve, mais le protestantisme
+allemand n'en tait que plus en pril.
+L'irritation des deux partis avait t porte au
+comble par un vnement antrieur l'invasion
+de Soliman. Si l'on en croit le biographe catholique
+de Luther, <ins id="cor_01" title="original: Cochl&oelig;us">Cochlus</ins>, que nous avons dj
+cit, le chancelier du duc George, Otto Pack,
+supposa une ligue des princes catholiques contre
+l'lecteur de Saxe et le landgrave de Hesse<a name="FNanchor_r1" id="FNanchor_r1" href="#Footnote_r1" class="fnanchor">[r1]</a>;
+il apposa ce prtendu projet le sceau du duc
+George, puis livra ces fausses lettres au Landgrave
+qui, se croyant menac, leva une arme
+et s'unit troitement l'lecteur<a name="FNanchor_a2" id="FNanchor_a2" href="#Footnote_a2" class="fnanchor">[a2]</a>.</p>
+
+<p>Les catholiques et surtout le duc George<a name="FNanchor_a3" id="FNanchor_a3" href="#Footnote_a3" class="fnanchor">[a3]</a> se
+dfendirent vivement d'avoir jamais song menacer
+l'indpendance religieuse des princes luthriens;
+<span class="pagenum" id="Page_4">4</span>
+ils rejetrent tout sur le chancelier qui
+n'avait fait peut-tre que divulguer les secrets desseins
+de son matre. Le docteur Pack<a name="FNanchor_a4" id="FNanchor_a4" href="#Footnote_a4" class="fnanchor">[a4]</a>, captif
+volontaire du Landgrave, ce que je pense, est
+jusqu' prsent accus d'avoir form cette alliance
+des princes. Il prtend se tirer d'affaire son
+honneur, et fasse Dieu que cette trame retombe
+sur la tte du rustre qui en est, je crois, l'auteur,
+sur celle de notre grand adversaire, tu sais de
+qui je parle (le duc George de Saxe). (14 juillet
+1528.)</p>
+
+<p>Cette ligue des princes impies, qu'ils nient
+cependant, tu vois quels troubles elle a excits;
+pour moi, je prends la froide excuse du duc
+George pour un aveu<a name="FNanchor_r2" id="FNanchor_r2" href="#Footnote_r2" class="fnanchor">[r2]</a>. Dieu confondra ce fou
+enrag, ce Moab qui dresse sa superbe au-dessus
+de ses forces. Nous prierons contre ces homicides;
+assez d'indulgence. S'ils ourdissent encore
+quelque projet, nous invoquerons Dieu,
+puis nous appellerons les princes pour qu'ils
+soient perdus sans misricorde.</p>
+
+<p>Bien que tous les princes eussent dclar ces
+lettres fausses, les vques de Mayence, Bamberg,
+etc., furent tenus de payer cent mille cus
+d'or, comme indemnit des armemens qu'avaient
+faits les princes luthriens. Ceux-ci ne demandaient
+pas mieux que de commencer la guerre. Ils
+se comptaient et sentaient leurs forces. Le grand-matre
+<span class="pagenum" id="Page_5">5</span>
+de l'ordre Teutonique avait scularis la
+Prusse<a name="FNanchor_a5" id="FNanchor_a5" href="#Footnote_a5" class="fnanchor">[a5]</a>, les ducs de Mecklembourg et de Brunswick,
+encourags par ce grand vnement,
+avaient appel des prdicateurs luthriens (1525).
+La Rforme dominait dans le nord de l'Allemagne.
+En Suisse et sur le Rhin, les Zwingliens, chaque
+jour plus nombreux, cherchaient se rapprocher
+de Luther. Enfin au sud et l'est, les Turcs,
+matres de Bude et de la Hongrie, menaaient
+toujours l'Autriche et tenaient en chec l'Empereur.
+A son dfaut le duc George de Saxe, et
+les puissans vques du nord, s'taient constitus
+les adversaires de la Rforme. Une violente polmique
+s'tait engage depuis long-temps entre ce
+prince et Luther. Le duc crivait celui-ci<a name="FNanchor_r3" id="FNanchor_r3" href="#Footnote_r3" class="fnanchor">[r3]</a>: Tu
+crains que nous n'ayons commerce avec les hypocrites,
+la prsente te fera voir ce qui en est. Si
+nous dissimulons dans cette lettre, tu pourras dire
+de nous tout ce que tu voudras; sinon, il faudra
+chercher les hypocrites l o l'on t'appelle un
+prophte, un Daniel, l'aptre de l'Allemagne,
+l'vangliste... Tu t'imagines peut-tre que tu es
+envoy de Dieu vers nous, comme ces prophtes
+ qui Dieu donna mission de convertir les princes
+et les puissans. Mose fut envoy Pharaon,
+Samuel Sal, Nathan David, Isae Ezchias,
+saint Jean-Baptiste Hrode, nous le savons.
+Mais parmi tous ces prophtes nous ne trouvons
+<span class="pagenum" id="Page_6">6</span>
+pas un seul apostat. Ils ont tous t gens constans
+dans leur doctrine, hommes sincres et pieux,
+sans orgueil, sans avarice, amis de la chastet...</p>
+
+<p>Nous ne faisons pas non plus grand cas de
+tes prires ni de celles des tiens; nous savons
+que Dieu hait l'assemble de tes apostats... Dieu
+a puni par nous Mnzer de sa perversit; il
+pourra bien en faire autant de Luther, et nous
+ne refuserons pas d'tre encore en ceci, son indigne
+instrument...</p>
+
+<p>Non, reviens plutt, Luther, ne te laisse
+pas mener plus long-temps par l'esprit qui sduisit
+l'apostat Sergius: l'glise chrtienne ne
+ferme pas son sein au pcheur repentant... Si
+c'est l'orgueil qui t'a perdu, regarde ce fier manichen,
+saint Augustin, ton matre, dont tu as
+jur d'observer la rgle: reviens comme lui, reviens
+ ta fidlit et tes sermens, sois comme
+lui une lumire de la Chrtient... Voil les conseils
+que nous avons te donner pour le nouvel
+an. Si tu t'y conformes, tu en seras ternellement
+rcompens de Dieu et nous ferons tout ce qui
+est en notre pouvoir pour obtenir ta grce de
+l'Empereur. (28 dcembre 1525.)</p>
+
+<p><i>Mmoire</i> de Luther contre le duc George<a name="FNanchor_a6" id="FNanchor_a6" href="#Footnote_a6" class="fnanchor">[a6]</a> qui
+avait intercept une de ses lettres, 1529<a name="FNanchor_r4" id="FNanchor_r4" href="#Footnote_r4" class="fnanchor">[r4]</a>... Quant
+aux belles dnominations que le duc George me
+donne, misrable, sclrat, parjure et sans honneur,
+<span class="pagenum" id="Page_7">7</span>
+je n'ai qu' l'en remercier; ce sont l les
+meraudes, les rubis et les diamans dont les
+princes doivent m'orner en retour de l'honneur
+et de la puissance que l'autorit temporelle tire
+de la restauration de l'vangile...</p>
+
+<p>... Ne dirait-on pas que le duc George ne
+connat pas de suprieur? Moi, hobereau des
+hobereaux, dit-il, je suis seul matre et prince,
+je suis au-dessus de tous les princes de l'Allemagne,
+au-dessus de l'Empire, de ses lois et de ses
+usages. C'est moi que l'on doit craindre, moi
+seul que l'on doit obir; ma volont doit faire
+loi en dpit de quiconque pensera et parlera autrement.&mdash;Amis,
+o s'arrtera la superbe de ce
+Moab<a name="FNanchor_a7" id="FNanchor_a7" href="#Footnote_a7" class="fnanchor">[a7]</a>? Il ne lui reste plus qu' escalader le
+ciel, espionner, punir les lettres et les penses
+jusque dans le sanctuaire de Dieu mme. Voil
+notre petit prince, et avec cela il veut tre glorifi,
+respect, ador! la bonne heure, grand
+merci!</p>
+
+<p>En 1529, l'anne mme du trait de Cambrai
+et du sige de Vienne par Soliman, l'Empereur
+avait convoqu une dite Spire<a name="FNanchor_a8" id="FNanchor_a8" href="#Footnote_a8" class="fnanchor">[a8]</a>. (15 mars.) On
+y dcida que les tats de l'Empire devaient continuer
+d'obir au dcret lanc contre Luther
+en 1524, et que toute innovation demeurerait
+interdite jusqu' la convocation d'un concile gnral.
+<span>C'est alors</span> que le parti de la Rforme
+<span class="pagenum" id="Page_8">8</span>
+clata<a name="FNanchor_a9" id="FNanchor_a9" href="#Footnote_a9" class="fnanchor">[a9]</a>. L'lecteur de Saxe, le margrave de Brandebourg,
+le landgrave de Hesse, les ducs de
+Lunebourg, le prince d'Anhalt, et avec eux les
+dputs de quatorze villes impriales, firent
+contre le dcret de la dite une protestation solennelle,
+le dclarant injuste et impie. Ils en
+gardrent le nom de <i>protestans</i>.</p>
+
+<p>Le landgrave de Hesse sentait la ncessit de
+runir toutes les sectes dissidentes pour en former
+un parti redoutable aux catholiques de
+l'Allemagne; il essaya de rconcilier Luther avec
+les sacramentaires<a name="FNanchor_a10" id="FNanchor_a10" href="#Footnote_a10" class="fnanchor">[a10]</a>. Luther prvoyait bien l'inutilit
+de cette tentative.</p>
+
+<p>Le landgrave de Hesse nous a convoqus
+Marbourg pour la Saint-Michel, afin de tenter
+un accord entre nous et les sacramentaires... Je
+n'en attendais rien de bon; tout est plein d'embches,
+je le vois bien. Je crains que la victoire
+ne leur reste, comme au sicle d'Arius. On a
+toujours vu de pareilles assembles tre plus nuisibles
+qu'utiles... Ce jeune homme de Hesse est
+inquiet et plein de penses qui fermentent. Le
+Seigneur nous a sauvs, dans ces deux dernires
+annes, de deux grands incendies qui auraient
+embras toute l'Allemagne. (2 aot 1529.)</p>
+
+<p>Nous avons reu du landgrave une magnifique
+et splendide hospitalit. Il y avait l &OElig;colampade,
+Zwingli, Bucer, etc. Tous demandaient
+<span class="pagenum" id="Page_9">9</span>
+la paix avec une humilit extraordinaire.
+La confrence a dur deux jours; j'ai rpondu
+ &OElig;colampade et Zwingli en leur opposant ce
+passage: <i lang="la" xml:lang="la">Hoc est corpus meum</i>; j'ai rfut toutes
+leurs objections. En somme, ce sont des gens
+ignorans et incapables de soutenir une discussion.
+(12 octobre 1529.)</p>
+
+<p>Je me rjouis, mon cher Amsdorf, de te
+voir te rjouir de notre synode de Marbourg;
+la chose est petite en apparence, mais au fond
+trs importante. Les prires des gens pieux ont
+fait que nous les voyons confondus, morfondus,
+humilis.</p>
+
+<p>Toute l'argumentation de Zwingli se rduisait
+ ceci: que le corps ne peut tre sans lieu ni
+dimension. &OElig;colampade soutenait que les Pres
+appelaient le pain un signe, que ce n'tait donc
+pas le corps mme... Ils nous suppliaient de leur
+donner le nom de frres. Zwingli le demandait
+au Landgrave en pleurant. Il n'y a aucun lieu sur
+la terre, disait-il, o j'aimerais <ins id="err_2" title="original: le mieux (Err.)">mieux</ins> passer
+ma vie qu' Wittemberg... Nous ne leur avons pas
+accord ce nom de frres, mais seulement ce que
+la charit nous oblige donner mme nos ennemis...
+Ils se sont en tout point conduits avec
+une incroyable humilit et douceur. C'tait,
+comme il est visible aujourd'hui, pour nous
+amener une feinte concorde, pour nous faire
+<span class="pagenum" id="Page_10">10</span>
+les partisans, les patrons de leurs erreurs... O
+rus Satan! mais Christ qui nous a sauvs est
+plus habile que toi. Je ne m'tonne plus maintenant
+de leurs impudens mensonges. Je vois
+qu'ils ne peuvent faire autrement, et je me glorifie
+de leur chute. (1<sup>er</sup> juin 1530.)</p>
+
+<p>Cette guerre thologique de l'Allemagne remplit
+les intermdes de la grande guerre europenne
+que Charles-Quint soutenait contre
+Franois I<sup>er</sup> et contre les Turcs. Mais dans les
+crises les plus violentes de celle-ci, l'autre se ralentit
+ peine. C'est un imposant spectacle que
+celui de l'Allemagne absorbe dans la pense
+religieuse, et prs d'oublier la ruine prochaine
+dont semblaient la menacer les plus formidables
+ennemis. Pendant que les Turcs franchissaient
+toutes les anciennes barrires et que Soliman rpandait
+ses Tartares au-del de Vienne, l'Allemagne
+disputait sur la transsubstantiation et sur
+le libre arbitre. Ses guerriers les plus illustres
+sigeaient dans les dites et interrogeaient les
+docteurs. Tel tait le flegme intrpide de cette
+grande nation, telle sa confiance dans sa force et
+dans sa masse.</p>
+
+<p>La guerre des Turcs et celle des Franais, la
+prise de Rome et la dfense de Vienne, occupaient
+tellement Charles-Quint et Ferdinand,
+que les protestans avaient obtenu la tolrance
+<span class="pagenum" id="Page_11">11</span>
+jusqu'au prochain concile. Mais en 1530, Charles-Quint,
+voyant la France abattue, l'Italie asservie,
+Soliman repouss, entreprit de juger le
+grand procs de la Rforme. Les deux partis comparurent
+ Augsbourg. Les sectateurs de Luther,
+dsigns par le nom gnral de <i>protestans</i>, voulurent
+se distinguer de tous les autres ennemis
+de Rome, dont les excs auraient calomni leur
+cause, des zwingliens rpublicains de la Suisse,
+odieux aux princes et la noblesse, des anabaptistes
+surtout, proscrits comme ennemis de l'ordre
+et de la socit. Luther, sur qui pesait encore
+la sentence prononce Worms, qui le
+dclarait hrtique, ne put s'y rendre; il fut
+remplac par le savant et pacifique Mlanchton,
+esprit doux et timide comme rasme, dont il
+restait l'ami malgr Luther.</p>
+
+<p>L'lecteur amena du moins celui-ci le plus
+prs possible d'Augsbourg, dans la forteresse de
+Cobourg.<a name="FNanchor_a11" id="FNanchor_a11" href="#Footnote_a11" class="fnanchor">[a11]</a><a name="FNanchor_a12" id="FNanchor_a12" href="#Footnote_a12" class="fnanchor">[a12]</a>
+De l Luther pouvait entretenir avec les ministres protestans,
+une active et facile correspondance. Le 22 avril il crit
+Mlanchton: Je suis enfin arriv mon Sina, cher Philippe,
+mais de ce Sina je ferai une Sion, et j'y lverai
+trois tabernacles, l'un au psalmiste, l'autre
+aux prophtes, l'autre enfin sope (dont il
+traduisait alors les fables). Rien ne manque pour
+que ma solitude soit complte. J'ai une vaste
+<span class="pagenum" id="Page_12">12</span>
+maison, qui domine le chteau, et les cls de
+toutes les chambres. A peine y a-t-il trente personnes
+dans toute la forteresse, encore douze sont
+des veilleurs de nuit, et deux autres des sentinelles
+toujours postes sur les tours. (22 avril.)</p>
+
+<p><i>A Spalatin</i> (9 mai): Vous allez Augsbourg,
+sans avoir pris les auspices, et ne sachant
+quand ils vous permettront de commencer. Moi,
+je suis dj au milieu des comices, en prsence
+de magnanimes souverains, devant des rois,
+des ducs, des grands, des nobles, qui confrent
+avec gravit sur les affaires de l'tat, et
+d'une voix infatigable remplissent l'air de leurs
+dcrets et de leurs prdications. Ils ne sigent
+point enferms dans ces antres et ces royales
+cavernes que vous appelez des palais, mais sous
+le soleil; ils ont le ciel pour tente, pour tapis
+riche et vari, la verdure des arbres sous lesquels
+ils sont en libert, pour enceinte, la terre
+jusqu' ses dernires limites. Ce luxe stupide de
+l'or et de la soie leur fait horreur; tous, ils ont
+mmes couleurs, mme visage. Ils sont tous
+galement noirs, tous font la mme musique,
+et dans ce chant sur une seule note, l'on n'entend
+que l'agrable dissonnance de la voix des
+jeunes se mlant celle des vieux. Nulle part
+je n'ai vu ni entendu parler de leur Empereur; ils
+mprisent souverainement ce quadrupde qui sert
+<span class="pagenum" id="Page_13">13</span>
+ nos chevaliers; ils ont quelque chose de meilleur,
+avec quoi ils peuvent se moquer de la furie
+des canons. Autant que j'ai pu comprendre leurs
+dcrets, grce un interprte, ils ont dcid,
+l'unanimit, de faire la guerre, pendant toute
+cette anne, l'orge, au bl et la farine, enfin
+ ce qu'il y a de mieux parmi les fruits et les
+graines. Et il est craindre qu'ils ne soient presque
+partout vainqueurs, car c'est une race de
+guerriers adroits et russ, galement habiles
+butiner par force ou surprise. Moi, oisif spectateur,
+j'ai assist avec grande satisfaction leurs
+comices. L'espoir o je suis des victoires que leur
+courage leur donnera sur le bl et l'orge, ou
+sur tout autre ennemi, m'a rendu le fidle et
+sincre ami de ces <i lang="la" xml:lang="la">patres patri</i>, de ces sauveurs
+de la rpublique. Et si par des v&oelig;ux je puis les
+servir, je demande au ciel que dlivrs de l'odieux
+nom de corbeaux, etc. Tout cela n'est
+qu'une plaisanterie, mais une plaisanterie srieuse
+et ncessaire pour repousser les penses qui m'accablent,
+si toutefois elle les repousse. (9 mai.)</p>
+
+<p>Les nobles seigneurs qui forment nos comices
+courent ou plutt naviguent travers les
+airs<a name="FNanchor_a13" id="FNanchor_a13" href="#Footnote_a13" class="fnanchor">[a13]</a>. Le matin, de bonne heure, ils s'en vont en
+guerre, arms de leurs becs invincibles, et tandis
+qu'ils pillent, ravagent et dvorent, je suis dlivr
+pour quelque temps de leurs ternels chants de
+<span class="pagenum" id="Page_14">14</span>
+victoire. Le soir, ils reviennent triomphans; la
+fatigue ferme leurs yeux, mais leur sommeil est
+doux et lger comme celui d'un vainqueur. Il y
+a quelques jours j'ai pntr dans leur palais pour
+voir la pompe de leur empire. Les malheureux
+eurent grand'peur; ils s'imaginaient que je venais
+dtruire leur industrie. Ce fut un bruit, une
+frayeur, des visages consterns!!! Quand je vis
+que moi seul je faisais trembler tant d'Achilles
+et d'Hectors, je battis des mains, je jetai mon
+chapeau en l'air, pensant que j'tais bien assez
+veng si je pouvais me moquer d'eux. Tout ceci
+n'est point un simple jeu, c'est une allgorie,
+un prsage de ce qui arrivera. Ainsi devant la
+parole de Dieu l'on verra trembler toutes ces
+harpies qui sont maintenant Augsbourg, criant
+et romanisant. (19 juin.)</p>
+
+<p>Mlanchton transform Augsbourg en chef
+de parti, ayant batailler chaque jour avec les lgats,
+les princes, l'Empereur, se trouvait fort
+mal de cette vie active qu'on lui avait impose.
+Plusieurs fois il fit part de ses peines Luther,
+qui, pour toute consolation, le tanait rudement<a name="FNanchor_a14" id="FNanchor_a14" href="#Footnote_a14" class="fnanchor">[a14]</a>:</p>
+
+<p>Vous me parlez de vos travaux, de vos prils,
+de vos larmes, et moi, suis-je donc assis
+sur des roses? est-ce que je ne porte pas une
+part de votre fardeau? Ah! plt au ciel que ma
+<span class="pagenum" id="Page_15">15</span>
+cause ft telle qu'elle permt les larmes!
+(29 juin 1530.)</p>
+
+<p>Dieu rcompense selon ses &oelig;uvres le tyran
+de Salzbourg qui te fait tant de mal! Il mritait
+de toi une autre rponse, telle que je la lui aurais
+faite peut-tre, telle qu'il n'en a jamais entendu
+de semblable. Il faudra qu'ils entendent, je le
+crains, cette parole de Jules Csar: <i>Ils l'ont
+voulu</i>...</p>
+
+<p>Tout ce que j'cris est inutile, parce que tu
+veux, selon ta philosophie, gouverner toutes
+ces choses avec ta raison, c'est--dire draisonner
+avec la raison. Va, continue de te tuer
+cette chose, sans voir que ta main ni ton esprit
+ne peuvent la saisir, qu'elle ne veut pas de tes
+soins. (30 juin 1530.)</p>
+
+<p>Dieu a mis cette cause dans un certain lieu
+que ne connaissait point ta rhtorique ni ta philosophie.
+Ce lieu, on l'appelle la foi; l toutes
+choses sont inaccessibles la vue; quiconque veut
+les rendre visibles, apparentes et comprhensibles,
+celui-l ne gagne pour prix de son travail
+que des peines et des larmes, comme tu en as gagn.
+Dieu a dit qu'il habitait dans les nues,
+qu'il tait assis dans les tnbres. Si Mose avait
+cherch un moyen d'viter l'arme de Pharaon,
+Isral serait peut-tre encore en gypte... Si
+nous n'avons pas la foi, pourquoi ne pas chercher
+<span class="pagenum" id="Page_16">16</span>
+consolation dans la foi d'autrui; car il y en a ncessairement
+qui croient, si nous ne croyons pas?
+Ou bien, faut-il dire que le Christ nous a abandonns,
+avant la consommation des sicles? S'il
+n'est pas avec nous, o est-il en ce monde, je
+vous le demande? Si nous ne sommes point l'glise
+ou une partie de l'glise, o est l'glise?
+Est-ce Ferdinand, le duc de Bavire, le pape, le
+Turc et leurs semblables? Si nous n'avons la parole
+de Dieu, qui donc l'aura? Toi, tu ne comprends
+point toutes ces choses; car Satan te
+travaille et te rend faible. Puisse le Christ te
+gurir! c'est ma sincre et continuelle prire.
+(29 juin.)</p>
+
+<p>Ma sant est faible... Mais je mprise cet
+ange de Satan qui vient souffleter ma chair. Si
+je ne puis lire ni crire, au moins je puis penser
+et prier, et mme me quereller avec le diable;
+ensuite dormir, paresser, jouer et chanter.
+Quant toi, mon cher Philippe, ne te macre
+point pour cette affaire qui n'est point en ta
+main, mais en celle d'Un plus puissant qui
+personne ne pourra l'enlever. (31 juillet.)</p>
+
+<p>Mlanchton croyait qu'il tait possible de rapprocher
+les deux partis; Luther comprit de bonne
+heure qu'ils taient irrconciliables. Dans le commencement
+de la Rforme, il avait souvent rclam
+les confrences et les disputes publiques; il
+<span class="pagenum" id="Page_17">17</span>
+lui fallait alors tout tenter, avant d'abandonner
+l'esprance de conserver l'unit chrtienne; mais
+sur la fin de sa vie, ds le temps mme de la dite
+d'Augsbourg, il se prononait contre tous ces
+combats de parole, o le vaincu ne veut jamais
+avouer sa dfaite.</p>
+
+<p>(26 aot 1530.) Je suis contre toute tentative
+faite pour accorder les deux doctrines; car c'est
+chose impossible, moins que le pape ne veuille
+abolir sa papaut. C'est assez pour nous d'avoir
+rendu raison de notre croyance et de demander
+la paix. Pourquoi esprer de les convertir la
+vrit?</p>
+
+<p><i>A Spalatin.</i> (26 aot 1530.) J'apprends que
+vous avez entrepris une &oelig;uvre admirable, de
+mettre d'accord Luther et le pape. Mais le pape
+ne le veut pas, et Luther s'y refuse; prenez garde
+d'y perdre votre temps et vos peines. Si vous en
+venez bout, pour suivre votre exemple, je
+vous promets de rconcilier Christ et Blial.</p>
+
+<p>Dans une lettre du 21 juillet il crivait Mlanchton:
+Vous verrez si j'tais un vrai prophte
+quand je rptais sans cesse qu'il n'y avait
+point d'accord possible entre les deux doctrines,
+et que ce serait assez pour nous d'obtenir la paix
+publique.</p>
+
+<p>Ces prophties ne furent pas coutes; les
+confrences eurent lieu, et l'on demanda aux
+<span class="pagenum" id="Page_18">18</span>
+protestans une profession de foi. Mlanchton la
+rdigea, en prenant l'avis de Luther sur les
+points les plus importans.</p>
+
+<p>A Mlanchton. J'ai reu votre apologie, et
+je m'tonne que vous me demandiez ce qu'il faut
+cder aux papistes. Pour ce qui est du prince,
+et de ce qu'il faut lui accorder si quelque danger
+le menace, c'est une autre question. Quant
+ moi, il a t fait dans cette apologie plus de
+concessions qu'il n'tait convenable; et s'ils les
+rejettent, je ne vois pas que je puisse aller plus
+loin, moins que leurs raisons et leurs livres
+ne me paraissent meilleurs qu'ils ne m'ont
+sembl jusqu' cette heure. J'emploie les jours et
+les nuits cette affaire, rflchissant, interprtant,
+discutant, parcourant toute l'criture;
+chaque jour augmente ma certitude et me confirme
+dans ma doctrine.</p>
+
+<p>(20 septembre 1530.) Nos adversaires ne
+nous cdent pas un poil; et nous, il ne faut pas
+seulement que nous leur cdions le canon, les
+messes, la communion sous une espce, la juridiction
+accoutume; mais encore il faudrait
+avouer que leurs doctrines, leurs perscutions,
+tout ce qu'ils ont fait ou pens, a t juste et lgitime,
+et que c'est tort que nous les avons
+accuss. C'est--dire qu'ils veulent que notre
+propre tmoignage les justifie et nous condamne.
+<span class="pagenum" id="Page_19">19</span>
+Ce n'est pas l simplement nous rtracter, mais
+nous maudire trois fois nous-mmes.</p>
+
+<p>... Je n'aime pas que dans cette cause vous
+vous appuyiez de mes opinions. Je ne veux tre
+ni paratre votre chef; quand mme l'on interprterait
+cela bien, je ne veux pas de ce nom.
+Si ce n'est point votre propre cause, je ne veux
+pas qu'on dise que c'est la mienne, et que je vous
+l'ai impose. Je la dfendrai moi-mme, s'il n'y
+a que moi qui la soutienne.</p>
+
+<p>Deux jours avant, il avait crit Mlanchton:
+Si j'apprends que les choses vont mal de votre
+ct, j'aurai peine m'empcher d'aller voir
+cette formidable range des dents de Satan. Et
+quelque temps aprs: J'aurais voulu tre la
+victime sacrifie par ce dernier concile, comme
+Jean Huss a t Constance celle du dernier
+jour de la fortune papale.<a name="FNanchor_a15" id="FNanchor_a15" href="#Footnote_a15" class="fnanchor">[a15]</a> (21 juillet 1530.)</p>
+
+<p>La profession de foi des protestans fut prsente
+ la dite<a name="FNanchor_a16" id="FNanchor_a16" href="#Footnote_a16" class="fnanchor">[a16]</a> et lue par ordre de Csar devant
+tout l'Empire, c'est--dire devant tous les
+princes et les tats de l'Empire. C'est une grande
+joie pour moi d'avoir vcu jusqu' cette heure,
+que je voie Christ prch par ses confesseurs
+devant une telle assemble, et dans une si belle
+confession. (6 juillet.)</p>
+
+<p>Cette confession tait signe de cinq lecteurs,
+trente princes ecclsiastiques, vingt-trois
+<span class="pagenum" id="Page_20">20</span>
+princes sculiers, vingt-deux abbs, trente-deux
+comtes et barons, trente-neuf villes libres
+et impriales. Le prince lecteur de Saxe, le
+margrave George de Brandebourg, Jean Frdric-le-Jeune,
+landgrave de Hesse; Ernest et Franois,
+ducs de Lunebourg; le prince Wolfgang de
+Anhalt; les villes de Nuremberg et de Reutlingen,
+ont sign la confession..... Beaucoup d'vques
+inclinent la paix, sans s'inquiter des sophismes
+d'Eck et de Faber. L'archevque de Mayence est
+trs port pour la paix<a name="FNanchor_a17" id="FNanchor_a17" href="#Footnote_a17" class="fnanchor">[a17]</a>; de mme le duc Henri
+de Brunswick, qui a invit familirement Mlanchton
+ dner, l'assurant qu'il ne pouvait nier
+les articles touchant les deux espces, le mariage
+des prtres, et l'inutilit d'tablir des diffrences
+entre les choses qui servent la nourriture. Les
+ntres avouent que personne ne s'est montr plus
+conciliant dans toutes les confrences que l'Empereur.
+Il a reu notre prince non-seulement
+avec bont, mais avec respect. (6 juillet.)</p>
+
+<p>L'vque d'Augsbourg, le confesseur mme de
+Charles-Quint, taient favorablement disposs
+pour les luthriens. L'Espagnol disait Mlanchton
+qu'il s'tonnait qu'en Allemagne on contestt
+la doctrine de Luther sur la foi<a name="FNanchor_r5" id="FNanchor_r5" href="#Footnote_r5" class="fnanchor">[r5]</a>, que lui il
+avait toujours pens de mme sur ce point (relation
+de Spalatin sur la dite d'Augsbourg).</p>
+
+<p>Quoi qu'en dise ici Luther des douces dispositions
+<span class="pagenum" id="Page_21">21</span>
+de Charles-Quint, il termina les discussions
+en sommant les rforms de renoncer
+leurs erreurs sous peine d'tre mis au ban de
+l'Empire. Il sembla mme prt employer la violence
+et fit un instant fermer les portes d'Augsbourg.</p>
+
+<p>Si l'Empereur veut faire un dit, qu'il le
+fasse; aprs Worms aussi il en fit un<a name="FNanchor_a18" id="FNanchor_a18" href="#Footnote_a18" class="fnanchor">[a18]</a>. coutons
+l'Empereur puisqu'il est l'Empereur, rien de plus.
+Que nous importe ce rustre qui veut se poser
+comme Empereur (il parle du duc George)?
+(15 juillet 1530.)</p>
+
+<p>Notre cause se dfendra mieux de la violence
+et des menaces, que de ces ruses sataniques que
+j'ai craintes, surtout jusqu' ce jour... Qu'ils nous
+rendent Lonard<a name="FNanchor_a19" id="FNanchor_a19" href="#Footnote_a19" class="fnanchor">[a19]</a>, Keiser et tant d'autres, qu'ils
+ont si injustement fait mourir<a name="FNanchor_a20" id="FNanchor_a20" href="#Footnote_a20" class="fnanchor">[a20]</a>. Qu'ils nous rendent
+tant d'mes perdues par leur doctrine impie;
+qu'ils rendent toutes ces richesses qu'ils
+ont prises avec leurs trompeuses indulgences
+et leurs fraudes de toute espce. Qu'ils rendent
+ Dieu sa gloire viole par tant de blasphmes;
+qu'ils rtablissent dans les personnes et dans les
+m&oelig;urs, la puret ecclsiastique, si honteusement
+souille. Que dirais-je encore? Alors nous aussi
+nous pourrons parler <i lang="la" xml:lang="la">de possessorio</i>. (13 juillet.)</p>
+
+<p>L'Empereur va ordonner simplement que
+toutes choses soient rtablies en leur tat, que
+<span class="pagenum" id="Page_22">22</span>
+le rgne du pape recommence, ce qui excitera,
+je le crains, de grands troubles pour la ruine
+des prtres et des clercs. Les villes les plus puissantes,
+Nuremberg, Ulm, Augsbourg, Francfort,
+Strasbourg et douze autres, rejettent ouvertement
+le dcret imprial, et font cause commune
+avec nos princes. Tu as entendu parler de l'inondation
+de Rome, de celle de Flandre et de
+Brabant. Ce sont des signes envoys de Dieu, mais
+les impies ne peuvent les comprendre. Tu sais encore
+la vision des moines de Spire. Brentius m'crit
+qu' Bade on a vu dans les airs une arme nombreuse,
+et sur le flanc de cette arme un soldat
+qui brandissait une lance d'un air triomphant,
+et qui passa la montagne voisine et le Rhin.
+(5 dcembre.)</p>
+
+<p>La dite fut peine dissoute, que les princes
+protestans se rassemblrent Smalkalde et y
+conclurent une ligue dfensive, par laquelle ils
+devaient former un mme corps (31 dcembre).
+Ils protestrent contre l'lection de Ferdinand au
+titre de roi des Romains. On se prpara combattre<a name="FNanchor_a21" id="FNanchor_a21" href="#Footnote_a21" class="fnanchor">[a21]</a>;
+les contingens furent fixs: on s'adressa
+aux rois de France, d'Angleterre et de Danemark.
+Luther fut accus d'avoir pouss les protestans
+ prendre cette attitude hostile<a name="FNanchor_a22" id="FNanchor_a22" href="#Footnote_a22" class="fnanchor">[a22]</a>.</p>
+
+<p>Je n'ai point conseill, comme on l'a dit, la
+rsistance l'Empereur<a name="FNanchor_a23" id="FNanchor_a23" href="#Footnote_a23" class="fnanchor">[a23]</a>. Voici mon avis comme
+<span class="pagenum" id="Page_23">23</span>
+thologien<a name="FNanchor_a24" id="FNanchor_a24" href="#Footnote_a24" class="fnanchor">[a24]</a>: Si les juristes montrent par leurs
+lois que cela est permis, moi je leur permettrai
+de suivre leurs lois. Si l'Empereur a tabli dans
+ses lois, qu'en pareil cas on peut lui rsister,
+qu'il souffre de la loi que lui-mme a faite... Le
+prince est une personne politique; s'il agit comme
+prince, il n'agit pas comme chrtien, car le chrtien
+n'est ni prince, ni homme, ni femme, ni
+aucune personne de ce monde. Si donc il est permis
+au prince, comme prince, de rsister Csar,
+qu'il le fasse selon son jugement et sa conscience.
+Quant au chrtien, rien ne lui est permis;
+il est mort au monde. (15 janvier 1531.)</p>
+
+<p>En 1531, Luther crit un mmoire contre un
+petit livre anonyme imprim Dresde, dans lequel
+on reprochait aux protestans de s'armer
+en secret et de vouloir surprendre les catholiques,
+pendant que ceux-ci ne songeaient, disait-on,
+qu' la paix et la concorde<a name="FNanchor_r6" id="FNanchor_r6" href="#Footnote_r6" class="fnanchor">[r6]</a>.</p>
+
+<p>... On cache soigneusement d'o ce livre
+vient, personne ne doit le savoir. Eh bien! je le
+veux donc ignorer aussi. Je veux avoir le rhume
+pour cette fois et ne pas <i>sentir</i> le maladroit pdant.
+Cependant j'essaierai toujours mon savoir-faire
+et je frapperai hardiment sur le sac: si
+les coups tombent sur l'ne qui s'y trouve, ce ne
+sera pas ma faute; ce n'est pas lui, c'est au
+sac, que j'en voulais.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_24">24</span>
+Qu'il soit vrai ou non que les luthriens se
+prparent et se rassemblent, cela ne me regarde
+pas, ce n'est pas moi qui le leur ai ordonn ni
+conseill; je ne sais pas ce qu'ils font ou ce qu'ils
+ne font pas; mais puisque les papistes annoncent
+par ce livre qu'ils croient ces armemens, j'accueille
+ce bruit avec plaisir et je me rjouis de
+leurs illusions et de leurs alarmes; j'augmenterais
+mme volontiers ces illusions, si je le pouvais,
+rien que pour les faire mourir de peur. Si Can
+tue Abel, si Anne et Caphe perscutent Jsus,
+il est juste qu'ils en soient punis. Qu'ils vivent
+dans les transes, qu'ils tremblent au bruit d'une
+feuille, qu'ils voient partout le fantme de l'insurrection
+et de la mort, rien de plus quitable.</p>
+
+<p>... N'est-il pas vrai, imposteurs, que lorsqu'
+Augsbourg les ntres prsentrent leur confession
+de foi, un papiste a dit: Ils nous donnent
+l un livre crit avec de l'encre; je voudrais,
+moi, qu'on leur rpondt avec du sang?</p>
+
+<p>N'est-il pas vrai que l'lecteur de Brandebourg
+et le duc George de Saxe, ont promis
+l'Empereur de fournir cinq mille chevaux contre
+les luthriens?</p>
+
+<p>N'est-il pas vrai qu'un grand nombre de
+prtres et de seigneurs ont pari qu'avant la
+Saint-Michel, c'en serait fait de tous les luthriens?</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_25">25</span>
+N'est-il pas vrai que l'lecteur de Brandebourg
+a dclar publiquement que l'Empereur et
+tout l'Empire s'emploieraient corps et biens pour
+arriver ce but?...</p>
+
+<p>Croyez-vous que l'on ne connaisse pas votre
+dit? que l'on ignore que par cet dit toutes les
+pes de l'Empire sont aiguises et dgaines,
+toutes les arquebuses charges, toute la cavalerie
+lance, pour fondre sur l'lecteur de Saxe et
+son parti, pour tout mettre feu et sang, tout
+remplir de pleurs et de dsolation? voil votre
+dit, voil vos entreprises meurtrires scelles
+de votre sceau et de vos armes, et vous voulez
+que l'on appelle cela de la paix, vous osez accuser
+les luthriens de troubler le bon accord?
+O impudence, hypocrisie sans bornes!... Mais
+je vous entends: vous voudriez que les ntres
+ne s'apprtassent point la guerre dont leurs
+ennemis mortels les menacent depuis si long-temps,
+mais qu'ils se laissassent gorger sans
+crier ni se dfendre, comme des brebis l'abattoir.
+Grand merci, mes bonnes gens! Moi,
+prdicateur, je dois endurer cela, je le sais
+bien, et ceux qui cette grce est donne
+doivent l'endurer galement. Mais que tous les
+autres en feront de mme, je ne puis le garantir
+aux tyrans. Si je donnais publiquement
+ce conseil aux ntres, les tyrans s'en prvaudraient,
+<span class="pagenum" id="Page_26">26</span>
+et je ne veux point leur ter la peur
+qu'ils ont de notre rsistance. Ont-ils envie de
+gagner leurs perons en nous massacrant? qu'ils
+les gagnent donc avec pril comme il convient
+de braves chevaliers. gorgeurs de leur mtier,
+qu'ils s'attendent du moins tre reus comme
+des gorgeurs...</p>
+
+<p>.... Que l'on m'accuse, ou non, d'tre trop
+violent, je ne m'en soucie plus<a name="FNanchor_a25" id="FNanchor_a25" href="#Footnote_a25" class="fnanchor">[a25]</a>. Je veux que
+ce soit ma gloire et mon honneur dsormais,
+que l'on dise de moi comme je tempte et svis
+contre les papistes. Voil plus de dix ans que je
+m'humilie et que je donne de bonnes paroles.
+A quoi tant de supplications ont-elles servi? A
+empirer le mal. Ces rustres n'en sont que plus
+fiers.&mdash;Eh bien! puisqu'ils sont incorrigibles,
+puisqu'il n'y a plus espoir d'branler leurs infernales
+rsolutions par la bont, je romps avec
+eux, je les poursuivrai de mes imprcations,
+sans fin ni repos, jusqu' ma tombe<a name="FNanchor_a26" id="FNanchor_a26" href="#Footnote_a26" class="fnanchor">[a26]</a>. Ils n'auront
+plus jamais une bonne parole de moi; je
+veux qu'on les enterre au bruit de mes foudres
+et de mes clairs.</p>
+
+<p>Je ne puis plus prier sans maudire. Si je dis,
+<i>Que ton nom soit sanctifi</i>, il faut que j'ajoute:
+Maudit soit le nom des papistes et de tous ceux
+qui te blasphment! Si je dis, <i>Que ton royaume
+arrive</i>, je dois ajouter: Maudits soient la papaut
+<span class="pagenum" id="Page_27">27</span>
+et tous les royaumes qui sont opposs au tien!
+Si je dis, <i>Que ta volont soit faite</i>, je dis encore:
+Maudits soient et prissent les desseins des papistes
+et de tous ceux qui te combattent!... Ainsi
+je prie ardemment tous les jours, et avec moi
+tous les vrais fidles de Jsus-Christ... Cependant
+je garde encore tout le monde un c&oelig;ur
+bon et aimant, et mes plus grands ennemis eux-mmes
+le savent bien.</p>
+
+<p>Souvent la nuit, quand je ne puis dormir,
+je cherche dans mon lit, avec douleur et anxit,
+comment on pourrait encore dterminer les papistes
+ la pnitence avant le jugement terrible
+qui les menace. Mais il semble que cela ne doit
+pas tre. Ils repoussent toute pnitence et demandent
+ grands cris notre sang. L'vque de
+Saltzbourg a dit matre Philippe, la dite
+d'Augsbourg: Pourquoi disputer si long-temps?
+Nous savons bien que vous avez raison.
+Et un autre jour: Vous ne voulez pas cder,
+nous non plus, il faut donc qu'un parti extermine
+l'autre. Vous tes le petit et nous le grand:
+nous verrons qui aura le dessus. Jamais je
+n'aurais cru qu'on pt dire de telles paroles.</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<div class="pagenum" id="Page_28"></div>
+
+<h3>CHAPITRE II.<br />
+1534-1536.</h3>
+
+<p class="somm">Anabaptistes de Munster<a name="FNanchor_a27" id="FNanchor_a27" href="#Footnote_a27" class="fnanchor">[a27]</a>.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Pendant que les deux grandes ligues des princes
+sont en prsence, et semblent se dfier, un
+tiers s'lve entre deux, pour l'effroi commun
+des deux partis. Cette fois, c'est encore le peuple,
+comme dans la guerre des paysans, mais un
+peuple organis, matre d'une riche cit. La <i>jacquerie</i>
+du Nord, plus systmatique que celle du
+Midi, produit l'idal de la dmagogie allemande
+du seizime sicle, une royaut biblique, un
+David populaire, un messie artisan. Le mystique
+<ins id="cor_1" title="original: compagnonage">compagnonnage</ins> allemand intronise un tailleur.</p>
+
+</div>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_29">29</span>
+L'entreprise du tailleur fut hardie, mais non
+absurde. L'anabaptisme avait de grandes forces.
+Il n'clata que dans Munster; mais il tait rpandu
+dans la Westphalie, dans le Brabant, la
+Gueldre, la Hollande, la Frise, et tout le littoral
+de la Baltique jusqu'en Livonie.</p>
+
+<p>Les Anabaptistes formulrent la maldiction
+que les paysans vaincus avaient jete sur Luther.
+Ils dtestrent en lui l'ami de la noblesse, le
+soutien de l'autorit civile, le <i>remora</i> de la Rforme.
+Quatre prophtes, deux vrais et deux
+faux; les vrais sont David et Jean de Leyde; les
+faux, le pape et Luther, mais Luther est pire
+que le pape.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Comment l'vangile a d'abord pris naissance
+Munster, et comment il y a fini aprs la destruction
+des anabaptistes<a name="FNanchor_r7" id="FNanchor_r7" href="#Footnote_r7" class="fnanchor">[r7]</a>. Histoire vritable et bien
+digne d'tre lue et conserve dans la mmoire (car
+l'esprit des anabaptistes de Munster vit encore),
+dcrite par Henricus Dorpius de cette ville.</i> Nous
+nous contenterons de donner un extrait de ce
+prolixe rcit:</p>
+
+<p>La rforme commena Munster en 1532, par
+Rothmann, prdicateur luthrien ou zwinglien.
+Elle y eut un si grand succs, que l'vque
+cdant l'intercession du landgrave de Hesse,
+accorda aux vangliques six de ses glises. Plus
+<span class="pagenum" id="Page_30">30</span>
+tard, un garon tailleur, Jean de Leyde, y apporta
+la doctrine des anabaptistes, et la propagea
+dans quelques familles. Il fut aid dans son
+&oelig;uvre par un prdicateur nomm Hermann Stapraeda,
+de Moersa, anabaptiste comme lui. Bientt
+leurs assembles secrtes devinrent si nombreuses,
+que les catholiques et les rforms en
+furent galement alarms, et chassrent les anabaptistes
+de la ville. Mais ceux-ci revinrent plus
+hardis; ils intimidrent le conseil, et l'obligrent
+de fixer un jour o il y aurait discussion publique
+dans la maison commune, sur le baptme
+des enfans. Dans cette discussion, le pasteur
+Rothmann passa du ct des anabaptistes, et
+devint lui-mme un de leurs chefs... Un jour,
+un autre de leurs prdicateurs se met courir
+dans les rues, en criant: Faites pnitence,
+faites pnitence, amendez-vous, faites-vous baptiser,
+ou Dieu va vous punir! Soit crainte,
+soit zle religieux, beaucoup de gens qui entendirent
+ces cris, se htrent de demander le baptme.
+Alors les anabaptistes remplissent le march
+en criant: Sus aux paens qui ne veulent
+pas du baptme! Ils s'emparent des canons,
+des munitions, de la maison de ville, et maltraitent
+les catholiques et les luthriens qu'ils rencontrent.
+Ceux-ci se forment en nombre et attaquent
+les anabaptistes leur tour. Aprs divers
+<span class="pagenum" id="Page_31">31</span>
+combats sans rsultat, les deux partis prouvrent
+le besoin de se rapprocher, et convinrent que chacun
+serait libre de professer sa croyance. Mais les
+anabaptistes n'observrent point ce trait; ils
+crivirent sous main tous ceux de leur secte qui
+taient dans les villes voisines pour les faire venir
+ Munster. Quittez ce que vous avez, crivaient-ils;
+maisons, femmes, enfans, laissez
+tout pour venir nous. Tout ce que vous aurez
+abandonn, vous sera rendu au dcuple...
+Quand les riches s'aperurent que la ville se
+remplissait d'trangers, ils en sortirent comme
+ils purent, n'y laissant de leur parti que les
+gens du bas peuple. (carme de l'anne 1534.)</p>
+
+<p>Les anabaptistes, enhardis par leur dpart et
+par les renforts qui leur taient arrivs, dposrent
+aussitt le conseil de ville qui tait luthrien,
+et en composrent un d'hommes de leur
+parti.</p>
+
+<p>Quelques jours plus tard, ils pillrent les
+glises et les couvens, et coururent la ville en tumulte,
+arms de hallebardes, d'arquebuses et de
+btons, criant comme des furieux: Faites pnitence,
+faites pnitence! et aprs: Hors la
+ville, impies! hors la ville, ou l'on vous assomme!
+Ainsi ils chassrent sans piti tout ce
+qui n'tait pas des leurs. Ni vieillard ni femme
+enceinte, ne fut except. Un grand nombre de
+<span class="pagenum" id="Page_32">32</span>
+ces pauvres fugitifs tombrent entre les mains
+de l'vque, qui se prparait assiger la ville.
+Sans avoir gard ce qu'ils n'taient point du
+parti des anabaptistes, il les fit emprisonner;
+beaucoup d'entre eux furent mme cruellement
+mis mort.</p>
+
+<p>Les anabaptistes tant matres de la ville, leur
+prophte suprme, Jean de Matthiesen, ordonna
+que tout le monde mt son avoir en commun,
+sans rien cler, sous peine de la vie. Le peuple
+eut peur et obit. Les biens des fugitifs furent saisis
+de mme. Ce prophte dcida encore que l'on
+ne garderait aucun autre livre que la Bible et le
+Nouveau Testament. Tous les autres qu'on put
+trouver furent brls dans la cour de la cathdrale.
+Ainsi le voulait le Pre du ciel, disait le
+prophte. On en brla au moins pour vingt mille
+florins.</p>
+
+<p>Un marchal ferrant ayant parl injurieusement
+des prophtes, toute la commune est assemble
+sur le march, et Jean Matthiesen le tue
+d'un coup de feu. Peu aprs, ce prophte court
+tout seul hors la ville, une hallebarde la main,
+criant que le Pre lui a ordonn de repousser
+les ennemis. Il avait peine pass la porte qu'il
+fut tu.</p>
+
+<p>Jean de Leyde lui succda comme prophte
+suprme, et il pousa sa veuve. Il releva le courage
+<span class="pagenum" id="Page_33">33</span>
+du peuple abattu par la mort de son prdcesseur.
+A la Pentecte, l'vque fit donner
+l'assaut, mais il fut repouss avec grande perte.
+Jean de Leyde nomma douze fidles (parmi
+lesquels se trouvaient trois nobles) pour tre
+les anciens dans Isral... Il dclara aussi que
+Dieu lui avait rvl des doctrines nouvelles
+sur le mariage; il discuta avec les prdicateurs,
+qui, enfin, se rangrent son avis et prchrent
+trois jours de suite sur la pluralit des femmes.
+Un assez grand nombre d'habitans se dclarrent
+contre la nouvelle doctrine, et firent mme prisonniers
+les prdicateurs avec l'un des prophtes;
+mais bientt ils furent obligs de les
+relcher, et quarante-neuf d'entre eux prirent.</p>
+
+<p>A la Saint-Jean de l'anne 1534, un nouveau
+prophte, auparavant orfvre Warendorff, assembla
+le peuple, et lui annona qu'il avait eu
+une rvlation d'aprs laquelle Jean de Leyde
+devait rgner sur toute la terre, et occuper le
+trne de David jusqu'au temps o Dieu le Pre
+viendrait lui redemander le gouvernement... Les
+douze anciens furent dposs et Jean de Leyde
+proclam roi.</p>
+
+<p>Plus les anabaptistes prenaient de femmes, plus
+l'esprit de libertinage augmentait parmi eux; ils
+commirent d'horribles excs sur des jeunes filles
+de dix, douze et quatorze ans. Ces violences
+<span class="pagenum" id="Page_34">34</span>
+barbares, et les maux du sige irritrent une
+partie du peuple. Plusieurs souponnaient Jean
+de Leyde d'imposture et songeaient le livrer
+l'vque. Le roi redoubla de vigilance et nomma
+douze ducs chargs de maintenir la ville dans la
+soumission (jour des Rois 1535). Il promit ces
+douze chefs qu'ils rgneraient la place de tous
+les princes de la terre, et il leur distribua d'avance
+des lectorats et des principauts. Le
+noble landgrave de Hesse est seul except de
+la proscription; ils esprent, disent-ils, qu'il
+deviendra leur frre... Le roi dsigna le jour
+de Pques comme l'poque o la ville serait dlivre.</p>
+
+<p>... L'une des reines ayant dit ses compagnes
+qu'elle ne croyait pas conforme la volont de
+Dieu qu'on laisst ainsi le pauvre peuple mourir
+de misre et de faim, le roi la conduisit au march
+avec ses autres femmes, lui ordonna de s'agenouiller
+au milieu de ses compagnes prosternes
+comme elle, et lui trancha la tte. Les
+autres reines chantrent: <i>Gloire Dieu au haut
+des cieux!</i> et tout le peuple se mit danser autour.
+Cependant il n'avait plus manger que du
+pain et du sel! Vers la fin du sige, la famine
+fut si grande que l'on y distribuait rgulirement
+la chair des morts; on n'exceptait que ceux qui
+avaient eu des maladies contagieuses. A la
+<span class="pagenum" id="Page_35">35</span>
+Saint-Jean de l'anne 1535, l'vque apprit
+d'un transfuge, le moyen d'attaquer la ville
+avec avantage. Elle fut prise le jour mme de la
+Saint-Jean, et, aprs une rsistance opinitre, les
+anabaptistes furent massacrs. Le roi, ainsi que
+son vicaire et son lieutenant, fut emmen entre
+deux chevaux, une chane double au cou, la tte
+et les pieds nus... L'vque l'interpella durement
+sur l'horrible dsastre dont il tait cause; il lui rpondit:
+Franois de Waldeck (c'tait son nom),
+si les choses avaient t mon gr, ils seraient
+tous morts de faim, avant que je t'eusse livr la
+ville.</p>
+
+<p>Nous trouvons beaucoup d'autres dtails intressans
+dans une pice insre au second volume
+des &oelig;uvres allemandes de Luther (dition de
+Witt.) sous le titre suivant: <i>Nouvelle sur les anabaptistes
+de Munster</i><a name="FNanchor_r8" id="FNanchor_r8" href="#Footnote_r8" class="fnanchor">[r8]</a>.</p>
+
+<p>... Huit jours aprs que l'assaut a t repouss
+par les anabaptistes, le roi a commenc son rgne
+en s'entourant d'une cour complte, l'gal d'un
+prince sculier. Il a institu des matres de crmonies,
+des marchaux, des huissiers, des
+matres de cuisine, des fourriers, des chanceliers,
+des orateurs (<i lang="de" xml:lang="de">redner</i>), des serviteurs pour la
+table, des chansons, etc.</p>
+
+<p>Une de ses femmes a t leve au rang de
+reine, et elle a galement sa cour elle. C'est une
+<span class="pagenum" id="Page_36">36</span>
+belle et noble femme de Hollande, marie auparavant
+ un autre prophte qui a t tu devant
+Munster et de qui elle est encore enceinte.</p>
+
+<p>Le roi a en outre trente et un chevaux couverts
+de draps <ins id="cor_2" title="original: dor">d'or</ins>. Il s'est fait faire des habits
+prcieux en or et en argent avec les ornemens de
+l'glise. Son cuyer est par comme lui de vtemens
+superbes pris de ces ornemens, et il porte
+en outre des bagues d'or; de mme la reine avec
+ses vierges et ses femmes.</p>
+
+<p>Lorsque le roi, dans sa majest, traverse la
+ville cheval, des pages l'accompagnent: l'un
+porte son ct droit la couronne et la Bible,
+l'autre une pe nue. L'un d'eux est le fils de
+l'vque de Munster. Il est prisonnier et il sert
+le roi dans sa chambre.</p>
+
+<p>Le roi a de mme dans sa triple couronne surmonte
+d'une chane d'or et de pierreries, la figure
+du monde perce d'une pe d'or et d'une
+pe d'argent. Au milieu du pommeau des deux
+pes se trouve une petite croix sur laquelle est
+crit: <i>Un roi de la justice sur le monde</i>. La reine
+porte les mmes ornemens.</p>
+
+<p>En cet appareil le roi se rend trois fois par semaine
+au march, o il monte sur un sige lev
+qu'on a fait exprs. Le lieutenant du roi, nomm
+Knipperdolling, se tient une marche plus bas,
+puis viennent les conseillers. Celui qui a affaire
+<span class="pagenum" id="Page_37">37</span>
+au roi s'incline deux fois, se laisse tomber terre
+ la troisime, et expose ensuite ce qu'il a
+dire.</p>
+
+<p>Un mardi ils ont clbr la sainte Cne dans
+la <i>cour du dme</i>; ils taient table au nombre de
+prs de quatre mille deux <ins id="cor_3" title="original: cent">cents</ins>. Trois plats furent
+servis: savoir du bouilli, du jambon et du rti;
+le roi et ses femmes et tous leurs domestiques
+servirent les convives.</p>
+
+<p>Aprs le repas, le roi et la reine prirent du gteau
+de froment, le rompirent et en donnrent
+aux autres, disant: Prenez, mangez et annoncez
+la mort du Seigneur. De mme ils prirent
+une cruche de vin, disant: Prenez, buvez-en
+tous et annoncez la mort du Seigneur.</p>
+
+<p>Les convives rompirent de mme des gteaux,
+et se les prsentrent les uns aux autres en prononant
+ces paroles: Frre et s&oelig;ur, prends et
+mange. De mme que Jsus-Christ s'est dvou
+pour moi, de mme je veux me dvouer pour toi;
+et de mme que dans ce gteau les grains de froment
+sont joints, et que les raisins ont t unis
+pour former ce vin, de mme nous aussi nous
+sommes unis. Ils s'exhortaient en mme
+temps ne rien dire de frivole, ni qui ft
+contraire la loi du Seigneur. Ensuite ils remercirent
+Dieu, d'abord par des prires, et puis par
+des cantiques, surtout par le cantique: <i>Gloire
+<span class="pagenum" id="Page_38">38</span>
+ Dieu au haut des cieux!</i> Le roi et ses femmes,
+avec leurs serviteurs, se mirent table galement,
+ainsi que ceux qui revenaient de la garde.</p>
+
+<p>Quand tout fut fini, le roi demanda l'assemble
+s'ils taient tous disposs faire et
+souffrir la volont du Pre. Ils rpondirent tous:
+<i>Oui</i>. Puis le prophte Jean de Warendorff se
+leva, et dit: Que Dieu lui avait ordonn d'envoyer
+quelques-uns d'entre eux pour annoncer
+les miracles dont ils avaient t tmoins. Le
+mme prophte ajouta que, selon l'ordre de
+Dieu, ceux qu'il nommerait devaient se rendre
+dans quatre villes de l'Empire, et y prcher...
+On donna chacun un fenin d'or de la valeur de
+neuf florins avec de la monnaie ordinaire pour
+le voyage, et ils partirent le soir mme.</p>
+
+<p>La veille de Saint-Gall, ils parurent dans les
+villes dsignes, faisant grand bruit, et criant:
+Convertissez-vous et faites pnitence, car la
+misricorde du Pre est sa fin. La cogne
+frappe dj la racine de l'arbre. Que votre ville
+accepte la paix, ou elle va prir. Arrivs
+devant le conseil des quatre villes, ils tendirent
+leurs manteaux par terre, et y jetrent les susdites
+pices d'or, en disant: Nous sommes envoys
+par le Pre pour vous annoncer la paix.
+Si vous l'acceptez, mettez tout votre bien en
+commun; si vous ne voulez pas faire cela,
+<span class="pagenum" id="Page_39">39</span>
+nous protesterons devant Dieu avec cette
+pice d'or, et nous prouverons par elle que
+vous avez rejet la paix qu'il vous envoyait.
+Il est arriv maintenant, le temps annonc
+par tous les prophtes, ce temps o Dieu ne
+voudra plus souffrir sur la terre que la justice;
+et quand le roi aura fait rgner la justice sur
+toute la face de la terre, alors Jsus-Christ
+remettra le gouvernement entre les mains du
+Pre.</p>
+
+<p>Alors ils furent mis en prison et questionns
+sur leur croyance, leur vie, etc... (Suit l'interrogatoire.) ...
+Ils disaient qu'il y avait quatre prophtes,
+deux vrais, et deux faux; que les vrais,
+c'taient David et Jean de Leyde, et les faux, le
+pape et Luther. Luther, disaient-ils, est pire
+encore que le pape. Ils tiennent aussi pour
+damns tous les autres anabaptistes, quelque
+part qu'ils se trouvent.</p>
+
+<p>... Dans Munster, disaient-ils, les hommes
+ont communment cinq, six, sept ou huit femmes,
+selon leur bon plaisir<a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>. Mais chacun est
+oblig d'habiter d'abord avec l'une d'entre elles,
+jusqu' ce qu'elle soit enceinte. Ensuite, il peut
+<span class="pagenum" id="Page_40">40</span>
+faire comme il lui plat. Toutes les jeunes filles
+qui ont pass douze ans doivent se marier...</p>
+
+<p>... Ils dtruisent les glises et toutes maisons
+consacres Dieu...</p>
+
+<p>... Ils attendent Munster des gens de Groningue
+et d'autres contres de la Hollande. Eux
+venus, le roi se lvera avec toutes ses forces, et
+subjuguera la terre entire.</p>
+
+<p>Ils tiennent aussi qu'il est impossible de
+bien comprendre l'criture sans que des prophtes
+l'aient explique. Quand on discute
+avec eux et qu'ils en viennent ne pouvoir justifier
+leur entreprise par l'criture, ils disent que
+le Pre ne leur donne pas de s'expliquer l-dessus.
+D'autres rpondent: Le prophte l'a dit
+par l'ordre de Dieu.</p>
+
+<p>Il ne s'en trouva aucun qui voult se rtracter,
+ni qui acceptt sa grce ce prix. Ils chantaient
+et remerciaient Dieu qui les avait jugs
+dignes de souffrir pour son nom.</p>
+
+<p>Les anabaptistes somms par le landgrave de
+Hesse de se justifier relativement au roi qu'ils
+s'taient donn, lui rpondirent (janvier 1535)<a name="FNanchor_r9" id="FNanchor_r9" href="#Footnote_r9" class="fnanchor">[r9]</a>:
+Que les temps de la restitution annoncs par les
+livres saints taient arrivs, que l'vangile leur
+avait ouvert la prison de Babylone, et qu'il fallait
+ prsent rendre aux Babyloniens selon leurs &oelig;uvres;
+qu'une lecture attentive des prophtes, de
+<span class="pagenum" id="Page_41">41</span>
+l'Apocalypse, etc., montrerait videmment au
+Landgrave si c'tait d'eux-mmes qu'ils avaient
+institu un roi, ou bien par l'ordre de Dieu, etc.</p>
+
+<p>Suit la convention qui fut arrte l'an 1533,
+entre l'vque de Munster et cette ville par l'entremise
+des conseillers du Landgrave: ... Les anabaptistes
+envoyrent au landgrave de Hesse leur
+livre <i lang="la" xml:lang="la">De restitutione</i>. Il le lut avec indignation et
+ordonna ses thologiens d'y rpondre et d'opposer
+particulirement aux anabaptistes neuf articles
+qu'il dsigna. Dans ces articles il leur reproche
+entre autres choses: 1<sup>o</sup> de faire consister la
+justice non pas dans la foi seule, mais dans la foi
+et les &oelig;uvres ensemble; 2<sup>o</sup> d'accuser injustement
+Luther de n'avoir jamais enseign les bonnes
+&oelig;uvres; 3<sup>o</sup> de dfendre le libre arbitre.</p>
+
+<p>Dans le livre <i lang="la" xml:lang="la">De restitutione</i>, les anabaptistes
+divisaient toute l'histoire du monde en trois parties
+principales. Le premier monde, disent-ils,
+celui qui exista jusqu' No, fut submerg par
+les eaux. Le second, celui dans lequel nous-mmes
+nous vivons encore, sera fondu et purifi
+par le feu. Le troisime sera un nouveau
+ciel et une nouvelle terre, habits par la justice.
+C'est ce que Dieu a dsign par l'arche sainte
+dans laquelle il y avait le vestibule, le sanctuaire
+et le saint des saints... La venue du troisime
+monde sera prcde d'une restitution et d'un
+<span class="pagenum" id="Page_42">42</span>
+chtiment universels. Les mchans seront tus,
+le rgne de la justice prpar, les ennemis du
+Christ jets bas, et toutes choses restitues.
+C'est ce temps qui commence maintenant.</p>
+
+<p><i>Entretien ou discussion qu'Antoine Corvinus
+et Jean Kymeus ont eue Bverger avec Jean de
+Leyde, le roi de Munster<a name="FNanchor_r10" id="FNanchor_r10" href="#Footnote_r10" class="fnanchor">[r10]</a>.</i>&mdash;Quand le roi entra
+dans notre chambre avec l'escorte qui l'avait
+tir de sa prison, nous le salumes d'une manire
+amicale et l'invitmes s'asseoir prs du
+feu. Nous lui demandmes comment il se portait
+et s'il souffrait dans sa prison. Il rpondit qu'il
+souffrait du froid et se sentait mal au c&oelig;ur, mais
+qu'il devait tout endurer avec patience, puisque
+Dieu avait ainsi dispos de lui. Peu--peu, toujours
+en lui parlant amicalement, car on ne
+pouvait rien obtenir de lui d'une autre manire,
+nous arrivmes parler de son royaume et de sa
+doctrine, de la manire qu'il suit:</p>
+
+<p><span class="smcap">Premier point de l'interrogatoire.</span>&mdash;<i>Les ministres.</i>
+Cher Jean, nous entendons dire de votre
+gouvernement des choses extraordinaires et
+horribles. Si elles sont telles qu'on le dit, et malheureusement
+cela n'est que trop vrai, nous ne
+pouvons concevoir comment il vous est possible
+de justifier une semblable entreprise par la
+sainte criture...</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> Ce que nous avons fait et enseign,
+<span class="pagenum" id="Page_43">43</span>
+nous l'avons fait et enseign avec bon droit, et
+nous pouvons justifier toute notre entreprise,
+nos actions et notre doctrine devant Dieu et
+qui il appartient.</p>
+
+<p><i>Les ministres</i> lui objectent que dans l'criture
+il n'tait question que d'un rgne spirituel de
+Jsus-Christ: Mon royaume n'est pas de ce
+monde, a-t-il dit lui-mme.</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> J'entends trs bien ce que vous dites
+du royaume spirituel de Jsus-Christ et je n'attaque
+nullement les passages que vous citez.
+Mais vous devez savoir distinguer le royaume
+spirituel de Jsus-Christ, lequel se rapporte aux
+temps de la souffrance, et duquel aprs tout ni
+vous ni Luther vous n'avez une juste ide, et
+l'autre royaume, celui qui, aprs la rsurrection,
+sera tabli dans ce monde pendant mille
+ans. Tous les versets qui traitent du royaume
+spirituel de Jsus-Christ ont rapport au temps
+de la souffrance, mais ceux qui se trouvent dans
+les prophtes et dans l'Apocalypse et qui traitent
+du royaume temporel, doivent tre rapports au
+temps de la gloire et de la puissance que Jsus-Christ
+aura dans le monde avec les siens.</p>
+
+<p>Notre royaume de Munster a t une image de
+ce royaume temporel du Christ; vous savez que
+Dieu annonce et dsigne beaucoup de choses
+par des figures. Nous avions cru que notre
+<span class="pagenum" id="Page_44">44</span>
+royaume durerait jusqu' la venue du Seigneur,
+mais nous voyons prsent qu'en ce point notre
+entendement a failli et que nos prophtes ne
+l'ont pas bien compris eux-mmes. Dieu nous
+en a, dans la prison, ouvert et rvl la vritable
+intelligence...</p>
+
+<p>Je n'ignore pas que vous rapportez communment
+au royaume spirituel du Christ ces passages
+et d'autres semblables, qui pourtant doivent, sans
+aucun doute, tre entendus du royaume temporel.
+Mais qu'est-ce que ces interprtations spirituelles,
+et quoi servent-elles, si rien ne doit se raliser
+un jour?... Dieu a cr le monde principalement
+pour se complaire dans les hommes auxquels il
+a donn un reflet de sa force et de sa puissance.</p>
+
+<p><i>Les ministres</i> ... Et comment vous justifierez-vous
+quand Dieu vous dira au jugement dernier:
+Qui t'a fait roi? Qui t'a ordonn de rpandre
+dans le monde de si effroyables erreurs, au
+grand dtriment de ma parole?</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> Je rpondrai: Les prophtes de Munster
+me l'ont ordonn comme tant votre volont
+divine, en preuve de quoi ils m'ont donn en
+gage leur corps et leur me.</p>
+
+<p><i>Les ministres</i> lui demandent ce qu'il en est
+des rvlations divines qu'il aurait eues, dit-on,
+au sujet de son lvation la royaut.</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> Je n'ai pas eu de rvlation ce sujet,
+<span class="pagenum" id="Page_45">45</span>
+seulement il m'est venu des penses, comme
+s'il devait y avoir un roi Munster, et que moi
+je dusse tre ce roi. Ces penses m'branlrent et
+m'affligrent profondment. Je priais Dieu de
+vouloir bien prendre en considration mon inhabilet,
+et de ne point me charger d'un tel fardeau.
+Au cas o il ne voudrait pas m'pargner
+cette peine, je le priais de me faire dsigner par
+des prophtes dignes de foi et en possession de
+sa parole. Je m'en tins l et n'en dis rien personne.
+Mais quinze jours aprs un prophte se
+leva au milieu de la commune et s'cria que Dieu
+lui avait signifi que Jean de Leyde devait tre
+roi. Il annona la mme chose au conseil, qui
+aussitt se conforma ce qu'il disait, se dmit de
+son pouvoir et me proclama roi avec toute la commune.
+Il me remit aussi le glaive de la justice.
+C'est ainsi que je suis devenu roi.</p>
+
+<p><span class="smcap">Deuxime article.</span>&mdash;<i>Le roi.</i> ... Nous ne nous
+sommes opposs l'autorit que parce qu'elle
+voulait nous interdire notre baptme et la parole
+de Dieu. Nous avons rsist la violence. Vous
+prtendez que nous avons agi injustement en
+cela, mais saint Pierre ne dit-il pas qu'on doit
+obir Dieu plutt qu'aux hommes?... Vous ne
+rprouveriez pas tout ce que nous avons fait, si
+vous saviez comment les choses se sont passes...</p>
+
+<p><i>Les ministres.</i> Parez et justifiez vos actes,
+<span class="pagenum" id="Page_46">46</span>
+comme vous voudrez, vous n'en serez pas moins
+ternellement des rebelles, coupables du crime
+de lse-majest. Le chrtien doit souffrir et ne
+point rsister au mchant. Quand mme tout le
+conseil se ft rang de votre parti (ce qui n'a pas
+eu lieu), vous auriez d supporter la violence
+plutt que de commencer un schisme, une sdition,
+une tyrannie pareils, contrairement la
+parole de Dieu, la majest de l'Empereur, la
+dignit royale, celle de l'lectorat et des princes
+et tats de l'Empire.</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> Nous savons ce que nous avons fait:
+Que Dieu soit notre juge.</p>
+
+<p><i>Les ministres.</i> Nous aussi, nous savons sur
+quoi est fond ce que nous disons. Que Dieu soit
+notre juge aussi.</p>
+
+<p><span class="smcap">Troisime article.</span>&mdash;<i>Le roi.</i> ... Nous avons
+t assigs et dtruits cause de la parole divine;
+c'est pour elle que nous avons souffert la
+faim et tous les maux, que nous avons perdu les
+ntres, et que nous sommes tombs dans une si
+lamentable calamit! Ceux d'entre nous qui sont
+encore en vie, mourront sans rsistance et sans
+plainte, comme l'agneau qu'on immole...</p>
+
+<p><span class="smcap">Cinquime article.</span>&mdash;Le roi dit qu'il a long-temps
+t de l'avis de Zwingli, mais qu'il est revenu
+ croire en la transsubstantiation. Seulement
+il n'accorde pas ses interlocuteurs que
+<span class="pagenum" id="Page_47">47</span>
+celle-ci s'opre aussi dans celui qui n'a pas la foi.</p>
+
+<p><span class="smcap">Sixime article.</span>&mdash;<i>Les ministres.</i> ... Que
+voulez-vous donc faire de Jsus-Christ, s'il n'a
+pas reu chair et sang de sa mre Marie? Voulez-vous
+qu'il soit un fantme, un spectre? Il serait
+besoin que notre Urbanus Regius ft imprimer
+un second livre pour vous faire comprendre votre
+langue natale<a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>, sans cela vos ttes d'nes rsisteront
+toujours l'instruction.</p>
+
+<p><i>Le roi.</i> Si vous saviez quelle consolation infinie
+est renferme dans cette connaissance que
+Jsus-Christ, Dieu et fils du Dieu vivant, s'est
+fait homme et a vers son sang, non pas celui
+de Marie, pour racheter nos pchs (lui qui est
+pur de toute faute), vous ne parleriez pas comme
+vous faites et vous ne trouveriez pas notre opinion
+si mauvaise.</p>
+
+<p><span class="smcap">Septime article</span> sur la polygamie.&mdash;Le roi
+oppose aux ministres l'exemple des patriarches.
+Les ministres se retranchent derrire l'usage
+gnralement tabli dans les temps modernes, et
+dclarent que le mariage est <i lang="la" xml:lang="la">res politica</i>. Le roi
+dit qu'il vaut mieux avoir beaucoup d'pouses,
+que beaucoup de prostitues, et termine cet entretien,
+comme le second, par ces mots: Que
+Dieu soit notre juge.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_48">48</span>
+Quoique rdig par les prdicateurs, l'effet
+de cette discussion ne leur est pas favorable. On
+ne peut s'empcher d'admirer la fermet, le bon
+sens, et la modeste simplicit du roi de Munster,
+qui ressort encore par la duret pdantesque
+de ses interlocuteurs.</p>
+
+<p>Corvinus et Kymeus au lecteur chrtien:&mdash;Nous
+avons reprsent notre entretien avec le
+roi -peu-prs mot pour mot, sans passer un seul
+de ses argumens; seulement nous les avons mis
+en notre langage et poss plus convenablement
+qu'il ne le faisait... Environ huit jours aprs, il
+envoya vers nous pour nous prier de venir encore
+une fois traiter avec lui... Nous discutmes de
+nouveau pendant deux jours; il se trouva plus
+docile que la premire fois, mais nous n'avons
+vu en cela que le dsir de sauver sa vie. Il dclara
+de son propre mouvement que si on le
+prenait en grce, il voulait avec le secours de
+Melchior Hoffmann et de ses reines, exhorter tous
+les anabaptistes, qui sont trs nombreux, selon
+lui, dans la Hollande, le Brabant, l'Angleterre
+et la Frise, se taire dsormais, obir, et
+mme faire baptiser leurs enfans, jusqu' ce
+que l'autorit s'arranget avec eux sur les affaires
+de religion. ... Suit la nouvelle confession de
+foi de Jean de Leyde, par laquelle il modifie
+quelques points de la premire. En exhortant les
+<span class="pagenum" id="Page_49">49</span>
+anabaptistes l'obissance, il n'entend qu'une
+obissance extrieure. Il ne cde point sur le
+fond des doctrines, et veut qu'on laisse les consciences
+libres. Quant l'eucharistie, il dclare
+que tous ses confrres sont zwingliens sur ce
+point, et que lui-mme il l'avait toujours t,
+mais que dans sa prison Dieu lui a fait connatre
+ses erreurs. Cette confession est signe en hollandais:
+<i>Moi, Jean de Leyde, sign de ma propre
+main</i>.</p>
+
+<p>Le 19 janvier 1536, Jean de Leyde, ainsi que
+Knipperdolling et Krechting, son vicaire et son
+lieutenant, furent tirs de leurs cachots<a name="FNanchor_r11" id="FNanchor_r11" href="#Footnote_r11" class="fnanchor">[r11]</a>. Le lendemain,
+l'vque leur envoya son chapelain pour
+confrer avec chacun d'eux sparment, sur leurs
+croyances et sur les actes qu'ils avaient commis.
+Le roi tmoigna du repentir et se rtracta, mais
+les deux autres persistrent et ne s'avourent coupables
+en rien... Le 22 au matin, toutes les portes
+de Munster furent fermes; on ne laissa plus
+entrer ni sortir, et vers les huit heures, le roi,
+dpouill jusqu' la ceinture, fut conduit sur un
+chafaud dress dans le march. Deux cents fantassins
+et trois cents cavaliers se tenaient auprs.
+L'affluence du peuple tait extrme. Il fut attach
+ un poteau, et deux bourreaux le dchirrent
+tour--tour avec des tenailles ardentes. Enfin
+l'un d'eux lui plongea un couteau dans la poitrine,
+<span class="pagenum" id="Page_50">50</span>
+et termina ainsi l'excution qui durait depuis
+une heure.</p>
+
+<p>Aux trois premiers coups de tenailles le roi
+ne laissa entendre aucun cri, mais aprs il s'cria
+sans cesse, les yeux tourns au ciel: <i>O mon
+Pre, ayez piti de moi!</i> et il pria Dieu avec ardeur,
+pour la rmission de ses pchs. Quand il
+se sentit dfaillir, il dit: <i>O mon Pre, je remets
+mon esprit entre tes mains!</i> et il expira.</p>
+
+<p>Le cadavre fut jet sur une claie et tran
+devant la tour de Saint-Lambert, o taient prpars
+trois paniers de fer. Arriv l, on l'attacha
+avec des chanes dans l'un de ces paniers, et les
+paysans le hissrent au haut de la tour, o il fut
+suspendu un crochet.&mdash;Le supplice de Knipperdolling
+et de Krechting fut le mme que celui
+du roi. Ils persistrent jusqu' la fin dans tout ce
+qu'ils avaient dit. Pendant l'excution ils n'invoqurent
+que le Pre, sans faire mention du
+Christ, comme c'tait l'usage de leur secte. Ni
+l'un ni l'autre, ne dit rien de remarquable: peut-tre
+leur silence tait-il la suite des tourmens
+qu'ils avaient endurs dans la prison, car ils
+semblaient dj plus morts que vifs. Leurs corps
+furent mis dans les deux autres paniers de fer,
+et hisss par les paysans, l'un la droite, l'autre
+ la gauche du roi, mais plus bas de la hauteur
+d'un homme. Alors on rouvrit les portes de la
+<span class="pagenum" id="Page_51">51</span>
+ville, et il y entra une grande foule de gens
+venus trop tard pour voir l'excution<a name="FNanchor_a28" id="FNanchor_a28" href="#Footnote_a28" class="fnanchor">[a28]</a>.</p>
+
+<p><i>Prface de Luther aux Nouvelles, sur les affaires
+de Munster<a name="FNanchor_r12" id="FNanchor_r12" href="#Footnote_r12" class="fnanchor">[r12]</a>.</i> Ah! que dois-je, et comment
+dois-je crire contre ou sur ces pauvres
+gens de Munster! N'est-il pas visible que le
+diable y rgne en personne, ou plutt qu'il y a
+l toute une bande de diables?</p>
+
+<p>Reconnaissons pourtant ici la grce et la misricorde
+infinies de Dieu. Aprs que l'Allemagne,
+par tant de blasphmes, par le sang de tant
+d'innocens, a mrit une si rude frule, le pre
+de toute misricorde ne permet pas encore au
+diable de frapper son vrai coup, il nous avertit
+d'abord paternellement par ce jeu grossier que
+Satan fait Munster. La puissance de Dieu contraint
+l'esprit aux cent ruses s'y prendre d'abord
+avec gaucherie et maladresse, afin de nous
+laisser le temps d'chapper par la pnitence, aux
+coups mieux calculs qu'il nous rservait.</p>
+
+<p>En effet, l'esprit qui veut tromper le monde
+ne doit pas commencer par prendre des femmes,
+par tendre la main vers les honneurs et le glaive
+royal, ou bien par gorger les gens; ceci est trop
+grossier. Chacun s'aperoit que cet esprit ne
+veut autre chose que s'lever lui-mme et opprimer
+les autres. Ce qu'il faut pour tromper, c'est
+de mettre un habit gris, de prendre un air triste
+<span class="pagenum" id="Page_52">52</span>
+et piteux, de pencher la tte, de refuser l'argent,
+de ne pas manger de viande; de fuir les femmes
+ l'gal du poison, de repousser comme damnable
+tout pouvoir temporel, de rejeter le glaive;
+puis de se baisser tout doucement vers la couronne,
+le glaive et les cls, pour les ramasser et
+s'en saisir furtivement. Voil qui pourrait russir,
+voil qui tromperait mme les sages, les hommes
+tourns au spirituel. Ce serait l un beau
+diable, plumes plus belles que plumes de paon
+et de faisan.</p>
+
+<p>Mais saisir la couronne si impudemment,
+prendre non-seulement une femme, mais autant
+de femmes que dit le caprice et le plaisir. Ah!
+c'est le fait d'un diablotin colier, d'un diable
+ l'A B C; ou bien c'est le vritable Satan, le
+Satan docte et habile, mais garrott par la main
+de Dieu de chanes si puissantes qu'il n'a pu agir
+plus adroitement. C'est pour nous menacer tous
+et nous exhorter craindre ses chtimens, avant
+qu'il ne laisse le champ libre un diable savant
+qui nous attaquerait, non plus avec l'A B C,
+mais avec le vritable texte, le texte difficile.
+S'il fait de telles choses comme diablotin l'cole,
+que ne pourrait-il faire comme diable raisonnable,
+sage, savant, lgiste, thologien?</p>
+
+<p>... Lorsque Dieu est en colre et qu'il nous
+prive de sa parole, nulle tromperie du diable
+<span class="pagenum" id="Page_53">53</span>
+n'est trop grossire. Les commencemens de Mahomet
+aussi furent grossiers; cependant, Dieu
+n'y mettant obstacle, il en est sorti un empire
+damnable et infme, comme tout le monde
+sait. Si Dieu ne nous et pas t en aide contre
+Mnzer, il se ft lev par lui un empire turc,
+comme celui de Mahomet. En somme: nulle
+tincelle n'est si petite, que Dieu y laissant souffler
+le diable, il n'en puisse sortir un feu qui dvore
+le monde, et que personne n'teigne. La
+meilleure arme contre le diable c'est le glaive
+de l'esprit, la parole de Dieu; le diable est un
+esprit et il se moque des cuirasses, des chevaux
+et des cavaliers.</p>
+
+<p>Mais nos seigneurs vques et princes, ne
+veulent pas souffrir que l'on prche l'vangile,
+et que, par la parole divine, l'on arrache les
+mes au diable; ils pensent qu'il suffit d'gorger.
+De cette manire ils prennent au diable les
+corps, ils lui laissent les mes; ils russiront
+comme les Juifs, qui croyaient exterminer Christ
+en le crucifiant.....</p>
+
+<p>..... Ceux de Munster, entre autres blasphmes,
+parlent de la naissance de Jsus-Christ,
+comme s'il ne venait pas (c'est leur langage) de
+la semence de Marie et que cependant il ft de
+la semence de David. Mais ils ne s'expliquent pas
+clairement. Le diable garde la bouillie ardente
+<span class="pagenum" id="Page_54">54</span>
+dans la bouche et ne fait que grommeler: <i>mum,
+mum</i>, voulant probablement dire pis. Toutefois
+ce que l'on comprend, c'est que, d'aprs eux,
+la semence ou la chair de Marie ne pourrait pas
+nous racheter. Eh bien! diable, grommle et
+crache tant que tu voudras, le seul petit mot: <i>n</i>,
+renverse tout cela. Dans toutes les langues, sur
+toute la terre, on appelle <i>n</i> l'enfant de chair et
+de sang qui sort des entrailles de la femme, et
+non autre chose. Or l'criture dit partout que
+Jsus-Christ est <i>n</i> de sa mre Marie, qu'il est
+son fils premier n: ainsi Isae, Gabriel, et ailleurs:
+Tu seras enceinte en ton corps, etc.
+Mon cher, <i>tre enceinte</i> ne signifie pas: tre un
+tuyau par lequel il coule de l'eau (selon les blasphmes
+de Maniche); mais cela veut dire qu'un
+enfant est pris de la chair et du sang de sa mre,
+qu'il est nourri en elle, qu'il y prend croissance,
+qu'il est la fin mis au monde.</p>
+
+<p>L'autre proposition de ces gens, celle par
+laquelle ils condamnent le baptme des enfans
+et en font une chose paenne, est de mme assez
+grossire. Ils regardent comme mauvais tout ce
+que les impies ont et donnent. Pourquoi donc
+alors ne tiennent-ils pas pour mauvais l'or, l'argent
+et les autres biens qu'ils ont pris aux impies
+dans Munster. Ils devraient faire de l'or et
+de l'argent tout neuf.....</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_55">55</span>
+Leur mchant royaume est si visiblement
+un royaume de grossire imposture et de rvolte
+qu'il n'est pas besoin d'en parler. J'en ai dj
+trop dit: Je m'arrte.<a name="FNanchor_a29" id="FNanchor_a29" href="#Footnote_a29" class="fnanchor">[a29]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<div class="pagenum" id="Page_56"></div>
+
+<h3>CHAPITRE III.<br />
+1536-1545.</h3>
+
+<p class="somm">Dernires annes de la vie de Luther.&mdash;Polygamie
+du landgrave de Hesse, etc.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Les catholiques et les protestans runis un
+instant contre les anabaptistes, n'en furent ensuite
+que plus ennemis<a name="FNanchor_a30" id="FNanchor_a30" href="#Footnote_a30" class="fnanchor">[a30]</a>. On parlait toujours d'un
+concile gnral; personne n'en voulait srieusement.
+Le pape le redoutait, les protestans le
+rcusaient d'avance.</p>
+
+</div>
+
+<p>On m'crit de la dite, que l'Empereur
+presse les ntres de consentir un concile, et
+qu'il se courrouce de leur refus. Je ne comprends
+pas ces monstruosits. Le pape nie que des hrtiques
+<span class="pagenum" id="Page_57">57</span>
+comme nous puissent avoir place un
+concile: l'Empereur veut que nous consentions
+au concile et ses dcrets. C'est peut-tre Dieu
+qui les rend fous... Mais voici sans doute leur
+folle combinaison. Comme jusqu' prsent ils
+n'ont pu, sous le nom du pape, de l'glise, de
+l'Empereur, des dites, rendre redoutable leur
+mauvaise cause, ils pensent maintenant se couvrir
+du nom de concile afin de pouvoir crier contre
+nous: que nous sommes des gens tellement
+perdus et dsesprs que nous ne voulons couter
+ni le pape, ni l'glise, ni l'Empereur, ni l'Empire,
+ni le concile mme que nous avons tant de
+fois demand. Voyez l'habilet de Satan contre
+ce pauvre sot de Dieu, qui aura sans doute de la
+peine se tirer de piges si bien dresss?... Non,
+c'est le Seigneur, qui se jouera de ceux qui se
+jouent de lui. S'il nous faut consentir un concile
+ainsi dispos pour nous, pourquoi, il y a vingt-cinq
+ans, ne nous sommes-nous pas soumis au
+pape, seigneur des conciles, et toutes ses bulles?
+(9 juillet 1545.)</p>
+
+<p>Ce concile aurait pu resserrer l'unit de la
+hirarchie catholique, mais non rtablir celle
+de l'glise. Les armes devaient seules dcider<a name="FNanchor_a31" id="FNanchor_a31" href="#Footnote_a31" class="fnanchor">[a31]</a>.
+Dj les protestans avaient chass les Autrichiens
+du Wurtemberg. Ils dpouillaient Henri de
+Brunswick, qui excutait son profit les arrts
+<span class="pagenum" id="Page_58">58</span>
+de la chambre impriale. Ils encourageaient l'archevque
+de Cologne imiter l'exemple d'Albert
+de Brandebourg, en scularisant son archevch,
+ce qui leur et donn la majorit dans le conseil
+lectoral. Cependant il y eut encore quelques tentatives
+de conciliation. Des confrences s'ouvrirent
+ Worms et Ratisbonne (1540&mdash;1541)<a name="FNanchor_a32" id="FNanchor_a32" href="#Footnote_a32" class="fnanchor">[a32]</a>.
+Elles furent aussi inutiles que celles qui les
+avaient prcdes. Luther ne s'y trouva point
+et donna mme peu d'attention ces disputes
+qui de jour en jour prenaient un caractre plus
+politique que religieux.</p>
+
+<p>Il ne m'est rien venu de Worms, si ce n'est
+ce que m'crit Mlanchton, qu'il s'y est runi
+une telle multitude de doctes personnages de
+France, d'Italie, d'Espagne et d'Allemagne, que
+dans aucun synode pontifical on n'en pourra jamais
+voir un aussi grand nombre. (27 novembre
+1540.)</p>
+
+<p>J'ai reu des nouvelles de Worms. Les ntres
+procdent avec force et sagesse, nos adversaires,
+comme gens sots et ineptes, n'usent que
+de ruses et de mensonges. On croirait voir Satan
+lui-mme, quand se lve l'aurore, courir et l
+cherchant, sans pouvoir trouver, quelque sombre
+repaire pour chapper cette lumire qui le
+poursuit. (9 janvier 1541.)</p>
+
+<p>Aprs une nouvelle confrence de <ins id="err_3" title="original: thologien (Err.)">thologiens</ins>
+<span class="pagenum" id="Page_59">59</span>
+des deux partis, on voulut avoir l'opinion de
+Luther sur dix articles dont on tait convenu.
+Notre prince apprenant que l'on venait directement
+ moi sans s'adresser lui, accourut avec
+Pontanus, et tous deux arrangrent la rponse
+leur faon<a name="FNanchor_a33" id="FNanchor_a33" href="#Footnote_a33" class="fnanchor">[a33]</a>.</p>
+
+<p>Quelques annes auparavant, cette intervention
+du prince aurait soulev l'indignation de
+Luther. Ici il en parle sans colre, le dgot et
+la lassitude commencent s'emparer de lui. Il
+voit bien qu'en travaillant rtablir l'vangile
+dans sa puret primitive, il n'a fait que fournir
+aux puissans du sicle les moyens de satisfaire
+leurs ambitions terrestres, et qu'ils font chaque
+jour bon march de son Christ.</p>
+
+<p>Notre excellent prince m'a donn lire les
+conditions qu'il veut proposer pour avoir la paix
+avec l'Empereur et nos adversaires. Je vois qu'ils
+regardent toute cette affaire comme une comdie
+qui se joue entre eux, tandis que c'est une tragdie
+entre Dieu et Satan, o Satan triomphe et
+o Dieu est humili<a name="FNanchor_a34" id="FNanchor_a34" href="#Footnote_a34" class="fnanchor">[a34]</a>. Mais viendra la catastrophe
+o le Tout-Puissant, auteur de cette tragdie,
+nous donnera la victoire. Je suis indign qu'on
+se joue ainsi de si grandes choses<a name="FNanchor_a35" id="FNanchor_a35" href="#Footnote_a35" class="fnanchor">[a35]</a>. (4 avril 1541.)</p>
+
+<p class="sep2">Nous avons vu de bonne heure dans quelle
+triste dpendance la Rforme s'tait trouve l'gard
+<span class="pagenum" id="Page_60">60</span>
+des princes qui la protgeaient; Luther eut
+le temps de voir les consquences o cette
+dpendance devait aboutir. Ces princes, c'taient
+des hommes; il fallut les servir, non-seulement
+comme princes, mais comme hommes,
+dans leurs caprices, dans les besoins de leur humanit.
+De l, des concessions qui sans tre contraires
+aux principes de la Rforme, semblrent
+peu honorables aux rformateurs.</p>
+
+<p>Le chef le plus belliqueux du parti protestant,
+l'imptueux et colrique landgrave de Hesse, fit
+reprsenter Luther et aux ministres que sa
+sant ne lui permettait pas de se contenter d'une
+femme. Les instructions qu'il donna Bucer<a name="FNanchor_r13" id="FNanchor_r13" href="#Footnote_r13" class="fnanchor">[r13]</a>
+pour ngocier cette affaire avec les thologiens de
+Wittemberg, sont un curieux mlange de sensualit,
+de craintes religieuses et de navet hardie.</p>
+
+<p>Depuis mon mariage, crit-il, je vis dans
+l'adultre et la fornication; et comme je ne veux
+point abandonner cette vie, je ne puis m'approcher
+de la Sainte-Table; car saint Paul a dit que
+l'adultre ne possdera pas le royaume des cieux.
+Il numre ensuite les raisons qui le forcent
+vivre ainsi. Ma femme, dit-il, n'est ni belle,
+ni aimable; elle sent mauvais, elle boit, et mes
+chambellans savent bien comment elle se comporte
+alors, etc.&mdash;Je suis d'une forte complexion,
+les mdecins peuvent le tmoigner,
+<span class="pagenum" id="Page_61">61</span>
+souvent je vais aux dites impriales. <i lang="la" xml:lang="la">Ubi laut
+vivitur et corpus curatur; quomodo me ibi gerere
+queam absque uxore, cm non semper magnum
+gynceum mecum ducere possim?...</i> Comment
+puis-je punir la fornication et les autres crimes,
+lorsque moi-mme je m'en rends coupable, lorsque
+tous pourraient me dire: Matre, commence
+par toi... Si nous prenions les armes pour la
+cause de l'vangile, je ne le ferais qu'avec une
+conscience trouble, car je me dirais: Si tu
+meurs en cette guerre, tu vas au dmon... J'ai lu
+avec soin l'Ancien et le Nouveau Testament, et
+je n'y ai trouv d'autre remde que de prendre
+une seconde femme, car je ne puis, ni ne veux
+changer la vie que je mne. Je l'atteste par-devant
+Dieu, ce qu'Abraham, Jacob, David, Lamech
+et Salomon ont fait, pourquoi ne le puis-je
+faire? Cette question de la polygamie avait t
+agite dj dans les premires annes du protestantisme;
+on la trouvait partout dans l'criture
+ laquelle la Rforme disait vouloir ramener
+le monde. Les rformateurs considraient d'ailleurs
+le mariage <i>ut res politica</i>, et sujette aux
+rglemens du prince. En prsence de cette question,
+Luther recula d'abord; la chose lui rpugnait,
+mais il n'osait condamner l'Ancien Testament.
+D'ailleurs la doctrine que le Landgrave invoquait,
+tait prcisment celle que Luther avait
+<span class="pagenum" id="Page_62">62</span>
+adopte en principe ds les commencemens de la
+Rforme, quoiqu'il ne conseillt pas de la pratiquer;
+il avait crit en 1524: Il faut que le mari
+soit certain par sa propre conscience et par la
+parole de Dieu, que la polygamie lui est permise. .....
+Pour moi, j'avoue que je ne puis
+mettre d'opposition ce qu'on pouse plusieurs
+femmes, et que cela ne rpugne pas l'criture
+sainte. Cependant je ne voudrais pas que cet
+exemple s'introduist parmi les chrtiens, qui
+il convient de s'abstenir mme de ce qui est permis,
+pour viter le scandale et pour maintenir
+l'<i>honestas</i> que saint Paul exige en toute occasion.
+Il est tout--fait indigne d'un chrtien de courir
+avec tant d'ardeur pour son propre avantage jusqu'aux
+dernires limites de la libert, et de ngliger
+pourtant les choses les plus vulgaires et
+les plus ncessaires de la charit. Aussi je n'ai
+point voulu, dans mon sermon, ouvrir cette
+fentre. (13 janvier 1524.)</p>
+
+<p>La polygamie permise autrefois aux Juifs et
+aux gentils, ne peut, d'aprs la foi, exister chez
+les chrtiens si ce n'est dans un cas d'absolue
+ncessit, comme quand on est oblig de se sparer
+de sa femme lpreuse, etc. Tu diras donc
+ ces hommes de chair que s'ils veulent tre
+chrtiens, il leur faut matriser la chair et ne
+point lui lcher la bride. S'ils veulent tre gentils,
+<span class="pagenum" id="Page_63">63</span>
+qu'ils le soient, mais leurs risques et prils.
+(21 mars 1527.)</p>
+
+<p>Un jour Luther demanda au docteur Basilius
+si, d'aprs les lois, le mari dont la femme aurait
+quelque maladie incurable, et serait, pour ainsi
+dire, plus morte que vivante, pourrait tre autoris
+ prendre une concubine. Le docteur Basilius
+ayant rpondu que dans certains cas, cette
+permission serait probablement accorde, Luther
+dit: C'est l une chose dangereuse, car si l'on
+admet les cas de maladie, l'on pourrait venir
+chaque jour inventer de nouvelles raisons de
+dissoudre les mariages. (1539).</p>
+
+<p>Le message du Landgrave jeta Luther dans un
+grand embarras. Tout ce qu'il y avait de thologiens
+protestans Wittemberg, se runit pour
+dresser une rponse; on rsolut de composer
+avec ce prince. On lui accorda le double mariage,
+mais condition que sa seconde femme ne serait
+point reconnue publiquement. Votre Altesse
+comprend assez d'elle-mme la diffrence qu'il y
+a d'tablir une loi universelle ou d'user de dispense
+en un cas particulier pour de pressantes
+raisons. Nous ne pouvons introduire publiquement
+et sanctionner comme par une loi la
+permission d'pouser plusieurs femmes... Nous
+prions Votre Altesse de considrer dans quel
+danger serait un homme convaincu d'avoir introduit
+<span class="pagenum" id="Page_64">64</span>
+en Allemagne une telle loi, qui diviserait
+les familles et les engagerait en des procs
+ternels..... Votre Altesse est d'une complexion
+faible, elle dort peu; de grands mnagemens lui
+sont ncessaires... Le grand Scanderbeg exhortait
+souvent ses soldats la chastet, disant qu'il
+n'y avait rien de si nuisible leur profession que
+le plaisir de l'amour... Qu'il plaise donc Votre
+Altesse d'examiner srieusement les considrations
+du scandale, des travaux, des soins, des
+chagrins et des infirmits qui lui ont t reprsentes...
+Si cependant Votre Altesse est entirement
+rsolue d'pouser une seconde femme,
+nous jugeons qu'elle doit le faire secrtement...
+Fait Wittemberg, aprs la fte de saint Nicolas,
+de l'an 1539<a name="FNanchor_a36" id="FNanchor_a36" href="#Footnote_a36" class="fnanchor">[a36]</a>. Martin <span class="smcap">Luther</span>, Philippe <span class="smcap">Melanchton</span>,
+Martin <span class="smcap">Bucer</span>, Antoine <span class="smcap">Corvin</span>, <span class="smcap">Adam</span>, Jean
+<span class="smcap">Lening</span>, Justin <span class="smcap">Wintfert</span>, Dyonisius <span class="smcap">Melanther</span>.</p>
+
+<p>C'tait une chose dure que de forcer Luther
+qui, comme thologien et pre de famille, tenait
+ la saintet du mariage, de dclarer qu'en vertu
+de l'Ancien Testament, deux femmes pouvaient
+s'asseoir avec leurs jalousies et leurs haines au
+mme foyer domestique. Cette croix, il la sentit
+douloureusement. Quant l'affaire <i>macdonique</i>,
+ne t'en afflige pas trop, puisque les choses
+en sont venues au point que ni joie ni tristesse n'y
+peuvent rien. Pourquoi nous tuer nous-mmes?
+<span class="pagenum" id="Page_65">65</span>
+pourquoi souffrir que la tristesse nous te la
+pense de celui qui a vaincu toutes les morts et
+toutes les tristesses? Celui qui a vaincu le diable et
+jug le prince de ce monde, n'a-t-il pas en mme
+temps jug et vaincu ce scandale?... A leurs yeux,
+nos vertus sont des vices quand nous n'adorons
+point Satan avec eux. Que Satan triomphe donc,
+et n'en concevons ni chagrin, ni tristesse; mais
+rjouissons-nous en Christ, qui brisera les efforts
+de tous nos ennemis. (18 juin 1540).</p>
+
+<p>Il semble qu'il ait espr, pour viter ce scandale,
+l'intervention de l'Empereur.</p>
+
+<p>Si Csar et l'Empire le voulaient, comme ils
+seront forcs de le vouloir, ils feraient bientt
+cesser par un dit ce scandale, afin que cela ne
+puisse devenir pour l'avenir un droit ou un
+exemple.</p>
+
+<p>Depuis cette poque, les lettres de Luther,
+comme celles de Mlanchton, sont pleines de
+dgot et de tristesse<a name="FNanchor_a37" id="FNanchor_a37" href="#Footnote_a37" class="fnanchor">[a37]</a>.</p>
+
+<p>Quelqu'un demandant Luther de l'appuyer
+par une lettre prs de la cour de Dresde, Luther
+lui rpond qu'il a perdu tout crdit, toute
+influence. Dans les lettres prcdentes, il se
+trouve parfois des expressions amres contre
+cette cour. <i lang="la" xml:lang="la">Mundana illa caula.</i></p>
+
+<p>J'assisterai tes noces, mon cher Lauterbach,
+mais en esprit et par la prire. Car que
+<span class="pagenum" id="Page_66">66</span>
+j'y aille de corps, ce n'est pas seulement la multitude
+des affaires qui m'en empche, mais le
+danger d'offenser ces mamelucks et la reine de
+ce royaume (la duchesse Catherine de Saxe?);
+car qui n'est offens de la folie de Luther?</p>
+
+<p>Tu me demandes, mon cher Jonas, de t'crire
+de temps autre quelques mots de consolation.
+Mais c'est moi plus que personne qui ai
+besoin que tes lettres viennent rendre quelque
+vie mon esprit, moi qui comme Loth ai tant
+souffrir au milieu de cette infme et satanique
+ingratitude, de cet horrible mpris de la parole
+du Seigneur. Il faut que je voie Satan possder
+les c&oelig;urs de ceux qui croient qu' eux seuls sont
+rserves les premires places dans le royaume
+de Christ!</p>
+
+<p>Les protestans commenaient dj se relcher
+de leur svrit. On rouvrait les maisons
+de dbauches. Il vaudrait mieux, dit Luther,
+ne pas avoir chass Satan que de le ramener en
+plus grande force. (13 septembre 1540.)</p>
+
+<p>Le pape, l'Empereur, le Franais, Ferdinand,
+ont envoy auprs du Turc, pour demander la paix,
+une ambassade magnifique charge de riches prsens.
+Et ce qu'il y a de plus beau, c'est que pour ne
+pas blesser les yeux des Turcs, ils ont tous quitt
+le costume de leur pays, et se sont pars de longues
+robes la mode turque... J'espre que ce
+<span class="pagenum" id="Page_67">67</span>
+sont les signes bienheureux de la fin imminente
+de toutes choses. (17 juillet 1745.)</p>
+
+<p><i>A Jonas.</i> Je te dis l'oreille que j'ai de
+grands soupons qu'on nous enverra seuls,
+nous autres luthriens, la guerre contre le
+Turc. Le roi Ferdinand a enlev de Bohme l'argent
+de la guerre, et a dfendu qu'on ft partir
+un seul soldat. L'Empereur ne fait rien. Et si c'tait
+leur dessein que nous fussions extermins
+par le Turc? (29 dcembre 1542.)</p>
+
+<p>Rien de nouveau ici, sinon que le margrave
+de Brandebourg se fait une mauvaise rputation
+par tout le monde au sujet de la guerre de Hongrie.
+Ferdinand n'en a pas une meilleure. Je vois
+un concours de tant de motifs et de trs vraisemblables,
+que je ne puis m'empcher de croire
+que tout cela indique une horrible et funeste
+trahison. (26 janvier 1542.)</p>
+
+<p>Je le demande, qu'arrivera-t-il enfin de
+cette horrible trahison des princes et des rois?
+(16 dcembre 1543.)</p>
+
+<p>Puisse Dieu nous venger des incendiaires
+(presque tous les mois il parle d'incendies qui ont
+lieu Wittemberg)! Satan a trouv un nouveau
+moyen de nous tuer. On jette du poison dans le
+vin, du pltre dans le lait<a name="FNanchor_a38" id="FNanchor_a38" href="#Footnote_a38" class="fnanchor">[a38]</a>. A Ina, douze personnes
+ont t empoisonnes dans du vin. Peut-tre
+sont-elles mortes seulement pour avoir trop
+<span class="pagenum" id="Page_68">68</span>
+bu. Cependant on assure qu' Magdebourg et
+Northuse, on a trouv des marchands vendant du
+lait empoisonn. (avril 1541.) Dans une des
+lettres suivantes, il fait mention d'une histoire
+d'hosties empoisonnes.&mdash;A Amsdorf, l'occasion
+de la peste de Magdebourg. Ce que tu me
+mandes de la frayeur que l'on a aujourd'hui de la
+peste, j'en ai fait aussi l'preuve il y a quelques
+annes; et je m'tonne de voir que, plus se rpand
+la prdication de la vie en Jsus-Christ, plus
+augmente dans le peuple la peur de la mort, soit
+qu'auparavant, sous le rgne du pape, un faux
+espoir de vie diminut pour eux la crainte de la
+mort, et que maintenant la vritable esprance
+de vie tant mise devant leurs yeux, ils sentent
+combien la nature est faible pour croire au vainqueur
+de la mort, soit que Dieu nous tente par
+ces faiblesses et laisse prendre Satan, au milieu
+de cette frayeur, plus de hardiesse et de force.
+Tant que nous avons vcu dans la foi du pape,
+nous tions comme des gens ivres, endormis ou
+fous, prenant la mort pour la vie, c'est--dire
+ignorant ce que c'est que la mort et la colre de
+Dieu. Maintenant que la lumire a brill et que
+la colre de Dieu nous est mieux connue, la nature
+est sortie du sommeil et de la folie. De l
+vient qu'ils ont plus de peur qu'autrefois... J'ajoute
+et j'applique ici ce passage du psaume LXXI:
+<span class="pagenum" id="Page_69">69</span>
+<i>Ne me rejetez pas dans le temps de ma vieillesse;
+lorsque ma force succombera, ne m'abandonnez
+pas</i>. Car je pense que ce temps suprme est la
+vieillesse du Christ et le temps de l'abattement,
+c'est--dire que c'est le grand et dernier assaut
+du diable, comme David, dans ses derniers
+jours, affaibli par l'ge, et t tu par le gant,
+si Abisa ne ft venu son aide... J'ai appris
+presque toute cette anne chanter avec saint
+Paul: <i lang="la" xml:lang="la">Quasi mortui et ecce vivimus</i>. Et ailleurs:
+<i lang="la" xml:lang="la">Per gloriam vestram quotidi morior</i>. Et quand il
+dit aux Corinthiens, <i lang="la" xml:lang="la">In mortibus frequenter</i>, ce
+n'a pas t chez lui spculation ou mditation sur
+la mort, mais sentiment de la mort elle-mme,
+comme s'il n'y avait plus d'esprance de vie.
+(20 novembre 1538.)</p>
+
+<p>J'espre qu'au milieu du dchirement du
+monde, le Christ va hter son jour et fera crouler
+l'univers, <i lang="la" xml:lang="la">Ut fractus illabatur orbis</i>. (12 fvrier
+1538.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h2 id="Page_71">LIVRE IV.<br />
+1530-1546.</h2>
+
+<hr class="hr7" />
+
+<h3>CHAPITRE PREMIER.</h3>
+
+<p class="somm">Conversations de Luther.&mdash;La famille<a name="FNanchor_a39" id="FNanchor_a39" href="#Footnote_a39" class="fnanchor">[a39]</a>, la femme<a name="FNanchor_a40" id="FNanchor_a40" href="#Footnote_a40" class="fnanchor">[a40]</a>, les enfans.
+La nature.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Arrtons-nous dans cette triste histoire des
+dernires annes de la vie publique. Rfugions-nous,
+comme Luther, dans la vie prive; asseyons-nous
+ sa table, ct de sa femme, au
+<span class="pagenum" id="Page_72">72</span>
+milieu de ses enfans et de ses amis; coutons les
+paroles graves du pieux et tendre pre de famille<a name="FNanchor_a41" id="FNanchor_a41" href="#Footnote_a41" class="fnanchor">[a41]</a>.</p>
+
+<p class="sep2">Celui qui insulte les prdicateurs et les femmes
+ne russira pas bien<a name="FNanchor_r14" id="FNanchor_r14" href="#Footnote_r14" class="fnanchor">[r14]</a>. C'est des femmes que
+viennent les enfans par quoi se maintient le gouvernement
+de la famille et de l'tat. Qui les mprise,
+mprise Dieu et les hommes.</p>
+
+<p>Le droit saxon est trop dur, lorsqu'il donne
+seulement la veuve un sige et une quenouille<a name="FNanchor_r15" id="FNanchor_r15" href="#Footnote_r15" class="fnanchor">[r15]</a>.
+Par le premier mot, il faut entendre la maison;
+par le second, l'entretien, la subsistance. On
+paie bien un valet. Que dis-je? on donne plus
+un mendiant.</p>
+
+<p>Il n'y a point de doute que les femmes en mal
+d'enfant, qui meurent dans la foi, sont sauves,
+parce qu'elles meurent dans la charge et la fonction
+pour laquelle Dieu les a cres<a name="FNanchor_r16" id="FNanchor_r16" href="#Footnote_r16" class="fnanchor">[r16]</a>.</p>
+
+<p>C'est l'usage dans les Pays-Bas, que chaque
+nouveau et jeune prtre se choisisse une petite
+fille qu'il tient pour sa fiance, et cela, pour honorer
+le saint tat du mariage.</p>
+
+<p>On disait Luther<a name="FNanchor_r17" id="FNanchor_r17" href="#Footnote_r17" class="fnanchor">[r17]</a>: Si un prdicateur chrtien
+doit souffrir la prison et la perscution pour
+l'amour de la parole, ne doit-il pas, plus forte
+raison, se passer du mariage? Il rpondit cela:
+Il est plus facile de supporter la prison que de
+brler: je l'ai prouv moi-mme. Plus je macrais
+<span class="pagenum" id="Page_73">73</span>
+mon corps, plus je tchais de le dompter,
+et plus je brlais. Quand on aurait le don de
+rester chaste dans le clibat, on doit encore se
+marier pour faire dpit au pape... Si j'tais mort
+ l'improviste, j'aurais voulu pour honorer le
+mariage, faire venir mon lit de mort une pieuse
+fille que j'aurais prise comme pouse, et laquelle
+j'aurais donn deux gobelets d'argent
+pour don de noces et prsent de lendemain
+(<span lang="de" xml:lang="de">morgengabe</span>).</p>
+
+<p>Lettre un ami qui lui demande conseil pour se
+marier<a name="FNanchor_r18" id="FNanchor_r18" href="#Footnote_r18" class="fnanchor">[r18]</a>: Si tu brles, il faut prendre femme...
+Tu voudrais bien en avoir une, belle, pieuse et
+riche. Trs bien, mon cher; on t'en donnera une
+en peinture, avec des joues roses et des jambes
+blanches. Ce sont aussi les plus pieuses; mais
+elles ne valent rien pour la cuisine ni pour le
+lit... Se lever de bonne heure et se marier jeune,
+personne ne s'en repentira.</p>
+
+<p>Il n'est gure plus possible de se passer de
+femme que de boire ou de manger<a name="FNanchor_r19" id="FNanchor_r19" href="#Footnote_r19" class="fnanchor">[r19]</a>. Conu,
+nourri, port dans le corps des femmes, notre
+chair est elles dans sa plus grande partie, et il
+nous est impossible de nous en sparer tout--fait.</p>
+
+<p>Si j'avais voulu faire l'amour, il y a treize
+ans, j'aurais pris Ave Schonfeldin, qui est aujourd'hui
+au docteur Basilius, le mdecin de
+Prusse. Je n'aimais pas alors ma Catherine; je
+<span class="pagenum" id="Page_74">74</span>
+la souponnais d'tre fire et hautaine; mais il a
+plu ainsi Dieu; il a voulu que j'eusse piti d'elle,
+et cela m'a fort bien tourn; Dieu soit lou!</p>
+
+<p>La plus grande grce de Dieu est d'avoir un
+bon et pieux poux, avec qui vous viviez en paix,
+ qui vous puissiez confier tout ce que vous avez,
+mme votre corps et votre vie, et avec qui vous
+ayez de petits enfans<a name="FNanchor_r20" id="FNanchor_r20" href="#Footnote_r20" class="fnanchor">[r20]</a>. Catherine, tu as un homme
+pieux qui t'aime, tu es une impratrice. Grce
+soit rendue Dieu!</p>
+
+<p>Quelqu'un excusait ceux qui courent aprs les
+filles, le docteur Luther rpondit: Qu'ils sachent
+que c'est mpriser le sexe fminin. Ils abusent
+des femmes qui n'ont pas t cres pour
+cela. C'est une grande chose qu'une jeune fille
+puisse toujours tre aime; le diable le permet
+rarement... Elle disait bien, mon htesse d'Eisenach,
+quand j'y tais aux coles: <i>Il n'est sur
+terre chose plus douce que d'tre aim d'une femme</i>.</p>
+
+<p>Au jour de la Saint-Martin, anniversaire de
+la naissance du docteur Martin Luther, matre
+Ambrosius Brend vint lui demander sa nice...<a name="FNanchor_r21" id="FNanchor_r21" href="#Footnote_r21" class="fnanchor">[r21]</a>
+Un jour qu'il les surprit dans un entretien secret,
+il se mit rire, et dit: Je ne m'tonne pas
+qu'un fianc ait tant dire sa fiance; pourraient-ils
+se lasser jamais? Mais on ne doit point
+les gner; ils ont privilge par dessus Droit et
+Coutume.&mdash;En la lui accordant, il dit ces paroles:
+<span class="pagenum" id="Page_75">75</span>
+Monsieur et cher ami, je vous prsente
+cette jeune fille telle que Dieu me l'a donne
+dans sa bont. Je la remets entre vos mains;
+Dieu vous bnisse, de sorte que votre union soit
+sainte et heureuse!</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther tait la noce de
+la fille de Jean Luffte<a name="FNanchor_r22" id="FNanchor_r22" href="#Footnote_r22" class="fnanchor">[r22]</a>. Aprs le souper, il conduisit
+la marie au lit, et dit l'poux, que d'aprs
+le commun usage il devait tre le matre
+dans la maison... quand la femme n'y tait pas;
+et pour signe, il ta un soulier l'poux et le mit
+sur le ciel du lit, afin qu'il prt ainsi la domination
+et le gouvernement.</p>
+
+<p>Fais comme moi, cher compagnon, quand
+je voulus prendre ma Catherine, je priai notre
+Seigneur, mais je priai srieusement. Fais-en
+autant, tu n'as pas encore srieusement pri.</p>
+
+<p>En 1541, Luther fut un jour extrmement gai
+et enjou table<a name="FNanchor_r23" id="FNanchor_r23" href="#Footnote_r23" class="fnanchor">[r23]</a>. Ne vous scandalisez pas
+<ins id="cor_4" title="original: de de">de</ins> me voir de si bonne humeur, dit-il ses
+amis, j'ai reu aujourd'hui beaucoup de mauvaises
+nouvelles et je viens de lire une lettre trs
+violente contre moi. Nos affaires vont bien,
+puisque le diable tempte si fort.</p>
+
+<p>Il riait du bavardage de sa femme, et lui demandait
+si, avant de prcher si bien, elle avait dit
+un <i>Pater</i>. Si elle l'et fait, Dieu lui aurait sans
+doute dfendu de prcher.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_76">76</span>
+Si je devais encore faire l'amour, je voudrais
+me tailler dans la pierre une femme obissante;
+sans cela je dsespre d'en trouver.</p>
+
+<p>La premire anne du mariage, on a d'tranges
+penses<a name="FNanchor_r24" id="FNanchor_r24" href="#Footnote_r24" class="fnanchor">[r24]</a>. Si on est table, on se dit: Auparavant
+tu tais seul; aujourd'hui tu es deux
+(<i lang="de" xml:lang="de">Selbander</i>). Au lit, si l'on s'veille, on voit une
+autre tte ct de soi. Dans la premire anne,
+ma Catherine se tenait assise ct de moi
+quand j'tudiais, et comme elle ne savait que
+dire, elle me demandait: Seigneur docteur, en
+Prusse, le matre-d'htel n'est-il pas frre du
+margrave?</p>
+
+<p>Il ne faut pas mettre d'intervalle entre les
+fianailles et les noces... Les amis mettent des
+obstacles, comme il m'est arriv avec matre
+Philippe et pour le mariage d'Eisleben (Agricola).
+Tous mes meilleurs amis criaient: Point celle-l,
+mais une autre.</p>
+
+<p>Lucas Cranach l'an avait fait le portrait de
+la femme de Luther<a name="FNanchor_r25" id="FNanchor_r25" href="#Footnote_r25" class="fnanchor">[r25]</a>. Lorsque le tableau fut suspendu
+ la muraille et que le docteur le vit: Je
+veux, dit-il, faire peindre aussi un homme,
+envoyer Mantoue les deux portraits pour le
+concile, et demander aux saints pres s'ils n'aimeraient
+pas mieux l'tat du mariage, que le clibat
+des ecclsiastiques.</p>
+
+<p>... Un signe certain que Dieu est ennemi de la
+<span class="pagenum" id="Page_77">77</span>
+papaut, c'est qu'il lui a refus cette bndiction
+du fruit corporel (la gnration des enfans...).</p>
+
+<p>Quand ve fut amene devant Adam, il devint
+plein du Saint-Esprit et lui donna le plus
+beau, le plus glorieux des noms; il l'appela <i>Eva</i>,
+c'est--dire la mre de tous les vivans; il ne
+l'appela point sa femme, mais la mre, la mre
+de tous les vivans. C'est l la gloire et l'ornement
+le plus prcieux de la femme: elle est
+<i lang="la" xml:lang="la">Fons omnium viventium</i>, la source de toute vie
+humaine. Cette parole est brve, mais ni Dmosthnes
+ni Cicron n'aurait pu dire ainsi. C'est
+le Saint-Esprit lui-mme qui parle ici par notre
+premier pre, et comme il a fait un si noble
+loge du mariage, il est juste que nous couvrions
+et cachions ce qu'il y a de fragile dans la femme<a name="FNanchor_a42" id="FNanchor_a42" href="#Footnote_a42" class="fnanchor">[a42]</a>.
+Jsus-Christ, le fils de Dieu, n'a pas non plus
+mpris le mariage; il est lui-mme n d'une
+femme, ce qui est un grand loge du mariage.</p>
+
+<p>On trouve l'image du mariage dans toutes
+les cratures, non-seulement dans les animaux
+de la terre, de l'air et des eaux, mais encore
+dans les arbres et les pierres<a name="FNanchor_r26" id="FNanchor_r26" href="#Footnote_r26" class="fnanchor">[r26]</a>. Tout le monde sait
+qu'il est des arbres, tels que le pommier et le
+poirier, qui sont comme mari et femme, qui se
+demandent rciproquement, et qui prosprent
+mieux quand ils sont plants ensemble. Parmi
+les pierres on remarque la mme chose, surtout
+<span class="pagenum" id="Page_78">78</span>
+dans les pierres prcieuses, le corail, l'meraude
+et autres. Le ciel est aussi le mari de la terre. Il
+la vivifie par la chaleur du soleil, la pluie et le
+vent, et lui fait ainsi porter toutes sortes de
+plantes et de fruits.</p>
+
+<p>Les petits enfans du docteur se tenaient debout
+devant la table<a name="FNanchor_r27" id="FNanchor_r27" href="#Footnote_r27" class="fnanchor">[r27]</a>, en regardant avec bien de
+l'attention les pches qui taient servies; le docteur
+se mit dire: Qui veut voir l'image
+d'une me qui jouit dans l'esprance, la trouvera
+bien ici. Ah! si nous pouvions attendre avec autant
+de joie la vie venir!</p>
+
+<p>On amena au docteur sa petite fille Magdalena<a name="FNanchor_r28" id="FNanchor_r28" href="#Footnote_r28" class="fnanchor">[r28]</a>,
+pour qu'elle chantt son cousin le chant
+qui commence ainsi: <i>Le pape invoque l'Empereur
+et les rois, etc.</i> Mais elle ne le voulut point,
+quoique sa mre l'en prit fort. Le docteur dit
+ce sujet: Rien de bien par force. Sans la grce,
+il ne rsulte rien de bon des &oelig;uvres de la loi.</p>
+
+<p><i>Servez le Seigneur avec crainte et rjouissez-vous
+avec tremblement<a name="FNanchor_r29" id="FNanchor_r29" href="#Footnote_r29" class="fnanchor">[r29]</a>.</i> Il n'y a pas l, pour moi,
+de contradiction. C'est ce que mon petit Jean fait
+ l'gard de son pre. Mais je ne puis en faire
+autant l'gard de Dieu. Si je suis ma table,
+et que j'crive ou que je fasse autre chose, Jean
+me chante une petite chanson; s'il chante trop
+haut et que je l'avertisse, il continue, mais en
+lui-mme et avec quelque crainte. Dieu veut aussi
+<span class="pagenum" id="Page_79">79</span>
+que nous soyons toujours gais, mais d'une gat
+mle de crainte et de rserve.</p>
+
+<p>Au premier jour de l'an<a name="FNanchor_r30" id="FNanchor_r30" href="#Footnote_r30" class="fnanchor">[r30]</a>, un petit enfant du
+docteur pleurait et criait, au point que personne
+ne pouvait le calmer: le docteur avec sa femme
+en fut triste et chagrin une grande heure, ensuite
+il dit: Tels sont les dsagrmens et les
+charges du mariage... C'est pour cela qu'aucun
+des Pres n'a rien crit de remarquablement bon
+ ce sujet. Jrme a parl assez salement, je
+dirais presque anti-chrtiennement, du mariage,
+etc. Au contraire saint Augustin...</p>
+
+<p>Aprs qu'il eut jou avec sa petite Magdalena<a name="FNanchor_r31" id="FNanchor_r31" href="#Footnote_r31" class="fnanchor">[r31]</a>,
+sa femme lui donna le plus jeune de ses
+enfans, et il dit: Je voudrais tre mort l'ge
+de cet enfant; j'aurais bien renonc tout l'honneur
+que j'ai et que je puis obtenir encore en
+ce monde. Et comme l'enfant l'eut sali, il dit:
+Oh! combien notre Seigneur doit en souffrir de
+nous plus qu'une mre de son enfant!</p>
+
+<p>Il disait son petit enfant<a name="FNanchor_r32" id="FNanchor_r32" href="#Footnote_r32" class="fnanchor">[r32]</a>: Tu es l'innocent
+petit fou de notre Seigneur, sous la grce et non
+sous la loi. Tu es sans crainte, sans inquitude;
+tout ce que tu fais est bien fait.</p>
+
+<p>Les enfans sont les plus heureux<a name="FNanchor_r33" id="FNanchor_r33" href="#Footnote_r33" class="fnanchor">[r33]</a>. Nous autres
+vieux fous nous nous tourmentons et nous affligeons
+par nos ternelles disputes sur la parole.
+Est-ce vrai? Est-ce possible? Comment est-ce
+<span class="pagenum" id="Page_80">80</span>
+possible? nous demandons-nous sans cesse...
+Les enfans, dans la simplicit et la puret de
+leur foi, ont la certitude et ne doutent en rien
+de ce qui fait leur salut... Pour tre sauvs, nous
+devons, leur exemple, nous en remettre la
+simple parole. Mais le diable, pour nous empcher,
+nous jette sans cesse quelque chose en
+travers. C'est pourquoi le mieux c'est de mourir
+sans diffrer et de nous en aller vite sous terre.</p>
+
+<p>Une autre fois que son petit enfant Martin
+prenait le sein de sa mre, le docteur dit<a name="FNanchor_r34" id="FNanchor_r34" href="#Footnote_r34" class="fnanchor">[r34]</a>: Cet
+enfant, et tout ce qui m'appartient, est ha du
+pape et du duc George, ha de leurs partisans,
+ha des diables. Cependant tous ces ennemis
+n'inquitent gure le cher enfant, il ne s'inquite
+pas de ce que tant et de si puissans seigneurs
+lui en veulent, il suce gament la mamelle, regarde
+autour de lui en riant tout haut, et les
+laisse gronder tant qu'ils veulent.</p>
+
+<p>Comme matre Spalatin et matre Lenhart Beier,
+pasteur de Zwickaw, taient chez le docteur
+Martin Luther<a name="FNanchor_r35" id="FNanchor_r35" href="#Footnote_r35" class="fnanchor">[r35]</a>, il jouait bonnement avec son petit
+enfant Martin, qui babillait et caressait tendrement
+sa poupe. Le docteur dit: Telles taient
+nos penses dans le Paradis, simples et naves;
+innocentes, sans mchancet ni hypocrisie; nous
+eussions t vritablement comme cet enfant
+quand il parle de Dieu et qu'il en est si sr.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_81">81</span>
+Quels ont d tre les sentimens d'Abraham,
+lorsqu'il a consenti sacrifier et gorger son fils
+unique<a name="FNanchor_r36" id="FNanchor_r36" href="#Footnote_r36" class="fnanchor">[r36]</a>? Il n'en aura rien dit Sara. La chose
+lui et trop cot. Vraiment, je disputerais avec
+Dieu, s'il m'imposait et m'ordonnait une telle
+chose. Alors la femme du docteur prit la parole
+et dit: Je ne puis croire que Dieu demande
+personne qu'il gorge son enfant.</p>
+
+<p>Ah, combien mon c&oelig;ur soupirait aprs les
+miens, lorsque j'tais malade la mort dans mon
+sjour Smalkalde. Je croyais que je ne reverrais
+plus ma femme ni mes petits enfans<a name="FNanchor_a43" id="FNanchor_a43" href="#Footnote_a43" class="fnanchor">[a43]</a>; que
+cette sparation me faisait de mal!... Il n'est personne
+assez dgag de la chair pour ne pas sentir
+ce penchant de la nature. C'est une grande chose
+que le lien et la socit qui unissent l'homme et
+la femme!</p>
+
+<p>Il est touchant de voir comme tout ramenait
+Luther des rflexions pieuses sur la
+bont de Dieu, sur l'tat de l'homme avant sa
+chute, sur la vie venir<a name="FNanchor_r37" id="FNanchor_r37" href="#Footnote_r37" class="fnanchor">[r37]</a>. Ainsi une belle branche
+charge de cerises que le docteur Jonas met sur
+table, la joie de sa femme qui sert des poissons
+du petit tang de leur jardin, la simple vue d'une
+rose, etc. Le 9 avril 1539, le docteur se trouvait
+dans son jardin et regardait attentivement
+les arbres tout brillans de fleurs et de verdure<a name="FNanchor_r38" id="FNanchor_r38" href="#Footnote_r38" class="fnanchor">[r38]</a>.
+Il dit avec admiration: Gloire Dieu qui de
+<span class="pagenum" id="Page_82">82</span>
+la crature morte fait ainsi sortir la vie au printemps.
+Voyez ces rameaux, comme ils sont forts
+et gracieux; ils sont dj tout gros de fruits.
+Voil une belle image de la rsurrection des
+hommes. L'hiver est la mort et l't la rsurrection.
+Alors tout revit, tout est verdoyant.</p>
+
+<p>Philippe et moi, nous sommes accabls
+d'affaires et d'embarras. Moi qui suis vieux et
+<i>emeritus</i>, j'aimerais mieux maintenant prendre
+un plaisir de vieillard dans les jardins, contempler
+les merveilles de Dieu dans les arbres, les
+fleurs, les herbes, les oiseaux, etc.; c'est ce
+plaisir et ce loisir qui me reviendraient, si mes
+pchs ne m'avaient mrit d'en tre priv par
+ces affaires importunes et souvent inutiles.
+(8 avril 1538.)</p>
+
+<p>Le 18 avril 1539, sur le soir, il y eut un orage
+trs fort, suivi d'une pluie bienfaisante qui rendit
+la verdure la terre et aux arbres<a name="FNanchor_r39" id="FNanchor_r39" href="#Footnote_r39" class="fnanchor">[r39]</a>. Le docteur
+Martin dit en regardant le ciel: Voil un beau
+temps! Tu nous l'accordes, mon Dieu! nous
+qui sommes si ingrats, si pleins de mchancet
+et d'avarice. Tu es un Dieu de bont. Ce n'est
+pas l une &oelig;uvre de Satan; non, c'est un tonnerre
+bienfaisant qui branle la terre et l'ouvre
+pour lui faire porter des fruits et rpandre un
+parfum semblable celui que rpand la prire
+du chrtien pieux.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_83">83</span>
+Un autre jour, sur la route de Leipzig, le docteur
+voyant la plaine couverte de bls superbes,
+se mit prier avec ferveur; il disait: O Dieu
+de bont, tu nous donnes une anne heureuse!
+Ce n'est pas cause de notre pit; c'est pour
+glorifier ton saint nom. Fais, mon Dieu, que
+nous nous amendions et que nous croissions dans
+ta parole! Tout en toi est miracle. Ta voix fait
+sortir de la terre, et mme du sable aride, ces
+plantes et ces pis si beaux qui rjouissent la
+vue. O mon pre, donne tous tes enfans leur
+pain quotidien!</p>
+
+<p>Supportons les difficults qui accompagnent
+nos fonctions, avec galit d'me, et attendons
+secours du Christ<a name="FNanchor_r40" id="FNanchor_r40" href="#Footnote_r40" class="fnanchor">[r40]</a>. Considre, dans ces violettes
+et ces penses que tu foules en te promenant sur
+la lisire de nos jardins, un emblme de notre
+condition. Nous consolons le peuple (?) lorsque
+nous remplissons l'glise; il y a l la robe de
+pourpre, la couleur des afflictions, mais au fond
+la fleur d'or rappelle la foi qui ne se fltrit pas.</p>
+
+<p>Un soir le docteur Martin Luther voyait un
+petit oiseau perch sur un arbre et s'y posant
+pour passer la nuit<a name="FNanchor_r41" id="FNanchor_r41" href="#Footnote_r41" class="fnanchor">[r41]</a>; il dit: Ce petit oiseau a
+choisi son abri et va dormir bien paisiblement;
+il ne s'inquite pas, il ne songe point au gte
+du lendemain; il se tient bien tranquille sur sa
+petite branche, et laisse Dieu songer pour lui.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_84">84</span>
+Vers le soir, vinrent deux oiseaux qui faisaient
+un nid dans le jardin du docteur<a name="FNanchor_r42" id="FNanchor_r42" href="#Footnote_r42" class="fnanchor">[r42]</a>. Ils taient souvent
+effrays dans leur vol par ceux qui passaient.
+Il se mit dire: Ah! cher petit oiseau, ne fuis
+point, je te souhaite du bien de tout mon c&oelig;ur;
+si tu pouvais seulement me croire! C'est ainsi
+que nous refusons de nous confier en Dieu, qui
+bien loin de vouloir notre perte, a donn pour
+nous son propre fils.<a name="FNanchor_a44" id="FNanchor_a44" href="#Footnote_a44" class="fnanchor">[a44]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_85">CHAPITRE II.</h3>
+
+<p class="somm">La Bible.&mdash;Les Pres.&mdash;Les Scolastiques.&mdash;Le Pape.&mdash;Les Conciles.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Le docteur Martin Luther avait crit avec de
+la craie, sur le mur qui se trouvait derrire son
+pole, les paroles suivantes (Luc, XVI): Qui est
+fidle dans la plus petite chose, sera fidle dans
+la plus grande. Qui est infidle dans le petit sera
+infidle dans le grand.</p>
+
+</div>
+
+<p>Le petit enfant Jsus (il le montrait peint
+sur la muraille), dort encore dans les bras de
+Marie, sa mre<a name="FNanchor_r43" id="FNanchor_r43" href="#Footnote_r43" class="fnanchor">[r43]</a>. Il se rveillera un jour et nous
+demandera compte de ce que nous avons fait.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_86">86</span>
+Luther se faisant un jour couper les cheveux
+et faire la barbe en prsence du docteur
+Jonas, dit celui-ci: Le pch originel est en
+nous comme la barbe. On la coupe aujourd'hui,
+nous avons le visage frais, et demain elle repousse
+et ne cesse de pousser jusqu' ce que
+nous soyons sous terre. De mme le pch originel
+ne peut tre extirp en nous; il remue tant que
+nous vivons. Nanmoins nous devons lui rsister
+de toutes nos forces et le couper sans relche.</p>
+
+<p>La nature humaine est si corrompue qu'elle
+n'prouve pas mme le dsir des choses clestes.
+Elle est comme l'enfant nouveau-n qui l'on
+aurait beau promettre tous les trsors et tous les
+plaisirs de la terre: il n'en a nul souci et ne
+connat que le sein de sa mre. De mme, quand
+l'vangile nous parle de la vie ternelle que Jsus-Christ
+nous a promise, nous sommes sourds
+ ses paroles divines, nous nous engourdissons
+dans la chair, et nous n'avons que des penses
+frivoles et prissables. La nature humaine n'a
+pas l'intelligence, pas mme le sentiment, de ce
+mal mortel qui l'accable.</p>
+
+<p>Dans les choses divines, le Pre est la
+<i>grammaire</i>, car il donne les mots, il est la source
+d'o coulent les bonnes, pures et belles paroles
+que l'on peut prononcer<a name="FNanchor_r44" id="FNanchor_r44" href="#Footnote_r44" class="fnanchor">[r44]</a>. Le Fils est la <i>dialectique</i>:
+il donne la disposition, la manire de placer
+<span class="pagenum" id="Page_87">87</span>
+les choses dans un bel ordre, de sorte qu'elles
+suivent et rsultent les unes des autres. Le Saint-Esprit
+est la <i>rhtorique</i>: Il sait bien exposer,
+pousser les choses et les tendre, donner la vie
+et la force, de manire faire impression et saisir
+les c&oelig;urs.</p>
+
+<p>La Trinit se retrouve dans toute la cration.
+Dans le soleil, il y a la substance, l'clat
+et la chaleur; dans les fleuves, la substance, le
+cours et la puissance. De mme dans les arts.
+Dans l'astronomie, le mouvement, la lumire et
+l'influence; dans la musique, les trois notes
+<i>re</i>, <i>mi</i>, <i>fa</i>, etc. Les scolastiques ont nglig ces
+signes importans, pour s'attacher des niaiseries.</p>
+
+<p>Le dcalogue est la <i lang="la" xml:lang="la">doctrina doctrinarum</i><a name="FNanchor_a45" id="FNanchor_a45" href="#Footnote_a45" class="fnanchor">[a45]</a>, le
+symbole l'<i lang="la">historia historiarum</i>, le pater <i lang="la" xml:lang="la">historia historiarum</i>, le pater <i lang="la" xml:lang="la">oratio
+orationum</i>, les sacremens <i lang="la" xml:lang="la">ceremoni ceremoniarum</i><a name="FNanchor_r45" id="FNanchor_r45" href="#Footnote_r45" class="fnanchor">[r45]</a>.</p>
+
+<p>On demandait au docteur Martin Luther si
+pendant la domination du pape, les gens qui
+n'ont pas connu cette doctrine de l'vangile que
+nous avons aujourd'hui, grce Dieu, avaient
+pu tre sauvs<a name="FNanchor_r46" id="FNanchor_r46" href="#Footnote_r46" class="fnanchor">[r46]</a>. Il rpondit: Je n'en sais rien;
+ moins que je ne pense que le baptme a pu produire
+cet effet. J'ai vu beaucoup de moines auxquels
+on a prsent la croix de Christ leur lit
+de mort, comme c'tait alors l'usage. Ils peuvent
+avoir t sauvs par leur foi en ses mrites
+et ses souffrances.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_88">88</span>
+Cicron est bien suprieur Aristote dans
+sa morale<a name="FNanchor_r47" id="FNanchor_r47" href="#Footnote_r47" class="fnanchor">[r47]</a>. Cicron tait un homme sage et laborieux
+qui a beaucoup fait et beaucoup souffert.
+J'espre que notre Seigneur sera clment
+pour lui et pour ceux qui lui ressemblent, quoiqu'il
+ne nous appartienne pas d'en parler avec
+certitude. Que Dieu ne puisse faire des exceptions
+et tablir une distinction entre les paens,
+c'est ce qu'on ne pourrait dire. Il y aura un nouveau
+ciel et une nouvelle terre bien plus larges et
+plus vastes que ceux d'aujourd'hui<a name="FNanchor_a46" id="FNanchor_a46" href="#Footnote_a46" class="fnanchor">[a46]</a>.</p>
+
+<p>On demandait Luther si l'offens devait aller
+jusqu' demander pardon l'offenseur<a name="FNanchor_r48" id="FNanchor_r48" href="#Footnote_r48" class="fnanchor">[r48]</a>. Il rpondit:
+Non, Jsus-Christ ne l'a pas fait lui-mme,
+il ne l'a pas command. Il suffit qu'on pardonne
+les offenses dans son c&oelig;ur, qu'on les pardonne,
+publiquement, s'il y a lieu, et qu'on prie pour
+celui qui les a commises. J'tais moi-mme all
+une fois demander pardon deux personnes qui
+m'avaient offens, M. E. et D. H. S. (matre Eisleben
+[Agricola] et le docteur Jrme Schurf?);
+mais par hasard ni l'un ni l'autre ne fut chez lui,
+et depuis je n'y suis pas retourn. Je remercie
+Dieu maintenant qu'il ne m'ait point permis de
+faire comme je voulais.</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther soupirait un jour
+en pensant aux perturbateurs et aux sectaires
+qui mprisaient la parole de Dieu<a name="FNanchor_r49" id="FNanchor_r49" href="#Footnote_r49" class="fnanchor">[r49]</a>. Ah! disait-il,
+<span class="pagenum" id="Page_89">89</span>
+si j'tais un grand pote, je voudrais crire un
+chant, un pome magnifique sur l'utilit et l'efficacit
+de la parole divine. Sans elle..... Pendant
+plusieurs annes je lisais la Bible deux fois par
+an; c'est un grand et puissant arbre dont chaque
+parole est un rameau, je les ai secous tous,
+tant j'tais curieux de savoir ce que chaque branche
+portait, ce qu'elle pouvait donner, et j'en
+faisais tomber chaque fois une couple de poires
+ou de pommes.</p>
+
+<p>Autrefois sous la papaut, on faisait des plerinages<a name="FNanchor_a47" id="FNanchor_a47" href="#Footnote_a47" class="fnanchor">[a47]</a>
+pour visiter les saints<a name="FNanchor_r50" id="FNanchor_r50" href="#Footnote_r50" class="fnanchor">[r50]</a><a name="FNanchor_a48" id="FNanchor_a48" href="#Footnote_a48" class="fnanchor">[a48]</a>. On allait Rome,
+ Jrusalem, Saint-Jacques de Compostelle,
+pour l'expiation de ses pchs. Aujourd'hui nous
+pouvons faire des plerinages chrtiens dans la
+foi. Quand nous lisons avec soin les prophtes<a name="FNanchor_a49" id="FNanchor_a49" href="#Footnote_a49" class="fnanchor">[a49]</a>,
+les psaumes et les vangiles, nous allons, non
+pas par la ville sainte, mais par nos penses et
+nos c&oelig;urs, jusqu' Dieu. C'est l visiter la
+vritable terre promise et le paradis de la vie
+ternelle.</p>
+
+<p>Que sont les saints en comparaison du
+Christ<a name="FNanchor_r51" id="FNanchor_r51" href="#Footnote_r51" class="fnanchor">[r51]</a>? rien de plus que les petites gouttes de
+la rose des nuits sur la tte de l'poux et dans
+les boucles de sa chevelure.</p>
+
+<p>Luther n'aimait pas qu'on insistt sur les miracles.
+Il regardait ce genre de preuves comme
+secondaire. Les preuves convaincantes sont
+<span class="pagenum" id="Page_90">90</span>
+dans la parole de Dieu. Nos adversaires lisent la
+Bible traduite beaucoup plus que les ntres. Je
+crois que le duc George l'a lue avec plus de soin
+que tous ceux de la noblesse qui tiennent pour
+nous. Il dit quelqu'un: Pourvu que le moine
+achve de traduire la Bible, il peut partir ensuite
+quand il voudra.</p>
+
+<p>Le docteur Luther disait que Mlanchton l'avait
+forc de traduire le Nouveau Testament.</p>
+
+<p>Que nos adversaires s'emportent et fassent
+rage<a name="FNanchor_r52" id="FNanchor_r52" href="#Footnote_r52" class="fnanchor">[r52]</a>. Dieu n'a pas oppos un mur de pierre aux
+vagues de la mer, ni une montagne d'acier. Il a
+suffi d'un rivage, d'une digue de sable.</p>
+
+<p>J'ai beaucoup lu la Bible dans ma jeunesse
+pendant que j'tais moine. Mais cela ne servait
+ rien, je faisais simplement du Christ un Mose.
+Maintenant nous l'avons retrouv, ce cher Christ.
+Rendons grce et tenons-nous-y ferme, et souffrons
+pour lui ce que nous devons souffrir.</p>
+
+<p>Pourquoi enseigne-t-on et observe-t-on les
+dix commandemens<a name="FNanchor_r53" id="FNanchor_r53" href="#Footnote_r53" class="fnanchor">[r53]</a>? C'est que les lois naturelles
+ne se trouvent nulle part si bien ranges et dcrites
+que dans Mose. Je voudrais mme qu'on lui
+ft d'autres emprunts dans les choses temporelles,
+telles que les lois sur la <i>lettre de divorce</i>, le jubil,
+l'anne d'affranchissement, les dmes, etc.
+Le monde en serait mieux gouvern... C'est
+ainsi que les Romains ont pris leurs Douze Tables
+<span class="pagenum" id="Page_91">91</span>
+chez les Grecs... Quant au sabbat ou dimanche,
+ce n'est pas une ncessit de l'observer, et
+si nous l'observons, nous devons le faire, non
+pas cause du commandement de Mose, mais
+parce que la nature aussi nous enseigne nous
+donner de temps en temps un jour de repos, afin
+qu'hommes et animaux reprennent des forces,
+et que l'on aille entendre le sermon et la parole
+de Dieu.</p>
+
+<p>Puisque, dans ce sicle, on commence restituer
+toutes choses, comme si dj c'tait le
+jour de la restauration universelle, il m'est venu
+dans l'esprit d'essayer si on ne pourrait pas aussi
+restituer Mose et rappeler les rivires leur
+source. J'ai eu soin d'abord de traiter toutes
+choses le plus simplement du monde, et de ne
+pas me laisser entraner aux explications mystiques,
+comme on les appelle... Je ne vois pas
+d'autre raison pour que Dieu ait voulu former le
+peuple juif par ces crmonies, sinon qu'il a vu
+le penchant du peuple se laisser prendre ces
+choses extrieures. Afin que ce ne fussent pas des
+fantmes vides et de purs simulacres, il a ajout sa
+parole pour y mettre du poids et de la substance,
+de sorte qu'elles devinssent choses srieuses et
+graves.</p>
+
+<p>J'ai ajout chaque chapitre de courtes
+allgories, non que j'en tienne beaucoup de
+<span class="pagenum" id="Page_92">92</span>
+compte, mais afin de prvenir la manie de plusieurs
+ traiter l'allgorie. Ainsi, dans Jrme,
+Origne et autres anciens crivains, nous voyons
+une malheureuse et strile habitude d'imaginer
+des allgories qui ramnent tout la morale et
+aux &oelig;uvres, tandis qu'il faudrait tout ramener
+ la parole et la foi. (avril 1525.)</p>
+
+<p>Le <i>Pater noster</i> est ma prire<a name="FNanchor_r54" id="FNanchor_r54" href="#Footnote_r54" class="fnanchor">[r54]</a>; c'est celle que
+je dis, et j'y mle en mme temps quelque chose
+des Psaumes pour que les faux docteurs soient
+confondus et couverts de honte<a name="FNanchor_a50" id="FNanchor_a50" href="#Footnote_a50" class="fnanchor">[a50]</a>. Le <i>Pater</i> n'a
+aucune prire qui lui soit comparable; je l'aime
+mieux qu'aucun psaume<a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>.</p>
+
+<p>J'avoue franchement que j'ignore si je possde
+ou non le sens lgitime des psaumes, bien
+que je ne doute pas de la vrit de celui que je
+donne.&mdash;L'un se trompe en quelques endroits,
+l'autre en plusieurs; je vois des choses que n'a
+pas vues saint Augustin; et d'autres, je le sais,
+verront bien des choses que je ne vois pas.</p>
+
+<p>Qui oserait prtendre que personne ait compltement
+entendu un seul psaume? Notre vie
+est un commencement et un progrs, et non
+une consommation; celui-l est le meilleur, qui
+approche le plus de l'esprit. Il y a des degrs
+dans la vie et l'action, pourquoi n'y en aurait-il
+<span class="pagenum" id="Page_93">93</span>
+pas dans l'intelligence? L'Aptre dit que nous
+nous transformons de lumire en lumire.</p>
+
+<p>Du <i>Nouveau Testament</i>. L'vangile de saint
+Jean est le vrai et pur vangile, l'vangile principal,
+parce qu'il renferme le plus de paroles de
+Jsus-Christ<a name="FNanchor_r55" id="FNanchor_r55" href="#Footnote_r55" class="fnanchor">[r55]</a>. De mme, les ptres de saint Paul
+et de saint Pierre sont bien au-dessus des vangiles
+de saint Mathieu, de saint Marc et de saint
+Luc. En somme, l'vangile de saint Jean et sa
+premire ptre, les ptres de saint Paul, notamment
+celles aux Romains, aux Galates, aux
+phsiens, et la premire de saint Pierre, voil
+les livres qui te montrent Jsus-Christ, et qui
+t'enseignent tout ce qu'il t'est ncessaire et utile
+de savoir, quand mme tu ne verrais jamais
+d'autre livre.</p>
+
+<p>Il ne regardait comme apostoliques ni l'ptre
+aux Hbreux, ni celle de saint Jacques. Il
+s'exprime de la manire suivante sur celle de
+saint Jude: Personne ne peut nier que cette
+ptre ne soit un extrait ou une copie de la seconde
+ptre de saint Pierre; les mots sont presque
+les mmes. Jude y parle des aptres comme
+leur disciple, et comme aprs leur mort. Il cite
+des versets et des vnemens qu'on ne trouve
+nulle part dans l'criture.</p>
+
+<p>L'opinion de Luther sur l'Apocalypse est remarquable:
+Que chacun, dit-il, juge de ce
+<span class="pagenum" id="Page_94">94</span>
+livre d'aprs ses lumires et son sens particulier.
+Je ne prtends imposer personne mon opinion:
+je dis tout simplement ce que j'en pense. Je ne
+le regarde ni comme apostolique, ni comme
+prophtique... Et ailleurs: Beaucoup de
+Pres ont rejet ce livre, et chacun peut en penser
+ce que son esprit lui inspirera. Pour moi,
+je ne puis me faire cet ouvrage. Une seule raison
+suffirait pour m'en dtourner: c'est que Jsus-Christ
+n'y est ador ni enseign tel que nous
+le connaissons.</p>
+
+<p>Des <i>Pres</i><a name="FNanchor_a51" id="FNanchor_a51" href="#Footnote_a51" class="fnanchor">[a51]</a>. On peut lire Jrme pour l'tude
+de l'histoire: quant la foi et la bonne vraie
+religion et doctrine, il n'y en a pas un mot dans
+ses crits. J'ai dj proscrit Origne. Chrysostme
+n'a point d'autorit chez moi. Basile n'est qu'un
+moine; je n'en donnerais pas un cheveu. L'apologie
+de Philippe Mlanchton est au-dessus des
+crits de tous les docteurs de l'glise, sans excepter
+Augustin. Hilaire et Thophylacte sont
+bons. Ambroise aussi; il marche bien sur l'article
+le plus essentiel, le pardon des pchs<a name="FNanchor_r56" id="FNanchor_r56" href="#Footnote_r56" class="fnanchor">[r56]</a>.</p>
+
+<p>Bernard est au-dessus de tous les docteurs
+dans ses prdications; mais, quand il dispute,
+il devient un tout autre homme; alors il accorde
+trop la loi et au libre arbitre.</p>
+
+<p>Bonaventure est le meilleur des thologiens
+scolastiques.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_95">95</span>
+Parmi les Pres, Augustin a sans contredit
+la premire place, Ambroise la seconde, Bernard
+la troisime. Tertullien est un vrai Carlostad.
+Cyrille a les meilleures sentences. Cyprien le
+martyr est un faible thologien. Thophylacte
+est le meilleur interprte de saint Paul.</p>
+
+<p>(Pour prouver que l'antiquit n'ajoute pas
+l'autorit): Nous voyons combien saint Paul
+se plaint avec douleur des Corinthiens et des Galates.
+Parmi les aptres mmes, le Christ trouva
+un tratre dans Judas.</p>
+
+<p>Les livres que les Pres ont crits sur la Bible
+n'ont jamais rien de concluant; ils laissent le
+lecteur suspendu entre le ciel et la terre. Lisez
+Chrysostme, le meilleur rhteur et parleur de
+tous.</p>
+
+<p>Il remarque que les Pres ne disaient rien de
+la justification par la grce pendant leur vie,
+mais y croyaient leur mort. Cela tait plus
+prudent pour ne point encourager le mysticisme,
+ni dcourager les bonnes &oelig;uvres.</p>
+
+<p>Les chers Pres ont mieux vcu qu'crit.</p>
+
+<p>Il fait l'loge de l'histoire de saint piphane et
+des posies de Prudence.</p>
+
+<p>Augustin et Hilaire, entre tous, ont crit
+avec le plus de clart et de vrit; les autres doivent
+tre lus <i lang="la" xml:lang="la">cum judicio</i>.</p>
+
+<p>Ambroise a t ml aux affaires du monde,
+<span class="pagenum" id="Page_96">96</span>
+comme nous le sommes aujourd'hui. Nous sommes
+obligs de nous occuper au consistoire d'affaires
+de mariage plus que de la parole de Dieu...</p>
+
+<p>On a nomm Bonaventure le sraphique,
+Thomas l'anglique, Scot le subtil; Martin Luther
+sera nomm l'archi-hrtique.</p>
+
+<p>Saint Augustin tait peint dans un livre avec
+un capuchon de moine. Luther dit, en voyant
+cette image<a name="FNanchor_r57" id="FNanchor_r57" href="#Footnote_r57" class="fnanchor">[r57]</a>: Ils font tort au saint homme, car
+il a men une vie commune, comme tout autre
+homme du pays; il se servait de cuillers et de
+tasses d'argent; il n'a pas men une vie part
+comme les moines.</p>
+
+<p>Macaire, Antoine, Benot, ont fait un grand
+et remarquable tort l'glise avec leur moinerie;
+et je crois que dans le ciel ils seront placs bien
+plus bas qu'un citoyen, pre de famille, pieux et
+craignant Dieu.</p>
+
+<p>Saint Augustin me plat plus que tous les autres.
+Il a enseign une pure doctrine, et soumis
+ses livres, avec l'humilit chrtienne, la sainte
+criture... Augustin est favorable au mariage; il
+parle bien des vques qui taient les pasteurs
+d'alors, mais le temps et les disputes des Plagiens
+l'ont aigri et lui ont fait mal... S'il et vu le scandale
+de la papaut, il ne l'et certes pas souffert.</p>
+
+<p>Saint Augustin est le premier pre de l'glise
+qui ait trait du pch originel.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_97">97</span>
+Aprs avoir parl de saint Augustin, Luther
+ajoute: Mais depuis que j'ai compris Paul par la
+grce de Dieu, je n'ai pu estimer aucun docteur;
+ils sont devenus tout--fait petits mes yeux.</p>
+
+<p>Je ne connais aucun des Pres dont je sois si
+ennemi que de saint Jrme. Il n'crit que sur le
+jene, les alimens, la virginit, etc. Il n'enseigne
+rien sur la foi, etc. Le docteur Staupitz avait
+coutume de dire: Je voudrais bien savoir comment
+Jrme a pu tre sauv?</p>
+
+<p class="sep2">Les nominaux sont dans les hautes coles une
+secte laquelle j'ai aussi appartenu<a name="FNanchor_r58" id="FNanchor_r58" href="#Footnote_r58" class="fnanchor">[r58]</a>. Ils tiennent
+contre les thomistes, scotistes et albertistes. Ils
+s'appellent eux-mmes occamistes. C'est la secte
+la plus nouvelle de toutes, et aujourd'hui la plus
+puissante, nommment Paris.</p>
+
+<p>Luther fait cas du <i>Matre des sentences</i> de
+Pierre Lombard; mais il trouve qu'en gnral les
+scolastiques donnaient trop peu la grce, trop
+au libre arbitre<a name="FNanchor_a52" id="FNanchor_a52" href="#Footnote_a52" class="fnanchor">[a52]</a>.</p>
+
+<p>Gerson seul, entre tous les docteurs, a fait
+mention des tentations spirituelles. Tous les
+autres, Grgoire de Nazianze, Augustin, Scot,
+Thomas, Richard, Occam, n'ont senti que les
+tentations corporelles. Le seul Gerson a crit sur
+le dcouragement. L'glise, mesure qu'elle
+est plus ancienne, doit prouver de telles tentations
+<span class="pagenum" id="Page_98">98</span>
+spirituelles. Nous sommes dans cet ge de
+l'glise.</p>
+
+<p>Guillaume de Paris a aussi prouv quelque
+chose de ces tentations spirituelles. Mais les scolastiques
+ne sont jamais parvenus la connaissance
+du catchisme. Le seul Gerson sert rassurer
+et relever les consciences... Il a sauv
+beaucoup de pauvres mes du dsespoir, en
+amoindrissant et extnuant la loi, de manire
+toutefois que la loi subsistt.&mdash;Mais Christ ne
+perce point le tonneau, il le dfonce. Il dit: Tu
+ne dois point te confier dans la loi ni te reposer
+sur elle, mais sur moi, sur le Christ. Si tu n'es
+pas bon, je le suis.</p>
+
+<p>Le docteur Staupitz nous parlait un jour d'Andr
+Zacharias qui, ce qu'on prtend, a vaincu
+Jean Huss dans la dispute<a name="FNanchor_r59" id="FNanchor_r59" href="#Footnote_r59" class="fnanchor">[r59]</a>. Il nous racontait que le
+docteur Proles, de Gotha, voyant dans un couvent
+Zacharias peint avec une rose son bonnet, dit ce
+sujet: Dieu me garde de porter une telle rose, car
+il a vaincu Jean Huss injustement, et au moyen
+d'une bible falsifie. Il y a dans le XXXIV<sup>e</sup> chapitre
+d'zchiel: <i>C'est moi qui vais visiter et punir mes
+pasteurs</i>; mais on y avait ajout ces mots: <i>et non
+point le peuple</i>; ceux du concile lui montrrent ce
+texte dans sa propre bible falsifie comme les autres,
+et conclurent ainsi: Tu vois que tu ne dois
+point punir le pape, que Dieu s'en charge lui-mme.
+<span class="pagenum" id="Page_99">99</span>
+Ainsi le saint homme a t condamn et
+brl.</p>
+
+<p>Matre Jean Agricola lisait un crit de Jean
+Huss, plein d'esprit, de rsignation et de ferveur,
+o l'on voyait comme dans sa prison il
+souffrait le martyre des douleurs de la pierre, et
+se voyait rebut par l'empereur Sigismond. Le
+docteur Luther admirait tant d'esprit et de courage...
+C'est bien injustement, disait-il, que nous
+sommes appels hrtiques, Jean Huss et moi...</p>
+
+<p>Jean Huss est mort, non comme un anabaptiste,
+mais comme un chrtien<a name="FNanchor_r60" id="FNanchor_r60" href="#Footnote_r60" class="fnanchor">[r60]</a>. On voit en lui la
+faiblesse chrtienne; mais en mme temps s'veille
+dans son me la force de Dieu qui le relve. Le
+combat de la chair et de l'esprit, dans le Christ
+et dans Huss, est doux et aimable voir... Constance
+est aujourd'hui une pauvre misrable ville.
+Je crois que Dieu l'a punie... Jean Huss a t
+brl; et moi aussi, je pense que je serai tu,
+s'il plat Dieu. Il a arrach quelques pines de
+la vigne du Christ, en attaquant seulement les
+scandales de la papaut. Mais moi, docteur
+Martin Luther, je suis venu dans un champ dj
+noir et bien labour, j'ai attaqu la doctrine
+du pape, et l'ai terrass.</p>
+
+<p>Jean Huss tait la semence qui doit mourir
+et tre enfonce dans la terre, pour sortir ensuite,
+et crotre avec force<a name="FNanchor_r61" id="FNanchor_r61" href="#Footnote_r61" class="fnanchor">[r61]</a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_100">100</span>
+Luther improvisa un jour table le vers suivant:</p>
+
+<div class="poem">
+<div class="verse">Pestis eram vivens, moriens ero mors tua, Papa.</div>
+</div>
+
+<p>La tte de l'Anti-Christ, c'est la fois le pape
+et le Turc<a name="FNanchor_r62" id="FNanchor_r62" href="#Footnote_r62" class="fnanchor">[r62]</a>. Le pape en est l'esprit, le Turc la chair.</p>
+
+<p>C'est ma pauvre et infirme condition (pour
+ne point parler de la justice de ma cause) qui a
+fait le malheur du pape<a name="FNanchor_r63" id="FNanchor_r63" href="#Footnote_r63" class="fnanchor">[r63]</a>. Si j'ai dfendu ma
+doctrine contre tant de rois et d'empereurs, se
+disait-il, comment craindrais-je un simple
+moine? S'il m'avait estim un ennemi dangereux,
+il aurait pu m'touffer ds l'origine.</p>
+
+<p>J'avoue que j'ai souvent t trop violent,
+mais jamais l'gard de la papaut. Il devrait y
+avoir contre celle-ci une langue part dont tous
+les mots fussent des coups de foudre.</p>
+
+<p>Les papistes sont confondus et vaincus par
+les tmoignages de l'criture<a name="FNanchor_r64" id="FNanchor_r64" href="#Footnote_r64" class="fnanchor">[r64]</a>. Dieu merci, je
+connais leur erreur sous toutes ses faces, de l'<i>alpha</i>
+ l'<i>omga</i>. Cependant aujourd'hui mme
+qu'ils avouent que l'criture est contre eux,
+la splendeur et la majest du pape m'blouissent
+quelquefois et c'est avec tremblement que je
+l'attaque...</p>
+
+<p>Le pape se dit: Cderais-je un moine
+<span class="pagenum" id="Page_101">101</span>
+qui veut me dpouiller de ma couronne et de
+ma majest? Bien fou qui cderait<a name="FNanchor_r65" id="FNanchor_r65" href="#Footnote_r65" class="fnanchor">[r65]</a>. Je donnerais
+mes deux mains pour croire en Jsus-Christ
+aussi fermement, aussi srement, que le pape
+croit que Jsus-Christ n'est rien.</p>
+
+<p>D'autres ont attaqu les m&oelig;urs des papes,
+comme rasme et Jean Huss<a name="FNanchor_r66" id="FNanchor_r66" href="#Footnote_r66" class="fnanchor">[r66]</a>. Mais moi, j'ai renvers
+les deux piliers sur lesquels reposait la
+papaut: les v&oelig;ux et les messes particulires.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des Conciles.</i>&mdash;Les conciles ne doivent
+point ordonner de la foi, mais de la discipline<a name="FNanchor_r67" id="FNanchor_r67" href="#Footnote_r67" class="fnanchor">[r67]</a>.</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther levait un jour les yeux
+vers le ciel; il soupira, et dit: Ah! un concile
+gnral, libre, et vraiment chrtien! Dieu saura
+bien le faire; la chose est sienne; il connat et il
+a dans sa main tous les conseils les plus secrets.</p>
+
+<p>Lorsque Pierre-Paul Vergerius, lgat du
+pape, vint Wittemberg, l'an 1533, et que je
+montai au chteau o il tait, il nous cita, et
+nous somma d'aller au concile. J'irai, lui
+dis-je, et j'ajoutai: Vous autres papistes, vous
+travaillez inutilement. Si vous tenez un concile,
+vous n'y traitez point des sacremens, de
+la justification par la foi, des bonnes &oelig;uvres,
+mais seulement de babioles et d'enfantillage,
+comme de fixer la longueur des habits, ou la
+largeur des ceintures des prtres, ou la dimension
+<span class="pagenum" id="Page_102">102</span>
+de la tonsure, etc. Il se dtourna de moi,
+appuya sa tte sur sa main, et dit son compagnon:
+Celui-ci touche vraiment le fond des
+choses, etc.</p>
+
+<p>On demandait quand le pape convoquerait
+le concile. Il me semble, dit le docteur Martin
+Luther, qu'il n'en sera rien avant le jugement
+dernier. C'est alors que notre Seigneur Dieu
+tiendra lui-mme un concile.</p>
+
+<p>Luther conseillait de ne point refuser d'aller
+au concile, mais d'exiger qu'il ft libre; si on
+le refuse, il n'y a pas de meilleure excuse
+pour nous.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des biens ecclsiastiques<a name="FNanchor_a53" id="FNanchor_a53" href="#Footnote_a53" class="fnanchor">[a53]</a>.</i> Luther voudrait qu'ils
+fussent appliqus l'entretien des coles et des
+pauvres thologiens<a name="FNanchor_r68" id="FNanchor_r68" href="#Footnote_r68" class="fnanchor">[r68]</a>. Il dplore la spoliation des
+glises. Il prdit que les princes vont bientt se
+disputer les dpouilles des glises. Le pape prodigue
+maintenant les biens ecclsiastiques aux
+princes catholiques pour se faire des amis et des
+allis.</p>
+
+<p>Ce ne sont point tant nos princes de la confession
+d'Augsbourg qui pillent les biens ecclsiastiques,
+c'est plutt Ferdinand, l'Empereur,
+et l'archevque de Mayence. Ferdinand a ranonn
+tous les monastres. Les Bavarois sont
+les plus grands voleurs des biens ecclsiastiques;
+<span class="pagenum" id="Page_103">103</span>
+ils ont de riches abbayes. Mon gracieux seigneur
+et le Landgrave n'ont que de pauvres monastres
+d'ordres mendians. On voulait la dite, mettre
+les monastres la disposition de l'Empereur,
+qui y aurait tabli ses gouvernemens militaires.
+Je donnai le conseil suivant: <i>Il faut auparavant
+runir tous les monastres en un mme lieu. Qui
+voudrait souffrir dans sa terre les gens de l'Empereur?</i>
+Tout cela a t pouss par l'archevque
+de Mayence.</p>
+
+<p>Dans la rponse la lettre o le roi de Danemarck
+lui demandait ses conseils, Luther dsapprouve
+l'article de la runion des biens ecclsiastiques
+ la couronne. Voyez, dit-il, au contraire
+notre prince Jean Frdric, comme il applique
+les biens de l'glise l'entretien des pasteurs et
+des professeurs.</p>
+
+<p>Le proverbe a raison: <i>Biens de prtres ne profitent
+pas</i> (<span lang="de" xml:lang="de">pfaffengut raffengut</span>)<a name="FNanchor_r69" id="FNanchor_r69" href="#Footnote_r69" class="fnanchor">[r69]</a>. Burchard Hund,
+conseiller de l'lecteur de Saxe, Jean, avait
+coutume de dire: Nous autres de la noblesse,
+nous avons runi les biens des clotres nos
+biens nobles, et les biens des clotres ont dvor
+les biens nobles, de sorte que nous n'avons plus
+ni les uns ni les autres. Luther ajoute la fable
+du renard qui venge ses petits en brlant l'arbre
+et les petits de l'aigle.</p>
+
+<p>Un ancien prcepteur du fils de Ferdinand,
+<span class="pagenum" id="Page_104">104</span>
+roi des Romains, nomm Severus, contait Luther
+l'histoire du chien qui dfendait la viande
+et qui pourtant, quand les autres la lui arrachaient,
+en prenait sa part. C'est ce que fait maintenant
+l'Empereur, dit Luther, pour les biens
+ecclsiastiques (Utrecht et Lige).</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des cardinaux et des vques<a name="FNanchor_a54" id="FNanchor_a54" href="#Footnote_a54" class="fnanchor">[a54]</a>.</i> En Italie, en
+France, en Angleterre, en Espagne, les vques
+sont ordinairement les conseillers des rois; c'est
+qu'ils sont pauvres<a name="FNanchor_r70" id="FNanchor_r70" href="#Footnote_r70" class="fnanchor">[r70]</a>. Mais en Allemagne o ils
+sont riches, puissans, et o ils ont une grande
+considration, les vques gouvernent en leur
+propre nom.</p>
+
+<p>Je veux mettre tous mes soins pour que les
+canonicats et les petits vchs subsistent, de
+sorte qu'on puisse avec ce revenu tablir des
+prdicateurs et des pasteurs dans les villes. Les
+grands vchs seront sculariss.</p>
+
+<p>Le jour de l'Ascension le docteur Martin Luther
+dna avec l'lecteur de Saxe, et l'on rsolut
+que les vques conserveraient leur autorit,
+condition qu'ils abjureraient le pape. Nos gens
+les examineront, et les ordonneront, par l'imposition
+des mains. C'est ainsi que je suis vque
+ prsent.</p>
+
+<p>Dans les disputes d'Heidelberg, on demandait
+d'o venaient les moines<a name="FNanchor_r71" id="FNanchor_r71" href="#Footnote_r71" class="fnanchor">[r71]</a>. Rponse: Dieu ayant
+<span class="pagenum" id="Page_105">105</span>
+fait le prtre, le diable voulut l'imiter; mais il fit
+la tonsure trop grande, de l les moines.</p>
+
+<p>La moinerie ne se rtablira point aussi long-temps
+que l'article de la justification restera pur<a name="FNanchor_r72" id="FNanchor_r72" href="#Footnote_r72" class="fnanchor">[r72]</a>.</p>
+
+<p>Autrefois les moines taient en si grande
+considration que le pape les redoutait plus que
+les rois et les vques. Car ils avaient le commun
+peuple dans leurs mains. Les moines taient les
+meilleurs oiseleurs du pape<a name="FNanchor_a55" id="FNanchor_a55" href="#Footnote_a55" class="fnanchor">[a55]</a>. Le roi d'Angleterre
+a beau ne plus reconnatre le pape pour le chef
+suprme de la chrtient. Il ne fait rien que tourmenter
+le corps, en fortifiant l'me de la papaut.
+(Henri VIII n'avait pas encore supprim
+les monastres.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_106">CHAPITRE III.</h3>
+
+<p class="somm">Des coles et universits, et des arts libraux.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>On doit tirer des coles des pasteurs qui difient
+et soutiennent l'glise. Des coles et des
+pasteurs, cela vaut mieux que des conciles,
+comme je l'ai dit dj.</p>
+
+</div>
+
+<p>J'espre que si le monde dure encore, les
+universits d'Erfurth et de Leipzig se relveront
+et prendront des forces, pourvu qu'elles adoptent
+la saine thologie, quoi elles semblent
+dj disposes. Mais il faut que quelques-uns s'endorment
+auparavant.&mdash;Je m'tonnais d'abord
+qu'une universit et t fonde ici, Wittemberg.&mdash;Erfurth
+est situ au mieux pour cela: l
+<span class="pagenum" id="Page_107">107</span>
+il doit y avoir une ville, quand mme celle qui
+existe serait brle, ce que Dieu veuille empcher.
+L'universit d'Erfurth tait jadis si renomme,
+que toutes les autres en comparaison taient
+considres comme de petites coles. Maintenant
+cette gloire et cette majest ont disparu, et l'universit
+d'Erfurth est tout--fait morte.</p>
+
+<p>Autrefois, on avanait les matres, on les honorait;
+on portait devant eux des flambeaux. Je
+trouve qu'il n'y a jamais eu en ce monde de joie
+comparable celle-l. C'tait aussi une grande
+fte quand on faisait des docteurs. On allait
+cheval autour de la ville; on s'habillait avec plus
+de soin, on se parait. Tout cela ne se fait plus,
+mais je voudrais bien que l'on ft revivre ces
+bonnes coutumes.</p>
+
+<p>Malheur l'Allemagne qui nglige les coles,
+qui les mprise et les laisse tomber! Malheur
+l'archevque de Mayence et d'Erfurth qui pourrait
+d'un mot relever les universits de ces
+deux villes, et qui les laisse dsoles et dsertes!
+Un seul coin de l'Allemagne, celui o
+nous sommes, fleurit encore, grce Dieu, par
+la puret de la doctrine et la culture des arts libraux<a name="FNanchor_a56" id="FNanchor_a56" href="#Footnote_a56" class="fnanchor">[a56]</a>.
+Les papistes voudront rebtir l'table,
+lorsque le loup aura mang les brebis.&mdash;La
+faute en est l'vque de Mayence, c'est un flau
+pour les coles et pour toute l'Allemagne. Aussi
+<span class="pagenum" id="Page_108">108</span>
+en est-il dj justement puni. Il a sur son visage
+une couleur de mort, comme de la boue mle
+de sang.</p>
+
+<p>C'est Paris, en France, que se trouve la
+plus clbre et la plus excellente cole. Il y a
+une foule d'tudians, dans les vingt mille et
+au-del. Les thologiens y ont eux le lieu le
+plus agrable de la ville, une rue particulire
+ferme de portes aux deux bouts; on
+l'appelle la <i>Sorbonne</i>. Peut-tre, ce que j'imagine,
+tire-t-elle ce nom de ces fruits de cormiers
+(<i>sorbus</i>) qui viennent sur les bords de la
+mer Morte, et qui prsentent au dehors une
+agrable apparence; ouvrez-les, ce n'est que
+cendres au-dedans. Telle est l'universit de Paris,
+elle prsente une grande foule, mais elle est
+la mre de bien des erreurs. S'ils disputent, ils
+crient comme des paysans ivres, en latin, en franais.
+Enfin on frappe des pieds pour les faire
+taire. Ils ne font point de docteurs en thologie
+ moins qu'on n'tudie dix ans dans leur sophistique
+et futile dialectique. Le rpondant doit siger
+un jour entier et soutenir la dispute contre
+tout venant, de six heures du matin six heures
+du soir.</p>
+
+<p>A Bourges en France, dans les promotions
+publiques de docteurs en thologie qui se font
+dans l'glise mtropolitaine, on leur donne
+<span class="pagenum" id="Page_109">109</span>
+chacun un filet, apparemment pour qu'ils s'en
+servent prendre les gens.</p>
+
+<p>Nous avons, grce Dieu, des universits
+qui ont embrass la parole de Dieu. Il y a encore
+beaucoup de belles coles particulires qui se disposent
+bien, telles que Zwickaw, Torgaw, Wittemberg,
+Gotha, Eisenach, Deventer, etc.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Extrait du trait de Luther sur l'ducation.</i>&mdash;L'ducation
+domestique est insuffisante.&mdash;Il faut
+que les magistrats veillent l'instruction des enfans.
+tablir des coles est un de leurs principaux
+soins. Les fonctions publiques ne doivent mme
+tre confies qu'aux plus doctes.&mdash;Importance de
+l'tude des langues. Le diable redoute cette tude,
+et cherche l'teindre. N'est-ce pas par elle que
+nous avons retrouv la vraie doctrine? La premire
+chose que Christ ait donne ses aptres,
+c'est le don des langues.&mdash;Luther se plaint de
+ce que, dans les monastres, on ne sait plus le
+latin, peine l'allemand.</p>
+
+<p>Pour moi, si j'ai jamais des enfans, et que
+ma fortune me le permette, je veux qu'ils deviennent
+habiles dans les langues et dans l'histoire;
+qu'ils apprennent mme la musique et les
+mathmatiques. Suit un loge des potes et des
+historiens.</p>
+
+<p>Qu'on envoie au moins les enfans une heure
+<span class="pagenum" id="Page_110">110</span>
+ou deux par jour l'cole; qu'ils emploient le
+reste soigner la maison et apprendre quelque
+mtier.</p>
+
+<p>Il doit aussi y avoir des coles pour les filles.&mdash;On
+devrait fonder des bibliothques publiques.
+D'abord des livres de thologie, latins,
+grecs, hbreux, allemands, puis des livres pour
+apprendre la langue, tels que les orateurs, les
+potes, peu importe qu'ils soient chrtiens ou
+paens; les livres qui traitent des arts libraux et
+des arts mcaniques; les livres de jurisprudence
+et de mdecine; les annales, les chroniques, les
+histoires, dans la langue o elles ont t crites,
+doivent tenir la premire place dans une bibliothque,
+etc.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des langues.</i>&mdash;Les Grecs, compars aux Hbreux,
+ont bien de bonnes et agrables paroles,
+mais n'ont point de <i>sentences</i>. La langue hbraque
+est la plus riche; elle ne mendie point, comme le
+grec, le latin et l'allemand. Elle n'a pas besoin
+de recourir aux mots composs.</p>
+
+<p>Les Hbreux boivent la source, les Grecs au
+ruisseau, les Latins au bourbier.</p>
+
+<p>J'ai peu d'usage de la langue latine, lev,
+comme je le fus, dans la barbarie des doctrines
+scolastiques. (12 novembre 1544.)</p>
+
+<p>Je ne suis point de dialecte particulier en
+<span class="pagenum" id="Page_111">111</span>
+allemand. J'emploie la langue commune, de manire
+ tre entendu dans la haute et dans la
+basse Allemagne. Je parle d'aprs la chancellerie
+de Saxe, que tous suivent, en Allemagne, dans
+leurs actes publics, rois, princes, villes impriales.
+Aussi, est-ce le langage le plus commun.
+L'empereur Maximilien et l'lecteur Frdric de
+Saxe ont ainsi ramen les dialectes allemands
+une langue certaine. La langue des Marches est
+encore plus douce que celle de Saxe.</p>
+
+<p class="sep2"><i>De la grammaire.</i>&mdash;Autre chose est la grammaire,
+autre chose est la langue hbraque. La
+langue hbraque, puis la grammaire positive, a
+pri en grande partie chez les Juifs; elle est
+tombe avec la chose mme, et avec l'intelligence,
+comme dit Isae (XXIX). Il ne faut donc
+rien accorder aux rabbins dans les choses sacres;
+ils torturent et violentent les tymologies et les
+constructions, parce qu'ils veulent forcer la chose
+par les mots, soumettre la chose aux mots, tandis
+que ce sont les choses qui doivent commander.</p>
+
+<p>On voit de semblables dbats entre les Cicroniens
+et les autres Latinistes. Pour moi,
+je ne suis ni latin, ni grammairien, encore moins
+cicronien; cependant, j'approuve ceux qui aiment
+mieux prtendre ce dernier nom. De
+mme, dans la littrature sacre, j'aimerais tre
+<span class="pagenum" id="Page_112">112</span>
+simplement mosaque, davidique ou isaque, s'il
+se pouvait, plutt qu'un Hbreu kumique, ou
+semblable tout autre rabbin. (1537.)</p>
+
+<p>Je regrette de n'avoir pas plus de temps
+donner l'tude des potes et des rhteurs<a name="FNanchor_a57" id="FNanchor_a57" href="#Footnote_a57" class="fnanchor">[a57]</a>: j'avais
+achet un Homre pour devenir Grec.
+(29 mars 1523.)</p>
+
+<p>Si je devais crire sur la dialectique, j'exprimerais
+tout en allemand; je rejetterais tous
+ces mots trangers: <i lang="la" xml:lang="la">propositio, syllogismus,
+enthymema, exemplum</i>...</p>
+
+<p>Ceux qui introduisent de nouveaux mots,
+doivent aussi introduire de nouvelles choses,
+comme Scot avec sa <i>ralit</i>, son <i>hiccit</i>; comme
+les anabaptistes et les prdicateurs de troubles,
+avec leurs <i lang="de" xml:lang="de">besprengung, entgrobung, gelassenheit</i>.
+Qu'on se garde donc de tous ceux qui s'tudient
+ trouver des mots nouveaux et inusits.</p>
+
+<p>Luther citait la fable de la cour du lion, et
+disait, qu'aprs la Bible, il ne connaissait pas
+de meilleur livre que les <i>Fables d'sope</i> et les
+crits de Caton; de mme que Donat lui semblait
+le meilleur grammairien. Ce n'est point un
+seul homme qui a fait ces fables; beaucoup de
+grands esprits y ont travaill chaque poque
+du monde<a name="FNanchor_a58" id="FNanchor_a58" href="#Footnote_a58" class="fnanchor">[a58]</a>.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Des savans.</i>&mdash;Avant peu d'annes, on manquera
+<span class="pagenum" id="Page_113">113</span>
+entirement de savans. On aurait beau
+creuser pour en dterrer, rien ne servira; on pche
+trop contre Dieu.</p>
+
+<p><i>A un ami</i>: Ne te laisse pas aller la crainte
+que l'Allemagne ne devienne plus barbare qu'elle
+ne l'a jamais t, par la chute des lettres que
+causerait notre thologie. (29 mars 1523.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_114">CHAPITRE IV.</h3>
+
+<p class="somm">Drames.&mdash;Musique.&mdash;Astrologie.&mdash;Imprimerie.&mdash;Banque,
+etc.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p><i>Des reprsentations thtrales.</i>&mdash;Luther ne
+dsapprouve point un matre d'cole qui jouait
+les comdies de Trence. Il numre les diverses
+utilits de la comdie. Si on s'abstenait de la comdie,
+parce qu'il s'agit souvent d'amour, on
+n'oserait non plus lire la Bible.</p>
+
+</div>
+
+<p>&mdash;Notre cher Joachim m'a demand mon jugement
+sur ces reprsentations d'histoires saintes,
+que blment plusieurs de vos ministres. Voici,
+en peu de mots, mon opinion. Il a t command
+ tous les hommes de rpandre et de propager le
+Verbe de Dieu, par tous les moyens, non pas
+<span class="pagenum" id="Page_115">115</span>
+seulement par la parole, mais par critures,
+peintures, sculptures, psaumes, chansons, instrumens
+de musique, comme dit le psaume:
+<i lang="la" xml:lang="la">Laudate eum in tympano et choro, laudate eum
+chordis et organo</i>. Et Mose dit: <i lang="la" xml:lang="la">Ligabis ea quasi
+signum in manu tu, eruntque et movebuntur inter
+oculos tuos, scribesque ea in limine et ostiis doms
+tu</i>. Mose veut que la parole se meuve devant
+les yeux, et comment cela se pourrait-il faire
+mieux et plus clairement que par des reprsentations
+semblables, mais graves et modestes, et
+non par des farces, comme autrefois sous la papaut?
+De tels spectacles frappent les yeux du
+peuple, et l'meuvent souvent bien plus que des
+prdications publiques. Je sais que dans la basse
+Allemagne, o l'on a interdit la profession publique
+de l'vangile, des drames, tirs de la Loi et
+de l'vangile, en ont converti un grand nombre.
+(5 avril 1543.)</p>
+
+<p><i>De la musique.</i>&mdash;La musique est un des plus
+beaux et des plus magnifiques prsens de Dieu.
+Satan en est l'ennemi. Par elle on repousse bien
+des tentations et de mauvaises penses. Le diable
+ne tient pas contre.</p>
+
+<p>Quelques-uns de la noblesse, et des courtisans,
+pensent que mon gracieux seigneur pourrait
+pargner en musique trois mille florins par an;
+<span class="pagenum" id="Page_116">116</span>
+et l'on dpense, en choses inutiles, trente mille
+florins.</p>
+
+<p>Le duc George, le landgrave de Hesse, et
+l'lecteur de Saxe, Jean-Frdric, entretenaient
+des chanteurs et des musiciens. Aujourd'hui,
+c'est le duc de Bavire, l'empereur Ferdinand et
+l'empereur Charles.</p>
+
+<p>En 1538, 17 dcembre, Luther ayant des
+musiciens pour htes, et les ayant entendus, dit
+avec admiration: Si notre Seigneur nous accorde
+de si nobles dons dans cette vie mme, qui n'est
+qu'ordure et misre, que sera-ce donc dans la
+vie ternelle? En voici un commencement.</p>
+
+<p>Chanter est le meilleur exercice<a name="FNanchor_a59" id="FNanchor_a59" href="#Footnote_a59" class="fnanchor">[a59]</a>. Il n'a rien
+ voir avec le monde... Aussi je me rjouis de ce
+que Dieu a refus aux paysans (<i>sans doute aux
+paysans rvolts</i>), un don et une consolation si
+grande; ils n'entendent point la musique, et
+n'coutent point la parole.</p>
+
+<p>Il disait un jour un joueur de harpe: Mon
+ami, joue-moi un air, comme faisait David. Je
+crois que, s'il revenait aujourd'hui, il serait bien
+tonn de trouver les gens si habiles.</p>
+
+<p>Comment se fait-il pourtant que nous ayons
+tant de belles choses dans le genre mondain, et
+que, dans le spirituel, nous n'ayons rien que de
+froid et de mauvais (et il rptait quelques chansons
+allemandes). Pour ceux qui mprisent la musique,
+<span class="pagenum" id="Page_117">117</span>
+comme font tous les rveurs et les mystiques;
+je ne puis m'accorder avec eux.</p>
+
+<p>... Je demanderai au prince qu'avec cet argent
+il tablisse une musique. (avril 1541.)</p>
+
+<p>Le 4 octobre 1530, il crit Ludovic Senfel,
+musicien de la cour de Bavire, pour lui demander
+de lui mettre en musique le: <i lang="la" xml:lang="la">In pace in
+id ipsum</i>. L'amour de la musique m'a fait
+surmonter la crainte d'tre repouss, lorsque
+vous verrez un nom qui vous est sans doute
+odieux. Ce mme amour me donne aussi l'esprance
+que mes lettres ne vous attireront aucun
+dsagrment. Qui pourrait, ft-il le Turc, vous
+en faire un sujet de reproches?... Aprs la thologie,
+il n'y a aucun art que l'on puisse mettre
+ ct de la musique.</p>
+
+<p>Luther recommande son ami Amsdorf, un
+peintre nomm Sbastien, et ajoute: Je ne
+sais si vous aurez besoin de lui. Je dsirerais cependant
+que ton habitation ft plus orne et plus
+lgante, cause de la chair qui reviennent
+aussi quelques soins et quelques recrations,
+lorsqu'elles sont sans pch et sans faute. (6 fvrier
+1542.)</p>
+
+<p class="sep2"><i>Peinture<a name="FNanchor_a60" id="FNanchor_a60" href="#Footnote_a60" class="fnanchor">[a60]</a>.</i>&mdash;Les pamphlets de Luther contre le
+pape, taient presque toujours accompagns de
+gravures symboliques.&mdash;Quant ces trois furies,
+<span class="pagenum" id="Page_118">118</span>
+dit-il, dans l'explication d'une de ces gravures
+satiriques, je n'avais autre chose dans
+l'esprit, lorsque j'en faisais l'application au pape,
+que d'exprimer l'atrocit de l'abomination papale
+par ces expressions les plus nergiques, les plus
+atroces de la langue latine; car les Latins ignorent
+ce que c'est que Satan ou le diable, comme l'ignorent
+aussi les Grecs et toutes les nations.
+(8 mai 1545.)</p>
+
+<p>C'tait Lucas Cranach qui en avait fait les figures.&mdash;Luther
+crit: Matre Lucas est un peintre
+peu dlicat. Il pouvait pargner le sexe fminin en
+considration de nos mres et de l'&oelig;uvre de Dieu.
+Il pouvait peindre d'autres formes plus dignes du
+pape, je veux dire plus diaboliques. (3 juin 1545.)</p>
+
+<p>Je ferai tous mes efforts, si je vis, pour
+que le peintre Lucas substitue cette peinture
+obscne une image plus honnte. (15 juin.)</p>
+
+<p>Luther professait pour Albert Drer une grande
+admiration. Lorsqu'il apprit sa mort, il crivit:
+Il est douloureux sans doute de l'avoir perdu.
+Rejouissons-nous cependant de ce que Christ,
+par une fin si heureuse, l'a tir de cette terre de
+misres et de troubles, qui, peut-tre bientt,
+sera dchire par des troubles plus grands encore.
+Dieu n'a pas voulu que celui qui tait n
+pour un sicle heureux, vt de si tristes choses;
+qu'il repose en paix avec ses pres. (avril 1528.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_119">119</span>
+<i>De l'astronomie et de l'astrologie.</i>&mdash;Il est
+vrai que les astrologues peuvent prdire l'avenir
+aux impies, et leur annoncer la mort qui les attend,
+car le diable sait les penses des impies, et
+il les a en sa puissance.</p>
+
+<p>On fit mention d'un nouvel astronome, qui
+voulait prouver que c'est la terre qui tourne,
+et non point le firmament, le soleil et la lune;
+il en est de mme, disait-il, pour les habitans
+de la terre que pour ceux qui sont dans un chariot
+ou dans un vaisseau, et qui croient voir le
+rivage ou les arbres fuir derrire eux<a name="FNanchor_4" id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>. Ainsi va
+le monde aujourd'hui; quiconque veut tre habile,
+ne doit pas se contenter de ce que font et
+savent les autres. Le sot veut changer tout l'art
+de l'astronomie; mais, comme le dit la sainte
+criture, Josu commanda au soleil de s'arrter,
+et non la terre.</p>
+
+<p>Les astrologues ont tort d'attribuer aux toiles
+la mauvaise influence qui appartient en effet aux
+comtes.</p>
+
+<p>Matre Philippe tient fort cela, mais il n'a
+jamais pu me persuader. Il prtend que l'art est
+<span class="pagenum" id="Page_120">120</span>
+rel, mais qu'il n'y a point de matre qui s'y entende.</p>
+
+<p>Comme on montrait un horoscope au docteur
+Luther, il dit: C'est une belle et agrable
+imagination, et qui plat la raison. On va bien
+rgulirement d'une ligne l'autre... Il en est de
+l'astrologie comme de l'art des sophistes, <i lang="la" xml:lang="la">de
+decem prdicamentis realiter distinctis</i>; tout est
+faux et artificiel; mais dans cette &oelig;uvre vaine et
+fictive, il y a un admirable ensemble; dans tant
+de sicles et parmi tant de sectes, thomistes, albertistes,
+scotistes, ils sont rests fidles aux
+mmes rgles.</p>
+
+<p>La science, qui a pour objet la matire, est
+incertaine. Car la matire est sans forme, et dpourvue
+de qualits et proprits. Or, l'astrologie
+a pour objet la matire, etc.</p>
+
+<p>Ils avaient dit qu'il y aurait un dluge en
+1524, et la chose n'arriva qu'en 1525, poque
+du soulvement des paysans. Dj le bourgmestre
+Hendorf avait fait monter au haut de sa
+maison un quart de bire pour y attendre le dluge.</p>
+
+<p>Matre Philippe disait que l'empereur Charles
+devait vivre jusqu' quatre-vingt-quatre ans; le
+docteur Luther rpondit: Le monde ne durera
+pas si long-temps. zchiel y est contraire. Si
+nous chassons le Turc, la prophtie de Daniel
+<span class="pagenum" id="Page_121">121</span>
+est accomplie, et certainement le jour du jugement
+est la porte.</p>
+
+<p>Une grande toile rouge, qui avait paru dans
+le ciel, et qui forma ensuite une croix en 1516,
+reparut plus tard; mais alors, dit Luther, la
+croix parut brise; car l'vangile tait obscurci
+par les sectes et les rvoltes. Je ne trouve rien de
+certain dans de tels signes; ce sont communment
+des signes diaboliques et trompeurs. Nous en
+avons vu beaucoup ces quinze dernires annes.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Imprimerie.</i>&mdash;L'imprimerie est le dernier
+et suprme don, le <i lang="la" xml:lang="la">summum et postremum donum</i>,
+par lequel Dieu avance les choses de l'vangile.
+C'est la dernire flamme qui luit avant l'extinction
+du monde. Grce Dieu, elle est venue la
+fin. <i lang="la" xml:lang="la">Sancti patres dormientes desiderrunt videre
+hunc diem revelati Evangelii.</i></p>
+
+<p>Comme on lui montrait un crit des Fugger,
+orn de lettres d'une forme bizarre, que
+personne ne pouvait le lire, il dit: C'est une
+invention d'hommes habiles et prvoyans. Mais
+c'est la marque d'une poque bien corrompue.
+Nous lisons que Jules Csar employait
+de pareilles lettres. On dit que l'Empereur, se
+dfiant de ses secrtaires, les fait crire, dans
+les affaires les plus importantes, de deux manires
+qui se contredisent; et ils ne savent point
+<span class="pagenum" id="Page_122">122</span>
+auxquels des deux crits il doit mettre son
+sceau.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Banque<a name="FNanchor_a61" id="FNanchor_a61" href="#Footnote_a61" class="fnanchor">[a61]</a>.</i>&mdash;Un cardinal, vque de Brixen,
+tant mort fort riche Rome, on ne trouva point
+d'argent chez lui, mais seulement un petit billet
+dans sa manche. Le pape Jules II se douta bien
+que c'tait une lettre de change; il envoya sur-le-champ
+chercher le facteur des Fugger, Rome,
+et lui demanda s'il ne connaissait point cet crit?
+Oui, rpondit-il, c'est la reconnaissance de ce
+que Fugger et compagnie doivent au cardinal;
+cela fait trois cent mille florins. Le pape demanda
+s'il pouvait lui payer tout cet argent. A toute
+heure, rpondit l'autre. Le pape fit venir ensuite
+les cardinaux de France et d'Angleterre, et leur
+demanda si leurs rois pourraient trouver en une
+heure trois tonnes d'or? Ils rpondirent que non.
+Eh bien! dit-il, un bourgeois d'Augsbourg peut
+le faire.</p>
+
+<p>Fugger devant un jour donner au conseil
+d'Augsbourg l'estimation de ses biens, il rpondit
+qu'il ne savait pas ce qu'il avait, car son argent
+tait dans tout le monde, en Turquie, en
+Grce, Alexandrie, en France, en Portugal,
+en Angleterre, en Pologne, etc., mais qu'il pouvait
+bien donner l'estimation de ce qu'il avait
+Augsbourg.<a name="FNanchor_a62" id="FNanchor_a62" href="#Footnote_a62" class="fnanchor">[a62]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_123">CHAPITRE V.</h3>
+
+<p class="somm">De la prdication.&mdash;Style de Luther.&mdash;Il avoue la violence
+de son caractre.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Oh combien je tremblais lorsque, pour la
+premire fois, il me fallut monter en chaire<a name="FNanchor_r73" id="FNanchor_r73" href="#Footnote_r73" class="fnanchor">[r73]</a>!
+mais on me forait de prcher. Il fallait d'abord
+prcher les frres...</p>
+
+</div>
+
+<p>J'ai bien, sous ce mme poirier o nous
+sommes, oppos au docteur Staupitz quinze argumens
+contre ma vocation la prdication. Je
+lui dis enfin: Seigneur docteur Staupitz,
+vous voulez me tuer; je ne vivrai pas trois mois.
+Il me rpondit: Eh bien! notre Seigneur a de
+<span class="pagenum" id="Page_124">124</span>
+grandes affaires; on a besoin de gens habiles
+l-haut.</p>
+
+<p>Je n'apporte gure de zle et d'ardeur la
+distribution de mes &oelig;uvres en tomes; j'ai une
+faim de Saturne, je les voudrais tous dvorer.
+Car il n'y a pas un de mes livres dont je sois satisfait,
+si ce n'est peut-tre le <i>Trait du serf
+arbitre</i> et le <i>Catchisme</i>. (9 juillet 1537.)</p>
+
+<p>Je n'aime pas que Philippe assiste mes
+leons ou prdications, mais je mets la croix
+devant moi, et je me dis: Philippe, Jonas, Pomer,
+tous les autres, ne font rien la chose; et
+je m'imagine alors qu'il ne s'est assis dans la
+chaire personne de plus habile que moi<a name="FNanchor_r74" id="FNanchor_r74" href="#Footnote_r74" class="fnanchor">[r74]</a>.</p>
+
+<p>Le docteur Jonas lui disait: Seigneur docteur,
+je ne puis du tout vous suivre dans la prdication<a name="FNanchor_r75" id="FNanchor_r75" href="#Footnote_r75" class="fnanchor">[r75]</a>.&mdash;Le
+docteur Luther rpondit: Je
+ne le puis moi-mme, car souvent c'est ma propre
+personne ou quelque chose de particulier
+qui me donne l'occasion d'un sermon, selon
+le temps, les circonstances, les auditeurs. Si
+j'tais plus jeune, je voudrais retrancher beaucoup
+dans mes prdications, car j'y ai mis trop
+de paroles.</p>
+
+<p>Je veux que l'on enseigne bien au peuple le
+Catchisme; je me fonde sur lui dans tous mes
+sermons, et je prche aussi simplement que possible<a name="FNanchor_r76" id="FNanchor_r76" href="#Footnote_r76" class="fnanchor">[r76]</a>.
+Je veux que les hommes du commun, les
+<span class="pagenum" id="Page_125">125</span>
+enfans, les domestiques, me comprennent. Ce
+n'est point pour les savans que l'on monte en
+chaire; ils ont les livres.</p>
+
+<p>Le docteur Erasmus Alberus, prt partir
+pour la Marche, demandait au docteur Luther
+comment il fallait prcher devant le prince<a name="FNanchor_r77" id="FNanchor_r77" href="#Footnote_r77" class="fnanchor">[r77]</a>. Tes
+prdications, dit-il, doivent s'adresser, non aux
+princes, mais au simple et grossier peuple. Si,
+dans les miennes, je songeais Mlanchton et
+aux autres docteurs, je ne ferais rien de bon;
+mais je prche tout simplement pour les ignorans,
+et cela plat tous. Si je sais du grec, de
+l'hbreu, du latin, je le rserve pour nos runions
+de savans. Alors nous en disons de si subtiles
+que Dieu mme en est tonn.</p>
+
+<p>Albert Drer, le fameux peintre de Nuremberg,
+avait coutume de dire qu'il ne prenait
+aucun plaisir aux peintures charges de couleurs,
+mais celles qui taient faites avec le plus de
+simplicit. J'en dis autant des prdications<a name="FNanchor_r78" id="FNanchor_r78" href="#Footnote_r78" class="fnanchor">[r78]</a>.</p>
+
+<p>Oh que j'eusse t heureux, lorsque j'tais
+au clotre d'Erfurt, si j'avais pu une fois, une
+seule fois, entendre prcher un pauvre petit
+mot sur l'vangile ou sur le moindre des psaumes<a name="FNanchor_r79" id="FNanchor_r79" href="#Footnote_r79" class="fnanchor">[r79]</a>!</p>
+
+<p>Rien n'est plus agrable et plus utile au commun
+des auditeurs, que de prcher la loi et les
+exemples<a name="FNanchor_r80" id="FNanchor_r80" href="#Footnote_r80" class="fnanchor">[r80]</a>. Les prdications sur la Grce et sur
+<span class="pagenum" id="Page_126">126</span>
+l'article de la justification sont froides pour leurs
+oreilles.</p>
+
+<p>Parmi les qualits que Luther exige d'un prdicateur,
+il veut qu'il soit beau de sa personne,
+et tel que les bonnes femmes et les petites filles
+puissent l'aimer<a name="FNanchor_r81" id="FNanchor_r81" href="#Footnote_r81" class="fnanchor">[r81]</a>.</p>
+
+<p>Dans le <i>Trait sur les v&oelig;ux monastiques</i>, Luther
+demande pardon au lecteur de dire bien des
+choses qu'on a coutume de taire<a name="FNanchor_r82" id="FNanchor_r82" href="#Footnote_r82" class="fnanchor">[r82]</a>.&mdash;Pourquoi
+n'oser dire ce que le Saint-Esprit, pour instruire
+les hommes, a dict Mose? Mais nous voulons
+que nos oreilles soient plus pures que la bouche
+du Saint-Esprit.</p>
+
+<p><i>A J. Brentius.</i> Je ne veux point te flatter,
+je ne te trompe pas, je ne me trompe pas moi-mme,
+quand je dis que je prfre tes crits aux
+miens. Ce n'est point Brentius que je loue, mais
+l'Esprit saint, qui en toi est plus doux, plus
+tranquille; tes paroles coulent plus pures, plus
+limpides. Mon style, moi, inhabile et inculte,
+vomit un dluge, un chaos de paroles; turbulent
+et imptueux comme un lutteur toujours aux
+prises avec mille monstres qui se succdent; et
+si j'ose comparer de petites choses aux grandes,
+il me semble qu'il m'a t donn quelque chose
+de ce quadruple esprit d'lie, rapide comme le
+vent, dvorant comme le feu, qui renverse les
+montagnes et brise les pierres; toi, au contraire,
+<span class="pagenum" id="Page_127">127</span>
+le doux murmure de la brise lgre et rafrachissante.
+Une chose me console, c'est que le
+divin pre de famille a besoin, dans cette famille
+immense, de l'un et de l'autre serviteur, du dur
+contre les durs, de l'pre contre les pres, comme
+d'un mauvais coin contre de mauvais n&oelig;uds. Pour
+purger l'air et rendre la terre plus fertile, ce
+n'est point assez de la pluie qui arrose et pntre,
+il faut encore les clats de la foudre.
+(20 aot 1530.)</p>
+
+<p>Je suis loin de me croire sans dfaut; mais je
+puis au moins me glorifier avec saint Paul, de
+ne pouvoir tre accus d'hypocrisie et d'avoir toujours
+dit la vrit, peut-tre, il est vrai, un peu
+trop rudement. Mais j'aime mieux pcher par
+la duret de mes paroles, en jetant la vrit dans
+le monde, que de la retenir honteusement captive.
+Si les grands seigneurs s'en trouvent blesss,
+qu'ils se mlent de leurs affaires sans plus se
+soucier des miennes et de nos doctrines. Est-ce
+que je leur ai fait quelque tort, quelque injustice?
+Si je pche, ce sera Dieu de me pardonner.
+(5 fvrier 1522.)</p>
+
+<p><i>A Spalatin.</i> Je ne puis nier que je ne sois
+plus violent qu'il ne faudrait<a name="FNanchor_a63" id="FNanchor_a63" href="#Footnote_a63" class="fnanchor">[a63]</a>; mais ils le savaient,
+c'tait eux de ne pas irriter le dogue. Tu peux
+savoir par toi-mme combien c'est une chose
+difficile que de modrer son feu et de contenir sa
+<span class="pagenum" id="Page_128">128</span>
+plume. Et voil pourquoi j'ai toujours ha de paratre
+en public; mais plus je le hais, plus j'y
+suis forc malgr moi. (fvrier 1520.)</p>
+
+<p>Le docteur Luther disait souvent<a name="FNanchor_r83" id="FNanchor_r83" href="#Footnote_r83" class="fnanchor">[r83]</a>: J'ai trois
+mauvais chiens, <i lang="la" xml:lang="la">ingratitudinem, superbiam et invidiam</i>
+(l'ingratitude, l'orgueil et l'envie). Celui
+qu'ils mordent est bien mordu.</p>
+
+<p>Si je meurs, les papistes verront quel adversaire
+ils ont eu en moi<a name="FNanchor_r84" id="FNanchor_r84" href="#Footnote_r84" class="fnanchor">[r84]</a>. D'autres prdicateurs
+n'auront pas la mme mesure, la mme modration.
+On l'a dj prouv avec Mnzer, avec Carlostad,
+Zwingli et les anabaptistes.</p>
+
+<p>Dans la colre mon temprament se retrempe,
+mon esprit s'aiguise, et toutes les tentations,
+tous les ennuis se dissipent. Je n'cris
+et ne parle jamais mieux qu'en colre<a name="FNanchor_r85" id="FNanchor_r85" href="#Footnote_r85" class="fnanchor">[r85]</a>.</p>
+
+<p><i>A Michel Marx.</i> Tu ne saurais croire combien
+j'aime voir mes adversaires s'lever chaque
+jour davantage contre moi. Je ne suis jamais
+plus superbe et plus audacieux que lorsque j'apprends
+que je leur dplais. Docteurs, vques,
+princes, que m'importe? Il est crit: <i lang="la" xml:lang="la">Tremuerunt
+gentes et populi meditati sunt inania. Adstiterunt
+reges terr, et principes convenerunt in unum
+adverss Deum et adverss Christum ejus.</i></p>
+
+<p>J'ai un tel ddain pour ces satans, que si je
+n'tais retenu ici, j'irais tout droit Rome, en
+haine du diable et de toutes ces furies.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_129">129</span>
+Il faut que j'aie de la patience avec le pape,
+avec mes disciples, avec mes domestiques, avec
+Catherine de Bora, avec tout le monde, et ma
+vie n'est autre chose que de la patience.</p>
+
+<div class="pagenum" id="Page_130"></div>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h2 id="Page_131">LIVRE V.</h2>
+
+<hr class="hr7" />
+
+<h3>CHAPITRE PREMIER.</h3>
+
+<p class="somm">Mort du pre de Luther, de sa fille, etc.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Il n'est pas d'alliance ni de socit plus belle,
+plus douce et plus heureuse, qu'un bon mariage<a name="FNanchor_r86" id="FNanchor_r86" href="#Footnote_r86" class="fnanchor">[r86]</a>.
+C'est une joie de voir deux poux vivre unis
+et en paix. Mais aussi, rien n'est plus amer et
+plus douloureux que quand ce lien se dchire.
+Aprs cela vient la mort des enfans. Cette dernire
+douleur je la connais, hlas!</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_132">132</span>
+&mdash;Je suis triste en t'crivant, car j'ai reu
+la nouvelle de la mort de mon pre, ce vieux
+Luther, si bon et si aim. Et bien que par moi
+il ait eu un si facile et si pieux passage en
+Christ, et que, dlivr des monstres d'ici-bas,
+il repose dans la paix ternelle, cependant
+mes entrailles se sont mues, car c'est par lui
+que Dieu m'a fait natre et m'a lev.&mdash;Dans une
+lettre du mme jour Mlanchton: ... Je succde
+ son nom; voici maintenant que je suis pour ma
+famille le vieux Luther. C'est mon tour, c'est
+mon droit de le suivre par la mort dans ce
+royaume que Christ nous a promis nous tous
+qui, cause de lui, sommes les plus misrables
+des hommes, et l'opprobre du monde... Je me
+rjouis cependant qu'il ait vcu dans ce temps,
+et qu'il ait pu voir la lumire de la vrit. Dieu
+soit bni dans tous ses actes, dans tous ses desseins!
+(5 juin 1530.)</p>
+
+<p>La nouvelle tant venue de Freyberg que
+matre Hausman tait mort, nous la cachmes au
+docteur Luther, et lui dmes d'abord qu'il tait
+malade, puis qu'il tait au lit, puis qu'il s'tait
+bien doucement endormi dans le Christ<a name="FNanchor_r87" id="FNanchor_r87" href="#Footnote_r87" class="fnanchor">[r87]</a>. Le docteur
+se mit pleurer bien fort, et dit: Voici des
+temps bien prilleux; Dieu balaie son aire et sa
+grange. Je le prie de ne pas laisser vivre long-temps
+aprs ma mort ma femme et mes enfans.
+<span class="pagenum" id="Page_133">133</span>
+Il resta assis tout le jour; il pleurait et s'affligeait.
+Il tait avec le docteur Jonas, matre Philippe
+(Mlanchton), matre Joachim Camerarius, et
+Gaspard de Keckeritz, et, au milieu d'eux, il
+tait assis, tout afflig et en larmes. (1538.)</p>
+
+<p>Lorsqu'il perdit sa fille Magdalena, ge de
+quatorze ans, la femme du docteur pleurait et se
+lamentait. Il lui dit: Chre Catherine, songe
+pourtant o elle est alle. Elle a certes fait un heureux
+voyage. La chair saigne, sans doute, c'est sa
+nature; mais l'esprit vit et se trouve selon ses souhaits.
+Les enfans ne disputent point; comme on
+leur dit, ils croient. Chez les enfans tout est simple.
+Ils meurent sans chagrin ni angoisses, sans disputes,
+sans tentations de la mort, sans douleur
+corporelle, tout comme s'ils s'endormaient.</p>
+
+<p>Comme sa fille tait fort malade, il disait:
+Je l'aime bien! Mais, mon Dieu! si c'est ta
+volont de la prendre d'ici, je veux la savoir sans
+regret auprs de toi. Et comme elle tait au lit,
+il lui disait: Ma chre petite fille, ma petite
+Madeleine, tu resterais volontiers ici auprs de ton
+pre, et tu irais pourtant volontiers aussi ton autre
+pre. Elle rpondit: Oui, mon cher pre, comme
+Dieu voudra. Chre petite fille! ajouta-t-il, l'esprit
+veut, mais la chair est faible. Il se promena en
+long et en large et dit: Oui, je l'ai aime bien fort.
+Si la chair est si forte, que sera-ce donc de l'esprit.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_134">134</span>
+Il disait entre autres choses: Dieu n'a pas
+donn depuis mille ans aucun vque d'aussi
+grands dons qu' moi; car on doit se glorifier
+des dons de Dieu. Eh! bien, je suis en colre contre
+moi-mme de ce que je ne puis m'en rjouir
+de c&oelig;ur, ni rendre grce; je chante bien de
+temps en temps notre Seigneur un petit cantique,
+et le remercie un peu.</p>
+
+<p>Eh bien! que nous vivions ou que nous
+mourions, <i lang="la" xml:lang="la">Domini sumus</i> au gnitif ou au nominatif.
+Allons, seigneur docteur, tenez ferme.</p>
+
+<p>La nuit qui prcda la mort de Magdalena,
+la femme du docteur avait eu un songe; il lui
+semblait voir deux beaux jeunes garons bien
+pars, qui voulaient prendre sa fille et la mener
+ la noce<a name="FNanchor_r88" id="FNanchor_r88" href="#Footnote_r88" class="fnanchor">[r88]</a>. Lorsque Philippe Mlanchton vint le
+matin dans le clotre, et demanda la dame:
+Que faites-vous de votre fille? elle lui raconta
+son rve. Il en fut bien effray, et dit aux autres:
+Les jeunes garons sont les saints anges qui vont
+venir pour mener la vierge la vritable noce du
+royaume cleste. Et en effet le mme jour elle
+mourut.</p>
+
+<p>Lorsque la petite Magdalena tait l'agonie
+et allait mourir, le pre tomba genoux devant
+son lit, pleura amrement, et pria Dieu qu'il
+voult bien la sauver. Elle expira et s'endormit
+dans les bras de son pre. La mre tait bien
+<span class="pagenum" id="Page_135">135</span>
+dans la mme chambre, mais plus loin du lit,
+cause de son affliction. Le docteur rptait souvent:
+Que la volont de Dieu soit faite! ma fille
+a encore un pre dans le ciel. Alors matre Philippe
+se mit dire: L'amour des parens est une
+image de la divinit imprime au c&oelig;ur des
+hommes. Dieu n'aime pas moins le genre humain
+que les parens leurs enfans. Lorsqu'on la mit
+dans la bire, le pre dit: Pauvre chre petite
+Madeleine, te voil bien maintenant? Il la regarda
+ainsi tendue, et dit: O cher enfant, tu ressusciteras,
+tu brilleras comme une toile! Oui,
+comme le soleil!... Je suis joyeux en esprit, mais
+dans la chair je suis bien triste. C'est une chose
+merveilleuse de savoir qu'elle est certainement
+en paix, qu'elle est bien, et cependant d'tre si
+triste.</p>
+
+<p>Et lorsque le peuple vint pour aider emporter
+le corps, et que, selon le commun usage,
+ils lui disaient qu'ils prenaient part son malheur,
+il leur dit: Ne vous chagrinez pas, j'ai envoy
+une sainte au ciel. Oh! puissions-nous
+avoir une telle mort! Une telle mort, je l'accepterais
+sur l'heure!&mdash;Lorsque l'on chanta:
+Seigneur, qu'il ne vous souvienne pas de nos
+anciens pchs! il ajouta: Non-seulement
+des anciens, mais de ceux d'aujourd'hui. Car
+nous sommes avides, usuriers, etc.; le scandale
+<span class="pagenum" id="Page_136">136</span>
+de la messe existe encore dans le monde!</p>
+
+<p>Au retour, il disait entre autres choses: On
+doit s'inquiter du sort de ses enfans, et surtout
+des pauvres filles. Je ne plains pas les garons;
+un garon vit partout pourvu qu'il sache travailler.
+Mais le pauvre petit peuple des filles doit
+chercher sa vie un bton la main. Un garon
+peut aller aux coles, et devenir un habile
+garon (<span lang="de" xml:lang="de">ein feiner man</span>). Une petite fille ne
+peut en faire autant. Elle tourne facilement au
+scandale et devient grosse. Aussi je donne bien
+volontiers celle-ci notre Seigneur.</p>
+
+<p><i>A Jonas.</i> La renomme t'aura, je pense, inform
+de la renaissance de ma fille Madeleine au
+royaume du Christ; et bien que moi et ma femme
+nous dussions ne songer qu' rendre de joyeuses
+actions de grces pour un si heureux passage et
+une fin si dsirable, par o elle a chapp la
+puissance de la chair, du monde, du Turc et du
+Diable, cependant la force <ins title="grec: ts storgs">&#964;&#8134;&#962;
+&#963;&#964;&#959;&#961;&#947;&#8134;&#962;</ins>
+est si grande que je ne puis le supporter sans
+sanglots, sans gmissement, disons mieux, sans
+une vritable mort du c&oelig;ur. Dans le plus profond
+de mon c&oelig;ur sont encore gravs ses traits,
+ses paroles, ses gestes, pendant sa vie et sur son
+lit de mort; mon obissante et respectueuse
+fille! La mort mme du Christ (et que sont toutes
+les morts en comparaison?) ne peut me l'arracher
+<span class="pagenum" id="Page_137">137</span>
+de la pense, comme elle le devrait....
+Elle tait, comme tu sais, douce de caractre,
+aimable et pleine de tendresse. (23 septembre
+1542.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_138">CHAPITRE II.</h3>
+
+<p class="somm">De l'quit, de la Loi.&mdash;Opposition du thologien et du juriste.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Il vaut mieux se gouverner <i>d'aprs la raison
+naturelle que d'aprs la loi crite</i>, car la raison est
+l'me et la reine de la loi<a name="FNanchor_r89" id="FNanchor_r89" href="#Footnote_r89" class="fnanchor">[r89]</a>. Mais o sont les gens
+qui ont une telle intelligence? on en peut peine
+trouver un par sicle. Notre gracieux seigneur,
+l'lecteur Frdric, tait un tel homme. Il y a eu
+encore son conseiller le seigneur Fabian de Feilitsch,
+un lac, qui n'avait point tudi et qui rpondait
+sur <i lang="la" xml:lang="la">apices et medullam juris</i> mieux que
+les juristes d'aprs leurs livres.&mdash;Matre Philippe
+Mlanchton enseigne les arts libraux, de manire
+qu'il en tire moins de lumire qu'il ne leur en
+<span class="pagenum" id="Page_139">139</span>
+prte lui-mme. Moi aussi, je porte mon art dans
+les livres, je ne l'en tire point. Celui qui voudrait
+imiter les quatre hommes dont je viens de
+parler, ferait aussi bien d'y renoncer; il faut
+plutt qu'il apprenne et qu'il coute. De tels
+prodiges sont rares. La loi crite est pour le
+peuple et l'homme du commun. La raison naturelle
+et la haute intelligence sont pour les hommes
+dont j'ai parl.</p>
+
+</div>
+
+<p>Il y a un ternel combat entre les juristes et
+les thologiens; c'est la mme opposition qu'entre
+la loi et la grce.</p>
+
+<p>Le droit est une belle fiance, pourvu qu'elle
+reste dans son lit nuptial<a name="FNanchor_r90" id="FNanchor_r90" href="#Footnote_r90" class="fnanchor">[r90]</a>. Si elle monte dans un
+autre lit et veut gouverner la thologie, c'est une
+grande p...... Le droit doit ter sa <ins id="cor_5" title="original: barette">barrette</ins> devant
+la thologie.</p>
+
+<p><i>A Mlanchton.</i> Je pense comme autrefois sur
+le droit du glaive; je pense avec toi que l'vangile
+n'a rien enseign ni conseill sur ce droit,
+et que cela ne devait tre en aucune faon, parce
+que l'vangile est la loi des volonts et des liberts,
+qui n'ont rien faire avec le glaive ou le
+droit du glaive. Mais ce droit n'y est pas aboli,
+il y est mme confirm et recommand; ce qui
+n'a lieu pour aucune des choses simplement permises.</p>
+
+<p>Avant moi, il n'y a aucun juriste qui ait su ce
+<span class="pagenum" id="Page_140">140</span>
+qu'est le droit, relativement Dieu<a name="FNanchor_r91" id="FNanchor_r91" href="#Footnote_r91" class="fnanchor">[r91]</a>. Ce qu'ils
+ont, ils l'ont de moi. Il n'est point mis dans l'vangile
+que l'on doive adorer les juristes. Si notre
+Seigneur Dieu veut juger, que lui importent
+les juristes? Pour ce qui regarde le monde, je les
+laisse matres. Mais dans les choses de Dieu ils
+doivent tre sous moi. Mon psaume moi,
+c'est celui-ci: <i>Rois soyez chtis</i>, etc. S'il faut
+qu'un des deux prisse, prisse le droit, rgne
+le Christ!</p>
+
+<p><i lang="la" xml:lang="la">Principes convenerunt in unum.</i> David le dit
+lui-mme, <i>contre son fils se dresseront la puissance,
+la sagesse, la multitude du monde, et il
+doit tre seul contre beaucoup, insens contre les
+sages, impuissant contre les puissans</i>. Certes,
+c'est l une merveilleuse conduite des choses.
+Notre Seigneur Dieu ne manque de rien que de
+gens sages, mais derrire sonne le terrible
+<i lang="la" xml:lang="la">Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui judicatis
+terram</i> (Comprenez maintenant, rois;
+instruisez-vous, juges de la terre).</p>
+
+<p>Si les juristes ne prient point pour le pardon
+de leurs pchs et n'acceptent point l'vangile,
+je veux les confondre, de sorte qu'ils ne sachent
+plus comment se tirer d'affaire. Je n'entends
+rien au droit, mais je suis seigneur du droit dans
+les choses qui touchent la conscience.</p>
+
+<p>Nous sommes redevables aux juristes d'avoir
+<span class="pagenum" id="Page_141">141</span>
+enseign et d'enseigner au monde tant d'quivoques,
+de chicanes, de calomnies, que le langage
+est devenu plus confus que dans une Babel.
+Ici, nul ne peut comprendre l'autre, l, nul ne
+veut comprendre. O sycophantes, sophistes,
+pestes du genre humain. Je t'cris tout en colre,
+et je ne sais si, de sang-froid, j'enseignerais
+mieux. (6 fvrier 1546.)</p>
+
+<p>La veille d'un jour o on allait faire un docteur
+en droit, Luther disait: Demain on fera une
+nouvelle vipre contre les thologiens.</p>
+
+<p>On a raison de dire: <i>un bon juriste est un
+mauvais chrtien</i>. En effet, le juriste estime et
+vante la justice des &oelig;uvres, comme si c'tait par
+l qu'on est juste devant Dieu. S'il devient chrtien,
+il est considr parmi les juristes comme
+un animal monstrueux, il faut qu'il mendie son
+pain, les autres le regardent comme sditieux.</p>
+
+<p>Qu'on frappe la conscience des juristes, ils
+ne savent ce qu'ils doivent faire. Mnzer les attaquait
+avec l'pe; c'tait un fou.</p>
+
+<p>Si j'tudiais seulement deux ans en droit, je
+voudrais devenir plus savant que le docteur C.;
+car je parlerais des choses, selon qu'elle sont vritablement
+justes ou injustes. Mais lui, il chicane
+sur les mots.</p>
+
+<p>La doctrine des juristes n'est rien qu'un <i>nisi</i>,
+<span class="pagenum" id="Page_142">142</span>
+un <i>except</i>. La thologie ne procde pas ainsi,
+elle a un ferme fondement.</p>
+
+<p>L'autorit des thologiens consiste en ce
+qu'ils peuvent obscurcir les universaux, et tout
+ce qui s'y rapporte. Ils peuvent lever et abaisser.
+Si la Parole se fait entendre, Mose et l'Empereur
+doivent cder.</p>
+
+<p>Le droit et les lois des Perses et des Grecs
+sont tombs en dsutude et abolis. Le droit
+romain ou imprial ne tient plus qu' un fil<a name="FNanchor_a64" id="FNanchor_a64" href="#Footnote_a64" class="fnanchor">[a64]</a>.
+Car si un empire ou un royaume tombe, ses lois
+et ordonnances doivent tomber aussi.</p>
+
+<p>Je laisse le cordonnier, le tailleur, le juriste
+pour ce qu'ils sont. Mais qu'ils n'attaquent point
+ma chaire!...</p>
+
+<p>Beaucoup de gens croient que la thologie
+qui est rvle aujourd'hui, n'est rien. Si cela a
+lieu de notre vivant, que sera-ce aprs notre
+mort? En rcompense beaucoup d'entre nous sont
+gros de cette pense dont ils accoucheront plus
+tard, que le droit n'est rien.</p>
+
+<p><i>Sermon contre les juristes, prch le jour des
+Rois.</i> Voil comme agissent nos fiers juristes et
+chevaliers s-lois de Wittemberg... Ils ne lisent
+point nos livres, les appellent catoniques (pour
+canoniques), ne s'inquitent pas de notre Seigneur,
+et ne visitent point nos glises<a name="FNanchor_r92" id="FNanchor_r92" href="#Footnote_r92" class="fnanchor">[r92]</a>. Eh bien!
+puisqu'ils ne reconnaissent point le docteur Pomer
+<span class="pagenum" id="Page_143">143</span>
+pour vque de Wittemberg, ni moi pour
+prdicateur de cette glise, je ne les compte
+plus dans mon troupeau.</p>
+
+<p>Mais, disent-ils, vous allez contre le droit
+imprial. J'emm...e ce droit qui fait tort au pauvre
+homme.</p>
+
+<p>Suit un dialogue du juriste avec le plaideur
+ qui il promet pour dix thalers de faire traner
+une affaire dix ans... Bonnes et pieuses gens
+comme Reinicke Fuchs, dans le pome du Renard...</p>
+
+<p>Bon peuple, veuillez agrer les motifs pour
+lesquels je veux tre impitoyable envers les juristes<a name="FNanchor_r93" id="FNanchor_r93" href="#Footnote_r93" class="fnanchor">[r93]</a>...
+Ils vantent le droit canonique, la m...e
+du pape, et le reprsentent comme une chose
+magnifique, lorsque nous l'avons, avec tant de
+peine, repouss et chass de nos glises... Je te
+le conseille, juriste, laisse dormir le vieux dogue<a name="FNanchor_a65" id="FNanchor_a65" href="#Footnote_a65" class="fnanchor">[a65]</a>.
+Une fois veill, tu ne le ramnerais pas aisment
+ la loge.</p>
+
+<p>Les juristes se plaignent fort, et m'en veulent.
+Qu'y puis-je faire? Si je ne devais pas rendre
+compte de leurs mes, je ne les chtierais
+point. Il dclare pourtant ensuite<a name="FNanchor_a66" id="FNanchor_a66" href="#Footnote_a66" class="fnanchor">[a66]</a> qu'il n'a
+point parl des juristes pieux.<a name="FNanchor_a67" id="FNanchor_a67" href="#Footnote_a67" class="fnanchor">[a67]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_144">CHAPITRE III.</h3>
+
+<p class="somm">La Foi, la Loi.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p><i>A Gerbellius</i>: Dans cette cohue de scandales,
+ne te dmens pas toi-mme. Je te la rends
+pour te soutenir, l'pouse (la foi) que tu m'as montre
+jadis; je te la rends vierge et sans tache. Mais
+ce qu'il y a en elle d'admirable et d'inou, c'est
+qu'elle dsire et attire une infinit de rivaux, et
+qu'elle est d'autant plus chaste qu'elle est l'pouse
+d'un plus grand nombre.</p>
+
+<hr class="light" />
+
+</div>
+
+<p>Notre rival, Philippe Mlanchton, te salue.
+Adieu, sois heureux avec la fiance de ta jeunesse.
+(23 janvier 1523).</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_145">145</span>
+<i>A Mlanchton.</i> Sois pcheur, et pche fortement,
+mais aie encore plus forte confiance, et
+rjouis-toi en Christ, qui est le vainqueur du
+pch, de la mort et du monde. Il faut pcher,
+tant que nous sommes ici. Cette vie n'est point
+le sjour de la justice; non, nous attendons,
+comme dit Pierre, les cieux nouveaux et la terre
+nouvelle o la justice habite.....</p>
+
+<p>Prie grandement; car tu es un grand pcheur.</p>
+
+<p>Je suis maintenant tout--fait dans la doctrine
+de la rmission des pchs<a name="FNanchor_r94" id="FNanchor_r94" href="#Footnote_r94" class="fnanchor">[r94]</a>. Je n'accorde
+rien la Loi ni tous les Diables. Celui qui peut
+croire en son c&oelig;ur la rmission des pchs,
+celui-l est sauv.</p>
+
+<p>De mme qu'il est impossible de rencontrer
+dans la nature le point <i>mathmatique</i>, <i>indivisible</i>,
+de mme l'on ne trouve nulle part la justice telle
+que la Loi la demande. Personne ne peut satisfaire
+ la Loi entirement, et les juristes eux-mmes,
+malgr tout leur art, sont bien souvent obligs de
+recourir la rmission des pchs, car ils n'atteignent
+pas toujours le but, et quand ils ont
+rendu un faux jugement, et que le Diable leur
+tourmente la conscience, ni Barthole, ni Baldus,
+ni tous leurs autres docteurs ne leur servent de
+rien. Pour rsister, ils sont forcs de se couvrir
+de l'<ins title="grec: epieikeia">&#7952;&#960;&#953;&#949;&#8055;&#954;&#949;&#953;&#945;</ins>,
+c'est--dire de la rmission des
+<span class="pagenum" id="Page_146">146</span>
+pchs. Ils font leur possible pour bien juger, et
+aprs cela il ne leur reste plus qu' dire: Si j'ai
+mal jug, mon Dieu, pardonne-le-moi.&mdash;C'est
+la thologie seule qui possde le point mathmatique,
+elle ne ttonne pas, elle a le Verbe
+mme de Dieu. Elle dit: Il n'est qu'une justice,
+Jsus-Christ. Qui vit en lui, celui-l est juste.</p>
+
+<p>La Loi sans doute est ncessaire, mais non
+pour la batitude, car personne ne peut l'accomplir;
+mais le pardon des pchs la consomme
+et l'accomplit<a name="FNanchor_r95" id="FNanchor_r95" href="#Footnote_r95" class="fnanchor">[r95]</a>.</p>
+
+<p>La Loi est un vrai labyrinthe qui ne peut que
+brouiller les consciences, et la justice de la Loi est
+un minotaure, c'est--dire une pure fiction qui
+ne nous conduit point la batitude, mais nous
+attire en enfer.</p>
+
+<p><i>Addition de Luther une lettre de Mlanchton
+sur la Grce et la Loi...</i>&mdash;Pour me dlivrer
+entirement de la vue de la loi et des &oelig;uvres,
+je ne me contente pas mme de voir en Jsus-Christ
+mon matre, mon docteur et mon donateur,
+je veux qu'il soit lui-mme ma doctrine et
+mon don, de telle sorte, qu'en lui je possde
+toute chose<a name="FNanchor_r96" id="FNanchor_r96" href="#Footnote_r96" class="fnanchor">[r96]</a>. Il dit: Je suis le chemin, la vrit
+et la vie, non pas: Je te montre ou je
+te donne le chemin, la vrit et la vie, comme
+s'il oprait seulement ceci en moi, et que lui-mme
+il ft nanmoins en dehors de moi...&mdash;Il
+<span class="pagenum" id="Page_147">147</span>
+n'est qu'un seul point dans toute la thologie:
+vraie foi et confiance en Jsus-Christ<a name="FNanchor_r97" id="FNanchor_r97" href="#Footnote_r97" class="fnanchor">[r97]</a>. Cet
+article contient tous les autres.&mdash;Notre foi est
+un soupir inexprimable. Et ailleurs: Nous
+sommes nos propres geliers. (C'est--dire que
+nous nous enfermons dans nos &oelig;uvres, au lieu
+de nous lancer dans la foi<a name="FNanchor_r98" id="FNanchor_r98" href="#Footnote_r98" class="fnanchor">[r98]</a>.)</p>
+
+<p>Le diable veut seulement une justice <i>active</i>,
+une justice que nous fassions nous-mmes en
+nous, tandis que nous n'en avons qu'une <i>passive</i>
+et trangre qu'il ne veut point nous laisser<a name="FNanchor_r99" id="FNanchor_r99" href="#Footnote_r99" class="fnanchor">[r99]</a>.
+Si nous tions borns l'<i>active</i>, nous serions
+perdus, car elle est dfectueuse dans tous les
+hommes.</p>
+
+<p>Un docteur anglais, Antonius Barns, demandait
+au docteur Luther si les chrtiens, justifis
+par la foi en Christ, mritaient quelque chose
+pour les &oelig;uvres qui venaient ensuite<a name="FNanchor_r100" id="FNanchor_r100" href="#Footnote_r100" class="fnanchor">[r100]</a>. Car cette
+question tait souvent agite en Angleterre.
+Rponse: 1<sup>o</sup> Nous sommes encore pcheurs
+aprs la justification; 2<sup>o</sup> Dieu promet rcompense
+ ceux qui font bien. Les &oelig;uvres ne mritent
+point le ciel, mais elles ornent la foi qui
+nous justifie. Dieu ne couronne que les dons
+mmes qu'il nous a faits.</p>
+
+<p><span class="smcap" lang="la" xml:lang="la">Fidelis anim vox ad Christum.</span> <i lang="la" xml:lang="la">Ego sum
+tuum peccatum, tu mea justitia; triumpho igitur securus</i>, etc.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_148">148</span>
+Pour rsister au dsespoir, il ne suffit pas
+d'avoir de vains mots sur la langue, ni une vaine
+et faible opinion; mais il faut qu'on relve la
+tte, que l'on prenne une me ferme et que l'on
+se confie en Christ contre le pch, la mort,
+l'enfer, la Loi et la mauvaise conscience<a name="FNanchor_r101" id="FNanchor_r101" href="#Footnote_r101" class="fnanchor">[r101]</a>.</p>
+
+<p>Quand la Loi t'accuse et te reproche tes
+fautes, ta conscience te dit: Oui, Dieu a donn
+la Loi et command de l'observer sous peine de
+damnation ternelle; il faut donc que tu sois
+damn. A cela tu rpondras: Je sais bien que
+Dieu a donn la Loi, mais il a aussi donn par
+son fils l'vangile qui dit: Celui qui aura reu le
+baptme et qui croira, sera sauv. Cet vangile
+est plus grand que toute la Loi, car la Loi est
+terrestre et nous a t transmise par un homme;
+l'vangile est cleste et nous a t apport par le
+Fils de Dieu.&mdash;N'importe, dit la conscience, tu
+as pch et transgress le commandement de
+Dieu; donc tu seras damn.&mdash;<i>Rponse</i>: Je sais
+fort bien que j'ai pch, mais l'vangile m'affranchit
+de mes pchs, parce que je crois en
+Jsus, et cet vangile est lev au-dessus de la
+Loi autant que le ciel l'est au-dessus de la terre.
+C'est pourquoi le corps doit rester sur la terre et
+porter le fardeau de la Loi, mais la conscience
+monter, avec Isaac, sur la montagne, et s'attacher
+ l'vangile, qui promet la vie ternelle
+<span class="pagenum" id="Page_149">149</span>
+ceux qui croient en Jsus-Christ.&mdash;N'importe,
+dit encore la conscience, tu iras en enfer; tu n'as
+pas observ la Loi.&mdash;<i>Rponse</i>: Oui, si le ciel
+ne venait mon secours; mais il est venu mon
+secours, il s'est ouvert pour moi; le Seigneur a
+dit: Celui qui sera baptis et qui croira, sera
+sauv.</p>
+
+<p>Dieu dit Mose: Tu verras mon dos, mais
+non point mon visage<a name="FNanchor_r102" id="FNanchor_r102" href="#Footnote_r102" class="fnanchor">[r102]</a>. Le dos c'est la Loi, le
+visage c'est l'vangile.</p>
+
+<p>La Loi ne souffre pas la Grce, et son tour
+la Grce ne souffre pas la Loi. La Loi est donne
+seulement aux orgueilleux, aux arrogans, la
+noblesse, aux paysans, aux hypocrites et ceux
+qui ont mis leur amour et leur plaisir dans la
+multitude des lois. Mais la Grce est promise aux
+pauvres c&oelig;urs souffrans, aux humbles, aux affligs;
+c'est eux que regarde le pardon des pchs.
+A la Grce appartiennent matre Nicolas
+Hausmann, Cordatus, Philippe (Mlanchton) et
+moi.</p>
+
+<p>Il n'y a point d'auteur, except saint Paul,
+qui ait crit d'une manire complte et parfaite
+sur la Loi, car c'est la mort de toute raison de
+juger la Loi: l'esprit en est le seul juge.
+(15 aot 1530.)</p>
+
+<p>La bonne et vritable thologie consiste dans
+la pratique, l'usage et l'exercice. Sa base et son
+<span class="pagenum" id="Page_150">150</span>
+fondement, c'est le Christ, dont on comprend
+avec la foi, la passion, la mort et la rsurrection.
+Ils se font aujourd'hui, pour eux, une <i>thologie
+spculative</i> d'aprs la raison. Cette <i>thologie spculative</i>
+appartient au diable dans l'enfer. Ainsi
+Zwingle et les sacramentaires <i>spculent</i> que le
+corps du Christ est dans le pain, mais seulement
+dans le sens spirituel. C'est aussi la thologie
+d'Origne. David n'agit pas ainsi, mais il reconnat
+ses pchs et dit: <i lang="la" xml:lang="la">Miserere mei Domine!</i></p>
+
+<p>J'ai vu nagure deux signes au ciel. Je regardais
+par la fentre au milieu de la nuit, et je vis
+les toiles et toute la vote majestueuse de Dieu
+se soutenir sans que je pusse apercevoir les colonnes
+sur lesquelles le Matre avait appuy cette
+vote. Cependant elle ne s'croulait pas. Il y en
+a maintenant qui cherchent ces colonnes et qui
+voudraient les toucher de leurs mains. Mais
+comme ils n'y peuvent arriver, ils tremblent,
+se lamentent, et craignent que le ciel ne tombe.
+Ils pourraient les toucher que le ciel n'en bougerait
+pas.</p>
+
+<p>Plus tard je vis de gros nuages, tout chargs,
+qui flottaient sur ma tte comme un ocan. Je
+n'apercevais nul appui qui les pt soutenir.
+Nanmoins, ils ne tombaient pas, mais nous saluaient
+tristement et passaient. Et comme ils
+passaient, je distinguai dessous la courbe qui les
+<span class="pagenum" id="Page_151">151</span>
+avait soutenus, un dlicieux arc-en-ciel. Mince
+il tait sans doute, bien dlicat, et l'on devait
+trembler pour lui en voyant la masse des nuages.
+Cependant cette ligne arienne suffisait pour porter
+cette charge et nous protger. Nous en voyons
+toutefois qui craignent le poids du nuage, et ne
+se fient pas au lger soutien; ils voudraient bien
+en prouver la force, et, ne le pouvant, ils
+craignent que les nuages ne fondent et ne nous
+abment de leurs flots..... Notre arc-en-ciel est
+faible, leurs nuages sont lourds. Mais la fin jugera
+de la force de l'arc. <i lang="la" xml:lang="la">Sed in fine videbitur
+cujus toni.</i><a name="FNanchor_a68" id="FNanchor_a68" href="#Footnote_a68" class="fnanchor">[a68]</a> (aot 1530.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_152">CHAPITRE IV.</h3>
+
+<p class="somm">Des novateurs: Mystiques, etc.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Le comment nous russit mal, c'est la cause
+de la ruine d'Adam.</p>
+
+<p>Je crains deux choses: l'picurisme et l'enthousiasme,
+deux sectes qui doivent rgner encore.</p>
+
+</div>
+
+<p>Otez le dcalogue, il n'y a plus d'hrsie.
+L'criture sainte est le livre de tous les hrtiques<a name="FNanchor_a69" id="FNanchor_a69" href="#Footnote_a69" class="fnanchor">[a69]</a>.</p>
+
+<p>Luther nommait les esprits sditieux et prsomptueux,
+des saints prcoces qui, avant la maturit,
+taient piqus des vers et au moindre vent
+tombaient de l'arbre. Les rveurs (schwermer)
+<span class="pagenum" id="Page_153">153</span>
+sont comme les papillons. D'abord c'est une chenille
+qui se pend un mur, s'y fait une petite
+maison, clot la chaleur du soleil, et s'envole
+en papillon. Le papillon meurt sur un arbre et
+laisse une longue trane d'&oelig;ufs.</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther disait au sujet des
+faux frres et hrtiques qui se sparent de nous,
+qu'il fallait les laisser faire et ne pas s'en inquiter;
+s'ils ne nous coutent point, nous les enverrons
+avec tous leurs beaux semblans en enfer<a name="FNanchor_r103" id="FNanchor_r103" href="#Footnote_r103" class="fnanchor">[r103]</a>.</p>
+
+<p>Quand je commenai crire contre les indulgences,
+je fus pendant trois ans tout seul, et
+personne ne me tendait la main<a name="FNanchor_r104" id="FNanchor_r104" href="#Footnote_r104" class="fnanchor">[r104]</a>. Aujourd'hui ils
+veulent tous triompher. J'aurais bien assez de
+mal avec mes ennemis sans celui que me font mes
+bons petits frres. Mais qui peut rsister tous?
+ce sont des jeunes gens tout frais, qui n'ont
+rien fait jusqu'ici; moi je suis vieux maintenant,
+et j'ai eu de grandes peines, de grands travaux.
+Osiander peut faire le fier; il a du bon temps; il
+a deux prdications faire par semaine et quatre
+cents florins par an.</p>
+
+<p>En 1521, il vint chez moi l'un de ceux de
+Zwickau, du nom de Marcus, assez affable dans
+ses manires, mais frivole dans ses opinions et
+dans sa vie<a name="FNanchor_r105" id="FNanchor_r105" href="#Footnote_r105" class="fnanchor">[r105]</a>. Il voulait confrer avec moi au sujet
+de sa doctrine. Comme il ne parlait que de choses
+trangres l'criture, je lui dis que je ne reconnaissais
+<span class="pagenum" id="Page_154">154</span>
+que la parole de Dieu, et que, s'il
+voulait tablir autre chose, il devait au moins
+prouver sa mission par des miracles. Il me rpondit:
+Des miracles? ah! vous en verrez dans
+sept ans. Dieu mme ne pourrait m'enlever ma
+foi. Il dit aussi: Je vois de suite si quelqu'un
+est lu ou non.&mdash;Aprs qu'il m'eut beaucoup
+parl du <i>talent</i> qu'il ne fallait pas enfouir, du
+<i>dgrossissement</i>, de l'<i>ennui</i>, de l'<i>attente</i>, je lui
+demandai qui comprenait cette langue. Il me rpondit
+qu'il ne prchait que devant les disciples
+croyans et habiles. Comment vois-tu qu'ils sont
+habiles? lui dis-je.&mdash;Je n'ai qu' les regarder,
+rpondit-il, pour voir leur <i>talent</i>.&mdash;Quel <i>talent</i>,
+mon ami, trouves-tu en moi par exemple?&mdash;Vous
+tes encore au premier degr de la mobilit,
+me rpondit-il, mais il viendra un temps
+o vous serez au premier de l'immobilit comme
+moi.&mdash;Sur ce, je lui citai plusieurs textes de
+l'criture et nous nous sparmes. Quelque
+temps aprs, il m'crivit une lettre trs amicale,
+pleine d'exhortations; mais je lui rpondis:
+Adieu, cher Marcus.</p>
+
+<p>Plus tard, il vint chez moi un tourneur qui
+se disait aussi prophte. Il me rencontra au moment
+o je sortais de ma maison, et me dit d'un
+ton hardi: Monsieur le docteur, je vous apporte
+un message de mon Pre.&mdash;Qui est donc ton
+<span class="pagenum" id="Page_155">155</span>
+pre? lui dis-je.&mdash;Jsus-Christ, rpondit-il.&mdash;C'est
+notre pre commun, lui dis-je; que t'a-t-il
+ordonn de m'annoncer?&mdash;Je dois vous annoncer,
+de la part de mon pre, que Dieu est irrit
+contre le monde.&mdash;Qui te l'a dit?&mdash;Hier, en
+sortant par la porte de Koswick, j'ai vu dans l'air
+un petit nuage de feu; cela prouve videmment
+que Dieu est irrit<a name="FNanchor_a70" id="FNanchor_a70" href="#Footnote_a70" class="fnanchor">[a70]</a>. Il me parla encore d'un
+autre signe. Au milieu d'un sommeil profond,
+dit-il, j'ai vu des ivrognes assis table, qui disaient:
+Buvons, buvons; et la main de Dieu
+tait au-dessus d'eux. Soudain l'un d'eux me versa
+de la bire sur la tte et je m'veillai.&mdash;coute,
+mon ami, lui dis-je alors, ne plaisante pas ainsi
+avec le nom et les ordres de Dieu; et je le rprimandai
+vivement. Quand il vit dans quelles dispositions
+j'tais son gard, il s'en alla tout en
+colre et murmurant: Sans doute quiconque
+ne pense pas comme Luther est un fou.</p>
+
+<p>Une autre fois encore, j'eus affaire un
+homme des Pays-Bas. Il voulait disputer avec moi
+<i>jusqu'au feu inclusivement</i>, disait-il. Quand je
+vis son ignorance, je lui dis: Ne vaudrait-il
+pas mieux que nous disputassions sur quelques
+canettes de bire? Ce mot le fcha, et il s'en
+alla. Le diable est un esprit orgueilleux; il ne
+saurait souffrir qu'on le mprise.</p>
+
+<p>Matre Stiefel vint Wittemberg, parla secrtement
+<span class="pagenum" id="Page_156">156</span>
+avec le docteur Luther, et lui montra son
+opinion en vingt articles, sur le jugement dernier<a name="FNanchor_r106" id="FNanchor_r106" href="#Footnote_r106" class="fnanchor">[r106]</a>.
+Il pensait que le jugement aurait lieu le
+jour de saint Luc. On lui dit de se tenir tranquille
+et de n'en point parler; ce qui le chagrina
+fort. Cher seigneur docteur, dit-il, je m'tonne
+que vous me dfendiez de prcher ceci, et que
+vous ne vouliez pas me croire. Il est cependant
+sr que je dois en parler, quoique je ne le fasse
+point volontiers. Le docteur Luther lui rpliqua:
+Cher matre, vous avez bien pu vous taire dix
+ans sur ce sujet, pendant le rgne de la papaut;
+tenez-vous encore tranquille pour le peu de temps
+qui reste.&mdash;Mais ce matin mme, comme je me
+mettais en marche de bonne heure, j'ai vu un
+arc-en-ciel trs beau, et j'ai pens la venue du
+Christ.&mdash;Non, il n'y aura point alors d'arc-en-ciel;
+d'un mme coup le feu du tonnerre consumera
+toute crature. Un fort et puissant son
+de trompette nous rveillera tous. Ce n'est pas
+avec le son du chalumeau que l'on se fera entendre
+sur-le-champ ceux qui sont dans la
+tombe. (1533.)</p>
+
+<p>Michel Stiefel croit tre le septime ange qui
+annonce le dernier jour<a name="FNanchor_a71" id="FNanchor_a71" href="#Footnote_a71" class="fnanchor">[a71]</a>; il donne ses livres et
+ses meubles, comme s'il n'en avait plus besoin.</p>
+
+<p>Bileas est certainement damn, quoiqu'il ait
+eu de bien grandes rvlations, pas moindres
+<span class="pagenum" id="Page_157">157</span>
+que celles de Daniel; car il embrasse aussi les
+quatre empires<a name="FNanchor_r107" id="FNanchor_r107" href="#Footnote_r107" class="fnanchor">[r107]</a>. C'est un terrible exemple pour
+les orgueilleux. Oh! humilions-nous.</p>
+
+<p>Le docteur Jeckel est un compagnon de
+l'espce de Eisleben (Agricola)<a name="FNanchor_r108" id="FNanchor_r108" href="#Footnote_r108" class="fnanchor">[r108]</a>. Il faisait la cour
+ma nice Anna; mais je lui dis: Cela ne doit
+point se faire, dans toute l'ternit! Et la petite
+fille: Si tu veux l'avoir, te-toi pour toujours
+de devant mes yeux; je ne veux plus te
+voir ni t'entendre.</p>
+
+<p>Le duc Henri de Saxe tant venu Wittemberg,
+le docteur Martin Luther lui parla deux
+fois contre le docteur Jeckel, et exhorta le prince
+ songer aux maux de l'glise. Jeckel avait prch
+la doctrine suivante: Fais ce que tu veux, crois
+seulement, tu seras sauv.&mdash;Il faudrait dire:
+Quand tu seras <i>ren</i>, et devenu un nouvel
+homme, fais alors ce qui se prsente toi. Les
+sots ne savent point ce que c'est que la foi...
+Un pasteur de Torgau vint se plaindre au docteur
+Luther de l'insolence et de l'hypocrisie du
+docteur Jeckel, qui, par ses ruses, avait attir
+ lui tous ceux de la noblesse, du conseil, et le
+prince mme. Le docteur l'ayant entendu, frmit,
+soupira, se tut, et se mit en prire; et le
+mme jour, il ordonna qu'on exiget d'Eisleben
+(Agricola), qu'il ft une rtractation publique,
+ou qu'il ft publiquement confondu.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_158">158</span>
+Le docteur Luther faisant reproche Jeckel
+de ce qu'ayant si peu d'exprience, tant si peu
+exerc dans la dialectique et la rhtorique, il
+osait entreprendre de telles choses contre ses
+matres et prcepteurs, il rpondit<a name="FNanchor_r109" id="FNanchor_r109" href="#Footnote_r109" class="fnanchor">[r109]</a>: Je dois
+craindre Dieu plus que mes prcepteurs; j'ai un
+Dieu aussi bien que vous... Le docteur Jeckel
+se mit ensuite table pour souper; il avait l'air
+sombre; et le docteur Luther se curait les dents,
+ainsi que les convives venus de Freyberg. Alors
+Luther se mit dire: Si j'avais rendu la cour
+aussi pieuse que vous le monde, j'aurais bien
+travaill, etc. Et Jeckel se tenait toujours avec
+un air sombre, les yeux baisss, montrant, par
+cette contenance, ce qu'il avait en esprit. Enfin
+Luther se leva, et voulut sortir; Jeckel aurait
+encore bien voulu s'expliquer et discuter
+avec lui; mais le docteur ne voulut plus lui
+parler.</p>
+
+<p><i>Des Antinomiens, et particulirement d'Eisleben
+(Agricola)<a name="FNanchor_r110" id="FNanchor_r110" href="#Footnote_r110" class="fnanchor">[r110]</a>.</i>&mdash;Ah! combien cela fait mal,
+quand on perd un bon ami qu'on aimait beaucoup!
+J'ai eu cet homme-l ma table; il a t
+mon bon compagnon, il riait avec moi, il tait
+gai... et voil qu'il se met contre moi!... Cela
+n'est point souffrir. Rejeter la loi sans laquelle
+il n'y a ni glise, ni gouvernement, cela ne s'appelle
+pas percer le tonneau, mais le dfoncer....
+<span class="pagenum" id="Page_159">159</span>
+C'est le moment de combattre... Puis-je le voir
+s'enorgueillir pendant ma vie, et vouloir gouverner?...
+Il ne suffit pas qu'il dise, pour s'excuser,
+qu'il n'a parl que du docteur Creuziger et de
+matre Roerer. Le Catchisme, l'Explication du
+dcalogue et la Confession d'Augsbourg, sont
+miens, et non point Creuziger ou Roerer... Il
+veut enseigner la pnitence par l'amour de la justice.
+Ainsi, il ne prche qu'aux hommes justes et
+pieux la rvlation du courroux divin. Il ne prche
+pas pour les impies. Cependant saint Paul dit:
+<i>La Loi est donne aux injustes</i>. En somme, en
+tant la Loi, il te aussi l'vangile; il tire notre
+croyance du ferme appui de la conscience, pour
+la soumettre aux caprices de la chair.</p>
+
+<p>Qui aurait pens la secte des antinomiens<a name="FNanchor_r111" id="FNanchor_r111" href="#Footnote_r111" class="fnanchor">[r111]</a>?...
+J'ai surmont trois cruels orages: Mnzer, les
+sacramentaires et les anabaptistes. Il faudra donc
+crire sans fin! Je ne dsire pas vivre long-temps,
+car il n'y a plus de paix esprer. (1538.)</p>
+
+<p>Le docteur Luther ordonna matre Ambroise
+Bernd d'apprendre aux professeurs de l'universit
+ ne point tre factieux, ne point prparer
+de schisme, et il dfendit que matre Eisleben ft
+lu doyen... Dites cela vos facultistes, et s'ils
+n'en font rien, je prcherai contre eux. (1539.)</p>
+
+<p>Le dernier jour de novembre, Luther tait
+en joie et en gat avec ses cousins, son frre, sa
+<span class="pagenum" id="Page_160">160</span>
+s&oelig;ur, et quelques bons amis de Mansfeld. On
+fit mention de matre Grickel, et ils le priaient
+pour lui. Le docteur rpondit: J'ai tenu cet
+homme-l pour mon plus fidle ami; mais il m'a
+tromp par ses ruses, j'crirai bientt contre lui;
+qu'il y prenne garde; il n'y a en lui aucune pnitence.
+(1538.)</p>
+
+<p>J'ai eu tant de confiance en cet homme-l
+(Eisleben), que, lorsque j'allai Smalkalde,
+en 1537, je lui recommandai ma chaire, mon
+glise, ma femme, mes enfans, ma maison,
+tout ce que j'avais de secret<a name="FNanchor_r112" id="FNanchor_r112" href="#Footnote_r112" class="fnanchor">[r112]</a>.</p>
+
+<p>Le dernier jour de janvier, 1539, au soir, le
+docteur Luther lut les propositions qu'Eisleben
+allait soutenir contre lui; il y avait mis je ne sais
+quelles absurdits de Sal et de Jonathas (J'ai
+mang un peu de miel et c'est pour cela que je
+meurs). Jonathas, dit Luther, c'est matre Eisleben
+qui mange le miel et prche l'vangile; Sal,
+c'est Luther... Ah! Eisleben, es-tu donc un tel...
+Oh! Dieu te pardonne ton amertume!</p>
+
+<p>Si la Loi est ainsi renvoye de l'glise au conseil,
+ l'autorit civile, celle-ci dira son tour:
+Nous sommes aussi de fidles chrtiens, la Loi ne
+nous regarde point. Le bourreau finira par en dire
+autant. Il n'y aura plus que grce, douceur, et
+bientt caprices effrns et sclratesse. Ainsi
+commena Mnzer.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_161">161</span>
+En 1540, Luther donna un repas auquel assistrent
+les principaux membres de l'Universit<a name="FNanchor_r113" id="FNanchor_r113" href="#Footnote_r113" class="fnanchor">[r113]</a>.
+Vers la fin du repas, quand tout le monde fut
+en belle humeur, un verre cercles de couleurs
+fut apport. Luther y versa du vin et le vida
+ la sant des convives. Ceux-ci lui rendirent
+son salut en vidant le verre chacun son tour,
+la sant de leur hte. Quand ce fut le tour de
+matre Eisleben, Luther lui prsenta le verre en
+disant: Mon cher, ce qui, dans ce verre, est
+au-dessus du premier cercle, ce sont les dix commandemens;
+de l jusqu'au second, c'est le <i>credo</i>;
+jusqu'au troisime c'est le <i>pater noster</i>; le catchisme
+est au fond. Puis il le vida lui-mme,
+le fit remplir de nouveau et le donna matre
+Eisleben. Celui-ci n'alla point au-del du premier
+cercle, il remit le verre sur la table et ne le
+put regarder sans une espce d'horreur. Luther
+le vit, et il dit aux convives: Je savais bien
+que matre Eisleben ne boirait qu'aux Commandemens,
+et qu'il laisserait le <i>credo</i>, le <i>pater noster</i>
+et le catchisme.</p>
+
+<p>Matre Jobst tant la table de Luther, lui
+montra des propositions d'aprs lesquelles on
+ne devait point prcher la Loi, puisque ce n'est
+pas elle qui nous justifie<a name="FNanchor_r114" id="FNanchor_r114" href="#Footnote_r114" class="fnanchor">[r114]</a>. Luther s'emporta et
+dit: Faut-il que les ntres commencent de
+telles choses, mme de notre vivant. Ah! combien
+<span class="pagenum" id="Page_162">162</span>
+nous devons honorer matre Philippe (Mlanchton),
+qui enseigne avec clart et vrit
+l'usage et l'utilit de la Loi. Elle se vrifie, la
+prophtie du comte Albert de Mansfeld qui m'crivait:
+<i>Il y a derrire cette doctrine un Mnzer</i>.
+En effet celui qui dtruit la doctrine de la Loi,
+dtruit en mme temps <i lang="la" xml:lang="la">politicam et &oelig;conomiam</i>. Si
+l'on met la Loi en dehors de l'glise, il n'y aura
+plus de pch reconnu dans le monde: car l'vangile
+ne dfinit et ne punit le pch qu'en recourant
+ la Loi. (1541.)</p>
+
+<p>Si, au commencement, j'ai dans ma doctrine
+parl et crit si durement contre la Loi, cela est
+venu de ce que l'glise chrtienne tait charge
+de superstitions, sous lesquelles Christ tait
+tout--fait obscurci et enterr<a name="FNanchor_r115" id="FNanchor_r115" href="#Footnote_r115" class="fnanchor">[r115]</a>. Je voulais sauver
+et affranchir de cette tyrannie de la conscience
+les mes pieuses et craignant Dieu. Mais je n'ai
+jamais rejet la Loi...<a name="FNanchor_a72" id="FNanchor_a72" href="#Footnote_a72" class="fnanchor">[a72]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_163">CHAPITRE V.</h3>
+
+<p class="somm">Tentations: Regrets et doutes des amis, de la femme; Doutes
+de Luther lui-mme.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Matre Philippe Mlanchton dit un jour la
+fable suivante la table du docteur Martin Luther<a name="FNanchor_r116" id="FNanchor_r116" href="#Footnote_r116" class="fnanchor">[r116]</a>:
+Un homme avait pris un petit oiseau, et
+le petit oiseau aurait bien voulu tre libre, et il
+disait l'homme: O mon bon ami, lche-moi,
+je te montrerai une belle perle qui vaut bien des
+milliers de florins! Tu me trompes, dit l'homme.
+Oh non! aie confiance, viens avec moi, je vais
+te la montrer. L'homme lche l'oiseau, qui se
+perche sur un arbre et lui chante: <i lang="la" xml:lang="la">Crede parm,
+tua serva, et qu perire, relinque</i> (ne te confie
+<span class="pagenum" id="Page_164">164</span>
+pas trop, garde bien le tien, laisse ce qui est
+perdu sans retour). C'tait en effet une belle
+perle qu'il lui laissait.</p>
+
+</div>
+
+<p>Philippe me demandait une fois que je voulusse
+lui tirer de la Bible une devise, mais telle
+qu'il ne s'en lasst point<a name="FNanchor_r117" id="FNanchor_r117" href="#Footnote_r117" class="fnanchor">[r117]</a>. On ne peut rien donner
+ l'homme dont il ne se lasse.</p>
+
+<p>Si Philippe n'et pas t si afflig par les
+tentations, il aurait des ides et des opinions
+singulires<a name="FNanchor_r118" id="FNanchor_r118" href="#Footnote_r118" class="fnanchor">[r118]</a>.</p>
+
+<p>Le paradis de Luther est trs grossier. Il croit
+que, dans le nouveau ciel et la nouvelle terre, il
+y aura aussi des animaux utiles<a name="FNanchor_r119" id="FNanchor_r119" href="#Footnote_r119" class="fnanchor">[r119]</a>. Je pense souvent
+ la vie ternelle et aux joies que l'on doit y
+trouver, mais je ne puis comprendre quoi nous
+y passerons le temps, car il n'y aura aucun changement,
+aucun travail, ni boire, ni manger, ni
+affaire; mais je pense que nous aurons assez
+d'objets contempler. Sur cela, Philippe Mlanchton
+dit trs bien: Matre, montrez-nous le
+Pre; cela nous suffit.</p>
+
+<p>Les paysans ne sont pas dignes de tant de
+fruits que porte la terre<a name="FNanchor_r120" id="FNanchor_r120" href="#Footnote_r120" class="fnanchor">[r120]</a>. Je remercie plus notre
+Seigneur pour un arbre que tous les paysans
+pour tous leurs champs. Ah! <i lang="la" xml:lang="la">domine doctor</i>, dit
+Mlanchton, exceptez-en quelques-uns, tels
+qu'Adam, No, Abraham, Isaac.</p>
+
+<p>Le docteur Jonas disait souper: Ah!
+<span class="pagenum" id="Page_165">165</span>
+comme saint Paul parle magnifiquement de sa
+mort. Je ne puis pourtant le croire<a name="FNanchor_r121" id="FNanchor_r121" href="#Footnote_r121" class="fnanchor">[r121]</a>.&mdash;Il me semble
+aussi, dit le docteur Luther, que saint Paul lui-mme
+ne pouvait penser sur cette matire avec
+autant de force qu'il parlait; moi-mme, malheureusement,
+je ne puis sur cet article croire aussi
+fortement que prcher, parler et crire, aussi
+fortement que d'autres gens s'imaginent que je
+crois. Et il ne serait peut-tre pas bon que nous
+fissions tout ce que Dieu commande, car c'en
+serait fait de sa divinit; il se trouverait menteur,
+et ne pourrait rester vridique dans ses
+paroles.</p>
+
+<p>Un mchant et horrible livre contre la sainte
+Trinit ayant t publi par l'impression, en 1532,
+le docteur Martin Luther dit<a name="FNanchor_r122" id="FNanchor_r122" href="#Footnote_r122" class="fnanchor">[r122]</a>: Ces esprits chimriques
+ne croient pas que d'autres gens aient
+eu aussi des tentations sur cet article. Mais pourquoi
+opposer ma pense la parole de Dieu et
+au Saint-Esprit (<i lang="la" xml:lang="la">opponere meam cogitationem verbo
+Dei, et spiritui sancto</i>)? Cette opposition ne soutient
+pas l'examen.</p>
+
+<p>La femme du docteur lui disait<a name="FNanchor_r123" id="FNanchor_r123" href="#Footnote_r123" class="fnanchor">[r123]</a>: Seigneur
+docteur, d'o vient que sous la papaut nous
+priions si souvent et avec tant de ferveur, tandis
+qu'aujourd'hui notre prire est tout--fait
+froide, et nous prions rarement? Le docteur
+rpondit: Le diable pousse sans cesse ses
+<span class="pagenum" id="Page_166">166</span>
+serviteurs pratiquer diligemment son culte.</p>
+
+<p>Le docteur Martin Luther exhortait sa femme
+ lire et couter avec soin la parole de Dieu, particulirement
+le psautier<a name="FNanchor_r124" id="FNanchor_r124" href="#Footnote_r124" class="fnanchor">[r124]</a>. Elle rpondit qu'elle
+l'coutait suffisamment, et en lisait chaque jour;
+qu'elle pourrait mme, s'il plaisait Dieu, en
+rpter beaucoup de choses. Le docteur soupira
+et dit: Ainsi commence le dgot de la parole
+de Dieu. C'est le signe d'un mal futur. Il viendra
+de nouveaux livres, et la sainte criture sera
+mprise, jete dans un coin, et comme on dit:
+sous la table.</p>
+
+<p>Luther demandait sa femme si elle aussi
+croyait qu'elle ft sainte? Elle s'en tonna, et
+dit: Comment puis-je tre sainte, je suis une
+grande pcheresse. Il dit alors: Voyez pourtant
+l'horreur de la doctrine papale, comme elle
+a bless les c&oelig;urs et proccup tout l'homme
+intrieur. Ils ne sont plus capables de rien voir,
+hors la pit et la saintet personnelle et extrieure
+des &oelig;uvres que l'homme mme fait pour
+soi.</p>
+
+<p>Le <i>Pater noster</i> et la foi, me rassurent contre
+le diable<a name="FNanchor_r125" id="FNanchor_r125" href="#Footnote_r125" class="fnanchor">[r125]</a>. Ma petite Madeleine et mon petit Jean
+prient en outre pour moi, ainsi que beaucoup
+d'autres chrtiens... J'aime ma Catherine, je
+l'aime plus que moi-mme, car je voudrais mourir
+plutt que de lui voir arriver du mal elle
+<span class="pagenum" id="Page_167">167</span>
+et ses enfans; j'aime aussi mon Seigneur Jsus-Christ
+qui, par pure misricorde, a vers son
+sang pour moi; mais ma foi devrait tre beaucoup
+plus grande et plus vive. O mon Dieu! ne
+juge point ton serviteur<a name="FNanchor_r126" id="FNanchor_r126" href="#Footnote_r126" class="fnanchor">[r126]</a>!</p>
+
+<p>Ce qui ne contribue pas peu affliger et
+tenter les c&oelig;urs, c'est que Dieu semble capricieux
+et changeant. Il a donn Adam des promesses
+et des crmonies, et cela a fini avec
+l'arc-en-ciel et l'arche de No. Il a donn
+Abraham la circoncision, Mose des signes miraculeux,
+ son peuple la Loi; mais au Christ, et
+par le Christ, l'vangile, qui est considr comme
+annulant tout cela. Et voil que les Turcs effacent
+cette voix divine, et disent: Votre loi durera
+bien quelque temps, mais elle finira par tre
+change. (Luther n'ajoute aucune rflexion.)</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_168">CHAPITRE VI.</h3>
+
+<p class="somm">Le diable.&mdash;Tentations.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Une fois, dans notre clotre Wittemberg,
+j'ai entendu distinctement le bruit que faisait
+le diable. Comme je commenais lire le psautier,
+aprs avoir chant matines, que j'tais assis,
+que j'tudiais et que j'crivais pour ma leon,
+le diable vint et fit trois fois du bruit
+derrire mon pole, comme s'il en et tran un
+boisseau. Enfin, comme il ne voulait point finir,
+je rassemblai mes petits livres et allai me mettre
+au lit... Je l'entendis encore une nuit au-dessus
+de ma chambre dans le clotre; mais comme je
+<span class="pagenum" id="Page_169">169</span>
+remarquai que c'tait le diable, je n'y fis pas
+attention et me rendormis.</p>
+
+</div>
+
+<p>Une jeune fille qui tait l'amie du vieil conome
+ Wittemberg, se trouvant malade, il se
+prsenta elle une vision comme si c'et t le
+Christ sous une forme belle et magnifique; elle y
+crut et se mit prier cette figure<a name="FNanchor_r127" id="FNanchor_r127" href="#Footnote_r127" class="fnanchor">[r127]</a>. On envoya en
+hte au clotre chercher le docteur Luther. Lorsqu'il
+et vu la figure, qui n'tait qu'un jeu et
+une singerie du diable, il exhorta la fille ne pas
+se laisser duper ainsi. En effet, ds qu'elle eut
+crach au visage du fantme, le diable disparut,
+la figure se changea en un grand serpent qui courut
+ la fille et la mordit l'oreille, de sorte que
+le sang coula. Le serpent s'vanouit bientt. Le
+docteur Luther vit la chose de ses propres yeux,
+avec beaucoup d'autres personnes. (L'diteur des
+Conversations ne dit point tenir cette histoire de
+Luther.)</p>
+
+<p>Un pasteur des environs de Torgau se plaignait
+ Luther que le diable faisait la nuit, un bruit,
+un tumulte et un renversement extraordinaires
+dans sa maison, qu'il lui cassait ses pots et sa
+vaisselle de bois, lui jetait les morceaux la tte,
+et riait ensuite. Il faisait ce mange depuis un
+an, et ni sa femme, ni ses enfans ne voulaient
+plus rester dans la maison<a name="FNanchor_r128" id="FNanchor_r128" href="#Footnote_r128" class="fnanchor">[r128]</a>. Luther dit au pasteur:
+Cher frre, sois fort dans le Seigneur,
+<span class="pagenum" id="Page_170">170</span>
+ne cde point ce meurtrier de diable. Si l'on
+n'a point invit et attir cet hte chez soi par ses
+pchs, on peut lui dire: <i lang="la" xml:lang="la">Ego auctoritate divin
+hic sum pater familias et vocatione c&oelig;lesti pastor
+ecclesi</i>; mais toi, diable, tu te glisses dans
+cette maison comme un voleur et un meurtrier.
+Pourquoi ne restes-tu pas dans le ciel? Qui t'a
+invit ici?</p>
+
+<p><i>Sur une possde.</i> Puisque ce diable est un
+esprit jovial, et qu'il se moque de nous tout
+son aise, il nous faut d'abord prier srieusement
+pour la jeune fille qui souffre ainsi cause de nos
+pchs. Ensuite il faut mpriser cet esprit et s'en
+rire, mais ne pas aller l'prouver par des exorcismes
+et autres choses srieuses, parce que la
+superbe diabolique se rit de tout cela. Persvrons
+dans la prire pour la jeune fille et
+dans le mpris pour le diable, et enfin, avec la
+grce du Christ, il se retirera. Il serait bon aussi
+que les princes voulussent rformer leurs vices,
+dans lesquels cet esprit malin nous montre qu'il
+triomphe. Je te prie, puisque c'est une chose digne
+d'tre publie, de t'informer exactement de
+toutes les circonstances; pour carter toute
+fraude, assure-toi si les pices d'or que cette fille
+avale sont de vraies pices d'or, et de bon aloi.
+Car j'ai t jusqu' prsent obsd de tant de
+fourberies, de ruses, de machinations, de mensonges,
+<span class="pagenum" id="Page_171">171</span>
+d'artifices, que je ne me prte plus aisment
+ rien croire que je n'aie vu faire et dire.
+(5 aot 1536.)</p>
+
+<p>Que ce pasteur n'ait pas la conscience trouble
+de ce qu'il a enseveli cette femme qui s'tait
+tue elle-mme, si toutefois elle s'est tue.
+Je connais beaucoup d'exemples semblables,
+mais je juge ordinairement que les gens ont t
+tus simplement et immdiatement par le diable,
+comme un voyageur est tu par un brigand. Car,
+lorsqu'il est vident que le suicide n'a pu avoir
+lieu naturellement, quand il s'agit d'une corde,
+d'une ceinture ou (comme dans le cas dont tu me
+parles) d'un voile pendant et sans n&oelig;ud, qui ne
+tuerait pas mme une mouche, il faut croire, selon
+moi, que c'est le diable qui fascine les hommes
+et leur fait croire qu'ils font toute autre chose, par
+exemple une prire; et cependant le diable les tue.
+Nanmoins le magistrat fait bien de punir avec la
+mme svrit, de peur que Satan ne prenne
+courage pour s'introduire. Le monde mrite bien
+de tels avertissemens, puisqu'il picurise et pense
+que le dmon n'est rien. (1<sup>er</sup> dcembre 1544.)</p>
+
+<p>Satan a voulu tuer notre prieur, en jetant sur
+lui un pan de mur. Mais Dieu l'a miraculeusement
+sauv. (4 juillet 1524.)</p>
+
+<p>Les fous, les boiteux, les aveugles, les
+muets sont des hommes chez qui les dmons se
+<span class="pagenum" id="Page_172">172</span>
+sont tablis. Les mdecins qui traitent ces infirmits,
+comme ayant des causes naturelles, sont
+des ignorans qui ne connaissent point toute la
+puissance du dmon. (14 juillet 1528.)</p>
+
+<p>Il y a des lieux dans beaucoup de pays, o
+habitent les diables<a name="FNanchor_r129" id="FNanchor_r129" href="#Footnote_r129" class="fnanchor">[r129]</a>. La Prusse a grand nombre
+de mauvais esprits. En Suisse, non loin de Lucerne,
+sur une haute montagne, il y a un lac
+qu'on appelle l'tang de Pilate; le diable y est
+tabli d'une manire terrible. Dans mon pays,
+il y a un tang situ de mme. Si l'on y jette une
+pierre, il s'lve un grand orage, et tout le pays
+tremble l'entour. C'est une habitation de diables
+qui y sont prisonniers.</p>
+
+<p>Le diable a emport Sussen, le jour du
+vendredi saint, trois cuyers qui s'taient vous
+ lui.(1538.)</p>
+
+<p>Un jour de grand orage, Luther disait: C'est
+le diable qui fait ce temps-l; les vents ne sont
+autre chose que de bons ou de mauvais esprits.
+Le diable respire et souffle<a name="FNanchor_r130" id="FNanchor_r130" href="#Footnote_r130" class="fnanchor">[r130]</a>.</p>
+
+<p>Deux nobles avaient jur de se tuer l'un
+l'autre (du temps de Maximilien). Le diable ayant
+tu l'un d'eux dans son lit avec l'pe de l'autre,
+le survivant fut amen sur la place publique. On
+enleva la terre couverte par son ombre, et on le
+bannit du pays. C'est ce qui s'appelle <i lang="la" xml:lang="la">mors civilis</i>.
+<span class="pagenum" id="Page_173">173</span>
+Le docteur Grgoire Bruck, chancelier de Saxe,
+fit ce rcit Luther.</p>
+
+<p>Suivent deux histoires de gens avertis d'avance
+qu'ils seraient emports par le diable, et qui, <i>quoiqu'ils
+eussent reu le saint sacrement, et qu'ils fussent
+gards avec des cierges par leurs amis</i> en prires,
+n'en furent pas moins emports au jour et
+l'heure marqus<a name="FNanchor_r131" id="FNanchor_r131" href="#Footnote_r131" class="fnanchor">[r131]</a>. Il a bien crucifi notre Seigneur
+lui-mme. Mais, pourvu qu'il n'emporte
+pas l'me, tout va bien.</p>
+
+<p>Le diable promne les gens dans leur sommeil
+de ct et d'autre, de sorte qu'ils font toute
+chose comme s'ils veillaient<a name="FNanchor_r132" id="FNanchor_r132" href="#Footnote_r132" class="fnanchor">[r132]</a>. Autrefois les papistes,
+comme gens superstitieux, disaient que
+de tels hommes devaient ne pas avoir t bien
+baptiss, ou qu'ils l'avaient peut-tre t par un
+prtre ivre.</p>
+
+<p>Aux Pays-Bas et en Saxe, un chien monstrueux
+sent les gens qui doivent mourir, et rde
+autour<a name="FNanchor_r133" id="FNanchor_r133" href="#Footnote_r133" class="fnanchor">[r133]</a>...</p>
+
+<p>Les moines conduisaient chez eux un possd<a name="FNanchor_r134" id="FNanchor_r134" href="#Footnote_r134" class="fnanchor">[r134]</a>.
+Le diable qui tait en lui, dit aux moines:
+O mon peuple, que t'ai-je fait! <i lang="la" xml:lang="la">Popule meus,
+quid feci tibi?</i></p>
+
+<p>On racontait la table de Luther qu'un jour,
+dans une cavalcade de gentilshommes, l'un d'eux
+s'tait cri en piquant des deux: Au diable le
+dernier! Comme il avait deux chevaux, il en
+<span class="pagenum" id="Page_174">174</span>
+lcha un; et celui-ci, restant le dernier, le
+diable l'emporta avec lui dans les airs<a name="FNanchor_r135" id="FNanchor_r135" href="#Footnote_r135" class="fnanchor">[r135]</a>. Luther
+dit cette occasion: Il ne faut pas convier
+Satan notre table. Il vient sans avoir t pri.
+Tout est plein de diables autour de nous; nous-mmes,
+qui veillons et qui prions journellement,
+nous avons assez affaire lui.</p>
+
+<p>Un vieux cur, faisant un jour sa prire,
+entendit derrire lui le diable qui voulait l'en
+empcher, et qui grognait comme aurait fait tout
+un troupeau de porcs<a name="FNanchor_r136" id="FNanchor_r136" href="#Footnote_r136" class="fnanchor">[r136]</a>. Le vieux cur, sans se
+laisser effrayer, se retourna et lui dit: Matre
+diable, il t'est bien advenu ce que tu mritais;
+tu tais un bel ange, et te voil maintenant un
+vilain porc. Aussitt les grognemens cessrent,
+car le diable ne peut souffrir qu'on le mprise...
+La foi le rend faible comme un enfant.</p>
+
+<p>Le diable redoute la parole de Dieu. Il ne la
+peut mordre; il s'y brche les dents.</p>
+
+<p>Un jeune vaurien, sauvage et emport, buvait
+un jour avec quelques compagnons dans un
+cabaret. Quand il n'eut plus d'argent, il dit que
+s'il se trouvait quelqu'un qui lui payt un bon
+cot, il lui vendrait son me. Peu aprs, un
+homme entra dans le cabaret, se mit boire avec
+le vaurien, et lui demanda s'il tait vritablement
+prt vendre son me. Celui-ci rpondit hardiment
+oui, et l'homme lui paya boire toute la
+<span class="pagenum" id="Page_175">175</span>
+journe. Sur le soir, quand le garon fut ivre,
+l'inconnu dit aux autres qui taient dans le cabaret:
+Messieurs, qu'en pensez-vous? si
+quelqu'un achte un cheval, la selle et la bride
+ne lui appartiennent-elles pas aussi? Les assistans
+s'effrayrent beaucoup ces mots, et ne
+voulurent d'abord pas rpondre, mais, comme
+l'tranger les pressait, ils dirent la fin:
+Oui, la selle et la bride sont aussi lui. Aussitt
+le diable (car c'tait lui), saisit le mauvais
+sujet et l'emporta avec lui travers le plafond,
+de sorte que l'on n'a jamais su ce qu'il est devenu.</p>
+
+<p>Une autre fois, Luther raconta l'histoire d'un
+soldat, qui avait dpos de l'argent chez son
+hte, dans le Brandebourg<a name="FNanchor_r137" id="FNanchor_r137" href="#Footnote_r137" class="fnanchor">[r137]</a>. Cet hte, quand le
+soldat lui redemanda son argent, nia d'avoir rien
+reu. Le soldat furieux se jeta sur lui, et le maltraita,
+mais le fourbe le fit arrter par la justice
+et l'accusa d'avoir viol la <i>paix domestique</i> (<i lang="de" xml:lang="de">hausfriede</i>).
+Pendant que le soldat tait en prison,
+le diable vint chez lui et lui dit: Demain tu
+seras condamn mort et excut. Si tu me vends
+ton corps et ton me, je te dlivre. Le soldat
+n'y consentit point. Alors le diable lui dit: Si
+tu ne veux pas, coute au moins le conseil que
+je te donne. Demain, quand tu seras devant les
+juges, je me tiendrai prs de toi, en bonnet bleu
+<span class="pagenum" id="Page_176">176</span>
+avec une plume blanche. Demande alors aux juges
+qu'ils me laissent plaider ta cause, et je te tirerai
+de l. Le lendemain, le soldat suivit le conseil
+du diable, et comme l'hte persistait nier, l'avocat
+en bonnet bleu lui dit: Mon ami, comment
+peux-tu ainsi te parjurer? L'argent du
+soldat se trouve dans ton lit, sous le traversin.
+Seigneurs chevins, envoyez-y et vous verrez que
+je dis vrai. Quand l'hte entendit cela, il s'cria
+avec un gros jurement: Si j'ai reu l'argent, je
+veux que le diable m'enlve sur l'heure. Mais
+les sergens envoys l'auberge trouvrent l'argent
+ la place indique, et l'apportrent devant
+le tribunal. Alors l'homme au bonnet bleu dit
+en ricanant: Je savais bien que j'aurais l'un
+des deux, le soldat ou l'aubergiste. Il tordit le
+cou celui-ci et l'emporta dans les airs.&mdash;Luther,
+ayant cont l'histoire, ajouta qu'il n'aimait
+pas qu'on jurt par le diable, comme
+faisaient beaucoup de gens, car, disait-il, le
+mauvais drle n'est pas loin; l'on n'a pas besoin
+de le peindre sur les murs pour qu'il soit prsent.</p>
+
+<p>Il y avait Erfurth deux tudians, dont l'un
+aimait si fort une jeune fille, qu'il en serait devenu
+bientt fou<a name="FNanchor_r138" id="FNanchor_r138" href="#Footnote_r138" class="fnanchor">[r138]</a>. L'autre, qui tait sorcier,
+sans que son camarade en st rien, lui dit: Si
+tu promets de ne point lui donner un baiser et
+<span class="pagenum" id="Page_177">177</span>
+de ne point la prendre dans tes bras, je ferai
+en sorte qu'elle vienne te trouver. Il la fit venir
+en effet. L'amant, qui tait un beau jeune
+homme, la reut avec tant d'amour, et il lui parlait
+si vivement, que le sorcier craignait toujours
+qu'il ne l'embrasst; enfin il ne put se contenir.
+A l'instant mme elle tomba et mourut. Quand
+ils la virent morte, ils eurent grand'peur, et le
+sorcier dit: Employons notre dernire ressource.
+Il fit si bien, que le diable la reporta
+chez elle, et qu'elle continua de faire tout ce
+qu'elle faisait auparavant dans la maison; mais
+elle tait fort ple et ne parlait point. Au bout
+de trois jours, les parens allrent trouver les
+thologiens, et leur demandrent ce qu'il fallait
+faire. A peine ceux-ci eurent-ils parl fortement
+ la fille, que le diable se retira d'elle; le cadavre
+tomba raide avec une grande puanteur<a name="FNanchor_a73" id="FNanchor_a73" href="#Footnote_a73" class="fnanchor">[a73]</a>.</p>
+
+<p>Le docteur Luc Gauric, le sorcier que vous
+avez fait venir d'Italie, m'a souvent avou que
+son matre conversait avec le diable<a name="FNanchor_r139" id="FNanchor_r139" href="#Footnote_r139" class="fnanchor">[r139]</a>.</p>
+
+<p>Le diable peut se changer en homme ou
+en femme pour tromper, de telle manire qu'on
+croit tre couch avec une femme en chair et
+en os, et qu'il n'en est rien; car, suivant le
+mot de saint Paul, le diable est bien fort avec
+les fils de l'impit<a name="FNanchor_r140" id="FNanchor_r140" href="#Footnote_r140" class="fnanchor">[r140]</a>. Comme il en rsulte souvent
+des enfans ou des diables, ces exemples
+<span class="pagenum" id="Page_178">178</span>
+sont effrayans et horribles. C'est ainsi que ce
+qu'on appelle le <i>nix</i>, attire dans l'eau les vierges
+ou les femmes pour crer des diablotins. Le
+diable peut aussi drober des enfans; quelquefois
+dans les six premires semaines de leur
+naissance, il enlve leur mre ces pauvres cratures
+pour en substituer leur place d'autres,
+nomms <i>supposititii</i>, et par les Saxons, <i>kilkropff</i>.</p>
+
+<p>Il y a huit ans, j'ai vu et touch moi-mme
+ Dessau un enfant qui n'avait pas de parens, et
+qui venait du diable. Il avait douze ans, et tait
+tout--fait conform comme un enfant ordinaire.
+Il ne faisait que manger, et mangeait autant que
+quatre paysans ou batteurs en grange. Il faisait
+aussi tous ses besoins. Mais quand on le touchait,
+il criait comme un possd; s'il arrivait quelque
+accident malheureux dans la maison, il s'en
+rjouissait et riait; si, au contraire tout allait
+bien, il pleurait continuellement. Je dis aux
+princes d'Anhalt avec qui j'tais: Si j'avais
+commander ici, je ferais jeter cet enfant dans
+la Moldau, au risque de m'en faire le meurtrier.
+Mais l'lecteur de Saxe et les princes n'taient
+pas de mon opinion. Je leur dis alors de faire
+prier Dieu dans l'glise pour qu'il enlevt le dmon.
+On rpta ces prires tous les jours pendant
+une anne, et aprs ce temps l'enfant mourut.
+<span class="pagenum" id="Page_179">179</span>
+Quand le docteur eut racont cette histoire,
+quelqu'un lui demanda pourquoi il aurait voulu
+jeter cet enfant l'eau. C'est, rpondit-il, que
+les enfans de cette espce ne sont autre chose,
+ mon sens, qu'une masse de chair, sans me.
+Le diable est bien capable de produire de ces
+choses; tout ainsi qu'il anantit les facults des
+hommes, quand il les possde corporellement,
+de manire leur enlever la raison et les rendre
+sourds et aveugles pour quelque temps, de
+mme il habite dans ces masses de chair et est
+lui-mme leur me.&mdash;Il faut que le diable soit
+bien puissant pour tenir ainsi nos esprits prisonniers.
+Origne, ce me semble, n'a pas assez
+compris cette puissance; autrement il n'aurait
+point pens que le diable pourra obtenir grce
+au Jugement dernier. Quel horrible pch de se
+rvolter ainsi sciemment contre son Dieu, son
+crateur!</p>
+
+<p>En Saxe, prs de Halberstadt, il y avait un
+homme qui avait un <i>kilkropff</i>. Cet enfant pouvait
+puiser sa mre et cinq autres femmes en les
+ttant, et il dvorait outre cela tout ce qu'on lui
+prsentait. On donna l'homme le conseil de
+faire un plerinage Holckelstadt, de vouer son
+<i>kilkropff</i> la Vierge Marie, et de le faire bercer
+en cet endroit. L'homme suivit cet avis, et il emporta
+son enfant dans un panier; mais, en passant
+<span class="pagenum" id="Page_180">180</span>
+sur un pont, un autre diable, qui tait dans
+la rivire, se mit crier: <i>Kilkropff! kilkropff!</i>
+L'enfant, qui tait dans le panier, et qui n'avait
+jamais encore prononc un seul mot, rpondit:
+Oh! oh! oh! Le diable de la rivire lui demanda
+ensuite: O vas-tu? L'enfant du panier rpondit:
+Je m'en vais Holckelstadt, notre Mre
+bien-aime, pour me faire bercer. Le paysan,
+trs effray, jeta l'enfant et le panier dans la rivire;
+sur quoi les deux diables se mirent
+s'envoler ensemble. Ils crirent: Oh! oh! oh!
+firent quelques cabrioles l'un par-dessus l'autre
+et s'vanouirent.</p>
+
+<p>Luther, en sortant un dimanche de l'glise
+du chteau o il avait prch, rencontra un
+landsknecht qui s'adressa lui, se plaignant des
+tentations continuelles qu'il avait essuyer de la
+part du diable, disant qu'il venait souvent lui
+et le menaait de l'enlever dans les airs. Pendant
+qu'il parlait ainsi, le docteur Pomer, qui passait
+par ce chemin, s'approcha aussi de lui et
+aida Luther le consoler. Ne dsesprez pas,
+lui disaient-ils, car malgr ces tentations du
+diable, vous n'tes point lui. Notre Seigneur
+Jsus-Christ a aussi t tent par lui, mais
+il l'a surmont par la parole de Dieu. Dfendez-vous
+de mme par la parole de Dieu et par la
+prire. Luther ajouta: Si le diable te tourmente
+<span class="pagenum" id="Page_181">181</span>
+et te menace de t'emmener, rponds-lui:
+Je suis Jsus-Christ, qui est mon
+Seigneur; c'est en lui que je crois, et c'est auprs
+de lui que je serai un jour. Il a dit lui-mme
+qu'aucune puissance ne pourra enlever les
+chrtiens de sa main. Pense plutt Dieu qui
+est au ciel qu'au diable, et cesse de t'effrayer de
+ses ruses. Je sais bien qu'il serait fort aise de
+t'enlever, mais il ne le peut. Il est comme le
+voleur qui voudrait bien mettre la main sur le
+coffre-fort du riche; la volont ne lui manque
+pas, mais le pouvoir. De mme Dieu ne permettra
+pas au diable de te faire du mal. coute
+fidlement la parole divine, prie avec ferveur,
+travaille, ne sois pas trop souvent seul, et tu
+verras que Dieu te dlivrera de Satan et te conservera
+dans son troupeau.</p>
+
+<p>Un jeune ouvrier, marchal ferrant de son
+tat, prtendait tre poursuivi par un spectre
+travers toutes les rues de la ville. Luther le fit
+venir chez lui et l'interrogea en prsence de plusieurs
+personnes doctes. Le jeune homme disait
+que le spectre qui le poursuivait lui avait reproch
+comme un sacrilge d'avoir communi sous les
+deux espces, et qu'il lui avait dit: Si tu retournes
+dans la maison de ton matre, je te tords le
+cou. C'est pourquoi il n'tait pas rentr depuis
+plusieurs jours. Le docteur, aprs l'avoir beaucoup
+<span class="pagenum" id="Page_182">182</span>
+interrog, lui dit: Prends garde, mon ami,
+de ne pas mentir. Crains Dieu, coute sa parole
+avec attention; retourne chez ton matre, fais
+ton travail, et si Satan revient, dis-lui: Je ne
+veux pas t'obir. Je n'obirai qu' Dieu qui m'a
+appel ce mtier: je resterai ici mon travail,
+et un ange mme viendrait, que je ne m'en
+laisserais pas dtourner.</p>
+
+<p>Le docteur Luther, devenu plus g, prouva
+peu de tentations de la part des hommes; mais
+le diable, comme il le reconnat lui-mme, allait
+promener avec lui dans le dortoir du clotre; il
+le vexait et le tentait. Il avait un ou deux diables
+qui l'piaient, et s'ils ne pouvaient parvenir au
+c&oelig;ur, ils saisissaient la tte et la tourmentaient<a name="FNanchor_r141" id="FNanchor_r141" href="#Footnote_r141" class="fnanchor">[r141]</a><a name="FNanchor_a74" id="FNanchor_a74" href="#Footnote_a74" class="fnanchor">[a74]</a>.</p>
+
+<p>... Cela m'est arriv souvent<a name="FNanchor_r142" id="FNanchor_r142" href="#Footnote_r142" class="fnanchor">[r142]</a>. Quand je tenais
+un couteau dans les mains, il me venait de
+mauvaises penses; souvent je ne pouvais prier,
+et le diable me chassait de la chambre. Car nous
+autres nous avons affaire aux grands diables qui
+sont docteurs en thologie. Les Turcs et les papistes
+ont de petits diablotins qui ne sont point
+thologiens, mais seulement juristes.</p>
+
+<p>Je sais, grce Dieu, que ma cause est
+bonne et divine; si Christ n'est point dans le ciel
+et Seigneur du monde, alors mon affaire est mauvaise<a name="FNanchor_r143" id="FNanchor_r143" href="#Footnote_r143" class="fnanchor">[r143]</a>.
+Cependant le diable me serre souvent de
+si prs dans la dispute, qu'il m'en vient la sueur.
+<span class="pagenum" id="Page_183">183</span>
+Il est ternellement irrit, je le sens bien, je le
+comprends. Il couche avec moi plus prs que ma
+Catherine. Il me donne plus de trouble qu'elle de
+joie... Il me pousse quelquefois: La Loi, dit-il,
+est aussi la parole de Dieu; pourquoi l'opposer
+toujours l'vangile?&mdash;Oui, dis-je mon
+tour; mais elle est aussi loin de l'vangile que le
+ciel l'est de la terre, etc.</p>
+
+<p>Le diable n'est pas, la vrit, un docteur
+qui a pris ses grades<a name="FNanchor_a75" id="FNanchor_a75" href="#Footnote_a75" class="fnanchor">[a75]</a>, mais du reste il est bien
+savant, bien expriment<a name="FNanchor_r144" id="FNanchor_r144" href="#Footnote_r144" class="fnanchor">[r144]</a>. Il n'a pourtant fait
+son mtier que depuis six mille ans. Si le diable
+est sorti quelquefois des possds, lorsqu'il
+tait conjur par les moines et les prtres papistes,
+en laissant aprs lui quelque signe,
+un carreau cass, une fentre brise, un pan
+de mur ouvert, c'tait pour faire croire aux gens
+qu'il avait quitt le corps, mais en effet pour
+possder l'esprit, pour les confirmer dans leurs
+superstitions.</p>
+
+<p>Au mois de janvier 1532, Luther tomba
+dangereusement malade. Le mdecin le crut menac
+d'une attaque d'apoplexie<a name="FNanchor_r145" id="FNanchor_r145" href="#Footnote_r145" class="fnanchor">[r145]</a>. Mlanchton et
+Rorer, assis prs de son lit, ayant parl de la
+joie que la nouvelle de sa mort causerait sans
+doute aux papistes, il leur dit avec assurance:
+Je ne mourrai pas encore, je le sais certainement.
+Dieu ne confirmera point prsent l'abominable
+<span class="pagenum" id="Page_184">184</span>
+papisme par ma mort. Il ne voudra point
+aprs celle de Zwingli et d'&OElig;colampade, accorder
+aux papistes un nouveau sujet de triomphe.
+Satan, il est vrai, ne songe qu' me tuer;
+il ne me quitte d'un pas. Mais ce n'est pas sa
+volont qui s'accomplira: ce sera celle du Seigneur.</p>
+
+<p>Ma maladie, qui consiste dans des vertiges
+et autres choses, n'est point naturelle; ce que
+je puis prendre ou faire ne me sert rien, quoique
+j'observe avec soin les conseils de mon mdecin<a name="FNanchor_r146" id="FNanchor_r146" href="#Footnote_r146" class="fnanchor">[r146]</a>.</p>
+
+<p>En 1536, il maria Torgau le duc Philippe
+de Pomranie la s&oelig;ur de l'lecteur<a name="FNanchor_r147" id="FNanchor_r147" href="#Footnote_r147" class="fnanchor">[r147]</a>. Au milieu
+de la crmonie, l'anneau nuptial chappa de sa
+main et roula par terre. Il eut un mouvement de
+terreur, mais se rassura aussitt en disant:
+coute, diable, cela ne te regarde pas, c'est
+peine perdue, et il continua de prononcer les
+paroles de la bndiction.</p>
+
+<p>Pendant que le docteur Luther causait
+table avec quelques-uns, sa femme sortit et
+tomba en dfaillance<a name="FNanchor_r148" id="FNanchor_r148" href="#Footnote_r148" class="fnanchor">[r148]</a>. Lorsqu'elle revint elle,
+le docteur lui demanda quelles penses elle avait
+eues. Elle raconta comme elle avait prouv des
+tentations toutes particulires qui sont les signes
+certains de la mort, et qui frappent au c&oelig;ur plus
+srement qu'une balle ou une flche... Celui qui
+<span class="pagenum" id="Page_185">185</span>
+prouve de telles tentations, dit-il, je lui donnerai
+un bon conseil, c'est de penser quelque
+chose de gai, de boire un bon coup, de jouer et
+de prendre quelque passe-temps, ou bien de
+s'attacher quelque occupation honorable. Mais
+le meilleur remde, c'est de croire en Jsus-Christ.</p>
+
+<p>Quand le diable me trouve oisif et que je ne
+pense point la parole de Dieu, alors il me fait
+venir un scrupule, comme si je n'avais pas bien
+enseign, comme si c'tait moi qui eusse renvers
+et dtruit les autorits, et caus par ma doctrine
+tant de scandales et de troubles<a name="FNanchor_r149" id="FNanchor_r149" href="#Footnote_r149" class="fnanchor">[r149]</a>. Mais quand je
+ressaisis la parole de Dieu, alors j'ai gagn la
+partie. Je me dfends contre le diable et je dis:
+Qu'importe Dieu tout le monde, quelque
+grand qu'il puisse tre? Il en a tabli son Fils
+seigneur et roi. Si le monde veut le renverser du
+trne, Dieu le bouleversera et le mettra en cendre;
+car il dit lui-mme: C'est mon fils, vous
+devez l'couter. Maintenant, rois, apprenez;
+disciplinez-vous, juges de la terre (l'<i lang="la" xml:lang="la">erudimini</i> de
+la Vulgate est moins fort).</p>
+
+<p>Le diable s'efforce surtout de nous arracher
+du c&oelig;ur l'article de la rmission des pchs.
+<i>Quoi!</i> dit-il, <i>vous prchez ce qu'aucun homme n'a
+enseign dans tant de sicles! si cela dplaisait
+Dieu?</i>...</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_186">186</span>
+La nuit, quand je me rveille, le diable vient
+bientt, dispute avec moi et me donne d'tranges
+penses, jusqu' ce que je m'anime et que je lui
+dise: Baise mon c..! Dieu n'est pas irrit comme
+tu le dis<a name="FNanchor_r150" id="FNanchor_r150" href="#Footnote_r150" class="fnanchor">[r150]</a>.</p>
+
+<p>Aujourd'hui, comme je m'veillai, le diable
+vint, voulut disputer, et il me disait: Tu es un
+pcheur<a name="FNanchor_r151" id="FNanchor_r151" href="#Footnote_r151" class="fnanchor">[r151]</a>.&mdash;Je rpliquai: Dis-moi quelque chose
+de nouveau, dmon; je savais dj cela... J'ai
+assez de pchs rels, sans ceux que tu inventes...&mdash;Il
+insistait encore: Qu'as-tu fait des
+clotres dans ce monde?&mdash;A quoi je rpondis:
+Que t'importe? Tu vois bien que ton culte sacrilge
+subsiste toujours.</p>
+
+<p>Un jour que l'on parlait souper du sorcier
+Faust, Luther dit srieusement<a name="FNanchor_r152" id="FNanchor_r152" href="#Footnote_r152" class="fnanchor">[r152]</a>: Le diable
+n'emploie pas contre moi le secours des enchanteurs.
+S'il pouvait me nuire par l, il l'aurait
+fait depuis long-temps. Il m'a dj souvent
+tenu par la tte; mais il a pourtant fallu
+qu'il me laisst aller. J'ai bien prouv quel
+compagnon c'est que le diable; il m'a souvent
+serr de si prs que je ne savais si j'tais mort
+ou vivant. Quelquefois il m'a jet dans le dsespoir
+au point que j'ignorais mme s'il y avait
+un Dieu, et que je doutais compltement de
+notre cher Seigneur. Mais avec la parole de
+Dieu, etc.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_187">187</span>
+Le diable me fait regarder la loi, le pch
+et la mort. Il me prsente cette trinit, et s'en
+sert pour me tourmenter<a name="FNanchor_r153" id="FNanchor_r153" href="#Footnote_r153" class="fnanchor">[r153]</a>.</p>
+
+<p>Le diable nous a jur la mort, mais il mordra
+dans une noix creuse<a name="FNanchor_r154" id="FNanchor_r154" href="#Footnote_r154" class="fnanchor">[r154]</a>.</p>
+
+<p>La tentation de la chair est petite chose; la
+moindre femme dans la maison peut gurir cette
+maladie<a name="FNanchor_r155" id="FNanchor_r155" href="#Footnote_r155" class="fnanchor">[r155]</a>. Eustochia aurait guri saint Jrme.
+Mais Dieu nous garde des grandes tentations qui
+touchent l'ternit! Alors on ne sait point si
+Dieu est le diable, ou si le diable est Dieu. Ces
+tentations ne sont point passagres.</p>
+
+<p>Si je tombe en penses qui ne touchent que
+le monde ou la maison, je prends un psaume ou
+quelques mots de Saint-Paul, et je dors par-dessus;
+mais celles qui viennent du diable me cotent
+davantage; je ne puis m'en tirer qu'avec
+quelque bonne farce<a name="FNanchor_r156" id="FNanchor_r156" href="#Footnote_r156" class="fnanchor">[r156]</a>.</p>
+
+<p>Le grain d'orge a beaucoup souffrir des
+hommes<a name="FNanchor_5" id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>. D'abord on le jette dans la terre pour
+qu'il y pourrisse; ensuite, quand il est mr, on
+le coupe, on le bat en grange et on le sche,
+on le fait cuire pour en tirer de la bire, et le
+faire avaler aux ivrognes<a name="FNanchor_r157" id="FNanchor_r157" href="#Footnote_r157" class="fnanchor">[r157]</a>. Le lin est aussi martyr
+ sa manire. Quand il est mr, on l'arrache,
+<span class="pagenum" id="Page_188">188</span>
+on le rouit, on le sche, on le bat, on le
+teille, on le srance, on le file, on le tisse, on
+en fabrique de la toile pour en faire des chemises,
+des souquenilles, etc. Quand celles-ci sont dchires,
+l'on en fait des torchons, ou l'on y met des
+empltres pour tre appliques sur les plaies, les
+abcs; l'on en fait des mches, ou bien on les
+vend au papetier qui les broie, les dissout, et en
+fait du papier. Ce papier sert crire, imprimer,
+ faire des jeux de cartes; enfin il est dchir
+et employ aux plus vils usages. Ces plantes,
+ainsi que d'autres cratures qui nous sont
+trs utiles, ont beaucoup souffrir; les chrtiens
+bons et pieux ont de mme beaucoup endurer
+des mchans et des impies.</p>
+
+<p>Quand le diable vient me trouver la nuit, je
+lui tiens ce discours<a name="FNanchor_r158" id="FNanchor_r158" href="#Footnote_r158" class="fnanchor">[r158]</a>: Diable, je dois dormir
+maintenant; car c'est le commandement et l'ordre
+de Dieu que nous travaillions le jour, et que
+nous dormions la nuit. S'il m'accuse d'tre un
+pcheur, je lui dis pour lui faire dpit: <i lang="la" xml:lang="la">Sancte
+Satane, ora pro me!</i> ou bien: <i lang="la" xml:lang="la">Medice, cura te
+ipsum</i>.</p>
+
+<p>Si vous prchez celui qui est tent, il vous
+faut tuer Mose et le lapider. Si au contraire il revient
+ lui et oublie la tentation, qu'on lui prche
+la loi. <i lang="la" xml:lang="la">Alioqui afflicto non est addenda afflictio.</i></p>
+
+<p>... La meilleure manire de chasser le diable,
+<span class="pagenum" id="Page_189">189</span>
+si on ne peut le faire avec les paroles de la sainte
+criture, c'est de lui adresser des mots piquans
+et pleins de moquerie.</p>
+
+<p>On peut consoler les gens affligs de tentations
+en leur donnant manger et boire; mais
+le remde ne russirait pas pour tous, surtout
+pour les jeunes gens<a name="FNanchor_r159" id="FNanchor_r159" href="#Footnote_r159" class="fnanchor">[r159]</a>. Pour moi qui suis vieux,
+un bon coup pourrait chasser les tentations et
+me faire dormir un somme.</p>
+
+<p>La meilleure mdecine contre les tentations,
+c'est de parler d'autre chose, de Marcolphe,
+d'Eulenspiegel, et d'autres farces de ce genre, etc.&mdash;Le
+diable est un esprit triste, la musique le fait
+fuir bien loin<a name="FNanchor_r160" id="FNanchor_r160" href="#Footnote_r160" class="fnanchor">[r160]</a>.</p>
+
+<p class="sep2">Le morceau important qu'on va lire est en
+quelque sorte le rcit de la guerre opinitre
+que Satan aurait faite Luther pendant toute
+sa vie.</p>
+
+<p><i>Prface du docteur Martin Luther, crite par lui
+avant sa mort<a name="FNanchor_r161" id="FNanchor_r161" href="#Footnote_r161" class="fnanchor">[r161]</a>.</i>&mdash;Quiconque lira avec attention
+l'histoire ecclsiastique, les livres des saints
+Pres, et particulirement la Bible, verra clairement
+que depuis le commencement de l'glise
+les choses se sont toujours passes de la mme
+manire. Toutes les fois que la Parole s'tait fait
+entendre et que Dieu s'tait rassembl un petit
+troupeau, le diable s'est bien vite aperu de
+<span class="pagenum" id="Page_190">190</span>
+la lumire divine, et s'est mis siffler, souffler,
+tempter de tous les coins, essayant de toutes
+ses forces s'il pourrait l'teindre. On avait beau
+boucher un ou deux trous, il en trouvait un
+autre, soufflait toujours et faisait rage. Il n'y a
+encore eu aucune fin cela, et il n'y en n'aura
+pas jusqu'au jour du Jugement.</p>
+
+<p>Je tiens qu' moi seul (pour ne point parler
+des anciens) j'ai essuy plus de vingt ouragans,
+vingt assauts du diable. D'abord j'ai eu
+contre moi les papistes. Tout le monde, je crois,
+sait peu prs combien de temptes, de bulles
+et de livres le diable a lchs par eux contre moi,
+de quelle faon lamentable ils m'ont dchir,
+dvor, mis rien. Il est vrai que moi-mme
+je soufflais quelque peu contre eux; mais cela
+ne servait de rien; les enrags soufflaient encore
+plus, et vomissaient feu et flammes. Il en
+a t ainsi jusqu' ce jour sans interruption.</p>
+
+<p>J'avais un instant cess de craindre cette
+tempte du diable, lorsqu'il se fit jour par un
+nouveau trou, par Mnzer et sa rvolte qui
+faillit m'teindre la lumire. Le Christ bouche
+encore ce trou-l, et le voil qui par Carlostad
+casse des carreaux ma fentre, le voil
+qui mugit et tourbillonne, au point de me faire
+croire qu'il allait emporter lumire, cire et
+mche la fois. Mais Dieu fut en aide sa
+<span class="pagenum" id="Page_191">191</span>
+pauvre lumire; il ne permit point qu'elle
+ft teinte. Alors vinrent les sacramentaires et
+les anabaptistes, qui brisrent portes et fentres
+pour en finir de cette lumire, et qui la
+mirent de nouveau dans le plus grand danger.
+Dieu merci, leur volont fut trompe galement.</p>
+
+<p>D'autres encore ont tempt contre les anciens
+matres, contre le pape et contre Luther
+la fois, tels que Servet, Campanus..... Quant
+ceux enfin qui ne m'ont point assailli publiquement
+par des livres imprims, mais dont il m'a
+fallu essuyer en particulier les crits et discours
+remplis de venin, je ne les mettrai pas ici
+en ligne de compte. Il me suffit de montrer que
+j'ai d apprendre par exprience (je n'en voulais
+pas croire les histoires) que l'glise, pour
+l'amour de sa chre Parole, de sa bienheureuse
+lumire, ne peut avoir de repos, mais qu'elle
+doit attendre incessamment de nouvelles temptes
+du diable, comme cela s'est vu depuis le
+commencement.</p>
+
+<p>Et quand je devrais vivre encore cent ans,
+quand j'aurais apais les temptes d'autrefois et
+d'aujourd'hui, quand je pourrais encore apaiser
+celles qui viendront, je vois clairement que
+cela ne donnerait pas le repos nos descendans,
+aussi long-temps que le diable vivra et
+<span class="pagenum" id="Page_192">192</span>
+rgnera. C'est pourquoi je prie Dieu de m'accorder
+une petite heure d'tat de grce; je ne
+demande pas de rester en vie plus long-temps.</p>
+
+<p>Vous qui viendrez aprs nous, priez Dieu
+aussi avec ferveur, pratiquez assidument sa parole,
+conservez bien la pauvre chandelle de Dieu;
+car le diable ne dort ni ne chme, et il ne
+mourra pas non plus avant le jugement dernier.
+Toi et moi, nous mourrons, et quand nous serons
+morts, lui il n'en restera pas moins tel qu'il a
+toujours t, toujours temptant contre l'vangile...</p>
+
+<p>Je le vois de loin qui gonfle ses joues en
+devenir tout rouge, qui souffle et qui fait fureur;
+mais notre Seigneur Jsus-Christ, qui, ds
+le commencement, lui a donn un coup de poing
+sur cette joue gonfle, le combat maintenant encore,
+et le combattra toujours. Il ne peut pas en
+avoir menti, quand il dit: Je serai auprs de
+vous jusqu' la fin du monde, et Les portes
+de l'enfer ne prvaudront pas contre mon
+glise; et dans saint Jean: Mes brebis ne priront
+jamais; personne ne les arrachera de ma
+main; et dans saint Mathieu, X: Tous les
+cheveux de votre tte sont compts; c'est pourquoi
+ne craignez pas ceux qui tuent le corps.</p>
+
+<p>Nanmoins, il nous est command de veiller
+et de garder sa lumire tant qu'il est en nous. Il
+<span class="pagenum" id="Page_193">193</span>
+est dit: <i lang="la" xml:lang="la">Vigilate</i>; le diable est un lion rugissant
+qui tourne autour et qui veut nous dvorer. Tel
+il tait quand saint Pierre disait cela, et tel il
+sera encore jusqu' la fin du monde.....</p>
+
+<p>(Luther revient ensuite parler du secours de
+Dieu sans lequel tous nos efforts seraient vains,
+et il continue ainsi:) Toi et moi nous n'tions
+rien il y a mille ans, et cependant l'glise a t
+sauve sans nous: elle l'a t par celui de qui il
+est dit: <i lang="la" xml:lang="la">Heri et hodi</i>. De mme prsent ce
+n'est pas nous qui conservons l'glise, car nous
+ne pouvons atteindre le diable qui est dans le
+pape, les sditieux et les mauvaises gens; elle
+prirait sous nos yeux, et nous-mmes avec elle,
+n'tait quelqu'autre qui conserve tout. Il nous
+faut laisser faire celui de qui nous lisons: <i lang="la" xml:lang="la">Qui
+erit, ut hodi</i>.....</p>
+
+<p>C'est une chose lamentable de voir notre
+orgueil et notre audace aprs les terribles et
+honteux exemples de ceux qui, dans leur vanit,
+avaient cru que l'glise tait btie sur eux.
+Comment a fini ce Mnzer (pour ne parler que
+de ce temps), lui qui pensait que l'glise ne
+pouvait exister s'il n'tait l pour la porter et
+la gouverner? Et tout rcemment encore, les
+anabaptistes n'ont-ils pas t pour nous un avertissement
+assez terrible pour nous rappeler combien
+un diable plus subtil encore est prs de nous,
+<span class="pagenum" id="Page_194">194</span>
+combien nos belles penses sont dangereuses, et
+comme il est ncessaire (selon le conseil d'Isae)
+que nous regardions dans nos mains quand nous
+ramassons quelque chose, pour voir si c'est Dieu
+ou une idole, si c'est de l'or ou de l'argile?</p>
+
+<p>Mais tous ces avertissemens sont perdus;
+nous vivons en pleine scurit. Oui, sans doute
+le diable est loin de nous; nous n'avons rien de
+cette chair, qui tait mme en saint Paul, et
+dont il ne pouvait se dfendre malgr tous ses efforts
+(Rom. VII). Nous, nous sommes des hros,
+nous n'avons pas nous mettre en peine de la
+chair et de la pense; nous sommes de purs esprits,
+nous tenons captifs la chair et le diable la
+fois, et tout ce qui nous vient dans la tte, c'est
+immanquablement inspiration du Saint-Esprit;
+aussi cela tourne-t-il si bien la fin que le cheval
+et le cavalier se cassent le cou.</p>
+
+<p>Les papistes, je le sais, me diront ici: Eh
+bien! tu le vois; c'est toi-mme qui te plains des
+troubles et des sditions? Qui en est cause, si
+ce n'est toi et ta doctrine? Voil le bel artifice
+par lequel ils pensent renverser de fond en comble
+la doctrine de Luther. Il n'importe! Qu'ils
+calomnient, qu'ils mentent tant qu'ils voudront;
+il faudra bien qu'ils se taisent. D'aprs ce grand
+argument, tous les prophtes auraient t galement
+des hrtiques et des sditieux, car ils
+<span class="pagenum" id="Page_195">195</span>
+furent tenus pour tels par leur propre peuple;
+comme tels ils furent perscuts, et la plupart
+mis mort.</p>
+
+<p>Jsus-Christ lui-mme, notre Seigneur, fut
+oblig de s'entendre dire par les Juifs, et en particulier
+par les pontifes, les pharisiens, les scribes,
+etc., par ceux qui taient les plus hauts
+en pouvoir, qu'il avait le diable en lui, qu'il
+chassait les diables par d'autres diables, qu'il
+tait un samaritain, le compagnon des publicains
+et des pcheurs. Il fut mme la fin condamn
+ mourir sur la croix comme blasphmateur
+et sditieux. Lequel d'entre les prophtes,
+disait saint tienne aux Juifs qui allaient le lapider,
+lequel vos pres n'ont-ils pas perscut
+et tu? Et vous, leurs descendans, vous avez
+vendu et tu le juste dont ces prophtes avaient
+annonc la venue.</p>
+
+<p>Les aptres et les disciples n'ont pas t plus
+heureux que leur matre; les prdictions qu'il
+leur avait faites se sont accomplies...</p>
+
+<p>S'il en est ainsi, et l'criture en fait foi,
+pourquoi donc nous tonner de ce que nous aussi
+qui, dans ces temps terribles, prchons Jsus-Christ
+et nous reconnaissons pour ses fidles,
+nous soyons, son exemple, perscuts et condamns
+comme hrtiques, comme sditieux?
+Que sommes-nous ct de ces gnies sublimes,
+<span class="pagenum" id="Page_196">196</span>
+clairs par le Saint-Esprit, orns de tant de dons
+admirables, et dous d'une foi si forte?</p>
+
+<p>N'ayons donc pas honte des calomnies et des
+outrages dont nos adversaires nous poursuivent.
+Que tout cela ne nous effraie point. Mais regardons
+comme notre plus grande gloire de recevoir
+du monde le mme salaire que ds le commencement
+tous les saints en ont reu pour leurs
+fidles services. Rjouissons-nous en Dieu de ce
+que nous aussi, pauvres pcheurs et gens mpriss,
+nous avons t jugs dignes de souffrir
+l'ignominie pour le nom du Christ...</p>
+
+<p>Les papistes, avec leur grand argument, ressemblent
+ un homme qui dirait que si Dieu
+n'avait pas cr de bons anges, il n'y aurait pas
+eu de diables; car c'est des bons anges que
+ceux-ci sont venus. De mme, Adam accusa
+Dieu de lui avoir donn une femme, car si Dieu
+n'avait pas cr Adam et ve, ils n'auraient pas
+pch. Il rsulterait de ce beau raisonnement que
+Dieu seul ft pcheur, et qu'Adam et ses enfans
+fussent tous purs, pieux et saints.</p>
+
+<p>Il est sorti de la doctrine de Luther beaucoup
+d'esprits de trouble et de rvolte, disent-ils.
+Donc la doctrine de Luther vient du diable.
+Mais saint Jean dit aussi (I, 2.): Ils sont sortis
+d'entre nous, mais ils n'taient point des ntres.
+Judas tait parmi les disciples de Jsus-Christ;
+<span class="pagenum" id="Page_197">197</span>
+donc (d'aprs leur argument), Jsus-Christ est
+un diable. Jamais hrtique n'est sorti d'entre
+les paens; ils sont tous venus de la sainte glise
+chrtienne; l'glise serait donc l'ouvrage du
+diable.</p>
+
+<p>Il en fut de mme de la Bible sous le pape;
+on l'appelait publiquement un livre d'hrtiques,
+et on l'accusait de prter appui aux opinions les
+plus condamnables. Encore aujourd'hui ils crient:
+L'glise, l'glise, contre et par-dessus la
+Bible! Emser, l'homme sage, ne sut mme
+trop dire s'il tait bon que la Bible ft traduite
+en allemand; peut-tre ne savait-il pas non plus
+s'il tait bon qu'elle et t jamais crite en hbreu,
+en grec ou en latin; elle et l'glise ne sont
+pas en trop bon accord.</p>
+
+<p>Si donc la Bible, le livre et la parole du
+Saint-Esprit, a de telles choses endurer d'eux,
+pourquoi nous, ne supporterions-nous pas plus
+forte raison qu'ils nous imputent toutes les hrsies
+et les sditions qui clatent? L'araigne
+tire son poison de la belle et aimable rose o
+l'abeille ne trouve que miel; est-ce la faute de la
+fleur, si son miel devient du poison dans l'araigne?</p>
+
+<p>C'est, comme dit le proverbe: Chien qu'on
+veut battre a mang du cuir, ou, comme dit
+finement sope: La brebis que le loup veut
+<span class="pagenum" id="Page_198">198</span>
+manger a troubl l'eau, quoiqu'elle soit au bas
+du courant. Eux, qui ont rempli l'glise d'erreur
+et de sang, de mensonge et de meurtre, ce
+ne sont pas eux qui ont troubl l'eau. Nous, nous
+rsistons aux sditions et aux erreurs des hrtiques,
+et c'est nous qui l'avons trouble. Eh
+bien! loup, mange, mange, mon ami, et qu'un
+os te reste au travers du gosier... Ils ne peuvent
+faire autrement; tel est le monde et son Dieu. S'ils
+ont appel Belzbut le matre de la maison, traiteront-ils
+mieux les serviteurs? Et si la sainte
+criture est appele un livre d'hrtiques, comment
+nos livres pourraient-ils tre honors? Le
+Dieu vivant est notre juge nous tous; il mettra
+un jour tout cela au clair, si nous devons en
+croire ce livre d'hrtiques, qu'on appelle la sainte
+criture, qui tant de fois en a tmoign.</p>
+
+<p>Veuille Jsus-Christ, notre Dieu bien-aim et
+le gardien de nos mes qu'il a rachetes par son
+sang prcieux, conserver son petit troupeau
+fidle sa sainte parole, afin qu'il augmente et
+croisse en grce, en lumire, en foi. Puisse-t-il
+daigner le soutenir contre les tentations de Satan
+et du monde, et prendre enfin en piti ses
+gmissemens profonds et l'attente pleine d'angoisses
+dans laquelle il soupire vers l'heureux
+jour de la glorieuse venue de son Sauveur, en
+sorte que les fureurs et les morsures meurtrires
+<span class="pagenum" id="Page_199">199</span>
+des serpens cessent enfin, et que pour les enfans
+de Dieu commence la rvlation de la libert et
+batitude qu'ils esprent et qu'ils attendent en
+patience. Amen. Amen.</p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet100.jpg" width="100" height="7" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="npage">
+
+<h3 id="Page_200">CHAPITRE VII.</h3>
+
+<p class="somm">Maladies.&mdash;Dsir de la mort et du jugement.&mdash;Mort, 1546.</p>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p>Le mal de dents et le mal d'oreilles sont
+bien cruels; j'aimerais mieux la peste et le mal
+franais<a name="FNanchor_r162" id="FNanchor_r162" href="#Footnote_r162" class="fnanchor">[r162]</a>. Lorsque j'tais Cobourg, en 1530,
+je souffrais d'un bruit et d'un sifflement dans les
+oreilles: c'tait comme du vent qui me sortait de
+la tte... Le diable est pour quelque chose l-dedans.</p>
+
+</div>
+
+<p>Il faut manger et boire du vin quand on est
+malade. Il se traita ainsi Smalkalde, en 1537.</p>
+
+<p>Un homme se plaignait de la gale; Luther
+lui dit<a name="FNanchor_r163" id="FNanchor_r163" href="#Footnote_r163" class="fnanchor">[r163]</a>: Je voudrais bien changer avec vous;
+je vous donnerais dix florins de retour. Vous ne
+<span class="pagenum" id="Page_201">201</span>
+savez pas combien c'est une chose pnible que le
+vertige. Aujourd'hui je ne puis lire de suite une
+lettre entire, pas mme deux ou trois lignes
+du Psautier. Le bourdonnement recommence
+dans les oreilles, au point que souvent je suis
+prs de tomber sur mon banc. La gale, au contraire,
+est chose utile, etc.</p>
+
+<p>Aprs avoir prch Smalkalde, et dn ensuite,
+il prouva les douleurs de la pierre<a name="FNanchor_a76" id="FNanchor_a76" href="#Footnote_a76" class="fnanchor">[a76]</a>, et
+pria avec ardeur<a name="FNanchor_r164" id="FNanchor_r164" href="#Footnote_r164" class="fnanchor">[r164]</a>: O mon Dieu, mon seigneur
+Jsus! tu sais avec quel zle j'ai enseign ta parole.
+<i lang="la" xml:lang="la">Si est pro glori nominis tui</i>, viens mon
+secours; sinon, ferme-moi les yeux. <i lang="la" xml:lang="la">Ego moriar
+inimicus inimicis tuis.</i> Je meurs dans la haine de
+ce sclrat de pape, qui s'est lev au-dessus du
+Christ. Et il composa l'instant, sur ce sujet,
+quatre vers latins.</p>
+
+<p>Ma tte est si variable et si faible que je ne
+puis rien crire ni lire, surtout jeun. (9 fvrier
+1543. Voyez aussi le <a href="#ref_1"><ins title="Il faut sans doute lire 18 aot">16 aot</ins></a>.)</p>
+
+<p>Je suis faible et fatigu de vivre, et je songe
+ dire adieu au monde, qui est maintenant tout
+au malin. Que le Seigneur m'accorde une bonne
+heure et un heureux passage. Amen. (14 mars.)</p>
+
+<p id="ref_1"><i>A Amsdorf.</i>&mdash;Je t'cris aprs souper, car
+ jeun je ne puis sans danger jeter les yeux sur
+un livre; je m'tonne fort de cette maladie,
+et ne sais si c'est un soufflet de Satan ou si ce
+<span class="pagenum" id="Page_202">202</span>
+n'est que faiblesse de nature. (18 aot 1543.)</p>
+
+<p>Je crois que ma vritable maladie, c'est la
+vieillesse, ensuite la violence des travaux et des
+penses, mais surtout les coups de Satan; c'est
+ce dont toute la mdecine du monde ne me gurira
+pas<a name="FNanchor_a77" id="FNanchor_a77" href="#Footnote_a77" class="fnanchor">[a77]</a>. (7 novembre 1543.)</p>
+
+<p><i>A Spalatin.</i>&mdash;Je t'avoue que, dans toute
+ma vie et dans toutes les affaires de l'vangile, je
+n'ai jamais eu d'anne plus trouble que celle
+qui vient de finir. J'ai une terrible affaire avec
+les juristes, au sujet des mariages clandestins;
+ceux que j'avais cru devoir tre de fidles amis de
+l'vangile, je trouve en eux des ennemis cruels.
+Penses-tu que ce ne soit pas pour moi un supplice,
+je te le demande, mon cher Spalatin?
+(30 janvier 1544.)</p>
+
+<p>Je suis paresseux, fatigu, froid, c'est--dire
+vieux et inutile. J'ai achev ma route; reste
+seulement que le Seigneur me runisse mes
+pres, et rende la pourriture et aux vers ce qui
+leur appartient. Me voil rassasi de vie, si cela
+peut s'appeler de la vie. Prie pour moi, afin que
+l'heure de mon passage soit agrable Dieu, et
+ moi salutaire. Je ne m'occupe plus de l'Empereur
+et de l'Empire, que pour les recommander
+Dieu dans mes prires. Le monde me semble tre
+venu sa dernire heure et avoir vieilli comme
+un vtement, selon l'expression du psalmiste;
+<span class="pagenum" id="Page_203">203</span>
+voici l'heure qu'il en faut changer. (5 dcembre
+1544.)</p>
+
+<p>Si j'avais su au commencement que les
+hommes fussent si ennemis de la parole de Dieu,
+je me serais tu certainement et tenu tranquille.
+J'imaginais qu'ils ne pchaient que par ignorance<a name="FNanchor_r165" id="FNanchor_r165" href="#Footnote_r165" class="fnanchor">[r165]</a>.</p>
+
+<p>Il disait une fois<a name="FNanchor_r166" id="FNanchor_r166" href="#Footnote_r166" class="fnanchor">[r166]</a>: La noblesse, les bourgeois,
+les paysans, je dirais presque tout homme,
+pense connatre beaucoup mieux l'vangile que
+le docteur Luther ou que saint Paul mme. Ils
+mprisent les pasteurs, ou plutt le Seigneur et
+Matre des pasteurs...</p>
+
+<p>Les nobles veulent gouverner, et cependant
+ils ne peuvent rien comprendre. Le pape sait et
+peut gouverner par le fait. Le plus petit papiste
+est plus capable de gouverner que dix des nobles
+qui sont la cour, ne leur en dplaise.</p>
+
+<p>On disait un jour Luther que, dans l'vch
+de Wurtzbourg, il y avait six cents riches
+cures qui taient vacantes<a name="FNanchor_r167" id="FNanchor_r167" href="#Footnote_r167" class="fnanchor">[r167]</a>.&mdash;Il ne rsultera
+rien de bon de tout cela, dit-il. Il en sera de
+mme chez nous, si nous continuons de mpriser
+la parole de Dieu et ses serviteurs... Si je
+voulais devenir riche, je n'aurais qu' ne point
+prcher... Les visiteurs ecclsiastiques demandaient
+aux paysans pourquoi ils ne voulaient
+point nourrir leurs pasteurs? eux qui pourtant
+<span class="pagenum" id="Page_204">204</span>
+entretenaient des gardeurs de vaches et de porcs.
+Oh! rpondirent-ils, nous avons besoin d'un
+berger; nous ne pourrions pas nous en passer.
+Ils croyaient pouvoir se passer de pasteurs.</p>
+
+<p>Luther prcha dans sa maison, pour ses enfans
+et tous les siens, le dimanche, pendant six
+mois, mais il ne prchait point dans l'glise. Je
+le fais, dit-il au docteur Jonas, pour acquitter
+ma conscience et remplir mon devoir de pre de
+famille. Mais je sais et je vois bien que la parole
+de Dieu ne sera pas plus considre ici que dans
+l'glise.</p>
+
+<p>C'est vous qui prcherez aprs moi, docteur
+Jonas, songez-y et acquittez-vous-en bien<a name="FNanchor_r168" id="FNanchor_r168" href="#Footnote_r168" class="fnanchor">[r168]</a>.</p>
+
+<p>Il sortit un jour de l'glise, indign de ce que
+l'on causait<a name="FNanchor_r169" id="FNanchor_r169" href="#Footnote_r169" class="fnanchor">[r169]</a>. (1545.)</p>
+
+<p>Le 16 fvrier 1546, Luther disait qu'Aristote
+n'avait crit aucun meilleur livre que le
+cinquime des <i>Ethica</i>; qu'il y donnait cette
+belle dfinition: <i lang="la" xml:lang="la">Quod justitia sit virtus consistens
+in mediocritate, pro ut sapiens eam determinat</i><a name="FNanchor_r170" id="FNanchor_r170" href="#Footnote_r170" class="fnanchor">[r170]</a>.
+[Cet loge de la modration est trs
+remarquable dans la dernire anne de Luther.]</p>
+
+<p>Le chancelier du comte de Mansfeld qui revenait
+de la dite de Francfort, dit la table de
+Luther, Eisleben, que l'Empereur et le pape
+procdaient brusquement contre l'vque de Cologne,
+Herman; et songeaient le chasser de
+<span class="pagenum" id="Page_205">205</span>
+son lectorat<a name="FNanchor_r171" id="FNanchor_r171" href="#Footnote_r171" class="fnanchor">[r171]</a>. Alors il parla ainsi: Ils ont perdu
+la partie; ils ne peuvent rien faire contre nous
+avec la parole de Dieu et la sainte criture; <i lang="la" xml:lang="la">ergo
+volunt sapienti, violenti, astuti, practic, dolo,
+vi et armis pugnare</i>. Que dit cela notre Seigneur?
+Il voit bien qu'il est un pauvre colier, et il dit:
+Qu'allons-nous devenir mon fils et moi?... Pour
+moi, quand ils me tueraient, il faut auparavant
+qu'ils mangent ce que... J'ai un grand avantage;
+mon seigneur s'appelle <i>Schefflemini</i>; c'est lui qui
+dit: <i lang="la" xml:lang="la">Ego suscitabo vos in novissimo die</i>; et il dira
+alors: Docteur Martin, docteur Jonas, seigneur
+Michel C&oelig;lius, venez moi; et il vous nommera
+tous par vos noms, comme le Seigneur Christ dit
+dans saint Jean: <i lang="la" xml:lang="la">Et vocat eos nominatim</i>. Eh bien!
+soyez donc sans peur.</p>
+
+<p>Dieu a un beau jeu de cartes qui n'est compos
+que de rois, de princes, etc.<a name="FNanchor_r172" id="FNanchor_r172" href="#Footnote_r172" class="fnanchor">[r172]</a> Il bat les cartes,
+par exemple le pape avec Luther; et ensuite il
+fait comme les enfans, qui, aprs avoir tenu quelque
+temps les cartes en vain, se lassent du jeu,
+et les jettent sous la table.</p>
+
+<p>Le monde est comme un paysan ivre<a name="FNanchor_r173" id="FNanchor_r173" href="#Footnote_r173" class="fnanchor">[r173]</a>. Si on
+le remet en selle d'un ct, il tombe de l'autre.
+On ne peut le secourir de quelque faon qu'on
+s'y prenne. Le monde veut appartenir au diable.</p>
+
+<p>Luther disait souvent que s'il mourait dans
+son lit, ce serait une grande honte pour le pape<a name="FNanchor_r174" id="FNanchor_r174" href="#Footnote_r174" class="fnanchor">[r174]</a>.
+<span class="pagenum" id="Page_206">206</span>
+Vous tous, pape, diable, rois, princes et seigneurs,
+vous devez tre ennemis de Luther, et
+cependant vous ne pouvez lui faire mal. Il n'en
+a pas t de mme pour Jean Huss. Je tiens
+que depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme
+que le monde hat plus que moi. Je suis aussi
+ennemi du monde; je ne sais rien <i lang="la" xml:lang="la">in tot vit</i>
+ quoi j'aie plaisir; je suis tout--fait fatigu de
+vivre. Que notre Seigneur vienne donc vite, et
+m'emmne. Qu'il vienne surtout avec son jugement
+dernier, je tendrai le cou; qu'il lance le
+tonnerre et que je repose... Ensuite, il se
+console de l'ingratitude du monde, par l'exemple
+de Mose, de Samuel, de saint Paul, du
+Christ.</p>
+
+<p>Un des convives dit que si le monde subsistait
+cinquante ans, il viendrait encore bien des
+choses<a name="FNanchor_r175" id="FNanchor_r175" href="#Footnote_r175" class="fnanchor">[r175]</a>. Luther rpondit: A Dieu ne plaise!
+ce serait pis que par le pass. Il s'lverait encore
+bien des sectes qui sont aujourd'hui caches
+dans le c&oelig;ur des hommes. Vienne donc le Seigneur!
+qu'il coupe court tout cela avec le jugement
+dernier; car il n'y a plus d'amlioration.</p>
+
+<p>Il fera si mauvais vivre sur la terre, que
+l'on criera de tous les coins du monde<a name="FNanchor_r176" id="FNanchor_r176" href="#Footnote_r176" class="fnanchor">[r176]</a>: Bon
+Dieu! viens avec le jugement dernier. Et comme
+il tenait en main un chapelet d'agates blanches,
+il ajouta: O Dieu! veuille que ce jour vienne
+<span class="pagenum" id="Page_207">207</span>
+bientt. Je mangerais aujourd'hui ce chapelet
+pour que ce ft demain.</p>
+
+<p>On parlait sa table, des clipses et de leur
+peu d'influence sur la mort des rois et des grands<a name="FNanchor_r177" id="FNanchor_r177" href="#Footnote_r177" class="fnanchor">[r177]</a>.
+Le docteur rpondit: Il est vrai, les clipses
+ne veulent plus produire d'effet; je pense que
+notre Seigneur en viendra bientt aux effets vritables,
+et que le Jugement en finira bientt
+avec tout cela. C'est ce que je rvais l'autre jour,
+comme je m'tais mis dormir aprs midi, et je
+disais dj: <i lang="la" xml:lang="la">In pace in id ipsum requiescam seu
+dormiam</i>. Il faut bien que le Jugement arrive;
+car, que l'glise papale se rforme, c'est chose
+impossible; le Turc et les juifs ne se corrigeront
+pas non plus. Il n'y a aucune amlioration dans
+l'Empire; voil maintenant trente ans qu'on assemble
+toujours les dites sans dcider rien...
+Je pense souvent, quand je rflchis en me promenant,
+ ce que je dois demander dans mes
+prires pour la dite. L'vque de Mayence ne
+vaut rien, le pape est perdu. Je ne vois d'autre
+remde que de dire: Notre Pre, que votre rgne
+arrive!</p>
+
+<p>Pauvres gens que nous sommes! nous ne
+gagnons notre pain que par nos pchs<a name="FNanchor_r178" id="FNanchor_r178" href="#Footnote_r178" class="fnanchor">[r178]</a>. Jusqu'
+sept ans, nous ne faisons rien que manger, boire,
+jouer et dormir. De l jusqu' vingt et un ans,
+nous allons aux coles trois ou quatre heures
+<span class="pagenum" id="Page_208">208</span>
+par jour; nous suivons nos caprices, nous courons,
+nous allons boire. C'est alors seulement
+que nous commenons travailler. Vers la cinquantaine,
+nous avons fini, nous redevenons
+enfans. Ajoutez que nous dormons la moiti de
+notre vie. Fi de nous! sur notre vie, nous ne
+donnons pas mme la dme Dieu; et nous croirions
+avec nos bonnes &oelig;uvres mriter le ciel!
+Qu'ai-je fait, moi? J'ai babill deux heures, mang
+pendant trois, rest oisif pendant quatre. <i lang="la" xml:lang="la">Ah!
+Domine, ne intres in judicium cum servo tuo.</i></p>
+
+<p>Aprs avoir dtaill toutes ses souffrances
+Mlanchton: Plaise Christ d'enlever mon
+me dans la paix du Seigneur. Par la grce de
+Dieu, je suis prt et dsireux de partir. J'ai vcu
+et achev la course que Dieu m'avait marque...
+Que mon me fatigue de si longue route, monte
+maintenant au ciel. (18 avril 1541.)</p>
+
+<p>Je n'ai pas le temps de beaucoup crire,
+mon cher Probst, car je suis accabl par l'ge et
+les fatigues, <i lang="de" xml:lang="de">alt, kalt, ungestalt</i>, comme on dit;
+cependant le repos ne m'est pas encore permis,
+obsd comme je le suis par tant de raisons, tant
+de ncessits d'crire. J'en sais plus que toi sur
+les fatalits de ce sicle. Le monde menace ruine:
+cela est certain, tant le diable se dchane, tant
+le monde s'abrutit. Il ne reste qu'une seule consolation,
+c'est que ce jour est proche. On est
+<span class="pagenum" id="Page_209">209</span>
+<ins id="cor_6" title="original: rassassi">rassasi</ins> de la parole de Dieu, le monde en prend
+un singulier dgot. Il s'lve moins de faux
+prophtes. Pourquoi susciterait-on de nouvelles
+hrsies, quand on a pour la parole un mpris
+picurien? L'Allemagne a t, et elle ne sera jamais
+ce qu'elle a t. La noblesse ne pense qu'
+demander, les villes ne songent qu' elles-mmes
+(et avec raison); voil le royaume divis avec soi-mme,
+qui a d tenir tte cette arme de dmons
+dchane dans l'arme turque. Nous ne
+nous soucions gure de savoir si Dieu est pour
+nous ou contre nous; nous devons triompher
+par notre propre force des Turcs et des dmons,
+et de Dieu et de toutes choses. Tant est grande
+la confiance et la scurit insenses de l'Allemagne
+expirante! Et cependant nous autres que
+ferons-nous ici? Les plaintes sont vaines, les
+pleurs sont vains. Il ne vous reste qu' dire cette
+prire: Que ta volont soit faite. (26 mars 1542.<a name="FNanchor_6" id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a>)</p>
+
+<p>Je vois chez tout le monde une cupidit indomptable,
+et c'est un des signes qui me persuade
+que le dernier jour est proche; il semble
+que le monde dans sa vieillesse et son dernier
+<span class="pagenum" id="Page_210">210</span>
+paroxisme, tombe en dlire, comme il arrive
+quelquefois aux mourans. (8 mars 1544.)</p>
+
+<p>Je crois que nous sommes cette trompette
+suprme qui prpare et devance la venue du
+Christ. Ainsi, quelque faibles que nous soyons,
+quelque petit son que nous fassions entendre devant
+le monde, nous sonnons fort dans l'assemble
+des anges du ciel, qui reprendront aprs nous
+et se chargeront d'achever. Amen. (6 aot 1545.)</p>
+
+<p>Dans les dernires annes de sa vie, ses ennemis
+rpandirent plusieurs fois le bruit de sa
+mort. Ils y ajoutrent les circonstances les plus
+extraordinaires et les plus tragiques. Pour les
+rfuter, Luther fit imprimer en 1545, en allemand
+et en italien, un crit intitul: <i>Mensonges
+des Welches sur la mort du docteur Martin
+Luther</i>.</p>
+
+<p>Je l'ai dit d'avance au docteur Pomer<a name="FNanchor_r179" id="FNanchor_r179" href="#Footnote_r179" class="fnanchor">[r179]</a>:
+celui qui aprs ma mort mprisera l'autorit de
+cette cole et de cette glise, celui-l sera un
+hrtique et un pervers. Car c'est d'abord ici que
+Dieu a purifi sa parole et l'a de nouveau rvle...
+Qui pouvait quelque chose, il y a vingt-cinq
+ans? Qui tait de mon ct, il y a vingt et
+un ans?</p>
+
+<p>Je compte souvent et j'approche de plus en
+plus des quarante annes au bout desquelles, je
+pense, tout ceci doit prendre fin. Saint Paul n'a
+<span class="pagenum" id="Page_211">211</span>
+prch que quarante ans. De mme le prophte
+Jrmie et saint Augustin. Et lorsque furent
+coules les quarante annes pendant lesquelles
+on avait prch la parole de Dieu, elle a cess
+de se faire entendre, et une grande calamit est
+venue ensuite.</p>
+
+<p>La vieille lectrice, la table de laquelle il
+se trouvait, lui souhaitait quarante ans de vie<a name="FNanchor_r180" id="FNanchor_r180" href="#Footnote_r180" class="fnanchor">[r180]</a>.
+Je ne voudrais point du paradis, dit-il, condition
+de vivre quarante ans.... Je ne consulte pas
+les mdecins. Ils ont arrang que je devais vivre
+encore un an; je ne veux point rendre ma vie
+triste, mais, au nom de Dieu, manger et boire
+ce qu'il me plat.</p>
+
+<p>Je voudrais que nos adversaires me tuassent,
+car ma mort serait plus utile l'glise que
+ma vie<a name="FNanchor_r181" id="FNanchor_r181" href="#Footnote_r181" class="fnanchor">[r181]</a>.</p>
+
+<p>16 fvrier 1546<a name="FNanchor_r182" id="FNanchor_r182" href="#Footnote_r182" class="fnanchor">[r182]</a>: Comme on parlait beaucoup
+de mort et de maladie la table de Luther, pendant
+son dernier voyage Eisleben, il dit: Si
+je retourne Wittemberg, je me mettrai dans
+la bire et je donnerai manger aux vers un
+docteur bien gras. Deux jours aprs il mourut
+ Eisleben.</p>
+
+<p>Impromptu de Luther sur la fragilit de la vie<a name="FNanchor_r183" id="FNanchor_r183" href="#Footnote_r183" class="fnanchor">[r183]</a>.</p>
+
+<div class="poem" lang="la" xml:lang="la">
+<div class="verse">Dat vitrum vitro Jon (vitrum ipse) Lutherus,</div>
+<div class="verse2">Se similem ut fragili noscat uterque vitro.</div>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_212">212</span>
+Nous laissons ces vers en latin, ils auraient
+perdu leur mrite dans une traduction.</p>
+
+<p>Billet crit par Luther Eisleben, deux jours
+avant sa mort: Personne ne comprendra Virgile
+dans les <i>Bucoliques</i>, s'il n'a t cinq ans pasteur.</p>
+
+<p>Personne ne comprendra Virgile dans les
+<i>Gorgiques</i>, s'il n'a t cinq ans laboureur.</p>
+
+<p>Personne ne peut comprendre Cicron dans
+ses <i>Lettres</i>, s'il n'a t durant vingt ans ml aux
+affaires d'un grand tat.</p>
+
+<p>Que personne ne croie avoir assez got des
+saintes critures, s'il n'a pendant cent annes
+gouvern les glises, avec les prophtes lie et
+lise, avec Jean-Baptiste, Christ et les aptres.</p>
+
+<div class="poem">
+<div class="verse">Hanc tu ne divinam neida tenta,</div>
+<div class="verse">Sed vestigia pronus adora.</div>
+</div>
+
+<p>Nous sommes de pauvres mendians. <span lang="la" xml:lang="la">Hoc
+est verum, 16 februarii, anno 1546.</span></p>
+
+<p>Prdiction du rvrend pre le docteur Martin
+Luther, crite de sa propre main, et trouve
+aprs sa mort dans sa bibliothque, par ceux que
+le trs illustre lecteur de Saxe, Jean Frdric I<sup>er</sup>,
+avait charg de la fouiller<a name="FNanchor_r184" id="FNanchor_r184" href="#Footnote_r184" class="fnanchor">[r184]</a>.</p>
+
+<p>Le temps est arriv auquel, selon l'ancienne
+prdiction, doivent venir aprs la rvlation de
+l'Antichrist, des hommes qui vivraient sans Dieu,
+chacun selon ses dsirs et ses illusions. Le pape
+<span class="pagenum" id="Page_213">213</span>
+tait un dieu au-dessus de Dieu, et maintenant
+tous veulent se passer de Dieu, surtout les papistes.
+Les ntres, maintenant qu'ils sont libres
+des lois du pape, veulent encore l'tre de la loi
+de Dieu, ne suivre que des mobiles politiques,
+et ne les suivre encore que selon leurs caprices.&mdash;Nous
+nous figurons qu'ils sont bien loin ceux
+dont on a prdit de telles choses; ils ne sont
+autres que nous-mmes.&mdash;Il y en a parmi
+ceux-ci, qui dsirant le jour de l'homme, ont
+commenc chasser de l'glise le dcalogue et la
+Loi. Parmi eux se trouvent matre Eisleben
+(Agricola), contre lequel, etc.&mdash;Je ne suis pas
+inquiet des papistes; ils flattent le pape par haine
+pour nous, et pour devenir puissans, jusqu' ce
+qu'ils soient formidables au pauvre pape.... Je
+sens une grande consolation, quand je vois les
+adulateurs du pape lui tendre des embches plus
+terribles que moi-mme, qui suis son ennemi
+dclar. Il en est de mme chez nous: les ntres
+me donnent plus d'affaires et de prils que toute
+la papaut, qui dsormais ne pourra rien contre
+nous. Tant il est vrai que si un empire doit se
+dtruire, c'est plutt par ses propres forces. Celui
+de Rome</p>
+
+<div class="poem" lang="la" xml:lang="la">
+<div class="verse">Mole ruit su....</div>
+<div class="verse">... Corpus magnum populumque potentem</div>
+<div class="verse">In sua victrici conversum viscera dextr.</div>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_214">214</span>
+Vers la fin de sa vie, Luther prit en dgot le
+sjour de Wittemberg. Il crivit sa femme,
+en juillet 1545, de Leipzig o il se trouvait:
+Grce et paix, chre Catherine! Notre Jean
+te racontera comment nous sommes arrivs.
+Ernst de Schonfeld nous a trs bien reus Lobnitz,
+et notre ami Scherle encore mieux ici. Je
+voudrais bien m'arranger de manire ne plus
+avoir besoin de retourner Wittemberg. Mon
+c&oelig;ur s'est refroidi pour cette ville, et je n'aime
+plus y rester. Je voudrais que tu vendisses la
+petite maison, avec la cour et le jardin; je rendrais
+ mon gracieux seigneur la grande maison
+dont il m'a fait prsent, et nous nous tablirions
+ Zeilsdorf. Avec ce que je reois pour salaire,
+nous pourrions mettre notre terre en bon tat,
+car je pense bien que mon seigneur ne refusera
+pas de me le continuer, du moins pour cette
+anne, que je crois fermement devoir tre la
+dernire de ma vie. Wittemberg est devenu une
+vritable Sodome, et je ne veux pas y retourner.
+Aprs-demain je me rendrai Mersebourg, o le
+comte George m'a vivement pri de venir. J'aimerais
+mieux passer ainsi ma vie sur les grandes
+routes, ou mendier mon pain, que de tourmenter
+mes pauvres derniers jours par la vue des
+scandales de Wittemberg, o toutes mes peines
+et toutes mes sueurs sont perdues. Tu peux faire
+<span class="pagenum" id="Page_215">215</span>
+savoir ceci Philippe et Pomer, que je prie de
+bnir la ville en mon nom. Pour moi, je ne peux
+plus y vivre.</p>
+
+<p>Il ne fallut rien moins que les instantes prires
+de ses amis, de toute l'acadmie et de l'lecteur,
+pour le faire renoncer cette rsolution. Il revint
+ Wittemberg le 18 aot.</p>
+
+<p>Luther ne put mourir tranquille; ses derniers
+jours furent employs la tche pnible de rconcilier
+les comtes de Mansfeld, dont il tait n
+le sujet<a name="FNanchor_a78" id="FNanchor_a78" href="#Footnote_a78" class="fnanchor">[a78]</a>. Huit jours de plus ou de moins, crit-il
+au comte Albrecht, en lui promettant de se rendre
+ Eisleben, huit jours de plus ou de moins, ne
+m'arrteront pas, quoique je sois bien occup
+d'ailleurs. Je pourrai me coucher dans le cercueil
+avec joie, quand j'aurai vu auparavant mes chers
+seigneurs se rconcilier et redevenir amis.
+(6 dcembre 1545.)</p>
+
+<p>(De Eisleben.) <i>A la trs savante et trs profonde
+dame Catherine Luther, ma gracieuse pouse.</i>
+Chre Catherine! nous sommes bien tourments
+ici, et nous ne serions pas fchs de pouvoir
+retourner chez nous. Cependant il nous faudra,
+je pense, rester encore une huitaine de jours.
+Tu peux dire matre Philippe qu'il ne fera pas
+mal de corriger sa <i>postille</i> sur l'vangile, car, en
+l'crivant, il ne savait gure pourquoi le Seigneur,
+dans l'vangile, appelle les richesses des pines.
+<span class="pagenum" id="Page_216">216</span>
+C'est ici l'cole o l'on apprend ces choses. La
+sainte criture menace partout les pines du feu
+ternel, cela m'effraie et me rend de la patience,
+car je dois faire tous mes efforts, Dieu aidant,
+pour mener la chose bonne fin... (6 fvrier
+1546.)</p>
+
+<p><i>A la gracieuse dame Catherine Luther, ma
+chre pouse, qui se tourmente beaucoup trop.</i> Grce
+et paix dans le Seigneur. Chre Catherine! tu devrais
+lire saint Jean et ce que le Catchisme dit de
+la confiance que nous devons avoir en Dieu. Tu
+te tourmentes vraiment comme si Dieu n'tait
+pas tout-puissant, et qu'il ne pt produire de
+nouveaux docteurs Martin par dixaines, si l'ancien
+se noyait dans la Saale ou prissait d'une
+autre manire. J'ai Quelqu'un qui a soin de moi,
+mieux que toi et les anges vous ne pourriez jamais
+faire. Il est assis la droite du Pre tout-puissant.
+Tranquillise-toi donc. Amen... J'avais
+aujourd'hui l'intention de partir <i lang="la" xml:lang="la">in ir me</i>; mais
+le malheur o je vois mon pays natal, m'a encore
+retenu. Le croirais-tu? je suis devenu lgiste? Cependant
+cela ne servira pas grand'chose. Il vaudrait
+mieux qu'ils me laissassent thologien. Il
+serait grand besoin pour eux d'humilier leur superbe.
+Ils parlent et agissent comme s'ils taient
+des dieux, mais je crains bien qu'ils ne deviennent
+des diables, s'ils continuent ainsi. Lucifer
+<span class="pagenum" id="Page_217">217</span>
+aussi a t prcipit par son orgueil, etc...
+Fais voir cette lettre Philippe, je n'ai pas
+eu le temps de lui crire sparment. (7 fvrier
+1546.)</p>
+
+<p><i>A ma douce et chre pouse, Catherine Luther
+de Bora.</i> Grce et paix dans le Seigneur. Chre
+Catherine! Nous esprons retourner chez vous
+cette semaine, si Dieu le veut. Il a montr la
+puissance de sa grce dans cette affaire. Les seigneurs
+se sont accords sur tous les points,
+l'exception de deux ou trois, entre autres sur la
+rconciliation des deux frres, les comtes Gebhard
+et Albrecht. Je dnerai aujourd'hui avec eux,
+et je tcherai de les faire redevenir frres. Ils ont
+crit l'un contre l'autre avec beaucoup d'amertume,
+et ne se sont encore rien dit pendant les
+confrences.&mdash;Du reste, nos jeunes seigneurs
+sont pleins de gat; ils vont en traneaux avec
+les dames, et font sonner les clochettes de leurs
+chevaux. Dieu a exauc nos prires.</p>
+
+<p>Je t'envoie des truites, dont la comtesse Albrecht
+m'a fait prsent. Cette dame est bien
+heureuse de voir renatre la paix dans sa famille...
+Le bruit court ici que l'Empereur s'avance vers
+la Westphalie, et que le Franais enrle des
+landsknechts, de mme que le Landgrave, etc.
+Laissons-les dire et forger des nouvelles: nous
+attendrons ce que Dieu voudra faire. Je te recommande
+<span class="pagenum" id="Page_218">218</span>
+ sa protection.&mdash;Martin <span class="smcap">Luther</span>.
+(14 fvrier 1546.)</p>
+
+<p>Luther tait arriv le 28 janvier Eisleben, et
+quoique dj malade, il assista aux confrences
+jusqu'au 17 fvrier. Il prcha aussi quatre fois,
+et rvisa le rglement ecclsiastique du comt de
+Mansfeld. Le 17, il fut si malade que les comtes
+le prirent de ne pas sortir. Au souper, il parla
+beaucoup de sa mort prochaine, et quelqu'un
+lui ayant demand si nous nous reconnatrions
+les uns les autres dans l'autre monde, il rpondit
+qu'il le pensait. En rentrant dans sa chambre
+avec matre C&oelig;lius et ses deux fils, il s'approcha
+de la croise et y resta long-temps en
+prires. Ensuite il dit Aurifaber qui venait
+d'arriver: Je me sens bien faible, et mes
+douleurs augmentent. On lui donna un mdicament,
+et on tcha de le rchauffer par des
+frictions. Il adressa quelques mots au comte Albrecht,
+qui tait venu aussi, et se mit sur un lit
+de repos en disant: Si je pouvais seulement
+sommeiller une petite demi-heure, je crois que
+cela me soulagerait. Il s'endormit en effet, et
+ne se rveilla qu'une heure et demie aprs, vers
+onze heures. En se rveillant, il dit aux assistans:
+Vous voil encore assis ct de moi, ne voulez-vous
+pas aller reposer vous-mmes? Il se
+remit alors prier, et dit avec ferveur: <i lang="la" xml:lang="la">In manus
+<span class="pagenum" id="Page_219">219</span>
+tuas commendo spiritum meum; redemisti me, Domine,
+Deus veritatis</i>. Il dit aussi aux assistans:
+Priez tous, mes amis, pour l'vangile de notre
+Seigneur, pour que son rgne s'tende, car le
+concile de Trente et le pape le menacent grandement.
+Il dormit ensuite jusque vers une heure,
+et quand il se rveilla, le docteur Jonas lui demanda
+comment il se trouvait. O mon Dieu!
+rpondit-il, je me sens bien mal. Mon cher Jonas,
+je pense que je resterai ici, Eisleben, o je suis
+n. Il marcha pourtant un peu dans la chambre
+et se remit sur son lit de repos, o on le couvrit
+de coussins. Deux mdecins et le comte avec sa
+femme arrivrent ensuite. Luther leur dit: Je
+meurs, je resterai ici, Eisleben; et le docteur
+Jonas lui ayant exprim l'espoir que la transpiration
+le soulagerait peut-tre, il rpondit:
+Non, cher Jonas, c'est une sueur froide et
+sche, le mal augmente. Il se remit alors prier,
+et dit: O mon pre! Dieu de notre Seigneur
+Jsus-Christ, toi le pre de toute consolation,
+je te remercie de m'avoir rvl ton fils bien-aim,
+en qui je crois, que j'ai prch et reconnu,
+que j'ai aim et clbr, et que le pape et les
+impies perscutent. Je te recommande mon me,
+ mon Seigneur Jsus-Christ! Je quitterai ce
+corps terrestre, je vais tre enlev de cette vie,
+mais je sais que je resterai ternellement auprs
+<span class="pagenum" id="Page_220">220</span>
+de toi. Il rpta encore trois fois: <i lang="la" xml:lang="la">In manus tuas
+commendo spiritum meum; redemisti me, Domine
+veritatis</i>. Soudain il ferma les yeux, et tomba
+vanoui. Le comte Albrecht et sa femme, ainsi
+que les mdecins, lui prodigurent leurs secours
+pour le rendre la vie. Ils n'y parvinrent qu'avec
+peine. Le docteur Jonas lui dit alors: Rvrend
+pre, mourez-vous avec constance dans la foi
+que vous avez enseigne? Il rpondit par un
+oui distinct, et se rendormit. Bientt il plit,
+devint froid, respira encore une fois profondment,
+et mourut.</p>
+
+<p>Son corps fut transfr dans un cercueil d'tain,
+ Wittemberg, o il fut inhum le 22 fvrier avec
+les plus grands honneurs. Il repose dans l'glise
+du chteau, au pied de la chaire. (Ukert I, p. 327,
+sqq. <i>Extrait de la relation de Jonas et de C&oelig;lius.</i>)</p>
+
+<p><i>Testament de Luther, dat du 6 janvier 1542.</i>&mdash;Je
+soussign, Martin Luther, docteur, reconnais
+avoir, par les prsentes, donn comme
+douaire ma chre et fidle pouse Catherine,
+pour qu'elle en jouisse toute sa vie, comme bon
+lui semblera: la terre de Zeilsdorf, telle que
+je l'ai achete et fait disposer depuis; la maison
+<i>Brun</i> que j'ai achete sous le nom de
+Wolf; les gobelets et autres choses prcieuses,
+telles que bagues, chanes, mdailles en or et en
+<span class="pagenum" id="Page_221">221</span>
+argent, de la valeur de mille florins environ.</p>
+
+<p>J'ai fait ceci, premirement parce qu'elle a
+toujours t ma pieuse et fidle pouse, qui m'a
+aim tendrement, et qui, par la bndiction du
+ciel, m'a donn et lev cinq enfans heureusement
+encore en vie. Secondement, pour qu'elle
+se charge de mes dettes, montant quatre cent
+cinquante florins environ, au cas o je ne pourrais
+les acquitter avant ma mort. Troisimement,
+et surtout, parce que je ne veux pas qu'elle soit
+dans la dpendance de ses enfans, mais plutt
+que les enfans dpendent d'elle, l'honorent et
+lui soient soumis, comme Dieu l'a command;
+car j'ai vu bien souvent comme le Diable excite
+les enfans, mme les enfans pieux, dsobir
+ce commandement, surtout quand les mres sont
+veuves, que les fils ont des pouses, et les filles
+des maris. Je pense, au reste, que la mre sera
+la meilleure tutrice de ses enfans, et qu'elle ne
+fera pas usage de ce douaire au dtriment de ceux
+qui sont sa chair et son sang, de ceux qu'elle
+a ports sous son c&oelig;ur.</p>
+
+<p>Quoi qu'il puisse advenir d'elle aprs ma mort
+(car je ne puis limiter les desseins de Dieu),
+j'ai cette confiance qu'elle se conduira toujours
+comme une bonne mre envers ses enfans, et
+qu'elle partagera consciencieusement avec eux ce
+qu'elle possdera.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_222">222</span>
+En mme temps, je prie tous mes amis d'tre
+tmoins de la vrit et de dfendre ma chre Catherine,
+s'il allait arriver, comme il serait possible,
+que de mauvaises langues l'accusassent de
+garder pour elle quelque somme d'argent cache,
+et de ne pas en faire part aux enfans. Je certifie
+que nous n'avons ni argent comptant, ni trsor
+d'aucune espce. En cela rien d'tonnant,
+si l'on veut considrer que nous n'avons eu
+d'autre revenu que mon salaire et quelques prsens,
+et que cependant nous avons bti, et port
+les charges d'un grand mnage. Je regarde mme
+comme une grce particulire de Dieu, et je l'en
+remercie sans cesse, que nous ayons pu y <ins id="cor_7" title="original: sufffire">suffire</ins>,
+et que nos dettes ne soient pas plus considrables........</p>
+
+<p>Je prie aussi mon gracieux seigneur, le duc
+Jean-Frdric, lecteur, de vouloir bien confirmer
+et maintenir le prsent acte, quoiqu'il ne
+soit pas fait dans la forme demande par les gens
+de loi. Martin <span class="smcap">Luther</span>. <i>Sign</i> <span class="smcap">Mlanchton</span>, <span class="smcap">Cruciger</span>
+et <span class="smcap">Bugenhagen</span>, comme tmoins.<a name="FNanchor_a79" id="FNanchor_a79" href="#Footnote_a79" class="fnanchor">[a79]</a></p>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h2 id="Page_223">ADDITIONS<br />
+ET<br /><br />
+CLAIRCISSEMENS.</h2>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<div class="addnotes">
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a1" id="Footnote_a1" href="#FNanchor_a1">[a1]</a>&nbsp;</span>Page 1, ligne 7.&mdash;<i>Les Turcs...</i></p>
+
+<p>Luther crut voir d'abord dans les Turcs un
+secours que Dieu lui envoyait. Ce sont, dit-il,
+les ministres de la colre divine, 1526. (<i lang="la" xml:lang="la">Pr&oelig;liari
+adversus Turcas, est repugnare Deo, visitanti iniquitates
+nostras per illos.)</i>&mdash;Il ne voulait point
+que les protestans s'armassent contre eux pour
+dfendre les papistes, car ceux-ci ne valent
+pas mieux que les Turcs.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_224">224</span>
+Il dit dans la prface qu'il mit un livre du
+docteur Jonas, que les Turcs galent les papistes,
+ou les surpassent plutt, dans les choses que
+ceux-ci regardent comme essentielles au salut,
+tels que les aumnes, les jenes, les macrations,
+les plerinages, la vie monastique, les crmonies
+et les autres &oelig;uvres extrieures, et que c'est
+pour cette raison que les papistes ne parlent pas
+du culte des mahomtans. Il prend occasion de
+ceci pour lever au-dessus de ces pratiques mahomtanes
+ou romanistes, la religion pure du
+c&oelig;ur et de l'esprit, enseigne par l'vangile.</p>
+
+<p class="sep2">Ailleurs, il fait un parallle entre le pape et
+le Turc, et conclut ainsi: S'il faut combattre le
+Turc, il faut aussi combattre le pape.&mdash;Cependant
+quand il vit les Turcs menacer srieusement
+l'indpendance de l'Allemagne, il exprima plusieurs
+fois le dsir qu'on entretnt une arme permanente
+sur les frontires de la Turquie, et rpta
+souvent que tout ce qui portait le nom de
+chrtien devait implorer Dieu pour le succs des
+armes de l'Empereur contre les infidles.</p>
+
+<p>Luther exhorta l'lecteur, dans une lettre du
+29 mai 1538, prendre part la guerre qui se
+prparait contre les Turcs. Il l'engagea oublier
+les querelles intestines de l'Allemagne, pour tourner
+ses armes contre l'ennemi commun.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_225">225</span>
+Un homme digne de foi, qui avait t en ambassade
+chez les Turcs, dit un jour Luther que
+le sultan lui avait demand quel homme tait
+Luther, et de quel ge, et qu'ayant appris qu'il
+avait environ quarante-huit ans, il disait: Je
+voudrais qu'il ne ft pas si g; il a en moi un
+gracieux seigneur, dites-le-lui bien. Que Dieu
+me prserve de ce gracieux seigneur, s'cria
+Luther, en faisant le signe de la croix. (Tischreden,
+p. 432, verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a2" id="Footnote_a2" href="#FNanchor_a2">[a2]</a>&nbsp;</span>Page 3, ligne 25.&mdash;<i>Le Landgrave... se croyant menac, leva
+une arme...</i></p>
+
+<p>Luther, dans une lettre au chancelier Brck,
+dit, en parlant des prparatifs de guerre du Landgrave:
+Une pareille agression de la part des
+ntres, serait la plus grande honte pour l'vangile.
+Ce ne serait point une rvolte de paysans,
+mais une rvolte de princes, qui prparerait
+ l'Allemagne les maux les plus terribles. Satan
+ne dsire rien autant. (mai 1528.) Il
+crivit plusieurs lettres dans le mme sens
+l'lecteur.&mdash;Cependant il est quelquefois tent
+de lcher lui-mme la bride au Landgrave. Ayant
+lu une lettre de Mlanchton, qui tait au <i>Colloque</i>,
+il dit: Ce que Philippe crit, cela a
+<span class="pagenum" id="Page_226">226</span>
+des pieds et des mains, de l'autorit et de la gravit.
+Il dit des choses importantes en peu de
+mots; je conclus de sa lettre que nous avons la
+guerre....... Le lche de Mayence fait tout le mal.
+Ils devraient nous donner une prompte rponse.
+Si j'tais le Landgrave, je tomberais dessus, je
+prirais ou je les exterminerais, puisque dans une
+affaire si juste, ils ne veulent pas nous donner
+la paix. (Tischreden, p. 151.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a3" id="Footnote_a3" href="#FNanchor_a3">[a3]</a>&nbsp;</span><ins title="Il faut sans doute lire Page 3, ligne 26">Page 26, ligne 3</ins>.&mdash;<i>Le duc George...</i></p>
+
+<p>Ce prince se montra de bonne heure oppos
+ la Rforme. Ds l'anne 1525 (22 dcembre),
+Luther avait crit au duc pour le prier instamment
+de renoncer ses perscutions contre la
+nouvelle doctrine. ... Je me jette vos pieds
+pour vous supplier de cesser enfin vos entreprises
+impies. Non que je craigne le prjudice qui en
+pourrait rsulter pour moi, car je n'ai plus qu'
+perdre ce misrable corps de chair que dans tous
+les cas la terre va bientt recevoir. Si je recherchais
+mon avantage, je ne devrais rien tant dsirer
+que la perscution. On a vu comme elle m'a
+servi jusqu'ici au-del de toute attente. Si je
+prenais plaisir rendre votre Grce malheureuse,
+je l'exciterais de toutes mes forces continuer
+<span class="pagenum" id="Page_227">227</span>
+ses violences; mais c'est mon devoir de songer
+au salut de votre Grce et de la supplier genoux
+de cesser ses criminelles offenses envers
+Dieu et sa parole...</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a4" id="Footnote_a4" href="#FNanchor_a4">[a4]</a>&nbsp;</span>Page 4, ligne 3.&mdash;<i>Le docteur Pack...</i></p>
+
+<p>Mon cher Amsdorf, voici Otton Pack, pauvre
+exil que j'offre ta misricorde; il sera plus
+en sret Magdebourg que chez moi; je craindrais
+que le duc George ne me fort de le remettre
+entre ses mains. (29 juillet 1529.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a5" id="Footnote_a5" href="#FNanchor_a5">[a5]</a>&nbsp;</span>Page 5, ligne 1.&mdash;<i>Le grand-matre de l'ordre Teutonique
+avait scularis la Prusse...</i></p>
+
+<p>Lorsque je parlai la premire fois au prince
+Albert, comme il me consultait sur la rgle de
+son ordre, je lui conseillai de mpriser cette
+rgle stupide et confuse, de prendre femme
+et de rduire la Prusse une forme politique,
+en principaut ou en duch. Philippe, partageait
+cette opinion, et donnait le mme conseil...
+Cela pourrait s'excuter aisment, si le peuple
+de Prusse et les grands unissaient leurs prires
+<span class="pagenum" id="Page_228">228</span>
+pour qu'il ost l'entreprendre; il aurait ainsi
+un motif ncessaire et puissant de faire ce
+qu'il dsire.... C'est toi avec Speratus, Amandus
+et les autres ministres, d'y amener le peuple,
+de l'enflammer, de l'animer pour qu'il
+invoque la main de Dieu, afin qu'au lieu de
+cette abominable principaut hermaphrodite,
+qui n'est ni laque ni ecclsiastique, il dsire et
+rclame une principaut vritable.&mdash;Je voudrais
+persuader la mme chose l'vque ***; lui
+aussi, il cderait nos raisons, si le peuple le
+pressait de ses prires. (4 juillet 1524.)</p>
+
+<p>Il y avait six mois alors que cet vque prchait
+ouvertement la rforme. Ainsi, crivait
+Luther en avril 1525, pendant le fort de la guerre
+des paysans, l'vangile court pleine course et
+pleines voiles en Prusse, o il n'tait pas appel,
+tandis que dans la haute et basse Allemagne, o
+il est venu et entr de lui-mme, on le blasphme
+avec fureur. (T. II, p. 649.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a6" id="Footnote_a6" href="#FNanchor_a6">[a6]</a>&nbsp;</span>Page 6, ligne 25.&mdash;<i>Le duc George...</i></p>
+
+<p>Prie avec moi le Dieu de misricorde, pour
+qu'il convertisse le duc George son vangile,
+ou que, s'il n'en est pas digne, il soit tir de ce
+monde. (27 mars 1526.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_229">229</span>
+Luther crivit l'lecteur, au sujet de ses querelles
+avec le duc George (31 dcembre 1528):
+... Je prie votre Grce lectorale de m'abandonner
+entirement la dcision des juges, au cas
+o le duc George le demanderait, car il est de
+mon devoir d'exposer ma tte plutt que de faire
+prouver le moindre prjudice votre Grce.
+Jsus-Christ, je l'espre, me donnera les forces
+ncessaires pour rsister tout seul Satan.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a7" id="Footnote_a7" href="#FNanchor_a7">[a7]</a>&nbsp;</span>Page 7, ligne 14.&mdash;<i>O s'arrtera la superbe de ce Moab...</i></p>
+
+<p>Le duc George tait, aprs tout, un perscuteur
+assez dbonnaire. Ayant chass de Leipzig
+quatre-vingts luthriens, il leur accorda la permission
+de garder leurs maisons, d'y laisser leurs
+femmes et leurs enfans, et mme d'y venir trois
+fois par an au temps des foires.&mdash;Dans une autre
+circonstance, Luther ayant conseill aux protestans
+de Leipzig de rsister aux ordres de leur
+duc, celui-ci se contenta de prier l'lecteur de
+Saxe d'interdire Luther toute communication
+avec ses sujets. (Cochlus, p. 230.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a8" id="Footnote_a8" href="#FNanchor_a8">[a8]</a>&nbsp;</span>Page 7, ligne 23.&mdash;<i>Dite Spire...</i></p>
+
+<p>Quelque temps aprs cette dite, Luther crivit
+<span class="pagenum" id="Page_230">230</span>
+la consultation suivante: D'abord il serait
+bon que notre parti, l'exclusion des zwingliens,
+parlt pour lui seul.</p>
+
+<p>En second lieu, qu'on crivt l'Empereur,
+et que les bienfaits du prince (l'lecteur de Saxe),
+envers l'glise et l'tat, fussent amplifis, clbrs,
+etc. Il faudrait rappeler: 1<sup>o</sup> Qu'il a fait
+enseigner, de la manire la plus pure, le Christ
+et sa foi, comme on ne l'a jamais enseign depuis
+mille ans; qu'il a aboli une foule d'abus et
+de monstruosits nuisibles l'glise et l'tat,
+comme les marchs de messes, les abus des indulgences,
+les violences de l'excommunication,
+et tant d'autres choses qui leur ont paru eux-mmes
+intolrables, et dont la noblesse a exig
+l'abolition Worms.</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> Qu'il a rsist aux sditieux, ceux qui
+violaient les images et les glises.</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> Que la dignit impriale a t par lui
+honore, glorifie, rforme, plus qu'on ne l'avait
+fait en plusieurs sicles.</p>
+
+<p>4<sup>o</sup> Que nous avons fait et support les plus
+grandes choses contre les partisans de Mnzer,
+pour sauver la majest et la paix publique.</p>
+
+<p>5<sup>o</sup> Que c'est nous, et non d'autres, qui
+avons rprim les sacramentaires; que sans nous
+les papistes eussent t crass.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_231">231</span>
+6<sup>o</sup> Que nous avons de mme rprim les
+anabaptistes.</p>
+
+<p>7<sup>o</sup> Qu'en outre, nous avons touff les mauvais
+germes que de mchantes gens avaient rpandus
+en divers endroits sur la sainte Trinit,
+sur la foi du Christ, etc. Je parle d'rasme,
+d'Egranus et de leurs pareils. (mai 1529.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a9" id="Footnote_a9" href="#FNanchor_a9">[a9]</a>&nbsp;</span>Page 7, ligne 28.&mdash;<i>Le parti de la Rforme clata...</i></p>
+
+<p>Luther essaya encore de retenir les siens; le
+22 mai 1529, il crivit l'lecteur pour le dissuader
+d'entrer dans aucune ligue contre l'Empereur,
+et l'exhorter s'en remettre la protection
+divine. Dans une lettre Agricola, il
+approuva la conduite prudente de l'lecteur
+l'gard de l'Empereur: Notre prince a bien fait
+de reconnatre un seigneur dans une ville trangre,
+et de n'avoir point cherch tre le matre,
+comme il aurait pu le faire. Christ a dit: <i>Si vous
+tes perscut dans une ville, fuyez dans une autre</i>;
+et encore: <i>Sortez de cette maison</i>. Ainsi je
+pense que notre prince, comme un membre qui
+ne peut se sparer du corps, ne devait point
+rompre avec Csar. Mais par son silence il a
+comme fui dans une autre ville, il est sorti de
+cette maison. (30 juin 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_232">232</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a10" id="Footnote_a10" href="#FNanchor_a10">[a10]</a>&nbsp;</span>Page 8, ligne 11.&mdash;<i>Le Landgrave essaya de rconcilier
+Luther et les sacramentaires...</i></p>
+
+<p>Au landgrave de Hesse. Grce et paix en
+Jsus-Christ. Srnissime seigneur! j'ai reu la
+lettre par laquelle votre Altesse veut bien m'engager
+ me rendre Marbourg, pour confrer
+avec &OElig;colampade et les siens, au sujet de nos
+opinions sur le saint Sacrement. Je ne saurais
+cacher votre Altesse que je mets peu d'espoir
+dans une pareille confrence, et que je doute
+qu'on en voie sortir la paix et l'union. Nanmoins
+il faut rendre grce votre Altesse, de la sollicitude
+qu'elle montre en cette affaire, et je suis
+dispos, pour ma part, me rendre au lieu dsign,
+bien que je regarde cette dmarche comme
+inutile. Je ne veux pas laisser non plus nos adversaires
+la gloire de pouvoir dire qu'ils aiment
+plus que nous la paix et la concorde. Mais je vous
+prie humblement, gracieux prince et seigneur,
+de vouloir bien, avant que nous nous runissions,
+vous informer s'ils sont disposs cder
+quelque point de leurs doctrines, autrement je
+craindrais fort que le mal ne ft qu'empirer par
+cette confrence, et que le rsultat ne ft prcisment
+le contraire de ce que votre Altesse recherche
+<span class="pagenum" id="Page_233">233</span>
+si loyalement et si srieusement. A quoi
+servirait-il de se runir et de discuter, si les deux
+parties arrivaient avec la rsolution de ne cder
+en quoi que ce ft?... (23 juin 1529.)</p>
+
+<p>Dans une consultation qui nous reste sur le
+mme sujet, et que l'on attribue gnralement
+Luther, il exprime le dsir que quelques papistes,
+hommes graves et instruits, assistent
+la confrence comme tmoins.</p>
+
+<p>A sa femme. Grce et paix en Jsus-Christ.
+Cher seigneur Catherine! Apprenez que notre
+confrence amicale de Marbourg est finie, et que
+nous sommes d'accord en tout point, si ce n'est
+que nos adversaires persistent ne voir que du
+pain dans l'Eucharistie, et n'admettre qu'une
+prsence spirituelle de Jsus-Christ. Aujourd'hui
+le Landgrave nous parlera encore une fois, pour
+tcher de nous unir ou de nous porter du moins
+ nous reconnatre pour frres et membres du
+mme corps. Il y travaille avec ardeur. Nous leur
+accordons la paix et la charit, mais nous ne
+voulons pas de ce nom de frres. Demain ou
+aprs-demain, je pense, nous partirons pour
+nous rendre au Voigtland, o l'lecteur nous a
+appels.</p>
+
+<p>Dis Pommer que les meilleurs argumens
+de Zwingli ont t: <i>Que le corps ne peut exister
+sans espace, et que, par consquent, le corps du
+<span class="pagenum" id="Page_234">234</span>
+Christ n'est pas dans le pain</i>, et le meilleur d'&OElig;colampade:
+<i>Que le saint Sacrement est un signe
+du corps du Christ</i>. Dieu les a vraiment aveugls;
+ils n'ont su que nous rpondre.&mdash;Adieu. Le
+messager me presse. Priez pour nous. Nous sommes
+bien portans et vivons comme les princes.
+Embrasse pour moi Leinette (Madeleine) et le
+petit Jean. Le jour de saint Franois. Votre
+dvou serviteur, Martin <span class="smcap">Luther</span>. (4 octobre
+1529.)</p>
+
+<p>Luther crivit au landgrave de Hesse dans
+une autre lettre (20 mai 1530), au sujet de ses
+tentatives de conciliation: ... J'ai support
+de si grands dangers et de si longs tourmens pour
+ma doctrine, que certes j'ai lieu de dsirer de
+n'avoir pas travaill en vain. Ce n'est donc point
+par haine ou par orgueil que je leur rsiste; il y
+a bien long-temps que j'aurais adopt leur doctrine,
+Dieu, mon Seigneur, le sait, s'ils avaient
+pu m'en montrer la vrit; mais les raisons
+qu'ils donnent sont trop faibles pour que j'y
+puisse engager ma conscience...</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a11" id="Footnote_a11" href="#FNanchor_a11">[a11]</a>&nbsp;</span>Page 11, ligne 18.&mdash;<i>L'lecteur amena...</i></p>
+
+<p>Il partit de Torgaw le 3 avril, et arriva Augsbourg
+le 2 mai. Sa suite se composait de cent
+<span class="pagenum" id="Page_235">235</span>
+soixante chevaux. Les thologiens qu'il avait avec
+lui furent Luther, Mlanchton, Jonas, Agricola,
+Spalatin et Osiander. Luther, excommuni
+et mis au ban de l'Empire, resta Cobourg.
+(Ukert, t. I, p. 232.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a12" id="Footnote_a12" href="#FNanchor_a12">[a12]</a>&nbsp;</span>Page 11, ligne 19.&mdash;<i>L'lecteur amena Luther le plus
+prs possible d'Augsbourg.</i></p>
+
+<p>Je suis sur les confins de la Saxe, moiti
+chemin entre Wittemberg et Augsbourg. Il y aurait
+eu trop de danger pour moi dans cette dernire
+ville. (juin 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a13" id="Footnote_a13" href="#FNanchor_a13">[a13]</a>&nbsp;</span>Page 13, ligne 22.&mdash;<i>Les nobles seigneurs qui forment nos
+comices...</i></p>
+
+<p>Ma rsidence est maintenant au milieu des
+nuages, dans l'empire des oiseaux. Sans parler
+de la foule des autres oiseaux, dont les chants
+confus feraient taire une tempte, il y a prs
+d'ici un certain bois tout peupl, de la premire
+ la dernire branche, de corbeaux et de
+corneilles. Du matin au soir, et quelquefois pendant
+toute la nuit, il y a l une crierie si infatigable,
+si incessante, que je doute qu'en aucun
+<span class="pagenum" id="Page_236">236</span>
+lieu du monde tant d'oiseaux se soient jamais
+runis. Pas un qui se repose un instant; bon
+gr mal gr, il faut les entendre, vieux et jeunes,
+mres et filles, glorifier qui mieux mieux, par
+leurs croassemens, le nom de corbeaux. Peut-tre,
+par ces chants si harmonieux, veulent-ils
+faire descendre doucement le sommeil sur mes
+paupires; avec la grce de Dieu, j'en ferai cette
+nuit l'exprience. C'est une noble race d'oiseaux,
+et, comme tu le sais, fort utiles au monde. Il
+me semble, en les voyant, que j'ai sous les yeux
+toute l'arme des sophistes et des Cochleistes,
+runis de toutes les parties du monde, afin
+que j'apprcie mieux leur sagesse et leur doux
+langage, et que je voie mon aise ce qu'ils sont
+et ce qu'ils peuvent pour le monde de l'esprit
+et pour le monde de la chair. Jusqu' ce jour,
+personne n'a entendu philomle, et cependant
+le coucou, qui annonce et accompagne son
+chant, s'enorgueillit magnifiquement dans la
+gloire de sa voix. De la rsidence des corbeaux.
+(22 avril 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a14" id="Footnote_a14" href="#FNanchor_a14">[a14]</a>&nbsp;</span>Page 14, ligne 23.&mdash;<i>Luther le tanait rudement...</i></p>
+
+<p>Quelquefois cependant il comptit ses douleurs.
+Vous avez confess Christ, offert la paix,
+<span class="pagenum" id="Page_237">237</span>
+obi Csar, souffert les injures, puis les
+blasphmes. Vous n'avez point rendu le mal pour
+le mal; enfin vous avez dignement travaill la
+sainte &oelig;uvre de Dieu, comme il convient des
+saints; rjouissez-vous donc dans le Seigneur.
+Assez long-temps vous avez t contrists par le
+monde. Regardez et levez la tte, votre rdemption
+approche. Je vous canoniserai comme de
+fidles membres de Christ; que faut-il de plus
+votre gloire? (15 septembre 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a15" id="Footnote_a15" href="#FNanchor_a15">[a15]</a>&nbsp;</span>Page 19, ligne 15.&mdash;<i>J'aurais voulu tre la victime sacrifie
+par ce dernier concile, comme Jean Huss...</i></p>
+
+<p>Plaise Dieu que nous soyons dignes d'tre
+brls ou gorgs par lui (par le pape.) Cependant
+si nous ne mritons pas de rendre tmoignage
+par notre sang, implorons du moins Dieu
+pour qu'il nous accorde cette grce de tmoigner
+par notre vie et nos paroles que Jsus-Christ
+est seul notre Seigneur, et que nous l'adorerons
+dans tous les sicles des sicles. Amen.
+(T. II des &oelig;uvres latines, p. 270.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a16" id="Footnote_a16" href="#FNanchor_a16">[a16]</a>&nbsp;</span>Page 19, ligne 19.&mdash;<i>La profession de foi des protestans...</i></p>
+
+<p>A la dite d'Augsbourg, le duc Guillaume de
+<span class="pagenum" id="Page_238">238</span>
+Bavire, qui tait fort oppos la doctrine vanglique,
+ayant dit au docteur Eck: Peut-on
+renverser cette opinion par l'criture sainte?
+Non, dit-il, mais par les Pres. L'vque de
+Mayence se mit dire: Voyez! nos thologiens
+nous dfendent joliment! Les luthriens
+montrent leur opinion dans l'criture, et nous
+la ntre hors de l'criture. Le mme vque
+disait alors: Les luthriens ont un article
+auquel on ne peut contredire, quand mme
+tous les autres ne vaudraient rien; c'est celui
+du mariage. (Tischreden, p. 99.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a17" id="Footnote_a17" href="#FNanchor_a17">[a17]</a>&nbsp;</span>Page 20, ligne 10.&mdash;<i>L'archevque de Mayence est trs
+port pour la paix...</i></p>
+
+<p>Luther, pour l'exhorter montrer des sentimens
+pacifiques, lui avait crit une lettre qui se
+terminait ainsi: Je ne puis cesser de penser
+la pauvre Allemagne, si malheureuse, si abandonne,
+si mprise, vendue tant de tratres
+en mme temps. C'est ma chre patrie; je dsirerais
+tant la voir heureuse! (6 juillet 1530,
+de Cobourg.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_239">239</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a18" id="Footnote_a18" href="#FNanchor_a18">[a18]</a>&nbsp;</span>Page 21, ligne 7.&mdash;<i>Si l'Empereur veut faire un dit, qu'il
+le fasse; aprs Worms aussi il en fit un...</i></p>
+
+<p>Luther a conscience de sa force. Si j'tais
+tu par les papistes, ma mort protgerait nos
+descendans, et ces btes froces en seraient peut-tre
+plus cruellement punies que je ne voudrais
+moi-mme. Car, il y a quelqu'un qui dira un jour:
+<i>O est ton frre Abel?</i> Et celui-l les marquera
+au front, et ils erreront fugitifs par toute la terre...
+Notre race est maintenant sous la protection du
+Seigneur, puisqu'il est crit: Je ferai misricorde
+jusqu' la millime gnration ceux qui m'ont
+aim. Et moi je crois ces paroles. (30 juin 1530.)</p>
+
+<p>Si j'tais tu dans une meute papiste,
+j'emmnerais ma suite un grand nombre d'vques,
+de prtres, de moines, si bien que tous
+diraient: Le docteur Martin Luther est conduit
+au spulcre avec une grande procession;
+certes, c'est un grand docteur, au-dessus de
+tous vques, prtres, moines; aussi faut-il qu'
+son enterrement, ils aillent avec lui, tendus
+sur le dos. C'est ainsi que nous ferions ensemble
+notre dernier voyage. (1531. Cochlus,
+p. 211. Extrait du livre de Luther intitul: <i>Avis
+aux Allemands</i>.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_240">240</span>
+Les catholiques, lui disait-on, vous reprochent
+plusieurs fausses interprtations dans votre traduction
+de l'criture. Il rpondit: Ils ont encore
+de trop longues oreilles, et leur <i>hihan! hihan!</i>
+est trop faible pour juger une traduction
+du latin en allemand... Dis-leur que le docteur
+Martin Luther veut qu'il en soit ainsi, et qu'un
+papiste et un ne c'est la mme chose.</p>
+
+<div class="poem">
+<div class="poem"><i lang="la" xml:lang="la">Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas.</i></div>
+</div>
+
+<p class="noind">(Passage cit par Cochlus, 201, verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a19" id="Footnote_a19" href="#FNanchor_a19">[a19]</a>&nbsp;</span>Page 21, ligne 15.&mdash;<i>Qu'ils nous rendent Lonard Keiser...</i></p>
+
+<p>Non-seulement le titre de roi, mais celui de
+Csar lui est bien mrit, puisqu'il a vaincu celui
+dont le pouvoir ne trouve point d'gal sur la
+terre. Ce n'est pas seulement un prtre, c'est un
+souverain pontife et un vritable pape, celui
+qui a offert ainsi son corps en sacrifice Dieu.
+Avec juste raison l'appelait-on Lonhard, c'est--dire
+force du lion; c'tait un lion fort et intrpide.
+(22 octobre 1527.)</p>
+
+<p><i>A Hausmann.</i> Je pense que tu auras vu l'histoire
+de Gaspard Tauber, le nouveau martyr de
+<span class="pagenum" id="Page_241">241</span>
+Vienne, qui a t dcapit et brl dans cette ville
+pour la parole de Dieu. Il en est arriv autant
+ un libraire de Bude, en Hongrie, qu'on a brl
+au milieu de ses livres. (12 novembre 1524.)</p>
+
+<p>Il y avait Vienne des partisans de la nouvelle
+doctrine. Lorsqu'aprs la dite d'Augsbourg
+le cardinal Campeggio entra dans la ville avec le
+roi Ferdinand, on habilla un petit homme de
+bois en cardinal, on lui attacha au cou des indulgences
+et le sceau du pape, et on le mit sur un
+chien qui avait la queue une vessie de porc
+pleine de pois. On fit courir ce chien travers
+toutes les rues. (Tischr., p. 251.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a20" id="Footnote_a20" href="#FNanchor_a20">[a20]</a>&nbsp;</span>Page 21, ligne 16.&mdash;<i>Qu'ils nous rendent Keiser et tant
+d'autres qu'ils ont fait injustement mourir...</i></p>
+
+<p>Si l'on en croyait Cochlus, Luther se serait
+montr perscuteur son tour. En 1532, un
+luthrien s'tant loign de ses opinions, Luther
+le fit enlever et conduire Wittemberg, o il fut
+emprisonn; un procs fut commenc. Comme
+on ne trouva pas de charges suffisantes, il fallut
+le relcher. Mais il fut toujours depuis sourdement
+perscut par les luthriens. (Cochlus,
+p. 218.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_242">242</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a21" id="Footnote_a21" href="#FNanchor_a21">[a21]</a>&nbsp;</span>Page 22, ligne 22.&mdash;<i>On se prpare combattre...</i></p>
+
+<p>Cependant on craignait tant de part et d'autre
+l'issue de la lutte, que, contre toute probabilit,
+la paix se maintint. J'admire ce miracle
+de Dieu, que tant de menaces soient alles en
+fume. Tout le monde en effet croyait qu'au
+printemps claterait en Allemagne une guerre
+atroce. (juin 1531.)</p>
+
+<p>La crainte d'un nouveau soulvement des
+paysans contribuait entretenir les intentions
+pacifiques des princes. Les paysans, crit Luther,
+recommencent s'assembler. Une soixantaine
+d'entre eux ont cherch surprendre la nuit
+le chteau de Hohenstein. Tu vois que malgr la
+prsence de l'Empereur, il faut prendre des
+prcautions contre cette rvolte; que serait-ce
+si les papistes commenaient la guerre? (19 juillet
+1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a22" id="Footnote_a22" href="#FNanchor_a22">[a22]</a>&nbsp;</span>Page 22, ligne 25.&mdash;<i>Luther fut accus d'avoir pouss les
+protestans prendre cette attitude hostile...</i></p>
+
+<p>Bien loin de l, il avait ds 1529 dissuad l'lecteur
+d'entrer dans aucune ligue dirige contre
+<span class="pagenum" id="Page_243">243</span>
+l'Empereur... Nous ne saurions approuver une
+pareille alliance; s'il en rsultait quelque malheur,
+peut-tre mme la guerre ouverte, tout retomberait
+sur notre conscience, et nous aimerions
+mieux tre dix fois morts que d'avoir
+nous reprocher du sang vers pour l'vangile.
+Nous sommes ceux qui devons souffrir, comme
+dit le prophte, ceux qui ne doivent pas se venger
+eux-mmes, mais tout remettre entre les
+mains de Dieu... Je supplie donc humblement
+votre Grce lectorale de ne pas se laisser abattre
+par ce danger. Nous allons lever nos prires
+Dieu; mais nos mains doivent rester pures de
+sang et de crime. S'il arrivait (contre mon opinion)
+que l'Empereur allt jusqu' me rclamer
+moi ou mes amis, nous irions, sous la protection
+de Dieu, comparatre devant lui, plutt que de
+causer prjudice votre Grce lectorale, comme
+je l'ai plusieurs fois dclar votre auguste
+frre, feu l'lecteur Frdric.... (18 novembre
+1529.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a23" id="Footnote_a23" href="#FNanchor_a23">[a23]</a>&nbsp;</span>Page 22, ligne 28.&mdash;<i>Rsistance l'Empereur...</i></p>
+
+<p>Dans le livre des <i>Propos de table</i> (p. 397, verso
+et suiv.) Luther parle plus explicitement: Ce
+n'est point pour la religion que l'on combattra.
+<span class="pagenum" id="Page_244">244</span>
+L'Empereur a pris les vchs d'Utrecht et de
+Lige; il a offert au duc de Brunswick de lui
+laisser prendre Hildesheim. Il est affam et altr
+des biens ecclsiastiques; il les dvore. Nos princes
+ne le souffriront pas; ils voudront manger
+avec lui. Alors on en viendra se prendre aux
+bonnets. (1530.)</p>
+
+<p>J'ai souvent t interrog par mon gracieux
+seigneur, sur la question de savoir ce que je ferais
+si un voleur de grand chemin, un meurtrier,
+venait m'attaquer. Je rsisterais, dans l'intrt
+du prince dont je suis sujet et serviteur; je
+puis tuer le voleur, mettre le couteau sur lui, et
+mme ensuite recevoir les sacremens. Mais si
+c'est pour la parole de Dieu, et comme prdicateur,
+que l'on m'attaque, je dois souffrir et recommander
+la vengeance Dieu. Aussi je ne
+prends point de couteau en chaire, mais sur la
+route. Les anabaptistes sont des coquins dsesprs,
+ils ne portent aucune arme et se vantent
+d'une grande patience.</p>
+
+<p>(1536.) Comme je parlais pour la paix, le
+landgrave de Hesse me disait: Seigneur docteur,
+vous conseillez trs bien; mais quoi? Si nous ne
+suivons pas vos conseils?</p>
+
+<p>(1539.) Luther rpond sur la question du
+droit de rsistance que, selon le droit public,
+le droit naturel et la raison, la rsistance l'autorit
+<span class="pagenum" id="Page_245">245</span>
+injuste est permise. Il n'y a de difficult
+que dans le domaine de la thologie.</p>
+
+<p>La question n'et pas t difficile rsoudre
+au temps des aptres, car toutes les autorits
+taient alors paennes et non chrtiennes. Mais
+maintenant que tous les princes sont chrtiens
+ou prtendent l'tre, il est difficile de conclure,
+car un prince et un chrtien sont les plus proches
+parens.&mdash;Qu'un chrtien puisse se dfendre
+contre l'autorit, il y a l matire de grandes
+rflexions.&mdash;... Au fond, c'est au pape que
+j'arrache l'pe, et non l'Empereur.</p>
+
+<p>Il rsume ainsi lui-mme les argumens qu'il
+et pu adresser aux Allemands, s'il et fait une
+exhortation la rsistance:</p>
+
+<p>1. L'Empereur n'a ni droit ni puissance pour
+ordonner cela; c'est chose certaine, s'il l'ordonne,
+on ne doit point lui obir. 2. Ce n'est
+pas moi qui excite le trouble, je l'empche et je
+m'y oppose. Qu'ils voient s'ils n'en sont pas les
+auteurs, lorsqu'ils ordonnent ce qui est contre
+Dieu. 3. Ne badinez pas tant. Si vous faites boire
+le fou (narren Luprian), prenez garde qu'il ne vous
+crache au visage. Il est, d'ailleurs, assez altr, et
+ne demande pas mieux que de boire son sol. 4. Eh
+bien! vous voulez combattre; courbez vos ttes
+pour recevoir la bndiction. Ayez bon succs!
+Dieu vous donne joyeuse victoire! Moi, docteur
+<span class="pagenum" id="Page_246">246</span>
+Martin Luther, votre aptre, je vous ai parl,
+je vous ai avertis, comme c'tait mon devoir!</p>
+
+<p>Il dit encore ailleurs: Vous mprisez ma doctrine.
+Vous voulez prendre le Luther dans ses
+paroles, comme faisaient les Pharisiens au Christ.
+Mais si je voulais (je ne le veux point), j'aurais
+une glose pour vous embarrasser; je dirais que
+cette rsistance n'est point contre l'Empereur,
+mais contre Dieu. D'un autre ct: qu'un politique,
+un citoyen, un sujet, n'est pas un chrtien,
+que ce n'a pas t la pense de Christ de
+dtruire les droits, la police et le gouvernement
+du monde. Rends Dieu ce qui est Dieu, et
+Csar ce qui est Csar. N'obis point dans ce
+qui est contre Dieu et sa parole.</p>
+
+<p>Je condamne la rvolte au pril de mon
+corps, de ma vie, de mon honneur et de mes
+biens. Je voudrais bien vous arrter et vous retenir.
+Si vous commencez, je me tairai et prirai
+avec vous. Vous irez en enfer au nom de tous les
+diables, et moi au ciel au nom du Christ. Ils
+veulent abuser de notre doctrine, mais ils verront
+du moins qu'elle n'est point errone en soi.</p>
+
+<p>... Tuer un tyran n'est pas chose permise
+l'homme qui n'est dans aucune fonction publique,
+car le cinquime commandement dit: Tu
+ne dois pas tuer. Mais si je surprends un homme
+prs de ma femme ou de ma fille, quoiqu'il
+<span class="pagenum" id="Page_247">247</span>
+ne soit point un tyran, je pourrai fort bien le
+tuer. <i>Item</i>, s'il prend par force celui-ci sa
+femme, l'autre sa fille, au troisime ses terres
+et ses biens, que les bourgeois et sujets s'assemblent,
+ne sachant plus comment supporter sa violence
+et sa tyrannie, ils pourront le tuer, comme
+tout autre meurtrier ou voleur de grand chemin.
+(Tischr., p. 397, verso, sqq.)</p>
+
+<p>Le bon et vraiment noble seigneur Gaspard
+de Kokritz m'a demand, mon cher Jean, que je
+t'crivisse mon jugement sur le cas o Csar voudrait
+faire la guerre nos princes, au sujet de
+l'vangile. Serait-il alors permis aux ntres de
+rsister et de se dfendre? J'avais dj crit mon
+opinion sur ce sujet, du vivant du duc Jean.
+Aujourd'hui il est un peu tard pour me demander
+mon avis, puisqu'il a t dcid parmi les princes
+qu'ils peuvent et veulent rsister et se dfendre,
+et qu'on ne s'en tiendra pas mon dire... Ne
+fortifie pas le bras des impies contre nos princes;
+laisse le champ libre la colre et au jugement
+de Dieu; ils l'ont cherch jusqu' ce jour
+avec fureur, avec rire et avec joie. Cependant intimide
+les ntres par cet exemple, que les Machabes
+ne suivirent pas ceux qui voulaient se
+dfendre contre Antiochus, mais que dans la
+simplicit de leur c&oelig;ur ils se laissrent plutt
+tuer. (8 fvrier 1539.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_248">248</span>
+Dans son livre <i lang="la" xml:lang="la">De seculari potestate</i>, ddi au
+duc de Saxe, il dit: En Misnie, en Bavire et
+en d'autres lieux, les tyrans ont promulgu un
+dit pour qu'on ait livrer partout aux magistrats
+les Nouveaux Testamens. Si les sujets obissent
+ l'dit, ce n'est pas un livre, qu'ils remettent
+au pril de leur salut, c'est Christ lui-mme
+qu'ils livrent aux mains d'Hrode. Cependant,
+si on veut les enlever par la violence, il faut le
+souffrir; on ne doit point rsister la tmrit.&mdash;Les
+princes sont du monde, et le monde est
+ennemi de Dieu.</p>
+
+<p>On ne doit pas obir Csar s'il veut faire
+la guerre notre parti. Le Turc n'attaque pas
+son Alcoran, l'Empereur ne doit pas davantage
+attaquer son vangile. (Cochlus, p. 210.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a24" id="Footnote_a24" href="#FNanchor_a24">[a24]</a>&nbsp;</span>Page 22, ligne 30.&mdash;<i>Voici mon avis...</i></p>
+
+<p>L'lecteur avait demand Luther s'il serait
+permis de rsister l'Empereur les armes la
+main. Luther rpondit ngativement, en ajoutant
+seulement: Si cependant l'Empereur, non
+content d'tre le matre des tats des princes,
+allait jusqu' exiger d'eux de perscuter, de
+mettre mort, ou de chasser leurs sujets pour
+la cause de l'vangile, les princes convaincus
+<span class="pagenum" id="Page_249">249</span>
+que ce serait agir contre la volont de Dieu,
+devront lui refuser l'obissance; autrement ils
+violeraient leur foi et se rendraient complices
+du crime. Il suffit qu'ils laissent faire l'Empereur,
+qui aura en rendre compte, et qu'ils ne
+dfendent pas leurs sujets contre lui. Plus
+loin il dit, en parlant de la guerre civile: Quel
+carnage et quelles lamentations couvriraient alors
+la terre allemande! Un prince devrait mieux
+aimer perdre trois fois ses tats, ou mourir trois
+fois, que d'tre la cause de si horribles bouleversemens,
+ou seulement d'y consentir. Quelle
+conscience pourrait le supporter! Le diable verrait
+cela avec plaisir; Dieu veuille nous en prserver
+ jamais! (6 mars 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a25" id="Footnote_a25" href="#FNanchor_a25">[a25]</a>&nbsp;</span>Page 26, ligne 8.&mdash;<i>Que l'on m'accuse ou non d'tre trop
+violent...</i></p>
+
+<p>L'lecteur avait rprimand Luther au sujet
+de deux crits (<i>Avertissement ses chers Allemands</i>,
+et <i>Gloses sur le prtendu dit imprial</i>)
+qu'il trouvait trop violens. Luther lui rpondit
+(16 avril 1531) qu'il n'avait fait que repousser
+les attaques plus violentes encore de ses ennemis,
+et qu'il serait injuste de lui imposer silence
+lorsqu'on laissait tout dire ses adversaires...
+<span class="pagenum" id="Page_250">250</span>
+Il m'a t impossible de me taire plus long-temps
+dans cette affaire qui me concerne plus
+que tout autre. Si je gardais le silence devant
+une telle condamnation publique de ma doctrine,
+ne serait-ce pas l'abandonner, la renier?
+Plutt que de le souffrir, je braverais la colre
+de tous les diables, celle du monde entier, sans
+parler de celle des conseillers impriaux.&mdash;On
+dit que mes deux crits sont tranchans et bien affils;
+l'on a raison: je ne les ai pas non plus faits
+pour tre doux; le seul regret que j'aie c'est qu'ils
+ne soient pas plus tranchans encore. Si l'on considre
+la violence de mes adversaires, l'on sera
+forc d'avouer que j'ai t trop bnin... Tout le
+monde crie contre nous; l'on vocifre les calomnies
+les plus odieuses; et moi, pauvre homme,
+j'lve la voix mon tour, et voil que personne
+n'aura cri que Luther... En somme, tout
+ce que nous disons et faisons est injuste, quand
+mme nous ressusciterions les morts; tout ce
+qu'ils font, eux, est juste, quand mme ils
+noieraient l'Allemagne dans les larmes et dans
+le sang.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a26" id="Footnote_a26" href="#FNanchor_a26">[a26]</a>&nbsp;</span>Page 26, ligne 16.&mdash;<i>Eh bien! puisqu'ils sont incorrigibles.....
+je romps avec eux.</i> ...</p>
+
+<p>Toujours jusqu' prsent (1534), particulirement
+<span class="pagenum" id="Page_251">251</span>
+ la dite d'Augsbourg, nous avons humblement
+offert au pape et aux vques de recevoir
+d'eux la conscration et l'autorit spirituelle, et
+de les aider conserver ce droit; ils nous ont
+toujours repousss. Et s'il arrive un jour, pour
+la conscration sacerdotale, ce qui est arriv
+pour les indulgences, qui sera la faute. J'ai
+offert aussi de me taire sur les indulgences si l'on
+voulait se taire sur ce que j'avais crit; ils n'ont
+pas voulu, et aujourd'hui il n'y a plus assez de
+mpris par tout le monde pour les indulgences;
+indulgences, lettres papales, sceaux briss gisent
+ terre. Ainsi disparatra le pouvoir de consacrer
+et le chrme et les tonsures, de sorte qu'on ne
+reconnatra plus o est l'vque, o est le prtre.
+(Cochlus, p. 245, extrait du <i lang="la" xml:lang="la">De angulari
+miss</i>, Luth., op. lat., VII, p. 220.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a27" id="Footnote_a27" href="#FNanchor_a27">[a27]</a>&nbsp;</span>Page 28, ligne 3.&mdash;<i>Anabaptistes.</i></p>
+
+<p>Il y avait dj long-temps qu'ils remuaient en
+Allemagne. Nous avons ici une nouvelle espce
+de prophtes, venus d'Anvers, qui prtendent
+que l'Esprit saint n'est autre chose que le gnie
+et la raison naturelle. (27 mars 1525.)</p>
+
+<p>Il n'y a rien de nouveau, sinon que l'on dit
+que les anabaptistes augmentent et se rpandent
+de tous cts. (28 dcembre 1527.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_252">252</span>
+La nouvelle secte des anabaptistes fait d'tonnans
+progrs; ce sont des gens qui mnent
+une vie d'excellente apparence, et qui meurent
+avec grande audace par l'eau ou par le feu.
+(31 dcembre 1527.)</p>
+
+<p>Il y a beaucoup de troubles en Bavire.... il
+ne me semble pas propos que tu les livres
+aux magistrats; ils se livreront eux-mmes, et
+alors le conseil les bannira de la ville. Je vois
+partout la tradition de Mnzer, sur la perdition
+future des impies et le rgne des justes sur la
+terre. C'est ce que prophtise Cellarius dans un
+livre qu'il vient de publier; cet esprit est un
+esprit de rvolte. (27 janvier 1528.)</p>
+
+<p>Le 12 mai 1528 il crit Link: Tu as vu,
+je pense, mon <i lang="de" xml:lang="de">Antischwermerum</i> et ma dissertation
+sur la <ins id="err_4" title="original: digamie (Err.)">bigamie</ins> des vques. Le courage des
+anabaptistes mourans, ressemble celui des donatistes
+dont parle Augustin, ou la fureur des
+juifs dans Jrusalem dvaste. Les saints martyrs,
+comme notre Lonard Keiser, meurent
+avec crainte, humilit, et en priant pour leurs
+bourreaux; l'opinitret de ceux-ci au contraire,
+lorsqu'ils vont la mort, semble augmenter avec
+l'indignation de leurs ennemis.</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_253">253</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a28" id="Footnote_a28" href="#FNanchor_a28">[a28]</a>&nbsp;</span>Page 51, ligne 2.&mdash;<i>Excution...</i></p>
+
+<p><i>Extrait d'un ancien livre de chant des anabaptistes.</i>
+Les paroles d'Algrius sont des miracles:
+Ici, dit-il, les autres gmissent et pleurent, et
+moi j'y ressens de la joie. Dans ma prison, l'arme
+du ciel m'apparat; je ne sais combien de
+martyrs habitent avec moi tous les jours. Dans
+la joie, dans les dlices, dans l'extase de la grce,
+je vois le Seigneur sur son trne.</p>
+
+<p>Mais ta patrie, lui disaient-ils, tes amis,
+tes parens, ta profession, peux-tu les quitter
+volontiers? Il dit aux envoys: Nul homme ne
+me bannit de ma patrie; elle est aux pieds du
+trne cleste, l o mes ennemis deviendront
+mes amis pour chanter le mme cantique.</p>
+
+<p>Mdecins, artistes, ouvriers, ne peuvent
+ici-bas russir; qui ne reconnat la force de Dieu,
+n'a qu'une force aveugle. Les juges furieux le
+menacrent du feu. Dans la puissance des
+flammes, dit Algrius, vous reconnatrez la
+mienne. (Wunderhorn, t. I.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a29" id="Footnote_a29" href="#FNanchor_a29">[a29]</a>&nbsp;</span>Page 55.&mdash;<i>Fin du chapitre...</i></p>
+
+<p>Les passages suivans de Ruchat (Rformation
+de la Suisse), font bien connatre le bizarre enthousiasme
+<span class="pagenum" id="Page_254">254</span>
+des anabaptistes. L'an 1529, neuf
+anabaptistes furent saisis Ble, et mis en prison.
+On les fit venir devant le snat, et on appela
+aussi les ministres pour confrer avec eux. D'abord
+&OElig;colampade leur expliqua en deux mots
+le symbole des aptres et celui de saint <i>Athanase</i>,
+et leur reprsenta que c'tait l la vritable
+et indubitable foi chrtienne, que Jsus-Christ et
+ses aptres avaient prche. Ensuite le bourgmeistre,
+Adelbert Meyer, dit aux anabaptistes,
+qu'ils venaient d'entendre une bonne explication
+de la foi chrtienne, et que, puisqu'ils se
+plaignaient des ministres, ils devaient prsentement
+parler c&oelig;ur ouvert et exposer hardiment
+ce qui leur faisait de la peine. Mais il
+n'y en eut pas un seul qui lui rpondt un
+mot, ils se contentrent de se regarder les uns
+les autres. Alors le premier huissier de la chambre
+dit l'un d'eux, qui tait tourneur de sa profession:
+D'o vient que tu ne parles pas prsentement,
+aprs avoir tant jas ailleurs, dans
+la rue, dans les boutiques, et dans la prison?
+Comme ils gardaient encore le silence, Marc
+Hedelin, chef des tribus, s'adressa au principal
+de ces gens-l, et lui dit: Que rponds-tu,
+frre, ce qui t'a t propos? L'anabaptiste
+lui rpondit: Je ne vous reconnais point pour
+frre. Comment? lui dit ce seigneur. Parce,
+<span class="pagenum" id="Page_255">255</span>
+dit l'autre, que vous n'tes point chrtien. Amendez-vous
+premirement, corrigez-vous, et quittez
+la magistrature. En quoi penses-tu donc,
+lui dit Hedelin, que je pche tant? Vous le
+savez bien, lui rpondit l'anabaptiste.</p>
+
+<p>Le bourgmeistre prit la parole, lui ordonna
+de rpondre avec modestie et avec douceur, et
+le pressa vivement de parler sur la question dont
+il s'agissait. Sur quoi il rpondit: Qu'il ne
+croyait pas qu'un chrtien pt tre dans une magistrature
+mondaine, parce que celui qui combat
+avec l'pe, prira par l'pe: Que le baptme
+des enfans est du diable, et une invention
+du pape; on doit baptiser les adultes, et non les
+petits enfans, selon l'ordre de Jsus-Christ.</p>
+
+<p>&OElig;colampade entreprit de le rfuter, avec
+toute la douceur possible, et de lui faire voir, que
+les passages qu'il avait cits, avaient un autre
+sens, comme tous les anciens docteurs en faisaient
+foi. Mes chers amis, dit-il, vous n'entendez
+pas l'criture sainte et vous la maniez fort
+grossirement. Et comme il allait leur montrer
+le vritable sens de ces passages, l'un d'entre
+eux, qui tait meunier, l'interrompit, le
+traitant de sducteur, qui caquetait beaucoup,
+et dit: Que ce qu'il avait l allgu contre
+eux, ne faisait rien au sujet. Qu'ils avaient entre
+les mains la pure et propre parole de Dieu,
+<span class="pagenum" id="Page_256">256</span>
+et qu'ils voulaient s'y attacher toute leur vie,
+que le Saint-Esprit parlait maintenant par lui. Il
+s'excusait en mme temps de ne pas parler loquemment,
+disant qu'il n'avait pas tudi, qu'il
+n'avait t dans aucune universit, et que ds sa
+jeunesse il avait ha la sagesse humaine, qui est
+pleine de tromperies. Qu'il connaissait bien la
+ruse des scribes, qui cherchaient perptuellement
+ offusquer les yeux des simples. Aprs
+quoi il se mit crier et pleurer, disant:
+Qu'aprs avoir ou la parole de Dieu, il avait
+renonc sa vie drgle; et que maintenant
+que par le baptme il avait reu le pardon de ses
+pchs, il tait perscut de chacun, au lieu que
+dans le temps qu'il tait plong dans toutes sortes
+de vices, personne ne l'avait chti, ni mis en
+prison, comme on faisait prsentement. Qu'on
+l'avait enferm dans la tour, comme un meurtrier;
+quel tait donc son crime? etc. La confrence
+ayant dur jusqu' l'heure du dner, le snat
+se leva.</p>
+
+<p>Aprs dner, le snat s'tant rassembl, les
+ministres entrrent en confrence avec les anabaptistes,
+au sujet de la magistrature. Et comme
+l'un d'eux eut donn des rponses assez satisfaisantes
+sur les questions qu'on lui avait proposes,
+cela fit chagrin aux autres, de ce qu'il
+n'tait pas ferme dans leur doctrine. C'est pourquoi
+<span class="pagenum" id="Page_257">257</span>
+ils l'interrompirent. Laisse-nous parler,
+lui dirent-ils, nous qui entendons mieux l'criture;
+nous pourrons mieux rpondre sur ces
+articles, que toi, qui es encore un novice, et
+qui n'es pas capable de dfendre notre foi contre
+les renards. Alors le tourneur entrant en
+dispute, soutint que saint Paul (<i>Rom. XIII</i>) parlant
+des puissances suprieures, n'entend point
+les magistrats, mais les suprieurs ecclsiastiques.
+&OElig;colampade lui nia cela, et lui demanda en
+quel endroit de la Bible il le trouvait, et comment
+il le prouverait? L'autre lui dit: Feuilletez
+aussi tout l'Ancien et le Nouveau Testament, et
+vous y trouverez que vous devez recevoir une
+pension; vous avez meilleur temps que moi, qui
+suis oblig de me nourrir du travail de mes
+mains, pour n'tre charge personne. Cette
+saillie fit un peu rire les assistans. &OElig;colampade
+leur dit: Messieurs, il n'est pas temps maintenant
+de rire: si je reois de l'glise mon entretien
+et ma nourriture, je puis prouver par
+l'criture, que cela est raisonnable: ainsi ce sont
+l des discours sditieux. Priez plutt pour la
+gloire du Seigneur, afin que Dieu amollisse leurs
+c&oelig;urs endurcis et les claire.</p>
+
+<p>Aprs plusieurs autres discours, comme le
+temps de se lever approchait, il y en eut un,
+qui n'avait rien dit de tout le jour, qui se mit
+<span class="pagenum" id="Page_258">258</span>
+hurler et pleurer. Le dernier jour est la
+porte, disait-il, amendez-vous, la cogne est dj
+mise l'arbre; ne noircissez donc pas notre doctrine
+sur le baptme. Je vous en prie, pour
+l'amour de Jsus-Christ, ne perscutez pas les
+gens de bien. Certainement le juste juge viendra
+bientt, et fera prir tous les mchans.</p>
+
+<p>Le bourgmeistre l'interrompit pour lui dire
+qu'on n'avait pas besoin de cette lamentation;
+qu'il devait raisonner sur les articles dont il
+tait question. Il voulut continuer sur le mme
+ton, mais on ne le lui permit pas. Enfin le bourgmeistre
+justifia la conduite du snat, l'gard
+des anabaptistes: il reprsenta qu'on les avait
+arrts, non pas cause de l'vangile, ni cause
+de leur bonne conduite, mais cause de leurs
+drglemens, de leur parjure et de leur sdition.
+Que l'un <ins id="cor_8" title="original: deux">d'eux</ins> avait commis un meurtre; un autre
+avait enseign qu'on ne doit point payer les
+dmes: un troisime avait excit des troubles, etc.
+Que c'tait pour ces crimes qu'on les avait saisis,
+jusqu' ce qu'on et dcid quel traitement on
+leur ferait, etc.</p>
+
+<p>Dans ce moment, l'un d'entre eux se mit
+crier: Mes frres, ne rsistez point au mchant.
+Quand mme l'ennemi serait devant votre porte,
+ne la fermez pas. Laissez-les venir, ils ne peuvent
+rien faire contre nous, sans la volont du
+<span class="pagenum" id="Page_259">259</span>
+Pre, puisque nos cheveux sont compts. Je dis
+bien plus: il ne faut pas mme rsister un brigand
+dans un bois. Ne croyez-vous pas que Dieu
+ait soin de vous? On lui imposa silence. (Ruchat,
+<i>Rforme suisse</i>, II, p. 498.)</p>
+
+<p><i>Autre dispute.</i>&mdash;Le ministre zwinglien leur
+parla amiablement et avec douceur, leur remontrant
+que, s'ils enseignaient la vrit, ils avaient
+tort de se sparer de l'glise, et de prcher dans
+les bois, et dans d'autres lieux carts. Ensuite
+il leur exposa en peu de mots la doctrine de l'glise.
+Un des anabaptistes l'interrompit, pour lui
+dire: Nous avons reu le Saint-Esprit par le
+baptme, nous n'avons pas besoin d'instruction.
+Un des seigneurs dputs leur dit: Nous
+avons ordre de vous dire, qu'on veut bien vous
+laisser aller sans autre chtiment, pourvu que
+vous quittiez le pays et que vous promettiez de
+n'y plus revenir, moins que vous ne vous amendiez.
+L'un des anabaptistes lui rpondit: Quel
+ordre est-ce-l? le magistrat n'est point matre de
+la terre pour nous ordonner de sortir ou d'aller
+ailleurs. Dieu a dit: Habite le pays. Je veux obir
+ ce commandement, et demeurer dans le pays
+o je suis n, o j'ai t lev, et personne n'a
+le droit de s'y opposer. Mais on lui fit bientt
+prouver le contraire. (Ruchat, t. III, p. 102.)</p>
+
+<p>On vit Ble un anabaptiste nomm <i>Conrad
+<span class="pagenum" id="Page_260">260</span>
+in Gassen</i>, qui profrait des blasphmes tranges,
+par exemple: Que Jsus-Christ n'tait point
+notre Rdempteur; qu'il n'tait point Dieu, et
+qu'il n'tait point n d'une Vierge. Il ne faisait
+aucun cas de la prire, et comme on lui reprsentait
+que Jsus-Christ avait pri sur la montagne
+des Oliviers, il rpondait avec une brutale
+insolence: Qui est-ce qui l'a ou? Comme il
+tait incorrigible, il fut condamn avoir la tte
+tranche.&mdash;Cet impie fanatique me fait souvenir
+d'un autre de nos jours, qui a sduit certaines
+personnes de notre voisinage, il y a quelques
+annes, en leur persuadant qu'il ne fallait user
+ni de pain ni de vin. Et comme on lui objectait
+un jour Genve, que le premier miracle de Jsus-Christ
+avait t de changer l'eau en vin, il
+rpondit: Que Jsus-Christ tait encore jeune
+dans ce temps-l, et que c'tait une petite faute
+qu'il fallait lui pardonner. (Ruchat, <i>Rforme
+suisse</i>, t. III, p. 104.)</p>
+
+<p>La Rforme, ne dans la Saxe, avait promptement
+gagn les bords du Rhin, et tait alle,
+remontant le fleuve, s'associer dans la Suisse au
+rationalisme vaudois; elle osa mme passer dans
+la catholique Italie. Mlanchton, qui entretenait
+correspondance habituelle avec Bembo et Sadolet,
+tous deux secrtaires apostoliques, fut d'abord
+beaucoup plus connu que Luther des rudits
+<span class="pagenum" id="Page_261">261</span>
+italiens. C'est lui qu'on rapportait la gloire
+des premires attaques contre Rome. Mais la
+rputation de Luther grandissant avec l'importance
+de sa rforme, il apparut bientt aux Italiens
+comme le chef du parti protestant. C'est
+ce titre qu'Altieri lui crit en 1542 au nom des
+glises protestantes du nord-est de l'Italie:</p>
+
+<p>Au trs excellent et trs intgre docteur et
+matre dans les saintes critures, le seigneur
+Martin Luther, notre chef (princeps) et notre
+frre en Christ, les frres de l'glise de Venise,
+Vicence et Trvise.</p>
+
+<p>Nous avouons humblement notre faute et
+notre ingratitude, pour avoir tard si long-temps
+reconnatre ce que nous te devions toi qui nous
+as ouvert la voie du salut... Nous sommes exposs
+ toute la rage de l'Antichrist, et sa cruaut augmente
+de jour en jour contre les lus de Dieu...
+Errans, disperss, nous attendons que vienne
+le fort du Seigneur... Vous que Dieu a plac
+la garde de son troupeau, jusqu' sa venue,
+veillez, nous vous en supplions, chassez les
+loups qui nous dvorent... Sollicitez les srnissimes
+princes de l'Allemagne qui suivent l'vangile,
+d'crire pour nous au snat de Venise, afin de
+modrer et de suspendre les mesures violentes
+que l'on prend contre le troupeau du Seigneur,
+ la suggestion des ministres du pape.... Vous
+<span class="pagenum" id="Page_262">262</span>
+savez quel accroissement ont pris ici vos glises;
+combien est large la porte ouverte l'vangile...
+travaillez donc encore pour la cause commune.
+(Seckendorf, lib. III, p. 401.)</p>
+
+<p>Charles-Quint contribua lui-mme rpandre
+dans la pninsule le nom et les doctrines de Luther,
+en appelant sans cesse dans cette contre de
+nouvelles bandes de landsknechts, parmi lesquels
+se trouvaient beaucoup de protestans. On
+sait que George Frundsberg, le chef des troupes
+allemandes du conntable de Bourbon, jurait
+d'trangler le pape avec la chane d'or qu'il portait
+au cou.&mdash;L'auteur d'une histoire luthrienne
+rapporte qu'un de ces Allemands se vantait
+de manger bientt un morceau du pape (<i lang="la" xml:lang="la">ut
+ex corpore pap frustum devoret</i>). Il ajoute qu'aprs
+la prise de Rome plusieurs hommes d'armes
+changrent une chapelle en curie, et firent
+des bulles du pape une litire pour leurs chevaux,
+puis, se revtant d'habits sacerdotaux,
+ils proclamrent pape un landsknecht qui, dans
+son consistoire, dclara faire abandon de la papaut
+ Luther. (Cochlus, p. 156).&mdash;Luther
+fut mme solennellement proclam. Un certain
+nombre de soldats allemands s'assemblrent un
+jour dans les rues de Rome, monts sur des
+chevaux et des mules. Un d'eux, nomm Grunwald,
+remarquable par sa taille, s'habilla comme
+<span class="pagenum" id="Page_263">263</span>
+le pape, se mit sur la tte une triple couronne,
+et monta sur une mule richement caparaonne;
+d'autres s'taient habills en cardinaux, avec une
+mitre sur la tte, et vtus d'carlate ou de blanc,
+suivant les personnages qu'ils reprsentaient. Ils
+se mirent ainsi en marche au bruit des tambours
+et des fifres, entours d'une foule innombrable,
+et avec toute la pompe usite dans les processions
+pontificales. Lorsqu'ils passaient devant quelques
+maisons o se trouvait un cardinal, Grunwald
+bnissait le peuple. Il descendit ensuite de sa
+mule, et les soldats, le plaant sur un sige, le
+portrent sur leurs paules. Arriv au chteau
+Saint-Ange, il prend alors une large coupe et
+boit la sant de Clment, et ceux qui l'environnent
+suivent son exemple. Il prte ensuite
+serment ses cardinaux, et ajoute qu'il les engage
+ rendre hommage l'Empereur comme
+leur lgitime et unique souverain; il leur fait
+promettre qu'ils ne troubleront plus la paix de
+l'Empire par leurs intrigues, mais que, suivant
+les prceptes de l'criture et l'exemple de Jsus-Christ
+et des aptres, ils demeureront soumis au
+pouvoir civil. Aprs une harangue dans laquelle
+il rcapitula les guerres, les parricides et les
+sacrilges des papes, le prtendu pontife promit
+solennellement de transfrer, par voie de testament,
+son autorit et sa puissance Martin Luther.
+<span class="pagenum" id="Page_264">264</span>
+Lui seul, disait-il, pouvait abolir tous ces
+abus et rparer la barque de saint Pierre, de
+sorte qu'elle ne ft plus le jouet des vents et des
+flots. levant alors la voix, il dit aux assistans:
+Que tous ceux qui sont de cet avis, le fassent
+connatre en levant la main. Aussitt la multitude
+des soldats leva la main en s'criant: <i>Vive
+le pape Luther!</i> Toute cette scne se passait
+sous les yeux de Clment VII. (Macree, Rf. en
+Italie, p. 66-7.)</p>
+
+<p>Les ouvrages de Zwingli tant crits en langue
+latine, circulaient plus facilement en Italie que
+ceux des rformateurs du nord de l'Allemagne,
+qui n'crivaient point toujours dans la langue
+savante et universelle. Cette circonstance est
+sans doute une des causes du caractre que prit
+la rforme italienne, particulirement dans l'acadmie
+de Vicence, o naquit le socinianisme.
+Cependant les livres de Luther passrent de
+bonne heure les Alpes. Le 14 fvrier 1519, le
+premier magistrat lui crit: Blaise Salmonius,
+libraire de Leipzig, m'a prsent quelques-uns
+de vos traits; comme ils ont eu l'approbation
+des savans, je les ai livrs l'impression, et j'en
+ai envoy six cents exemplaires en France et en
+Espagne. Ils se vendent Paris, et mes amis
+m'assurent que mme, dans la Sorbonne, il y a
+des gens qui les lisent et les approuvent. Des savans
+<span class="pagenum" id="Page_265">265</span>
+de ce pays dsiraient aussi depuis long-temps
+voir traiter la thologie avec indpendance.
+Calvi, libraire de Pavie, s'est charg de faire
+passer une grande partie de l'dition en Italie. Il
+nous promet mme un envoi de toutes les pigrammes
+composes en votre honneur par les
+savans de son pays. Telle est la faveur que votre
+courage et votre habilet ont attire sur vous et
+sur la cause de Christ.</p>
+
+<p>Le 19 septembre 1520, Burchard Schenk
+crit de Venise Spalatin: J'ai lu ce que vous
+me mandez du seigneur Martin Luther; il y a
+dj long-temps que sa rputation est arrive
+jusqu' nous, mais on dit par la ville qu'il se
+garde du pape! Il y a deux mois, dix de ses
+livres furent apports dans notre ville, et aussitt
+vendus... Que Dieu le conduise dans la voie de
+la vrit et de la charit. (Seckendorf, p. 115.)</p>
+
+<p>Quelques ouvrages de Luther pntrrent
+mme dans Rome, et jusque dans le Vatican, sous
+la sauve-garde de quelque pieux personnage dont
+le nom remplaait en tte du livre celui de l'auteur
+hrtique. C'est ainsi que plusieurs cardinaux
+eurent se repentir d'avoir lou hautement
+le <i>Commentaire sur l'ptre aux Romains</i>, et le
+<i>Trait sur la justification</i> d'un certain cardinal
+Fregoso, qui n'tait autre que Luther. Il en advint
+de mme pour les <i>Lieux communs</i> de Mlanchton.
+<span class="pagenum" id="Page_266">266</span>
+(Maccree, Rforme italienne, p. 39.)</p>
+
+<p>Je m'occupe, dit Bucer dans une lettre
+Zwingli, d'une interprtation des psaumes. Les
+instances de nos frres de la France et de l'Allemagne
+intrieure, me dcident les publier sous
+un nom tranger, afin que les libraires puissent
+les vendre. Car c'est un crime capital d'introduire
+dans ces deux pays des livres qui portent nos
+noms. Je me donnerai donc pour un Franais,
+et je ferai paratre mon livre sous le nom d'Aretius
+Felinus.&mdash;Il ddia ce livre au Dauphin.
+(<span lang="la" xml:lang="la">Lugduni iii idus julii anno MDXXIX.</span>)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a30" id="Footnote_a30" href="#FNanchor_a30">[a30]</a>&nbsp;</span>Page 56, ligne 5.&mdash;<i>Les catholiques et les protestans runis
+un instant contre les anabaptistes...</i></p>
+
+<p>Pour repousser les reproches des catholiques
+qui attribuaient aux prdicateurs protestans la
+rvolte des anabaptistes, les Rforms de toutes
+les sectes cherchrent encore une fois se runir.
+Une confrence eut lieu Wittemberg (1536).
+Bucer, Capiton et plusieurs autres s'y rendirent
+au mois de mai, pour confrer avec les thologiens
+saxons. La confrence dura du 22 au 25,
+jour o fut signe la <i>Formule de concorde</i> rdige
+par Mlanchton. Le 28, Luther et Bucer prchrent
+<span class="pagenum" id="Page_267">267</span>
+ Wittemberg, et proclamrent l'union
+qui venait de se conclure entre les deux partis.
+(Ukert, I, 307.)</p>
+
+<p>Avant de signer la formule de concorde,
+Luther voulut qu'elle ft approuve explicitement
+par les rforms de la Suisse, de peur,
+dit-il, que par des rticences, cette <i>Concorde</i> ne
+donne lieu dans la suite des discordes encore
+plus fcheuses. (janvier 1535.) Cette approbation
+fut donne. Les Suisses, crit-il au duc
+Albert de Prusse, les Suisses, qui jusqu'ici n'taient
+pas d'accord avec nous sur la question du
+saint Sacrement, sont en bon chemin; Dieu
+veuille ne pas nous abandonner! Ble, Strasbourg,
+Augsbourg, Berne et plusieurs autres
+villes, se sont ranges de notre ct. Nous les
+recevons comme frres, et nous esprons que
+Dieu finira le scandale, non pas cause de nous,
+car nous ne l'avons pas mrit, mais pour glorifier
+son nom et faire dpit cet abominable
+pape. La nouvelle a beaucoup effray ceux de
+Rome. Ils sont dans la terreur et n'osent assembler
+un concile. (6 mai 1538.)</p>
+
+<p>Dans le mme temps, des ngociations taient
+entames avec Henri, duc de Brunswick, pour
+le rattacher aux doctrines luthriennes, mais elles
+restrent sans rsultat.&mdash;Le 23 octobre 1539,
+Luther crivit l'lecteur pour lui annoncer
+<span class="pagenum" id="Page_268">268</span>
+que les ngociations avec les envoys du roi d'Angleterre
+taient galement infructueuses. La lettre
+est signe de Luther, de Mlanchton, et de
+plusieurs autres thologiens de Wittemberg.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a31" id="Footnote_a31" href="#FNanchor_a31">[a31]</a>&nbsp;</span>Page 57, ligne 25.&mdash;<i>Les armes seules pouvaient dcider...</i></p>
+
+<p>Le docteur Jean Pommer m'a dit une fois qu'
+Lubeck, dans la maison de ville, on avait trouv
+dans une vieille chronique, une prophtie d'aprs
+laquelle en l'an 1550, il s'lverait dans
+l'Allemagne un grand tumulte cause de la religion;
+et que, lorsque l'Empereur s'en serait
+ml, il perdrait tout ce qu'il avait. Mais je ne
+crois point que l'Empereur commence la guerre
+pour la cause du pape; la guerre cote trop d'argent.</p>
+
+<p>L'diteur Aurifaber ajoute que Charles-Quint,
+dans sa retraite de Saint-Just, avait fait tendre
+les murs d'une vingtaine de tapisseries qui reprsentaient
+les principales actions de son rgne;
+qu'il aimait se promener en les regardant,
+et que, lorsqu'il s'arrtait devant celle qui reprsentait
+la prise de l'lecteur de Saxe Muhlberg,
+il soupirait et disait: Si je l'eusse laiss
+tel qu'il tait, je serais rest tel que j'tais.
+<span class="pagenum" id="Page_269">269</span>
+(Tischred., p. 6.)&mdash;Ce mot que l'diteur a l'air
+de ne pas comprendre, peut-tre dessein, est
+fort raisonnable; car rien ne fut plus funeste
+Charles-Quint que d'avoir donn l'lectorat au
+jeune Maurice.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a32" id="Footnote_a32" href="#FNanchor_a32">[a32]</a>&nbsp;</span>Page 58, ligne 7.&mdash;<i>Ratisbonne...</i></p>
+
+<p>Je veux devancer tes lettres et te prdire ce
+qui se passe Ratisbonne mme. Tu as t appel
+par l'Empereur, il t'a dit de songer aux conditions
+de la paix. Toi, tu lui as rpondu en latin,
+tu as fait tout ce que tu as pu, mais tu es rest
+au-dessous d'un si grand sujet. Eck, selon son habitude,
+a vocifr: Trs gracieux Empereur, je
+prtends prouver que nous avons raison et que
+le pape est la tte de l'glise. Voil votre histoire.
+(25 juin 1541.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a33" id="Footnote_a33" href="#FNanchor_a33">[a33]</a>&nbsp;</span>Page 59, ligne 3.&mdash;<i>Notre prince... accourut avec Pontanus
+et tous deux arrangrent la rponse leur faon...</i></p>
+
+<p>La cour cherchait exercer une sorte de contrle,
+de haute surveillance sur les ouvrages
+<span class="pagenum" id="Page_270">270</span>
+mme de Luther. En 1531, il avait crit un livre
+intitul: <i>Contre l'hypocrite de Dresde</i>, sans en
+avoir fait part l'lecteur; il lui fallut s'en excuser
+auprs du chancelier Brck.</p>
+
+<p>... Si mes petits ouvrages, dit-il, taient
+envoys la cour, avant de paratre, ils y rencontreraient
+tant de critiques et de censures
+qu'ils ne paratraient jamais, et, s'ils paraissaient,
+nos ennemis souponneraient chaque fois une
+foule de gens d'y avoir pris part. De cette manire,
+l'on sait et l'on voit qu'ils sont tout uniment
+de Luther; et c'est lui seul de s'en justifier.</p>
+
+<p>Dans une autre circonstance plus srieuse, il
+eut encore lutter contre l'intervention de la
+cour. Albert, archevque de Mayence, avait
+fait mettre mort l'un de ses officiers, nomm
+Schanz, contrairement aux lois, et en croire la
+voix publique, par haine personnelle. Luther lui
+adressa cette occasion deux lettres pleines
+d'indignation. Il commenait ainsi la premire
+(31 juillet 1535): Je ne vous cris plus, cardinal,
+dans l'espoir de changer votre c&oelig;ur profondment
+perverti. C'est une pense laquelle j'ai
+renonc. Je vous cris pour satisfaire ma conscience
+devant Dieu et les hommes, et ne
+pas approuver, par mon silence, l'acte horrible
+que vous venez de commettre. Dans ce qui suit,
+<span class="pagenum" id="Page_271">271</span>
+il l'appelle cardinal d'enfer, et le menace du bourreau
+ternel qui viendra lui demander compte
+du sang vers. Dans la seconde lettre (mars 1536),
+il dit: L'crit ci-joint vous fera voir que le sang
+de Schanz ne se tait pas en Allemagne comme
+dans les appartemens de votre Grce lectorale,
+au milieu de vos courtisans. Abel vit en Dieu et
+son sang crie contre les meurtriers!... J'ai reconnu
+par la lettre de votre Grce Antoine
+Schanz que vous allez jusqu' accuser sa famille
+d'tre cause de sa mort. J'ai vu et entendu raconter
+mainte sclratesse de cardinal, mais
+je n'aurais jamais cru que vous fussiez une si
+cruelle et impudente vipre pour railler encore
+les malheureux, aprs cette abominable, cette
+infernale action!... J'ai recueilli les derniers
+cris de Schanz, au moment de sa dtresse, ses
+dernires protestations contre la violence, lorsque
+votre Saintet lui fit arracher les dents pour
+tirer de lui un faux aveu; je publierai ces paroles,
+et Dieu aidant, votre Saintet dansera une danse
+qu'elle n'a jamais danse!... Si Can sait dire:
+<i>Suis-je fait pour garder mon frre?</i> Dieu sait aussi
+lui rpondre: <i>Sois maudit sur la terre...</i> Je vous
+recommande Dieu, dit-il la fin de la lettre,
+si toutefois le chapeau de sang (le chapeau rouge
+de cardinal) vous laisse dsirer de lui tre recommand.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_272">272</span>
+L'lecteur de Saxe et le duc Albert de Prusse,
+parens du cardinal, trouvrent trop violent l'crit
+dont Luther parlait dans cette lettre. Ils lui
+firent dire qu'il attaquait l'honneur de la famille
+dans la personne de l'archevque, et lui commandrent
+d'user de mnagemens. Luther n'en
+publia pas moins son crit quelque temps aprs.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a34" id="Footnote_a34" href="#FNanchor_a34">[a34]</a>&nbsp;</span>Page 59, ligne 18.&mdash;<i>Ils regardent toute cette affaire comme
+une comdie...</i></p>
+
+<p>Ds le commencement des confrences, Luther
+avait prvu qu'elles ne mneraient rien.
+Il se dfiait mme de la fermet de Bucer et du
+landgrave de Hesse. Il dit dans une lettre au
+chancelier Brck: Je crains que le Landgrave
+ne se laisse entraner trop loin par les papistes,
+et qu'il ne veuille nous entraner avec lui. Mais il
+nous a dj suffisamment tiraills et je ne me laisserai
+plus mener par lui. Je reprendrais plutt
+tout le fardeau sur mes paules, et je marcherais
+seul, mes risques et prils, comme dans le commencement.
+Nous savons que c'est la cause de
+Dieu; c'est lui qui nous a suscits, qui nous a
+conduits jusqu'ici, il saura bien faire triompher
+sa cause. Ceux qui ne voudront pas nous suivre,
+n'ont qu' rester en arrire. Ni l'Empereur, ni le
+<span class="pagenum" id="Page_273">273</span>
+Turc, ni tous les Dmons ensemble, ne pourront
+rien contre cette cause, quoi qu'il en puisse advenir
+de nous et de ce corps mortel.&mdash;Je m'indigne
+qu'ils traitent ces affaires comme des affaires
+mondaines, des affaires d'Empereur, de
+Turcs, de princes, dans lesquelles on puisse transiger
+ volont, avancer ou reculer. C'est une
+cause dans laquelle Dieu et Satan combattent
+avec tous leurs anges. Ceux qui ne le croient pas,
+ne peuvent pas la dfendre. (avril 1541.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a35" id="Footnote_a35" href="#FNanchor_a35">[a35]</a>&nbsp;</span>Page 59, ligne 24.&mdash;<i>Je suis indign qu'on se joue ainsi de
+si grandes choses...</i></p>
+
+<p>Je vais Haguenau; je verrai de prs ce
+formidable Syrien, ce Behemoth dont se rit, au
+psaume II, l'habitant du ciel... Mais ils ne comprendront
+point ce rire, jusqu'au moment o
+finira ce chant funbre: Vous prirez dans la
+route, quand se lvera sa colre, parce qu'ils
+ont refus un baiser au Fils (<span lang="la" xml:lang="la">peribitis in vi, cum
+exarserit ira ejus, quia Filium nolunt osculari</span>).&mdash;Amen,
+amen, que cela arrive. Ils l'ont mrit,
+ils l'ont voulu. (2 juillet 1540.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a36" id="Footnote_a36" href="#FNanchor_a36">[a36]</a>&nbsp;</span>Page 64, ligne 15.&mdash;<i>Fait Wittemberg...</i></p>
+
+<p>On trouve dans les <i>Propos de table</i>, p. 320:</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_274">274</span>
+Le mariage secret des princes et des grands seigneurs
+est un vrai mariage, devant Dieu; il n'est
+pas sans analogie avec le concubinat des patriarches.
+(Ceci expliquerait la consultation en faveur
+du Landgrave.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a37" id="Footnote_a37" href="#FNanchor_a37">[a37]</a>&nbsp;</span>Page 65, ligne 19.&mdash;<i>Depuis cette poque, les lettres de Luther,
+comme celles de Mlanchton, sont pleines de dgot
+et de tristesse.</i></p>
+
+<p>L'ingratitude des hommes, c'est le cachet
+d'une bonne &oelig;uvre; si nos efforts plaisaient au
+monde, coup sr ils ne seraient point agrables
+ Dieu. (6 aot 1539.)</p>
+
+<p>La tristesse et la mlancolie viennent de Satan;
+c'est pour moi une chose sre. Dieu n'afflige,
+ni n'effraie, ni ne tue; il est le Dieu des
+vivans. Il a envoy son fils unique, pour que
+nous vivions par lui, pour qu'il surmonte la
+mort. C'est pourquoi l'criture dit: Soyez contens
+et joyeux, etc. (Tischreden, p. 205, verso.)</p>
+
+<p><i>Sur la tristesse.</i>&mdash;Vous ne pouvez empcher,
+disait un sage, que les oiseaux ne volent
+au-dessus de votre tte; mais vous empcherez
+qu'ils ne fassent leurs nids dans vos cheveux.
+(19 juin 1530.)</p>
+
+<p>Jean de Stockhausen avait demand Luther
+<span class="pagenum" id="Page_275">275</span>
+des remdes contre les tentations spirituelles et
+la mlancolie. Luther lui conseilla dans une lettre
+d'viter la solitude et de fortifier sa volont
+par une vie active, laborieuse. Il lui recommanda,
+outre la prire, la lecture du livre de
+Gerson: <i lang="la" xml:lang="la">De cogitationibus blasphemi</i>. (27 novembre
+1532.)</p>
+
+<p>Il donna des conseils semblables au jeune
+prince Joachim d'Anhalt, La gat, dit-il, et le
+bon courage (en tout bien et tout honneur) sont
+la meilleure mdecine des jeunes gens, disons
+mieux, de tous les hommes. Moi-mme qui ai
+pass ma vie dans la tristesse et les penses sombres,
+j'accepte aujourd'hui la joie partout o elle
+se prsente, je la recherche mme. La joie criminelle
+vient de Satan, il est vrai, mais la joie qu'on
+trouve dans le commerce d'hommes honntes et
+pieux, celle-l plat au Seigneur..... Montez
+cheval, allez la chasse avec vos amis, amusez-vous
+avec eux. La solitude et la mlancolie sont
+un poison; c'est la mort des hommes, et surtout
+des hommes jeunes. (26 juin 1534.)</p>
+
+<p>Mlanchton raconta un jour la table de
+Luther la fable suivante: Un paysan traversant
+une fort, rencontra une caverne o se trouvait
+un serpent. Une grande pierre roule devant,
+empchait l'animal d'en sortir. Il supplia le paysan
+d'enlever la pierre, lui promettant la plus belle
+<span class="pagenum" id="Page_276">276</span>
+rcompense. Le paysan se laissa tenter, dlivra
+le serpent, et lui demanda le prix de sa peine.
+A quoi le serpent rpondit qu'il allait lui donner
+la rcompense que le monde donne ses bienfaiteurs,
+qu'il allait le tuer. Tout ce que le paysan
+put obtenir par ses supplications, fut qu'ils remettraient
+leur diffrend au jugement du premier
+animal qu'ils rencontreraient. Ce fut d'abord un
+vieux cheval qui n'avait plus que la peau et les
+os. Pour toute rponse, il dit: J'ai consum
+tout ce que j'avais de force au service de l'homme;
+pour rcompense, il va me tuer, m'corcher.
+Ils rencontrrent ensuite un vieux chien que son
+matre venait de rouer de coups; ce nouvel arbitre
+donna mme dcision. Le serpent voulait
+alors tuer son bienfaiteur. Celui-ci obtint qu'ils
+prendraient un nouveau juge, et que la sentence
+de ce dernier serait dcisive. Aprs avoir march
+quelques pas, ils virent venir eux un renard.
+Ds que le paysan l'aperut, il invoqua son secours,
+et lui promit tous ses poulets, s'il rendait
+une dcision favorable. Le renard ayant entendu
+les parties, dit qu'avant de prononcer, il fallait
+remettre toutes choses dans leur premier tat;
+que le serpent devait retourner dans la caverne
+pour entendre le jugement. Le serpent consentit,
+et, ds qu'il y fut, le paysan boucha le trou
+de son mieux. Le renard vint la nuit suivante
+<span class="pagenum" id="Page_277">277</span>
+prendre les poulets qui lui taient promis; mais
+la femme et les valets du paysan le turent.
+Mlanchton ayant fini ce conte, le docteur dit:
+Voil bien l'image de ce qu'on voit dans le
+monde. Celui que vous avez sauv de la potence
+vous fait pendre. Si je n'avais d'autre exemple,
+je n'aurais qu' penser Jsus-Christ qui, aprs
+avoir rachet le monde entier du pch, de la
+mort, du diable et de l'enfer, fut crucifi par les
+siens mmes. (Tischreden, p. 56.)</p>
+
+<p>Les plaisanteries, les jeux de mots qui se rencontrent
+si souvent dans les lettres des annes
+prcdentes, ont disparu dans celles-ci; la correspondance
+de Luther devient triste; c'est
+peine si on le voit sourire une seule fois; le
+rcit grotesque d'une expdition militaire de
+quelques bourgeois contre des brigands, peut
+tout au plus le drider: Voici encore une nouvelle
+victoire de Kohlhase (fameux brigand dont
+la vie est raconte dans un curieux roman historique);
+il a pris et enlev un riche meunier. Sitt
+que nous avons su la chose, nous nous
+sommes courageusement prcipits travers les
+campagnes, pas trop loin cependant de nos murailles,
+et comme il convient des saints Christophes
+en peinture ou des saints Georges de
+bois, nous avons effray les nues de quelques
+coups de fusil... Nous avons fait transporter dans
+<span class="pagenum" id="Page_278">278</span>
+la ville nos bois, nos arbres, de peur que, la
+nuit, Kohlhase n'en fasse un pont pour passer
+nos petits fosss. Nous sommes tous des Hectors
+et des Achilles, ne craignant personne, bien que
+nous soyons seuls et sans ennemis.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a38" id="Footnote_a38" href="#FNanchor_a38">[a38]</a>&nbsp;</span>Page 67, ligne 25.&mdash;<i>Poison...</i></p>
+
+<p>En 1541, un bourgeois de Wittemberg,
+nomm Clmann Schober, suivit Luther l'arquebuse
+ la main, dans l'intention probable de le
+tuer. Il fut arrt et puni. (Ukert <span class="t5">I</span>, 323.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a39" id="Footnote_a39" href="#FNanchor_a39">[a39]</a>&nbsp;</span>Page 71, ligne 4.&mdash;<i>Famille...</i></p>
+
+<p><i>A Marc Cordel.</i> Comme nous en sommes convenus,
+mon cher Marc, je t'envoie mon fils
+Jean, afin que tu l'emploies exercer des enfans
+dans la grammaire et la musique, et en mme
+temps, pour que tu surveilles et corriges ses
+m&oelig;urs... Si tes soins prosprent pour ce fils, tu
+en auras, de mon vivant, deux autres... Je suis
+en travail de thologiens, mais je veux enfanter
+aussi des grammairiens et des musiciens.
+(26 aot 1542.)</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_279">279</span>
+Le docteur Jonas avait dit un jour que la maldiction
+de Dieu sur les enfans dsobissans,
+s'tait accomplie dans la famille de Luther; le
+jeune homme dont il parlait tait toujours malade
+et souffrant. Le docteur Luther ajouta
+C'est la punition due sa dsobissance. Il
+m'a presque tu une fois, et, depuis ce temps,
+j'ai perdu toutes les forces de mon corps. Grce
+ lui, j'ai compris le passage o saint Paul parle
+des enfans qui tuent leurs parens, non par l'pe,
+mais par la dsobissance. Ils ne vivent gure,
+et n'ont pas de bonheur... O mon Dieu! que le
+monde est impie, et dans quels temps nous vivons!
+Ce sont les temps dont Jsus-Christ a dit:
+Quand le fils de l'homme viendra, croyez-vous
+qu'il trouvera de la foi et de la charit? Heureux
+ceux qui meurent avant de voir des temps
+pareils. (Tischreden, p. 48.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a40" id="Footnote_a40" href="#FNanchor_a40">[a40]</a>&nbsp;</span>Page 71, ligne 4.&mdash;<i>La femme...</i></p>
+
+<p>La femme est le plus prcieux des trsors.
+Elle est pleine de grces et de vertus; elle garde
+la foi.</p>
+
+<p>&mdash;Le premier amour est violent, il nous
+enivre et nous enlve la raison. L'ivresse passe,
+<span class="pagenum" id="Page_280">280</span>
+les mes pieuses conservent l'amour honnte; les
+impies n'en conservent rien.</p>
+
+<p>&mdash;Mon doux Seigneur! si c'est ta volont
+sainte que je vive sans femme, soutiens-moi
+contre les tentations; sinon, veuille m'accorder
+une bonne et pieuse jeune fille, avec laquelle je
+passe doucement ma vie, que j'aime et dont je
+sois aim en retour. (Tischreden, p. 329-31.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a41" id="Footnote_a41" href="#FNanchor_a41">[a41]</a>&nbsp;</span>Page 71, ligne 8.&mdash;<i>Asseyons-nous sa table...</i></p>
+
+<p>Il y tait toujours entour de ses enfans et de
+ses amis, Mlanchton, Jonas, Aurifaber, etc.,
+qui l'avaient soutenu dans ses travaux. Une place
+ cette table tait chose envie.&mdash;J'aurais volontiers,
+crit-il Gaspard Muller, reu Kgel au
+nombre de mes pensionnaires, pour diffrentes
+raisons; mais le jeune Porse de Jna allant
+bientt revenir, la table sera pleine, et je ne puis
+pourtant congdier mes anciens et fidles compagnons.
+Si cependant il se trouve plus tard une
+place vacante, comme cela pourrait arriver aprs
+Pques, je ferai avec plaisir ce que vous dsirez,
+ moins que <i>le seigneur</i> Catherine, ce que je ne
+pense pas, ne veuille nous refuser sa grce.
+(19 janvier 1536.) <i>Dominus Ketha</i>, c'tait le
+nom qu'il donnait souvent sa femme. Il commence
+<span class="pagenum" id="Page_281">281</span>
+ainsi une lettre qu'il lui crit le 26 juillet
+1540: A la riche et noble dame de Zeilsdorf<a name="FNanchor_7" id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>,
+madame la <i>doctoresse</i> Catherine Luther,
+domicilie Wittemberg, quelquefois se promenant
+ Zeilsdorf, ma bien-aime pouse.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a42" id="Footnote_a42" href="#FNanchor_a42">[a42]</a>&nbsp;</span>Page 77, ligne 8.&mdash;<i>Mariage...</i></p>
+
+<p>Le mariage, que l'autorit approuve et qui
+n'est point contre la parole de Dieu, est un bon
+mariage, quel que soit le degr de parent.
+(Tischreden, page 321.)</p>
+
+<p>Il blmait fort les juristes qui, contre leur
+propre conscience, contre le droit naturel, divin
+et imprial, maintenaient comme valables les
+promesses secrtes de mariage. On doit laisser
+chacun s'arranger avec sa conscience. On ne peut
+forcer personne l'amour.</p>
+
+<p>Les dots, prsens de lendemain, biens,
+hritages, etc., ne regardent que l'autorit. Je
+veux les lui renvoyer, afin qu'elle en charge ses
+gens, ou qu'elle dcide elle-mme. Nous sommes
+pasteurs des consciences, non des corps ou des
+biens. (Tischreden, p. 315)</p>
+
+<p>Consult dans un cas d'adultre, il dit: On
+doit les citer et ensuite les sparer. De tels cas
+<span class="pagenum" id="Page_282">282</span>
+regardent proprement l'autorit, car le mariage
+est une chose temporelle. Il n'intresse l'glise
+qu'en ce qui touche la conscience. (Tischreden,
+p. 322.)</p>
+
+<p>L'an 1539, 1<sup>er</sup> fvrier, il disait: Quoique
+les affaires relatives aux mariages nous obligent
+tous les jours d'tudier, de lire, de prcher,
+d'crire et de prier, je me rjouis que
+les consistoires soient tablis, surtout pour ce
+genre d'affaires... On trouve beaucoup de parens,
+particulirement des beaux-pres qui, sans raison,
+dfendent le mariage leurs enfans. L'autorit
+et les pasteurs doivent y voir, et favoriser
+les mariages, mme contre la volont des parens,
+selon les diverses <ins id="err_5" title="original: occurences (Err.)">occurrences</ins>... Les enfans doivent
+citer leurs parens l'exemple de Samson.
+Nous ne sommes plus au temps de la papaut,
+o l'on suivait la loi contre l'quit. (Tischreden,
+p. 322.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a43" id="Footnote_a43" href="#FNanchor_a43">[a43]</a>&nbsp;</span>Page 81, ligne 12.&mdash;<i>Ma femme et mes petits enfans...</i></p>
+
+<p>Durant la dite d'Augsbourg, il crivit son fils
+Jean: Grce et paix toi, en Jsus-Christ,
+mon cher petit enfant. Je vois avec plaisir que
+tu apprends bien et que tu pries sans distraction.
+Continue, mon enfant, et, quand je reviendrai
+<span class="pagenum" id="Page_283">283</span>
+ la maison, je te rapporterai quelque belle
+chose.</p>
+
+<p>Je sais un beau et riant jardin, tout plein
+d'enfans en robes d'or, qui vont jouant sous les
+arbres avec de belles pommes, des poires, des
+cerises, des noisettes et des prunes; ils chantent,
+ils sautent, et sont tout joyeux; ils ont aussi de
+jolis petits chevaux avec des brides d'or et des
+selles d'argent. En passant devant ce jardin, je
+demandais l'homme qui il appartient, quels
+taient ces enfans? Il me rpondit: Ce sont
+ceux qui aiment prier, apprendre, et qui
+sont pieux. Je lui dis alors: Cher ami, j'ai
+aussi un enfant, c'est le petit Jean Luther; ne
+pourrait-il pas aussi venir dans ce jardin manger
+de ces belles pommes et de ces belles poires,
+monter sur ces jolis petits chevaux, et jouer avec
+les autres enfans? L'homme me rpondit: S'il
+est bien sage, s'il prie et apprend volontiers, il
+pourra aussi venir, le petit Philippe et le petit
+Jacques avec lui; ils trouveront ici des fifres,
+des timbales et autres beaux instrumens pour
+faire de la musique; ils danseront et tireront
+avec de petites arbaltes. En parlant ainsi,
+l'homme me montra, au milieu du jardin, une
+belle prairie pour danser, o l'on voyait suspendus
+les fifres, les timbales, et les petites arbaltes.
+Mais il tait encore matin, les enfans
+<span class="pagenum" id="Page_284">284</span>
+n'avaient pas dn, et je ne pouvais attendre que
+la danse comment. Je dis alors l'homme:
+Cher seigneur, je vais vite crire mon cher
+petit Jean, afin qu'il soit bien sage, qu'il prie et
+qu'il apprenne, pour venir aussi dans ce jardin;
+mais il a une tante Madeleine qu'il aime beaucoup,
+pourra-t-il l'amener avec lui? L'homme
+me rpondit: Oui, ils pourront venir ensemble,
+faites-le-lui savoir. Sois donc bien
+sage, mon cher enfant; dis Philippe et Jacques
+de l'tre aussi, et vous viendrez tous ensemble
+jouer dans ce beau jardin.&mdash;Je te recommande
+ la protection de Dieu. Salue de ma part la tante
+Madeleine, et donne-lui un baiser pour moi.
+Ton pre qui te chrit. Martin <span class="smcap">Luther</span>.
+(19 juin 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a44" id="Footnote_a44" href="#FNanchor_a44">[a44]</a>&nbsp;</span>Page 84.&mdash;<i>Fin du chapitre...</i></p>
+
+<p>Dieu sait tous les mtiers mieux que personne.
+Comme tailleur, il fait au cerf une robe
+qui lui sert neuf cents ans sans se dchirer.
+Comme cordonnier, il lui donne une chaussure
+qui dure encore plus long-temps que lui. Et ne
+s'entend-il pas la cuisine, lui qui par le feu du
+soleil fait tout cuire et tout mrir. Si notre Seigneur
+vendait les biens qu'il donne, il en ferait
+<span class="pagenum" id="Page_285">285</span>
+passablement d'argent; mais parce qu'il les donne
+gratis, on n'en tient pas compte. (Tischr., p. 27.)</p>
+
+<p>Ce passage bizarre et un assez grand nombre
+d'autres, nous montrent dans Luther le modle
+probable d'Abraham de Sancta Clara. Au dix-septime
+sicle, on n'imitait plus que les dfauts
+de Luther.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a45" id="Footnote_a45" href="#FNanchor_a45">[a45]</a>&nbsp;</span>Page 87, ligne 15.&mdash;<i>Le dcalogue...</i></p>
+
+<p>Me voil devenu disciple du dcalogue. Je
+commence comprendre que le dcalogue est la
+dialectique de l'vangile, et l'vangile la rhtorique
+du dcalogue; Christ a tout ce qui est de
+Mose, mais Mose n'a pas tout ce qui est de
+Christ. (20 juin 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a46" id="Footnote_a46" href="#FNanchor_a46">[a46]</a>&nbsp;</span>Page 88, ligne 9.&mdash;<i>Il y aura un nouveau ciel, une
+nouvelle terre...</i></p>
+
+<p>Le grincement de <i>dents dont parle l'vangile</i>,
+c'est la dernire peine qui suivra une mauvaise
+conscience, la dsolante certitude d'tre
+jamais spar de Dieu. (Tischr., p. 366.) Ainsi
+Luther semble avoir une ide plus spirituelle de
+l'enfer que du paradis.</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_286">286</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a47" id="Footnote_a47" href="#FNanchor_a47">[a47]</a>&nbsp;</span>Page 89, ligne 10.&mdash;<i>Autrefois on faisait des plerinages...</i></p>
+
+<p>A Jean de Sternberg, en lui ddiant la traduction
+du psaume CXVII: ... Si je vous ai nomm
+en tte de ce petit travail, ce n'a pas seulement
+t pour attirer l'attention des gens qui mprisent
+tout art et tout savoir, mais aussi pour
+tmoigner qu'il y a encore des gens pieux parmi
+la noblesse. La plupart des nobles sont aujourd'hui
+si insolens et si dpravs, qu'ils excitent
+la colre du pauvre homme... S'ils voulaient tre
+respects, ils devraient avant tout respecter eux-mmes
+Dieu et sa parole. Qu'ils continuent de
+vivre ainsi dans l'orgueil, dans l'insolence, dans
+le mpris de toute vertu, et ils ne seront
+bientt plus que des paysans; ils le sont dj,
+quoiqu'ils portent encore le nom de nobles et le
+chapeau plumes... Ils devraient cependant se
+souvenir de Mnzer...</p>
+
+<p>... Je souhaite que ce petit livre, et d'autres
+qui lui ressemblent, touchent votre c&oelig;ur,
+et que vous y fassiez un plerinage plus utile au
+salut, que celui que vous avez fait autrefois
+Jrusalem. Non que je mprise ces plerinages;
+j'en ferais moi-mme bien volontiers, si je pouvais,
+et j'aime toujours en entendre parler;
+<span class="pagenum" id="Page_287">287</span>
+mais je veux dire que nous ne les faisions pas
+dans un bon esprit. Quand j'allai Rome, je courus
+comme un fou travers toutes les glises,
+tous les couvens; je crus tout ce que les imposteurs
+y avaient jamais invent. J'y dis une dizaine
+de messes, et je regrettais presque que mon pre
+et ma mre fussent encore en vie. J'aurais tant
+aim les tirer du purgatoire par ces messes et
+autres bonnes &oelig;uvres! On dit Rome ce proverbe:
+<ins id="err_6" title="original: heureux (Err.)">Heureuse</ins> la mre dont le fils dit la messe
+la veille de la Saint-Jean! Que j'aurais t aise
+de sauver ma mre!</p>
+
+<p>Nous faisions ainsi, ne sachant pas mieux;
+le pape tolre ces mensonges. Aujourd'hui, Dieu
+merci, nous avons les vangiles, les psaumes,
+et autres paroles de Dieu; nous pouvons y faire
+des plerinages plus utiles, y visiter et contempler
+la vritable terre promise, la vraie Jrusalem,
+le vrai paradis. Nous n'y marchons pas sur
+les tombeaux des saints et sur leurs dpouilles
+mortelles, mais dans leurs c&oelig;urs, dans leurs
+penses et leur esprit... (Cobourg, 29 aot 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a48" id="Footnote_a48" href="#FNanchor_a48">[a48]</a>&nbsp;</span>Page 89, ligne 13.&mdash;<i>Pour visiter les saints.</i></p>
+
+<p>Les saints ont souvent pch, souvent err.
+Quelle fureur de nous donner toujours leurs
+<span class="pagenum" id="Page_288">288</span>
+actes et leurs paroles pour des rgles infaillibles!
+Qu'ils sachent, ces sophistes insenss, ces pontifes
+ignares, ces prtres impies, ces moines sacrilges,
+et le pape avec toute sa sequelle....
+que nous n'avons pas t baptiss au nom d'Augustin,
+de Bernard, de Grgoire, au nom de
+Pierre ni de Paul, au nom de la bienfaisante
+facult thologique de la Sodome (Sorbonne) de
+Paris, de la Gomorrhe de Louvain, mais au nom
+du seul Jsus-Christ notre matre. (<i lang="la" xml:lang="la">De abrogand
+miss privat.</i> Op. lat. Lutheri, Witt.,
+II, 245.)</p>
+
+<p>Les vritables saints, ce sont toutes les autorits,
+tous les serviteurs de l'glise, tous les
+parens, tous les enfans qui croient en Jsus-Christ,
+qui ne commettent point de pch, et
+qui accomplissent, chacun dans sa condition,
+les devoirs que Dieu leur impose. (Tischreden,
+134, verso.)</p>
+
+<p>Luther croit peu aux lgendes des saints, et
+dteste surtout celles des anachortes. ... Si
+l'on a fait quelque excs du ct du boire ou du
+manger, on peut l'expier avec le jene et la maladie...</p>
+
+<p>La lgende de saint Christophe est une belle
+posie chrtienne. Les Grecs qui taient des gens
+doctes, sages et ingnieux, ont voulu montrer
+ce que doit tre un chrtien (<i>christoforos</i>, qui
+<span class="pagenum" id="Page_289">289</span>
+porte le Christ). Il en est de mme du chevalier
+saint George. La lgende de sainte Catherine
+est contraire toute l'histoire romaine, etc.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a49" id="Footnote_a49" href="#FNanchor_a49">[a49]</a>&nbsp;</span>Page 89, ligne 16.&mdash;<i>Les prophtes.</i></p>
+
+<p>Je sue sang et eau pour donner les prophtes
+en langue vulgaire. Bon Dieu! quel travail!
+comme ces crivains juifs ont de la peine
+parler allemand. Ils ne veulent pas abandonner
+leur hbreu pour notre langue barbare. C'est
+comme si Philomle, perdant sa gracieuse mlodie,
+tait oblige de chanter toujours avec
+le coucou une mme note monotone. (14
+juin 1528.)&mdash;Il dit ailleurs qu'en traduisant la
+Bible, il mettait souvent plusieurs semaines
+chercher le sens d'un mot. (Ukert, II, p. 337.)</p>
+
+<p>A Jean Frdric, duc de Saxe, en lui envoyant
+sa traduction du prophte Daniel. ... Les historiens
+racontent avec loge que le grand Alexandre
+portait toujours Homre sur lui et le mettait
+mme la nuit sous sa tte: combien serait-il
+plus juste que le mme honneur, ou un plus
+grand encore, ft rendu Daniel par tous les
+rois et princes de la terre! Ils ne devraient pas
+le mettre sous leur tte, mais le dposer dans
+<span class="pagenum" id="Page_290">290</span>
+leur c&oelig;ur, car il enseigne des choses bien plus
+hautes. (fvrier ou mars 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a50" id="Footnote_a50" href="#FNanchor_a50">[a50]</a>&nbsp;</span>Page 92, ligne 10.&mdash;<i>Psaumes...</i></p>
+
+<p>A l'abb Frdric, de Nuremberg, en lui ddiant
+la traduction du psaume CXVIII: ... C'est
+mon psaume moi, mon psaume de prdilection.
+Je les aime bien tous; j'aime toute l'criture
+sainte, qui est toute ma consolation et ma
+vie; cependant je me suis attach particulirement
+ ce psaume, et j'ai en vrit le droit de
+l'appeler mien. Il a aussi bien mrit de moi;
+il m'a sauv de mainte grande ncessit d'o ni
+Empereur, ni rois, ni sages, ni saints, n'eussent
+pu me tirer. C'est mon ami, qui m'est plus cher
+que tous les honneurs, toute la puissance de la
+terre. Je ne le donnerais pas en change, si l'on
+m'offrait tout cela.</p>
+
+<p>Mais, dira-t-on, ce psaume est commun
+tous; personne n'a le droit de le dire sien. Oui,
+mais le Christ est bien aussi commun tous, et
+pourtant le Christ est mien. Je ne suis pas jaloux
+de ma proprit; je voudrais la mettre en
+commun avec le monde entier... Et plt Dieu
+que tous les hommes revendiquassent ce psaume
+comme tant eux! Ce serait la querelle la plus
+<span class="pagenum" id="Page_291">291</span>
+touchante, la plus agrable Dieu, une querelle
+d'union et de charit parfaite. (Cobourg,
+1<sup>er</sup> juillet 1530.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a51" id="Footnote_a51" href="#FNanchor_a51">[a51]</a>&nbsp;</span>Page 94, ligne 12.&mdash;<i>Des Pres...</i></p>
+
+<p>Ds le commencement de l'anne 1519, il crivait
+ Jrme Dngersheim une lettre remarquable
+sur l'importance et l'autorit des Pres de l'glise.
+L'vque de Rome est au-dessus de tous
+par sa dignit. C'est lui qu'il faut s'adresser
+dans les cas difficiles et dans les grandes ncessits.
+J'avoue cependant que je ne saurais dfendre
+contre les Grecs cette suprmatie que je
+lui accorde.</p>
+
+<p>Si je reconnaissais au pape le pouvoir de
+tout faire dans l'glise, je devrais, comme consquence
+de cette doctrine, traiter d'hrtiques,
+Jrme, Augustin, Athanase, Cyprien, Grgoire
+et tous les vques d'Orient qui ne furent
+pas tablis par lui ni sous lui. Le concile de Nice
+ne fut pas runi par son autorit; il n'y prsida
+ni par lui-mme, ni par un lgat. Que dirai-je
+des dcrets de ce concile? Les connat-on
+bien? Sait-on lesquels d'entre eux il faut reconnatre?...
+C'est votre coutume toi et Eck,
+d'accepter les paroles de tout le monde, de modifier
+<span class="pagenum" id="Page_292">292</span>
+l'criture par les Pres, comme s'il fallait
+plutt croire en eux. Pour moi, je fais tout autrement.
+Comme Augustin et saint Bernard, en
+respectant toutes les autorits, je remonte des
+ruisseaux jusqu'au fleuve qui leur donne naissance.&mdash;Suivent
+plusieurs exemples des erreurs
+dans lesquelles les Pres sont tombs. Luther
+les critique en philologue, montrant qu'ils
+n'ont pas compris le texte hbreu. De combien
+d'autorits Jrme n'abuse-t-il pas contre Jovinien?
+Augustin contre Plage?&mdash;Ainsi Augustin
+dit que ce verset de la Gense: Faisons l'homme
+ notre image, est une preuve de la Trinit,
+mais il y a dans le texte hbreu: Je ferai
+l'homme, etc.&mdash;Le Matre des sentences a donn
+un bien funeste exemple en s'efforant de faire
+accorder les paroles de tous les Pres. Il rsulte
+de l que nous devenons la rise des hrtiques,
+quand nous nous prsentons devant
+eux avec ces phrases obscures ou double sens.
+Eck se fait le champion de toutes les opinions
+diverses et contraires. C'est l-dessus que roulera
+notre dispute. (1519.)</p>
+
+<p>&mdash;J'admire toujours comment aprs les
+aptres, Jrme a pu mriter le nom de Docteur
+de l'glise, Origne celui de Matre des
+glises... On ne pourrait faire un seul chrtien
+avec leurs livres... tant ils sont sduits par la
+<span class="pagenum" id="Page_293">293</span>
+pompe des &oelig;uvres. Augustin lui-mme ne vaudrait
+pas davantage, si les Plagiens ne l'avaient
+rudement exerc, et contraint de dfendre la
+foi. (26 aot 1530.)</p>
+
+<p>&mdash;Celui qui a os comparer le monachat
+au baptme tait compltement fou; c'tait plutt
+une bche qu'une bte. Eh! quoi, crois-tu
+donc Jrme, lorsqu'il parle d'une manire si
+impie contre Dieu, lorsqu'il veut qu'immdiatement
+aprs soi-mme, ce soient ses parens
+que l'on considre le plus? couteras-tu Jrme,
+tant de fois dans l'erreur, tant de fois
+dans le pch? croiras-tu un homme enfin,
+plutt que Dieu lui-mme? Va donc, et crois
+avec Jrme qu'il faut passer sur le corps ses
+parens pour fuir au dsert. (Lettre Severinus,
+moine autrichien; 6 octobre 1527.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a52" id="Footnote_a52" href="#FNanchor_a52">[a52]</a>&nbsp;</span>Page 97, ligne 19.&mdash;<i>Les Scolastiques...</i></p>
+
+<p>Grgoire de Rimini a convaincu les scolastiques
+d'une doctrine pire que celle des plagiens...
+Car bien que les plagiens pensent que l'on peut
+faire une bonne &oelig;uvre sans la grce, ils n'affirment
+pas qu'on puisse sans la grce obtenir le
+ciel. Les scolastiques parlent comme Plage,
+lorsqu'ils enseignent que sans la grce on peut
+<span class="pagenum" id="Page_294">294</span>
+faire une bonne &oelig;uvre, et non une &oelig;uvre mritoire.
+Mais ils enchrissent sur les plagiens, en
+ajoutant que l'homme a l'inspiration de la droite
+raison naturelle laquelle la volont peut se conformer
+naturellement, tandis que les plagiens
+avouent que l'homme est aid par la loi de Dieu.
+(1519.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a53" id="Footnote_a53" href="#FNanchor_a53">[a53]</a>&nbsp;</span>Page 102, ligne 14.&mdash;<i>Biens ecclsiastiques...</i></p>
+
+<p>Luther crivit au roi de Danemarck (2 dcembre
+1536), pour approuver la suppression
+de l'piscopat, et pour engager ce prince faire
+un bon usage des biens ecclsiastiques, c'est--dire
+(comme il l'crivait le 18 juillet 1529 au
+margrave George de Brandebourg), les appliquer
+ des fondations d'coles et d'universits.</p>
+
+<p>L'Empereur dissimule, et cependant il prend,
+il dvore les vchs, Utrecht, Lige, etc. Ceux
+de la noblesse devraient y prendre garde. Je me
+suis durement travaill pour que les fondations
+ecclsiastiques et les possessions des princes
+abbs ne fussent point disperses, mais conserves
+aux pauvres de la noblesse. Malheureusement
+cela n'aura pas lieu. (Tischreden,
+p. 351.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_295">295</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a54" id="Footnote_a54" href="#FNanchor_a54">[a54]</a>&nbsp;</span>Page 104, ligne 7.&mdash;<i>Des cardinaux et vques...</i></p>
+
+<p>Matre Philippe louait devant le docteur Luther
+la haute intelligence et l'esprit rapide du
+cardinal, vque de Saltzbourg, Mathieu Lang.
+Il disait qu'en 1530, il s'tait trouv six heures
+avec lui Augsbourg, et qu'ils avaient caus de
+la religion. Le cardinal lui avait dit la fin:
+Mon cher <i>domine Philippe</i>, nous autres prtres,
+nous n'avons encore jamais rien valu. Nous savons
+bien que votre doctrine est bonne; mais
+ignorez-vous donc que jusqu'ici on n'a jamais
+rien pu gagner sur les prtres? Ce n'est pas
+vous qui commencerez. Ce cardinal tait fils
+d'un messager d'Augsbourg. Son pre tait d'une
+bonne et ancienne famille, mais rduit l'tat
+de serviteur par sa pauvret.&mdash;Ce fut le premier
+cardinal qu'il y ait eu en Allemagne. Appuy
+par sa s&oelig;ur, il se fit connatre la cour de
+Maximilien, fut ensuite envoy Rome auprs
+du pape, et plus tard nomm coadjuteur de l'vch
+de Salzbourg. (Tischreden, p. 272.)</p>
+
+<p>J'ai, jusqu'ici, pri pour cet vque, <i lang="la" xml:lang="la">categoric,
+affirmativ, positiv</i>, de c&oelig;ur, pour que
+Dieu voult le convertir. J'ai essay aussi par
+crit de l'amener la pnitence. Maintenant je
+<span class="pagenum" id="Page_296">296</span>
+prie pour lui <i lang="la" xml:lang="la">hypothetic</i> et <i lang="la" xml:lang="la">desperabund</i>... Celui-l
+n'est point <i lang="la" xml:lang="la">frater ignoranti, sed maliti</i>.</p>
+
+<p>Il m'a souvent crit amicalement, et m'a fait
+esprer qu'il prendrait femme, comme je lui en
+avais donn le conseil par crit.</p>
+
+<p>Il s'est moqu de nous jusqu' la dite d'Augsbourg.
+L, j'ai appris le connatre. Cependant
+il veut encore tre mon ami au point qu'il me rclame
+pour arbitre dans l'affaire de... (Tischreden,
+p. 274.)</p>
+
+<p>A la dite d'Augsbourg, l'vque de Saltzbourg
+disait: Il y a quatre moyens pour rconcilier
+les deux partis: ou que nous cdions ou
+qu'ils cdent; or, ni les uns ni les autres n'en
+veulent rien faire; ou bien encore, il faut que
+l'on oblige d'autorit un des partis cder, et
+comme il en doit rsulter un grand soulvement,
+reste le quatrime moyen, savoir: qu'un parti
+extermine l'autre, et que le plus fort mette le plus
+faible dans le sac. Voil de beaux plans d'unit
+pour un vque chrtien. (Ibidem, p. 19.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a55" id="Footnote_a55" href="#FNanchor_a55">[a55]</a>&nbsp;</span>Page 105, ligne 8.&mdash;<i>Moines...</i></p>
+
+<p>Les seuls mendians sont diviss en sept partis
+ou ordres, et les mineurs leur tour en sept
+espces de mineurs. Toutes ces sectes, le trs
+<span class="pagenum" id="Page_297">297</span>
+saint pre les nourrit et les entretient lui-mme,
+tant il a peur qu'elles ne viennent s'unir.
+(Lettre la dite de Prague, 15 juillet 1522.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a56" id="Footnote_a56" href="#FNanchor_a56">[a56]</a>&nbsp;</span>Page 107, ligne 22.&mdash;<i>Un seul coin de l'Allemagne, celui o
+nous sommes, fleurit encore par la culture des arts libraux...</i></p>
+
+<p>Luther crivit l'lecteur, le 20 mai 1530,
+pour relever son courage et le consoler des chagrins
+que lui causait la Rforme: Voyez comme
+Dieu a fait clater sa grce et sa bont dans les
+tats de votre Altesse! n'est-ce pas l que son
+vangile a le plus de ministres pieux et fidles,
+ceux qui l'enseignent avec le plus de puret, de
+zle et de fruit? Vous voyez grandir autour de
+vous toute une jeunesse aimable, de bonnes
+m&oelig;urs et qui sera bientt savante dans la sainte
+criture. Cela me ravit le c&oelig;ur de voir nos jeunes
+enfans, garons et petites filles, connatre
+mieux aujourd'hui Dieu et le Christ, avoir une
+foi plus pure et savoir mieux prier, qu'autrefois
+toutes les coles piscopales et les couvens les
+plus clbres.</p>
+
+<p>Cette jeunesse vous a t accorde comme un
+signe de faveur et de misricorde divine. Dieu
+vous dit en quelque sorte: Cher duc Jean, je te
+<span class="pagenum" id="Page_298">298</span>
+confie mon plus prcieux trsor; sois le pre de
+ces enfans. Je veux que tu les gouvernes, que tu
+les protges; sois le jardinier de mon paradis, etc.</p>
+
+<p>Le duc ne parat pas avoir tenu grand compte
+de cette recommandation, car Luther dit dans
+plusieurs de ses lettres qu'il y avait Wittemberg
+grand nombre d'tudians qui ne vivaient
+gure que de pain et d'eau.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a57" id="Footnote_a57" href="#FNanchor_a57">[a57]</a>&nbsp;</span>Page 112, ligne 4.&mdash;<i>Je regrette de n'avoir pas plus de
+temps donner l'tude des potes et des orateurs....</i></p>
+
+<p><i>A Wenceslas Link de Nuremberg.</i> Si cela ne
+vous donne pas trop de peines, mon cher Wenceslas,
+je vous prie de faire rassembler pour moi
+tous les dessins, livres, cantiques, chants de Meistersanger
+et bouts rims, qui auront t composs
+en allemand et imprims cette anne chez
+vous; envoyez-en autant que vous en pourrez
+trouver. Je dsirerais vivement les avoir. Nous
+savons ici composer des ouvrages latins; mais
+pour les livres allemands, nous ne sommes que
+des apprentis. Toutefois, avec l'ardeur que nous
+y mettons, j'espre que nous russirons bientt
+de manire vous satisfaire. (20 mars 1536.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_299">299</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a58" id="Footnote_a58" href="#FNanchor_a58">[a58]</a>&nbsp;</span>Page 112, ligne 23.&mdash;<i>Ce n'est point un seul homme qui a
+fait ces fables...</i></p>
+
+<p>En 1530, Luther traduisit un choix des fables
+d'sope. Dans la prface il dit qu'il n'y a peut-tre
+jamais eu d'homme de ce nom, et que ces fables
+ont vraisemblablement t recueillies de la bouche
+du peuple. (Luth. Werke IX, 455.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a59" id="Footnote_a59" href="#FNanchor_a59">[a59]</a>&nbsp;</span>Page 116, ligne 13.&mdash;<i>Chanter est le meilleur exercice...</i></p>
+
+<p>Heine, <i>Revue des deux Mondes</i>, 1<sup>er</sup> mars 1834:
+Ce qui n'est pas moins curieux et significatif
+que ces crits en prose, ce sont les posies de
+Luther, ces chansons qui lui ont chapp dans
+le combat et dans la ncessit. On dirait une fleur
+qui a pouss entre les pierres, un rayon de la
+lune qui claire une mer irrite. Luther aimait la
+musique, il a mme crit un trait sur cet art,
+aussi ses chansons sont-elles trs mlodieuses.
+Sous ce rapport, il a aussi mrit son surnom de
+Cygne d'Eisleben. Mais il n'tait rien moins qu'un
+doux cygne dans certains chants o il ranime le
+courage des siens, et s'exalte lui-mme jusqu' la
+<span class="pagenum" id="Page_300">300</span>
+plus sauvage ardeur. Le chant avec lequel il entra
+ Worms, suivi de ses compagnons, tait un
+vritable chant de guerre. La vieille cathdrale
+trembla ces sons nouveaux, et les corbeaux
+furent effrays dans leurs nids obscurs, la cime
+des tours. Cet hymne, la Marseillaise de la rforme,
+a conserv jusqu' ce jour sa puissance
+nergique, et peut-tre entonnerons-nous bientt
+dans des combats semblables ces vieilles paroles
+retentissantes et bardes de fer:</p>
+
+<div class="poem">
+<div class="stanza">
+<div class="verse">Notre Dieu est une forteresse,</div>
+<div class="verse">Une pe et une bonne armure;</div>
+<div class="verse">Il nous dlivrera de tous les dangers</div>
+<div class="verse">Qui nous menacent prsent.</div>
+<div class="verse">Le vieux mchant dmon</div>
+<div class="verse">Nous en veut aujourd'hui srieusement,</div>
+<div class="verse">Il est arm de pouvoir et de ruse,</div>
+<div class="verse">Il n'a pas son pareil au monde.</div>
+</div>
+
+<div class="stanza">
+<div class="verse">Votre puissance ne fera rien,</div>
+<div class="verse">Vous verrez bientt votre perte;</div>
+<div class="verse">L'homme de vrit combat pour nous,</div>
+<div class="verse">Dieu lui-mme l'a choisi.</div>
+<div class="verse">Veux-tu savoir son nom?</div>
+<div class="verse">C'est Jsus-Christ,</div>
+<div class="verse">Le seigneur Sabaoth.</div>
+<div class="verse">Il n'est pas d'autre Dieu que lui,</div>
+<div class="verse">Il gardera le champ, il donnera la victoire.</div>
+</div>
+
+<div class="stanza">
+<span class="pagenum" id="Page_301">301</span>
+<div class="verse">Si le monde tait plein de dmons,</div>
+<div class="verse">Et s'ils voulaient nous dvorer,</div>
+<div class="verse">Ne nous mettons pas trop en peine,</div>
+<div class="verse">Notre entreprise russira cependant.</div>
+<div class="verse">Le prince de ce monde,</div>
+<div class="verse">Bien qu'il nous fasse la grimace,</div>
+<div class="verse">Ne nous fera pas de mal.</div>
+<div class="verse">Il est condamn,</div>
+<div class="verse">Un seul mot le renverse.</div>
+</div>
+
+<div class="stanza">
+<div class="verse">Ils nous laisseront la parole,</div>
+<div class="verse">Et nous ne dirons pas merci pour cela:</div>
+<div class="verse">La parole est parmi nous</div>
+<div class="verse">Avec son esprit et ses dons.</div>
+<div class="verse">Qu'ils nous prennent notre corps,</div>
+<div class="verse">Nos biens, l'honneur, nos enfans.</div>
+<div class="verse">Laissez-les faire,</div>
+<div class="verse">Ils ne gagneront rien cela;</div>
+<div class="verse">A nous restera l'empire.</div>
+</div></div>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a60" id="Footnote_a60" href="#FNanchor_a60">[a60]</a>&nbsp;</span>Page 117, ligne 25.&mdash;<i>Peinture...</i></p>
+
+<p>Le docteur parla un jour de l'habilet et du
+talent des peintres italiens. Ils savent imiter la
+nature si parfaitement, dit-il, qu'indpendamment
+de la couleur et de la forme convenables,
+ils expriment encore les gestes et les sentimens de
+manire faire croire que leurs tableaux sont
+choses vivantes.&mdash;La Flandre suit la trace de l'Italie.
+Ceux des Pays-Bas, et surtout les Flamands
+<span class="pagenum" id="Page_302">302</span>
+ont l'esprit veill, ils ont aussi de la facilit pour
+apprendre les langues trangres. C'est un proverbe
+que si l'on portait un Flamand dans un sac
+ travers l'Italie ou la France, il n'en apprendrait
+pas moins la langue du pays. (Tischreden,
+p. 424 verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a61" id="Footnote_a61" href="#FNanchor_a61">[a61]</a>&nbsp;</span>Page 122, ligne 3.&mdash;<i>Banque...</i></p>
+
+<p>Il dit dans son trait <i>de Usuris</i>: J'appelle usuriers
+ceux qui prtent cinq et six pour cent.
+L'criture dfend le prt intrt; on doit prter
+de l'argent comme on prte un vase son
+voisin. Les lois civiles mme dfendent l'usure.
+Ce n'est pas faire acte de charit que d'changer
+une chose avec quelqu'un en gagnant sur l'change;
+c'est voler. Un usurier est un voleur digne
+de la potence. Aujourd'hui, Leipsig, celui
+qui prte cent florins en reoit au bout d'une
+seule anne quarante pour l'intrt de son argent.&mdash;On
+ne doit pas observer les promesses faites
+aux usuriers; ils ne peuvent tre admis aux sacremens
+ni ensevelis en terre sainte.&mdash;Voici le dernier
+conseil que j'aie donner aux usuriers; ils
+veulent de l'argent, de l'or; eh bien! qu'ils s'adressent
+ quelqu'un qui ne leur donnera pas dix
+ou vingt pour cent, mais cent pour dix. Celui-l
+a de quoi satisfaire leur avidit; ses trsors
+<span class="pagenum" id="Page_303">303</span>
+sont inpuisables; il peut donner sans s'appauvrir
+(Oper. lat. Luth. Witt. t. VII, p. 419-37.)</p>
+
+<p>Le docteur Henning proposait cette question
+ Luther: Si j'avais amass de l'argent, que je
+ne voulusse pas en disposer, et qu'un homme
+vnt me prier de le lui prter; pourrais-je en
+bonne conscience lui rpondre: Je n'ai point
+d'argent?&mdash;Oui, dit Luther, on peut le faire
+en conscience. C'est comme si on disait: Je n'ai
+point d'argent dont je veuille disposer... Christ,
+en ordonnant de donner, ne dit pas de donner
+ tous les prodigues et dissipateurs... Dans
+cette ville, il n'y a personne de plus ncessiteux
+que les tudians. La pauvret y est grande la
+vrit, mais la paresse encore plus... Je ne veux
+point ter le pain de la bouche ma femme et
+ mes enfans pour donner ceux qui rien ne
+profite (Tischred. p. 64).</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a62" id="Footnote_a62" href="#FNanchor_a62">[a62]</a>&nbsp;</span>Page 122, la fin du chapitre IV.</p>
+
+<p>On peut attacher la fin de ce chapitre diverses
+paroles de Luther sur les papes, les rois,
+les princes.</p>
+
+<p>Il n'y a jamais eu de plus rus trompeur sur
+la terre que le pape Clment (Clment VII)<a name="FNanchor_r185" id="FNanchor_r185" href="#Footnote_r185" class="fnanchor">[r185]</a>.
+C'est qu'il tait de Florence, etc.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_304">304</span>
+Le pape Jules, deuxime du nom, tait un
+homme excellent pour le gouvernement et la
+guerre<a name="FNanchor_r186" id="FNanchor_r186" href="#Footnote_r186" class="fnanchor">[r186]</a>..... Lorsqu'il apprit que son arme avait
+t battue Ravenne, il blasphma Dieu dans le
+ciel; il lui disait: Au nom de mille diables, es-tu
+donc devenu si bon Franais? est-ce ainsi que tu
+protges ton glise? Il tourna les yeux vers la
+terre, et dit: Saints Suisses, priez pour nous! Et
+il envoya aussitt le cardinal de Saltzbourg, Mathieu
+Lang, pour traiter avec l'empereur Maximilien.</p>
+
+<p>Si j'avais t de ce temps-l, on m'aurait
+fait venir Paris avec grand honneur, mais j'tais
+encore trop jeune et Dieu ne le voulait point,
+de crainte que l'on ne penst que c'tait la puissance
+du roi de France, etc.<a name="FNanchor_r187" id="FNanchor_r187" href="#Footnote_r187" class="fnanchor">[r187]</a></p>
+
+<p>Le pape Jules II, un homme plein d'audace
+et d'habilet, un vrai diable incarn, avait dfinitivement
+rsolu de rformer les Franciscains<a name="FNanchor_r188" id="FNanchor_r188" href="#Footnote_r188" class="fnanchor">[r188]</a>.
+Mais ils recoururent aux rois et aux princes, les
+firent agir et envoyrent au pape quatre-vingt
+mille couronnes. Le pape dit: Comment rsister
+ des gens si bien cuirasss?</p>
+
+<p>L'an 1532, l'astrologue Gauric raconta au
+margrave de Brandebourg, Joachim, que, comme
+on faisait Clment VII le reproche d'tre btard,
+il rpondit: Et Jsus-Christ? Ds-lors le
+Margrave devint favorable Luther.<a name="FNanchor_r189" id="FNanchor_r189" href="#Footnote_r189" class="fnanchor">[r189]</a></p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_305">305</span>
+Lorsque ceux de Bruges tenaient prisonnier
+l'empereur Maximilien, et voulaient lui
+couper la tte, ils crivirent au snat de Venise
+pour demander conseil<a name="FNanchor_r190" id="FNanchor_r190" href="#Footnote_r190" class="fnanchor">[r190]</a>. Les Vnitiens rpondirent:
+<i lang="la" xml:lang="la">Homo mortuus non facit guerram</i>... Les
+Vnitiens firent faire une farce contre Maximilien.
+Le doge paraissait d'abord, puis venait
+le Franais qui avait une poche au ct; il y
+prenait des couronnes (pices de monnaie), et
+les couronnes dbordaient la poche. Derrire venait
+l'Empereur, peint en habit gris, avec un
+petit cor de chasse. Il avait aussi une poche,
+mais quand il y mettait la main, les doigts passaient
+ travers.&mdash;Les Florentins en firent autant.
+Ils reprsentrent le Franais assis sur
+un sige perc, et.... de l'argent. L'empereur
+Maximilien ramassait. Mais ils ont eu depuis une
+bonne leon. Le petit-fils de l'empereur Maximilien,
+l'empereur Charles, leur a bien appris
+vivre. Dieu applique volontiers aux orgueilleux
+le verset que l'on chante au Magnificat: <i lang="la" xml:lang="la">Deposuit
+patentes de sede</i>.</p>
+
+<p>L'empereur Maximilien disait<a name="FNanchor_r191" id="FNanchor_r191" href="#Footnote_r191" class="fnanchor">[r191]</a>: Si on mettait
+du sang des princes d'Autriche et de Bavire
+bouillir ensemble dans un pot, on le verrait en
+mme temps sauter dehors.</p>
+
+<p>On dit que l'empereur Maximilien partit un
+jour d'un clat de rire; il en avoua la cause le
+<span class="pagenum" id="Page_306">306</span>
+lendemain<a name="FNanchor_r192" id="FNanchor_r192" href="#Footnote_r192" class="fnanchor">[r192]</a>. Je riais, dit-il, de voir que Dieu a
+confi le gouvernement spirituel un ivrogne de
+prtre, comme le pape Jules, et le gouvernement
+temporel un chasseur de chamois, comme je
+suis.</p>
+
+<p>Dans le chteau de Prague l'on voit toute la
+suite des <i>portraits des rois</i>. Ferdinand est le dernier,
+et il n'y a plus de place. Il en est de mme
+dans la salle ronde du chteau de Wittemberg.
+Cela ne signifie rien de bon.</p>
+
+<p>L'empereur Maximilien disait: L'Empereur
+est bien le roi des rois, car les princes de l'Empire
+font tout ce qu'ils veulent; le roi de France est celui
+des nes, les siens excutent tout ce qu'il commande;
+le roi d'Angleterre est le roi des hommes,
+car ils lui obissent et ils l'aiment.</p>
+
+<p>Maximilien demandait un de ses secrtaires
+comment il fallait traiter un serviteur qui
+le volait; et comme l'autre rpondait qu'il tait
+juste de le pendre: Nous n'en ferons rien, dit
+l'Empereur en lui frappant sur l'paule, nous
+avons encore besoin de vos services.</p>
+
+<p>Aprs l'lection de l'empereur Charles, l'lecteur
+de Saxe demanda au seigneur Fabian de
+Feilitzsch, son conseiller, s'il lui plaisait qu'on
+et lu empereur le roi d'Espagne<a name="FNanchor_r193" id="FNanchor_r193" href="#Footnote_r193" class="fnanchor">[r193]</a>. Cet homme
+sage rpondit: Il est bon que les corbeaux
+aient un vautour.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_307">307</span>
+On lisait dans un vieux livre cette prophtie:
+L'empereur Charles soumettra toute l'Europe,
+rformera l'glise; sous lui, les ordres mendians
+et les sectes seront anantis.</p>
+
+<p>La nouvelle vint qu'Antonio de Leyva et
+Andr Doria avaient conseill l'Empereur d'aller
+en personne contre le Turc et de ne point
+emmener son frre; car, disaient-ils, il n'a
+point de bonheur<a name="FNanchor_r194" id="FNanchor_r194" href="#Footnote_r194" class="fnanchor">[r194]</a>. En effet, Ferdinand est trop
+fin et trop rflchi; il n'agit que par conseil et
+dlibration, jamais par impulsion divine.&mdash;L'Empereur
+devient malheureux; il ne sait pas
+profiter de l'occasion; il perd aujourd'hui Milan.</p>
+
+<p>Le roi de France aime les femmes<a name="FNanchor_r195" id="FNanchor_r195" href="#Footnote_r195" class="fnanchor">[r195]</a>... Au contraire,
+l'Empereur passant par la France en 1544,
+trouva aprs un grand festin une belle et noble
+vierge dans son lit, que le roi de France
+y avait fait conduire. L'Empereur la renvoya
+honorablement chez ses parens.</p>
+
+<p>L'Empereur n'a appel son couronnement
+que des princes et seigneurs italiens et espagnols,
+qui ont port devant lui les drapeaux et
+les armes des lecteurs. J'avais touch cela dans
+un petit livre, mais l'lecteur en a fait acheter
+tous les exemplaires.</p>
+
+<p>Le roi de France dpense autant d'argent en
+trahison que pour ses armes. Aussi, dans sa guerre
+contre le pape Jules et Venise, il a dissip
+<span class="pagenum" id="Page_308">308</span>
+vingt mille hommes avec quatre mille.</p>
+
+<p>Tant que le Franais a eu des hommes de
+guerre allemands, il a obtenu la victoire. Ce sont
+en effet les meilleurs; ils se contentent de leur
+solde et protgent le peuple. Aussi Antonio de
+Leyva conseilla, en mourant, l'Empereur de
+s'attacher ses soldats allemands; que s'il les perdait,
+ce serait fait de lui; car ils tenaient tous
+ensemble comme un seul homme.</p>
+
+<p>Aprs la dfaite de Franois I<sup>er</sup> <ins id="err_7" title="original: de Pavie (Err.)"> Pavie</ins>, Luther
+crivait: Que le roi de France soit de chair
+ou autre chose, je ne me rjouis pas de le voir
+vaincu et pris. Vaincu, cela se peut souffrir,
+mais captif, c'est une monstruosit... Peut-tre
+l'heure du royaume de France est-elle venue,
+comme cet autre le disait de Troie: <i lang="la" xml:lang="la">Venit summa
+dies et ineluctabile fatum.....</i> Ce sont, ce qu'il me
+semble, des signes qui annoncent le dernier jour
+du monde. Ces signes sont plus graves qu'on ne
+serait tent de le croire... Il n'y a qu'une chose
+qui me fait plaisir, c'est de voir frustrs les efforts
+de l'Anti-Christ, qui commenait s'appuyer
+sur le roi de France. (mars 1525.)</p>
+
+<p>(Fvrier 1537). Le roi de France est persuad
+que chez nous autres luthriens, il n'y a plus ni
+mariage, ni autorit, ni glise, ni rien de tout ce
+qu'on regarde comme sacr. Son envoy, le docteur
+Gervais, nous l'a assur positivement. Mais
+<span class="pagenum" id="Page_309">309</span>
+d'o vient cela? certainement de ce qu'on ne
+laisse pntrer en ce pays, non plus qu'en Italie,
+aucun crit des ntres, et que le sclrat de
+Mayence, ainsi que ses pareils, y envoient toutes
+les calomnies qui se dbitent contre nous.</p>
+
+<p>Nous avons ici un Franais, Franois Lambert,
+qui tait il y a deux ans prdicateur apostolique,
+comme on les appelle parmi les mineurs,
+et qui vient de prendre pour femme une
+des ntres: il espre mieux vivre dans le voisinage
+de la France ( Strasbourg)... Il gagnera sa
+vie traduire en franais mes ouvrages allemands.
+(4 dcembre 1523.)</p>
+
+<p>Les rois de France et d'Angleterre sont luthriens
+pour prendre, point pour donner. Ils
+ne cherchent point l'intrt de Dieu, mais le
+leur.</p>
+
+<p>Sept universits ont approuv le divorce du
+roi d'Angleterre; mais nous autres de Wittemberg
+et ceux de Louvain, nous avons soutenu le
+contraire, eu gard aux circonstances particulires,
+ la longue cohabitation, l'existence
+d'une fille, etc.<a name="FNanchor_r196" id="FNanchor_r196" href="#Footnote_r196" class="fnanchor">[r196]</a></p>
+
+<p>Quelques-uns qui avaient reu des crits
+d'Angleterre annoncrent comment le roi s'tait
+spar de l'vangile<a name="FNanchor_r197" id="FNanchor_r197" href="#Footnote_r197" class="fnanchor">[r197]</a>. Je suis charm, dit Luther,
+que nous soyons quitte de ce blasphmateur.
+J'ai seulement regret de voir que Mlanchton ait
+<span class="pagenum" id="Page_310">310</span>
+adress ses plus belles prfaces aux plus mchantes
+gens.</p>
+
+<p>Le duc George de Saxe disait qu'il ne forcerait
+personne communier sous une espce,
+mais que ceux qui voulaient le faire autrement,
+devaient sortir du pays<a name="FNanchor_r198" id="FNanchor_r198" href="#Footnote_r198" class="fnanchor">[r198]</a>.</p>
+
+<p>Lorsque le duc George dclara au duc Henri
+de Saxe, son frre, qu'il ne lui laisserait ses tats
+qu' condition d'abandonner l'vangile, il rpondit:
+Par la vierge Marie (c'tait le mot ordinaire
+de sa Grce), avant que je consente
+renier mon Christ, j'irai avec ma Catherine, un
+petit bton la main, mendier par le pays<a name="FNanchor_r199" id="FNanchor_r199" href="#Footnote_r199" class="fnanchor">[r199]</a>.
+Je voudrais que l'Empereur ft pape le duc
+George; les vques supporteraient sa rforme
+encore moins que la mienne. Il rduirait l'vque
+de Mayence quatorze chevaux, etc.</p>
+
+<p>Le duc George a suc le sang bohmien avec
+le lait de sa mre, fille du roi de Bohme, Casimir<a name="FNanchor_r200" id="FNanchor_r200" href="#Footnote_r200" class="fnanchor">[r200]</a>.
+Il aurait fini par s'arranger avec l'lecteur
+Frdric pour frapper les vques, les abbs, etc.
+Il est de sa nature ennemi du clerg. Mais les
+lettres et les flatteries de l'Empereur, du pape,
+des rois d'Angleterre et de France, l'ont tellement
+enfl, que, etc...</p>
+
+<p>Lorsque le duc George voyait son fils Jean
+ l'agonie, il le consolait en lui rappelant l'article
+de la justification par la foi en Christ, et
+<span class="pagenum" id="Page_311">311</span>
+l'exhortait ne regarder que le Sauveur, sans se
+reposer sur ses &oelig;uvres ni sur l'invocation des
+saints<a name="FNanchor_r201" id="FNanchor_r201" href="#Footnote_r201" class="fnanchor">[r201]</a>. Alors, l'pouse du duc Jean, s&oelig;ur du
+landgrave Philippe de Hesse, dit au duc George:
+Cher seigneur et pre, pourquoi ne laisse-t-on
+pas prcher publiquement cette doctrine
+dans le pays?&mdash;Ma chre fille, rpondit-il,
+on la doit enseigner seulement aux mourans,
+mais point aux gens en sant. (1537.)&mdash;Ce duc
+Jean avait t oblig par son pre de jurer une
+haine ternelle la doctrine luthrienne, et il
+l'avait fait connatre au docteur Luther par le
+vieux peintre Lucas Cranach.</p>
+
+<p>Leipsig tait la capitale et la rsidence du duc
+George. Aussi les protestans, surveills de prs
+par le duc, n'y pouvaient faire de nombreux
+proslytes, et Luther en marque souvent son
+dpit par sa colre contre cette ville.</p>
+
+<p>Je hais, dit-il, ceux de Leipsig comme
+je ne hais rien sous le soleil, tant il y a l
+d'orgueil, d'arrogance, de rapacit et d'usure.
+(15 mai 1540.)</p>
+
+<p>Je hais cette Sodome (Leipsig), sentine des
+usures et de tous les maux. Je n'y entrerais
+qu'autant qu'il le faut pour arracher Loth.
+(26 octobre 1539.)</p>
+
+<p>L'lectorat de Saxe est pauvre et rapporte
+peu. Si l'lecteur n'avait pas la Misnie, il ne pourrait
+<span class="pagenum" id="Page_312">312</span>
+entretenir quarante chevaux; mais il a des
+tributs de princes et seigneurs, des droits de sauf-conduit,
+des douanes, des rentes, etc... Sa
+Grce lectorale a cd, pour de l'argent, les rgales,
+entre autres le droit de grce.</p>
+
+<p>L'lecteur Frdric tait conome<a name="FNanchor_r202" id="FNanchor_r202" href="#Footnote_r202" class="fnanchor">[r202]</a>. Il savait
+bien remplir ses caves et ses greniers de grains et
+d'autres denres. On compte neuf chteaux qu'il
+a fait btir, et cependant il lui restait toujours
+assez d'argent; c'est qu'il suivait le bon conseil
+que son fou lui avait donn. Un jour, qu'il se plaignait
+de manquer d'argent, le fou lui dit: Fais-toi
+percepteur. Il exigeait des comptes svres
+de ses serviteurs. Quand il venait dans un de ses
+chteaux, il mangeait, buvait, se faisait donner
+du fourrage comme un hte ordinaire, et
+payait tout comptant. Par l il tait ses gens
+l'occasion de s'excuser, en disant: On a tant
+consomm de choses, quand le prince est
+venu!</p>
+
+<p>L'lecteur Frdric-le-Sage disait Worms,
+en 1521: Je ne trouve point d'glise romaine
+dans ma croyance; mais une commune glise
+chrtienne, je l'y trouve.</p>
+
+<p>Ce mme prince avait, dit Mlanchton, prs
+de Wittemberg un cerf apprivois, qui, pendant
+bien des annes, allait, au mois de septembre,
+dans la fort voisine, et revenait exactement en
+<span class="pagenum" id="Page_313">313</span>
+octobre. Lorsque l'lecteur fut mort, le cerf
+partit et l'on ne le revit plus.</p>
+
+<p>En 1525, l'lecteur Jean de Saxe me demanda
+s'il devait accorder aux paysans leurs
+douze articles<a name="FNanchor_r203" id="FNanchor_r203" href="#Footnote_r203" class="fnanchor">[r203]</a>. Je le dtournai entirement d'en
+approuver un seul.</p>
+
+<p>Le duc Jean disait en 1525, en apprenant
+la rvolte des paysans: Si le Seigneur veut
+que je reste prince, que sa volont soit faite,
+mais je puis aussi tre un autre homme.</p>
+
+<p>Luther blme la patience de ce prince, qui
+avait appris des moines, ses confesseurs, supporter
+la dsobissance de ses gens.</p>
+
+<p>Il disait Luther: Mon fils, le duc Ernest,
+m'a crit une lettre latine pour me demander
+courir un cerf. Je veux qu'il tudie; il sera toujours
+ mme d'apprendre laisser pendre deux
+jambes sur un cheval.</p>
+
+<p>Le mme prince avait toujours pour sa garde
+six nobles jeunes garons, qui restaient dans sa
+chambre et qui lui lisaient la Bible six heures par
+jour. Sa Grce lectorale s'endormait quelquefois,
+mais il n'en citait pas moins son rveil quelques
+belles paroles qu'il avait remarques et retenues.&mdash;Pendant
+la prdication il tenait prs de lui
+des crivains, et lui-mme de sa propre main
+recueillait les paroles de la bouche du prdicateur.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_314">314</span>
+Lorsque Ferdinand fut lu roi des Romains
+ Cologne, le jeune duc Jean-Frdric y fut envoy
+pour protester de la part de son seigneur
+et pre. Ds qu'il eut excut ses ordres, il repartit
+au grand galop, et comme il avait peine
+pass la porte, on envoya des gens pour courir
+aprs lui et le prendre. (1531.)</p>
+
+<p>On dit que l'Empereur a fait entendre, aprs
+avoir lu notre <i>Confession et apologie</i>, qu'il voulait
+que l'on enseignt et que l'on prcht dans le mme
+sens par tout le monde<a name="FNanchor_r204" id="FNanchor_r204" href="#Footnote_r204" class="fnanchor">[r204]</a>. Le duc George aurait
+dit aussi qu'il savait trs bien qu'il y avait beaucoup
+d'abus rformer dans l'glise, mais qu'il
+ne voulait pas de cette rforme, quand elle
+venait d'un moine dfroqu.</p>
+
+<p>La dernire fois que l'lecteur Jean alla
+la chasse, tout le gibier lui chappait. Les btes
+ne voulaient plus le reconnatre pour matre,
+c'tait un prsage de sa mort. (1532.)</p>
+
+<p>Le duc Jean-Frdric, qui a t si bien pill
+et dpouill par ceux de la noblesse, a appris
+ses dpens les connatre.</p>
+
+<p>L'lecteur Jean-Frdric est naturellement
+colre, mais il sait merveille dompter son
+courroux.&mdash;Il aime btir et boire; il est
+vrai qu'un si grand corps doit tenir plus qu'un
+petit.&mdash;Il donne par an mille florins pour l'universit;
+pour le pasteur, deux cents, avec
+<span class="pagenum" id="Page_315">315</span>
+soixante boisseaux de froment; de plus soixante
+florins cause des leons publiques. Il envoya
+une fois cinq cents florins Luther sur les fonds
+d'une abbaye pour marier quelque pauvre religieuse.</p>
+
+<p>Quoique le docteur Jonas l'y engaget, Luther
+refusa de demander l'lecteur une nouvelle
+visitation des glises<a name="FNanchor_r205" id="FNanchor_r205" href="#Footnote_r205" class="fnanchor">[r205]</a>. Il a soixante-dix
+conseillers qui crient le rendre sourd. Ils lui
+disent: Quel bon conseil peut donner le scribe?
+contentons-nous de prier Dieu qu'il dirige le
+c&oelig;ur du prince.</p>
+
+<p><i>Du landgrave Philippe de Hesse.</i>&mdash;Le Landgrave
+est un pieux, intelligent et joyeux seigneur;
+il maintient une bonne paix dans sa terre, qui
+n'est que pierres et forts; de sorte que les gens
+y peuvent voyager et commercer sans crainte...
+Le Landgrave est un guerrier, un Arminius, petit
+de sa personne, mais, etc. Il consulte et suit
+aisment les bons conseils; la rsolution une
+fois prise, il excute <ins id="cor_9" title="original: pomptement">promptement</ins>.&mdash;L'Empereur
+lui a offert, pour lui faire quitter l'vangile,
+la possession paisible du comt de Katzenellenbogen,
+et le duc George l'aurait fait ce
+prix son hritier... Il a une tte hessoise; il ne
+peut se reposer, il faut qu'il ait quelque chose
+faire... C'tait une grande audace de vouloir,
+en 1528, envahir les possessions des vques; et
+<span class="pagenum" id="Page_316">316</span>
+<ins id="err_8" title="original: a (Err.)">'a</ins> t un acte plus grand d'avoir rtabli le duc
+de Wurtemberg et chass le roi Ferdinand de ce
+pays. Moi et Mlanchton, nous fmes appels
+cette occasion Weimar, et nous employmes
+toute notre rhtorique empcher sa Grce de
+rompre la paix de l'Empire... Il en devint tout
+rouge et s'emporta. Cependant c'est une me
+tout--fait loyale.</p>
+
+<p>Dans le colloque de Marbourg, en 1529, sa
+Grce vint avec un petit habit, de sorte que
+personne ne l'aurait reconnu pour le Landgrave;
+et cependant, il tait occup de grandes penses.
+Il consulta Mlanchton, et lui dit: Cher
+matre Philippe, dois-je souffrir que l'vque
+de Mayence me chasse par violence mes prdicateurs
+vangliques? Philippe rpondit: Si
+la juridiction du lieu appartient l'vque de
+Mayence, votre Grce ne peut l'empcher. Permis
+ vous de conseiller, rpondit le Landgrave,
+mais je n'agirai pas moins.</p>
+
+<p>A la dite d'Augsbourg, en 1530, le landgrave
+dit publiquement aux vques: Faites
+la paix, nous vous le demandons. Si vous ne
+la faites point et qu'il me faille descendre de
+mes montagnes, j'en saisirai au moins un ou
+deux.</p>
+
+<p>Dieu a jet le Landgrave au milieu de l'Empire.
+Il a autour de lui quatre lecteurs et le duc
+<span class="pagenum" id="Page_317">317</span>
+de Brunswick; et il les fait tous trembler. C'est
+que le commun peuple lui est attach. Avant de
+rtablir le duc de Wurtemberg, il tait all en
+France, et le roi de France lui avait prt beaucoup
+d'argent pour la guerre.</p>
+
+<p>Si le Landgrave s'enflamme une fois...! C'est
+ce qui nous est arriv, moi et matre Philippe,
+lorsque nous le dtournions humblement
+et faiblement de la guerre; Qu'arrivera-t-il
+si je souffre vos conseils et si je n'agis point?&mdash;C'est
+un miracle de Dieu. Le Landgrave est
+un prince peu puissant, cependant on le redoute;
+c'est un hros. Il a renvoy les vques
+au ch&oelig;ur... Les Saxons et ceux de la Hesse,
+lorsqu'ils sont en selle, sont de vrais cavaliers.
+Les cavaliers des hautes terres (du midi de l'Allemagne)
+ne sont que des danseurs. Dieu nous
+conserve le Landgrave..... Dieu nous prserve
+de la guerre! les gens de guerre sont des diables
+incarns. Je ne <ins id="err_9" title="original: parle parle (Err.)">parle</ins> pas seulement des
+Espagnols, mais aussi des Allemands.</p>
+
+<p>Aprs la dite de Francfort, en 1539, environ
+neuf mille soldats d'lite furent rassembls
+autour de Brme et de Lunebourg pour tre
+employs contre les tats protestans<a name="FNanchor_r206" id="FNanchor_r206" href="#Footnote_r206" class="fnanchor">[r206]</a>. Mais l'lecteur
+de Saxe et le landgrave de Hesse leur
+firent parler par le chevalier Bernard de Mila,
+leur donnrent de l'argent comptant et les attirrent
+<span class="pagenum" id="Page_318">318</span>
+ eux. Ensuite mourut subitement le duc
+George, etc.</p>
+
+<p>Le <i>landgrave de Hesse</i> et de Thuringe, Louis-le-Fameux,
+tait un seigneur dur et colrique. Il
+tait tenu prisonnier par l'vque de Hall, il sauta
+par une fentre du haut du chteau et du rocher
+dans la Sals, nagea, s'aida d'un tronc d'arbre et
+chappa. Il svissait toujours cruellement contre
+ses sujets. Sa femme s'avisa de lui servir de la
+viande un vendredi saint, et comme il n'en voulait
+pas manger; elle lui dit: Cher seigneur, vous
+craignez ce pch, lorsque vous en faites tous les
+jours de plus grands et de plus horribles. Mais
+elle fut oblige de s'enfuir et de quitter ses enfans.
+Au moment de son dpart, minuit, elle
+baisa son enfant qui tait encore au berceau, le
+bnit, et, dans un transport d'amour maternel,
+elle le mordit la joue<a name="FNanchor_8" id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a>. Accompagne d'une jeune
+fille, elle descendit par une corde du chteau
+de Wartbourg, tout le long du prcipice. Son
+matre-d'htel l'attendait avec un chariot, et la
+conduisit secrtement Francfort-sur-le-Mein.&mdash;Quand
+<span class="pagenum" id="Page_319">319</span>
+ce landgrave mourut, on l'affubla d'un
+habit de moine, ce qui faisait beaucoup rire tous
+ses chevaliers.</p>
+
+<p class="sep2">En Italie, les hpitaux sont bien pourvus,
+bien btis<a name="FNanchor_r207" id="FNanchor_r207" href="#Footnote_r207" class="fnanchor">[r207]</a>. On y donne une bonne nourriture;
+il y a des serviteurs attentifs et de savans mdecins.
+Les lits et les habits sont trs propres;
+l'intrieur des btimens orn de belles peintures.
+Aussitt qu'un malade y est amen, on lui
+te ses habits en prsence d'un notaire qui en
+dresse une note et une description exacte pour
+qu'ils lui soient bien gards. On le revt d'un
+sarreau blanc, on le met dans un lit bien fait et
+dans des draps blancs; on ne tarde pas lui
+amener deux mdecins, et les serviteurs viennent
+lui apporter manger et boire dans des
+verres bien propres, qu'ils touchent du bout du
+doigt. Il vient aussi des dames et matrones honorables
+qui se voilent pendant quelques jours
+pour servir les pauvres, de sorte qu'on ne sait
+point qui elles sont, et elles retournent ensuite chez
+elles.&mdash;J'ai vu aussi Florence que les hpitaux
+taient servis avec tous ces soins; de mme les
+maisons des enfans-trouvs, o les petits enfans
+sont nourris au mieux, levs, enseigns et
+instruits. Ils les ornent tous d'un costume uniforme,
+et en prennent le plus grand soin.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_320">320</span>
+Je ne manque point de drap, mais je ne
+puis me dcider me faire faire des culottes<a name="FNanchor_r208" id="FNanchor_r208" href="#Footnote_r208" class="fnanchor">[r208]</a>.
+Les miennes ont t raccommodes quatre fois,
+et le seront encore. Les tailleurs ne font rien de
+bon et prennent trop cher. Cela va bien mieux
+en Italie; les tailleurs ont une corporation particulire
+qui ne fait que des culottes.</p>
+
+<p>En Espagne, pour les couches de l'impratrice,
+trente hommes se sont fouetts jusqu'au
+sang, afin de lui obtenir un heureux enfantement,
+deux mme en sont morts, et cependant la mre
+ni le f&oelig;tus n'ont pu tre dlivrs. Qu'a-t-on fait
+de plus chez les paens? (14 aot 1539.)</p>
+
+<p>En Italie et en France, les curs sont gnralement
+des nes<a name="FNanchor_r209" id="FNanchor_r209" href="#Footnote_r209" class="fnanchor">[r209]</a>. Si on leur demande: <i lang="la" xml:lang="la">Quot
+sunt sacramenta?</i> ils rpondent: <i lang="la" xml:lang="la">Tres</i>.&mdash;<i lang="la" xml:lang="la">Qu?</i>
+Rponse: Le goupillon, l'encensoir et la croix.</p>
+
+<p>En France, il y a eu tant de superstition,
+que les serfs et serviteurs voulaient pour la
+plupart se faire moines<a name="FNanchor_r210" id="FNanchor_r210" href="#Footnote_r210" class="fnanchor">[r210]</a>. Il fallut que le roi dfendt
+la moinerie. La France est abme dans la
+superstition. Les Italiens de mme sont ou superstitieux
+ou picuriens. C'est un propos commun
+en Italie, quand ils vont l'glise de dire:
+Allons au prjug populaire.</p>
+
+<p>Lorsque je vis Rome, je tombai genoux,
+levai les mains au ciel et dis<a name="FNanchor_r211" id="FNanchor_r211" href="#Footnote_r211" class="fnanchor">[r211]</a>: Salut, sainte
+Rome, sanctifie par les saints martyrs et par
+<span class="pagenum" id="Page_321">321</span>
+leur sang qui y a t vers...; mais elle est maintenant
+dchire, <i lang="de" xml:lang="de">und der teufel hat den papst,
+seinen dreck, darauss geschissen</i>.&mdash;Cent ans
+avant Jsus-Christ, Rome avait quatre millions
+de citoyens; peu aprs, neuf millions; certes,
+cela devait faire un peuple, si toutefois la chose
+est vraie.&mdash;A Venise, trois cent mille feux;
+Erfurt, dix-huit mille murs feu (murs mitoyens);
+ Nuremberg, peine la moiti.&mdash;Rome
+n'est plus qu'une charogne et un tas de
+cendres..... Les maisons sont aujourd'hui o
+taient les toits de l'ancienne Rome; telle est
+l'paisseur des dcombres, qu'il y en a la hauteur
+de deux lances de landsknecht<a name="FNanchor_9" id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a>. Rien n'y est
+louer que le consistoire et la cour de Rote, o les
+affaires sont instruites et juges avec beaucoup
+de justice.</p>
+
+<p>Le docteur Staupitz avait entendu dire Rome,
+en 1511, que d'aprs une vieille prophtie, un
+ermite s'lverait sous le pape Lon X, et attaquerait
+la papaut; or, les augustins s'appellent
+aussi ermites.</p>
+
+<p>Je ne voudrais pas, pour cent mille florins,
+ne pas avoir vu Rome; je me serais toujours inquit
+si je ne faisais pas injustice au pape.&mdash;Il
+rpte trois fois ces paroles.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_322">322</span>
+Il y avait en Italie un ordre particulier, qui
+s'appelait <i>les Frres de l'ignorance</i><a name="FNanchor_r212" id="FNanchor_r212" href="#Footnote_r212" class="fnanchor">[r212]</a>. Ils devaient
+jurer de ne rien savoir et de ne vouloir rien
+apprendre. Tous les moines mritent le mme
+nom.</p>
+
+<p>Un soir, la table de Luther, il se trouvait
+un vieux prtre qui racontait beaucoup
+de choses de Rome<a name="FNanchor_r213" id="FNanchor_r213" href="#Footnote_r213" class="fnanchor">[r213]</a>. Il y tait all quatre fois et
+y avait offici pendant deux ans. Quand on lui
+demanda pourquoi il y tait all si souvent, il
+rpondit: La premire fois j'y cherchais un
+filou, la seconde je le trouvais, la troisime je
+l'emportais avec moi, et la quatrime je l'y rapportais
+et le plaais derrire l'autel de Saint-Pierre.</p>
+
+<p>Christoff Gross, qui avait t long-temps
+Rome, trabant du pape, parla beaucoup des pays
+par o l'on va vers la Terre-Sainte, de l'Aragon
+et de la Biscaye<a name="FNanchor_r214" id="FNanchor_r214" href="#Footnote_r214" class="fnanchor">[r214]</a>. Ils ont pour signe du baptme
+une petite cicatrice au nez, juste sous les
+yeux.</p>
+
+<p>Les cossais sont la nation la plus fire;
+beaucoup se sont rfugis en Allemagne, Erfurth
+et Wurtzbourg; ils n'admettent personne
+comme moine dans leurs couvens. Les cossais
+sont mpriss des autres nations, comme les Samaritains
+par les Juifs.</p>
+
+<p>Les Anglais ont t chasss de France aprs
+<span class="pagenum" id="Page_323">323</span>
+leur dfaite Montlhri, entre Paris et Orlans<a name="FNanchor_10" id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>.&mdash;Ils
+ne laissent personne Calais, moins qu'il
+ne parle anglais dans tant d'heures.</p>
+
+<p>La peste rgne toujours en Angleterre<a name="FNanchor_r215" id="FNanchor_r215" href="#Footnote_r215" class="fnanchor">[r215]</a>.&mdash;L'Angleterre
+est un morceau de l'Allemagne.&mdash;Les
+langues danoise et anglaise sont du saxon,
+c'est--dire du vritable allemand, tandis que la
+langue de l'Allemagne suprieure n'est point la
+vraie langue allemande.&mdash;La Souabe et la Bavire
+sont hospitalires; au contraire la Saxe.&mdash;Luther
+prfre le dialecte de la Hesse tous les
+autres de l'Allemagne, parce que les Hessois accentuent
+les mots comme s'ils chantaient.</p>
+
+<p class="sep2"><i>Diversit des langues.</i>&mdash;Supriorit de l'allemande:
+elle fait sentir que les Allemands sont
+gens plus simples et plus vrais. Au contraire,
+c'est un proverbe: les Franais crivent autrement
+qu'ils ne parlent, et parlent autrement
+qu'ils ne pensent.&mdash;L'allemand se rapporte au
+grec. Le latin est sec, il n'a pas de lettres doubles.&mdash;Finesse
+des Saxons et bas Allemands; ils sont
+pires que les Italiens, quand ils adoptent les ides
+de l'Italie.&mdash;Les habitations et l'aspect des pays
+changent ordinairement dans l'espace d'un sicle.
+<span class="pagenum" id="Page_324">324</span>
+Il y a peu d'annes que la Hesse, la Franconie,
+la Westphalie, n'taient qu'un dsert. Au contraire,
+autour de Halle, d'Halberstadt, et chez
+nous, on fait jusqu' trois milles sans trouver
+rien que bruyres, tandis qu'autrefois il y avait
+des terres cultives. Dieu aura t la fertilit au
+pays, pour punir les habitans.</p>
+
+<p>Nous sommes de bons compagnons, nous
+autres Allemands, nous buvons, nous mangeons,
+nous cassons nos vitres, nous perdons en une
+soire cent, mille florins ou plus, et nous oublions
+<i>le Turc</i> qui, en trente jours, peut tre avec
+sa cavalerie lgre Wittemberg.</p>
+
+<p class="sep2">En France, chacun a son verre table.&mdash;Les
+Franais se prservent de l'air; s'ils suent,
+ils se couvrent, s'approchent du feu, se mettent
+au lit; sans cela ils auraient la fivre. Deux personnes
+dansent la fois, les autres regardent;
+au contraire en Allemagne.&mdash;Les prtres d'Italie
+et de France ne savent pas mme leur langue.</p>
+
+<p class="sep2">Dans mon voyage sur le Rhin, je voulus
+dire la messe, mais un prtre me dit<a name="FNanchor_r216" id="FNanchor_r216" href="#Footnote_r216" class="fnanchor">[r216]</a>: Vous
+ne le pouvez: nous suivons ici le rit ambroisien.</p>
+
+<p>George F&oelig;geler, chancelier du margrave,
+disait que dans la Bavire il y avait plus de cent
+<span class="pagenum" id="Page_325">325</span>
+vingt-cinq cures vacantes, parce qu'on ne pouvait
+trouver aucun ecclsiastique<a name="FNanchor_r217" id="FNanchor_r217" href="#Footnote_r217" class="fnanchor">[r217]</a>.</p>
+
+<p>Dans la Bohme, il y a environ trois cents
+cures vacantes, de mme chez le duc George.</p>
+
+<p>La Thuringe avait autrefois un sol trs fertile
+en grain, surtout autour d'Erfurt; mais
+maintenant elle est frappe de maldiction<a name="FNanchor_r218" id="FNanchor_r218" href="#Footnote_r218" class="fnanchor">[r218]</a>. Le
+bl y est plus cher qu' Wittemberg. C'est ce que
+j'ai vu, il y a un an, lorsque j'tais Smalkald;
+ils n'avaient qu'un mauvais pain noir... Ils ont
+de telles vendanges qu'on pourrait donner la
+pinte pour trois liards; si elles taient moiti
+moins bonnes, ils seraient trs riches; mais
+maintenant ils donnent le vin pour le tonneau.</p>
+
+<p>L'lectorat de Saxe a eu douze couvens de
+moines dchaux, mineurs, cinq de prcheurs,
+moines de saint Paul et carmlites, et quatre
+d'augustins<a name="FNanchor_r219" id="FNanchor_r219" href="#Footnote_r219" class="fnanchor">[r219]</a>. Voil seulement pour les moines
+mendians qui, aujourd'hui se dissipent d'eux-mmes.&mdash;Alors,
+un Anglais qui se trouvait
+table chez le docteur, se mit dire qu'en Angleterre,
+il n'y avait gure de milles carrs d'Allemagne,
+o l'on ne trouvt trente-deux clotres
+de moines mendians.</p>
+
+<p>Le vieil lecteur de Brandebourg, Joachim,
+disait une fois au duc de Saxe Frdric<a name="FNanchor_r220" id="FNanchor_r220" href="#Footnote_r220" class="fnanchor">[r220]</a>: Comment
+pouvez-vous, vous autres princes de Saxe,
+frapper de la monnaie si forte? Nous y avons gagn
+<span class="pagenum" id="Page_326">326</span>
+trois tonnes d'or (en renvoyant une monnaie
+infrieure dans la Saxe).</p>
+
+<p>La princesse de A. (Anhalt), venant Wittemberg,
+se rendit chez Luther, et insista vivement
+pour discuter avec lui, quoiqu'il ft malade et
+que ce ft une heure indue. Il s'excusa en
+lui disant: Noble dame, je suis rarement bien
+portant dans toute l'anne; je souffre presque
+toujours ou du corps ou de l'esprit. Elle lui
+rpondit: Je le sais, mais nous, nous ne
+pouvons pas non plus vivre tous dans la pit.
+Le docteur lui dit alors: Vous autres de la noblesse,
+cependant, vous devriez tous tre pieux
+et irrprochables, car vous tes peu, vous formez
+un cercle troit. Nous, gens du commun et
+des basses classes, nous nous corrompons par la
+multitude; nous sommes en grand nombre, il
+n'est donc pas tonnant qu'il y ait si peu de gens
+pieux parmi nous. C'est chez vous, personnes
+nobles et illustres, que nous devrions trouver
+des exemples de pit, d'honntet, etc. Et il
+continua de lui parler sur ce ton. (Tischreden,
+p. 341, verso.)</p>
+
+<p>Luther avait dans sa maison et sa table un
+Hongrois, nomm Mathias de Vai. De retour en
+Hongrie, il y prcha, et fut accus par un
+prdicateur papiste devant le moine George,
+frre du Vayvode, alors gouverneur et rgent
+<span class="pagenum" id="Page_327">327</span>
+ Bude. Le moine George fit apporter deux
+tonneaux de poudre sur le march, et dit: Si
+l'un de vous deux prche la bonne doctrine,
+asseyez-vous dessus, j'y mettrai le feu; nous verrons
+lequel des deux restera vivant. Le papiste
+refusa, Mathias s'lana sur un des tonneaux.
+Le papiste et les siens furent condamns payer
+quatre cents florins de Hongrie, et entretenir
+pendant un certain temps deux cents hommes
+d'armes. Mathias eut la permission de prcher
+l'vangile. (Tischr., p. 13.)</p>
+
+<p>Un seigneur hongrois, nomm Jean Huniade,
+se trouvant Torgau, comme ambassadeur du
+roi Ferdinand auprs de l'lecteur Jean-Frdric,
+pria celui-ci de faire venir Luther pour qu'il
+pt le voir et lui parler. Luther y vint; table,
+l'ambassadeur dit qu'en Hongrie les prtres donnaient
+la communion tantt sous une, tantt sous
+deux espces, et qu'ils prtendaient que la chose
+tait indiffrente. Rvrend pre, ajouta-t-il,
+en s'adressant Luther, me permettez-vous de
+vous <ins id="err_10" title="original: demandez (Err.)">demander</ins> ce que vous pensez de ces prtres?
+Le docteur rpondit qu'il les regardait
+comme de mprisables hypocrites, Car, dit-il,
+s'ils taient bien convaincus que la communion
+sous deux espces est d'institution divine, ils ne
+pourraient continuer de la donner sous une
+seule.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_328">328</span>
+Luther cacha le dpit que la question de l'ambassadeur
+lui avait caus, et quelque temps
+aprs, il se tourna vers lui, en disant: Seigneur,
+j'ai rpondu ce que votre Grce me demandait.
+Me permettra-t-elle de lui faire une
+question mon tour? L'ambassadeur le lui
+permettant, il continua: Je suis tonn que
+vos pareils, les conseillers des rois et des princes,
+qui savent bien que la doctrine de l'vangile est
+la vritable, ne laissent pas de la perscuter de
+toutes leurs forces. Me pourriez-vous dire d'o
+cela vient? A ces mots, Andr Pflug, l'un des
+convives, voyant l'<ins id="err_11" title="original: ambarras (Err.)">embarras</ins> du seigneur hongrois,
+interrompit Luther et parla vivement
+d'autre chose, de sorte que le seigneur fut dispens
+de rpondre. (Tischr., p. 148.)</p>
+
+<p class="sep2">Le chapitre des <i>Propos de table</i> o se trouve
+runi tout ce que Luther a dit sur les Turcs, est
+fort curieux comme peinture des alarmes qu'prouvaient
+alors toutes les familles chrtiennes.
+Chaque mouvement des barbares est marqu par
+un cri de terreur. C'est la mme scne que celle
+de Goetz de Berlichingen, o le chevalier ne
+pouvant agir, se fait rendre compte par les
+siens du combat qui a lieu dans la plaine, et
+qu'ils contemplent du haut d'une tour; c'est la
+mme anxit d'un pril toujours croissant, et
+<span class="pagenum" id="Page_329">329</span>
+qu'on est dans l'impuissance d'viter ou de combattre.</p>
+
+<p>Le Turc ira Rome, et je n'en suis pas trop
+fch, car il est crit dans le prophte Daniel, etc.<a name="FNanchor_r221" id="FNanchor_r221" href="#Footnote_r221" class="fnanchor">[r221]</a>
+Une fois le Turc Rome, le Jugement dernier
+n'est pas loin.</p>
+
+<p>Le Christ a sauv nos mes; il faudra qu'il
+sauve aussi nos corps; car le Turc va donner un
+bon coup l'Allemagne<a name="FNanchor_r222" id="FNanchor_r222" href="#Footnote_r222" class="fnanchor">[r222]</a>. Je pense souvent tous
+les maux qui vont suivre, et il m'en vient la
+sueur... La femme du docteur s'cria: Dieu nous
+prserve des Turcs! Non, reprit-il, il faut bien
+qu'ils viennent et qu'ils nous secouent comme il
+faut.</p>
+
+<p>Qui m'et dit que je verrais en face l'un de
+l'autre les deux empereurs, les rois du Midi et
+du Septentrion<a name="FNanchor_r223" id="FNanchor_r223" href="#Footnote_r223" class="fnanchor">[r223]</a>?... Oh! priez, car nos gens de
+guerre sont trop prsomptueux, ils comptent trop
+sur leur force et sur leur nombre. Cela ne peut
+pas bien finir. Et il ajoutait: Les chevaux allemands
+sont plus forts que ceux des Turcs; ils
+peuvent les renverser; ceux-ci sont plus lgers,
+mais plus petits.</p>
+
+<p>Je ne compte point sur nos murs, ni sur
+nos arquebuses, mais sur le <i>Pater noster</i><a name="FNanchor_r224" id="FNanchor_r224" href="#Footnote_r224" class="fnanchor">[r224]</a>. C'est
+l ce qui battra les Turcs; le dcalogue n'y
+suffit pas.</p>
+
+<p>Luther dit qu'aprs avoir depuis long-temps
+<span class="pagenum" id="Page_330">330</span>
+dsir de connatre l'Alcoran, il en trouva enfin
+une mauvaise version latine de 1300, et qu'il la
+traduisit en allemand, afin de mieux faire connatre
+l'imposture de Mahomet<a name="FNanchor_r225" id="FNanchor_r225" href="#Footnote_r225" class="fnanchor">[r225]</a>. Dans son Instruction
+tire de l'Alcoran, il prouve que ce
+n'est point Mahomet qui est l'Anti-Christ (car
+l'imposture, dit-il, est trop visible en celui-ci),
+mais plutt le pape avec son hypocrisie.&mdash;Il y
+a trois ans qu'un moine du pays des Maures vint
+ici. Nous disputmes avec lui par l'intermdiaire
+d'un interprte, et comme il fut confondu en
+tous points par la Parole de Dieu, il dit la
+fin: C'est l une bonne croyance.</p>
+
+<p>Les juifs, titre de juifs et d'usuriers, taient
+fort mal avec Luther.</p>
+
+<p>Nous ne devons pas souffrir les juifs parmi
+nous. On ne doit ni boire ni manger avec eux.&mdash;Cependant,
+dit quelqu'un, il est crit que les
+juifs seront convertis avant le Jugement...&mdash;Et
+il est crit aussi, dit la femme de Luther, qu'il n'y
+aura qu'une bergerie et un berger.&mdash;Oui, chre
+Catherine, dit le docteur. Mais cela s'est dj accompli,
+lorsque les paens ont embrass l'vangile.
+(Tischr., p. 431.)</p>
+
+<p>Si j'tais la place des seigneurs de **, je
+ferais venir ensemble tous les juifs, et je leur demanderais
+pourquoi ils appellent Christ un fils
+de p..., et sainte Marie une coureuse. S'ils parvenaient
+<span class="pagenum" id="Page_331">331</span>
+ le prouver, je leur donnerais cent
+florins; sinon je leur arracherais la langue.
+(Tischr., p. 431, verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a63" id="Footnote_a63" href="#FNanchor_a63">[a63]</a>&nbsp;</span>Page 127, ligne 24.&mdash;<i>Je ne puis nier que je ne sois violent...</i></p>
+
+<p>rasme disait: Luther est insatiable d'injures
+et de violences; c'est comme Oreste furieux.
+(Erasm., Epist. non sobria Luther.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a64" id="Footnote_a64" href="#FNanchor_a64">[a64]</a>&nbsp;</span>Page 142, ligne 9.&mdash;<i>Le droit imprial ne tient plus qu'
+un fil...</i></p>
+
+<p>Cependant Luther le prfrait encore au droit
+saxon.</p>
+
+<p>Le docteur Luther parlant de la grande barbarie
+et duret du droit saxon, disait que les
+choses iraient au mieux si le droit imprial tait
+suivi dans tout l'Empire. Mais l'opinion s'est tablie
+ la cour, que le changement ne pouvait se
+faire sans grande confusion et grande dvastation.
+(Tischreden, page 412.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a65" id="Footnote_a65" href="#FNanchor_a65">[a65]</a>&nbsp;</span>Page 143, ligne 17.&mdash;<i>Je te le conseille, juriste, laisse dormir
+le vieux dogue...</i></p>
+
+<p>Dans son avant-dernire lettre Mlanchton
+<span class="pagenum" id="Page_332">332</span>
+(6 fvrier 1546), il dit en parlant des lgistes: O
+sycophantes, sophistes, peste du genre humain!...
+Je t'cris en colre, mais je ne sais si,
+de sang froid, je pourrais mieux dire.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a66" id="Footnote_a66" href="#FNanchor_a66">[a66]</a>&nbsp;</span>Page 143, ligne 24.&mdash;<i>Juristes pieux...</i></p>
+
+<p>Il souhaite qu'on amliore leur condition.</p>
+
+<p>Les docteurs en droit gagnent trop peu et
+sont obligs de se faire procureurs. En Italie, on
+donne un juriste quatre cents ducats ou plus
+par an; en Allemagne, ils n'en ont que cent. On
+devrait leur assurer des pensions honorables,
+ainsi qu'aux bons et pieux pasteurs et prdicateurs.
+Faute de cela, ils sont obligs pour nourrir
+leurs femmes et leurs enfans, de s'occuper de
+l'agriculture et des soins domestiques. (Tischreden,
+page 414.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a67" id="Footnote_a67" href="#FNanchor_a67">[a67]</a>&nbsp;</span>Page 143.&mdash;<i>Fin du chapitre.</i></p>
+
+<p>Au comte Albrecht de Mansfeld, au sujet d'une
+affaire de mariage: Les paysans, les gens grossiers
+qui ne recherchent que la libert de la chair,
+les lgistes qui dcident toujours contre la foi,
+m'ont rendu si las, que j'ai rejet dcidment le
+<span class="pagenum" id="Page_333">333</span>
+fardeau des affaires de mariages, et que j'ai dit
+plusieurs de faire, au nom de tous les diables, ce
+qu'il leur plaira: <i lang="la" xml:lang="la">Sinite mortuos sepelire mortuos</i>.
+Le monde veut le pape! qu'il l'ait, s'il n'en peut
+tre autrement. Tous les lgistes tiennent pour
+lui. Je ne sais vraiment si, moi mort, ils auront
+le courage d'adjuger, mes enfans, le nom de
+Luther et mes guenilles! Ils jugent toujours d'aprs
+le droit papal. A qui la faute? A vous autres
+seigneurs, qui les rendez trop fiers, qui les soutenez
+dans tout ce qui leur plat de dcider, qui
+opprimez les pauvres thologiens, quelque raison
+qu'ils puissent avoir... (5 octobre 1536.)</p>
+
+<p>Il faudrait dans un pays deux cents pasteurs
+contre un juriste. Nous devrions, en attendant,
+changer en pasteurs les juristes et les mdecins.
+Vous verrez que cela viendra. (Tischreden,
+page 4, verso.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a68" id="Footnote_a68" href="#FNanchor_a68">[a68]</a>&nbsp;</span>Page 151, <i>fin du chapitre</i>.</p>
+
+<p>Discussion confidentielle entre Mlanchton et
+Luther. (1536.)</p>
+
+<p><span class="smcap">Mlanchton</span> trouve probable l'opinion de saint
+Augustin, qui soutient que nous sommes justifis
+par la foi, par la rnovation, et qui, sous le
+mot de rnovation, comprend tous les dons et
+<span class="pagenum" id="Page_334">334</span>
+les vertus que nous tenons de Dieu<a name="FNanchor_11" id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>. Quelle
+est votre opinion? demanda-t-il Luther. Tenez-vous,
+avec saint Augustin, que les hommes
+sont justifis par la rnovation, ou bien par imputation
+divine?&mdash;<span class="smcap">Luther</span> rpond: Par la
+pure misricorde de Dieu.&mdash;<span class="smcap">Mlanchton</span> propose
+de dire que l'homme est justifi <i lang="la" xml:lang="la">principaliter</i>
+par la foi, <i lang="la" xml:lang="la">et mins principaliter</i> par les
+&oelig;uvres, en sorte que la foi rachte l'imperfection
+de celles-ci.&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> La misricorde
+de Dieu est seule la vraie justification. La justification
+par les &oelig;uvres n'est qu'extrieure; elle
+ne peut nous dlivrer ni du pch ni de la
+mort.&mdash;<span class="smcap">Mlanchton.</span> Je vous demande ce
+qui justifie saint Paul et le rend agrable
+Dieu, aprs sa rgnration par l'eau et l'esprit?&mdash;<span class="smcap">Luther.</span>
+C'est uniquement cette rgnration
+mme. Il est devenu juste et agrable
+ Dieu par la foi, et par la foi il reste tel
+jamais.&mdash;<span class="smcap">Mlanchton.</span> Est-il justifi par la
+seule misricorde, ou bien l'est-il <i>principalement</i>
+par la misricorde, et <i>moins principalement</i> par
+ses vertus et ses &oelig;uvres?&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> Non pas.
+Ses vertus et ses &oelig;uvres ne sont bonnes et pures
+que parce qu'elles sont de saint Paul, c'est--dire
+<span class="pagenum" id="Page_335">335</span>
+d'un juste. Une &oelig;uvre plat ou dplat, est bonne
+ou mauvaise, cause de la personne qui la fait.&mdash;<span class="smcap">Mlanchton.</span>
+Mais vous enseignez vous-mme
+que les bonnes &oelig;uvres sont ncessaires, et saint
+Paul qui croit, et qui en mme temps fait les
+&oelig;uvres, est agrable Dieu pour cela. S'il faisait
+autrement il lui dplairait.&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> Les
+&oelig;uvres sont ncessaires, il est vrai, mais c'est
+par une ncessit sans contrainte, et toute autre
+que celle de la Loi. Il faut que le soleil luise, c'est
+une ncessit galement; cependant ce n'est pas
+par suite d'une loi qu'il luit, mais bien par nature,
+par une qualit inhrente et qui ne peut
+tre change: il est cr pour luire. De mme le
+juste, aprs la rgnration, fait les &oelig;uvres, non
+pour obir quelque loi ou contrainte, car il ne
+lui est pas donn de loi, mais par une ncessit
+immuable.&mdash;Ce que vous dites de saint Paul,
+qui, sans les &oelig;uvres, ne plairait pas Dieu, est
+obscur et inexact, car il est impossible qu'un
+croyant, c'est--dire un juste, ne fasse ce qui est
+bien.&mdash;<span class="smcap">Mlanchton.</span> Sadolet nous accuse de
+nous contredire en enseignant que la foi seule
+justifie, et en admettant nanmoins que les bonnes
+&oelig;uvres sont ncessaires.&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> C'est
+que les faux frres et les hypocrites, faisant semblant
+de croire, on leur demande les &oelig;uvres pour
+confondre leur fourberie...&mdash;<span class="smcap">Mlanchton.</span>
+<span class="pagenum" id="Page_336">336</span>
+Vous dites que saint Paul est justifi par la seule
+misricorde de Dieu. A cela je rplique que si
+l'obissance ne venait s'ajouter la misricorde
+divine, il ne serait point sauv, conformment
+la parole (I. Cor. <span class="t5">IX</span>): Malheur moi, si je ne
+prchais pas l'vangile!&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> Il n'est
+besoin de rien ajouter la foi; si elle est vritable,
+elle est elle seule efficace toujours et en
+tout point. Ce que les &oelig;uvres valent, elles ne le
+valent que par la puissance et la gloire de la
+foi, qui est, comme le soleil, resplendissante et
+rayonnante par ncessit de nature.&mdash;<span class="smcap">Mlanchton.</span>
+Dans saint Augustin, les &oelig;uvres sont
+incluses en ces mots: <i>Sol fide</i>.&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> Quoi
+qu'il en soit, saint Augustin fait assez voir qu'il
+est des ntres, quand il dit: Je suis effray, il
+est vrai, mais je ne dsespre pas, car je me souviens
+des plaies du Seigneur. Et ailleurs, dans
+ses Confessions: Malheur aux hommes, quelque
+bonne et louable que leur vie puisse tre,
+s'ils ne sollicitent la misricorde de Dieu...&mdash;<span class="smcap">Mlanchton.</span>
+Est-elle vraie, cette parole: La
+justice est ncessaire au salut?&mdash;<span class="smcap">Luther.</span> Non
+pas dans ce sens, que les &oelig;uvres produisent le
+salut, mais qu'elles sont les compagnes insparables
+de la foi qui justifie. C'est tout de mme
+qu'il faudra que je sois l en personne lorsque je
+serai sauv.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_337">337</span>
+J'en serai aussi, dit l'autre qu'on menait
+pour tre pendu, et qui voyait les gens courir
+toutes jambes vers le gibet... La foi qui nous est
+donne de Dieu rgnre l'homme incessamment
+et lui fait faire des &oelig;uvres nouvelles, mais ce ne
+sont pas les &oelig;uvres nouvelles qui font que
+l'homme est rgnr... Les &oelig;uvres n'ont pas de
+justice par elles-mmes aux yeux de Dieu, quoiqu'elles
+ornent et glorifient accidentellement
+l'homme qui les fait... En somme, les croyans
+sont une cration nouvelle, un arbre nouveau.
+Toutes ces manires de dire usites dans la Loi,
+telles que: Le croyant <i>doit</i> faire de bonnes &oelig;uvres,
+ne nous conviennent donc plus. On ne dit
+pas: Le soleil <i>doit luire</i>, un bon arbre <i>doit</i> porter
+de bons fruits, trois et sept <i>doivent</i> faire dix.
+Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui commande;
+le bon arbre porte de mme ses bons
+fruits; trois et sept ont de tout temps fait dix;
+il n'est pas besoin de le commander pour
+l'avenir.</p>
+
+<p>Le passage suivant est plus exprs encore. Je
+pense qu'il n'y a point de qualit qui s'appelle
+foi ou amour, comme le disent les rveurs et les
+sophistes, mais je reporte cela entirement au
+Christ, et je dis <i lang="la" xml:lang="la">mea formalis justitia</i> (la justice
+certaine, permanente, parfaite, dans laquelle il
+n'y a ni manque, ni dfaut; celle qui est comme
+<span class="pagenum" id="Page_338">338</span>
+elle doit tre devant Dieu), cette justice c'est le
+Christ, mon seigneur. (Tischr., p. 133.)</p>
+
+<p>Ce passage est un de ceux qui font le plus
+fortement sentir le rapport intime de la doctrine
+de Luther avec le systme d'identification absolue.
+On conoit que la philosophie allemande ait
+abouti Schelling et Hegel.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a69" id="Footnote_a69" href="#FNanchor_a69">[a69]</a>&nbsp;</span>Page 152.</p>
+
+<p>Les papistes se moquaient beaucoup des quatre
+nouveaux vangiles. Celui de Luther, qui
+condamne les &oelig;uvres; celui de Kuntius, qui rebaptise
+les adultes; celui d'Othon de Brunfels,
+qui ne regarde l'criture que comme un pur
+rcit cabalistique, <i lang="la" xml:lang="la">surda sine spiritu narratio</i>;
+enfin, celui des mystiques (Cochlus, p. 165.)
+Ils auraient pu y joindre celui du docteur Paulus
+Ricius, mdecin juif, qui fit paratre, pendant la
+dite de Ratisbonne, un petit livre o Mose et
+saint Paul montraient, dans un dialogue, comment
+toutes les opinions religieuses qui excitaient
+tant de disputes pouvaient tre concilies.</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a70" id="Footnote_a70" href="#FNanchor_a70">[a70]</a>&nbsp;</span>Page 155, ligne 6.&mdash;<i>J'ai vu dans l'air un petit nuage
+de feu... Dieu est irrit...</i></p>
+
+<p>La comte me donne penser que quelque
+malheur menace l'Empereur et Ferdinand. Elle a
+<span class="pagenum" id="Page_339">339</span>
+tourn sa queue d'abord vers le nord, puis vers le
+sud, dsignant ainsi les deux frres. (oct. 1531.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a71" id="Footnote_a71" href="#FNanchor_a71">[a71]</a>&nbsp;</span>Page 156, ligne 24.&mdash;<i>Michel Stiefel croit tre le septime
+ange...</i></p>
+
+<p>Michel Stiefel, avec sa septime trompette,
+nous prophtise le jour du jugement pour cette
+anne, vers la Toussaint. (26 aot 1533.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a72" id="Footnote_a72" href="#FNanchor_a72">[a72]</a>&nbsp;</span>Page 162, <i>fin du chapitre</i>.</p>
+
+<p>Il se moque de l'importance donne aux crmonies
+extrieures dans une lettre George
+Duchholzer, ecclsiastique de Berlin, qui lui avait
+demand son avis sur la rforme rcemment introduite
+dans le <ins id="cor_11" title="original: Brandbourg">Brandebourg</ins>: ..... Pour ce qui
+est de la chasuble, des processions et autres choses
+extrieures que votre prince ne veut pas abolir,
+voici mon conseil: S'il vous accorde de prcher
+l'vangile de Jsus-Christ purement et sans
+additions humaines, d'administrer le baptme et
+la communion tels que Christ les a institus, de
+supprimer l'adoration des saints et les messes des
+morts, de renoncer bnir l'eau, le sel et les
+herbes, de ne plus porter les saints-sacremens
+dans les processions, enfin s'il n'y fait chanter
+<span class="pagenum" id="Page_340">340</span>
+que des cantiques purs de toute doctrine humaine:
+faites les crmonies qu'il demande, la
+garde de Dieu, portez une croix d'or ou d'argent,
+une chape, une chasuble de velours, de soie,
+de toile et tout ce que vous voudrez. Si votre seigneur
+ne se contente pas d'une seule chape ou
+chasuble, mettez-en trois, comme le grand prtre
+Aaron qui mettait trois robes l'une sur l'autre,
+toutes belles et magnifiques. Si sa Grce lectorale
+n'a pas assez d'une seule procession que
+vous ferez avec chant et <ins id="cor_12" title="original: tintamare">tintamarre</ins>, faites-la sept
+fois, comme Josu et les enfans d'Isral allrent
+sept fois autour de Jricho en criant et sonnant
+des trompettes. Et pour peu que cela amuse sa
+Grce lectorale, elle n'a qu' ouvrir elle-mme
+la marche, et danser devant les autres, au son des
+harpes, des timbales et des sonnettes, comme fit
+David devant l'arche du Seigneur Jrusalem; je
+ne m'y oppose point. Ces choses, quand l'abus ne
+s'y mle point, n'ajoutent, n'tent rien l'vangile.
+Mais il faut se garder d'en faire des ncessits,
+des chanes pour la conscience. Si seulement je
+pouvais en venir l avec le pape et ses adhrens,
+ah! que je remercierais Dieu! Vraiment, si le pape
+me cdait ce point, il pourrait me dire de porter
+je ne sais quoi, que je le porterais pour lui faire
+plaisir..... Pardonnez-moi, mon cher ami, de
+vous rpondre si brivement aujourd'hui; j'ai la
+<span class="pagenum" id="Page_341">341</span>
+tte si faible, qu'il m'en cote d'crire... (4 dcembre
+1539.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a73" id="Footnote_a73" href="#FNanchor_a73">[a73]</a>&nbsp;</span>Page 177, ligne 18.&mdash;<i>Elle tomba raide...</i></p>
+
+<p>Une servante avait eu, pendant bien des annes
+un invisible esprit familier qui s'asseyait prs
+d'elle au foyer, o elle lui avait fait une petite
+place, s'entretenant avec lui pendant les longues
+nuits d'hiver. Un jour la servante pria Heinzchen
+(elle nommait ainsi l'esprit) de se laisser voir dans
+sa vritable forme. Mais Heinzchen refusa de le
+faire. Enfin, aprs de longues instances, il y consentit,
+et dit la servante de descendre dans la
+cave, o il se montrerait. La servante prit un
+flambeau, descendit dans le caveau, et l, dans
+un tonneau ouvert, elle vit un enfant mort qui
+flottait au milieu de son sang. Or, longues annes
+auparavant, la servante avait mis secrtement un
+enfant au monde, l'avait gorg, et l'avait cach
+dans un tonneau. (Tischreden, page 222, trad.
+d'Henri Heine. Voy. son bel article sur Luther,
+<i>Revue des deux Mondes</i>, 1<sup>er</sup> mars 1834.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a74" id="Footnote_a74" href="#FNanchor_a74">[a74]</a>&nbsp;</span>Page 182, ligne 15.&mdash;<i>Ils saisissaient la tte...</i></p>
+
+<p>L'ennemi de tout bien et de toute sant (le
+diable), chevauche quelquefois travers ma tte,
+<span class="pagenum" id="Page_342">342</span>
+de manire me rendre incapable de lire ou d'crire
+la moindre des choses. (28 mars 1532.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a75" id="Footnote_a75" href="#FNanchor_a75">[a75]</a>&nbsp;</span>Page 183, ligne 9.&mdash;<i>Le diable n'est pas, la vrit, un
+docteur qui a pris ses grades...</i></p>
+
+<p>C'est une chose merveilleuse, dit Bossuet, de
+voir combien srieusement et vivement il dcrit
+son rveil, comme en sursaut, au milieu de la nuit,
+l'apparition manifeste du diable pour disputer
+contre lui. La frayeur dont il fut saisi, sa sueur,
+son tremblement et son horrible battement de
+c&oelig;ur dans cette dispute; les pressans argumens du
+dmon qui ne laisse aucun repos l'esprit; le son
+de sa puissante voix; ses manires de disputer accablantes,
+o la question et la rponse se font sentir
+ la fois. Je sentis alors, dit-il, comment il arrive
+si souvent qu'on meure subitement vers le
+matin: c'est que le diable peut tuer et trangler
+les hommes, et sans tout cela, les mettre si fort
+l'troit par ses disputes, qu'il y a de quoi en
+mourir, comme je l'ai plusieurs fois expriment.
+(<i lang="la" xml:lang="la">De abrogand miss privat</i>, t. VII, 222,
+trad. de Bossuet. Variations, II, p. 203.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="pagenum" id="Page_343">343</span>
+<span class="label"><a name="Footnote_a76" id="Footnote_a76" href="#FNanchor_a76">[a76]</a>&nbsp;</span>Page 201, ligne 8.&mdash;<i>Aprs avoir prch Smalkalde...</i></p>
+
+<p>Il crivit sa femme sur cette maladie: ... J'ai
+t comme mort; je t'avais dj recommande, toi
+et nos enfans, Dieu et notre Seigneur, dans la
+pense que je ne vous reverrais plus; j'tais bien
+mu en pensant vous; je me voyais dj dans
+la tombe. Les prires et les larmes de gens pieux
+qui m'aiment, ont trouv grce devant Dieu.
+Cette nuit a tu mon mal, me voil comme
+ren... (27 fvrier 1537.)</p>
+
+<p>Luther prouva une rechute dangereuse
+Wittemberg. Oblig de rester Gotha, il se
+croyait prs de la mort. Il dicta Bugenhagen,
+qui tait avec lui, sa dernire volont. Il dclara
+qu'il avait combattu la papaut selon sa conscience,
+et demanda pardon Mlanchton, Jonas
+et Cruciger des offenses qu'il pouvait leur
+avoir faites. (Ukert, t. I, p. 325.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a77" id="Footnote_a77" href="#FNanchor_a77">[a77]</a>&nbsp;</span>Page 202, ligne 2.&mdash;<i>Ma vritable maladie...</i></p>
+
+<p>Luther fut atteint de bonne heure de la pierre;
+cette maladie le faisait cruellement souffrir. Il fut
+opr le 27 fvrier 1537.</p>
+
+<p><span class="pagenum" id="Page_344">344</span>
+Je commence entrer en convalescence,
+avec la grce de Dieu, je rapprends boire et
+manger, quoique mes jambes, mes genoux,
+mes os tremblent, et que je me porte peine.
+(21 mars 1537.)</p>
+
+<p>Je ne suis, mme sans parler des maladies
+et de la vieillesse, qu'un cadavre engourdi et
+froid. (6 dcembre 1537.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a78" id="Footnote_a78" href="#FNanchor_a78">[a78]</a>&nbsp;</span>Page 215, ligne 10.&mdash;<i>Les comtes de Mansfeld...</i></p>
+
+<p>Il avait essay en vain de rconcilier les comtes
+de Mansfeld. Si l'on veut, dit-il, faire entrer
+dans une maison un arbre coup, il ne faut pas
+le prendre par la tte; toutes les branches l'arrteraient
+ la porte. Il faut le prendre par la racine,
+et les branches plieront pour entrer. (Tischreden,
+p. 355.)</p>
+
+<p class="subj"><span class="label"><a name="Footnote_a79" id="Footnote_a79" href="#FNanchor_a79">[a79]</a>&nbsp;</span>Page 222.&mdash;<i>A la fin du chapitre.</i></p>
+
+<p>Nous runissons ici plusieurs particularits relatives
+ Luther.</p>
+
+<p>rasme dit de lui: On loue unanimement les
+m&oelig;urs de cet homme; c'est un grand tmoignage
+que ses ennemis mme n'y trouvent pas matire
+ la calomnie. (Ukert, t. II, page 5.)</p>
+
+<p>Luther aimait les plaisirs simples: il faisait
+<span class="pagenum" id="Page_345">345</span>
+souvent de la musique avec ses commensaux et
+jouait aux quilles avec eux.&mdash;Mlanchton dit de
+lui: Quiconque l'aura connu et frquent familirement,
+avouera que c'tait un excellent
+homme, doux et aimable en socit, nullement
+opinitre ni ami de la dispute. Joignez cela la
+gravit qui convenait son caractre.&mdash;S'il
+montrait de la duret en combattant les ennemis
+de la vraie doctrine, ce n'tait point malignit
+de nature, mais ardeur et passion pour la
+vrit. (Ukert, t. II, p. 12.)</p>
+
+<p class="sep2">Bien qu'il ne ft ni d'une petite stature ni
+d'une complexion faible, il tait d'une extrme
+temprance dans le boire et le manger. Je l'ai vu
+tant en pleine sant, passer quatre jours entiers
+sans prendre aucun aliment, et souvent se contenter,
+dans une journe entire, d'un peu de
+pain et d'un hareng pour toute nourriture. (<i>Vie
+de Luther</i>, par Mlanchton.)</p>
+
+<p class="sep2">Mlanchton dit dans ses &OElig;uvres posthumes:
+Je l'ai souvent trouv, moi-mme, pleurant
+chaudes larmes, et priant Dieu ardemment pour
+le salut de l'glise. Il consacrait, chaque jour,
+quelque temps dire des psaumes et invoquer
+Dieu de toute la ferveur de son me. (Ukert,
+t. II, p. 7.)</p>
+
+<p class="sep2"><span class="pagenum" id="Page_346">346</span>
+Luther dit de lui-mme: Si j'tais aussi loquent
+et aussi riche en paroles qu'rasme, aussi
+bon hellniste que Joachim Camrarius, aussi
+savant en hbreu que Forscherius, et aussi un
+peu plus jeune, ah! quels travaux je ferais!
+(Tischreden, p. 447.)</p>
+
+<p class="sep2">Le licenci Amsdorf est naturellement thologien.
+Les docteur Creuziger et Jonas le sont
+par art et rflexion. Mais moi et le docteur Pomer,
+nous donnons peu de prise dans la dispute.
+(Tischreden, p. 425.)</p>
+
+<p class="sep2">A Antoine Unruche, juge Torgau ... Je vous
+remercie de tout mon c&oelig;ur, cher Antoine, d'avoir
+pris en main la cause de Marguerite Dorst,
+et de n'avoir pas souffert que ces insolens hobereaux
+enlevassent la pauvre femme le peu
+qu'elle a. Vous savez que le docteur Martin n'est
+pas seulement thologien et dfenseur de la foi,
+mais aussi le soutien du droit des pauvres gens
+qui viennent de tous cts lui demander ses conseils
+et son intercession auprs des autorits. Il
+sert volontiers les pauvres, comme vous faites
+vous-mme, vous et ceux qui vous ressemblent.
+Tous les juges devraient tre comme vous. Vous
+tes pieux, vous craignez Dieu, vous aimez sa parole;
+<span class="pagenum" id="Page_347">347</span>
+aussi Jsus-Christ ne vous oubliera-t-il
+pas... (12 juin 1538.)</p>
+
+<p class="sep2">Luther crit sa femme au sujet d'un vieux
+domestique qui allait quitter sa maison: Il faut
+congdier notre vieux Jean honorablement; tu
+sais qu'il nous a toujours servis loyalement, avec
+zle, et comme il convenait un serviteur chrtien.
+Combien n'avons-nous pas donn des
+vauriens, des tudians ingrats, qui ont fait un
+mauvais usage de notre argent? Il ne faut donc
+pas lsiner, dans cette occasion, l'gard d'un si
+honnte serviteur, chez lequel notre argent sera
+plac d'une manire agrable Dieu. Je sais bien
+que nous ne sommes pas riches; je lui donnerais
+volontiers dix florins si je les avais; en tous cas,
+ne lui en donne pas moins de cinq, car il n'est
+pas habill. Ce que tu pourras faire de plus, fais-le,
+je t'en prie. Il est vrai que la caisse de la
+ville devrait bien aussi lui donner quelque chose,
+parce qu'il a fait toutes sortes de services dans
+l'glise; qu'ils agissent comme ils voudront. Vois
+de quelle manire tu pourras avoir cet argent.
+Nous avons un gobelet d'argent mettre en gage.
+Dieu ne nous abandonnera pas, j'en suis sr.
+Adieu. (17 fvrier 1532.)</p>
+
+<p class="sep2">Le prince m'a donn un anneau d'or; mais
+<span class="pagenum" id="Page_348">348</span>
+afin que je visse bien que je n'tais pas n pour
+porter de l'or, l'anneau est aussitt tomb de
+mon doigt (car il est un peu trop large). J'ai dit:
+Tu n'es qu'un ver de terre, et non un homme.
+Il fallait donner cet or Faber, Eckius; pour
+toi, du plomb, une corde au cou te conviendraient
+davantage. (15 septembre 1530.)</p>
+
+<p class="sep2">L'lecteur, tablissant une contribution pour
+la guerre des Turcs, en avait fait exempter Luther.
+Il lui rpondit qu'il acceptait cette faveur
+pour ses deux maisons, dont l'une (l'ancien couvent)
+lui cotait beaucoup d'entretien sans rien
+rapporter, et dont l'autre n'tait pas paye encore.
+Mais, continue-t-il, je prie votre Grce
+lectorale, en toute soumission, de permettre
+que je contribue pour mes autres biens. J'ai encore
+un jardin estim cinq cents florins, une
+terre quatre-vingt-dix, et un petit jardin qui
+en vaut vingt. J'aimerais bien faire comme les
+autres, combattre le Turc de mes liards, ne
+pas tre exclu de l'arme qui doit nous sauver.
+Il y en a dj assez qui ne donnent pas volontiers;
+je ne voudrais pas faire des envieux. Il
+vaut mieux qu'on ne puisse se plaindre, et que
+l'on dise: Le docteur Martin est aussi oblig de
+payer. (26 mars 1542.)</p>
+
+<p class="sep2"><span class="pagenum" id="Page_349">349</span>
+A l'lecteur Jean. Grce et paix en Jsus-Christ.
+Srnissime seigneur! j'ai long-temps diffr
+de remercier votre Grce des habits qu'elle
+a bien voulu m'envoyer; je le fais par la prsente
+de tout mon c&oelig;ur. Cependant je prie humblement
+votre Grce de ne pas en croire ceux qui
+me prsentent comme dans le dnment. Je ne
+suis dj que trop riche selon ma conscience; il
+ne me convient pas, moi, prdicateur, d'tre
+dans l'abondance, je ne le souhaite ni ne le demande.&mdash;Les
+faveurs rptes de votre Grce
+commencent vraiment m'effrayer. Je n'aimerais
+pas tre de ceux qui Jsus-Christ dit:
+Malheur vous, riches, parce que vous avez
+dj reu votre consolation! Je ne voudrais pas
+non plus tre charge votre Grce, dont la
+bourse doit s'ouvrir sans cesse pour tant d'objets
+importans. C'tait donc dj trop de l'toffe brune
+qu'elle m'a envoye; mais, pour ne pas tre ingrat,
+je veux aussi porter en son honneur l'habit
+noir, quoique trop prcieux pour moi; si ce
+n'tait un prsent de votre Grce lectorale, je
+n'aurais jamais voulu porter un pareil habit.</p>
+
+<p>Je supplie en consquence votre Grce de
+vouloir bien dornavant attendre que je prenne
+la libert de demander quelque chose. Autrement
+cette prvenance de sa part m'terait le courage
+d'intercder auprs d'elle pour d'autres qui sont
+<span class="pagenum" id="Page_350">350</span>
+bien plus dignes de sa faveur. Jsus-Christ
+rcompensera votre me gnreuse: c'est la
+prire que je fais de tout mon c&oelig;ur. Amen.
+(17 aot 1529.)</p>
+
+<p class="sep2">Jean-le-Constant avait fait prsent Luther de
+l'ancien couvent des Augustins Wittemberg.&mdash;L'lecteur
+Auguste le racheta de ses hritiers,
+en 1564, pour le donner l'universit. (Ukert,
+t. I, p. 347.)</p>
+
+<p class="sep2"><i>Lieux habits par Luther et objets qu'on a conservs
+de lui.</i>&mdash;La maison dans laquelle Luther
+naquit n'existe plus; elle fut brle en 1689.&mdash;A
+la Wartbourg, on montre encore sur le mur une
+tache d'encre que Luther aurait faite en jetant
+son critoire la tte du diable.&mdash;On a conserv
+aussi la cellule qu'il occupait au couvent
+de Wittemberg, avec diffrens meubles qui lui
+appartenaient. Les murs de cette cellule sont
+couverts de noms de visiteurs. On remarque celui
+de Pierre-le-Grand crit sur la porte.&mdash;A
+Cobourg, l'on voit la chambre qu'il habitait pendant
+la dite d'Augsbourg (1530).</p>
+
+<p class="sep2">Luther portait au doigt une bague d'or, maille,
+sur laquelle on voyait une petite tte de
+mort avec ces mots: <i lang="la" xml:lang="la">Mori spe cogita</i>; autour
+<span class="pagenum" id="Page_351">351</span>
+du chaton tait crit: <i lang="la" xml:lang="la">O mors, ero mors tua</i>. Cette
+bague est conserve Dresde, ainsi qu'une mdaille
+en argent dore, que la femme de Luther
+portait au cou. Dans cette mdaille, un serpent
+se dresse sur les corps des Isralites, avec ces
+mots: <i lang="la" xml:lang="la">Serpens exaltatus typus Christi crucifixi</i>.
+Le revers prsente Jsus-Christ sur la croix avec
+cette lgende: <i lang="la" xml:lang="la">Christus mortuus est pro peccatis
+nostris</i>. D'un ct on lit encore: <i lang="la" xml:lang="la">D. Mart. Luter
+Caterin su dono. D. H. F.</i>; et de l'autre: <i lang="la" xml:lang="la">Qu
+nata est anno 1499, 29 januarii</i>.</p>
+
+<p class="sep2">Il avait lui-mme un cachet dont il a donn
+la description dans une lettre Lazare Spengler:
+Grce et paix en Jsus-Christ.&mdash;Cher
+seigneur et ami! vous me dites que je vous ferais
+plaisir en vous expliquant le sens de ce
+qu'on voit sur mon sceau. Je vais donc vous indiquer
+ce que j'ai voulu y faire graver, comme
+symbole de ma thologie. D'abord, il y a une
+croix noire avec un c&oelig;ur au milieu. Cette croix
+doit me rappeler que la foi au Crucifi nous sauve:
+qui croit en lui de toute son me est justifi.
+Cette croix est noire pour indiquer la mortification,
+la douleur par laquelle le chrtien doit
+passer. Le c&oelig;ur nanmoins conserve sa couleur
+naturelle; car la croix n'altre pas la nature, elle
+ne tue pas, elle vivifie. <i lang="la" xml:lang="la">Justus fide vivit, sed fide
+<span class="pagenum" id="Page_352">352</span>
+crucifixi.</i> Le c&oelig;ur est plac au milieu d'une rose
+blanche, qui indique que la foi donne la consolation,
+la joie et la paix; la rose est blanche et
+non rouge, parce que ce n'est point la joie et la
+paix du monde, mais celle des esprits: le blanc
+est la couleur des esprits, et de tous les anges.
+La rose est dans un champ d'azur, pour montrer
+que cette joie dans l'esprit et dans la foi est un
+commencement de la joie cleste qui nous attend;
+celle-ci y est dj comprise, elle existe dj en
+espoir, mais le moment de la consommation n'est
+pas encore venu. Dans ce champ vous voyez aussi
+un cercle d'or. Il indique que la flicit dans le
+ciel durera ternellement, et qu'elle est suprieure
+ toute autre joie, tout autre bien,
+comme l'or est le plus prcieux des mtaux.&mdash;Que
+Jsus-Christ, notre seigneur, soit avec vous
+jusque dans la vie ternelle. Amen. De mon dsert
+de Cobourg, 8 juillet 1530.</p>
+
+<p class="sep2">A Altenbourg, l'on a conserv long-temps un
+verre de table dans lequel Luther avait bu la
+dernire fois qu'il visita son ami Spalatin. (Ukert,
+t. I, page 245 et suiv.)</p>
+</div>
+
+<div class="chapsep">
+<img src="images/filet120.jpg" width="120" height="11" alt="" title="" />
+</div>
+
+<p id="notes" class="sep3 cent t2">NOTES</p>
+
+<div class="footnotes">
+<p><span class="label"><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1">[1]</a>&nbsp;</span>L'un des interrogs dit que le roi en avait cinq. D'aprs
+une autre relation, le nombre en serait mont la fin jusqu'
+dix-sept.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_2" id="Footnote_2" href="#FNanchor_2">[2]</a>&nbsp;</span>Ceci se rapporte l'interprtation du mot: n, <i lang="de" xml:lang="de">geboren</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3">[3]</a>&nbsp;</span>C'est aussi ce que dit Montaigne dans ses <i>Essais</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_4" id="Footnote_4" href="#FNanchor_4">[4]</a>&nbsp;</span>Sans doute Copernic qui termina vers 1530 son livre <i lang="la" xml:lang="la">De
+orbium c&oelig;lestium revolutionibus</i>, imprim, en 1543, Nuremberg,
+avec une ddicace au pape Paul III. Ds 1540, une
+lettre de son disciple Rheticus fit connatre le nouveau systme.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_5" id="Footnote_5" href="#FNanchor_5">[5]</a>&nbsp;</span>Voyez la belle ballade anglaise sur le martyre de <i>Barleycorn</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_6" id="Footnote_6" href="#FNanchor_6">[6]</a>&nbsp;</span>Il semble qu'on retrouve ces tristes penses dans le beau portrait
+de Luther mort, qui se trouve dans la collection du libraire
+Zimmer Heidelberg; ce portrait exprime aussi la continuation
+d'un long effort.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_7" id="Footnote_7" href="#FNanchor_7">[7]</a>&nbsp;</span>Nom d'un village prs duquel Luther possdait une petite
+terre.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_8" id="Footnote_8" href="#FNanchor_8">[8]</a>&nbsp;</span>Luther appelle <i>Louis</i> ce landgrave, qui s'appelait effectivement
+<i>Albert-le-Dnatur</i>, et vivait en 1288. Sa femme,
+Marguerite tait fille de l'empereur Frdric II; son fils est
+Frdric I, dit le <i>Mordu</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_9" id="Footnote_9" href="#FNanchor_9">[9]</a>&nbsp;</span>Voyez le <i>Voyage de Montaigne</i>.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_10" id="Footnote_10" href="#FNanchor_10">[10]</a>&nbsp;</span>Il est inutile de relever les erreurs grossires dont fourmille
+ce chapitre.</p>
+
+<p><span class="label"><a name="Footnote_11" id="Footnote_11" href="#FNanchor_11">[11]</a>&nbsp;</span>Mlanchton fait remarquer que saint Augustin n'exprime
+pas cette opinion dans ses crits de controverse.</p>
+</div>
+
+<hr class="duo" />
+
+<h2 id="Page_353">RENVOIS<br />
+DU TOME <ins id="cor_13" title="Il faut sans doute lire DEUXIME">TROISIME</ins>.</h2>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<table class="endnotes" summary="Renvois">
+<tr>
+ <td class="tdr">Renvoi</td>
+ <td class="tdr">Page</td>
+ <td class="tdr">Ligne</td>
+ <td class="tdl">&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r1" id="Footnote_r1" href="#FNanchor_r1">[r1]</a></span></td>
+ <td class="tdr">3,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Otto Pack.</i>&mdash;<ins id="cor_02" title="original: Cochl&oelig;us">Cochlus</ins>, 171.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r2" id="Footnote_r2" href="#FNanchor_r2">[r2]</a></span></td>
+ <td class="tdr">4,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Cette ligue.</i>&mdash;Ukert, 216.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r3" id="Footnote_r3" href="#FNanchor_r3">[r3]</a></span></td>
+ <td class="tdr">5,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Tu crains que.</i>&mdash;Luther Werke, t. IX, 231.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r4" id="Footnote_r4" href="#FNanchor_r4">[r4]</a></span></td>
+ <td class="tdr">6,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>Mmoire de Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. IX, 297.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r5" id="Footnote_r5" href="#FNanchor_r5">[r5]</a></span></td>
+ <td class="tdr">20,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'Espagnol disait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. IX, 414.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r6" id="Footnote_r6" href="#FNanchor_r6">[r6]</a></span></td>
+ <td class="tdr">23,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Luther crit.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. IX, 459.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r7" id="Footnote_r7" href="#FNanchor_r7">[r7]</a></span></td>
+ <td class="tdr">29,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Comment l'vangile.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 391, 199.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r8" id="Footnote_r8" href="#FNanchor_r8">[r8]</a></span></td>
+ <td class="tdr">35,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Nouvelle sur les Anabaptistes.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 328.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_354">354</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r9" id="Footnote_r9" href="#FNanchor_r9">[r9]</a></span></td>
+ <td class="tdr">40,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les anabaptistes soumis.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 365.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r10" id="Footnote_r10" href="#FNanchor_r10">[r10]</a></span></td>
+ <td class="tdr">42,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Entretien.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 376.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r11" id="Footnote_r11" href="#FNanchor_r11">[r11]</a></span></td>
+ <td class="tdr">49,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le 19 janvier.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 400.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r12" id="Footnote_r12" href="#FNanchor_r12">[r12]</a></span></td>
+ <td class="tdr">51,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Prface de Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> t. II, 332.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r13" id="Footnote_r13" href="#FNanchor_r13">[r13]</a></span></td>
+ <td class="tdr">60,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les instructions.</i>&mdash;Bossuet en a donn le texte dans son histoire des <i>Variations de l'glise protestante</i>.&mdash;t. I, 328, 199.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r14" id="Footnote_r14" href="#FNanchor_r14">[r14]</a></span></td>
+ <td class="tdr">72,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Celui qui insulte.</i>&mdash;Tischr. 241.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r15" id="Footnote_r15" href="#FNanchor_r15">[r15]</a></span></td>
+ <td class="tdr">72,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le droit saxon.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 315 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r16" id="Footnote_r16" href="#FNanchor_r16">[r16]</a></span></td>
+ <td class="tdr">72,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'y a point de doute.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 116.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r17" id="Footnote_r17" href="#FNanchor_r17">[r17]</a></span></td>
+ <td class="tdr">72,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>On disait Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 312 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r18" id="Footnote_r18" href="#FNanchor_r18">[r18]</a></span></td>
+ <td class="tdr">73,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lettre un ami.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 313 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r19" id="Footnote_r19" href="#FNanchor_r19">[r19]</a></span></td>
+ <td class="tdr">73,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'est gure plus possible.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 315 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r20" id="Footnote_r20" href="#FNanchor_r20">[r20]</a></span></td>
+ <td class="tdr">74,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>La plus grande grce.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 313.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r21" id="Footnote_r21" href="#FNanchor_r21">[r21]</a></span></td>
+ <td class="tdr">74,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Au jour de la.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 316 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r22" id="Footnote_r22" href="#FNanchor_r22">[r22]</a></span></td>
+ <td class="tdr">75,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur M.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 320.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r23" id="Footnote_r23" href="#FNanchor_r23">[r23]</a></span></td>
+ <td class="tdr">75,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1541.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 264 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r24" id="Footnote_r24" href="#FNanchor_r24">[r24]</a></span></td>
+ <td class="tdr">76,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>La premire anne.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 313 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r25" id="Footnote_r25" href="#FNanchor_r25">[r25]</a></span></td>
+ <td class="tdr">76,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lucas Cranach.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 314.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r26" id="Footnote_r26" href="#FNanchor_r26">[r26]</a></span></td>
+ <td class="tdr">77,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>On trouve l'image.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 312 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r27" id="Footnote_r27" href="#FNanchor_r27">[r27]</a></span></td>
+ <td class="tdr">78,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les petits enfans.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 42 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r28" id="Footnote_r28" href="#FNanchor_r28">[r28]</a></span></td>
+ <td class="tdr">78,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>On amena.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 124.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r29" id="Footnote_r29" href="#FNanchor_r29">[r29]</a></span></td>
+ <td class="tdr">78,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Servez.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 10 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r30" id="Footnote_r30" href="#FNanchor_r30">[r30]</a></span></td>
+ <td class="tdr">79,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Au premier jour.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 314 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_355">355</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r31" id="Footnote_r31" href="#FNanchor_r31">[r31]</a></span></td>
+ <td class="tdr">79,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Aprs qu'il eut.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 47.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r32" id="Footnote_r32" href="#FNanchor_r32">[r32]</a></span></td>
+ <td class="tdr">79,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il disait son.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 49 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r33" id="Footnote_r33" href="#FNanchor_r33">[r33]</a></span></td>
+ <td class="tdr">79,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les enfans sont les plus heureux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 134.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r34" id="Footnote_r34" href="#FNanchor_r34">[r34]</a></span></td>
+ <td class="tdr">80,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>Une autre fois.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 134 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r35" id="Footnote_r35" href="#FNanchor_r35">[r35]</a></span></td>
+ <td class="tdr">80,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Comme matre.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 45 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r36" id="Footnote_r36" href="#FNanchor_r36">[r36]</a></span></td>
+ <td class="tdr">81,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quels ont d tre.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 47.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r37" id="Footnote_r37" href="#FNanchor_r37">[r37]</a></span></td>
+ <td class="tdr">81,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il est touchant.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 42-43 <i>passim</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r38" id="Footnote_r38" href="#FNanchor_r38">[r38]</a></span></td>
+ <td class="tdr">81,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le 9 avril 1539.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 363.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r39" id="Footnote_r39" href="#FNanchor_r39">[r39]</a></span></td>
+ <td class="tdr">82,</td>
+ <td class="tdr">16.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le 18 avril.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 423.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r40" id="Footnote_r40" href="#FNanchor_r40">[r40]</a></span></td>
+ <td class="tdr">83,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Supportons.</i>&mdash;Lettre V, 726.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r41" id="Footnote_r41" href="#FNanchor_r41">[r41]</a></span></td>
+ <td class="tdr">83,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un soir.</i>&mdash;Tischr. 43 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r42" id="Footnote_r42" href="#FNanchor_r42">[r42]</a></span></td>
+ <td class="tdr">84,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Vers le soir.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 24 <i>bis</i>.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r43" id="Footnote_r43" href="#FNanchor_r43">[r43]</a></span></td>
+ <td class="tdr">85,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le petit enfant.</i>&mdash;Tischred. 32, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r44" id="Footnote_r44" href="#FNanchor_r44">[r44]</a></span></td>
+ <td class="tdr">86,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans les choses divines.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 69.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r45" id="Footnote_r45" href="#FNanchor_r45">[r45]</a></span></td>
+ <td class="tdr">87,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le dcalogue.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 112, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r46" id="Footnote_r46" href="#FNanchor_r46">[r46]</a></span></td>
+ <td class="tdr">87,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>On demandait au docteur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 362.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r47" id="Footnote_r47" href="#FNanchor_r47">[r47]</a></span></td>
+ <td class="tdr">88,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Cicron.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 425.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r48" id="Footnote_r48" href="#FNanchor_r48">[r48]</a></span></td>
+ <td class="tdr">88,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>On demandait Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 106.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r49" id="Footnote_r49" href="#FNanchor_r49">[r49]</a></span></td>
+ <td class="tdr">88,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur soupirait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 11, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r50" id="Footnote_r50" href="#FNanchor_r50">[r50]</a></span></td>
+ <td class="tdr">89,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Autrefois.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 311.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r51" id="Footnote_r51" href="#FNanchor_r51">[r51]</a></span></td>
+ <td class="tdr">89,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Que sont les saints.</i>&mdash;<ins id="cor_03" title="original: Cochl&oelig;us">Cochlus</ins>, Vie de Luther, 226.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r52" id="Footnote_r52" href="#FNanchor_r52">[r52]</a></span></td>
+ <td class="tdr">90,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>Nos adversaires.</i>&mdash;Tischred. 447.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r53" id="Footnote_r53" href="#FNanchor_r53">[r53]</a></span></td>
+ <td class="tdr">90,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pourquoi enseigne-t-on?</i>&mdash;Luth. Werke, t. II, 16.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r54" id="Footnote_r54" href="#FNanchor_r54">[r54]</a></span></td>
+ <td class="tdr">92,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Pater noster.</i>&mdash;Tischreden, 153.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_356">356</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r55" id="Footnote_r55" href="#FNanchor_r55">[r55]</a></span></td>
+ <td class="tdr">93,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'vangile de saint Jean.</i>&mdash;Ukert, 18.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r56" id="Footnote_r56" href="#FNanchor_r56">[r56]</a></span></td>
+ <td class="tdr">95,</td>
+ <td class="tdr">28.</td>
+ <td class="tdl"><i>Ambroise.</i>&mdash;Tischreden, 383.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r57" id="Footnote_r57" href="#FNanchor_r57">[r57]</a></span></td>
+ <td class="tdr">96,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>Saint Augustin.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 98.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r58" id="Footnote_r58" href="#FNanchor_r58">[r58]</a></span></td>
+ <td class="tdr">97,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les nominaux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 384.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r59" id="Footnote_r59" href="#FNanchor_r59">[r59]</a></span></td>
+ <td class="tdr">98,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le D. Staupitz.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 385.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r60" id="Footnote_r60" href="#FNanchor_r60">[r60]</a></span></td>
+ <td class="tdr">99,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Jean Huss.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 386.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r61" id="Footnote_r61" href="#FNanchor_r61">[r61]</a></span></td>
+ <td class="tdr">99,</td>
+ <td class="tdr">26.</td>
+ <td class="tdl"><i>Jean Huss tait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 127.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r62" id="Footnote_r62" href="#FNanchor_r62">[r62]</a></span></td>
+ <td class="tdr">100,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>La tte de l'antichrist.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 241.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r63" id="Footnote_r63" href="#FNanchor_r63">[r63]</a></span></td>
+ <td class="tdr">100,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>C'est ma pauvre condition.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 249.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r64" id="Footnote_r64" href="#FNanchor_r64">[r64]</a></span></td>
+ <td class="tdr">100,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les papistes.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 255.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r65" id="Footnote_r65" href="#FNanchor_r65">[r65]</a></span></td>
+ <td class="tdr">100,</td>
+ <td class="tdr">28.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le pape le dit.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 259.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r66" id="Footnote_r66" href="#FNanchor_r66">[r66]</a></span></td>
+ <td class="tdr">101,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>D'autres ont attaqu les m&oelig;urs.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 192.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r67" id="Footnote_r67" href="#FNanchor_r67">[r67]</a></span></td>
+ <td class="tdr">101,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>Des conciles.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 371-76.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r68" id="Footnote_r68" href="#FNanchor_r68">[r68]</a></span></td>
+ <td class="tdr">102,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Des biens ecclsiastiques.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 380.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r69" id="Footnote_r69" href="#FNanchor_r69">[r69]</a></span></td>
+ <td class="tdr">103,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le proverbe a raison.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 60.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r70" id="Footnote_r70" href="#FNanchor_r70">[r70]</a></span></td>
+ <td class="tdr">104,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>En Italie.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 275.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r71" id="Footnote_r71" href="#FNanchor_r71">[r71]</a></span></td>
+ <td class="tdr">104,</td>
+ <td class="tdr">26.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans les disputes.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 271.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r72" id="Footnote_r72" href="#FNanchor_r72">[r72]</a></span></td>
+ <td class="tdr">105,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>La moinerie.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 272.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r73" id="Footnote_r73" href="#FNanchor_r73">[r73]</a></span></td>
+ <td class="tdr">123,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Oh! combien je tremblais.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 181.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r74" id="Footnote_r74" href="#FNanchor_r74">[r74]</a></span></td>
+ <td class="tdr">124,</td>
+ <td class="tdr">9.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je n'aime pas que Philippe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 197.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r75" id="Footnote_r75" href="#FNanchor_r75">[r75]</a></span></td>
+ <td class="tdr">124,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Jonas lui disait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 113.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r76" id="Footnote_r76" href="#FNanchor_r76">[r76]</a></span></td>
+ <td class="tdr">124,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je veux que l'on enseigne.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 116.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_357">357</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r77" id="Footnote_r77" href="#FNanchor_r77">[r77]</a></span></td>
+ <td class="tdr">125,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Erasmus Alberus.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 184.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r78" id="Footnote_r78" href="#FNanchor_r78">[r78]</a></span></td>
+ <td class="tdr">125,</td>
+ <td class="tdr">16.</td>
+ <td class="tdl"><i>Albert Drer.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 425.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r79" id="Footnote_r79" href="#FNanchor_r79">[r79]</a></span></td>
+ <td class="tdr">125,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Oh! que j'eusse t heureux.</i>&mdash;Luth. Werke, t. IX, 245.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r80" id="Footnote_r80" href="#FNanchor_r80">[r80]</a></span></td>
+ <td class="tdr">125,</td>
+ <td class="tdr">27.</td>
+ <td class="tdl"><i>Rien n'est plus agrable.</i>&mdash;Tischreden, 182.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r81" id="Footnote_r81" href="#FNanchor_r81">[r81]</a></span></td>
+ <td class="tdr">126,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Parmi les qualits.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 183.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r82" id="Footnote_r82" href="#FNanchor_r82">[r82]</a></span></td>
+ <td class="tdr">126,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans le trait.</i>&mdash;Seckendorf, livre I, 202.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r83" id="Footnote_r83" href="#FNanchor_r83">[r83]</a></span></td>
+ <td class="tdr">128,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Luther disait.</i>&mdash;Tischreden, 105.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r84" id="Footnote_r84" href="#FNanchor_r84">[r84]</a></span></td>
+ <td class="tdr">128,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si je meurs.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 356.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r85" id="Footnote_r85" href="#FNanchor_r85">[r85]</a></span></td>
+ <td class="tdr">128,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans la colre.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 145.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r86" id="Footnote_r86" href="#FNanchor_r86">[r86]</a></span></td>
+ <td class="tdr">131,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'est pas d'alliance.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 331.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r87" id="Footnote_r87" href="#FNanchor_r87">[r87]</a></span></td>
+ <td class="tdr">132,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>La nouvelle tant venue.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 274.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r88" id="Footnote_r88" href="#FNanchor_r88">[r88]</a></span></td>
+ <td class="tdr">134,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>La nuit qui prcda la mort.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 360.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r89" id="Footnote_r89" href="#FNanchor_r89">[r89]</a></span></td>
+ <td class="tdr">138,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il vaut mieux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 347.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r90" id="Footnote_r90" href="#FNanchor_r90">[r90]</a></span></td>
+ <td class="tdr">139,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le droit est une belle fiance.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 273.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r91" id="Footnote_r91" href="#FNanchor_r91">[r91]</a></span></td>
+ <td class="tdr">139,</td>
+ <td class="tdr">28.</td>
+ <td class="tdl"><i>Avant moi, il n'y a eu.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 402.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r92" id="Footnote_r92" href="#FNanchor_r92">[r92]</a></span></td>
+ <td class="tdr">142,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Voil comme agissent.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 403.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r93" id="Footnote_r93" href="#FNanchor_r93">[r93]</a></span></td>
+ <td class="tdr">143,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>Bon peuple, veuillez agrer.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 407.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r94" id="Footnote_r94" href="#FNanchor_r94">[r94]</a></span></td>
+ <td class="tdr">145,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je suis maintenant.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 102.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r95" id="Footnote_r95" href="#FNanchor_r95">[r95]</a></span></td>
+ <td class="tdr">146,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>La loi sans doute.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 128.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_358">358</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r96" id="Footnote_r96" href="#FNanchor_r96">[r96]</a></span></td>
+ <td class="tdr">146,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pour me dlivrer entirement.</i>&mdash;Tischreden, 133.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r97" id="Footnote_r97" href="#FNanchor_r97">[r97]</a></span></td>
+ <td class="tdr">147,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'est qu'un seul point.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 140.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r98" id="Footnote_r98" href="#FNanchor_r98">[r98]</a></span></td>
+ <td class="tdr">147,</td>
+ <td class="tdr">&nbsp;</td>
+ <td class="tdl"><i>Luther en parlant.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 147.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r99" id="Footnote_r99" href="#FNanchor_r99">[r99]</a></span></td>
+ <td class="tdr">147,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable veut seulement.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 142.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r100" id="Footnote_r100" href="#FNanchor_r100">[r100]</a></span></td>
+ <td class="tdr">147,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un docteur anglais.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 144.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r101" id="Footnote_r101" href="#FNanchor_r101">[r101]</a></span></td>
+ <td class="tdr">148,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pour rsister.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 124.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r102" id="Footnote_r102" href="#FNanchor_r102">[r102]</a></span></td>
+ <td class="tdr">149,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dieu dit Mose.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 125.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r103" id="Footnote_r103" href="#FNanchor_r103">[r103]</a></span></td>
+ <td class="tdr">153,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Martin Luther disait au sujet.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 292.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r104" id="Footnote_r104" href="#FNanchor_r104">[r104]</a></span></td>
+ <td class="tdr">153,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quand je commenai crire.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 193.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r105" id="Footnote_r105" href="#FNanchor_r105">[r105]</a></span></td>
+ <td class="tdr">153,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1521, il vint chez moi.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 282.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r106" id="Footnote_r106" href="#FNanchor_r106">[r106]</a></span></td>
+ <td class="tdr">155,</td>
+ <td class="tdr">27.</td>
+ <td class="tdl"><i>Matre Stiefel.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 367.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r107" id="Footnote_r107" href="#FNanchor_r107">[r107]</a></span></td>
+ <td class="tdr">156,</td>
+ <td class="tdr">26.</td>
+ <td class="tdl"><i>Bileas.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 192.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r108" id="Footnote_r108" href="#FNanchor_r108">[r108]</a></span></td>
+ <td class="tdr">157,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Jeckel.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 287.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r109" id="Footnote_r109" href="#FNanchor_r109">[r109]</a></span></td>
+ <td class="tdr">158,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Luther faisant reproche.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 290.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r110" id="Footnote_r110" href="#FNanchor_r110">[r110]</a></span></td>
+ <td class="tdr">158,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Des antinomiens.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 287.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r111" id="Footnote_r111" href="#FNanchor_r111">[r111]</a></span></td>
+ <td class="tdr">159,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Qui aurait pens.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 288.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r112" id="Footnote_r112" href="#FNanchor_r112">[r112]</a></span></td>
+ <td class="tdr">160,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>J'ai eu tant de confiance.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 291.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r113" id="Footnote_r113" href="#FNanchor_r113">[r113]</a></span></td>
+ <td class="tdr">161,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1540, Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 129.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r114" id="Footnote_r114" href="#FNanchor_r114">[r114]</a></span></td>
+ <td class="tdr">161,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Matre Jobst.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 124.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r115" id="Footnote_r115" href="#FNanchor_r115">[r115]</a></span></td>
+ <td class="tdr">162,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si au commencement.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 125.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r116" id="Footnote_r116" href="#FNanchor_r116">[r116]</a></span></td>
+ <td class="tdr">163,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Matre Philippe dit.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 445.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r117" id="Footnote_r117" href="#FNanchor_r117">[r117]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Philippe me demandait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 29.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r118" id="Footnote_r118" href="#FNanchor_r118">[r118]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si Philippe n'et pas t.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 195.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_359">359</span><span class="label"><a name="Footnote_r119" id="Footnote_r119" href="#FNanchor_r119">[r119]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Paradis de Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 305.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r120" id="Footnote_r120" href="#FNanchor_r120">[r120]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les paysans ne sont pas dignes.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 52.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r121" id="Footnote_r121" href="#FNanchor_r121">[r121]</a></span></td>
+ <td class="tdr">164,</td>
+ <td class="tdr">28.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Jonas.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 137.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r122" id="Footnote_r122" href="#FNanchor_r122">[r122]</a></span></td>
+ <td class="tdr">165,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un mchant et horrible.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 70.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r123" id="Footnote_r123" href="#FNanchor_r123">[r123]</a></span></td>
+ <td class="tdr">165,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>La femme du docteur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 150.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r124" id="Footnote_r124" href="#FNanchor_r124">[r124]</a></span></td>
+ <td class="tdr">166,</td>
+ <td class="tdr">2.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur exhortait sa femme.</i>&mdash;<i>Ibid.</i></td>
+
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r125" id="Footnote_r125" href="#FNanchor_r125">[r125]</a></span></td>
+ <td class="tdr">166,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le pater noster.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 135.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r126" id="Footnote_r126" href="#FNanchor_r126">[r126]</a></span></td>
+ <td class="tdr">166,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>J'aime ma Catherine.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 140.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r127" id="Footnote_r127" href="#FNanchor_r127">[r127]</a></span></td>
+ <td class="tdr">169,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Une jeune fille.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 92, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r128" id="Footnote_r128" href="#FNanchor_r128">[r128]</a></span></td>
+ <td class="tdr">169,</td>
+ <td class="tdr">9.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un pasteur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 208.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r129" id="Footnote_r129" href="#FNanchor_r129">[r129]</a></span></td>
+ <td class="tdr">172,</td>
+ <td class="tdr">5.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il y a des lieux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 212.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r130" id="Footnote_r130" href="#FNanchor_r130">[r130]</a></span></td>
+ <td class="tdr">172,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un jour de grand orage.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 219.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r131" id="Footnote_r131" href="#FNanchor_r131">[r131]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Suivent deux histoires.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 214.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r132" id="Footnote_r132" href="#FNanchor_r132">[r132]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">11.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable promne.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 213.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r133" id="Footnote_r133" href="#FNanchor_r133">[r133]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Aux Pays-Bas et en Saxe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 221.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r134" id="Footnote_r134" href="#FNanchor_r134">[r134]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les moines conduisaient.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 222.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r135" id="Footnote_r135" href="#FNanchor_r135">[r135]</a></span></td>
+ <td class="tdr">173,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>On racontait table.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 205.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r136" id="Footnote_r136" href="#FNanchor_r136">[r136]</a></span></td>
+ <td class="tdr">174,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un vieux cur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 205.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r137" id="Footnote_r137" href="#FNanchor_r137">[r137]</a></span></td>
+ <td class="tdr">175,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Une autre fois, Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 205.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r138" id="Footnote_r138" href="#FNanchor_r138">[r138]</a></span></td>
+ <td class="tdr">176,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il y avait Erfurth.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 215.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r139" id="Footnote_r139" href="#FNanchor_r139">[r139]</a></span></td>
+ <td class="tdr">177,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Luc Gauric.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 216.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r140" id="Footnote_r140" href="#FNanchor_r140">[r140]</a></span></td>
+ <td class="tdr">177,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable peut se changer.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 216.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r141" id="Footnote_r141" href="#FNanchor_r141">[r141]</a></span></td>
+ <td class="tdr">182,</td>
+ <td class="tdr">9.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le docteur Luther devenu plus g.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 222.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r142" id="Footnote_r142" href="#FNanchor_r142">[r142]</a></span></td>
+ <td class="tdr">182,</td>
+ <td class="tdr">16.</td>
+ <td class="tdl"><i>Cela m'est arriv.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 220.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_360">360</span><span class="label"><a name="Footnote_r143" id="Footnote_r143" href="#FNanchor_r143">[r143]</a></span></td>
+ <td class="tdr">182,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je sais, grce Dieu.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 224.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r144" id="Footnote_r144" href="#FNanchor_r144">[r144]</a></span></td>
+ <td class="tdr">183,</td>
+ <td class="tdr">9.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Diable n'est pas.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 202.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r145" id="Footnote_r145" href="#FNanchor_r145">[r145]</a></span></td>
+ <td class="tdr">183,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Au mois de janvier 1532.</i>&mdash;Ukert, t. I, 320.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r146" id="Footnote_r146" href="#FNanchor_r146">[r146]</a></span></td>
+ <td class="tdr">184,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Ma maladie qui consiste.</i>&mdash;Tischreden, 210.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r147" id="Footnote_r147" href="#FNanchor_r147">[r147]</a></span></td>
+ <td class="tdr">184,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1536, il maria.</i>&mdash;Ukert, t. I, 322.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r148" id="Footnote_r148" href="#FNanchor_r148">[r148]</a></span></td>
+ <td class="tdr">184,</td>
+ <td class="tdr">20.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pendant que le docteur Luther.</i>&mdash;Tischreden, 229.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r149" id="Footnote_r149" href="#FNanchor_r149">[r149]</a></span></td>
+ <td class="tdr">185,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quand le diable me trouve.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 8.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r150" id="Footnote_r150" href="#FNanchor_r150">[r150]</a></span></td>
+ <td class="tdr">186,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>La nuit, quand je me rveille.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 218.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r151" id="Footnote_r151" href="#FNanchor_r151">[r151]</a></span></td>
+ <td class="tdr">186,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Aujourd'hui comme je.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 220.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r152" id="Footnote_r152" href="#FNanchor_r152">[r152]</a></span></td>
+ <td class="tdr">186,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un jour que l'on parlait souper.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 12.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r153" id="Footnote_r153" href="#FNanchor_r153">[r153]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable me fait regarder.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 220.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r154" id="Footnote_r154" href="#FNanchor_r154">[r154]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le diable nous a jur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 362.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r155" id="Footnote_r155" href="#FNanchor_r155">[r155]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>La tentation de la chair.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 318.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r156" id="Footnote_r156" href="#FNanchor_r156">[r156]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si je tombe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 226.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r157" id="Footnote_r157" href="#FNanchor_r157">[r157]</a></span></td>
+ <td class="tdr">187,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le grain d'orge a bien souffrir.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 216.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r158" id="Footnote_r158" href="#FNanchor_r158">[r158]</a></span></td>
+ <td class="tdr">188,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quand le diable vient.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 227.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r159" id="Footnote_r159" href="#FNanchor_r159">[r159]</a></span></td>
+ <td class="tdr">189,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>On peut consoler.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 231.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r160" id="Footnote_r160" href="#FNanchor_r160">[r160]</a></span></td>
+ <td class="tdr">189,</td>
+ <td class="tdr">10.</td>
+ <td class="tdl"><i>La meilleure mdecine.</i>&mdash;<ins id="cor_14" title="manque dans l'original"><i>Ibid.</i></ins> 238.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r161" id="Footnote_r161" href="#FNanchor_r161">[r161]</a></span></td>
+ <td class="tdr">189,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Prface du docteur.</i>&mdash;Luth. Werke, t. II, 1.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_361">361</span><span class="label"><a name="Footnote_r162" id="Footnote_r162" href="#FNanchor_r162">[r162]</a></span></td>
+ <td class="tdr">200,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le mal de dents.</i>&mdash;Tischreden, 356.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r163" id="Footnote_r163" href="#FNanchor_r163">[r163]</a></span></td>
+ <td class="tdr">200,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un homme se plaignait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 357.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r164" id="Footnote_r164" href="#FNanchor_r164">[r164]</a></span></td>
+ <td class="tdr">201,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>Aprs avoir prch.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 362.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r165" id="Footnote_r165" href="#FNanchor_r165">[r165]</a></span></td>
+ <td class="tdr">203,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si j'avais su.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 6.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r166" id="Footnote_r166" href="#FNanchor_r166">[r166]</a></span></td>
+ <td class="tdr">203,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>On disait une fois.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 5.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r167" id="Footnote_r167" href="#FNanchor_r167">[r167]</a></span></td>
+ <td class="tdr">203,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>On disait un jour.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 5, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r168" id="Footnote_r168" href="#FNanchor_r168">[r168]</a></span></td>
+ <td class="tdr">204,</td>
+ <td class="tdr">13.</td>
+ <td class="tdl"><i>C'est vous qui.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 195, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r169" id="Footnote_r169" href="#FNanchor_r169">[r169]</a></span></td>
+ <td class="tdr">204,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il sortit un jour.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 189, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r170" id="Footnote_r170" href="#FNanchor_r170">[r170]</a></span></td>
+ <td class="tdr">204,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le 16 fvrier.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 414.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r171" id="Footnote_r171" href="#FNanchor_r171">[r171]</a></span></td>
+ <td class="tdr">204,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le chancelier du comte.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 19.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r172" id="Footnote_r172" href="#FNanchor_r172">[r172]</a></span></td>
+ <td class="tdr">205,</td>
+ <td class="tdr">16.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dieu a un beau jeu.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 32, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r173" id="Footnote_r173" href="#FNanchor_r173">[r173]</a></span></td>
+ <td class="tdr">205,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le monde.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 448, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r174" id="Footnote_r174" href="#FNanchor_r174">[r174]</a></span></td>
+ <td class="tdr">205,</td>
+ <td class="tdr">26.</td>
+ <td class="tdl"><i>Luther.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 449.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r175" id="Footnote_r175" href="#FNanchor_r175">[r175]</a></span></td>
+ <td class="tdr">206,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un des convives.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 295.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r176" id="Footnote_r176" href="#FNanchor_r176">[r176]</a></span></td>
+ <td class="tdr">206,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><ins title="Il faut sans doute lire Il fera si mauvais"><i>Il sera si mauvais sujet</i></ins>.&mdash;<ins id="cor_15" title="manque dans l'original"><i>Ibid.</i></ins> 15.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r177" id="Footnote_r177" href="#FNanchor_r177">[r177]</a></span></td>
+ <td class="tdr">207,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>On parlait table.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 304. verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r178" id="Footnote_r178" href="#FNanchor_r178">[r178]</a></span></td>
+ <td class="tdr">207,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Pauvres gens.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 46.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r179" id="Footnote_r179" href="#FNanchor_r179">[r179]</a></span></td>
+ <td class="tdr">210,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je l'ai dit d'avance.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 416.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r180" id="Footnote_r180" href="#FNanchor_r180">[r180]</a></span></td>
+ <td class="tdr">211,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>La vieille lectrice.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 361-2.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r181" id="Footnote_r181" href="#FNanchor_r181">[r181]</a></span></td>
+ <td class="tdr">211,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je voudrais.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 147.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r182" id="Footnote_r182" href="#FNanchor_r182">[r182]</a></span></td>
+ <td class="tdr">211,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>16 fvrier 1546.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 362.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r183" id="Footnote_r183" href="#FNanchor_r183">[r183]</a></span></td>
+ <td class="tdr">211,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Impromptu de Luther sur la fragilit.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 358.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r184" id="Footnote_r184" href="#FNanchor_r184">[r184]</a></span></td>
+ <td class="tdr">212,</td>
+ <td class="tdr">19.</td>
+ <td class="tdl"><i>Prdiction du Rvrend.</i>&mdash;Opera latina, Iena, 1612, I<sup>er</sup>
+ vol. aprs la table des matires.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r185" id="Footnote_r185" href="#FNanchor_r185">[r185]</a></span></td>
+ <td class="tdr">303,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il n'y a jamais eu.</i>&mdash;Tischreden, 243.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_362">362</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r186" id="Footnote_r186" href="#FNanchor_r186">[r186]</a></span></td>
+ <td class="tdr">304,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Pape Jules II<sup>e</sup> du nom.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 242.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r187" id="Footnote_r187" href="#FNanchor_r187">[r187]</a></span></td>
+ <td class="tdr">304,</td>
+ <td class="tdr">12.</td>
+ <td class="tdl"><i>Si j'avais t.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 243.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r188" id="Footnote_r188" href="#FNanchor_r188">[r188]</a></span></td>
+ <td class="tdr">304,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Pape Jules II, un homme.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 269.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r189" id="Footnote_r189" href="#FNanchor_r189">[r189]</a></span></td>
+ <td class="tdr">304,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'an 1532.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 341.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r190" id="Footnote_r190" href="#FNanchor_r190">[r190]</a></span></td>
+ <td class="tdr">305,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lorsque ceux de Bruges.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 448.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r191" id="Footnote_r191" href="#FNanchor_r191">[r191]</a></span></td>
+ <td class="tdr">305,</td>
+ <td class="tdr">27.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'empereur Maximilien.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 343.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r192" id="Footnote_r192" href="#FNanchor_r192">[r192]</a></span></td>
+ <td class="tdr">305,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>On dit que.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 184, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r193" id="Footnote_r193" href="#FNanchor_r193">[r193]</a></span></td>
+ <td class="tdr">306,</td>
+ <td class="tdr">22.</td>
+ <td class="tdl"><i>Aprs l'lection.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 53.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r194" id="Footnote_r194" href="#FNanchor_r194">[r194]</a></span></td>
+ <td class="tdr">307,</td>
+ <td class="tdr">5.</td>
+ <td class="tdl"><i>La nouvelle vint.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 349.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r195" id="Footnote_r195" href="#FNanchor_r195">[r195]</a></span></td>
+ <td class="tdr">307,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>Les rois de France.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 349, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r196" id="Footnote_r196" href="#FNanchor_r196">[r196]</a></span></td>
+ <td class="tdr">309,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Sept universits.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 348.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r197" id="Footnote_r197" href="#FNanchor_r197">[r197]</a></span></td>
+ <td class="tdr">309,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quelques-uns qui avaient.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 348, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r198" id="Footnote_r198" href="#FNanchor_r198">[r198]</a></span></td>
+ <td class="tdr">310,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le duc Georges.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 265.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r199" id="Footnote_r199" href="#FNanchor_r199">[r199]</a></span></td>
+ <td class="tdr">310,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lorsque le duc George dclara.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 156.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r200" id="Footnote_r200" href="#FNanchor_r200">[r200]</a></span></td>
+ <td class="tdr">310,</td>
+ <td class="tdr">17.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le duc George a suc.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 313, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r201" id="Footnote_r201" href="#FNanchor_r201">[r201]</a></span></td>
+ <td class="tdr">310,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lorsque le duc George voyait.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 142, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r202" id="Footnote_r202" href="#FNanchor_r202">[r202]</a></span></td>
+ <td class="tdr">312,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'lecteur Frdric.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 451, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r203" id="Footnote_r203" href="#FNanchor_r203">[r203]</a></span></td>
+ <td class="tdr">313,</td>
+ <td class="tdr">3.</td>
+ <td class="tdl"><i>En 1525.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 152.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r204" id="Footnote_r204" href="#FNanchor_r204">[r204]</a></span></td>
+ <td class="tdr">314,</td>
+ <td class="tdr">8.</td>
+ <td class="tdl"><i>On dit que l'empereur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 353.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r205" id="Footnote_r205" href="#FNanchor_r205">[r205]</a></span></td>
+ <td class="tdr">315,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Quoique le docteur Jonas.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 354.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="pagenum" id="Page_363">363</span>
+ <span class="label"><a name="Footnote_r206" id="Footnote_r206" href="#FNanchor_r206">[r206]</a></span></td>
+ <td class="tdr">317,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Aprs la dite.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 156.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r207" id="Footnote_r207" href="#FNanchor_r207">[r207]</a></span></td>
+ <td class="tdr">319,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>En Italie les hpitaux.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 145.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r208" id="Footnote_r208" href="#FNanchor_r208">[r208]</a></span></td>
+ <td class="tdr">320,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je ne manque point.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 424.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r209" id="Footnote_r209" href="#FNanchor_r209">[r209]</a></span></td>
+ <td class="tdr">320,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>En Italie et en France.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 281, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r210" id="Footnote_r210" href="#FNanchor_r210">[r210]</a></span></td>
+ <td class="tdr">320,</td>
+ <td class="tdr">18.</td>
+ <td class="tdl"><i>En France.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 271, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r211" id="Footnote_r211" href="#FNanchor_r211">[r211]</a></span></td>
+ <td class="tdr">320,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>Lorsque je vis Rome.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 442.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r212" id="Footnote_r212" href="#FNanchor_r212">[r212]</a></span></td>
+ <td class="tdr">322,</td>
+ <td class="tdr">1.</td>
+ <td class="tdl"><i>Il y avait en Italie.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 269, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r213" id="Footnote_r213" href="#FNanchor_r213">[r213]</a></span></td>
+ <td class="tdr">322,</td>
+ <td class="tdr">6.</td>
+ <td class="tdl"><i>Un soir la table.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 442, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r214" id="Footnote_r214" href="#FNanchor_r214">[r214]</a></span></td>
+ <td class="tdr">322,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Christoff Gross.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 441, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r215" id="Footnote_r215" href="#FNanchor_r215">[r215]</a></span></td>
+ <td class="tdr">323,</td>
+ <td class="tdr">4.</td>
+ <td class="tdl"><i>La peste rgne toujours.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 440, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r216" id="Footnote_r216" href="#FNanchor_r216">[r216]</a></span></td>
+ <td class="tdr">324,</td>
+ <td class="tdr">21.</td>
+ <td class="tdl"><i>Dans mon voyage.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 166.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r217" id="Footnote_r217" href="#FNanchor_r217">[r217]</a></span></td>
+ <td class="tdr">324,</td>
+ <td class="tdr">25.</td>
+ <td class="tdl"><i>George Siegeler.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 184.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r218" id="Footnote_r218" href="#FNanchor_r218">[r218]</a></span></td>
+ <td class="tdr">325,</td>
+ <td class="tdr">5.</td>
+ <td class="tdl"><i>La Thuringe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 62.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r219" id="Footnote_r219" href="#FNanchor_r219">[r219]</a></span></td>
+ <td class="tdr">325,</td>
+ <td class="tdr">14.</td>
+ <td class="tdl"><i>L'lectorat de Saxe.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 269.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r220" id="Footnote_r220" href="#FNanchor_r220">[r220]</a></span></td>
+ <td class="tdr">325,</td>
+ <td class="tdr">24.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le vieil lecteur.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 61, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r221" id="Footnote_r221" href="#FNanchor_r221">[r221]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">&nbsp;</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Turc ira Rome.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 432.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r222" id="Footnote_r222" href="#FNanchor_r222">[r222]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">7.</td>
+ <td class="tdl"><i>Le Christ a sauv.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 432.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r223" id="Footnote_r223" href="#FNanchor_r223">[r223]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">15.</td>
+ <td class="tdl"><i>Qui m'et dit.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 436.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r224" id="Footnote_r224" href="#FNanchor_r224">[r224]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">23.</td>
+ <td class="tdl"><i>Je ne compte point.</i>&mdash;<i>Ibid.</i> 436, verso.</td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdr"><span class="label"><a name="Footnote_r225" id="Footnote_r225" href="#FNanchor_r225">[r225]</a></span></td>
+ <td class="tdr">329,</td>
+ <td class="tdr">27.</td>
+ <td class="tdl"><i>Luther dit qu'aprs.</i> Luth. Werke,.&mdash;<i>Ibid.</i> t. II. 402.</td>
+</tr>
+</table>
+
+<p class="sep3 t4 cent">FIN DU TOME <ins id="cor_16" title="Il faut sans doute lire DEUXIME">TROISIME</ins>.</p>
+
+<hr class="duo" />
+
+<h2 id="toc">TABLE<br />
+DU <ins title="Il faut sans doute lire DEUXIME">TROISIME</ins> VOLUME.</h2>
+
+<div class="figcenter">
+<img src="images/filet60.jpg" width="60" height="4" alt="" title="" />
+</div>
+
+<table class="tabmat" summary="Livre II">
+<tr>
+ <td class="tdc"><span class="smcap">Livre III.</span>&mdash;1529-1546</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_1">1</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> 1<sup>er</sup>. 1529-1532. Les Turcs.&mdash;Danger
+de l'Allemagne.&mdash;Augsbourg,
+Smalkalde.&mdash;Danger du protestantisme.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_1">1</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> II. 1534-1536. Anabaptistes de
+Mnster.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_28">28</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> III. 1536-1545. Dernires annes
+de la vie de Luther.&mdash;Polygamie du
+landgrave de Hesse, etc.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_56">56</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdc"><span class="smcap">Livre IV.</span>&mdash;1530-1546.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_71">71</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> 1<sup>er</sup>. Conversations de Luther.&mdash;La
+ famille, la femme, les enfans.&mdash;La nature.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_71">71</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> II. La Bible.&mdash;Les Pres.&mdash;Les
+ scolastiques.&mdash;Le pape. Les conciles.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_85">85</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> III. Des coles et universits et des
+arts libraux.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_100">100</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> IV. Drames.&mdash;Musique.&mdash;Astrologie.&mdash;Imprimerie.&mdash;Banque,
+etc.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_114">114</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="pagenum" id="Page_366">366</span>
+ <span class="smcap">Chap.</span> V. De la prdication.&mdash;Style de
+Luther.&mdash;Il avoue la violence de son
+caractre.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_123">123</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdc"><span class="smcap">Livre V.</span>&mdash;<span class="smcap">Chap.</span> 1<sup>er</sup>. Mort du pre de Luther, de
+sa fille, etc.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_131">131</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> II. De l'quit, de la Loi.&mdash;Opposition
+du thologien et du juriste.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_138">138</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> III. La foi; la loi.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_144">144</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> IV. Des novateurs.&mdash;Mystiques, etc.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_152">152</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> V.
+ Tentations.&mdash;Regrets et doutes des amis, de la femme;
+ doutes de Luther lui-mme.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_163">163</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> VI. Le diable.&mdash;Tentations.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_168">168</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp"><span class="smcap">Chap.</span> VII. Maladies.&mdash;Dsir de la mort
+et du jugement.&mdash;Mort, 1546.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_200">200</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp">Additions et claircissemens.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_223">223</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp">Notes.</td>
+ <td class="tds"><a href="#notes">352</a></td>
+</tr>
+<tr>
+ <td class="tdp">Renvois.</td>
+ <td class="tds"><a href="#Page_353">353</a></td>
+</tr>
+</table>
+
+<p class="sep3 t4 cent">FIN DE LA TABLE DU TOME <ins title="Il faut sans doute lire DEUXIME">TROISIME</ins>.</p>
+
+<hr class="duo" />
+
+<h2 id="Page_367">ERRATA.</h2>
+
+<p class="hang"><a href="#err_1">Page 2</a>, ligne 12, au lieu de <i>regardent</i>, lisez <i>regardant</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_2">Page 9</a>, ligne 21, au lieu de <i>le mieux</i>, lisez <i>mieux</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_3">Page 58</a>, ligne 28, au lieu de <i>thologien</i>, lisez <i>thologiens</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_4">Page 252</a>, ligne 17, au lieu de <i>digamie</i>, lisez <i>bigamie</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_5">Page 282</a>, ligne 15, au lieu de <i>occurences</i>, lisez <i>occurrences</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_6">Page 287</a>, ligne 10, au lieu de <i>heureux la mre</i>, lisez <i>heureuse la mre</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_7">Page 308</a>, ligne 10, au lieu de <i>de Pavie</i>, lisez <i> Pavie</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_8">Page 316</a>, ligne 1, au lieu de <i>a t</i>, lisez <i>'a t</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_9">Page 317</a>, ligne 20, au lieu de <i>parle parle</i>, lisez <i>parle</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_10">Page 327</a>, ligne 22, au lieu de <i>demandez</i>, lisez <i>demander</i>.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#err_11">Page 328</a>, ligne 13, au lieu de <i>ambarras</i>, lisez <i>embarras</i>.</p>
+
+<hr class="duo" />
+
+<div class="npage">
+
+<div class="box sep4">
+<p class="sansrf" id="au_lecteur">Au lecteur.</p>
+
+<p>Ce livre lectronique reproduit intgralement le texte original. Les
+erreurs signales par l'auteur (voir <a href="#Page_367">Errata</a>)
+ont t corriges. Elles sont indiques par (Err.) Quelques erreurs
+typographiques ont galement t corriges; la liste de ces
+corrections se trouve ci-dessous. La ponctuation a t tacitement
+corrige par endroits.</p>
+
+<p>Les <a href="#notes">notes</a> de bas de page ont t
+renumrotes de 1 11 et regroupes la fin du livre. Les
+<a href="#Page_223">Additions et claircissemens</a> ont t numrots
+de a1 a79. Les <a href="#Page_353">Renvois</a> ont t numrots
+de r1 r225. Additions et renvois ont t signals dans le texte.</p>
+
+<p class="sansrf sep2">Corrections.</p>
+
+<p class="hang">Pages <a href="#cor_01">3</a>, <a href="#cor_02">353</a>, <a href="#cor_03">355</a>: Cochl&oelig;us remplac par Cochlus.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_1">Page 28</a>: compagnonage remplac par
+compagnonnage (Le mystique compagnonnage allemand).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_2">Page 36</a>: dor par d'or (trente et un chevaux couverts de draps d'or).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_3">Page 37</a>: cent par cents (prs de quatre mille deux cents).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_4">Page 75</a>: de de par de (Ne vous scandalisez pas de me voir).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_5">Page 139</a>: barette par barrette
+(doit ter sa barrette devant la thologie).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_6">Page 209</a>: rassassi remplac par rassasi
+(On est rassasi de la parole de Dieu).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_7">Page 222</a>: sufffire par suffire (que nous ayons pu y suffire).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_8">Page 258</a>: deux par d'eux (Que l'un d'eux avait commis un meurtre).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_9">Page 315</a>: pomptement par promptement (il excute promptement).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_11">Page 339</a>: Brandbourg par Brandebourg
+(rcemment introduite dans le Brandebourg).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_12">Page 340</a>: tintamare par tintamarre (avec chant et tintamarre).</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_13">Page 353</a> RENVOIS DU TOME TROISIME: il faut
+sans doute lire RENVOIS DU TOME DEUXIME.</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_14">Page 360</a> (renvoi n 160): ajout _Ibid._</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_15">Page 361</a> (renvoi n 176): au lieu de
+Il sera si mauvais il faut sans doute lire Il fera si mauvais;
+ajout _Ibid._</p>
+
+<p class="hang"><a href="#cor_16">Page 366</a> Table des matires: au lieu de TROISIME
+VOLUME et TOME TROISIME il faut sans doute lire DEUXIME VOLUME
+et TOME DEUXIME.</p>
+
+</div></div>
+
+<hr class="full" />
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Mmoires De Luther crits Par Lui-Mme, by
+Martin Luther and Jules Michelet
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MMOIRES DE LUTHER ***
+
+***** This file should be named 44617-h.htm or 44617-h.zip *****
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+
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+de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
+
+
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+
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+
+
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+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
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+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
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+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
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+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
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+1.F.
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+is also defective, you may demand a refund in writing without further
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+
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+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
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+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
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+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
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+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
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+
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+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation information page at www.gutenberg.org
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at 809
+North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email
+contact links and up to date contact information can be found at the
+Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit www.gutenberg.org/donate
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+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For forty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
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+ www.gutenberg.org
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+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
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